Mayotte

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SOURCE : Extrait «Les sentinelles de l’Europe »
Impacts du changement climatique sur la biodiversité dans les collectivités d’outre-mer
de l’Union Européenne
Rédaction : Jérôme Petit (UICN)
(Page 91 et suivantes)
3.3) MAYOTTE
MAYOTTE :
France
PTOM
Nombre d’îles :
Population :
Surface :
Densité :
PIB/habitant
Taux de chômage :
Secteurs
économiques :
% aires protégées :
terrestre :
marine :
2 îles et 18 îlots
208 800 (2008)
354 km²
589 hab/km²
2 200 € /hab. (2002)
29 % (2002)
Agriculture et pêche
nd
nd
Mayotte est une collectivité départementale française située dans l’archipel des Comores, au nordouest de Madagascar. Les deux îles volcaniques principales sont entourées de 18 îlots inclus dans
une double barrière de corail. Depuis 2001, Mayotte est engagée dans un processus politique qui
pourrait aboutir progressivement d'ici quelques années à l’obtention du statut de département d’outremer (DOM), voire de région ultrapériphérique européenne (RUP). Mayotte a connu une explosion
démographique impressionnante au cours des 30 dernières années. Sa population d’environ 60 000
habitants a été multipliée par 3,5 en moins de 40 ans pour atteindre 208 800 habitants aujourd’hui.
Avec 589 habitants au km², Mayotte détient aujourd’hui la plus forte densité de population de tout
l’outre-mer européen. Le taux de chômage de ce territoire, de 29 % en 2002, reste important. Les
principales activités économiques sont l’agriculture de subsistance, l’agriculture d’exportation
(cocotiers, banane et vanille) et la pêche. Le territoire a exporté 120 tonnes de poisson en 2002
(PECE 2007). Avec une capacité de 355 lits, l’activité touristique mahoraise en est encore à ses
balbutiements, mais l’écotourisme est perçu comme une piste de développement prometteuse pour
l’île.
3.3.1) ETAT ACTUEL DE LA BIODIVERSITE
Avec 629 espèces de plantes vasculaires pour 354 km², Mayotte détient l’une des flores insulaires
tropicales les plus riches du monde en termes de densité d’espèces (Labat 2003). Cependant, les
écosystèmes terrestres de l’île ont été fortement dégradés. Quelques espèces emblématiques comme
les roussettes, les lézards et le Maki (Eulemur fulvus), un lémurien endémique, vivent dans les
derniers vestiges de forêt naturelle de l’île.
Mayotte est entourée d’un lagon de 1 100 km², l’un des plus grands au monde, fermé par une double
barrière de corail, un phénomène très rare. Cette configuration exceptionnelle offre une formidable
diversité en coraux (récifs barrières, récifs frangeants, récifs internes, pinacles…). Plus de 100
espèces de mollusques et 239 espèces de poissons sont observées à Mayotte. L’île accueille
également une extraordinaire diversité de mammifères marins. On compte notamment six espèces de
dauphins, 17 d’espèces de cétacés (soit 22 % des espèces mondiales) et encore le dugong (Dugong
Dugon), espèce particulièrement menacée qui est à l’origine du mythe des sirènes. Deux espèces de
tortues se reproduisent sur les plages de l’île, la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata) et la tortue
verte (Chelonia mydas). Enfin, Mayotte abrite 668 hectares de mangroves et 10 000 hectares
d’herbiers marins qui hébergent 270 espèces d’algues. Six aires marines protégées couvrent 4 548
hectares, soit seulement 3 % de la surface du lagon (Gabrié 2007). Les ressources humaines et
financières restent insuffisantes pour assurer une protection efficace de ces zones de protection.
Pressions existantes – La forêt primaire de Mayotte a presque entièrement disparu en raison de
pratiques agricoles anciennes, mais aussi de la pression foncière entraînée par l’expansion
démographique récente. Elle n’occupe maintenant plus que 3 % de la superficie de l’île (Pascal 2002).
L’ensemble des forêts naturelles résiduelles de Mayotte est menacé, mais la situation la plus
préoccupante est sans doute celle des forêts sèches et mésophiles, dont il ne reste respectivement
plus que 360 hectares et 85 hectares (DAF 1999). Les menaces les plus importantes sont la
fragmentation et la destruction des habitats naturels par le développement d’infrastructures ou de
routes, mais aussi la multiplication d’espèces exotiques envahissantes végétales qui étouffent la
végétation naturelle. Par exemple, l’avocat marron (Litsea glutinosa), une espèce de Lauracée
envahissante, recouvre plus de 9 % de la surface de l’île (Labat 2003). Depuis une trentaine
d’années, une érosion préoccupante des bassins versants due à la déforestation, à l’agriculture sur
brûlis et au surpâturage provoque un envasement croissant du lagon de Mayotte qui entraîne une
dégradation générale des récifs et des herbiers de l’île. Les plages de Mayotte sont encore
relativement préservées, mais l’accroissement des capacités hôtelières de l’île risque perturber ces
milieux très fragiles. L’implantation prévue d’un hôtel sur la plage de N’Gouja, notamment, pourrait
affecter les populations de tortues qui fréquentent cette zone jusque-là préservée.
