Question de point de vue L’accès aux soins de santé… Plus facile à dire qu’à faire ! Rue de Gembloux, 48 - 5002 Saint-Servais Tél : 081/73.40.86 - Fax : 081/74.28.33 [email protected] Cette analyse est téléchargeable sur : www.equipespopulaires.be Avec le soutien de Par Raymond Lepère, Secrétaire fédéral de la régionale luxembourgeoise des Equipes Populaires La santé n’a pas de prix… mais elle a un coût ! Et ce coût pour le patient représente 27 % des dépenses de l’INAMI, soit en moyenne 800 euros par an et par habitant. Les factures d’hôpital y prennent une part importante, mais d’autres dépenses moins spectaculaires grèvent parfois le budget des ménages à faibles revenus ou qui n’ont pas facilement accès à l’information. Pourtant, de nombreux mécanismes d’intervention dans les frais médicaux existent en Belgique. Un groupe de citoyens s’est penché sur les avantages, les inconvénients et les améliorations possibles à y apporter pour garantir l’accès de tous aux soins de santé de qualité. Au-delà de l’enjeu commercial de vente d’assurance, les résultats de l’enquête rejoignaient dans les grandes lignes les conclusions de l’Observatoire de la santé et du social de la région bruxelloise. Evolution de l'accès aux soins de santé En novembre 2007, l’assureur DKV nous faisait part d’une triste réalité : 1 Belge sur 4 a des difficultés à assumer ses soins de santé et 1 sur 10 a reporté des soins nécessaires, faute de pouvoir les payer. Les conclusions de l’époque étaient déjà sans appel. L’inégalité sociale en matière de soins de santé était de plus en plus marquée. L’accès réduit à la médecine préventive, très utile en matière de prévention de maladies chroniques ou le dépistage précoce, était quasiment inexistant pour une frange importante de la population. À cette époque, le montant par habitant restant à charge du patient après intervention des mutuelles s’élevait à 650 € (6,5 milliards €) par an. 1 Des disparités régionales En janvier 2010, Test-Achats remettait le couvert en sortant son étude sur le poids des frais (après remboursement) des soins de santé. 30 % des Belges déclaraient (soit 1,4 million de familles) avoir rencontré, au moins à un moment, des difficultés pour assumer financièrement les soins essentiels à leur famille. 60 51 50 39 40 30 Suivant cette même enquête, en 2009, 8% des ménages ont arrêté un traitement en cours, 26% l’ont reporté et 9% n’ont même pas envisagé de le commencer. 23 20 10 26 30 0 Difficultés de se faire soigner 20 10 9 8 Flandre Bruxelles Wallonie 0 Traitement Arrêt du traitement En avril 2011, Médecins du Monde tire la sonnette d’alarme sur l’apparition de « nouvelles poches d’exclusion » concernant l’accès aux soins de santé. Selon l’ONG (Organisation Non Gouvernementale), il manquerait un cadre cohérent concernant l’assurance maladie pour les ressortissants européens. Nous sommes pourtant dans un système de libre circulation des biens et des personnes au sein de l’UE. Pour les ressortissants non-UE, le problème se corserait encore entre l’accueil par FEDASIL et les CPAS qui se renverraient la balle à propos de l’aide à apporter aux personnes en matière de soins de santé. Manque de place d’un côté et manque de prise en charge de l’autre. Pour compliquer encore un peu l’accès, suivant Médecins du Monde, 85 % de leur public serait mal logé ou sans-abri et cumulerait ainsi des vulnérabilités à Report du traitement Inaccessibilité du traitement La moyenne des dépenses s’élèverait, toujours suivant Test-Achats, à 1.052€ par ménage (après l’ensemble des remboursements par les mutuelles et assurances hospitalisation). La fourchette de variation allant de 738€ pour les plus « chanceux », jusqu’à 1.853€ pour les familles où un membre souffre d’une maladie chronique. En plus des différences socio-économiques d’une famille à l’autre, les disparités géographiques renforcent cette discrimination… 2 La reconnaissance des BIM1 (ex. : VIPO2), et la création depuis quelque temps du statut d’OMNIO3 venant renforcer et élargir la population ayant droit à des « réductions » de frais sont incontestablement une mesure sociale plus qu’indispensable. Cependant, malgré l’instauration d’un fichier des ayants droit, les témoignages des personnes de terrain démontrent que beaucoup n’apparaissent pas dans ledit