Inventaire des rhopalocères et zygènes de l’espace naturel sensible de la vallée du Fossat (Job / Puy-de-Dôme) 2012 Société d’histoire naturelle Alcide-d’Orbigny Philippe Bachelard In ve nt a ir e de s r ho pa l oc è r e s e t z yg è ne s de l’espace naturel sensible de la vallée du Fossat (Job / Pu y-de-Dôme) 2012 . . . . . . . . . Etude réalisée par la Société d’histoire naturelle ALCIDE-D’ORBIGNY 57, rue de Gergovie 63170 AUBIERE Observateurs Philippe BACHELARD / FRANÇOIS FOURNIER Rédacteur Philippe BACHELARD Commandée par le Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne Financée par le Conseil Général du Puy-de-Dôme En partenariat avec le Parc naturel régional du Livradois-Forez Rapport rendu en novembre 2012 Première de couverture : Vallée du Fossat (P. Bachelard), Coenonympha gardetta lecerfi (P. Bachelard) 1 . .. .. .. .. .. Sommai Sommaire 1.- Introduction 0 Objectifs Groupes étudiés Limites de l’expertise Zone d’étude 3 3 3 3 4 2.- Méthodologie Recherche préalable de données Recherche de terrain Pression et périodes d’observations Observateurs Appréciation de la «patrimonialité» des espèces Caractérisation biogéographique 6 6 6 6 7 7 7 3.- Inventaire des rhopalocères et zygènes Liste des rhopalocères et zygènes Commentaires Structure biogéographique du peuplement Caractérisation écologique 9 9 11 12 13 4.- Espèces et patrimonialité Espèces patrimoniales Coenonympha gardetta lecerfi (De Lesse, 1949) 16 16 19 5.- Préconisations de gestion 21 6.- Résumé 22 7.- Bibliographie 23 2 .. .. .. .. .. 1.- Introduction Dans le cadre d’actions visant à une meilleure connaissance de l’entomofaune de l’espace naturel sensible de la vallée du Fossat (Job), la SHNAO a été sollicitée par le CEN Auvergne pour réaliser un complément d’inventaire des Rhopalocères et Zygènes au cours de l’année 2012. Ce document présente les résultats obtenus. Objectifs L’objectif principal de cette étude est d’avoir un inventaire des rhopalocères et zygènes actualisé le plus exhaustif possible sur ce site. Il doit également permettre d’identifier et de localiser les éventuelles espèces patrimoniales qui pourraient nécessiter des mesures conservatoires spécifiques. Groupes étudiés Tous les Rhopalocères (appelé communément papillons de jour) ont été ciblés ainsi que les espèces de la famille des Zygaenidae. En effet, et bien que les Zygènes soient des papillons classés parmi les Hétérocères (papillons de nuit), leur comportement presque exclusivement diurne nous ont incité à les prendre en compte. Limites de l’expertise Les effectifs des populations de lépidoptères fluctuent au fil des ans en fonction en particulier des conditions météorologiques, du parasitisme, des modes de gestions appliqués aux milieux… De part leur biologie, certaines espèces possèdent de faibles effectifs. Dans ces conditions, un certain nombre d’espèces peuvent facilement passer inaperçu une année donnée. La réalisation d’un inventaire sur une année ne permet donc pas d’être exhaustif. C’est une des limites majeures de cette étude. Contrairement aux insectes sans ailes, qui ont une mobilité restreinte, les papillons ont la possibilité de se déplacer beaucoup plus facilement même si, en règle générale, ils se cantonnent aux milieux où la présence de la plante nourricière permettra le développement de la larve. Les Vanesses (Nymphalidae) par exemple, peuvent parcourir de grandes distances à la recherche du nectar des fleurs. Il faut donc être très vigilant quant à la pertinence de certaines observations d’adultes sur un site donné, dont la présence n’en fait pas pour autant des espèces caractéristiques du milieu. 3 Zone d’étude L’espace naturel sensible se situe sur la commune de Job. La superficie de l’ENS est de 800 hectares, son altitude est comprise entre 1225 et 1487 mètres. Le site prospecté a été élargi au-delà de l’ENS (cf. figures 2 et 3) et s’élève jusqu’à 1604 m aux Rochers de la Chapelle. Figure 1.- Vue du fond de la vallée en direction de la Croix du Fossat 4 Figures 2 et 3.