3.3.2) MENACES NOUVELLES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Il n’existe que très peu de données sur les impacts actuels ou potentiels du changement climatique
sur la biodiversité à Mayotte. De la même façon que pour l’île de La Réunion, cette problématique est
pour l'instant identifiée par les acteurs de terrain comme une menace secondaire. Les enjeux
écologiques les plus inquiétants sont la déforestation, la sédimentation progressive dans le lagon, les
plantes envahissantes, mais aussi la pénurie d’eau et le stockage des déchets. Les acteurs de terrain
craignent que le changement climatique ne mobilise les minces capacités de recherche de la région et
se place en concurrence avec d’autres enjeux qu’ils jugent plus graves. Cependant, le changement
climatique risque d’affecter Mayotte à plusieurs titres.
Les dernières reliques de forêts naturelles de l’île risquent d'être affectées par les modifications des
conditions climatiques. La migration probable des espèces végétales en altitude pourrait déstructurer
les équilibres naturels et accélérer la propagation de certaines plantes exotiques envahissantes. Les
forêts humides de crête sont particulièrement menacées par une augmentation de la température, car
elles ne pourront pas migrer plus en altitude, étant déjà à la limite supérieure de leur aire de répartition
bioclimatique.
Les plages et les écosystèmes côtiers sont également des milieux particulièrement vulnérables au
changement climatique. L’élévation du niveau marin pourrait provoquer une érosion des plages de
Mayotte, encore particulièrement bien préservées, et menacer la faune et la flore associées à ces
milieux. La dégradation des plages entraînerait un impact collatéral sur les populations de tortues qui
y déposent leurs œufs. Ces espèces seraient également menacées par une élévation de la
température qui aurait des effets sur les conditions d’incubation de leurs œufs et limiterait leur
capacité de reproduction (cf. encadré 3.5).
Mayotte a connu deux épisodes importants de blanchissement des coraux depuis les 25 dernières
années. En 1982 et 1983, près de 36 % des récifs frangeants ont blanchi. En 1998, la vague de
chaleur qui a touché l’ensemble de l’Océan Indien a entraîné un blanchissement de 90 % des coraux
sur la plupart des pentes externes de l’île. La mortalité des coraux blanchis était de 80 % un an après
la vague de blanchissement (Turquet). Le taux de récupération des coraux après un blanchissement
est donc relativement faible à Mayotte. Cette faible résilience de l'écosystème corallien s'explique
sans doute par des perturbations d'origine locale, qui n'ont rien à voir avec le changement climatique :
mauvais traitement des eaux usées, sédimentation terrigène liée à la déforestation, etc. Il est par
conséquent urgent de prendre des mesures très fortes pour la préservation du lagon de Mayotte,
principale richesse de l'île. Dans un contexte d'explosion démographique à Mayotte, la préservation
de ce lagon sera une tâche difficile et constitue un défi majeur pour les années à venir.
Les mammifères marins migrateurs, espèces emblématiques du patrimoine naturel de Mayotte,
pourraient également être affectés par le changement climatique lors de leur phase d’alimentation
dans l’océan Austral (cf. encadré 7.4).
Encadré 3.5 : Température et sexe des tortues
Compte tenu de leur mode de reproduction, les tortues marines peuvent être directement affectées
par le changement climatique. Le sexe des tortues est déterminé par la température d’incubation des
œufs dans les jours qui suivent la ponte. Il existe donc une température « pivot » autour de laquelle
le ratio mâle/femelle évolue dans un sens ou dans l’autre. Une élévation de la température au niveau
des plages de ponte augmente la naissance de tortues femelles, alors qu’une diminution au contraire
favorise le sexe mâle. Le changement climatique peut donc induire un déséquilibre du ratio
mâle/femelle des populations de tortues marines, avec des conséquences graves sur la capacité de
reproduction et de survie de ces espèces. Les tortues sont de bonnes sentinelles pour mesurer les
impacts biotiques du changement climatique, car une augmentation relativement limitée de la
température aura des conséquences directes sur leur survie (Griessinger, Ifremer). A la menace de
l’augmentation de la température, s’ajoute celle de l’élévation probable du niveau marin qui pourrait
conduire à la disparition d’un grand nombre de sites de ponte (cf. encadré 2.11).
