MAGAZINE } santé Cette page Magazine santé est réalisée en collaboration avec l’Hôpital du Jura et le Service cantonal de la santé publique. Fréquente et gênante, l’incontinence féminine se soigne V DOSSIER SENSIBLE De nombreuses femmes souffriront de ce problème au cours de leur vie, suite à un accouchement, en période de ménopause ou à cause du vieillissement. Des solutions existent pour y pallier D cer les muscles du plancher pelvien, mais surtout de faire ressentir à la patiente la zone à contracter lors des séances suivantes. Dans certains pays, comme la France, des séances de rééducation pelvienne sont d’ailleurs proposées systématiquement aux mères qui viennent d’accoucher. outer de sa vessie peut avoir des conséquences délétères sur la vie tout entière. «Certaines femmes planifient leurs déplacements en ville en fonction des lieux où il y a des toilettes, avec toujours la hantise que des fuites se produisent malgré tout», expliquent Patricia Schaller et Isabelle Urbanik-Roth, physiothérapeutes à l’Hôpital du Jura. D’autres s’interdiront un grand nombre d’activités comme se rendre dans une autre ville ou faire du sport, et réduiront drastiquement leur consommation de liquide. Ces troubles de l’incontinence peuvent occuper petit à petit une place centrale dans la vie des patientes, ceux-ci s’aggravant avec le temps. L’exercice, une hygiène de vie Ce n’est là qu’une partie du travail: les patientes devront ensuite effectuer seules ces exercices, à la maison, sans la supervision de la thérapeute: contracter les muscles pendant quelques secondes (moins de dix, sinon l’effet est inverse), puis les relâcher; les contracter à nouveau. «Je demande à mes patientes de le faire 60 fois par jour, comme ça je peux espérer qu’elles le fassent 20 ou 30 fois», s’en amuse Isabelle Urbanik-Roth. Un tout nouvel appareil L’uro-gynécologie est une spécialisation médicale qui prévient et corrige les altérations du plancher pelvien, ces muscles qui referment la base du bassin et qu’on peut comparer à une sorte de hamac qui s’étendrait entre le pubis et le coccyx, entourant l’urètre (le canal par lequel s’écoulent les urines), le vagin et l’anus. Lorsqu’ils fonctionnent normalement, ils permettent de retenir selles et urines jusqu’à la vidange volontaire, le moment où l’on décide de se rendre aux toilettes. Or, après la grossesse, l’accouchement, la ménopause ou certaines interventions chirurgicales, il peut arriver que ces muscles ne remplissent plus convenablement leur fonction, causant des fuites, voire même une vidange involontaire de la totalité de la vessie, avec les problèmes hygiéniques et de gêne sociale que cela implique. Pour comprendre de quoi il est question, usons d’une métaphore: l’urètre peut être vu comme un tuyau d’arrosage sur lequel on appuierait le pied pour empêcher l’écoulement d’eau. Si la pression du pied est suffisamment forte et que la surface sur laquelle on compresse le tuyau est ferme (du béton plutôt que du sable), l’eau ne peut s’échapper du tuyau. Si au contraire la pression du pied est trop faible, le liquide s’écoule. Quel- Les femmes qui souffrent d’incontinence urinaire ont deux possibilités de se soigner : la chirurgie et l’exercice physique supervisé par des physiothérapeutes. que chose de similaire se produit chez les patientes qui souffrent d’incontinence. La plupart des fuites ont lieu lorsqu’une pression supplémentaire est exercée sur la vessie, souvent lors de contractions abdominales: lors d’une activité physique soutenue, comme une séance de sport, ou même des efforts quotidiens (soulèvement d’une charge, éternuement ou encore quinte de toux). Des tests urodynamiques au cours desquels sont mesurées la pression abdominale, celle de l’urètre ainsi que la contenance de la vessie, permettent d’établir objectivement le diagnostic d’incontinence. L’Hôpital du Jura vient d’ailleurs d’investir dans un nouvel appareil urodynamique, une nécessité au vu de la demande qui ne cesse d’augmenter. Il existe deux façons de lutter contre l’incontinence d’effort: la physiothérapie et la chirurgie, selon que le trouble provienne d’une faiblesse des muscles du plancher pelvien ou d’un dégât anatomique. Si la seconde option est plus invasive et comporte des risques associés à toute intervention chirurgicale, elle a le mérite d’être rapide: l’opération se déroule en ambulatoire et dure une demi-heure environ, sous anesthésie locale. Elle consiste à poser des bandelettes pour renforcer les muscles du plancher pelvien. «Beaucoup de patientes tardent à se faire opérer et finalement, après coup, elles regrettent de ne pas l’avoir fait plus tôt», commente Roberto Lopez, gynécologue à l’Hôpital du