- Périmètre du site d’étude (fond IGN Géoportail) 5 .. .. .. .. .. 2.- Méthodologie Les Rhopalocères et Zygènes ont été principalement échantillonnés sous leur forme adulte (imagos), par recherche diurne. Il s’agit de la méthode la plus classique réalisée à vue à l’aide d’un filet à papillons Recherche préalable de données Nous avons pu extraire de la base de données de l’Association entomologique d’Auvergne réalisée dans le cadre de l’Atlas des Rhopalocères et Zygènes du Puyde-Dôme (publié en 2008) 110 observations pour 44 espèces. Ces observations s’échelonnent de 1897 à 2008 (87 % sont postérieures à 1993). 4 % sont issues de la collection Jacques Barthélémy (déposée au Muséum Henri-Lecoq, ClermontFerrand), 10 % sont tirées de la bibliographie et 84 % proviennent de prospections réalisées par Philippe Bachelard. Recherche de terrain Inventaire des rhopalocères et zygènes La technique la plus classique est pratiquée à vue, avec un filet à papillons : les individus passant à proximité ou observés au loin sont capturés et relâchés la plupart du temps. Pour espérer rencontrer le maximum d’espèces, on prospecte en couvrant, autant que possible, l’ensemble des unités écologiques du site d’étude. Nous avons privilégié les secteurs favorables aux espèces recherchées qui sont globalement constitués de milieux « ouverts » riches en fleurs à butiner : prairies, pelouses, lisières forestières. Ce choix s’explique par le fait que les Rhopalocères et Zygènes sont des groupes d’espèces très majoritairement héliophiles et butineurs. La plupart des Rhopalocères et Zygènes ne nécessite pas de capture définitive. L’observation à travers le filet pour un lépidoptèriste averti suffit très souvent pour la détermination spécifique. Il existe tout de même des espèces plus difficiles à identifier comme les Adscita, Pyrgus, Mellicta… Dans ce cas, quelques spécimens sont récoltés et étudiés en laboratoire, soit par comparaison avec d’autres spécimens soit par l’étude des organes copulateurs (ou genitalia). Pression et périodes d’observations Le volume de données existantes étant déjà significatif nous avons volontairement limité à quatre le nombre de jours de prospections pour cette étude. Toutes les sorties ont été effectuées dans de très bonne condition météorologique. Elles ont été réparties de manière à pouvoir recenser un maximum d’espèces. 6 Dates de prospection : 16 juin, 3 et 24 juillet, 9 août. Observateurs Lors des prospections 2012 François Fournier (Président de l’Association entomologique d’Auvergne et membre de la SHNAO) a participé aux prospections de terrain. Appréciation de la «patrimonialité» des espèces Pour caractériser la valeur patrimoniale du peuplement, nous avons utilisé les listes suivantes : - - - Protection nationale (arrêté du 23/04/2007 fixant la liste des insectes protégés sur le territoire national - JORF du 06/05/2007). (P.N.) Annexe II de la Convention de Berne (convention du 19/09/79 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe - JORF du 28/08/1990 et du 20/08/1996). (C.B.) Annexes II et IV de la Directive «Habitats, Faune, Flore» (directive n°92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages - JOCE du 22/07/1992). (D.H.F.F.) Liste rouge européenne (2010). (L. R. E.) Liste rouge des espèces menacées en France, (MNHN et UICN France, 2012). (L. R. N.) Liste des espèces menacées en région Auvergne (Collectif - DIREN, 2004). (L. R. R.) Caractérisation biogéographique » Aires biogéographiques et peuplements Définir une aire biogéographique pour une espèce est souvent difficile, elle évolue constamment selon les connaissances acquises. Elle regroupe deux idées, et permet de comprendre à la fois l’origine probable d’une espèce ou d’un peuplement (géonémie), mais aussi de connaître leur distribution actuelle (biogéographie). Par exemple, le terme « eurasiatique », ou « eurosibérien », désigne une espèce répandue de l’Europe à l’Asie (biogéographie), dont la souche s’est vraisemblablement individualisée