UNIVERSITE DE BANGUI ------------ REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Unité-Dignité-Travail FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES --------------DEPARTEMENT D’ANTHROPOLOGIE -------------OPTION : PATRIMOINE CULTUREL ET DE LA COMMUNUCATION MUTATION DE LA TECHNOLOGIE DU FER EN CENTRAFRIQUE : ETUDE COMPAREE DE LA FORGE ENTRE BANGUI-BAMBARI MEMOIRE DE MASTER 2 D’ANTHROPOLOGIE Présenté et soutenu par : Mr François MURAMIRA Maître en Anthropologie Sous la Direction de : Mr Bruno MARTINELLI Professeur des universités à l’Université de Provence Convention Inter-universitaire entre l’université de Bangui et l’université de Provence Aix-Marseille 1 Année Académique : 2005-2006 1 I DEDICACE Je dédie ce travail à : - Mes parents Charles NKURUNZIZA et Madeleine MUKAGASANA - Toute ma famille 2 II REMERCIEMENTS Je dois reconnaissance à tous ceux ou celles qui ont contribué à la réalisation de mon travail. D’abord à mon Directeur de mémoire, Professeur Bruno MARTINELLI . Je tiens à exprimer mes vives gratitudes. En dépit de ses multiples charges, il a bien voulu guider mes pas jusqu’à l’achèvement de cette étude. Mes gratitudes vont également à l’endroit de tous ceux qui m’ont aidé d’une façon ou d’une autre dans mes recherches, plus précisément : - Au personnel enseignant du Département d’Anthropologie qui a bien voulu assurer ma formation malgré les conditions difficiles de travail ; - A tous mes parents, à ma fiancée Emma SAMBA, et à mes frères et sœurs Olivier, Philippe, Valéry, Epiphanie et Marie Généreuse ; - Et plus particulièrement à la Révérende Sœur Paulette PETIT ; - A Monsieur Sylvain WABANGUE. - A Monsieur Roger TOINGAI qui m’a donné pas mal de conseils ; - A tous mes amis, collègues et connaissances pour l’appui qu’ils n’ont cessé de m’apporter à travers les conseils, les encouragements et l’assistance matérielle et financière pour la réalisation de ce travail ; - A tous mes informateurs parmi les forgerons de Bambari ainsi que ceux de Bangui. 3 III SOMMAIRE DEDICACE --------------------------------------------------------------------------I REMERCIEMENTS----------------------------------------------------------------II INTRODUCTION GENERALE--------------------------------------------------1 Ière PARTIE : APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE CHAPITRE PREMIER : APPROCHE THEORIQUE 1.1. L’anthropologie du changement social---------------------------------1.2. L’anthropologie du développement----------------------------------------1.3. La transformation du sous système technique----------------------------1.4. La transformation du sous système social et culturel -------------------1.5. Le processus d’apprentissage technique-----------------------------------CHAPITRE DEUXIEME : APPROCHE METHODOLOGIQUE 2.1.La définition des concepts ---------------------------------------------------2.1.1. Mutation ---------------------------------------------------------------------22. La présentation du terrain d’étude- -----------------------------------------2.2.1. L’aspect physique----------------------------------------------------------2.2.2. L’aspect social --------------------------------------------------------------2.3. Les techniques de collecte des données ---------------------------------2.3.1. La revue de la littérature---------------------------------------------------2.3.2. L’observation---------------------------------------------------------------2.3.2.1. L’observation directe --------------------------------------------------2.3.2.2.. L’observation participante --------------------------------------------2.4. L’entretien sémi-dirigé ---------------------------------------------------2.5. Les difficultés rencontrées------------------------------------------------- 4 II ème PARTIE : EVOLUTION DE LA TECHNOLOGIE DU FER A BAMBARI CHAPITRE TROISIEME : DESCRIPTION DE LA FORGE 3.1. Le rôle du forgeron----------------------------------------------------------------3.2. Etude descriptive des outils et matières utilisés par les forgerons------------3.2.1. Les outils de la forge--------------------------------------------------------------3.2.2.Matières premières-----------------------------------------------------------------3.2.2.1. Fers de récupérations-----------------------------------------------------------3.2.2.2. Charbon de bois -----------------------------------------------------------------3.3. Description des différentes chaînes opératoires---------------------------------CHAPITRE QUATRIEME : L’APPRENTISSAGE OU LA TRANSMISSION DES SAVOIR-FAIRE CHEZ LES BANDA 4.1.Les conditions d’apprentissage --------------------------------------------------4.2. Les différentes niveaux de l’apprentissage-------------------------------------4.3.Les variables culturelles liées à la forge ----------------------------------------4.3.1.Les rites----------------------------------------------------------------------------4.3.2. Les valeurs et les croyances----------------------------------------------------CHAPITRE CINQUIEME : MUTATION DE LA TECHNOLOGIE DU FER (BANGUI-BAMBARI) 5.1. Homogénéité ou hétérogénéité de l’artisanat du fer ( Bangui-Bambari)-----5.2. La circulation des produits au niveau national ---------------------------------5.3. Suggestions --------------------------------------------------------------------------Conclusion générale-------------------------------------------------------------------Bibliographie---------------------------------------------------------------------------Annexes----------------------------------------------------------------------------------Projet de Thèse-------------------------------------------------------------------------- 5 INTRODUCTION Le fer fut le deuxième métal après le bronze dans l’antiquité. La civilisation métallurgique aurait été attesté en ’Inde vers -1200. Le fer de météorite était découvert aux environs de -3500. Il était utilisé dans la fabrication des bijoux. L’origine du fer en Afrique est mal établie. Il est difficile de savoir quel était le premier pays qui avait connu ce métal. La sidérurgie serait venu en Afrique au 3ème siècle avant Jésus Christ , à partir de l’Asie Occidentale via l’Egypte où les foyers de haute civilisation se trouvaient avec les pratiques de l’agriculture, poterie et la métallurgie ( UNESCO,2002) Selon les archéologues qui s’intéressent à la métallurgie du fer en Afrique, la diffusion s’était effectuée à partir de ces foyers vers le sud. De l’Egypte, la métallurgie du fer serait partie vers Méroé qui est considéré comme un jalon essentiel de cette diffusion ( Y. MONINO , 1998). On parlerait comme foyer supplémentaire de diffusion le golfe de Syrte en Libye qui aurait rayonné vers le sud à l’ouest du lac Tchad. (Henri TORNEUX, 1988) La diffusion du fer en Afrique centrale daterait de 450 avant Jésus Christ, juste au début de l’ère chrétien (B. MARTINELLI , 2004)1. Les routes du peuplement Bantou étaient suivies par la métallurgie du fer. Cette date est obtenue tant au Cameroun qu’au Gabon. Par la suite, elle se serait répandue dans les autres régions voisines, notamment en République Centrafricaine. Donc, le fer serait arrivé en Afrique centrale à partir de l’Afrique de l’Ouest, notamment dans la boucle du Niger ( B. MARTINELLI , 2004). 1 Cette précision a été donnée par le Professeur B. MARTINELLI lors de sa conférence sur la métallurgie du fer en Afrique à l’Université de Bangui en 2004. 6 Selon les ethno-archéologues, il y a une centaine d’années que la métallurgie occupe une place importante dans la vie économique et sociale des communautés en République Centrafricaine. L’industrie métallurgique était très développée en République Centrafricaine. Les minerais de fer existent partout dans le pays comme en témoignent les scories de la fonte, citant entre autres des gisements de fer de Kémo-Ibingui, dans la préfecture de l’Ouham ainsi que dans l’Ombella M’Poko, Haute –Kotto et la Lobaye. Ainsi que dans la Préfecture de la Ouaka qui fait l’objet de notre recherche, plus précisément à Bambari ( GOTILOGUE 1997) La métallurgie du fer est une chaîne opératoire. Il s’agit de l’extraction des minerais, fonderie et enfin la forge qui sera l’objet de notre travail de recherche. Le fondeur ne forge pas le fer. Cette transformation relève de la compétence du forgeron. Mais, dans certaines sociétés, notamment dans la boucle du Niger et en Afrique centrale, le forgeron peut être à la fois fondeur et forgeron ; et dans d’autres , le fondeur est aussi un agriculteur-fondeur distinct du forgeron dans certains ouvrages consacrés à la métallurgie du fer en Afrique subsaharienne. Ces personnages qui manipulent le fer travaillent avec des divinités. A l’instar des sociétés soudano-saherienne, dans la société banda un sacrifice adressé au dieu suprême et puissances surnaturelles extérieures était accompli (B. MARTINELLI . 1992). Dans la ville de Bambari où nous avons mené notre recherche, le métier de la forge est beaucoup plus pratiqué par l’ethnie Banda (ethnie majoritaire) , qui est venue du Darfour au Soudan via le Nord de la République Centrafricaine 7 vers le XIXème siècle. Selon nos enquêtés, ce métier était héréditaire. Le gendre du forgeron pouvait aussi pratiquer le travail de la forge (W. EGGEN , 1976). Au sein de cette société, le forgeron occupait un rang enviable et intéressant pour la population dans les domaines économique, esthétique, militaire et social. Il représentait une autorité et une force réelle grâce à son travail qui était considéré comme un art et une science divine. Cependant, depuis la période coloniale, les forgerons ont perdu leurs prestiges, ils sont dépersonnalisés et disloqués. Dans la société banda, le forgeron se retrouve disqualifié de la compétition pour le pouvoir sur les hommes par l’introduction de la monétarisation de l’économie et de l’arrivée des produits occidentaux sur le marché centrafricain. Dans le cadre de notre travail « Mutation de la technologique du fer en Centrafrique : Etude comparée de la forge entre Bangui-Bambari », notons au préalable que ce phénomène s’inscrit dans le cadre du changement social . Pour ce faire, nous nous posons certaines questions qui se structurent de la manière suivante : De quelle manière la technologie de la forge a-t-elle évolué à Bambari? Quelles sont les variables caractéristiques de la transmission des savoir faire de la forge à Bambari ? De plus, comment les transformations technique et commerciale sont –elles vécues et pratiquées entre BanguiBambari? Dans le cadre de notre travail, nous avons pour objectif de décrire et d’analyser de manière claire la technologie de la forge à Bambari en comparaison avec celle de Bangui. 8 Pour mieux cerner cette étude comparée de la forge entre Bambari Bangui , nous avons structuré notre travail en deux grandes parties comprenant cinq chapitres : - Le premier chapitre est consacré à l’approche théorique - Le deuxième chapitre s’attarde sur l’approche méthodologique - Le troisième chapitre porte sur la description de la forge à Bambari - Le quatrième chapitre est réservé à l’apprentissage ou la transmission des savoir-faire à Bambari - Le cinquième chapitre analyse la mutation de la technologie du fer entre Bangui-Bambari ; - Et enfin, une conclusion et les annexes qui contiennent le projet de thèse. 9 CHAPITRE PREMIER : APPROCHE THEORIQUE Dans les sociétés africaines préindustrielles ou celles évoluant parallèlement au développement industriel, l’utilisation de la technique du fer reste constante. Pendant toute cette longue période de l’histoire africaine, le développement de la métallurgie du fer qui était d’inspiration interne à l’Afrique a joué un rôle considérable dans la dynamique de ces sociétés jusqu’au renversement de la tendance avec l’arrivée des métaux importés et de récupération. Qu’elle soit d’inspiration interne ou d’influence extérieure, la technologie du fer a connu une évolution réelle tant au niveau de l’exploitation, de traitement et de production des outils. Ce qui a finalement entraîné des incidences non négligeables sur le processus de transformation des sociétés africaines. Ce constant évident a été révélé abondamment par les spécialistes à travers les regards jetés de façon spécifique sur le passé de ces sociétés, notamment exposés dans les travaux de recherche publiés à cet effet. Les résultats qui se dégagent du survole effectué chez les Haoussa et chez les Touareg (N.ECHARD, 1965 ;1972) sur le travail du fer (des forgerons) , attestent cette évidence. Les mêmes conclusions sont venues confirmer cette thèse fondamentale appliquée au Yatenga au Burkina Faso (B. Martinelli, 2000), aux anciens royaumes Malinke, Peuls et Songhay dans la même région africaine (Mc NOUGHTON O.K., 1988 ; J.P.Olivier de Sardan,1982). Loin d’être réductible à l’Afrique de l’Ouest, ces illustrations se sont avérées aussi vraies en Afrique centrale , notamment au Cameroun, dans le royaume Kongo (G. 10 BALANDIER, 1965) et faut probablement chez les banda en République Centrafricaine. Ce constat persistant nous pousse à ce niveau de notre étude à envisager un préalable en guise de débat théorique portant sur l’examen de quelques notions de base ci-après. 