Jura, sur le site de Delémont. Plus de 8 fois par jour aux toilettes L’intervention chirurgicale ne peut régler tous les troubles de la vessie, seulement ceux qui sont causés par une «mécanique» musculaire défaillante. Ainsi, l’incontinence d’urgence (vidange involontaire de la vessie lorsque celle-ci est pleine) et la pollakiurie (trouble dont souffrent les personnes qui doivent se rendre plus de 8 fois par jour aux toilettes et 2 fois par nuit) nécessiteront la prise de médicaments ou des séances de rééducation pelvienne. «Lors de la première séance de physiothérapie, nous utilisons une sonde périnéale, insérée dans la vulve. Elle provoque des contractions musculaires par courant électrique à la façon de ces machines pour muscler les abdominaux vendues dans les téléachats», explique Patricia Schaller. «Contrairement aux idées reçues, c’est parfaitement indolore», ajoute Isabelle Urbanik-Roth. Cette technique permet certes de renfor- La boutade prend tout son sens lorsqu’on sait la difficulté qu’ont les patients des physiothérapeutes à poursuivre leurs exercices sur une longue période… et pourtant c’est crucial. Pour pallier ce problème, il faut les intégrer dans le quotidien, comme le détaille Patricia Schaller: «Je leur conseille d’effectuer les contractions tout en faisant la vaisselle ou en se brossant les dents: elles évitent ainsi de devoir consacrer une plage horaire pour cette seule activité et se souviennent de le faire!» Et sa collègue de compléter: «Ne pas se rendre aux toilettes lors de la première sensation de besoin est aussi un exercice en soi.» Ces séances quotidiennes permettent parfois de prévenir l’apparition de l’incontinence, chez les femmes comme chez les hommes: tout adulte, peu importe son âge, devrait donc les pratiquer régulièrement. Et s’il fallait un argument supplémentaire pour s’y mettre, non médical cette fois-ci, une tonicité dans cette partie-là du corps n’est pas sans effet sur les plaisirs de l’amour. ALAN MONNAT Il faut oser parler des fuites urinaires La chirurgie est aussi une solution pour pallier le problème de l’incontinence. Elle est pratiquée en ambulatoire à l’Hôpital du Jura. ARCHIVES DANIÈLE LUDWIG 14 | Mercredi 1er octobre 2014 | Le Quotidien Jurassien Malgré le grand nombre de femmes qui souffrent d’incontinence, le sujet demeure tabou. «Dans ma jeunesse, je faisais de la gym et je ne comprenais pas pourquoi, au moment de la corde à sauter, les femmes plus âgées refusaient de se prêter à l’exercice. J’ai compris plus tard qu’elles craignaient des fuites urinaires», témoigne une physiothérapeute. Une anecdote qui évoque à la fois la fréquence du trouble et l’omerta qui règne sur le sujet. Souvent, pour faire passer le sentiment de honte et cette sensation d’isolement dont souffrent les patientes, le gynécologue Roberto Lopez les invitent à en parler autour d’elles: il est certain que dans leur entourage certaines de leurs amies souffrent également d’incontinence. Liberté de parole sur Internet Pour lutter contre le tabou, des campagnes d’informations fleurissent un peu partout en Occident. Aux EtatsUnis, elle porte le nom d’«underaware», un jeu de mot entre sous-vêtement («underware») et prise de conscience (aware): une marque de couches pour adulte verse un dollar à la recherche médicale contre l’incontinence pour toute photo en sous-vêtements postée sur les réseaux sociaux avec la mention «drop your pants» (baisse ton pantalon). Internet joue d’ailleurs un rôle très important pour briser le silence et outrepasser les gênes liées à certaines conditions médicales. Les forums permettent à tout un chacun de parler de ses soucis de santé et d’échanger avec des personnes qui souffrent du même trouble. Les jeunes gens étant plus habitués à ce nouveau média, ils parlent plus facilement de leurs problèmes de santé à leur médecin. «Ce sont les femmes d’un certain âge qui n’osent pas m’en parler. C’est pourquoi je pose systématiquement la question lors des contrôles gynécologiques de routine», explique le gynécologue. La non- maîtrise de sa vessie est communément associée à l’enfance, d’où la gêne ressentie par les patientes qui en souffrent. L’âge est souvent invoqué pour refuser de traiter les problèmes d’incontinence. Ainsi, certaines femmes se résignent à porter des couches pour adultes jusqu’à la fin de leur vie, se croyant «trop vieilles». Le Dr Lopez les invite à revoir leur décision: «L’espérance de vie est de plus de 80 ans ! Passer 20 ans à être mouillé peut être très désagréable et handicapant socialement. Il est d’autant plus important d’agir vite que plus on attend, plus le problème s’aggrave, et plus les risques d’une opération sont élevés.» AM