Fondation Universitaire Paul-Cézanne Savoirs, Métiers et Territoires Eruption volcanique en Islande PIERRE ROCHETTE : « IL FAUT RELATIVISER » L’Islande a déjà connu de nombreuses éruptions volcaniques similaires à celle de l’Eyjafjöll qui paralyse actuellement l’espace aérien du nord de l’Europe. La dernière fois que ce même volcan avait fait éruption, en 1821, cela avait duré un an. Cette année-là, comme la fois précédente en 1612, son voisin, le Katla, s'était lui aussi réveillé dans la foulée… En 1783, l'éruption volcanique du Laki, déjà en Islande, avait duré un an et plongé l'Europe dans un chaos terrible (le dioxyde sulfuride présent dans le nuage avait entraîné de profonds troubles respiratoires chez les sujets les plus faibles, une hausse de la mortalité avait été notée ; le soleil, masqué par les poussières avait perturbé le cycle normal de la nature, avancé l'arrivée de l'hiver, provoquant au redoux des inondations, entraînant des famines, etc.) Mais que s'est-il passé cette fois-ci ? Que craignons-nous ? Explications de Pierre Rochette, géophysicien au CEREGE - Université Paul-Cézanne. Que s'est-il passé exactement ? La problématique est-elle géologique ou chimique ? L'Islande est une des zones volcaniques les plus actives de la planète, avec une origine et un type de lave similaire aux volcans de la Réunion et d'Hawaï, formant ce qu'on appelle des basaltes de point chaud. Plus près de nous les plus de cinquante ans se rappellent surement l'ensevelissement du village islandais d'Hemaey sous les cendres en 1973, ou l'apparition d'une nouvelle île, Surtsey, construite par un volcan en 1963 au sud de l'Islande. Ce qui rend souvent les éruptions islandaises plus violentes que celles de la Réunion c'est la présence de glace en surface et d'eau dans le sous-sol, qui, au contact du magma, génère des explosions et une grande quantité de cendres siliceuses. Ces éruptions sont tout de même moins violentes que celle des volcans de subduction (Andes, Indonésie, Antilles, plus près de nous Vésuve) qui eux sont souvent meurtriers. De quoi est constitué le nuage ? Est-ce sa constitution qui empêche les avions de voler ? Quel risque pour la santé ? Le nuage est d'abord constitué de vapeur d'eau, mélangée à de fines échardes de verre siliceux, le magma pulvérisé. Ces particules sont fines (quelques centièmes de millimètres) et volent un peu comme des feuilles, ce qui leur permet de voyager des milliers de km avec les vents (en fonction de leur altitude atteinte au-dessus du volcan), ce sont ces particules qui lorsqu'elles sont "ingérées" en très grande quantité par les réacteurs, peuvent provoquer des incidents moteur. Cependant il faut relativiser, seulement deux incident aériens sérieux sont connus, avec des avions passés à proximité de volcans de subduction en éruption (Indonésie et Alaska), donc avec des quantités de cendres par mètre cube d'air énormément plus fortes que ce que l'on peut attendre a des milliers de km de l'Islande. Les cendres lorsqu'elles retombent près du sol peuvent être inhalées et irriter les voies respiratoires. Cela peut être sérieux pour les habitants proches des volcans mais assez négligeable à mon avis hors de l'Islande orientale. Il faut se rendre compte que la quantité de cendres islandaises qui retombent maintenant sur la France est négligeable par rapport aux poussières locales naturelles (pollens, argiles des sols..) et surtout artificielles en particulier pour les citadins. Les volcans émettent aussi une grande quantité de gaz en particulier sulfureux, qui peuvent participer aux problèmes de santé. La fameuse éruption du Laki, qui a causé la mort de la moitié de la population islandaise, avait dégagé une grande quantité d'acide sulfurique, qui retombé sur les pâturages avait causé la mort du cheptel et donc la famine. Ces gaz sont irritants pour les yeux et les voies respiratoires (la encore peu à coté de la pollution atmosphérique à laquelle nous sommes trop souvent exposés). Peut-on prévoir ce phénomène ? Les éruptions volcaniques se produisent en des endroits bien précis, déjà connus et surveillés par les scientifiques. Il est probable que l'éruption islandaise ait été prévue quelques mois ou semaines à l'avance par les volcanologues islandais, mais ils n'en avaient peut-être pas prévu l'intensité en terme d'émission de cendres. Une fois le panache de cendres établi, les météorologues peuvent très précisément prévoir à l'échelle de quelques jours la diffusion de ce panache et son trajet. Il est en revanche beaucoup plus difficile de prévoir quand l'éruption s'arrêtera. Les bruits quant à une réaction en chaîne provoquant d'autres éruptions en Islande sont infondés, même si la Terre est libre de libérer son énergie où et quand elle l'entend! Le climat peut-il être perturbé ? Ce sont les gaz sulfurés (et aussi carbonique) qui expliquent aussi les perturbations climatiques à grande distance (d'abord un refroidissement) causées par les grandes éruptions volcaniques. Pour l'instant l'éruption islandaise n'est pas si exceptionnelle (comparée à celle du Pinatubo, en 1991, par exemple, qui a refroidi la planète d'un demi degré dans l'année suivant l'éruption) et il est trop tôt pour évaluer si elle aura un effet climatique notable et s'il faut déjà faire des réserves de bois pour le prochain hiver! « Ces gaz sont irritants mais peu à côté de la pollution atmosphérique à laquelle nous sommes exposés » Pierre Rochette Université Paul-Cézanne/CNRS Photo Emmanuel Perrin Propos recueillis par Stéphanie VAREILLES Université Paul-Cézanne Tél. 04 42 17 27 91/06 17 96 49 32