se former / CONDUITE À TENIR / Brûlures chimiques de la cornée chez les carnivores domestiques ! Les bases les plus communes : - les savons (bases faibles) ; - la soude des produits pour déboucher les éviers, la lessive (NaO H, KO H) et la chaux (CaO) présents dans le ciment, le plâtre, le bagigeon ; - l’ammoniaque et l’hydroxyde de magnésium présents dans les feux d’artifice et les explosifs. ! Les acides : - les produits d’entretien de la maison à base d’acide ; - les shampoings destinés à l’homme. Encadré 1. D eux types de brûlures chimiques peuvent affecter la cornée : brûlure par un acide ou par une base (encadré 1). Ces dernières sont les plus fréquemment rencontrées. Toute brûlure constitue une urgence ophtalmologique en raison des lésions extra-oculaires, mais surtout intra-oculaires, qu’elle peut engendrer. Les points essentiels • çage prolongé (± • ± é é érale. • Anticollagénases. Symptômes cliniques • Protecteurs cornéens. Les symptômes cliniques lors de brûlure de la cornée sont d’apparition brutale : - blépharospasme, photophobie ; - rougeur oculaire, hyperhémie conjonctivale, nécrose sclérale et/ou conjonctivale ; - œdème cornéen, ulcère pouvant évoluer rapidement jusqu’à la descemétocèle ; - uvéite antérieure. •± nérale. •± étocèle. • Collerette. • Contrôles : toutes les 48 heures à Pathogénie - Au contact d’un acide, les protéines de la cornée précipitent rapidement et forment une barrière physique protectrice qui ralentit la diffusion de l’acide dans les lames profondes de la cornée. En outre, les tissus ont en eux-mêmes une action de neutralisation de l’acide. Les ulcères de cornée sont donc en général superficiels et les structures intra-oculaires conservent leur intégrité. Cliché V. Meunier Bases et acides les plus fréquemment incriminés dans les brûlures oculaires - Les bases pénètrent rapidement dans les lames cornéennes. Elles se combinent aux lipides membranaires, désorganisent les cellules et détrui- par Valérie Meunier Photo 1. Projection de ciment dans l’œil d’un bulldog anglais âgé de cinq mois. Évolution en large descemétocèle après une semaine, malgré un traitement rapide et adapté. Noter l’aspect pâle des conjonctives (ischémie et nécrose), la lyse cornéenne intense et le cercle périkératique. Article reçu en décembre 2000 2 Le Point Vétérinaire / N°212 / Janvier-Février 2001 / Cliché V. Meunier Cliché V. Meunier Photo 2. Bulldog anglais : greffe conjonctivale libre en utilisant la conjonctive saine de l’œil adelphe. Très bon résultat final : globe préservé et aspect esthétique satisfaisant. Photo 3. Jack Russell âgé de quatre mois ayant reçu du Destop® dans l'œil droit : lyse stomale toujours active après 17 jours de traitement. Uvéite associée. Cliché V. Meunier sent le collagène et les kératocytes. Ce phénomène entraîne un afflux de polynucléaires neutrophiles qui favorisent la dégradation stromale par leur action protéolytique intense et qui renforcent la lyse cornéenne (libération de collagénases par les cellules lésées et les polynucléaires neutrophiles). Ces réactions en chaîne peuvent se poursuivre pendant plusieurs jours, détruire totalement la cornée et causer des lésions irréversibles dans la chambre antérieure (glaucome par destruction du trabéculum, uvéite antérieure, cataracte). L’intensité des lésions dépend du degré d’alcalinité du produit (photos 1, 3 et 5) et de sa présentation (liquide, paillettes, etc.). Photo 4. Bulldog anglais : six mois après la greffe. • Le premier geste doit être le rinçage prolongé de la cornée, mais aussi des culs-de-sac conjonctivaux. - S’il a été témoin de l’accident, le propriétaire doit rincer immédiatement à grande eau l’œil atteint avant de venir au plus vite consulter. À défaut d’autres liquides adaptés, l’eau du robinet suffit en première intention à éliminer la majorité du toxique. - Au cabinet ou à la