sur le territoire de l’actuelle Sibérie, il y a très longtemps, alors que ce continent était sous d’autres latitudes (géonémie). Les termes d’ « eurasiatique » et d’ « eurosibérien » sont ainsi synonymes. L’aspect géonémique étant encore floue dans certains cas, les groupes suivants, définis par convention, mettent en avant leur répartition actuelle. Cette notion est importante au niveau d’un peuplement (= ensemble de populations d’espèces différentes vivant dans un milieu donné). Elle permet de comprendre pourquoi certaines espèces cohabitent ou ne se rencontrent jamais, et caractérise un milieu par la présence d’un ensemble d’espèces. En zone subalpine et alpine, les « boréo-alpins » - dont la plupart des espèces sont fragiles et prioritaires au niveau de leur conservation - constitueront avec les « eurasiatiques » l’ensemble du peuplement, alors que l’on trouvera une majorité de « 7 méditerranéo-asiatiques » en maquis et garrigue. Lorsque le milieu est perturbé, le peuplement l’est aussi, et cette étude prend toute son importance. Voici la liste des groupes retenus : • Cosmopolites: espèces souvent ubiquistes, établies par migrations ou introduites par l’Homme sur plusieurs continents. • Holarctiques: occupent l’Amérique du Nord, l’Asie, et l’Europe. • Eurasiatiques (eurosibériennes) : espèces répandues largement de l’Europe centrale à l’Asie où elles constituent l’essentiel du peuplement paléarctique. Présentes également en Afrique du Nord. • Boréo-alpins ou alpins : Les composantes des régions boréales ou très septentrionales du continent eurasiatique, se retrouvant en îlots dans les montagnes des régions plus méridionales. Il s’agit alors d’espèces à distribution boréo-alpine ou alpine. • Européennes : espèces limitées à la totalité ou la plus grande partie de l’Europe seule ou à un secteur européen particulier, alors indiqué. • Méditerranéo-asiatiques : ensemble hétérogène d’espèces dont l’aire de répartition couvre une grande partie du bassin méditerranéen ainsi que les latitudes moyennes de l’Asie occidentale. • Atlanto-méditerranéens : caractéristiques de l’ouest méditerranéen, leur distribution s’étend sur le nord-ouest de l ‘Afrique, la péninsule ibérique, et une petite partie de l’Est du bassin méditerranéen occidental. Peu d’espèces à caractère orophile sont concernées ici, mais il s’agit souvent d’éléments endémiques pyrénéens. 8 .. .. .. .. .. 3.- Inventaire des rhopalocères et zygènes Aux 45 espèces issues de la bibliographie et de prospections antérieures à la présente étude s’ajoutent 15 « nouvelles » espèces contactées en 2012. Nous arrivons donc à un total de 60 taxons observés historiquement ou actuellement sur l’ENS de la vallée du Fossat ce qui représente 73 % des espèces connues aujourd’hui sur les monts du Forez. A l’issue de cet inventaire nous considérons le niveau de connaissance de ce site comme très bon. Liste des espèces recensées Nous arrivons actuellement au chiffre total de 57 espèces de Rhopalocères et Zygènes observés au cours des 20 dernières années, plus 3 non revues depuis 30 ans, sur le périmètre de l’ENS de la vallée du Fossat (cf. tableau 2). Cette richesse spécifique est tout à fait appréciable compte tenu de l’altitude de la zone située au-dessus de 1200 mètres. Ce total est ainsi à comparer aux 85 espèces connues actuellement dans les monts du Forez (obs. >1990 côté Puy-de-Dôme). Cet inventaire spécifique représente 73 % de ces espèces et 37 % des espèces du département du Puy-de-Dôme (cf. tableau 1). Au sein des différentes familles de Lépidoptères rencontrés sur le site, la nomenclature utilisée est celle adoptée dans les travaux récents des spécialistes correspondants. LAFRANCHIS (T.), 2000. Les Papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles. Collection Parthénope, éditions Biotope, Mèze (France), 448 p. LERAUT J.A., 1997.