1.1. L’anthropologie du changement social Si on accepte que les êtres humains où qu’ils soient et à n’importe quelle époque, sont au centre des actions qui affectent de manière significative leur cadre de vie, on doit également admettre que le changement des structures sociales de base qui résultent fait l’objet de nombreuses études visant à comprendre les modalités et les facteurs générateurs de ce changement. Dans les sociétés africaines de type segmentaire moins évoluées et dans celles des structures complexes, les facteurs de changement social sont multiples et variés en raison des contingences bien déterminés parmi ceux-ci, on retenir rapidement les innovations internes et celles résultant des échanges d’éléments culturels issus des civilisation proches ou proches. En effet, l’expérience du passé est riche en témoignages et insiste sur la place de choix qu’occupe l’émergence et du développement de la métallurgie du fer dans ce processus. Grâce à son caractère complexe et son incidence directe sur les autres facteurs de la société, le travail, de même qu l’industrie moderne à ces jours, est à l’origine des mutations, parfois spectaculaires, qui marquent l’histoire des sociétés. On peut noter entre autre qu’en plus de la valeur ajoutée induite dans la production des objets d’usage courant, , l’amélioration de la technologie du fer s’est trouvée à l’origine du développement des techniques tout en livrant les moyens militaires stratégiques (armes de guerre) de conquête 11 et de consolidation des fondements des pouvoirs étatiques (R. WENTE-LUKAS, 1977 ; G. BALANDIER, op. cit) Ces facteurs, non exclusifs décisifs tout de même, constituent des phénomènes importants pris en compte dans l’optique de l’anthropologie du changement social. Ils constituent en même temps des matériaux d’importance majeure dans la perspective de l’anthropologie du développement. 1.2. L’anthropologie du développement A la lumière de ce qui précède et au regard de la nécessité historique de mettre en exergue le rôle déterminant des processus humains dans les changements sociaux, on a assisté à l’émergence des tentatives de mise à jour de l’anthropologie du développement comme discipline à vocation sociale. On peut affirmer ici en groso modo que l’option fondamentale de celle-ci consiste en la construction des bases des connaissances autonomes pouvant apporter plus de précisions sur un tel processus, notamment dans la nouvelle dynamique en cours dans les pays en développement plus particulièrement . A ce sujet et en dépit de la prédominance de l’option marxiste dans cette approche cognitive, la démarche intermédiaire nous paraît plus judicieuse. C’est pourquoi, pour rendre compte de ce processus qui est en fait dualiste (plus en avant qu’en arrière), l’anthropologie du développement semble vouloir placer ses acteurs à la fois dans l’Afrique Pré et post coloniale. A ce niveau se pose donc la problématique de la rupture des structures traditionnelles sous l’influence de la colonisation, qui pourtant, ne remet nullement en cause la prédominance du mode de production paysan. On assiste plutôt dans ce cas de figure à la coexistence des modes de production traditionnel et capitaliste. Cette 12 rencontre a engendré sur le plan historique un nouveau mode de production paysan émergent , articulé sur l’économie agricole de substance et l’économie marchande (J.P. Olivier de Sardan, 1995). On assiste à cet effet dans le secteur du travail du fer à un bouleversement significatif en telle enseigne que l’activité traditionnelle d’exploitation du minerai et de réduction a complètement cessé depuis les années 50, sauf la forge qui reste encore en active (MARTINELLI B., op. cit.). De toute façon, bouleversement, aussi dramatique qu’ils puissent paraître, ont eu lieu dans un autre secteur aussi sensible que vital, en modifiant du coup la configuration habituelle des structures sociales. Ce bouleversement touche précisément le phénomène de migration ou l’exode rural entraînant ainsi la modification des rapports de production en milieux urbains (instauration des salaires, de l’informel, etc). A cela, s’ajoute le changement des rapports de production de genre entre homme et femme ( la fameuse approche genre et développement). L’exploitation despotique désormais exercée par l’Etat colonial est instauré, selon l’expression de J.P. Olivier de Sardan, se fait dès lors à travers l’impôt, la fonction, etc , et en constitue une autre forme, qui avec celles qui précèdent, s’érige en véritable obstacle au développement jusqu’à nos jours. D’où les manifestations de plus en plus des foyers de contestation et de résistance paysannes. Celles –ci se sont traduites pour l’essentiel de manière individuelle, éparse et inorganisée sans perspective de changer le système ni le renforcer, m ais pour minimiser la ponction et les risques de répression ( J.P. Olivier de Sardan, op.cit.) En effet, cette forme de résistance qui ne s’inscrit pas dans la rupture ni dans l’optique de la réforme profonde, est considérée par Olivier de Sardan 13 comme étant une « logique de reproduction ou de subsistance ». En fait, il s’agit là d’un ensemble de comportements, tels que dictés par structures sociales et mentales, qui ne visent pas à changer le système qu’à le reproduire, c'est-à-dire à le maintenir sans une autre forme de procès. Elle est considérée par analogie comme une logique de subsistance, pour la même raison , c'est-à-dire qu’elle est une forme de conscience dépourvue d’ambition légitime d’émancipation que de satisfaction au quotidien. Ce qui est en tout état de cause, contraire au processus de transformation des systèmes sociaux (segmentaires ou centralisés) et des sous-systèmes techniques appropriés qui a prévalu dans les sociétés africaines précapitalistes. 1.3. La transformation du sous système technique Le recours au substrat technique dans un processus social apparaît comme un phénomène universel à toutes les sociétés du monde. Il est étroitement lié au niveau de complexification sociale dans laquelle il joue un rôle important. A ce niveau, le substrat technique qui procède de manière significative au processus social de façon globale en constitue en même temps l’une de ses composantes essentielles. Grâce à cette position, le recours au substrat technique acquis participe activement à la production des outils de travail et des biens d’équipement divers en tant que sous-système dans le procès de production sociale en présence. L’apparition du sous-système technique est très ancienne et remonte des sociétés préhistoriques les plus reculées, lorsque les exigences de survie des communautés les a imposé. Dès lors existe comme une nécessité historique permettant à tout processus social (et humain) de s’inscrire par la suite dans une 14 logique de transformation également historique. Celle-ci a pris son origine dès que l’homme a abandonné l’outil en bois pour accéder à l’âge de la pierre puis à l’âge des métaux. Ceci en raison de l’évolution des activités économiques : chasse, pêche, élevage, ramassage, agriculture, d’après l’ordre de succession historique (André Leroi-Gourhan, 1973). En effet, la longue durée de l’âge de la pierre a eu une grande incidence sur la prolifération des outils issus de l’industrie lithique, qui ont connu un perfectionnement technique fabuleux ( A. Leroi GOURHAN, op.cit.). ce phénomène qui traduit l’importance des innovations de cette période, dans tous les coins du monde et en Afrique, soit localement de façon indépendante à leur émergence ailleurs, soit par le biais de la diffusion. La découverte des métaux est venue donner au processus de transformation du sous-système technique un tournant décisif, quoi que une bonne part des outils qui en sont résultés ont été des copies conformes ou améliorées des outils de pierre. Mais, avec l’avènement de grandes campagnes des conflits militaires qui opposaient les peuples de l’époque, le secteur technique a connu une révolution dans la fabrication et la propagation des outils et armes de guerre (A Leroi GOURHAN, op.cit.). Bien qu’obtenus par le fait de la diffusion , ces instruments acquis ont connu l’introduction des modification locales pour les adapter aux usages du milieu, on note également selon le constat de Leroi GOURHAN que même si certains outils de types spécifiques étaient mis au point dans les centres techniques indépendants des autres, ils connaissaient cependant une évolution identique partout. 15 Une telle dynamique technique rend compte du processus cognitif sousjacent soumis aux mécanismes de transformation des savoirs transmis progressivement des générations ascendantes aux descendants. En effet, le transfert de ces savoirs était soumis aux relations de filiation au sein des structures lignagères quant bien même l’acquisition de ses connaissances pouvait être complétée par des stages dans les ateliers appartenant à d’autres lignages des localités proches ou éloignées dans la région ( B. MARTINELLI, 1996-1997). Tel fut le cas notamment de la technique de travail du fer en Afrique traditionnelle, où la forge était établie comme l’unité de production expérimentale assurant la transmission comme l’héritage de ces savoirs à ceux qui se montraient dignes dans ce domaine précis. Ainsi que le montrent l’expérience chez le peuple de Yatenga (Burkina Faso) en Afrique de l’Ouest, sans exclusif, l’existence d’une dynamique réelle en matière d’innovation techniques dans le travail du fer (G. BALANDIER, op.cit.). Celles-ci se traduisant concrètement par la variation qu’a subi les fours de traitement du métal, en passant de la forme ancienne (fours mâles) aux types contemporains (fours femelles). La séquence innovatrice de cette variation technique s’observe dans le fait que les fours anciens produisaient des métaux en quantité limitée mais à forte proportion d’acier. Tandis que les fours contemporains étaient destinés à la production intensive du fer doux (B. MARTINELLI, 1995). Ces innovation notables furent suivies, d’après l’auteur, par la mise au point des autres fours équipés de soufflets, en évoluant du petit à l’important. En fait, de par le rôle historique important du secteur technique, il est évident que cette transformation a des incidences sur le système social en présence. 16 1.4. La transformation du sous système social et culturel Le sous-système social et culturel reste une double réalité indissociable à tout processus social digne, d’autant plus que société et culture en sont les deux composantes essentielles et dynamiques. Autant, on ne peut concevoir une société sans culture et inversement, autant ces deux variables restent soumises au principe inéluctable de transformation des structures socio-culturelles bien déterminées. Dans les sociétés africaines traditionnelles, pour ainsi dire, comme dans toutes les sociétés humaines en plein essor, ce phénomène s’est observé inlassablement dès la constitution des formes organisées des communautés. De ce point de vue, les souvenirs sont encore vivaces sur l’existence des sociétés segmentaires fondées sur les structures de type lignager et dépourvues du pouvoir d’Etat centralisé. En effet, ces formes de relation sociales prédominantes jusque là en milieu rural en constituent les survivances indiscutables. Produits spécifiques de l’histoire, ces sociétés, loin d’être renfermées sur elles-mêmes et, contrairement à ce que l’on a cru parfois, offrent de nombreuses preuves d’ouvertures vis-àvis des autres communautés de même nature ou de celles jouissant déjà des structures centralisées et élaborées. Ce qui les prédisposait à la réception des influences extérieures, au-delà des possibilités qu’offraient les stratifications de l’organisation interne qui s’y prêtaient déjà. Tel est le cas de peuplades habitants avant le XVème siècle, sur l’espace territoriale ayant abrité plutard le royaume du Kongo (G. BALANDIER, op.cit.) Ceux-ci étaient en rapports réguliers bien avant l’arrivée des portugais, avec les royaumes d’Anglola au Sud et de Bayaka à l’Est. 17 Déjà à cette époque reculée, les innovations internes à ses sociétés ne se faisaient guère rares, c’est ainsi que le révèle MARTINELLI chez le peuple de Yatenga au Burkina Faso. Visiblement, ces innovations étaient liées au prestige social inhérent même s’il a, à proprement parlé, elles n’y avaient pas encore atteint un degré d’éclosion remarquable. Articulés à la dynamique de l’extérieur (out put) induite par les apports en provenance d’autres sociétés, ces prédispositions internes ont permis aux sociétés concernées d’élargir et de se complexifier. Désormais, on voit l’autorité de l’Etat s’établir progressivement au centre comme à la périphérie, en restant parfois instable à cause des dimension internes et des agressions extérieures. Mais, la découverte des métaux et la fabrication des outils de fer ont rendu ce mouvement irréversible jusqu’à l’arrivée de la colonisation. Sur