L’île de Mayotte compte 163 sites de ponte régulièrement fréquentés par les tortues imbriquées et les
tortues vertes (Gargominy 2003). Cette communauté abondante de tortues, relativement bien
préservée, constitue une richesse naturelle remarquable pour l’île et est considérée comme un
potentiel éco-touristique de premier ordre. Cependant, ces espèces sont confrontées à des pressions
encore plus directes que le changement climatique, comme le braconnage (qui touche environ 2 000
tortues chaque année) (Frazier) et l’envasement du lagon qui étouffe les récifs et les herbiers dont
elles dépendent pour leur alimentation. Des mesures importantes doivent être prises pour limiter ces
pressions anthropiques, et ainsi augmenter la résilience de cette espèce face à la menace majeure du
changement climatique.
Implications socio-économiques – La pression foncière est extrêmement forte à Mayotte, en
particulier dans les zones littorales de faible altitude qui sont souvent les plus peuplées. Une érosion
des littoraux par l’élévation du niveau marin pourrait provoquer une migration des populations
humaines dans les terres et accroître la pression foncière sur les derniers écosystèmes naturels
préservés à l’intérieur de l’île. L’économie de Mayotte est fortement dépendante du secteur de la
pêche. Le changement climatique, à travers le blanchissement des coraux, risque d’entraîner un
déclin des populations de poissons de récif (cf. encadré 3.6). Une diminution des stocks halieutiques
pourrait affecter la pêche de subsistance et la pêche commerciale, et avoir un impact non négligeable
sur l’économie de l’île. La dégradation des coraux, survenue en 1998 à Mayotte, a également
provoqué l’explosion de la micro-algue toxique (Gambierdiscus toxicus) causant la ciguatera, une
intoxication humaine due à la consommation de poissons infectés. Cette algue prolifère sur les récifs
dégradés. Sa densité a été multipliée par plus de 150 entre 1998 et 1999 (avant et après l’épisode de
blanchissement majeur) dans les sites de suivis observés à Mayotte. Cependant, aucune
augmentation significative du nombre de cas d’intoxication humaine n’a été observée dans l’île en
1999.
Encadré 3.6 : Changement climatique et ressources halieutiques
En attente de données
Réponses face au changement climatique - Le projet Sandwatch, financé par l’UNESCO, assure un
suivi régulier des plages de l’île et mène des activités de sensibilisation pour préserver ces milieux (cf.
encadré 3.7).
Encadré 3.7 : Sensibilisation par l’action : le projet Sandwatch
Sandwatch est un projet de suivi à long terme de l’état des plages et de sensibilisation des
communautés insulaires aux problèmes et conflits touchant les plages. Il vise à développer chez les
individus, et en particulier chez les enfants, une conscience de la fragilité de leur environnement marin
et côtier à travers leur participation à des projets concrets de suivi et de protection de ces milieux. Le
projet Sandwatch a débuté dans les Caraïbes en 1999 grâce à une initiative de l’UNESCO. Il est
relayé depuis par les organisations non-gouvernementales, les écoles, les enseignants, les élèves et
les membres des communautés de nombreuses îles aussi isolées que les îles Cook dans le Pacifique,
les Bahamas dans les Caraïbes et Mayotte dans l’Océan Indien. Les classes ou associations
impliquées dans ce projet sont chargées de relever régulièrement plusieurs mesures et
caractéristiques simples de certaines plages de leur île (érosion, accrétion, composition en sable,
faune et flore présentes, qualité de l’eau, activités humaines, quantité de débris et d’ordures). Ces
données sont ensuite compilées et analysées par la communauté scientifique, mais également
interprétées localement par les classes et les associations impliquées. Elles sont diffusées au reste de
la population à travers des conférences, reportages ou expositions, mais aussi par d’autres moyens
artistiques ou ludiques comme des dessins, poèmes et jeux pour marquer les consciences. A Mayotte,
le collège de Koungou participe activement au projet Sandwatch. Les activités réalisées par les
élèves, accompagnés par les associations locales, vont du suivi des populations de tortues de l’île à la
plantation de mangroves en passant par la collecte de déchets. Les élèves réalisent également des
expositions et rencontrent d’autres partenaires du réseau Sandwatch. Leurs activités, reprises par les
médias, génèrent une prise de conscience locale de la fragilité des écosystèmes côtiers.
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