LES RAPPORTS DE GENRE DANS L`INTERVIEW JOURNALISTIQUE

publicité
 LES RAPPORTS DE GENRE DANS L’INTERVIEW JOURNALISTIQUE QUELS EFFETS SUR LA PRODUCTION DE L’INFORMATION ? Mémoire de master présenté en vue de l’obtention du Master of Arts en Journalisme par Coraline Pauchard Supervisé par M. Georges Pop, Journaliste Montréal, août 2014 Une réflexion au service du journalisme L’interview journalistique est une forme d’interaction sociale. Elle “met en scène” deux individus en situation de face-­‐à-­‐face selon un contrat déterminé : celui d’échanger sur un sujet spécifique. Cette interaction n’est ni anodine, ni neutre. Elle est appréhendée par chaque interlocuteur en fonction de modèles et de schémas de typification propres à l’expérience vécue et à la société dans laquelle a lieu le face-­‐à-­‐face (Berger et Luckmann, 2012, chap. 1). Et ces interprétations influencent continuellement la conduite de l’interaction. Ainsi, j’appréhende l’autre en tant que “femme”, “journaliste”, “étudiante”, etc. et vice-­‐versa. Dans cette perspective, le fait d’être un homme ou une femme a-­‐t-­‐il une incidence sur les “règles du jeu” de l’échange et, par conséquent, sur la production de l’information ? Mon travail s’attache à réfléchir à cette problématique. La question des rapports de genre dans les interactions, quotidiennes ou planifiées, a largement été discutée en sciences sociales. A la lumière de mes lectures sur le sujet, je souhaite apporter une réflexion sur la méthode journalistique. N’étant ni sociologue ni théoricienne du genre, mon approche ne prétend pas à l’exhaustivité scientifique. Il faut la concevoir comme une réflexion personnelle sur la pratique journalistique, à l’aide des outils académiques en matière d’interaction et de négociation des rôles. Concepts et cadre théorique Le “genre” est un concept utilisé en sciences sociales pour rendre compte de la construction sociale des caractéristiques attachées au féminin et au masculin par la culture, l’éducation, les institutions, etc. Pour reprendre la définition de Butler (2006), le “genre” est « une série d’actes répétés qui se figent avec le temps de telle sorte qu’ils finissent par produire l’apparence de la substance, un genre naturel de l’être » (p.109). Il se distingue du “sexe” qui, lui, fait référence aux attributs et différences biologiques. Aborder le “genre” à travers cette définition, c’est adopter une attitude constructiviste qui perçoit la réalité sociale et les phénomènes sociaux comme étant créés, objectivés ou institutionnalisés. Le “genre” désigne alors la construction sociale de rôles et d’identités sexuées. Les “rapports de genre” font référence aux interactions entre les individus, appréhendées sous le prisme des rôles sexués. Page 2
Pour observer les rapports de genre dans l’interview journalistique ainsi que ses effets sur la production et le recueil de l’information, je m’appuie sur la grille d’analyse proposée par la théorie des rôles. Utilisée en sciences sociales, elle estime que la société détermine ce que nous sommes en nous “attribuant” des rôles. Ces rôles sociaux sont des réponses types à des attentes types, dont la typologie de base est définie par la société (Berger, 2006, chap. 5). Ils sont intégrés de manière plus ou moins consciente par l’individu et sont confortés par la société qui les reconnaît comme légitimes. Les rôles sexués en font partie. Être un homme, par exemple, c’est endosser un rôle masculin qui répondra aux attentes masculines formulées par la société. Mais c’est aussi maîtriser les attitudes et les émotions qui vont avec. La théorie des rôles envisage la réalité sociale comme un jeu, où les règles sont écrites et, souvent, implicites. Les codes sont néanmoins flexibles car l’individu possède une liberté d’action et une réflexivité sur la situation qu’il vit. Il endosse non seulement plusieurs rôles en fonction de ses positions dans la société, mais il est aussi en mesure de les transgresser, voire de choisir de les rejeter ou de les mobiliser. C’est le concept de “façade” développé en 1981 par Goffman (cité par Riessman, 2002) : l’individu peut “jouer” avec l’image qu’il renvoie selon les rôles qu’il mobilise. Cela ne signifie pas que son identité est inexacte mais qu’elle est située, actualisée, et performative dans l’interaction sociale. Il y a co-­‐construction et négociation des rôles sociaux à travers le processus d’interaction. Pistes de recherche Afin de réfléchir à ma problématique de départ, j’ai élaboré deux pistes de recherches. Elles constituent la structure de mon travail. Chacune est soumise au même processus de réflexion : il s’agit de se pencher sur la méthode journalistique à partir de mes lectures en sciences sociales et à l’aide de mes observations réalisées sur le terrain. La première piste de recherche consiste à s’interroger sur l’influence du genre des personnes en interaction lors de l’interview journalistique. Comment ces rôles sexués se manifestent-­‐ils ou évoluent-­‐ils lors de l’interaction ? Est-­‐il possible de les décrire ? La deuxième piste de recherche examine les effets de la relation genrée dans le recueil et la richesse de l’information. Si le genre de l’interviewé et de l’intervieweur influence l’interaction, Page 3
