Adaptation : qui paiera le prix ? Pourquoi les pays riches doivent contribuer équitablement au financement de l’adaptation au changement climatique, dans le nouvel accord mondial pour le climat. Résumé exécutif Le monde s’attend à un nouvel accord global sur le climat, qui doit être signé à la COP21 à Paris cette année. Si ce nouvel accord a vocation à aider les pays en développement à faire face et à s’adapter aux conséquences des changements climatiques, il faut absolument s’assurer que les pays riches apportent un soutien financier suffisant pour relever ces défis. Sans un tel accord, l’inaction mondiale face au climat risquerait sérieusement d’aggraver les inégalités qui altèrent déjà nos économies et créent des divisions dangereuses dans nos sociétés. Les pays en développement sont particulièrement vulnérables et leur capacité économique. Nous voyons qu’à ce jour, les au changement climatique. L’adaptation face au climat engagements financiers pris par les pays riches sont en- est dans ces pays un défi coûteux, et qui doit être mis en œuvre en plus des efforts continus de développement. Il reste deçà de leurs « justes parts » (ou « fair share »), ce qui a de sérieuses implications pour les pays vulnérables. encore beaucoup à évaluer, mesurer et apprendre en matière d’adaptation. Des investissements seront nécessaires dans Les pays contributeurs vont devoir augmenter les technologies, communications, infrastructures, institutions, considérablement leurs engagements financiers avant et formations, sensibilisation, etc... Ces efforts vont demander un au-delà de 2020, année où un nouvel accord mondial pour soutien financier important des pays les plus riches. le climat entrera en vigueur. Les financements publics en soutien à l’adaptation dans les pays en développement Mais malgré des promesses politiques formulées par les pays auront besoin d’être augmentés de 3 à 5 milliards de développés en tant que groupe, les fonds nécessaires ne sont dollars US en 2013, jusqu’à 50 milliards de dollars par an que très lentement mis à disposition par chacun de ces pays. d’ici 2020 au minimum, et 150 milliards par an d’ici 2025. Les pays les plus vulnérables en sont fortement préoccupés Si ces montants paraissent importants, ils sont faibles en et craignent de se retrouver seuls face aux conséquences comparaison avec d’autres dépenses publiques, comme les graves d’un problème qu’ils n’ont pas causé. budgets de la défense ou liés au renflouement des banques. Le fossé entre les promesses et les besoins de financement Dans ce rapport, ActionAid s’appuie sur les estimations de l’adaptation pourrait être facilement comblé avec existantes les plus crédibles – bien que très prudentes – du suffisamment de volonté politique et des mesures publiques coût total de l’adaptation pour les pays en développement « de bon sens », comme la redirection des subventions aux et divise ce montant en « juste part » pour chaque pays énergies fossiles et la mise en œuvre internationale d’une taxe contributeur (développé), en prenant en compte leur niveau de sur les transactions financières. contribution historique aux émissions de gaz à effet de serre Adaptation : qui paiera le prix ? Les pays riches doivent seulement payer un montant Ce rapport utilise des chiffres et des hypothèses que l’on équivalent à 0,1 % de leur PIB d’ici à 2020, pour soutenir peut qualifier de prudents. Par exemple, nous utilisons la l’adaptation des pays en développement et s’acquitter de promesse des pays riches de fournir 100 milliards de dollars leur juste part. pour le financement du climat d’ici 2020 pour déterminer un Le prix à payer est ainsi comparé aux avantages de objectif à atteindre par les fonds dédiés à l’adaptation. Pour l’industrialisation dont ils ont bénéficié au cours du siècle dernier. autant, ce chiffre est une création politique qui ne se base pas sur une évaluation scientifique des besoins actuels, qui serait Les financements climatiques doivent être additionnels à vraisemblablement beaucoup plus importante. Pour 2025 et doivent pas affecter les budgets dédiés à l’APD. L’adaptation du Rapport mondial de l’adaptation du Programme des Nations aux changements climatiques permet au développement Unies pour l’Environnement (PNUE) publié en 2014. Bien qu’il de continuer, et idéalement en synergie avec les efforts déjà sous-estime sans doute assez largement les coûts réels, ce mis en œuvre. Mais elle ne se substitue pas aux plans de rapport constitue malgré tout la source la plus fiable disponible développement existants, qui sont tout autant cruciaux pour actuellement. Même en se basant sur ces sous-estimations, la sauvegarde des droits des populations et la justice sociale. nous arrivons à la conclusion que les pays riches ne sont pas du ceux de l’Aide Publique au Développement (APD), et ne 2030, nous utilisons l’estimation des coûts de l’adaptation issue tout à la hauteur de leurs responsabilités financières. Les annonces récentes de financements de certains pays comme le Royaume-Uni ou la France peuvent avoir l’air Nous soulignons que même si le financement de l’adaptation de prime abord d’aller dans la bonne direction. Pourtant et les efforts d’atténuation sont considérablement revus à le manque de clarté de ces annonces laisse craindre que la hausse, l’augmentation globale des températures signifie les fonds mobilisés ne soient ni nouveaux ni additionnels : que les pays vulnérables continueront de subir les impacts les mêmes fonds seraient comptabilisés à la fois comme du changement climatique. Plus la température globale sera Aide publique au développement et finance climatique, et haute, plus les coûts de l’adaptation seront importants et les ne prendraient peut-être pas tous la forme de subventions coûts des pertes et dommages élevés. Le nouveau cadre publiques. Le financement de l’adaptation au changement global sur le changement climatique doit donc inclure un climatique ne doit pas se faire sous la forme de prêts, Objectif Global d’Adaptation, qui reconnaît que les coûts qui exacerberaient encore davantage la dette et l’exploitation financiers de l’adaptation et la prise en compte des pertes et des pays vulnérables aux changements climatiques, et ne dommages ne sont pas figés mais dépendent fortement de parviendraient pas à toucher les communautés les plus l’ampleur des actions d’atténuation prises à court terme. pauvres qui sont celles qui ont le plus besoin de soutien. Les résultats clés : • Les investissements dans des stratégies d’adaptation telles que les technologies météorologiques modernes, les systèmes performants d’alerte, la construction de digues pour protéger les communautés et les exploitations agricoles de la montée du niveau des mers, la formation des services publics décentralisés et la sensibilisation des paysans sont autant d’actions qui vont être extrêmement coûteuses et dépasseront les capacités financières de beaucoup de pays en développement. • Les pays riches doivent impérativement augmenter le montant total des subventions qu’ils se disent prêts à accorder pour l’adaptation dans les pays en développement : ils doivent passer du niveau de 2013, à savoir 3-5 milliards de dollars par an, à 50 milliards de dollars par an d’ici 2020 au minimum, et 150 milliards de dollars par an d’ici 2025. • Bien que ces chiffres semblent considérables, moins de 0,1 % du PIB de la plupart des pays en 2020 et environ 0,2 % en 2025 suffirait pour les atteindre. • La France, pays-hôte de la COP21 en 2015, doit rapidement accroître ses financements pour l’adaptation, de 0,07 milliards de dollars en 2013, à 2,1 milliards de dollars en 2020. • Les États-Unis doivent multiplier par 60 les sommes prévues pour le financement de l’adaptation d’ici 2020. Traduit de l’anglais vers le français par Maelys Orellana et Audrey Arjoune Photo : Fatou Sarr constate la salinisation et la perte de fertilité du sol de son champ de riz, Sénégal - Clément Tardif © ActionAid Maquette : L’Herbe Folle /www.herbe-folle.fr