fichier alors qu’elles auraient le droit de prétendre au statut. plusieurs facettes : Vulnérabilités sociales (analphabétisation, langue, isolement, méconnaissance des droits…) Vulnérabilités médicales (risque de complication médicale, groupe à risque pour certaines maladies…) Vulnérabilités psychologiques (dépendance, isolement, parcours migratoire et les séquelles qui en résultent, rapport différent à la santé mentale, pathologies spécifiques…) De plus, comme le souligne Médecins du Monde, le système est inapplicable aux Sans Domicile Fixe et aux personnes qui (pour toutes sortes de raisons) déménagent régulièrement. Un groupe en action Si une partie de la population (VIPO) est bien identifiée, beaucoup de personnes pouvant faire partie de l’OMNIO n’en sont pas informées ou ne maîtrisent que partiellement les démarches à entreprendre pour activer cette reconnaissance. En effet, sous certaines conditions de revenus, les bénéficiaires d’une allocation de chauffage, les familles monoparentales, les chômeurs complets de longue durée pourraient prétendre être reconnus comme OMNIO et bénéficier, de ce fait, de réductions importantes sur les soins de santé. Or, une personne informée est toujours mieux protégée ! Depuis le début de cette année, deux groupes de citoyens de la province du Luxembourg, l’un des Equipes Populaires et l’autre de Vie Féminine se sont penchés ensemble sur l’accès aux soins de santé dans notre pays. Ce document reprend dans les grandes lignes les résultats de la recherche et de l’analyse que le groupe a réalisées. Mais il n’a pas voulu en rester là. En guise de conclusion et de partage d’expérience, il a réalisé un calendrier 2013 et un site internet sur ces questions. Voir www.masantemonargent.be Le droit des patients Maîtriser son statut Voilà dix ans, la Belgique promulguait une loi sur les droits des patients censée permettre à ces derniers de mieux pouvoir se défendre en matière de santé, d’être mieux pris en compte par le corps médical. Force est de constater qu’après cette décennie d’existence, peu de La Belgique n’est pourtant pas à la traîne concernant les soins de santé. Beaucoup de pays envient notre système de sécurité sociale. Il est vrai qu’une tranche de population est « protégée » des coûts importants relevant de la santé. 3 1 Bénéficiaires de l’Intervention Majorée 2 Veuf Invalide Pensionné Orphelin 3 OMNIO du latin « pour tous » citoyens en connaissent réellement les avantages. Ce début décembre, le Ministère de la Santé publique vient de lancer une campagne de sensibilisation de la population aux avantages que procure cette loi des droits des patients. L’objectif de celui-ci est d’offrir à chaque famille la garantie qu’elle ne devra pas dépenser plus qu’un montant déterminé (plafond) pour ses soins de santé. Si les frais médicaux de la famille atteignent ce montant maximum au cours de l’année, vous êtes entièrement remboursé du reste des frais médicaux. Une loi, c’est une chose, mais la réalité de terrain, c’est autre chose. Aux yeux de la médiatrice francophone MarieNoëlle Verhaegen, « des progrès restent à faire en matière de communication, de contrôle (surtout chez les dentistes) et de clarification du statut des psychologues non visés par la réglementation actuelle. » Il n’a pas fallu attendre l’instauration du dossier médical global pour que les médecins « de famille » gèrent sur le long terme l’état de santé de leurs patients. Le dossier médical global est donc venu stimuler le patient par des effets financiers (30% de réduction sur la partie tiers payant) à choisir un médecin généraliste « référent ». De cette manière, les traitements en sont devenus plus ciblés et mieux équilibrés, car le médecin a pu avoir une meilleure vue d’ensemble de l’état de santé de son patient. L’espoir étant in fine de diminuer la multiplication de la consommation de médicaments et d’actes médicaux. Pour nous, simple citoyen, nous avons eu beaucoup de difficulté à mesurer l’effet positif de cette mesure sur les réelles économies dans le budget de la sécurité sociale. Pour cette dernière, la loi devrait préciser le type d’informations à inclure dans le dossier médical global des patients en fonction des spécialisations des médecins. Le patient a le droit de changer de médecin, d’être informé sur les