quels effets cela a-­‐t-­‐il sur la production de l’information ? Le discours est-­‐il limité ou élargi en fonction de la combinaison genrée de l’interview ? Ces questions sont développées dans la suite de mon travail. Ensemble, elles pourront aider à percevoir l’impact des rapports de genre dans l’interview journalistique. Méthode Les sciences sociales ont beaucoup réfléchi aux rapports de genre dans les interactions sociales et dans les entretiens menés par les chercheurs (voir Broom, Hand et Tovey, 2009). Les travaux féministes sont particulièrement soucieux de la variable du “genre” et de l’identité féminine dans la société (voir Reinharz et Chase, 2002). Plus récemment, des chercheurs se sont également penchés sur le concept d’identité masculine (voir Schwalbe et Wolkomir, 2002) tandis que les sociolinguistes ont imaginé des modèles langagiers “typiques” au féminin et au masculin (voir Pillon, 1987). Mes lectures sur le sujet sont partiales et partielles. Elles découlent d’un choix : celui d’articuler des réflexions et des études en sciences sociales afin d’enrichir le regard porté sur la méthode journalistique. Mon support d’observation est constitué d’interviews journalistiques réalisées au Québec par moi-­‐même, jeune étudiante en journalisme, dans le cadre d’un reportage radiophonique. Mes interlocuteurs sont tous issus de la deuxième génération d’immigrés suisses au Québec. Enfants d’agriculteurs helvétiques souvent obligés de partir pour continuer à pratiquer leur métier entre les années septante et nonante, mes sujets sont arrivés jeunes sur les terres canadiennes et ont aujourd’hui, pour la plupart, repris la ferme de leurs parents. Les questions que je leur ai posées font référence à la manière dont ils perçoivent leur identité. A cela s’ajoute l’environnement agricole et rural dans lequel s’est déroulé mon reportage. Ces éléments sont importants à connaître, car tant le contexte que le sujet et les questions posées jouent un rôle dans le processus d’interaction (voir Pini, 2005). Il est également important de souligner que l’interview journalistique étudiée ici n’est pas celle du “show” télévisé où l’interviewé (l’invité) répond en direct aux question de l’intervieweur (le journaliste). Je me situe ici dans une dynamique de reportage, où le recueil de témoignages sur le terrain est essentiel. Les contraintes de temps, de format et de rythme propres à la logique médiatique n’entrent pas encore en jeu. En ce sens, ma méthode d’interview s’approche de celle Page 4
utilisée lors des entretiens semi-­‐directifs en sciences sociales où l’objectif est « de favoriser la production d’un discours de l’interviewé sur un thème défini dans le cadre d’une recherche » (Blanchet, 1995, p. 7). Cela permet au chercheur, mais aussi au journaliste, d’accéder aux idées, aux pensées et à la mémoire des individus à travers leurs propres mots (Reinharz et Chase, 2002). J’observe ensuite les interviews recueillies sur le terrain en adoptant une attitude réflexive et analytique sur le contenu du discours, en fonction de la combinaison genrée rencontrée lors de l’interaction. Ma grille de lecture s’appuie principalement sur le concept de co-­‐construction des identités sexuées dans le processus d’interaction. En d’autres termes, je réfléchis à l’impact de la perception du genre dans l’interview journalistique. Mon statut de femme implique-­‐t-­‐il des attitudes et des rôles sociaux différents selon le genre de mon interviewé ? Est-­‐ce que les schémas de communication, les valeurs sociales et les pratiques culturelles rencontrées sur le terrain changent en fonction de la dynamique genrée de l’interaction ? Limites et critiques Ce travail est une réflexion personnelle sur la pratique journalistique. À travers mes propres “lunettes” de journaliste, je réfléchis au métier que je suis amenée à pratiquer. En ce sens, tant mes choix littéraires que la réflexion à laquelle je me suis exercée ne prétendent pas couvrir toutes les dimensions des rapports de genre. Cependant, les textes et les études que j’ai choisis m’ont permis de constituer la base de ma réflexion. Mes observations sont également bien éloignées de la méthode scientifique. Il s’agit avant tout d’une pratique journalistique, celle du reportage radiophonique. En ce sens, mes interviews n’ont pas valeur de données qualitatives propres à l’analyse scientifique mais endossent le rôle de support d’observation “en situation”. Le journalisme traite de phénomènes sociaux sans penser “sociologiquement” sa méthode. S’inspirer du même processus, afin d’adopter une attitude réflexive sur celui-­‐ci, me semble pertinent. L’approche constructiviste dans laquelle je m’inscris ne doit pas laisser place à un déterminisme social trop envahissant. En effet, l'individu peut, à travers les processus de transgression des rôles, d'identification multiples et de liberté d'action, influencer considérablement ces phénomènes de construction sociale de l'identité. Se focaliser sur les Page 5