- Liste systématique et synonymique des lépidoptères de France, Belgique et Corse (deuxième édition). Supplément à Alexanor, 526 p. Familles ou sous-familles Zygaenidae Hesperiidae Papilionidae Pieridae Lycaenidae Satyrinae Nymphalinae Total Nb d’espèces présentes sur le site de la vallée du Fossat > 1990 5 6 0 6 9 12 19 57 Nb Forez >1990 % Forez Nb 63 >1990 % 63 9 11 2 8 15 14 26 85 56 55 0 75 60 86 73 67 19 18 4 15 38 27 33 154 26 33 0 40 24 44 56 37 Tableau 1. Nombre et pourcentage d’espèces recensées par familles 9 Tableau 2.- Rhopalocères et Zygènes du site ENS de la vallée du Fossat N° Leraut Espèce Nom vernaculaire Espèce patrimoniale <1990 > 1990 Zygaenidae 1891 1900 1913 1915 1917 3263 3269 3275 3279 3288 3289 3292 3298 3300 3303 3305 3306 3309 3312 3324 Adscita statices Zygaena purpuralis Zygaena viciae Zygaena transalpina Zygaena trifolii Hesperiidae Erynnis tages Pyrgus malvae Pyrgus serratulae Pyrgus carthami Hesperia comma Ochlodes venatus Papilionidae la Turquoise la Zygène pourpre la Zygène du mélilot la Zygène transalpine la Zygène du trèfle x x x x x le Point de Hongrie l’Hespérie de la mauve l’Hespérie de l’alchemille l’Hespérie la Virgule la Sylvaine x x x x x x Parnassius apollo franscisi Papilio machaon Pieridae Leptidea sinapis Aporia crataegi Pieris brassicae Pieris rapae Pieris napi Anthocharis cardamines Gonepteryx rhamni L’Apollon du Forez le Machaon la Piéride de la moutarde le Gazé la Piéride du chou la Piéride de la rave la Piéride du navet l'Aurore le Citron x x x x x x x x x Lycaenidae 3336 3338 3340 3341 3342 3344 3354 3373 3384 3390 3392 3396 3397 3403 3408 3411 3413 3414 Callophrys rubi Lycaena phlaeas Lycaena virgaureae Lycaena tityrus Lycaena alciphron Lycaena hippothoe Maculinea alcon Polyommatus icarus Plebejus argus Nymphalidae Pararge aegeria Lasiommata maera Coenonympha arcania Coenonympha gardetta lecerfi Coenonympha pamphilus Aphantopus hyperanthus Maniola jurtina Erebia ligea Erebia euryale l'Argus vert le Cuivré commun l’Argus satiné l’Argus myope le Cuivré mauvin le Cuivré écarlate l'Azuré des mouillères l'Argus bleu l’Azuré de l’ajonc le Tircis l’Ariane, le Némusien le Céphale le Satyrion du Forez x le le le le le x Procris Tristan Myrtil Moiré blanc-fascié Moiré frange-pie x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x 10 3442 3443 3446 3466 3468 3469 3470 3472 3475 3481 3482 3483 3492 3493 3594 3495 3497 3500 3501 3503 3506 3514 Erebia oeme Erebia meolans Melanargia galathea Argynnis paphia Argynnis aglaja Argynnis adippe Argynnis niobe Issoria lathonia Brenthis ino Clossiana selene Clossiana euphrosyne Clossiana titania Nymphalis antiopa Inachis io Vanessa atalanta Vanessa cardui Aglais urticae Polygonia c-album Araschnia levana Melitaea diamina Mellicta athalia Euphydryas aurinia le Moiré des luzules le Moiré des fétuques le Demi-deuil le Tabac d’Espagne le Grand nacré le Moyen nacré le Chiffre le Petit Nacré le Nacré de la sanguisorbe la Petit collier argenté la Grand collier argenté la Nacré porphyrin le Morio le Paon-du-jour le Vulcain la Belle-dame la Petite Tortue le Robert le diable la Carte géographique la Mélitée noirâtre la Mélitée du mélampyre la Damier de la succise x x x x TOTAL 11 x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x 57 Commentaires Les quatre espèces patrimoniales (Parnassius apollo franscisi, Maculinea alcon, Coenonympha gardetta lecerfi et Euphydryas aurinia) font l’objet de commentaires particuliers au chapitre 4.- Espèces et patrimonialité. Zygaenidae Zygaena purpuralis (Brünnich, 1763) Seconde mention de la Zygène pourpre sur les monts du Forez. Zygaena viciae ([Denis & Schiffermüller, 1775]) Quatrième mention de la Zygène du mélilot sur les monts du Forez. Zygaena trifolii (Esper, 1783) Troisième mention de la Zygène du trèfle sur les monts du Forez. Hesperiidae Pyrgus serratulae (Rambur, [1839]) Troisième mention de l’Hespérie de l’alchemille sur mes monts du Forez. Pyrgus carthami (Hübner, [1813]) Seconde mention de l’Hespérie du carthame sur les monts du Forez. 