le plan culturel, il convient de noter que ces transformations sociales ont été accompagnées pratiquement par l’appui des ressources culturelles issues des traditions locales ou en provenance des sociétés avoisinantes des régions éloignées. En effet, les innovations techniques et les transformations sociales consécutives étaient l’expression de la mise en valeur des connaissances et savoirs détenus par les populations. Celles –ci s’efforçaient à les renouveler en s’entretenant et en les enrichissant tout au long de leur transmission par la voie généalogique. Ces savoirs se manifestent à travers des pratiques techniques mises en œuvre qui, en tout état de cause, pouvaient bien se révéler parfois assez prodigieuses. Au début du 18ème siècle, un clergé, le prêtre catholique Laurent de Lucques reconnaissait les qualités de la vieille cité de Kongo, bien que le déclin et les ruines y progressaient vite (G. BALANDIER, op.cit. :17). En poursuivant ces observations, ce prélat a ressemblé des notation utiles appréciables aux 18 forgerons qui travaillaient le fer de façon très curieuse tant par la manière de travailler que pour les instruments qu’ils employaient (G. BALANDIER, op. cit.:99) Transmise essentiellement par filiation lignagère, ces savoirs faisaient l’objet des procédés initiatiques appropriés en vue de l’assimilation des aspects techniques, symboliques et rituels inhérents sur fond des valeurs morales sans équivoques. En fait, il s’agit là de toute une cosmogonie d’harmonie avec son cadre social et écologique avec les activités mises en œuvre secteur par secteur en puissant foncièrement ses ressources dans la richesse que renfermaient ses traditions bien ancrées. En plus de cet ancrage culturel fort solide, ces traditions si riches et dynamiques étaient des véritables sources d’inspiration florissantes avec ses limites près, avant d’être assujettie par la logique de la subsistance de l’époque coloniale (J.P. Olivier de SARDAN, 1995 :17) et de la technologie post coloniale (R. BUREAU, 2002). Ces deux phénomènes historiques hautement dévastateurs sont venus sans doute, mettre en péril les formes traditionnelles spécifiques d’apprentissage des savoirs culturels et techniques dans les sociétés africaines actuelles. 1.5. Le processus d’apprentissage technique Envisagé dans une perspective dynamique, l’apprentissage se définit comme un processus qui découle de la transmission des savoirs en favorisant son évolution cognitive, technique et sociale (B. MARTINELLI, op.;cit.). C’est ce que André Leroi GOURHAN appelle milieu technique perçu dans cette optique, ce phénomène est universel dont la mise en œuvre est fonction de sa la variabilité culturelle, du contenu valorisé, du contexte social et des mécanismes 19 cognitifs utilisés, sur fond de la dialectique apprenti et maître (SCRIBNER,1973) En Afrique traditionnel, notamment dans les milieux techniques du travail de la métallurgie du fer, le processus d’apprentissage est très précoce et soumis aux exigences héréditaires au sein des communautés sociales de type lignager. En effet, les mécanismes d’apprentissage privilégiait l’observation comme mode de transmission « primitive » de ce processus. L’observation était donc apparente chez les jeunes enfants avant de devenir des observateur avec un regard curieux, comme premier signe à cultiver pour en faire à la longue toute une intelligence du futur forgeron. Ce processus incluait aussi des gestes techniques à transmettre ( par le maître) et à assimiler (par l’apprenti) appelé à y manifester sa volonté et en coordonnant progressivement ses gestes en vue d’acquérir la dextérité progressive du métier (B. MARTINELLI op.cit.). de même, la communication verbale occupait aussi une place importante dans ce processus, qui s’était appuyé sur l’efficacité du maître et les qualités morales de l’apprenti. Placé dans ce contexte précis, ce dernier était astreint à accéder à deux types de savoirs techniques tout au long de l’apprentissage. Ces savoirs sont d’abord apparents, c'est-à-dire reposant sur les actions visibles et matérielles du travail du fer à travers les procédés qui accompagnent les différentes phases de fabrication des outils. L’assimilation de cet aspect d’apprentissage donnait accès à l’étude des savoirs opaques qui, eux, relèvent de l’ordre symbolique et rituel. Ce qui confert au forgeron son statut multifonctionnel. Au terme de cette phase, l’apprentissage dans les fours familiaux, l’apprenti poursuit sa formation dans d’autres centres de la localité, des centres proches ou des régions lointaines. Ce parcours assez long en termes temporel et 20 spatial effectué par l’apprenti pendant sa formation , témoigne du caractère complexe du processus de transformation des savoirs en Afrique traditionnel. Il favorise également l’évolution technique consécutive à un processus complexifié de savoirs élaborés. Bien que cette dynamique soit actuellement en perte de vitesse, elle ne laisse pas moins de vestiges permettant la reconstitution des parcours historiques des sociétés africaines traditionnelles depuis les origines lointaines. Il est sans doute que l’expérience de la technologie du fer chez les banda de la République Centrafricaine s’inscrivent plein dans cette dynamique universellement partagée dans tous les processus sociaux dignes. 21 CHAPITRE DEUXIEME : APPROCHE METHODOLOGIQUE 2.1. La définition des concepts La définition des concepts clés dans un travail de recherche est très indispensable et fondamentale. En effet, cette tâche permet au chercheur de rendre plus explicite la compréhension du thème et la mise en place d’un cadre opérationnel d’étude le mettant à l’abri de toute confusion. Ainsi, dans notre thème, il s’agit du concept Mutation. 2.1.1. Mutation Selon le dictionnaire Larousse , le mot mutation tire sa racine du verbe muter (mutare en latin), qui étymologiquement vient du latin « mutatio » qui signifie « changement durable ou évolution » (Larousse ,2004) Du point de vue anthropologique, mutation de la technologie du fer porte sur la transformation des techniques de fabrication des objets et des outils en fer. Cette transformation inclut à la fois le changement ou l’évolution social et technologique. La transformation sociale implique le changement de statut et de rôle du forgeron d’une part, et d’autre part la transformation technique qui implique les techniques de production, la qualité et la quantité des produits finis. 2.2. La présentation du terrain d’étude Le terrain d’étude est le cadre général dans lequel se déroule l’enquête. Il est la délimitation globale du territoire national sur lequel se mène l’étude. Dans le cadre de notre étude, il s’agit de la ville de « Bambari » dans la préfecture de 22 la Ouaka, au Sud-Est de la République Centrafricaine. Ce milieu est comme terrain d’étude et qui, de par sa nomenclature et ses caractéristiques représente un milieu urbain ( 3ème ville du pays) après Bangui et Berberati. En effet, poste administratif et commercial, la ville de Bambari est reconnue être l’un des milieux où les activités de la forge ont pris naissance en République Centrafricaine. 23 Source : Bureau Central de Recensement (BCR), 2003 24 2.2.1. L’aspect physique La ville de Bambari est située à 387 km au Sud Est de Bangui. Par rapport à sa nomenclature, la disposition des habitations dans les quartiers où nous avons mené notre enquête est caractérisée par une occupation anarchique du terrain et de modèle de construction « traditionnelle » des maisons en payes entourées de brousses à l’exception du centre ville; ce qui fait de cette ville un milieu hétérogène. Il y a une absence d’organisation de l’espace aux environs du centre ville. La ville de Bambari continue à croître, mais à un rythme relativement lent. La maison banda est d’abord le domicile conjugal où l’homme réalise en plein son existence de père de famille. Notons que la ville de Bambari n’est pas homogène du point de vue ethnique. Parmi les habitant, il y a ceux qui sont en visite prolongée ( EGGEN W., 1976) 25 26 La société banda étant patrilinéaire, un homme marié habite une maison entourée de celles de ses parents (père mère) de ses oncles maternelles ainsi que des tantes et des sœurs, qui elles aussi sont mariées (EGGEN, 1976,op.cit.) . La famille banda entourée de brousse2 2.2.2. L’aspect social Sur le plan démographique, d’après le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) 2003, la ville de Bambari compte 41.356 habitants sur 276.710 habitants de la préfecture de la Ouaka, avec la densité de 5,5/Km2 . La ville de Bambari est habitée par plusieurs ethnies ce qui fait leur hétérogénéïté. Il s’agit des ethnies mandja, yakoma, zandé, nzakara et les banda qui y sont majoritaire et chez qui le métier de la forge est beaucoup plus pratiqué depuis des années. 2 Notons que la forge se trouve juste à droite de ces maisons comme nous le verrons dans la partie observation directe 27 Selon nos enquêtés, l’ethnie banda contient une mosaïque de sous groupes, à savoir , les Mbala, Moruba, Mbré, Tambango, Yangere, Ngao, Dakpa, Gbendi, Djeto, Togbo, Vidri, Gobu, Langbasi, Lingba, Ngbugu, Ndri, etc. Toutes ces ethnies parlent de la langue nationale « sango » ainsi que quelques vieillards qui parlent la langue banda qui , actuellement, tend à disparaître. Notons que les filles banda souhaitent épouser l’homme diligent car la paresse est ressentie comme particulièrement honteuse ( EGGEN W. , 1976) Les banda ont opéré vers le XIXème siècle un vaste mouvement du NordEst vers le Sud-Est de la République Centrafricaine en provenance du Darfour au Soudan , afin de fuir les esclavagistes. Les banda résident non seulement en République Centrafricaine , mais aussi de l’autre côté du Zaïre, actuel République Démocratique du Congo (G. Laclavère,1984). Les banda constituaient une société acéphale ( EGGEN W., 1976 ). 2.3. Les techniques de collecte des données Les techniques sont des procédés opératoires qui permettent de collecter les données sur le terrain. En effet, étant des outils de recherche, les techniques constituent un moyen nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis. En ce qui concerne notre travail, il s’agit des techniques suivantes : 2.3.1. La revue de la littérature La recherche documentaire consiste à collecter des œuvres qui traitent d’un sujet précis relatif à un fait. De ce fait, elle apparaît indispensable et fondamentale à tout travail de recherche. C’est ainsi que Nicole BERTHIER affirme : « L’observation passe par l’étude des traces recueillies à travers des écrits divers, des inventaires d’objets et traitées comme des faits de 28 société »(Nicole Berthier, 1988 :12). En fait, la recherche documentaire permet au chercheur de prendre connaissance des travaux réalisés sur le sujet qu’il veut traiter et d’avoir une vue panoramique sur la problématique afin de mieux orienter son travail. Ainsi, dans le cadre de notre étude relative à la comparaison entre les forges de Bambari et celle de Bangui, cette recherche nous a été très utile car le patrimoine culturel matériel qui tend à disparaître nécessite une revalorisation. A cet effet, nous avons consulté des ouvrages qui traitent de la méthodologie ainsi que des ouvrages généraux qui nous parlent de la métallurgie du fer en Afrique en général et en Centrafrique en particulier. Cette documentation tourne autour de quelques ouvrages clés pour la réalisation de ce travail. Il s’agit de quelques ouvrages méthodologiques suivants : 1. BERTHIER Nicole, 1998, Les techniques d’enquête, méthodes et exercices corrigés, Armand colin, Paris. 2. GRAWITZ Madeleine, 1994, Lexique des sciences sociales, Paris, 6ème édition Dalloz 3. BEATTIE John, 1972, Introduction à l’anthropologie sociale 4. PRITHCARD Evans, Anthropologie sociale 5. LABURTHE-TOLRA et WARNIER Jean pierre, Ethnologie, anthropologie 6. BONTE et IZARD Michel, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie Ces ouvrages nous ont permis de mieux appréhender la pratique de la forge en nous orientant dans démarches d’enquêtes. 29 Cependant, il nous a été nécessaire de consulter d’autres ouvrages, articles, rapports, revues et Internet, qui traitent de la forge, pour une meilleur réalisation de ce travail. 