rapports de genre est aussi critiquable dans le sens où les processus d’interaction dépendent de multiples facteurs socio-­‐culturels, tels que l’âge, le statut socio-­‐professionnel, etc. Il est important d’en avoir conscience lors de l’écriture et de la lecture de ce travail. Le genre de l’interviewé et de l’intervieweur façonne l’interaction Lors d’une interview journalistique, les locuteurs possèdent des rôles distincts : le journaliste est maître de la communication tandis que l’interviewé possède les ficelles du discours. L’un guide l’entretien à travers ses “relances” et ses questions tandis que l’autre détient un “savoir” à divul-­‐
guer (Blanchet, 1985). Or ces positions ne fixent pas complètement les “règles” de l’entrevue. La dynamique interpersonnelle qui en découle est multiple et mouvante tant les pratiques cultu-­‐
relles et les valeurs sociales des interlocuteurs sont mobilisées, contestées ou renforcées. Le genre fait partie de ces éléments sollicités lors de l’interaction. Chacun, consciemment ou non, cherche des différences et des similitudes chez son partenaire, et développe des attentes socio-­‐
culturelles telles que la “féminité” ou la “virilité” vis-­‐à-­‐vis de celui-­‐ci (Oakley, 1999, cité par Broom et al., 2009). Dans quelle mesure ces attentes façonnent-­‐elles la tenue, le flux et la lon-­‐
gueur de l’interview journalistique ? Les interviews que j’ai menées sur le terrain ne me permettent pas d’observer l’interaction exclusivement masculine ni celle qui implique un homme intervieweur et une femme intervie-­‐
wée. Mes réflexions font donc référence aux situations d’interview entre un homme (interviewé) et une femme (intervieweur) ou entre deux femmes. Encore une fois, il ne s’agit pas d’analyser qualitativement les interviews recueillies sur le terrain, mais de voir si l’on peut y lire l’expression des rapports de genre tels qu’ils sont décrits et analysés par les recherches en sciences sociales. Interviewer des femmes Le “genre féminin” est un concept. Il est façonné par les institutions, les idéologies et les interac-­‐
tions mais aussi par les autres dimensions sociales qui régissent la société telles que l’ethnie, la classe, l’âge, la culture, etc. Ainsi, il est réducteur de mettre les femmes et leurs diverses expé-­‐
riences dans une même catégorie. Cependant, il faut reconnaître que certaines caractéristiques féminines leur sont propres et peuvent conditionner la manière de se présenter à soi ainsi qu’aux autres (Reinharz et Chase, 2002). A cela s’ajoute le caractère mouvant des rôles genrés. Pour Page 6
reprendre les termes de Butler (2004, cité par Golombisky, 2006) : « One does not “do” one’s gender alone. One is always “doing” with for an another, even if the other is only imaginary » (p. 1). Dans cette perspective, l’interview journalistique va produire, renforcer ou rejeter l’identité féminine de l’interlocutrice mais aussi de la journaliste. Dans les sociétés occidentales, les femmes ont longtemps été ignorées par les sciences so-­‐
ciales. Absentes des lieux “publics” et des instituts de recherche, elles ont souvent été retran-­‐
chées derrière leur silence, à l’intérieur de leurs maisons, derrière leurs rôles d’épouses ou de mères. Dans les années septante, les travaux des féministes ont contribué à mettre en avant l’identité féminine. Cette “mise en lumière” a permis d’entendre la voix des femmes mais aussi d’observer plus profondément la question du genre dans la recherche en sciences sociales (voir Reinharz et Chase, 2002 ; Broom et al., 2009 ; Golombisky, 2006). Ann Oakley (1981) a par exemple prôné l’horizontalité des rôles et l’implication du cher-­‐
cheur lors des entretiens. Selon elle, la méthodologie hiérarchique, distante et objective des ma-­‐
nuels de sciences sociales ne permettent pas aux femmes de s’exprimer car elle exclut toute émotion ou sensibilité dans le récit. D’autres chercheurs ont montré que les femmes parlent plus facilement de leurs émotions et de leurs sentiments que les hommes (voir Reinharz et Chase, 2002) ou qu’elles répondent plus longuement aux questions, privilégiant l’induction à la déduc-­‐