11 Lycaenidae Lycaena tityrus (Poda, 1761) Espèce pénétrant très peu sur les monts du Forez, elle est en limite altitudinale sur la vallée du Fossat. Plebejus argus (Linné, 1758) Troisième mention de l’Azuré de l’ajonc sur les monts du Forez. Satyrinae Pararge aegeria (Linné, 1758) Espèce pénétrant très peu sur les monts du Forez, elle est en limite altitudinale sur la vallée du Fossat. Erebia oeme (Hübner, [1804]) Le Moiré des luzules est fréquent au-delà de 1300 mètres sur monts du Forez mais est très localisé dans le département du Puy-de-Dôme. Structure biogéographique du peuplement L’analyse effectuée montre une structure du peuplement classique en Europe moyenne, avec une proportion majoritaire des éléments eurasiatiques -Figure 5D’une manière générale, la composition géonémique du peuplement du Puy-deDôme et de la France est comparable. On observe sans surprise que le fond biogéographique est constitué à 73 % d’éléments eurasiatiques. Ces espèces possèdent une large répartition et sont pour la plupart relativement répandues et courantes dans le département. On peut distinguer sur le site deux grands cortèges d’espèces définis par leur origine biogéographique : • Le fond de peuplement général est constitué par des éléments eurasiatiques au sens large (regroupant les éléments européens, holarctiques et eurasiatiques). Ces espèces, en général d’une grande plasticité écologique, sont présentes aussi bien en altitude qu’en plaine et représentent généralement 4/5 de la faune étudiée. • Un cortège orophile (7 %) qui est ici marqué par les espèces les plus caractéristiques suivantes : Coenonympha gardetta lecerfi, Erebia oeme, E. euryale et E. meolans. Aucun taxon d’influence nettement thermophile n’a été observé. Figure 4- Cortège biogéographiques du peuplement Eurasiatique Méditerranéo-asiatique Cosmopolite Alpin Holarctique Boréo-alpin Atlanto-méditerranéen 12 Caractérisation écologique Globalement, le peuplement de la vallée du Fossat est dominé par des espèces qui ont leurs plantes hôtes liées aux strates herbacées des prairies (69 %). Les espèces inféodées aux strates arbustives (manteaux pré-forestiers, fruticée) représentent 23 %, celles liées au couvert forestier 8 %. On relève toute l’importance des milieux prairiaux dans la diversité du peuplement puisqu’ils permettent la reproduction de plus de 45 espèces. » Prairies et pelouses. Les prairies pâturées ou non, occupent une surface relativement importante dans le fond et sur les hauteurs de la vallée. Ces milieux abritent un cortège d’espèces particulièrement important. En effet, ces zones abritent généralement une diversité floristique importante où les plantes nectarifères sont abondantes, ce qui est naturellement très favorable aux insectes butineurs. Prairies montagnardes du fond de vallée Les prairies du fond de vallée entre 1150 et 1260 mètres accueillent un cortège d’espèces fréquentes à l’étage montagnard du département à l’exception de Coenonympha gardetta lecerfi une sous-espèce endémique des monts du Forez. Prairies montagnardes supérieures Il n’y a pas d’espèces propres aux prairies situées au-delà de la zone forestière entre 1420 et 1500 mètres. Si nous observons un appauvrissement du cortège par rapport à l’étage inférieur, certaine espèce y sont néanmoins beaucoup plus fréquentes et abondantes. C’est le cas par exemple de Coenonympha gardetta lecerfi. A l’absence de tourbière à Vaccinium oxyccocos, l’unique taxon qui en serait caractéristique est absent du site il s’agit de Boloria aquilonaris. » Ourlets préforestiers et landes Les secteurs envahis par les ourlets préforestiers sont bien présents sur l’ensemble du site. Ces milieux forment la transition entre les boisements et les zones ouvertes de prairies. Les secteurs présentant une physionomie hétérogène où se mêlent ronces et arbustes et où s’immiscent encore quelques espèces herbacées et déjà quelques arbres sont les plus diversifiés en espèces de papillons. Un cortège d’espèces liées plus ou moins directement aux ourlets préforestiers est présent. Nous pouvons citer parmi les plus caractéristiques : Callophrys rubi, Erebia ligea, Clossiana titania, Argynnis paphia, A. adippe, A. niobe, Araschnia levana, Nymphalis antiopa… » Boisements Les forêts caducifoliées et résineuses occupent l’intégralité des versants du site. Les rhopalocères et zygènes étant héliophiles, les forêts apparaissent comme des milieux généralement pauvres. Grâce à un bon ensoleillement, les lisières et 13 chemins forestiers permettent à la strate herbacée de se diversifier, offrant ainsi des lieux sensiblement plus favorables aux espèces. De très nombreuses essences végétales sont présentes ce qui est particulièrement favorable à la diversité entomologique (lépidoptères nocturnes principalement). Très peu d’espèces caractéristiques ont été observées (Gonepteryx rhamni, Polygonia c-album, Parage aegeria…). Figure 5- Répartition des espèces en fonction des milieux accueillant leurs plantes hotes 8% Formations herbacées 23% Ourlets préforestiers 69% Boisements 14 Figure 6.- Prairies montagnardes non pâturées du fond de vallée Figure 7.- Landes montagnardes supérieures à la Croix du Fossat Biotope typique à Coenonympha gardetta lercerfi 15 .. .. .. .. .. 4.- Espèces et patrimonialité Quatre espèces à statut patrimonial ont été notées actuellement ou historiquement sur le site ENS de la vallée du Fossat. Les espèces à statut patrimonial Parmi l’ensemble des taxons, quatre ont été identifiés comme patrimoniaux (cf. tableau 3). Parmi ceux-ci deux n’ont pas été revus récemment (Parnassius apollo franscisi et Euphydryas aurinia) et un n’a été observé que de manière erratique (Maculinea alcon). En conséquence seul Coenonympha gardetta lecerfi a fait l’objet d’une fiche détaillée dans le présent document. Tableau 3.- Statut des espèces (D : en danger ; V : vulnérable ; R : rare) Espèce Nom vernaculaire Dernière obs fiable P.N. L’Apollon du Forez 1945 x L’Azuré des mouillères 2012 x Le Satyrion du Forez 2012 Le Damier de la succise 2007 D.H.F.F Annexe II C.B. L.R.N. L.R.R. 2004 x D D NT V V R Papilionidae Parnassius Apollo franscisi Lycaenidae Maculinea alcon Satyrinae Coenonympha gardetta lecerfi Nymphalinae Euphydryas aurinia x x x » Parnassius apollo franscici Le Cerf et Acheray, 1939 La sous-espèce franscisi a été décrite en 1939 à partir de 9 individus prélevés à Pierre-sur-Haute. L’espèce était connue de cette localité depuis 1897 et a été signalée régulièrement sur la zone sommitale des hautes-chaumes jusque dans les années 50. Après cette date, les observations se sont plus concentrées sur le versant Est où la dernière donnée fiable est datée de 1980 mais ne concerne plus le secteur de la vallée du Fossat. De ce fait nous considérons que l’Apollon ne fait plus partie de l’entomofaune des monts du Forez. 16 » Maculinea alcon (Denis & Schiffermüller, 1775) L’Azuré des mouillères a été noté pour la première fois le 3 juillet 2012. Un imago a été observé au sud du site à 1470 mètres entre la Croix du Fossat et les Rochers de la Pause dans une lande en lisière supérieures de la forêt. Cette observation est remarquable dans la mesure où l’espèce n’avait jamais été noté sur les monts du Forez. La donnée la plus proche géographiquement est celle de Saillant au sud du Forez qui date de plus d’un siècle (présence d’œufs sur des Gentianes pneumonanthe collectées sur cette commune en 1906 et conservées dans l’herbier d’Alverny incorporé à l’Herbier général universitaire de ClermontFerrand). Le 9 août 2012 nous avons plus particulièrement cherché cette espèce sur la Jacine. Cette zone humide est légèrement en dehors de la zone d’étude mais c’est celle qui est la plus proche et qui nous paraissait la plus favorable. Nous avons axé la recherche sur les œufs qui sont facilement repérables sur les tiges et fleurs de Gentiane pneumonanthe, plante hôte de l’espèce. Quelques pieds de Gentiane pneumonanthe ont également été inspectés à l’emplacement même ou l’imago a été observé. Ces recherches n’ont donné aucun résultat positif. Actuellement et en l’absence de ponte nous considérons