7. Monino Yves, Forge et forgerons, 1998, IRD, Méga-Tchad : Dans cet ouvrage, l’auteur nous décrit l’importance de la métallurgie du fer dans les sociétés qui peuplent le sud du lac Tchad. Cette aire géographique qui couvre le Nord-Est du Cameroun actuel et le Sud du Tchad a connu avant l’ère coloniale un développement considérable de la sidérurgie. En effet, l’auteur a mis en exergue le statut et le rôle du forgeron dans ces différentes sociétés qui peuplent cette zone, notamment les massa qui sont aujourd’hui à cheval entre le Cameroun et le Tchad, ne connaissaient pas le travail du fer. Mais, grâce à leur alliance avec les Djorok, peuple métallurgiste, les massa bénéficiaient de leur technologie. Cependant, les Djorok avaient au départ un statut précaire, mais grâce à la maîtrise de la sidérurgie dont ignorent les massa, ils arrivaient à dominer le sphère symbolique dans ce groupe ethnique. En revanche, chez les mundan et les tupuri du Mayo-Kebbi, le forgeron était étroitement lié à la famille royale régnante (Gong de Léré), à cause de son importance en fourniture des objets agricoles et surtout en matériels militaires qui permettaient au royaume de résister aux tentatives d’invasion fulbé. Chez les sara plus au Sud du Tchad, précisement dans le Moyen –Chari, , le Moyen-Logone et les Bagurmiens actuellement islamisés, se développait la métallurgie du fer (Ndam, Lakka, Niellim) et le forgeron assurait un rôle non négligeable dans ces sociétés. Il fabriquait des objets utilitaires (houes, hâches, couteaux, etc) et des armes ( lances, sagaies, couteaux de jet, flèches, etc), et des objets esthétiques (rasoir, bracelets des femmes, des bracelets d’apparat des 30 chefs tels que les anneaux de chevilles et insignes des rois Bang de Bedaya (Moyen –Chari) et de Gong de Léré (Mayo-Kebbi). Par ailleurs, en plus de son rôle socio-économique, le forgeron assumait également un rôle thérapeutique dans ces sociétés précitées. Son métier était associé à la puissance divine , donc il peut faire du mal à la société et peut la soigner. De ce statut, il était exempté d’accomplir certaines charges civiques (payer l’impôt ou les corvées). Mais, avec l’arrivée de la colonisation, le forgeron a perdu peu à peu ces prérogatives pour n’être qu’un simple citoyen. Eu égard à ce qui précède, l’ouvrage de Monino nous apporte des renseignements précieux en ce qui concerne le rôle et le statut du forgeron dans les sociétés du Sud du lac Tchad qui sont plus proches des sociétés centrafricaines au sein desquelles nous menons notre recherche, même si l’auteur n’est plus explicite sur l’un des aspects de la métallurgie du fer , à savoir la réduction du minerais. 8. EGGEN W, 1976, Peuple d’autrui-Banda I : Cet ouvrage d’Eggen, résultat d’une enquête ethnographique chez les banda de la république Centrafricaine, a analysé le système social traditionnel banda en rapport avec le christianisme , notamment le catholicisme romain. En effet, il a été constaté que les banda avaient son système de croyance incarné par le « téré » arraignée) présent dans de nombreux contes banda. Ainsi, les banda ne se sentent pas inférieurs, en ce qui concerne leurs religions traditionnelles par rapport au christianisme introduit par les occidentaux. Tout de même, ce dernier a bouleversé leur système de croyance de valeurs comme la plupart des sociétés africaines : aujourd’hui, le banda est à la fois chrétiens et 31 animiste, ce qui n’est pas sans conséquence sur la transmission de certaines valeurs ancestrales. Par ailleurs, le peuple banda constitue une société segmentaire, ce qui les a conduit à adopter une position méfiante vis-à-vis du christianisme et de l’administration coloniale. Adoptant une approche linguistique du peuple banda, Eggen a décrit les termes vernaculaires qui induisent les relations complexes entre l’homme et la femme ainsi que le cosmos. A cet effet, travaillant dans le milieu banda qui est dans le cas actuel plus hétérogène qu’homogène (nous travaillons à Bambari et ses environs immédiats qui sont par définition, urbanisé, donc diversité culturelle, par rapport au terrain d’Eggen qui était constitué exclusivement de banda), les différents aspects de la culture banda que l’auteur analyse, nous serviront des points de départ dans l’analyse comparative de la métallurgie du fer chez ce peuple, parce que l’artisanat du fer était fait partie intégrante de ce système social global. 9. EGGEN W : Peuple d’autrui-Banda II : Cet ouvrage de Eggen prenant pour objet principal la description ethnographique le peuple banda de la République Centrafricaine, a mis en exergue le système culturel banda dans sa totalité. En effet, l’auteur décrit plusieurs aspects culturels de ce peuple, en l’occurrence les systèmes économique, religieux, technologique, esthétique, social, culturel, etc. A travers ces diverses descriptions de la vie sociale du peuple banda, les conclusions que tire l’auteur selon lesquelles les banda constituaient une société acéphale , où prédominaient les activités de chasse, cueillette, pêche, agriculture, et où la métallurgie du fer occupait également une place importante non négligeable. Cette dernière revêtait un caractère spécifique dans cette société, contrairement à ce qui se passait dans certaines sociétés au Sud du Sahara : chez les banda, le forgeron est différent du fondeur ou de l’extracteur. 32 Réciproquement, le fondeur n’était pas aussi forgeron. En plus, le forgeron chez les banda n’était pas un personnage vivant en caste. Son métier était héréditaire, mais laisse la possibilité d’acquisition par le biais de l’alliance matrimoniale ( le gendre du forgeron peut devenir aussi forgeron) . Toutes les autres activités de subsistance, d’esthétique, de mariage , étaient rendues possibles grâce aux outils fabriqués par le forgeron. Mais, comme le système social banda est égalitaire, le forgeron en dépit de son importance dans ce système ne jouit pas de statut politiquement privilégié. Avec l’intervention de l’administration coloniale, celui-ci est placé sous l’autorité du Chef de village. La métallurgie du fer chez les banda exigeait plusieurs interdits pour les spécialistes : la forge situait toujours à proximité d’un cours d’eau, afin de permettre au forgeron de prendre bain après chaque travail avant de rentrer au village. Il lui était interdit de toucher sa femme sans se baigner et de frotter son cœur avec des plantes spéciales. Quant à la fonte, elle se faisait de manière publique, mais exigeait également des rituels appropriés. Cependant, ce système culturel banda a été bouleversé par l’administration coloniale. Ceux-ci sont désormais placés sous l’autorité des chefs des villages, conjugués à d’autres facteurs tels que l’introduction de la monnaie européenne au détriment de la monnaie locale pour doter les femmes, a ébranlé le pouvoir du lignage sur les jeunes, in situ, une désorganisation de tout un système culturel banda. Partant de ces différentes conclusions tirées par l’auteur tout au long de cet ouvrage, nous nous inspirons pour mener notre enquête sur la forge à Bambari et ses environs, qui est un centre urbain où les banda constitueraient la majorité de la population. En plus de cela, le plupart des forgerons sont issus de ce groupe ethnique. 33 101.Balendier G., 1965 : Roi forgeron au royaume de Congo extrait : Cet ouvrage présente un intérêt qui s’avère intéressant pour notre présente recherche.. d’abord, cet ouvrage nous éclairé sur la métallurgie du fer en Afrique centrale, notamment le royaume de Kongo. Ainsi, cette région d’Afrique a une longue tradition de l’artisanat du fer à l’instar de la région Ouest-africaine. En effet, contrairement à certaines communautés africaines où le forgeron était considéré comme un personnage de second degré (caste), au royaume de Kongo, le forgeron était lui , un chef tout puissant détenteur à la fois du pouvoir politique et de production des objets en fer. Il était un être surnaturel, possédant les forces divines lui permettant de briser les tabous sans être inquiété des représailles d’ordre mystique. C’est aussi un héros civilisateur, car c’est lui qui a introduit les nouveaux moyens de productions (houes, hâches, couteaux, etc) en fer dans son royaume. Ces nouveaux outils permirent au royaume d’accroître sa production et de devenir puissant sur les plans militaire et politique. Enfin, l’autre intérêt de cet ouvrage est relatif à la mythologie de la métallurgie du fer chez les peuples de Kongo qui, ce travail était légué aux humains par Dieu du ciel, ce qui nous rapproche de la mythologie de la forge à Bangui (confère mémoire de Maîtrise d’anthropologie de MURAMIRA sur la forge en Bangui, 2004-2005) 11. MURAMIRA François, La technologie de la forge à Bangui : Etude de transmission des savoir-faire au quartier Sénégalais dans le 3ème arrondissement, mémoire de maîtrise d’anthropologie à l’Université de Bangui, 2004-2005. 34 Comme nous avons eu la chance de travailler sur la forge à Bangui, cela va me faciliter la tâche pour cette étude comparée de la forge entre BanguiBambari car ce mémoire présente une valeur de référence. Ce mémoire décrit les différentes étapes de l’apprentissage (transmission des savoir-faire technologique) en milieu urbain. Le mémoire nous parle aussi des conditions et du symbolisme liés à la forge à Bangui ainsi que les enjeux de la transmission des savoir-faire de la forge. 12.Martinelli B., 1992, Agriculteurs métallurgistes et forgerons en Afrique soudano-saherienne , in Revue Etudes rurales : Cet article est très indispensable pour notre étude sur la forge en République Centrafricaine, bien qu’il soit l’objet d’une recherche en Afrique de l’Ouest. D’abord, sa pertinence se situe sur le plan conceptuel en ce sens que l’auteur lève la confusion qui existe entre les termes métallurgiste, artisanat métallurgiste, l’artisan qui nous permet de bien cerner notre objet d’étude. Ensuite, il pointe certaines insuffisances de publications dans le domaine qui s’intéresse beaucoup plus au statut et au rôle du forgeron, sans se préoccuper aux sources d’approvisionnement des matières premières du forgeron (les ferriers). Selon Martinelli, ces publications ont une vision volontariste de la métallurgie du fer : celle de l’origine extra-africaine du fer, et de ne pas reconnaître l’aptitude africaine de maîtriser la technologie métallurgique. Cette approche nous permet de relever les erreurs analystiques qui consistent à étudier la forge de façon séparée de l’extraction et de la fonderie. 35 Autre intérêt de cet article se situe au niveau de son approche comparative. L’étude comparative du travail de fer dans les différentes communautés Ouestafricaines montre que dans certaines sociétés le forgeron forme un groupe social distinct du ferrier, tandis que dans d’autres région , le forgeron est aussi un ferrier : « dans certaines régions ferrières (pays dogon, Dwenza, Tabi, Okoyeri, Uol), la présence des forgerons était interdite sur les lieux d’extractions minières et de réduction du minerai ». Ce dualisme de métier était observable chez les basar au Nord du Togo où le métier du ferrier et celui du forgeron étaient deux spécialités différentes. Par contre, chez les mossis du Burkina Faso, le forgeron est aussi un ferrier. Dans cette communauté, le forgeron a un statut privilégié à cause de son rôle important dans le rayonnement du royaume Mossi. Les forgerons y vivaient en un système de caste souple : « leur fermeture professionnelle est renforcée par des interdits de mariage avec les autres catégories sociales, ce qui ne se traduit pas automatiquement par une endogamie restreinte compte tenu du nombre de clans et de segments locaux, mais joue un rôle important de resserrement des liens entre les communautés artisanales dans l’ensemble de la région, ainsi qu’avec des milieux parfois éloignés, au delà des limites ethniques ». De cette étude comparative, l’auteur nous apporte une pertinente analyse technologique dans cette communauté mossi. La chaîne opératoire du ferrierforgeron était subdivisée en trois (3) fours allant de la fonderie à l’obtention du fer comme matière première du forgeron. Enfin, l’auteur nous démontre que le fer en tant que matière première du forgeron est un signifiant social qui permet de saisir le rapport symbolique complexe qui existe entre l’espace, le temps, le métallurgiste (forgeron, ferrier) 36 et les autres membres de la société qui dépassent parfois le symbolysme religieux pour atteindre le symbolisme économique et politique. L’importance du rôle du des métallurgistes dans le développement des échanges commerciaux et dans la consolidation des puissances des empires précoloniaux en Afrique sub-saharienne, demeure un cadre d’éclairage sur notre approche de la forge en milieu rural et urbain en République Centrafricaine. 13.Martinelli B.,1993, Fonderies Ouest-africaines :Classement comparatif et tendances Cet article décrit la variabilité de la technologie métallurgique en Afrique de l’Ouest. Ainsi, l’approche stylistique met en exergue les diverses formes de fours et fourneaux témoignant la diversité culturelle Ouest-africaine dont la la variabilité technique de la métallurgie du fer est l’une des facettes. En effet, la fonderie en tant que dispositif technique de la production des matières premières du forgeron, est une spécialité très pratiquée dans la boucle du Niger avant l’ère coloniale. Ceci témoigne de la maîtrise de la connaissance technico-scientifique des africains. Cette maîtrise a conduit à une transformation sociale, ce qui aboutissait à des agriculteurs-métallurgistes et forgerons. En plus, l’auteur a fait l’analyse de différents fours de l’Afrique de l’Ouest et établi une comparaison avec ceux de l’Afrique centrale, ce qui nous a aidé à avoir une vue générale sur l’activité de l’extraction et de la fonderie en Afrique subsaharienne. Ceci nous a permis de répertorier les similitudes et les dissemblances de la sidérurgie d’Afrique noire avant l’introduction de la colonisation. 