tion, à l’aide d’anecdotes et d’expériences personnelles (Holmes, 1997, cité par Manderson, Bennett et Andajani-­‐Sutjahjo, 2006 ; Suzuki, 2006). Du point de vue du chercheur, certaines études ont mis en avant le rôle “d’écoute” des femmes, une caractéristique qui leur permettrait d’aller plus facilement “chercher” l’émotion de l’interviewé (voir Broom et al., 2009). Sur les dix interviews réalisées sur le terrain, au Québec, deux ont exclusivement concerné des femmes. Dans trois autres cas, les épouses ou mères des interviewés ont pris part au débat. Quantitativement, les interviews réalisées avec mes deux interlocutrices ont duré plus longtemps qu’avec les hommes. La principale raison réside dans la formulation des réponses. Les femmes ont répondu plus longuement à mes questions et ont souvent mobilisé des expériences person-­‐
nelles pour illustrer leurs propos. À travers ces anecdotes, elles expliquent comment elles se sont senties lors de l’événement relaté. Voici deux extraits d’interviews : Page 7
Quelle a été votre première impression en arrivant au Québec ? Je me rappelle que j’avais vraiment beaucoup de peine parce que j’étais très, très proche de ma grand-­‐mère, du côté de ma mère, qui me gardait vraiment souvent. Je me rappelle que j’ai vraiment pas tant eu de plaisir au début…parce que…dans le fond on est arrivé au mois d’août…juillet ? En tout cas, à la fin de l’été. J’ai commencé tout de suite l’école puis…heu…avec l’accent québécois, je ne comprenais pas ce que les autres enfants disaient. Puis, je pense que c’est trois mois plus tard, j’ai dis à ma mère : Enfin ! Les enfants à l’école, ils ne parlent plus allemand, tu sais (rire). (…) (Camille Marchon, 25 ans, étudiante en théâtre à Montréal, Québec, origine suisse-­‐
romande) Vous parlez le suisse-­‐allemand ? Oui. Donc, heu…quand on est arrivé ici, on ne parlait pas français. Mais, deux trois mots, là : la table, le bonjour, des choses comme ça, des affaires inutiles. Donc…heu…au dé-­‐
but, à l’école, c’était assez dur. (…) Par exemple ? Ben…des fois, juste comme exemple, on s’en allait en éducation physique. Mais moi je ne le savais pas, donc je les suis. Tout à coup, ben, ils vont dans une salle de bain pour se changer. Et là j’ai compris : Ah ! C’est l’éducation physique. Donc j’essaye de chercher mon linge…toutes des choses d’adaptation. Ou…heu…ce qu’on avait pas du tout en Suisse à l’époque : un cours de relaxation. Ça je ne connaissais pas du tout, donc…On al-­‐
lait à la bibliothèque, tout le monde se couchait. Puis là, il y avait une madame qui par-­‐
lait. J’entend les gens qui respirent…et j’ai dis : Oh là là (rire). Ils sont cinglés ici, là. (…) (Yvonne Kohler, 35 ans, agricultrice à Kingsey Falls, Centre-­‐du-­‐Québec, origine suisse-­‐
allemande) Les extraits exposés ci-­‐dessus illustrent ce que j’ai pu observer dans la structure narrative de mes interlocutrices. Mes questions appellent au souvenir et au ressenti. Les femmes ont eu de la facilité à répondre à cette attente. Page 8
Il se peut que mon statut et la manière dont j’ai posé mes questions aient eu une incidence sur la fluidité du discours. Manderson et al. (2006) estiment dans leur étude que, du point de vue de l’enquêteur, « the “success” of an interview is marked by the ability of the two participants to dissolve their social differences to maximize communication » (p. 1331). Dans mon cas, mon statut de jeune étudiante a certainement joué un rôle dans la dynamique interactionnelle entretenue avec Camille Marchon. Ayant le même âge et partageant des points communs (les études, notre intérêt pour le théâtre, notre enfance en campagne, etc.), nous avons construit une relation plus “intime” que ce que l’interview journalistique suppose. Pour Ann Oakley (1981), cette situation, qu’elle résume par l’expression « no intimacy without reciprocity » (p. 49) est essentielle à la bonne marche des entretiens semi-­‐directifs, notamment auprès des femmes. Avec Yvonne Kohler, plus âgée que moi, agricultrice et mère de deux enfants, une autre forme de “réciprocité” s’est exprimée : celle de ma nationalité conjuguée à mon statut de femme. D’origine suisse toutes les deux, nous nous sommes reconnues dans les valeurs que nous partagions et les régions que nous connaissions. Cela peut expliquer, encore une fois, la fluidité et la longueur de l’interview. En comparaison, les interviews réalisées auprès des hommes ont été moins fluides et se sont plus vite conclues. Par “fluidité” j’entends le recours aux relances et aux questions pour demander des explications plus fournies. Interviewer des hommes Pendant longtemps, dans l’histoire des sciences sociales, interviewer les hommes était quelque chose qui “allait de soi”. Aucune question de genre n’intervenait dans cette démarche considé-­‐