cette espèce comme erratique sur le site. Des prospections complémentaires nous semblent prioritaires pour cette espèce afin de préciser son statut. P. Bachelard 17 » Euphydryas aurinia (Rottemburg, 1775) Le Damier de la succise a été noté régulièrement sur la vallée du Fossat entre 1999 et 2007 et plus particulièrement le long du transect mise en place pour le suivi spécifique de cette espèce à partir de 2001 (Bachelard, 2008). Les effectifs comptabilisés ont toujours été relativement modestes (au mieux 14 individus le 9 juin 2003) et on observe un lent déclin des effectifs sur la période du suivi. Depuis 2008 l’espèce n’est plus observée. Les travaux de réhabilitation des plantations résineuses en prairies montagnardes entrepris en 2001 n’ont pas eu l’effet bénéfique escompté pour le Damier de la succise. Figure 8.Localisation des stations à Euphydryas aurinia (obs < 2008) > 10 imagos observés < 10 imagos observés P. Bachelard 18 Coenonympha gardetta lecerfi De Lesse, 1949 Le Satyrion du Forez Liste rouge nationale (2012) : Vulnérable Liste rouge régionale (2004) : Rare Inscrit sur la liste « Trame Verte et Bleu » (2004) Boréo-alpin, le Satyrion a une répartition limité des monts du Forez aux Balkans où il est présent dans quelques stations. En France, il est localisé aux Alpes, Jura et monts du Forez. Répartition européenne de C. gardetta (Fauna Europaea, 2012) Répartition française de C. gardetta (Lepinet, 2012) Répartition, fréquence départementale et régionale (seules les observations postérieures à 1970 ont été prises en compte) Espèce montagnarde localisée exclusivement aux monts du Forez. Son aire de répartition s’étend sur 20 km du nord au sud entre le col du Béal et Baracuchet et 13 km d’est en ouest. L’espèce est fréquente sur les monts du Forez. Détermination Les populations des monts du Forez appartiennent à la sous-espèce lecerfi décrite par De Lesse en 1949. Ces principales caractéristiques sont la large et régulière bande marginale fauve brique et les ocelles bien développés et réguliers sur le revers des ailes postérieures. Biologie L’espèce se rencontre surtout sur les prairies montagnardes, parfois sur les landes. Les imagos s’observent butinant les fleurs. Univoltin (une génération par an), sa période de vol principale de fin juin à mi-juillet est assez longue. La chenille se nourrit de Poacées, principalement de fétuques. P. Bachelard Conservation et menaces Malgré son isolement géographique, sa plasticité écologique et son importante aire d’occupation font qu’il n’est pas menacé actuellement. 19 Figure 9.- Répartition du Satyrion du Forez sur la zone d’étude Fort effectif (en moyenne plus de 10 imagos sur 50 m de transect linéaires) Faible effectif (en moyenne moins de 5 imagos sur 50 m de transect linéaires) Le Satyrion du Forez a été observé en faible effectif sur les dernières prairies du fond de vallée. Certaines années il est omniprésent sur la partie supra sylvatique à partir de 1400 m. 20 .. .. .. .. .. 5.- Préconisations de gestion Les milieux les plus attractifs et les plus importants pour le cycle des rhopalocères et zygènes sont les zones ouvertes ou semi-ouvertes : prairies, landes, ourlets préforestiers, lisières forestière… En-dessous de 1400 mètres la dynamique d’évolution de ces milieux peut être relativement rapide à l’échelle humaine. Si un des objectifs de gestion de la vallée du Fossat est de maintenir les populations de papillons diurnes, il est donc indispensable de conserver d’importantes surfaces herbacées. Les parties supra-sylvatiques sont quant à elles soumises à des contraintes climatiques telles que l’évolution est plus lente, elles ne nous semblent pas prioritaires dans la mise en œuvre de mesure de gestion. A l’inverse, une attention particulière doit être portée sur les prairies du fond de vallée. Actuellement elles sont pâturées par des bovins à l’exception des parties situées au sud de la vallée (cf. figure 10). A moyen terme, nous préconisons de continuer à soustraire ces prairies au pâturage qui servent de zones refuges aux espèces en jouant le rôle de mise en défens. Ces zones sont importantes car le pâturage actuel des prairies nous semble trop impactant et une réduction du chargement serait bénéfique pour les populations de papillons diurnes. Ce postulat est confirmé par le nombre d’imagos observés le même jour sur les parcelles pâturées et sur celles soustraites au pâturage dont le rapport est de 5 pour 1. Figure 10.