37 14.Martinelli B., 1995 : Transmission du savoir technique métallurgique Dans cet article, l’auteur a développé la théorie de l’apprentissage du métier de la forge dans la région de la boucle du Niger. Ainsi, l’auteur décrit les différentes étapes du processus d’acquisition du savoir technique métallurgique de la forge , de l’extraction et de la fonderie. S’agissant de l’acquisition du savoir technique de la forge pour les enfants et adolescents, les postures corporelles, les gestes ainsi que les regards sont des composantes pertinentes de du processus d’apprentissage. En effet, les verbes tels que réparer, découper, préparer du charbon de bois, regarder, tenir, etc, exprimés dans les termes vernaculaires définissent les notions de transmission et de l’apprentissage du métier de la forge, et caractérisent l’identité sociale de cette couche sociale. En plus de cela, dans cette boucle du Niger, l’auteur décrypte la diversité des statuts des métallurgistes (agriculteurs-ferriers, forgerons) en étroite relation avec les autres couches sociales de la société Ouest-africaine. Dans cette région, il y avait à l’époque précoloniale, la spécialité des métallurgistes qui était fonction de la qualité du fer brut destiné à fabriquer des objets utilitaires divers (hâches, herminettes et instruments aratoires). Selon l’auteur, dans la boucle du Niger, il existait divers styles de construction des fours en fonction de l’identité culturelle des métallurgistes. Mais, avec l’apparition du fer occidental, il y a l’interruption de la transmission du savoir technique en matière de l’extraction et de la fonderie dans cette région. Il y décrit également le rôle important des forgerons et des ferriers en matière d’approvisionnement des moyens de productions (houes, hâches) et de défense (sagaie, flèches, etc). 38 Cependant, l’auteur apporte un démenti sur l’approche ethnographique classique qui consiste à considérer que les sociétés traditionnelles vivaient en vase-clos, et que le changement ne pourrait déclencher que par un phénomène culturel venant d’une aire géographique lointaine, notamment de l’Occident. A l’opposé, Martinelli analyse la diffusion des technologies du fer qui s’effectuait entre les diverses communautés de la boucle du Niger. Cette diffusion est rendue possible grâce aux voyages d’apprentissage des jeunes forgerons chez d’autres groupes ethniques de la région avant leurs unions matrimoniales. Tout ce qui précède, démontre l’intérêt grandissant de cet article pour notre thème sur la forge à Bangui et à Bambari. A travers cet article, nous faisons un rapprochement entre la théorie de l’apprentissage de la forge en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, et tous les systèmes culturels inhérents à ce métier. 15.Martinelli B., 1996, Sous le regard de l’apprenti Cet article décrit le processus de l’apprentissage de l’artisanat métallurgique dans la boucle du Niger, notamment les forgerons mooses du Yatenga au Burkina Faso. Dans la boucle du Niger en général, et chez les mooses du Yatenga en particulier, la théorie de l’apprentissage de la technologie métallurgique implique les composantes physiques, perceptives et langagières. Selon l’auteur, le verbe apprendre n’a pas la même connotation chez les forgerons mooses. Pour eux, le savoir métallurgique est inné pour ne pas dire 39 héréditaire. Ainsi, l’enfant du forgeron porte dans son sang les aptitudes intellectuelles, techniques et psychologiques du travail métallurgique, contrairement aux autres enfants issus d’autres catégories sociales (les agriculteurs par exemple) et qui désirent apprendre le métier. Les premiers seraient naturellement de bons forgerons par rapport aux seconds. Cependant, ces derniers sont intégrés dans la catégorie sociale des forgerons, non seulement en fonction de leur acquisition du savoir technique, mais en plus de cela, ils doivent changer leur identité culturelle, c'est-à-dire entrer dans le lignage du forgeron par le biais de l’union matrimoniale ou autres rituels. Le rôle du forgeron ne se limite pas seulement à l’approvisionnement des moyens de productions (houes, hâches, couteaux, etc) à la communauté, mais aussi aux rituels de purification ou de conciliateur de la société. Ce dont il doit également être investi dans son processus d’acquisition technique de la forge. Afin de retenir cette puissance ou pouvoir de guérir, de pacification ou de purification,, il faut que le jeune apprenti le reçoive par la bouche d’un ancien qui lui souffle dans les oreilles. Par ailleurs, chez les mooses, la transmission du savoir métallurgique qui est considéré comme inné au sein du groupe, n’exclut pas la présence physique de l’enfant auprès des aînés dans la forge. C’est ainsi que les notions telles que Montrer, expliquer et démontrer font partie intégrante de la théorie de l’apprentissage. Ainsi, l’aptitude ou la future compétence des enfants est détectée par les termes tels que « les yeux curieux » ou « la domestication du regard et la gourmandise ». Ces prédispositions intellectuelles et mentales précèdent la phase de fabrication des objets qui débute à l’adolescence (15-17 ans), période 40 pendant laquelle les jeunes étaient circoncisés. L’apprentissage à ce niveau dure en moyenne deux ans. Ce qui nous rapproche de la durée moyenne de l’apprentissage dans les forges à Bangui. Alors, nous considérons que cet article a une utilité grandiose en raison de son approche de la théorie de l’apprentissage du métier de la forge dans la région de Yatenga au Burkina Faso, les valeurs, normes et éthiques qui lui sont associées. Ce faisant, nous a permis d’explorer notre terrain en République Centrafricaine 16.Martnelli B, 1998, La mémoire en travail Cet article de Bruno Martinelli nous décrit les diverses facultés exigées par l’apprentissage de la forge en pays moose au Burkina Faso. En effet, la mémoire est considérée comme une donnée essentielle pour la transmission du savoir-faire de la force. Ainsi, la vue et l’ouie sont deux organes de sens les plus sollicités en matière de l’apprentissage et de la maîtrise de ce type d’artisanat. Selon l’auteur, le fait de regarder et d’écouter tous les jours , fait croire à certains fils des forgerons qu’ils n’apprennent pas ce métier, mais il leur est héréditaire. Aussi, la présence de l’apprenti dans la forge, précisement aux niveaux des soufflets et devant le maître-forgeron sont des positions essentielles pouvant renforcer les facultés mentales de celui-ci à maîtriser le savoir-faire. Cependant, chez les moose, la durée de l’apprentissage est de trois ans que l’apprenti pourrait prolonger en allant continuer sa formation chez d’autres maîtres-forgerons de la région. 41 Enfin, l’article nous apporte une analyse très intéressante d’autres métiers dérivés de la forge urbaine, notamment les fabricants des marmites, des seaux d’eau et d’autres ustensiles de cuisine. Alors, toutes des informations fournies par cet article nous guident à voir les conditions d’apprentissage de la forge en République Centrafricaine. 17.Martinelli B., La production des outils agricoles en pays Basar (NordTogo) : Cet article décrit le rôle prépondérant du forgeron dans l’équipement de l’agriculture en moyens de productions en Afrique de l’ouest, notamment chez les basars du Nord Togo. Celui-ci fournit les outils agricoles au marché local en fonction de type de demande. Autrement dit, l’auteur analyse comment les forgerons basars du Togo fabriquent divers outils correspondant à chaque méthode de culture. Cet aspect présente un intérêt pour notre étude en ce sens que nous nous intéressons aussi au rôle de la forge en fourniture des moyens de production aux agriculteurs centrafricains. L’article décrit aussi l’innovation technologique chez les forgerons basar ainsi que le souci d’économie qui se manifeste au sein de la forge par la reforgeage des outils usés tels que les vieilles houes en couteaux, pinçons, clous, crochets, pointes de flèches, etc. ce qui a permis d’établir une comparaison entre la mutation technologique des forgerons centrafricains et ceux du pays basar au Togo. 42 Autre aspect que nous trouvons de similaires en république Centrafricaine et en pays basar, est la reforgeage des outils usés en d’autres outils nouveaux investis à d’autres utilités. Contrairement aux groupes ethniques de la boucle du Niger, notamment les mossis du Yatenga, les basar forgerons ont un statut beaucoup plus privilégié que d’autres catégories sociales. Le statut du forgeron dans cette communauté est semblable à celui du roi-forgeron chez les peuples de Kongo en Afrique centrale, décrit par G. Balandier en 1965. Parallèlement, l’article analyse le style de chaque outil fabriqué par les forgerons basar, ce qui nous a permis d’analyser les différents outils fabriqués par les forgerons centrafricains (les houes kaba, banda, karé par exemple). En outre, l’auteur décrit la période de vaches grasses et de vaches maigres des forgerons basar. Cette fluctuation économique chez les forgerons basar nous rapproche des problèmes économiques que ressentent les forgerons, notamment les périodes où ils enregistrent une forte demande et une baisse de demande. Cependant, cette fluctuation économique est à l’origine des expéditions commerciales inter-régionales et ont permis l’emprunt culturel. Enfin, selon l’auteur depuis l’introduction du fer européen chez les basar, ceux-ci ont perdu la technologie de l’extraction et de la fonderie, car le fer européen s’obtient facilement. Seule l’autre catégorie de la métallurgie du fer (forgerons) qui continue à maintenir la transmission de son savoir. Cette conclusion de l’auteur apporte un éclairage pour notre recherche, car c’est la même problématique de la métallurgie du fer en république Centrafricaine en relation avec la question de la préservation du patrimoine culturel africain. 43 18.Martinelli B., 1999, Entre interdit et pardon- moose dogon Cet article décrit le rôle positif du forgeron dans le maintien de l’équilibre social dans les sociétés de la boucle du Niger. Ainsi, les forgerons contrairement à leurs statuts de réducteurs qu’ils occupent aujourd’hui, ils étaient investis de pouvoir de guérir , concilier, pardonner. Considérés comme détenteurs de pouvoirs divins, ils ne sont pas frappés d’interdits et par conséquent ils purifient leurs sociétés des souillures d’ordre social. A cet effet, personne ne peut refuser leur pardon, sous peine de recevoir des représailles. Autrement dit, on ne refuse jamais le pardon du forgeron.. Puisque le forgeron détient le pouvoir de guérir, concilier et pacifier la société, son lieu de travail (forge) est un lieu sacré où on ne doit pas se quereller ni transformer en une prison. Cepend ant, le forgeron détenteur de pouvoir céleste, il est exclu du pouvoir terrestre ou temporel. Cette exclusion de l’exercice temporel est un marqueur d’identité des forgerons. Alors, l’analyse du rôle et de statut du forgeron dans les sociétés Ouestafricaines par l’auteur nous a permis de faire un rapprochement du rôle et de statut du forgeron en Afrique centrale, notamment en République Centrafricaine. 19.Martinelli Bruno, 2002, Au seuil de la métallurgie intensive –UNESCO Cet article présente un double intérêt pour notre étude. Il nous éclaire sur les diverses traditions relatives à la métallurgie du fer en Afrique de l’ouest, notamment dans la boucle du Niger. Une spécialisation qui s’était développée dans cette partie de l’Afrique depuis des millénaires, et atteignait son apogée entre les XVet XIXème siècles. 44 Ainsi, les conclusions de l’auteur selon lesquelles dans cette région (boucle du Niger) , la constitution des forgerons en tant qu’artisan spécialisé, maîtrisant tout le processus de l’industrie du fer (extraction, fonderie, forge) est fonction de la formation des régimes étatiques centralisés ( royaume Songhay, Malinke, etc), et les agriculteurs ferriers qui fournissaient du fer aux forgerons est l’apanage des sociétés segmentaires, est d’intérêt capital pouvant nous aider à comprendre le processus de stratification sociale des forgerons en république centrafricaine. L’autre intérêt concerne les volets technologique et l’apprentissage de la métallurgie du fer, décrits dans cet article. En effet, l’auteur met en lumière comment sous la pression de l’accroissement de la demande, les forgerons de la boucle du Niger ont amélioré leurs moyens de productions afin de satisfaire la demande locale et extrarégionale, ce qui touche un des aspects de notre recherche. En ce qui concerne le volet apprentissage, l’article nous démontre la théorie de l’apprentissage de ce métier avec son éthique, ses normes qui vont au-delà des capacités perceptives pour intégrer l’aspect purement technologique. Cette partie nous a permis de faire la comparaison des théories de l’apprentissage du travail de la forge en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, notamment en république centrafricaine. 