rée comme “normale” (voir Schwalbe et Wolkomir, 2002). Depuis quelques années, l’identité “masculine” est devenu un sujet d’étude et une problématique de genre à part entière (voir Broom et al., 2009). Ici encore, la catégorie “homme” utilisée dans ce travail est réductrice. Il s’agit d’une sim-­‐
plification construite comme support de raisonnement déjà exprimée dans les termes de Schwalbe et Wolkomir (2002) : « we might even say that although the category “men” is internal-­‐
ly diverse in many ways, what gives it coherence at all is its members’ recognizably similar pat-­‐
terns of self-­‐presentation » (p. 203). Selon Connell (1995, cité par Schwalbe et Wolkomir, 2009), Page 9
dans la culture occidentale, les hommes qui veulent faire acte de “virilité” doivent se distinguer des femmes en soulignant leurs capacités de contrôle, d’autonomie dans l’action, de pensée ra-­‐
tionnelle ainsi que leur goût du risque, de l’excitation et du pouvoir (notamment sexuel). Pini (2005) a observé ces attitudes lors d’entretiens réalisés en milieu agricole, en Australie. Elle a catégorisé le comportement “viril” des interviewés en trois sections : l’exagération de l’hétérosexualité, la volonté d’afficher une capacité de contrôle, d’autonomie et de pouvoir, et la faculté à se définir comme expert du sujet traité. La chercheuse, en tant que femme, a ressenti très fortement cette tendance à affirmer sa virilité. Pour Schwalbe et Wolkomir (2002), ces comportements “d’exagération” de la virilité s’expliquent lorsque les interlocuteurs ressentent (inconsciemment ou non) une menace quant au maintien de leur identité. Si la “masculinité” de l’interviewé est mise en doute dans l’entretien, il y a réaffirmation de la virilité, selon ces auteurs. Ces observations rejoignent celles que Manderson et al. (2006, p. 1327) ont relevé dans leur étude : les hommes ont tendance à répondre aux questions de manière rationnelle et “neutre” afin d’éviter l’émotionnel. Les interviews réalisées sur le terrain m’ont permis d’observer certains éléments relevés dans ces études. Les hommes, d’une manière générale, ont répondu plus succinctement à mes questions. Celles-­‐ci étant orientées vers l’émotionnel et la mémoire, il y a peut-­‐être eu une cer-­‐
taine réticence lors de la discussion. Voici deux extraits d’interviews : Retourner en Suisse, qu’est-­‐ce que ça donne comme impression ? J’avais neuf ans fait que…non, c’est dur à dire. Je n’avais pas vraiment conscience à ce moment là…donc heu… Qu’est-­‐ce que vous avez comme souvenirs ? Qu’est-­‐ce qui vous a choqué ou interloqué ou étonné ? Ben c’est ça…comme j’avais pas une grande conscience on dirait que…je…y a pas…pas beaucoup de choses qui m’ont surprises à ce moment là. J’étais…c’est comme si je par-­‐
tais…que je changeais de ville ou...Pour moi ce n’est pas différent à ce moment là… (David Brauchi, 20 ans, agriculteur à Victoriaville, Centre-­‐du-­‐Québec, origine suisse-­‐
allemande) Page 10
Est-­‐ce que le suisse-­‐allemand forge l’identité suisse ? Heu… Est-­‐ce que ça fait quelque chose de différent ? Ah c’est sûr que si tu te mets à parler allemand avec une gang de Québécois, ben là c’est…différent, ouais…(rire) Mais est-­‐ce que c’est constitutif de votre identité, est-­‐ce que vous pourriez perdre cette langue ? Ou est-­‐ce que… Je pense que je ne la perdrai jamais mais…Je suis moins volubile en suisse-­‐allemand. Tu sais…quand ça fait…là…je parle beaucoup moins. Au club de lutte suisse, mes parents je les vois beaucoup moins, fait que…tu sais. Je le parle moins. Mais je pense jamais de la perdre mais…ça peut arriver que je cherche un mot…là je vais dire un mot à travers en français. Même mes parents des fois sont de même. (Roland Kundert, 36 ans, agriculteur à Gentilly, Centre-­‐du-­‐Québec, origine suisse-­‐
allemande) L’entretien réalisé auprès de Roland Kundert m’a permis d’observer cette tendance à “affirmer sa virilité”. Les questions que je lui ai posées obtenaient peu de réponses développées jusqu’au moment où il a pris le rôle d’intervieweur. En me posant des questions, il a répondu plus lon-­‐
guement à celles que j’avais précédemment posées, comme s’il avait besoin de maîtriser la communication pour se sentir “à l’aise”. Ma réaction a été de me positionner en tant que novice et apprenante : au lieu de chercher les ressentis de mon interlocuteur, je l’ai considéré, incons-­‐
ciemment, comme un “expert”. Mes questions commençaient souvent de la manière suivante : « Je me suis toujours demandé si___ ? » « Vous savez peut-­‐être___ ? ». Schwalbe et Wolkomir (2002) ont cherché des stratégies capables de contourner les problèmes que les chercheurs pou-­‐
vaient rencontrer lors d’entretiens avec les hommes. Celles-­‐ci permettraient, selon les auteurs, de minimiser les menaces à l’égard de l’identité masculine et donc les problèmes de communica-­‐
tion lors de l’entretien. Le fait de positionner l’interlocuteur en tant qu’expert est une des straté-­‐