clinique vétérinaire, le rinçage doit être long (parfois pendant plus de 20 minutes dans les cas graves), sous anesthésie générale si nécessaire, avec une solution saline stérile. Ne pas oublier de rincer sous la membrane nictitante et les culs-de-sac conjonctivaux ! • L’utilisation d’agents neutralisants est encore controversée. En effet, la réaction chimique qui s’instaure peut causer des lésions supplémentaires par la chaleur qu’elle dégage. À titre indicatif, utilisation de bicarbonate de sodium 3 p. cent (lors de brûlure par un acide) et d’acide acétique 2 p. cent (lors de brûlure par une base). • Une antibiothérapie topique (gentamicine, association néomycine et polymyxine B) est instaurée systématiquement. Une antibiothérapie par voie générale (fluoroquinolones) est associée en cas de perforation cornéenne. • Les anticollagénases (collyre à base d’acétylcystéine) sont utiles, surtout lors de brûlure par base. • Les protecteurs cornéens (gels lacrymaux) permettent de protéger et de lubrifier la cornée. • Un anti-inflammatoire non stéroïdien est administré par voie générale, s’il existe une uvéite antérieure. • Les traitements chirurgicaux instaurés sont, soit une tarsorraphie, soit la correction de la descemétocèle (greffe conjonctivale : photos 2 et 4, greffe de collagène(1)). Une énucléation peut être nécessaire si les tissus intra-oculaires sont irrémédiablement lésés. • La mise en place d’une collerette est conseillée dans tous les cas. Le rythme d’instillation des collyres est variable en fonction de l’intensité des symptômes (toutes les heures à trois fois par jour). L’animal doit être revu très régulièrement (tous les deux jours au début), s’il existe une suspicion de brûlure par une base, afin de contrôler l’évolution de la lésion cornéenne. Si la brûlure est Cliché V. Meunier Traitement Photo 5. Vaste ulcère à collagénase chez un chat adulte d'apparition brutale au retour d’une promenade. Suspicion de brûlure par une base. Tarsorraphie, hospitalisation et traitement topique intensif. Évolution favorable et retour à la transparence cornéenne après deux mois. superficielle, un contrôle hebdomadaire suffit. Il convient de pas oublier de contrôler la sécrétion lacrymale (test de Schirmer, normes : > 15 chez le chien, > 10 chez le chat) une fois l’urgence gérée, afin de déceler une éventuelle kérato-conjonctivite sèche consécutive à une destruction chimique des glandes lacrymales ou de leurs conduits. Conclusion Le pronostic visuel dépend de la nature du toxique, de son pH, de la quantité projetée et de la rapidité des soins locaux. Devant toute lésion d’apparition brutale et en l’absence de commémoratifs précis, il convient de suspecter une brûlure par une base et d’adopter la conduite à tenir appropriée. ■ ! ATTENTION • Il convient de pas oublier de contrôler la sécrétion lacrymale (test de Schirmer). (1) VetBioSyst®, laboratoire Cook). En savoir plus Références - Christmas R. Management of chemical burns of the canine cornea. Can. Vet. J. 1991;32:608-12. - Whitley RD et Gilger BC. Diseases of the canine cornea and sclera. In: Gelatt KN. Veterinary ophthalmology. Lippincott Williams &Wilkins, Baltimore, 1999. - Régnier A. Etude clinique des ulcères de cornée chez les carnivores domestiques. ENVT. CES d’ophtalmologie vétérinaire. 1997. - Schmidt-Morand D. Les urgences oculaires chirurgicales. Point Vét. N° Spécial “Les urgences chez les carnivores domestiques”.1998;29:129-138. A lire également Contact - Beltran W, Clerc B. Les urgences oculaires médicales. Point Vét. N° spécial “Les urgences chez les carnivores domestiques”.1998;29: 123-128. - Laforge H. Les ulcères de cornée. PMCAC. 1997;32:113-127. ! Valérie Meunier Consultante en ophtalmologie 30, rue Fays 94300 Vincennes Tél. : 01 43 98 21 07 e-mail : [email protected] / N°212 / Janvier-Février 2001 / Le Point Vétérinaire 3