20.GOTILOGUE 1997, Métallurgie du fer en RCA. Cet article présente un intérêt capital pour notre recherche en ce sens qu’il trace les aspects archéologiques, historiques et technologiques de la métallurgie du fer en République Centrafricaine 45 Quant à l’aspect archéologique, les vestiges du fer découverts dans la région Nord, Sud-Est et Ouest et dans le centre du pays, témoignent de l’existence du travail du fer en République Centrafricaine avant l’ère coloniale. S’agissant de l’aspect technologique, cet article nous décrit les différentes formes des fourneaux selon les ethnies dans les régions centrafricaines pendant la période coloniale : « de forme généralement conique, ils ont un diamètre de 1 à 1,2cm pour une hauteur de 1,8 à 2m » ( CURDHACA, juin 1997). 21.Childs, 1991, Style technology and iron smetting furnances in Bantu Cet ouvrage met en lumière la description de la diversité des fours au sein des peuples bantouphones du Sud du Sahara. En effet, en adoptant une démarche stylistique des formes des fours bantou, l’auteur a montré la complexité de la technologie du fer chez les bantou où le social et le culturel font partie intégrante et forment un tout. Chaque groupe ethnique se distingue des autres par une particularité à la fois technologique et esthétique : les fours bachulu au Malawi, les fours de Njanja de Zimbabwe, etc. Selon l’auteur, cette diversité technologique n’est pas fortuite, elle témoigne de la réelle identité culturelle de chaque groupe. Cependant, l’auteur a décrit aussi les mouvements migratoires des peuples bantou qui peuplent aujourd’hui l’Afrique centrale et australe, étaient venus des monts-Oues camerounais. Par conséquent, la route du fer en Afrique subsaharienne serait celle de l’Afrique occidentale vers l’Afrique centrale. Cet ouvrage qui décrit le style, la technologie et l’identité culturelle des peuples bantou d’Afrique subsaharienne, nous apporte des idées pertinentes pour l’analyse des outils fabriqués par les forgerons centrafricains. En d’autres 46 termes, essayer d’affiner notre analyse stylistique des outils tels que les houes banda, kaba, mandja, etc. 22.Demaret and Nsuka, 1997, History of Bantu metallurgy C’est un ouvrage où les auteurs ont adopté une approche purement ethnolinguistique pour appréhender la métallurgie du fer chez les peuples bantou. Ecrit initialement en anglais, est traduit ici en français, l’ouvrage décrit les termes vernaculaires liés à la sidérurgie des peuples bantou tels que tàdè, bùè, yùmà, yondo qui signifient en pelemèle forge, forger, minerai, pierre, etc. L’étude qui s’est déroulée dans la région de Guthrie, a établi la preuve de la connaissance ancienne de la métallurgie du fer des peuples bantou, car ces termes vernaculaires liés au travail du fer ont été attestés par la technique de recoupement des récits chez les populations bantouphones. En effet, cette approche socio-linguistique de la métallurgie du fer, nous servira de cadre méthodologique pour notre recherche de la forge chez les banda de Bambari, en ce sens que les langues véhiculent l’identité culturelle d’un peuple en général, et en particulier l’identité technologique. Ainsi, les termes vernaculaires sont des signifiants dont le rôle de l’anthropologue est de découvrir le signifié par une analyse approfondie de ces concepts 23.Echard , 1986, Histoire du peuplement –Histoire des techniques Cette revue scientifique nous donne des informations relatives à la cohabitation des métallurgistes et d’autres catégories sociales chez les Haussa. Selon la mythologie haussa, les métallurgistes (ferrier et forgeron) sont sortis du ventre d’une femme tombée du ciel, ou issue d’une femme qui serait venue à 47 pied de la Mecque avec un marteau de la forge en main. Cet aspect mythologique de l’origine de la métallurgie du fer chez les haussa du Niger, généralement de confession musulmane, ressemble à celle des forgerons musulmans centrafricains d’origine tchadienne que nous avons interrogés lors de l’enquête sur l’activité de la forge. Cependant, du point de vue archéologique, l’article nous situe sur la double durée de la métallurgie du fer dans cette région d’Afrique de l’Ouest. Ainsi, selon les datations, la métallurgie a été pratiquée vers 500 ans avant notre ère, et à une période récente, c'est-à-dire 500 ans après Jésus Christ. Cette datation archéologique peut nous guider à réfléchir sur la route du fer qui selon certains écrits serait de l’Afrique de l’Ouest vers l’Afrique centrale. Enfin, l’approche technologique de cette revue scientifique nous donne l’idée de la typologie des fours haussa du Niger. Eventuellement, ceci nous permet de faire une comparaison entre la technologie de la métallurgie au Niger et en république Centrafricaine. 24.Essomba, 1987, Métallurgie pays Bassa Sud-Cameroun Cet article de J.M Essomba a fait une analyse minitieuse de la sidérurgie en pays bassa dans le sud du cameroun. En effet, l’étude de deux sites métallurgiques dans cette localité a montré l’ancienneté de la technologie du fer qui remonte selon les datations archéologiques au 15ème siècle de notre ère. L’analyse stylistique des fours a mis en lumière le génie anthropologique des bassa , notamment les différentes dimensions des fours, les éléments végétaux, pédologiques, etc qui entrent dans la comoposition des fours ainsi que les rituels qui leur sont liés. 48 25.Fluzin, Du minerai à l’objet de fer-Archéométrie Cet article nous présente un double intérêt. D’une part, il trace l’origine du fer qui remonte au fameux Big-Bang. Alors, ce métal est aussi ancien que la planète terre. Ainsi, grâce aux sciences archéologiques et des matériaux de la technologie de la métallurgie est une vieille science pratiquée par l’homme. Celui-ci sait par des procédés opératoires obtenir les différents types de fer ( fer doux, les aciers). Cette démonstration nous rappelle les agriculteurs ferriers de la boucle du Niger. Cela veut dire que l’Afrique contrairement aux idées réçues, est au pointe de la technologie. D’autre part, l’article décrit les différentes chaînes opératoires de la métallurgie. Le travail du fer est une opération qui demande une technologie complexe qui permet d’obtenir du fer forgeable. Elle part de la mine et de l’extraction du minerai jusqu’à la forge. Chaque étape nécessite un type particulier de techniques destinées à obtenir les différents métaux. 26.Lanfranchi, Ndanga et Zana, Datation C14 métallurgie Cet article du Centre Universitaire de Recherche et de Documentation Historique et Archéologique en Centrafrique (CURDHACA), a procédé à une comparaison des datations de la métallurgie du fer dans les régions forestières du sud de la République Centrafricaine. En effet, selon cet article , la métallurgie du fer en Centrafrique est récente par rapport à celles du Cameroun et de la République Démocratique du Congo. Cependant, quelques fouilles archéologiques ont suggéré l’ancienneté de la sidérurgie en Centrafrique qui remonterait à l’anquité , mais les recherches récentes ont montré la contemporeïté de cette technologie dans le pays. 49 27.Maquet, 1965, Outils de forge Ngbandi et Zandé extraits Cet ouvrage a fait un décryptage de différents outils de travail des forgerons Ngbandi et Zandé et leurs quelques sous groupes ethniques. L’auteur a fait une analyse stylistique mettant en lumière l’identité culturelle de chaque groupe ethnique. Ceci nous a permis de faire le lien des objets fabriqués et l’identité d’un groupe social donné. Cependant, les types d’objets ne signifient pas autommatiquement la saisie d’emblée l’identité de telle ethnie, car d’après l’auteur, les mêmes outils étaient utilisés par les zandé et ngbandi et leurs sous-groupes. On note à ce niveau, un phénomène d’emprunt culturel entre ces divers groupes ethniques. Cet aspect de l’analyse stylistique concoctée par l’auteur, nous sert d’orientation dans l’étude actuelle sur la forge à Bangui et à Bamabari. 28.Monino, 1983, Accouches du fer Métal Gbaya RCA Cet article a décrit la métallurgie du fer de deux sociétés voisines centrafricaines : Les Gbaya et les Mandja. Sa comparaison relève les similitudes culturelles en matière de la sidérurgie de ces deux groupes ethniques. En effet, l’activité métallurgique est toujours précédée des rituels de conciliation et de purification afin de solliciter la grâce des génies propriétaires des sites. Les animaux domestiques tel que le poulet, la chèvre, sont incontournables dans le symbolisme lié aux transactions entre les métallurgistes et autres membres du clan. 50 Autre caractéristique commune à ces deux groupes qui concerne l’artisanat métallurgique est la non spécialisation des fondeurs et des forgerons en tant qu’artisans distincts des agriculteurs. Les métallurgistes sont à la fois agriculteurs, chasseurs, ferriers et forgerons. Toute personne, si elle le veut, peut devenir forgeron. L’acquisition du métier n’est pas héréditaire. L’apprenti peut offrir une chèvre et cinq poules au forgeron ou au fondeur comme frais de formations, afin d’avoir droit à l’acquisition de son savoir. Par contre, l’auteur démontre la diversité technologique du fer chez les Gbaya et les Mandja de la République Centrafricaine. La proximité géographique et culturelle de ces deux groupes ne signifie pas automatiquement la proximité technologique. La diversité technologique des Gbaya et des Mandja se manifeste aux niveaux des dimensions et des formes des fours. Aussi , les Gbaya peuvent installer leurs fours aux villages ou en dehors. Par contre, les mandja n’installent jamais leurs fours au village, parceque les femmes ne doivent pas les toucher. En outre, chez les mandja, il y a les fours mâles et les fours femelles. Enfin, l’article a conclu que chez les Gbaya et les Mandja de Centrafrique, en matière de la sidérurgie, c’est le symbolisme qui prédomine sur l’aspect technique, ce qui empêche ce dernier de se développer. Tout ce qui précède démontre l’intérêt de cet article pour notre recherche sur la forge en milieu urbanisé où l’autochtone entre en compétition avec l’universel ou l’allogène, notamment les conditions de l’apprentissage de l’activité de la forge en milieu traditionnel et urbain ou moderne. 51 29.Podlewski, Les forgerons Mafa Cet article noud décrit le rôle du forgeron dans la société Mafa du Nord du Cameroun. Selon l’auteur, le forgeron chez les Mafa est un être paria. Bien qu’il joue un rôle non négligeable, voire nécessaire au sein de son groupe d’appartenance. En effet, il est à la fois fournisseur des outils agricoles et guérisseur de la communauté. C’est aussi lui qui enterre les morts et procède à d’autres rituels funéraires. L’article met aussi en exergue le lien étroit qui existe entre la métallurgie du fer et la poterie, le premier destiné aux forgerons et le second à leurs femmes. Cependant, au sein de la société Mafa, les forgerons sont également caractérisés par leur endogamie. A cet effet, cet article nous éclaire davantage sur le rôle du forgeron dans les sociétés africaines en général et chez les Mafa qui pourrait nous guider dans notre approche analytique de ce métier de la République Centrafricaine. 30.Tourneaux, 1988, Noms du fer et de la forge Cet article d’H. Tourneux relatif au foyer de diffusion de la technologie du fer en Afrique subasaharienne a relativisé les théories classiques sur les centres de diffusion de la métallurgie du fer sur le continent africain. En effet, l’auteur utilisant comme technique principale d’enquête la linguistique comparée, a mis en entre parenthèses l’hypothèse selon laquelle la technologie du fer serait arrivée en Afrique subsaharienne par la route du 52 Maghreb via la vallée du Nil. Aussi, la thèse méroéenne de la diffusion du travail du fer est actuellement peu crédible au vu du progrès de l’état de recherches actuelles dans le domaine. S’appuyant sur les langues dites tchadiques, l’auteur a conclu que le fer ne serait pas arrivé au sud du Sahara par la route du Maghreb, puisque les recherches linguistiques dans la région n’ont pas relevé des similitudes dans les parlers des gens concernant les mots de fer, forge, frapper, qui sont des signifiants de la sidérurgie en Afrique. D’après l’auteur, l’hypothèse de la connaissance autochtone de la métallurgie du fer en Afrique par rapport aux autres continents, reste plausible, en attendant les autres thèses qui peuvent l’infirmer ou la confirmer. Cependant, nous jugeons cet article qui nous est très intéressant dans la présente recherche, en ce sens qu’il nous apporte des données précieuses relatives à la théorie extra-africaine de l’origine de la métallurgie du fer, et de l’utilisation de la linguistique comme technique particulière dans la démarche anthropologique. Ainsi, l’usage minutieux de la linguistique dans les enquêtes anthropologiques, peut aider l’anthropologue a esquissé l’antériorité des phénomènes culturels au sein des sociétés dites traditionnelles où les mémoires collectives servent des références historiques. Et c’est dans les parlers des groupes qu’on retrouve effectivement les traces de ces éléments historiques. 