gies développées par ces auteurs. Il est possible de faire le lien avec la situation rencontrée ci-­‐
dessus. Page 11
Comme le souligne Pini (2005), « gender is, of course, never absent from a site, but some arenas may be more overtly and strongly gendered than others » (p. 212), le contexte environ-­‐
nemental des entretiens est important. Ceux que j’ai menés ont eu lieu dans le monde agricole. Les hommes que j’ai rencontrés sur le terrain ont, pour la majorité, repris la ferme de leurs pa-­‐
rents. Ils en sont les exploitants et propriétaires. Contrairement à leurs épouses, ce sont souvent eux qui travaillent sur le domaine. Il y a là une division genrée du travail qui peut partiellement expliquer le discours de mes répondants, surtout face à une jeune femme non issue de ce milieu. Discussion Lors d’une interview journalistique, tout comme lors d’un entretien de recherche en sciences sociales, le genre a un effet sur la dynamique interactionnelle en cours. Nous avons vu dans ce chapitre qu’il est possible de déceler des formes narratives propres aux femmes et aux hommes. Or ces “types” de discours doivent être compris comme le produit d’une co-­‐construction entre les deux interlocuteurs. La perception et la “prégnance” du genre de l’interviewé et de l’intervieweur se façonnent dans l’interaction. En ce sens, la dynamique interactionnelle qui en découle n’est jamais identique. À cela s’ajoute d’autres facteurs socio-­‐culturels tout aussi impor-­‐
tant tels que l’environnement, l’âge, la classe sociale, etc. Comme le notent Manderson et al. (2006, p. 1332), tout est mis en œuvre pour que l’interview construise une réalité particulière de l’identité. La relation genrée entre l’interviewé et l’intervieweur limite ou élargi le recueil et la richesse de l’information Les “types” de narration observés ci-­‐dessus et les pistes de réflexion quant à l’implication de l’intervieweur et de l’interviewé dans la dynamique interactionnelle et, donc, dans le discours, permettent de porter le regard sur les effets de ces relations dans le recueil de l’information. Les auteurs mobilisés dans ce travail s’accordent sur le fait que la qualité des données re-­‐
cueillies (de l’information, dans le cadre du journalisme) dépend de la “fluidité” du processus de communication. Une fluidité qu’ils imputent à la capacité des interlocuteurs à minimiser les dif-­‐
férences sociales qui peuvent exister entre eux (voir Manderson et al., 2006) que ce soit par di-­‐
Page 12
verses stratégies de communication (voir Schwalbe et Wolkomir, 2002) ou par la volonté d’entrer dans une dynamique relationnelle plus “intime” avec son interlocuteur (voir Oakley, 1981). Dans tous les cas, le processus d’interaction propre à l’interview suppose une négociation constante des rôles sociaux que les interlocuteurs mobilisent. Broom et al. (2009), parlent, dans leur étude, de « management impression », c’est-­‐à-­‐dire de la capacité de renforcer ou de minimiser les diffé-­‐
rences sociales, tel que le genre, lors de l’interaction. Mon statut féminin peut expliquer en partie la structure du discours des interviewés lors de l’entrevue. Si les femmes ont répondu plus longuement et plus “émotionnellement” à mes questions, c’est peut-­‐être que ma structure narrative les incitait à sortir cette “facette” de leur identité. Moi-­‐même, en tant que femme, j’avais l’impression de comprendre la manière dont mes interlocutrices construisaient leur discours. Il m’est aussi arrivé de prendre partie et de par-­‐
tager mes propres expériences sur un sujet. Il semblerait que, dans ce cas, nous ayons renforcé nos rôles féminins pour “minimiser” d’autres différences sociales telles que l’âge ou le caractère professionnel de ma démarche. Avec les hommes, il semblerait que, dans certains cas, mon sta-­‐
tut de femme ait été une barrière à la discussion. Dans ce cas, il a fallu que je m’adapte aux rôles sociaux imaginés par mon interlocuteur lors d’un échange entre une jeune femme et un homme afin de fluidifier le discours. Mais réduire les différences pour maximiser la communication peut aussi s’avérer limitant pour le recueil de l’information. Comme l’expliquent Broom et al. (2009), renforcer le rôle fémi-­‐
nin ou masculin des interlocuteurs lors d’une interview peut provoquer une “idéalisation” de la “masculinité” ou de la “féminité” et enfermer le discours dans une logique “genrée”. Ainsi, dans le cas de mon entretien avec Roland Kundert, masculiniser mes questions et ma structure narra-­‐
tive en préférant les éléments rationnels et concrets aux expériences personnelles et émotion-­‐
nelles nous a peut-­‐être empêché d’entrer dans des sphères de discussions plus intimes et sen-­‐
sibles. Il est également possible que la dynamique relationnelle entretenue avec Camille Mar-­‐
