Chene sessile

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C
Acquis de la recherche
hêne sessile
Alexis Ducousso
Photo : A. Ducousso ©INRA
Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Pierroton, 33610 Cestas France
Caractéristiques de l’espèce
Chêne sessile
Espèce sociale* de demi-ombre (post-pionnière* nomade), le chêne sessile a une très large
amplitude écologique et climatique. Très longévif (plus de 800 ans), il peut atteindre jusqu’à
45 mètres de hauteur. Son aire naturelle s’étend de l’Irlande à l’ouest de l’Ukraine, du nordouest de l’Espagne au sud de la Scandinavie. En France, il est présent dans tous les départements depuis le niveau de la mer jusqu’à 1750 mètres et sur des sols très variés. Commun
dans la moitié nord et le Massif Central, il est rare dans le Sud-Est et la Corse. Il forme des
peuplements purs mais se rencontre le plus souvent mélangé avec le chêne pédonculé, le
charme ou le hêtre.
Avec une surface de 1,8 million d’hectare (12% de la surface totale boisée) et un volume sur
pied de 246 millions de m3, il se place avec le chêne pédonculé au premier rang des
essences forestières. Ils fournissent tous deux 33% de la production française de sciages
feuillus et procurent 40% des revenus de la filière graines et plants. Leurs bois sont très
recherchés pour l’ébénisterie, la tonnellerie et la menuiserie.
Le chêne sessile est une espèce monoïque*, allogame*. Les arbres deviennent aptes à fructifier à partir de 40 à 100 ans. La fructification est très variable suivant les individus, les populations et les années. Actuellement, la chênaie est régénérée pour moitié naturellement et
pour moitié artificiellement.
Menaces sur les ressources génétiques
Cette espèce n’est pas menacée en France mais il existe plusieurs risques pour les ressources
génétiques :
• introduction de génotypes* étrangers. D’importantes plantations ont été réalisées dans les
années 60. Depuis 1974 le chêne sessile a été soumis à la réglementation sur les matériels
forestiers de reproduction. Les récoltes de glands effectuées en France sont donc limitées
aux 132 peuplements classés, groupés en quinze régions de provenances. Cependant le
matériel utilisé lors des plantations des années 60 peut avoir une origine allochtone* (transfert entre régions françaises ou importation de provenances étrangères). Depuis 1990, le
risque est plus limité mais il subsiste du fait de déficits locaux parfois récurrents en
semences. Ces peuplements peuvent polluer génétiquement de grandes surfaces car le pollen se disperse sur de grandes distances ;
• risque de disparition de populations marginales qui recèlent des ressources génétiques originales à protéger (populations corses menacées par les incendies, par exemple).
• difficultés de gestion à moyen terme des peuplements mélangés de chênes sessile et pédonculé. Certaines pratiques sylvicoles anciennes (plantations ou coupes rases) ont eu pour
conséquence de favoriser le chêne pédonculé dans des situations où il n’était pas parfaitement adapté (stations trop sèches ou peuplements denses) ce qui s’est traduit par des dépérissements. La tendance actuelle, dans ce type de milieux, est une augmentation progressive de la proportion de chêne sessile pouvant parfois aller jusqu’à l’élimination complète du
chêne pédonculé et la suppression de l’hybridation qui constitue probablement un des
mécanismes de maintien de la diversité à un niveau élevé. Il convient donc de trouver un
mélange adéquat et un traitement sylvicole permettant le maintien de ces deux espèces, aux
exigences écologiques différentes.
• Notion d’espèce. Les chênes sessile, pédonculé, pubescent et tauzin forment un complexe d’espèces qui échangent activement des gènes*. L’existence d’une hybridation
interspécifique a été mise en évidence en conditions artificielles (croisements contrôlés) et naturelles (marqueurs
moléculaires).
• Structuration de la diversité et de la variabilité. Les marqueurs moléculaires nucléaires montrent une faible structuration géographique* avec un gradient est-ouest. Cette
structuration est plus forte avec des marqueurs quantitatifs,
et s’organise souvent selon des gradients altitudinaux et
latitudinaux. Les marqueurs moléculaires cytoplasmiques
révèlent également une très forte structuration qui est commune à toutes les espèces du complexe.
Photo : J. Goacolou ©INRA
Quercus petraea (Mattus.) Liebl. (Fagacées)
Le genre Quercus comprend plusieurs centaines d’espèces réparties
sur tout l’hémisphère nord. On dénombre en France 7 espèces
autochtones* (sous-genre Euquercus) dont 4 classés dans le complexe des chênes blancs à
feuilles caduques auquel appartient le chêne sessile.