31.Van Noten-Raymafkers, 1988,Les débuts de la métallurgie en Afrique centrale 53 Cet ouvrage décrit la technologie de la sidérurgie en Afrique centrale. Selon l’auteur, cette région d’Afrique a une longue tradition métallurgique qui remonte à la période néolithique. Les africains du Sud du Sahara développèrent des technologies du fer que les fouilles archéologiques ont attesté leur authenticité. A travers l’analyse de la métallurgie, l’auteur esquisse le cheminement migratoire du peuple bantou spécialiste métallurgiste qui part du Cameroun vers la région des grands lacs. Alors, cet ouvrage nous situe sur l’ancienneté de la science sidérurgique en Afrique. 32.Yandia, 1995, Un four de réduction en RCA Cet article décrit la forme des fours atypiques à cette région de l’extrême Nord-Est de la République Centrafricaine. Ceci témoigne de la pratique de la métallurgie du fer par les groupes ethniques qui habitaient cette région. 33.Yandia, 1995, Métallurgie du fer NW de RCA archéo ethno Cet article, a décrit la région centrafricaine où le travail du fer était plus développée que d’autres. Dans la région de Bocaranga située au Nord-Ouest du pays, la sidérurgie est ancienne, d’où les recherches archéologiques ont mis à jour de nombreux ateliers dont le site de Lima non loin de Bocaranga. Les diversités des fours ont été observées dans cette région, où on trouvait les fours construits au dessus du sol ou enterrés. A l’aspect purement technique est associé l’aspect rituel pratiqué par les groupes métallurgistes de la localité : « pour obtenir de bons rendements, les 54 métallurgies de la région de Bocaranga faisaient des sacrifices d’animaux domestiques qui doivent précéder toutes les opérations de la sidérurgie » Traditionnellement, il y avait la séparation des métiers entre les métallurgistes de cette région : les agriculteurs ferriers et les forgerons. Ce dernier point rapproche les métallurgistes du Nord Ouest centrafricain à ceux de Yatenga du Burkina Faso qui s’approvisionnaient chez les ferriers dogons du Mali et d’autres groupes ethniques du Togo ou de la cote d’ivoire. 34.Yandia, 1995, Métallurgie du fer RCA , sources écrites Cet article nous résume les différentes sources écrites relatives à la métallurgie du fer en république Centrafricaine. Ainsi, il a été identifié comme des métallurgistes, les groupes tels que les ndris, les mandja, les bongo. Aux différents groupes ethniques , correspondent aux différentes technologies sidérurgiques. Selon Dybowsky, les fours Ngapo se distinguent par sa forme suivante (hauteur=3m ; base=80cm de diamètre) ;four Gbaya (forme tronc conique soutenu par trois poteaux) ; D’après F. Giaud, le four Mandja en forme d’un gros obus. Le four Gbaya-buli d’après Poupon installé dans une fosse sous l’action de deux soufflets. En effet, ces auteurs ont par leurs monographies métallurgiques prouvé la maîtrise très ancienne de la sidérurgie par les sociétés centrafricaines, à l’exception des pygmées. Autrement dit, les sociétés savanières de la Centrafrique ont une longue tradition de l’activité du fer et de l’usage de ses produits dérivés. 55 35.Bernus, 1983, Place et rôle des forgerons Touareg L’auteur nous parle dans cet article de la place et du rôle du forgeron touareg. Les touareg sont des peuples essentiellement nomades disséminés aujourd’hui dans différents pays, notamment le Tchad, Mali, Niger, Libye, Mauritanie et qui sont connus comme des grands spécialistes du tannage. Ils sont aussi des forgerons. Mais, au sein de cette communauté nomade et guerrière, la métallurgie du fer est un artisanat non négligeable. Alors, l’auteur décrit l’ambiguité du statut du forgeron dans la société touareg où ce dernier est considéré comme un être subalterne et dont son rôle est nécessaire au bon fonctionnement de la structure sociale de celle-ci. En d’autres termes, le forgeron, en dehors de son rôle de fournisseur d’outils utilitaires ( les couteaux), de guerre ( sagaies, flèches, etc), il joue le rôle de guérisseur ou de protecteur de la communauté. Il peut briser les tabous sans être inquiétés des représailles d’ordre mystique. A cet effet, l’analyse de Bernus nous a permis de dégager les préjugés qui entourent le forgeron malgré son rôle important dans les sociétés centrafricaines. 36.David and Kramer, 2001, Ethnoarchéology of ir Cet ouvrage don’t la version initiale est en anglais et que nous traduisons ici en français, décrit l’ethnoréduction du fer dans les sociétés africaines du Sud du Sahara, ainsi que le rôle et le statut du forgeron dans ces sociétés. En effet, les auteurs ont démontré avec les techniques , les différentes formes de fours et de conditions chimiques de réduction du minerai. Ainsi, les auteurs ont souligné que les yuruba du Sud-Ouest du Nigeria ont développé la sidérurgie 56 depuis un demi-siècle avant notre ère. Ce qui est considéré comme le foyer de diffusion de cette technologie vers les régions centrales du continent. Par conséquent, l’ouvrage a décrit une certaine similitude entre les fours yuruba d’Afrique de l’Ouest (Nigeria) et ceux des Gbaya d’Afrique centrale (République Centrafricaine). Mais, au-delà des diversités technologiques entre les différents groupes ethniques du Sud du Sahara, ils notent une certaine homogénéïté culturelle : le travail du fer est étroitement associé aux pratiques magiques. Quant au rôle du forgeron , l’ouvrage décrit l’importance de celui-ci en matière de fourniture des outils nécessaires à l’agriculture, chasse, pêche et la défense à sa communauté. En ce qui concerne le statut , ce dernier varie d’une communauté à une autre. Ainsi, chez les haya de la Tanzanie, le forgeron est artisan spécialisé des autres catégories sociales. Par contre, au Malawi, la métallurgie du fer s’exerçait sous l’influence du pouvoir politique qui définit les conditions d’apprentissage du métier (les apprentis doivent payer pour apprendre). Dans le Nord du Cameroun, notamment les monts mandara, le forgeron appartient à une classe inférieure, c'est-à-dire qu’il ne participe pas à l’exercice du pouvoir, mais il occupe une place centrale dans les rituels et dans la fourniture des outils utilitaires. Enfin, l’ouvrage nous éclaire sur les exploitants du cuivre dans la région Ouest du Bengal en Inde. Ces artisans vivant en caste par rapport aux autres 57 catégories sociales, ce qui nous a permis de faire une comparaison des statuts des métallurgistes en Afrique sub-saharienne et l’Asie du Sud-Est. 37.Dubois, 1908, Fin de la métallurgie Gbanziri RCA Dubois analyse à travers cet article la maîtrise très ancienne de la métallurgie du fer par les Gbanziri de la République Centrafricaine. La technologie de l’extraction, de la fonte et de la forge est bien connue ce groupe ethnique. En effet, l’usage des objets en fer était très répandu chez eux, allant de l’utilitaire à esthétique. Mais, au cours de l’histoire, ce peuple avait abandonné le métier métallurgiste au profit d’autres artisanats, ce qui fait d’eux aujourd’hui, des constructeurs des pirogues et autres outils de pêche. Alors, grâce à la description faite par Dubois, nous a permis de voir un peu plus le développement de la métallurgie du fer dans le haut Mbomou, région frontalière avec la République Démocratique du Congo et du Soudan. Ceci pourrait nous aider à émettre une hypothèse sur le chemin du fer en République Centrafricaine. 38.Dupre et Pincon, 1995, Métallurgie du fer en Afrique centrale Cet article représente pour nous un double intérêt . D’une part, les auteurs ont démontré la richesse symbolique liée à la sidérurgie en Afrique au sud du Sahara de manière générale et en Afrique centrale en particulier. 58 En effet, la métallurgie du fer en Afrique est indissociable des pratiques rituelles. Chez les diverses communautés métallurgistes d’Afrique centrale, les techniques opératoires de la sidérurgie sont étroitement liées aux gestes culturels sinon aux rituels. La chaîne opératoire de la sidérurgie est guidée par des cérémonies rituelles visant à rendre productifs les fours ou les forges. D’autres part, les auteurs ont montré l’aspect commun retrouvé dans la métallurgie du fer en Afrique : les femmes sont généralement exclues de la sidérurgie. Cependant, certaines parties du four représentent la fécondité chez la femme, tandis que d’autres représentent les organes génitaux masculins, notamment, les soufflets et la tuyère. Afin de permettre la fécondité effective des fours, l’abstinence sexuelle est imposée à tous les hommes qui participent à l’opération de la réduction du fer et à la production du charbon de bois comme sources d’énergie. Par ailleurs, les sources ethnographiques ont montré que l’activité de la métallurgie du fer est un métier légué aux vivants par les ancêtres , c’est pourquoi partout, les rituels symboliques précèdent les opérations purement techniques afin de bénéficier de leur protection ou grâce. 39.Eggen, 1976, Métallurgie Banda Dans cet article, l’auteur décrit la métallurgie du fer en République Centrafricaine en général et chez les groupes ethniques Banda en particulier. Ceci dit, les banda ont une connaissance ancienne de la technologie du fer. Il a un double intérêt pour notre étude : 59 Le point fort et intéressant dans cet article, est la séparation des métiers entre les métallurgistes (ferriers et forgerons) chez les banda. Les premiers spécialistes dans la production du fer brut construisaient leurs fours loin du village, puisque les femmes étaient interdites d’assister à l’opération de fonderie, les seconds, c'est-à-dire les forgerons , pouvaient installer leurs forges soit dans le village ou soit en dehors du village à proximité du marigot. Mais, compte tenu de certains interdits liés à ce métier, les forges sont généralement installées à côté d’un cours d’eau, car le forgeron ne peut toucher sa femme qu’après avoir pris bain dans un cours d’eau. Ensuite, cette spécialisation de la métallurgie du fer selon les catégories socio-professionnelles, nous éclaire sur la métallurgie du fer en Afrique subsaharienne, comparativement à ce qui se passait dans la boucle du Niger. En plus, selon l’auteur, chez les banda, le métier de la forge était héréditaire, une personne étrangère au groupe patrilinéaire ne pouvait la devenir sauf en cas des alliances matrimoniales. 40.Fluzin, Chaîne opératoire : métallurgie schéma général Dans le souci de démontrer la maîtrise de la technologie de la métallurgie du fer par les africains, Fluzin a fait une comparaison des chaînes opératoires de la sidérurgie en Afrique, en Europe préindustrielle et en Chine. Il a tiré la conclusion selon laquelle il n’y avait pas de différence de connaissance entre les africains, les européens et les chinois. 60 Cependant, on notait une légère amélioration des techniques de la sidérurgie à partir du XVIIème siècle en Europe et en Chine. Par contre, en Afrique, cet élan a été interrompu par l’arrivée du fer européen. Ainsi, l’intérêt de cet article se situe principalement sur la comparaison historique de connaissances de la sidérurgie dans ces trois continents. 41.Fluzin, Réactions chimiques métallurgiques L’auteur a mis en exergue la genie technico-scientifique des africains en matière de la métallurgie du fer. Ainsi, selon les idées reçues d’origine occidentale qui prétendent nier aux africains la maîtrise de la haute technologie, l’auteur amène à travers sa démonstration des principales réactions lors de la réduction des minerais un démenti. En effet, les africains, savaient très bien obtenir les différentes qualités de fer, en soumettant ce dernier à des degrés de combustion variables (700°C, 1150°C, 1200°C). 42.Gotilogue, 2000, Recherche archéologique en RCA Cet article nous apporte quelques informations relatives à l’arrivée de la métallurgie en République Centrafricaine. D’après les recherches archéologiques, les régions du Nord Est du pays pratiquaient la métallurgie depuis l’anquité. Autre route du fer serait dans l’Ouest du pays, notamment à Bouar et la région de Nola. Mais, c’est à partir du 15ème siècle que la métallurgie s’est généralisée sur l’ensemble du pays. Donc, contrairement au Cameroun, la métallurgie serait tardive en République Centrafricaine. 61 43.Kalck, 1974, Notlect sur la métallurgie en RCA Cet ouvrage apporte une fois de plus un éclairage sur la métallurgie chez l’ethnie Yakoma, peuple partagé entre le République Centrafricaine et la République Démocratique du Congo. Selon l’ouvrage, ce peuple a développé fort longtemps la technologie du fer dont l’un des aspects emblématiques était la monnaie du fer appelée vernaculairement « Nguinza ». Ainsi, l’ouvrage nous apporte quelques informations selon lesquelles toutes les sociétés de la République Centrafricaine savaient la métallurgie. En plus , ce groupe faisait du commerce des objets en fer avec d’autres groupes ethniques tels que les banda et les goula à l’extrême Nord Est du pays. Ceci nous amènerait quelques réflexions sur la circulation des objets entre les diverses ethnies. 