chon ait “évincé” les côtés plus rationnels de sa personnalité. La complexité des rapports de genre Ces observations sont partielles et non scientifiques. Ce sont des pistes de réflexion. D’autant plus que les catégories “femme” et “homme” sont réductrices. En dehors du genre, « the lack of Page 13
shared cultural norms for telling story, making a point, giving an explanation and so forth can create barriers to understanding » (Michaels, 1985, p. 51, cité par Riessman, 1987, p.173). Ainsi, le discours d’une femme ne partageant aucune norme culturelle avec moi risque de poser des problèmes de compréhension et donc d’interprétation de l’information. Cette remarque met en lumière toute la complexité de l’interaction entre deux personnes. Si le genre est un facteur non négligeable dans la manière de structurer le discours et d’interpréter les données, l’environnement dans lequel se déroule l’entrevue, les normes culturelles mais aussi les caracté-­‐
ristiques sociales telles que l’âge, la classe, l’ethnie, etc. sont indissociables de la dynamique inte-­‐
ractionnelle perçue dans l’interview. Ainsi, en me présentant comme jeune Suissesse, étudiante en journalisme, mes interlocu-­‐
teurs ont déjà “anticipé” certaines attentes. De plus, étant à chaque fois “appuyée” par des con-­‐
naissances communes (proches, famille, amis) pour justifier ma prise de contact, mes interlocu-­‐
teurs ont appréhendé différemment la logique de l’entretien. La manière de prendre contact et de me présenter à eux a également pu jouer un rôle crucial (Golombisky, 2006, p. 172). A cela s’ajoute le contexte de mes interviews : je suis allée rencontrer mes interlocuteurs chez eux, dans leur environnement, afin qu’ils me parlent de leur vécu. La société québécoise dans laquelle je me suis trouvée n’est pas si éloignée de celle que je connais en Suisse: toutes les deux sont imprégnées de logiques occidentales et industrialisées, partageant des valeurs judéo-­‐chrétiennes communes et, avec elles, des “typifications genrées” relativement proches. Discussion La dynamique interactionnelle et la négociation des rôles genrés (mais aussi sociaux) qui inter-­‐
viennent dans l’interview nous font prendre conscience de la responsabilité du chercheur et du journaliste dans le recueil de l’information. A ce propos, Steiert (1991, cité par Golombisky, 2006) a écrit : « Understanding our roles as researchers and their consequences requires both “re-­‐
flexion” – showing ourselves to ourselves – and “reflexivity” – being conscious of ourselves as we see ourselves » (p. 166). La réflexivité permet de comprendre le caractère situé de l’information mais aussi d’avoir en tête que toute catégorie sociale (y compris la “féminité” et la “masculinité”) se construit dans l’interaction, en fonction des interlocuteurs impliqués, de l’environnement Page 14
dans lequel ils évoluent mais aussi selon le sujet de l’interview et la manière dont les questions sont posées. Dans leur conclusion, Broom et al. (2009), résument la réflexivité du chercheur en cinq questions clés : « who asked the interview questions ; to whom ; in what contexts ; what inter-­‐
view style(s) was used ; and what dynamics emerged within (and across) interviews » (p. 63). Ces questions révèlent la complexité du processus d’interaction qui intervient lors de l’interview mais aussi la complexité des données recueillies lors de l’entrevue. Comme le soulignent Bell and Blaeuer (2006, cité par Golombisky, 2006) : Gender is a complex matrix of normative boundaries – constituted in discourse, mate-­‐
rially embodied and performed, and mobilized through culture to secure political and social ends. Nor is gender a singular constitution, but gender is always articulated in, on, and through sexuality, race, ethnicity, class, age, and abilities. (p.186) Dans cette perspective, en tenant compte de la dynamique interactionnelle mouvante de l’entrevue, du caractère performatif (ou non) des rôles sexués (et sociaux) en présence et de tous les facteurs sociaux qui s’impriment dans la question du genre, nous ne pouvons que con-­‐
clure au caractère situé de l’information et donc à l’absence de neutralité et d’objectivité lors de sa collecte. Conclusion Ce travail s’est attaché à réfléchir aux effets possibles des rapports de genre dans la production et le recueil de l’information en situation d’interview journalistique. Il a été reconnu que les femmes et les hommes, bien que ces catégories soient des généralisations propres au raisonne-­‐
ment scientifique, possèdent des manières distinctes de se présenter et de structurer leurs dis-­‐
cours. Ces différences ont une conséquence sur la production du savoir ou de l’information dans l’interaction. Or le discours doit être compris dans son contexte. Toute narration, qui implique deux in-­‐