• Histoire des chênaies. Lors de la dernière glaciation, les
espèces se sont réfugiées dans le sud de l’Europe. La recolonisation de l’Europe par différentes voies a laissé une
empreinte génétique révélée par l’ADN du chloroplaste*.
Mise en œuvre du réseau conservatoire
Quatre objectifs ont été retenus pour la mise en place du réseau conservatoire :
1• échantillonnage de la diversité génétique et de la variabilité phénologique* et écologique
des populations de chêne sessile,
2• préservation des mécanismes générant la diversité. L’hybridation interspécifique est l’un
d’eux. Certaines placettes retenues comporteront un mélange de 2 ou 3 espèces du complexe “chênes blancs”,
3• conservation des crus. Par sa diversité de gestion, l’homme a généré des écotypes* particuliers dont certains révèlent leur supériorité dans les tests de provenance,
4• sauvegarde des ressources en danger. Il existe de nombreux types de populations marginales (tourbières, dunes, ...) et dans certaines régions l’espèce est très rare (Corse, Sud-Est).
Ces populations sont souvent menacées de disparaître à court terme.
Ce réseau sera axé sur des unités conservatoires in situ (objectifs 1, 2 et 3) mais des mesures
ex situ peuvent être envisagées pour l’objectif 4.
Le processus de mise en place du réseau “chêne sessile” a été lancé en 1998. Pour le
moment, seul l’objectif 1 est pris en compte et 20 massifs forestiers sont candidats pour
accueillir une unité conservatoire. Les populations retenues ont été choisies en fonction de
critères stationnels et génétiques.
Perspectives
À moyen terme, le réseau comprendra 30 unités correspondant à l’objectif 1. La prise en
compte des 3 autres espèces du complexe et des 3 autres objectifs suivra au fur et à mesure de l’acquisition de données scientifiques nouvelles et des possibilités de mobilisation des
gestionnaires de terrain. 5
Références bibliographiques
Bacilieri R, Roussel G et Ducousso A, 1993. Hybridization and mating system in a mixed stand of sessile and
pedunculate oak, Ann. Sci. For., 1, 122S-127s.
Ducousso A., Bodénes C., Petit R. et Kremer A., 1996. Le point sur les chênes blancs européens, Forêt-Entreprise, 112, 49-56.
Ducousso A., Bacilieri R., Demesure B., Petit R., Zanetto A. et Kremer A., 1997.Structuration géographique de la diversité
génétique chez les chênes à feuilles caduques européens, Bull. Tech. O.N.F.,33, 7-19.
Dumoulin-Lapègue S., Demesure B., Fineschi S., Le Corre V. et Petit R.J., 1997. Phylogeographic structure of white oaks
throughout the European continent, Genetics, 146, 1475-1487.
Petit R., Kremer A., Wagner DB, 1993. Geographic structure of chloroplast DNA polymorphisms in European oaks, Theor.
Appl. Genet., 87, 122-128.
Zanetto A., Kremer A., 1995. Geographical structure of gene diversity in Quercus petraea (Matt.) Liebl.. I. Monolocus patterns of variation, Heredity, 75, 506-517.
Allochtone : se dit d’une espèce ou population introduite par l’homme en un
lieu donné.
Allogamie : mode de reproduction
sexuée dans lequel la pollinisation est
assurée par le pollen d’un individu génétiquement différent, mais de la même
espèce (pollinisation croisée).
Autochtone : se dit d’une espèce ou
d’une population originaire du milieu
où elle se trouve (non introduite par
l’homme).
Chloroplaste : corpuscule des cellules
végétales coloré par la chlorophylle et
siège de la photosynthèse. Son ADN est
d’origine maternelle chez les feuillus.
Écotype : au sein d’une espèce, populations différenciées par la sélection naturelle exercée par un ou plusieurs facteurs écologiques.
Gène : unité d’information génétique
(séquence d’ADN), pouvant déterminer
l’expression d’un caractère.
Génotype : caractérise les gènes (ou les
allèles) portés par un individu pour un
caractère donné.
Monoïque : se dit d’une plante à fleurs
mâles et femelles séparées, mais situées
sur le même pied.
Phénologie : variation de la période et
de la durée de floraison ou de feuillaison
d’un végétal, en relation avec le climat.
Pionnière : se dit d’une espèce apte à
coloniser des terrains nus et participant
aux premiers stades d’une succession
végétale.
Post-pionnière : se dit d’une essence à
croissance rapide qui apprécie la lumière. Elle intervient généralement dans les
successions végétales après les essences
pionnières* mais peut parfois les remplacer.
Sociale : se dit d’une espèce ayant une
forte aptitude à coloniser un espace ou
à se propager, et se rencontrant en peuplements denses ou étendus.
Structuration géographique : formation de zones où les populations sont
homogènes génétiquement du fait de
leur proximité géographique.
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