traitements et la maladie dont il souffre, il doit pouvoir choisir en connaissance de cause (financière aussi) ce qu’il juge le mieux pour lui. Pour cela, il faut qu’un espace de dialogue se crée entre patient et praticien. La réalité de terrain nous montre l’inverse. Les praticiens submergés de travail et de formalités administratives, peu pédagogues et souvent retranchés dans des commentaires techniques mal appropriés n’incitent pas au dialogue. De plus, souvent, l’aspect financier global leur échappe complètement ; le patient doit alors chercher vers qui se tourner pour bien maîtriser le sujet. Le médecin n’est pas en reste, car chaque année, il est rémunéré pour réaliser le suivi. Mais que doit contenir le dossier médical global ? Le contenu n’est pas clairement spécifié dans l’instauration du dossier. Lors de la visite chez un spécialiste ou un médecin de garde par exemple, ces derniers n’ont aucune information reprise dans le dossier. Il nous semble pourtant important, pour poser un diagnostic solide, qu’ils doivent avoir un minimum d’accès à ces informations. Le secret professionnel permettrait au patient d’avoir une garantie sur le contenu du dossier. Le dossier médical global : Quels avantages pour le patient ? Le dossier médical global a vu le jour en 2002 (publié au Moniteur belge le 4 juillet 2002). 4 également les « ressentis » d’injustice entre les assurés. (Pourquoi y a-t-il droit et pas moi ?) Quid de l’application du ticket modérateur ? Pour les médecins À l’heure où l’on parle d’internet et de l’informatisation de beaucoup de secteurs d’activités, le groupe se demande pourquoi l’on ne généralise pas l’application du ticket modérateur chez les médecins. Si ce ticket modérateur n’était pas appliqué dans les pharmacies, imaginez que vous deviez payer le prix plein et vous faire rembourser ensuite par votre mutuelle ? C'est devenu impensable ! Cela les obligerait à s’équiper d’un appareil de lecture de la carte SIS. Ils devraient également mieux expliquer les tarifs qu’ils pratiquent. Ils devraient peut-être attendre l’argent quelques jours de plus. Quoiqu’à partir du moment où le système est « rodé », les payements informatiques sont des solutions rapides. Le système est entièrement fonctionnel pour les pharmacies, il est donc sûr et sans risque. Quels seraient les avantages de la généralisation de l’application du ticket modérateur aux consultations médicales ? Le conventionnement des médecins Normalement, si vous choisissez d’être hospitalisé en chambre commune ou à deux lits, vous n’aurez pas à supporter des frais d’honoraires supplémentaires. Il existe pourtant bien une exception à cette règle. Les médecins qui ont décidé de ne pas suivre les tarifs issus de l’accord médico-mutuelliste (médecin dit non conventionné) peuvent appliquer les suppléments d’honoraires. Les mutuelles ne prennent pas en charge ce type de supplément. Pour le patient Il ne devrait pas engager trop d’argent pour la consultation chez le médecin. Pour la frange la plus démunie de la population, cela permettrait d'engager les dépenses de médicaments avec moins de difficulté. Une personne en détresse financière ne se verrait pas encore obliger d’être catégorisée puisque tout le monde se verrait appliquer la même procédure. Cette fin d’année 2012 sera marquée par une proposition de réforme de l’application des suppléments d’honoraires dans ce cas précis. C’est un bras de fer qui s’engage entre les représentants des médecins et le gouvernement. À la clé, une menace des médecins de ne pas participer aux nouveaux accords entre médecins et mutuelles. Pour les patients, c’est pourtant l’endroit où nos organisations mutuellistes peuvent influer sur un ensemble de points importants pour que l’accès à la médecine de demain ne devienne pas un luxe, mais reste un droit pour tous. Ce fonctionnement permettrait au patient de se rendre directement compte si le médecin suit ou non le conventionnement avec les mutuelles (voir ci-dessous). Pour les mutuelles Cela aurait le mérite de simplifier une grande partie du travail administratif pour identifier les bénéficiaires du tiers payant. Cela réduirait 5 Au-delà de ce blocage, nous demandons que les médecins ne puissent plus pratiquer deux tarifs suivant le moment de la journée. Un exemple concret que nous