- prairies du fond de vallée Il est également soustraites au pâturage intéressant de souligner que les travaux de réhabilitations des plantations résineuses entrepris en 2001 le long du chemin en fond de vallée n’ont pas eu l’effet bénéfique escompté pour le Damier de la succise. Pour rappel il était espéré que la reconquête des anciennes plantations par les prairies favorise cette espèce. 21 .. .. .. .. .. 6.- Résumé Dans le cadre d’actions visant à une meilleure connaissance de l’entomofaune, sur le site ENS de la vallée du Fossat (Job / Puy-de-Dôme) et à la demande du Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne (CEN Auvergne), il a été confié à la Société d’histoire naturelle Alcide-d’Orbigny (SHNAO) un inventaire des Lépidoptères Rhopalocères et Zygènes. Pour atteindre cet objectif et disposer d’un inventaire actualisé le plus exhaustif possible, quatre sorties ont été réalisées au cours de l’année 2012. Le volume de données existantes étant déjà significatif nous avons volontairement limité le nombre de jours de prospections pour cette étude. Aux 45 espèces issues de la bibliographie et de prospections antérieures à la présente étude s’ajoute 15 « nouvelles » espèces contactées en 2012. Nous arrivons donc à un total de 60 taxons observés historiquement ou actuellement sur l’ENS de la vallée du Fossat ce qui représente 73 % des espèces connues aujourd’hui sur les monts du Forez. A l’issue de cet inventaire nous considérons le niveau de connaissance de ce site comme très bon. Parmi l’ensemble des taxons, quatre ont été identifiés comme patrimoniaux. Deux n’ont pas été revus récemment (Parnassius apollo franscisi et Euphydryas aurinia) et un n’a été observé que de manière erratique (Maculinea alcon). En conséquence seul Coenonympha gardetta lecerfi a fait l’objet d’une fiche détaillée dans le présent document. La partie faunistique est traitée par l’analyse des cortèges biogéographiques. Celle-ci montre que 73 % du peuplement est constitué par des éléments d’origine eurasiatique. Celles à tendance orophiles retient notre attention puisque le pourcentage de celles-ci est élevé (7 %). En terme de gestion, nous préconisons à moyen terme de continuer à soustraire les prairies les plus au sud du fond de la vallée au pâturage. Elles servent de zones refuges aux espèces en jouant le rôle de mise en défens. Ces zones sont importantes car le pâturage actuel des prairies nous semble trop impactant pour les populations de papillons diurnes. 22 .. .. .. .. .. 7.- Bibliographie OUVRAGE FIERS V., GAUVRIT B., GAVAZZI E., HAFFNER P. & MAURIN H., 1997.- Statut de la faune de France métropolitaine. Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, 225p. LAFRANCHIS (T.), 2000. Les Papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles. Collection Parthénope, éditions Biotope, Mèze (France), 448 p. LERAUT J.A., 1997.- Liste systématique et synonymique des lépidoptères de France, Belgique et Corse (deuxième édition). Supplément à Alexanor, 526 p. LIGUE SUISSE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE (L.S.P.N.), 1987.- Les Papillons de jour et leurs biotopes. L.S.P.N., Bâle, 512p. SWAAY C. & all, 2010.- European Red List of Butterflies. 47p. RAPPORTS D’ÉTUDES BACHELARD P., 2009.- Suivi des papillons Damier de la succise (Euphydryas aurinia) et Nacré de la canneberge (Boloria aquilonaris) sur trois tourbières du site Natura 2000 FR8301030 Monts du Forez (Puy-de-Dôme). Société d’histoire naturelle Alcide-d’Orbigny et Parc naturel régional du Livradois-Forez, 43p. 23