terlocuteurs au moins, est “située” dans un environnement, dans une société, dans un ensemble de valeurs sociales et culturelles propres. En ce sens, les rôles genrés des intervenants ne sont Page 15
pas fixes. Ils se mobilisent, se rejettent ou se renforcent dans l’interaction. Ils sont le produit d’une co-­‐construction dont la dynamique interactionnelle constitue le moteur. Une femme, par exemple, ne va pas forcément se conduire de la même manière face à un homme que face à son homologue féminin. Lors d’une interaction, qu’elle soit planifiée (une interview journalistique) ou quotidienne (une rencontre dans la rue), chaque interlocuteur va appréhender l’autre comme un “type” et interagir avec lui dans une situation elle-­‐même “typique” (Berger et Luckmann, 2012, chap. 1). Ces attentes socio-­‐culturelles vont se “confronter” dans l’interaction. Il y a ainsi négociation des rôles. Si je suis une femme et que je parle à un homme, les attentes de mon in-­‐
terlocuteur en terme de “féminité” vont peut-­‐être me pousser à réagir de manière “typique-­‐
ment” féminine, et vice-­‐versa. Tout en gardant en tête que la liberté d’action des interlocuteurs et leur maîtrise des codes sociaux peuvent leur permettre de “jouer” avec leurs rôles. La responsabilité commune en matière de construction et de négociation des rôles genrés lors de l’interaction doit pousser le journaliste à la réflexivité. Une réflexivité sur son propre rôle dans l’interview mais aussi sur le caractère situé des informations récoltées. En d’autres termes, le journaliste devrait, pour comprendre la logique genrée d’une entrevue, se demander qui pose les questions à qui, dans quel contexte, selon quel style de questionnement, et à quel moment (Broom et al., 2009). Car ce sont ces facteurs, liés au genre, à l’âge, au statut socio-­‐professionnel, etc. qui déterminent ce qui est demandé et comment les histoires sont racontées. La réflexivité dans la construction des rôles genrés lors de l’interview ouvre d’autres pistes de réflexion. Il serait par exemple intéressant de se demander si la logique médiatique des inter-­‐
views journalistiques empêche certaines formes de narration et, ainsi, certaines identités. Est-­‐ce que la structure des interviews journalistique favorise un rôle genré plutôt qu’un autre ? Est-­‐ce que le format journalistique suppose un rôle particulier ? Autant de réflexions qui mériteraient de se plonger plus profondément dans les logiques de genre lors de la récolte des données jour-­‐
nalistiques. Page 16
Références Berger, P. L. (2006). Invitation à la sociologie. Paris, France : La Découverte. Berger, P. et Luckmann, T. (2012). La construction sociale de la réalité. Paris, France : Armand Colin. Blanchet, A. (dir.). (1985). L’entretien dans les sciences sociales : l’écoute, la parole et le sens. Paris, France : Dunod. Broom, A., Hand, K. et Tovey, P. (2009). The role of gender, environment and individual biography in shaping quantitative interview data. International Journal of Social Research Methodology, 12(1), 51-­‐65. Butler, J. (2006). Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité. Paris, France : La Découverte. Golombisky, K. (2006). Gendering the interview : feminist reflections on gender as performance in research. Women’s Studies in Communication, 29(2), 165-­‐192. Manderson, L., Bennett, E. et Andajani-­‐Sutjahjo, S. (2006). The social dynamics of the interview : age, class, and gender. Qualitative Health Research, 16, 1317-­‐1334. Oakley, A. (1981). Interviewing women : a contradiction in terms. Dans H. Robert (dir.), Doing Feminist Research (pp. 31-­‐61). Londres, Angleterre : Routledge and Kegan Paul. Pillon, A. (1987). Le sexe du locuteur est-­‐il un facteur de variation linguistique? Revue critique. La linguistique, 23(1), 35-­‐48. Pini, B. (2005). Interviewing men : gender and the collection and interpretation of qualitative data. Journal of Sociology, 41(2), 201-­‐216. Reinharz, S. et Chase, S. (2002). Interviewing women. Dans J.F. Gubrium et J.A. Holstein (dir.), Handbook of interview research : contexte & method (pp. 221-­‐238). Thousand Oaks, CA : Sage. Riessman, C.K. (1987). Gender is not enough : women interviewing women. Gender and Society, 1(2), 172-­‐207. Riessman, C.K. (2002). Analysis of personal narratives. Dans J.F. Gubrium et J.A. Holstein (dir.), Handbook of interview research : contexte & method (pp. 695-­‐710). Thousand Oaks, CA : Sage. Schwalbe, M. et Wolkomir, M. (2002). Interviewing men. Dans J.F. Gubrium et J.A. Holstein (dir.), Handbook of interview research : contexte & method (pp. 203-­‐219). Thousand Oaks, CA : Sage. Suzuki, S. (2006). Gender-­‐linked differences in informal argument : analyzing arguments in an online newspaper. Women’s Studies in Communication, 9(2), 193-­‐219. Page 17
Téléchargement