avons identifié : un dentiste suit le tarif conventionné jusque 17 h et applique le non-conventionnement après cette heure. Même si le médecin affiche cette information dans son cabinet, il reste difficile lors de la prise de rendez-vous par téléphone d’être bien informé sur le tarif qui sera appliqué. De plus, au risque de trouver un rendez-vous reporté aux calendes grecques, le patient a-t-il vraiment le choix ? Le coût de l’éloignement géographique Quand on se retrouve dans une situation de « précarité financière » ou que l’on doit simplement faire attention de ne pas y tomber, se soigner devient parfois un casse-tête. Si de plus on habite en milieu rural et sans moyen de locomotion, cela relève souvent de l’exploit. Petit exemple : Je dois me rendre à la consultation d’un spécialiste à la clinique la plus proche. La distance entre mon domicile et l’hôpital est de 45 km aller (90, aller et retour). Les conventions entre mutuelles et transporteurs ambulanciers. J’ai plusieurs possibilités pour m’y rendre. Les transports en commun si mon rendez-vous tombe dans les heures scolaires. Ce n’est pas un secret, être transporté en ambulance coûte cher. Ce constat est encore plus criant dans les zones rurales. Un service de transport comme la CroixRouge, transport organisé par les mutuelles… Pour essayer de diminuer la facture de transport, une grande partie de nos mutuelles de santé ont passé des accords avec un ensemble de sociétés de transport. Ces sociétés ont accepté de prester le service à prix plancher. Cette mesure est une bonne chose pour le patient, car il sera remboursé au meilleur prix par son organisme assureur. Un taxi ou mieux une solidarité avec un voisin ou un ami. Dans cet exemple, bien souvent, le coût du transport sera plus élevé que le coût de la consultation. De plus les services offrant un transport dit « social» sont de plus en plus obligés d’augmenter leur tarif. En cause, le coût des transports, mais surtout une décision fédérale d’ajuster les tarifs à la hausse. La tendance est de se rapprocher des tarifs du taxi avec le service d’accompagnement en moins. Nous avons constaté que trop peu de gens connaissent le système et que les hôpitaux ne se soucient que très peu de choisir le transporteur en fonction de ce critère. Au-delà du transport, le transport « social » a comme grands avantages d’accompagner le patient dans les différentes démarches qu’il doit faire au sein de l’hôpital, de le guider vers les salles d’attente, d’entretenir le lien social. Cette démarche est bien différente de transporter une personne d’un point à un autre. Nous ne pouvons que vous encourager à vous renseigner auprès de votre mutuelle afin qu’elle vous communique les sociétés qui ont un accord avec elle. 6 a imposé un modèle de plus en plus antimutuelliste (au sens premier du terme) au profit de la libre concurrence… et au détriment des patients les plus faibles. Conclusions : Dans l’ensemble des analyses que nous avons réalisées, le constat est souvent le même. On demande de plus en plus d’investissement et de connaissance de la part des patients. Pour être malade, il faut être un patient… patient! Le nom (n. m.): patient Personne qui fait l'objet d'un examen, d'un traitement médical ou d'une opération chirurgicale. À ne pas confondre avec l’adjectif : patient et ces synonymes « Acharné, assidu, attentif, calme, client, constant, courageux, débonnaire, doux, dur, endurant, flegmatique, impassible, imperturbable, indulgent, infatigable, inlassable, méticuleux, minutieux, obstiné, persévérant, placide, résigné, serein, stoïque, tenace, tolérant » L’accès à l’information est souvent lié au bagage intellectuel. De ce fait, elle n’est pas forcément accessible et compréhensible par tous. Culturellement, le médecin est encore trop souvent perçu comme l’homme du savoir, et de plus en plus technicien. Cela ne facilite pas un échange constructif entre patient et corps médical. Plus inquiétant à nos yeux, les organisations mutuellistes sont elles-mêmes victimes de la technicisation d’un système qui les éloigne des personnes pour lesquelles elles travaillent. Quant aux services sociaux des organismes assureurs, ils n’ont jamais été autant sollicités. Avec la volonté de réaliser une « saine concurrence » dans les soins de santé, l’Europe 7