44.Moga, 1988, Archéologie île de Dange Nord RCA Cette enquête menée par J. Moga grâce à l’appui financier et matériel de l’université de Nanterre en France, dans le Nord Ouest de la République Centrafricaine, notamment dans l’île de Tedouge a mis en lumière l’antériorité de la poterie par rapport à la métallurgie du fer dans cette région. Les habitants de cette île pratiquaient la poterie depuis la période néolithique. Quant à la sidérurgie, les fouilles archéologiques ont montré l’existence qu’à une période récente, situant entre le IX et XVIIIème siècles de notre ère. Cette enquête vient confirmer une fois de plus la contemporénéité de la métallurgie du fer en République Centrafricaine. 62 45.Nizesete, 2001, Patrimoine métallurgique d’Afrique centrale Cet article bien que s’attachant à décrire tout ce qui est relatif au patrimoine culturel de l’Afrique centrale, apporte quelques aspects intéressants pour notre étude, notamment sur la métallurgie du fer. Ainsi, selon l’article, cette activité est très ancienne dans cette partie du continent, dont les fouilles archéologiques ont prouvé l’existence au Cameroun, Gabon, Angola, République Démocratique du Congo et ailleurs. Par ailleurs, l’article décrit les Gbaya et les mandja de la République Centrafricaine comme possesseurs des techniques de prospection des mines de fer. Ces prospecteurs jouent un rôle déterminant dans le processus de la métallurgie en Centrafrique « les feuilles de l’annona sénégalensis au dessus du sol pour détecter les meilleurs minerais possibles ». Enfin, l’article démontre la similitude de la technologie sidérurgique entre les différentes ethnies d’Afrique centrale, avec quelques nuances observables sur la forme des fours et fourneaux. 46.Prioul, 1981, Métallurgie du fer en Oubangui, 1890 L’auteur signale l’existence des artisans métallurgistes en Oubangui-Chari bien avant l’arrivée des colonisateurs. Diverses ethnies centrafricaines connaissaient la métallurgie du fer, et s’en servaient de ses produits. Selon l’auteur, les ethnies qui peuplent la savane arborée de la République Centrafricaine ont une connaissance ancienne du fer. 63 Cependant, dans l’Oubangui, le métallurgiste n’était pas un artisan exerçant de manière exclusive son métier, en plus de sa spécialité, il exerçait d’autres activités telles que la pêche, l’agriculture, etc. Les Ndris et les ngombés étaient réputés de bons métallurgistes de l’Oubangui. Cette description nous apporte l’idée sur les groupes ethniques les plus spécialisés en la matière dans l’Oubangui. 47.Van Beek, Rites mortuaires Kapsiki Cameroun Cet article de waletr E.A. Van Beek décrit le rôle du forgeron chez les kapsiki-Higi du Cameroun. Dans cette société comme dans d’autres sociétés africaines où la mort est un signifiant social, le forgeron occupe une place non négligeable dans le symbolisme funéraire. Ainsi, chez les kapsiki-Higi du Nord du Cameroun, le forgeron est maître de la cérémonie funéraire dès la mort d’un membre de la société jusqu’à l’enterrement de celui-ci. Dès la mort d’une personne, c’est le forgeron qui annonce la nouvelle aux membres du lignage du village et des villages voisins par des coups de tam-tams. C’est aussi lui qui prend soins des vêtements de deuil (gandoula bleu, noir-blanc). Avant l’enterrement, il procède aux rituels d’enterrement sur les parents du défunt qui s’habillent généralement en rhamca ou en peau de chèvre. C’est toujours le forgeron qui enterre les morts et purifie les hommes qui assistent à l’enterrement. L’auteur souligne également que dans cette société, le forgeron est à la fois un magicien et un sorcier. Il joue aussi le rôle de conciliateur entre les vivant et les morts. 64 En bref, chez les Kapsiki-Higi du Cameroun, le forgeron est un être hors du commun, il peut briser les tabous sans courir les risques. Ainsi, l’analyse du rôle du forgeron au sein de ce groupe ethnique par l’auteur nous permet de faire la comparaison entre le rôle du forgeron au sein des sociétés centrafricaines et chez les Kapsiki-Higi. 48.Vergiat, 1937, Métallurgie Mandja RCA Cet ouvrage a décrit la forme de four chez les mandja et les rituals lies à la métallurgie. En effet, les mandja tout comme les banda et autres groupes ethniques centrafricains maîtrisaient la technologie du fer. Ainsi, l’ouvrage souligne quelques convergences culturelles entre les mandja et les banda en matière de métallurgie : le four est construit à proximité d’un marigot, et interdiction aux femmes d’y toucher. Cependant, chez les mandja, à la veille de l’allumage du four, les hommes sont tenus de s’abstenir aux relations sexuelles. Ainsi, l’ouvrage de Vergiat bien qu’il nous laisse perplexe sur l’approche technologique du four chez les mandja, nous éclaire sur l’activité métallurgique chez les groupes ethniques de la région savanière de la République Centrafricaine. 49 Louise Marie Diop-Maes, La question de l’âge du fer en Afrique : Cet article met en lumière deux hypothèses contradictoires concernant l’origine de la métallurgie du fer en Afrique noire. 65 Certains auteurs, notamment partisans de l’eurocentrisme pensent que la technologie du fer est très complexe pour qu’on reconnaisse la paternité à l’Afrique noire. Selon eux, reconnaître l’origine du fer africaine, c’est attester la supériorité technologique africaine par rapport à l’Europe. Au contraire, les auteurs d’aspiration africaniste, apportent un démenti à la thèse des premiers. S’appuyant sur les datations des fouilles archéologiques, ils ont prouvé l’existence très ancienne de la sidérurgie d’Afrique noire par rapport à celle d’Afrique du Nord. Aujourd’hui, dans le milieu scientifique, on commence à se poser des interrogations sur la fiabilité de ces deux hypothèses contradictoires. Mais, au vu des preuves fournies par les partisans de la théorie autochtone de la métallurgie du fer, c’est celle-ci qui reste valable. A cet effet, cet article met fin aux spéculations européocentristes, qui malgré la fiabilité des recherches sur la paternité du patrimoine métallurgique africain, essayant toujours de ne pas la reconnaître. 50.UNESCO, Les routes du fer en Afrique: Cet article de l’UNESCO nous présente double intérêt. D’abord, les hypothèses émises sur les routes possibles du fer en Afrique. Ainsi, selon cet article de la métallurgie du fer a été introduite en Afrique par la diffusion de l’Asie qui a transité par l’actuelle Tunisie, en suivant la voie du Nil (nubie) pour arriver en Afrique occidental avant d’atteindre les régions centrales et australes de l’Afrique. Mais, au vu de la datation des fouilles archéologiques récentes, les experts sont restés dubitatifs sur la fiabilité de cette hypothèse. 66 Cependant, les experts de l’UNESCO se sont convenus sur un point : la métallurgie du fer en Afrique est très ancienne, dont l’archéologie, la science des matériaux ainsi que l’anthropologie ont prouvé l’existence avec les témoins matériel et humain (vestiges des objets en fer, fours, sites des minerais, ferriers, forgerons, agriculteurs) et rituel (sacrifices, interdits,…) la République Centrafricaine figure aussi dans cette riche tradition métallurgique africaine. Ensuite, l’article met l’accent sur un point très intéressant pour notre recherche. En effet, depuis l’arrivée du fer occidental sur le continent, il y a une disparition de l’artisanat métallurgique, notamment celui des fondeurs. Ainsi, seuls les forgerons continuent à exister, mais travaillent uniquement sur les fers de récupération. Donc, une disparition relative du patrimoine culturel lié aux activités d’extraction et de la réduction du fer. Cet aspect nous rapproche de la forge centrafricaine où les forgerons travaillent uniquement sur les fers récupérés des carcasses des camions et autres engins. Enfin, l’article suggère que l’assignation de l’artisanat de la forge en Afrique est fonction de l’islamisation du continent. Ainsi, les sociétés africaines musulmanes relèguent les forgerons au second rang. C’est ce que la sociologie les a traitées improprement des castes. Alors que ceux-ci entretiennent des relations complexes avec les autres membres de leurs sociétés qui sont parfois des relations privilégiées par contre, dans les sociétés africaines son islamiques, les forgerons ne constituent pas des 67 groupes de castes. Ils appartiennent aux groupes d’élites, détenteurs de pouvoir politique. Somme toute, la recherche documentaire nous a permis de collecter des informations générales sur la métallurgie du fer en général et la forge en particulier, ce qui a garanti une bonne orientation de notre étude. 2.3.2. L’observation Elle est l’une des techniques utilisées dans la phase exploratoire et expérimentale de la recherche. Elle permet à l’enquêteur de recueillir les informations par la vision faits à la lumière des objectifs fixés. Il existe en fait plusieurs types d’observations parmi lesquelles nous avons choisi l’observation directe et l’observation participante. Pendant notre séjour à Bambari, tous les matins, des longues files d’hommes et de femmes partent par divers artères pour rentrer le soir et connaissent les bienfaits du travail. Quelques fois, ces mouvements exigent une double résidence. Ceci confère à la ville de Bambari un rôle socio-économique spécifique comme lieu de rencontre. Nous avons travaillé dans huit ateliers de la place grâce à leur ancienneté et leur organisation. L’observation m’a permis l’intégration raisonnée dans le milieu étudié et la première méthode de travail consistait à ouvrir un cahier journal de route , où l’on notait chaque soir le travail accompli dans la journée : fiches remplies, objets récoltés, personnes ou groupes rencontrés et interviewés et constituaient un répertoire facile à consulter3. 3 Nous nous sommes inspirés de ces orientations de la part de Monsieur J. BALIGUINI , lors de son passage au séminaire de Laboratoire en 2005. 68 2.3.2.1. L’observation directe En fait, cette dernière consiste à instaurer un contact direct entre le chercheur et le groupe qu’il veut étudier. C’est ainsi que Nicole Berthier disait : « L’observateur se rend sur son terrain pour étudier un groupe naturel. Il regarde ce qui se passe, interroge des informateurs et essaie de contrôler leurs dires par les vérifications »(Nicole Berthier,op cit :13). Cette technique nous a permis d’entrer en con tact direct avec nos populations cibles qui sont les forgerons de l’ethnie banda, jeunes et moins jeunes ainsi que d’autres personnes ressources. La forge banda à droite de la maison familiale 69 Organigramme du Groupement des forgerons banda : « Groupement NGOUANDJI »4 Président Président Vice Président Secrétaire Général Secrétaire Général Adjoint Conseiller Chargé de Matériels Chargé de matériel Adjoint Trésorier Trésorière Adjointe Rapporteur Rapporteur Adjoint 4 Ce bureau vient d’être mis en place, et parmi les membres, il y a une jeune femme d’un forgeron qui occupe le poste de Trésorière Adjointe. Leurs statuts et règlement intérieurs sont en voie d’élaboration sur demande des autorités locales. 70 2.3.2.2. L’observation participante La compréhension du travail de la forge nécessite une intégration directe du chercheur. C’est dans ce sens que nous avons imprégné le milieu forge pour que nous puissions toucher du doit la réalité de terrain en suivant les différentes chaînes opératoires et l’organisation sociale des forgerons. C’est ainsi qu’Evans Pritchard affirme : « Les enquêteurs d’autrefois pêchaient toujours par trop de hâte. Ils ne passaient généralement que quelques jours chez les peuples qu’ils étudiaient et rarement plus de quelques semaines, de tels séjours peuvent constituer éventuellement les préliminaires fructueux d’études approfondies et de classifications ethnologiques élémentaires, mais ne sauraient en aucun cas suffire à la compréhension profonde de la vie sociale d’un groupe »(Evans Pritchard,1969 :95). Notons que cette technique nous a permis de gagner la confiance de nos enquêtés lors de notre séjour à Bambari. 2.4. L’entretien sémi-dirigé L’entretien sémi-dirigé, dans le but d’obtenir des informations plus approfondies de la part des enquêtés, « combine attitude non directive pour favoriser l’exploration de la pensée dans un climat de confiance et projet directif pour obtenir les informations sur des points définis à l’avance »( Nicole Berthier, op.cit., :57). 2.5. Les difficultés Durant la réalisation de ce mémoire, nous avons rencontré de nombreuses difficultés, notamment : Dans le domaine documentaire, nous n’avons pas trouvé assez de document qui traite de la forge en République Centrafricaine. Ceux-ci demeurent presque inexistants. 71 Les difficultés relatives au retard des moyens matériels et surtout financiers nous ont pénalisé quant à l’avancement dans l’enquête, l’impression des articles et pour la saisie du document. Enfin, nous avons rencontré des difficultés sur le terrain d’enquête. En effet, certains de nos enquêtés sollicitaient une aide financière. Ce dont on n’a pas suffisamment. Certains ont refusé simplement de s’entretenir avec nous. 72 CHAPITRE TROISIEME : DESCRIPTION DE LA FORGE BANDA EN COMPARAISON AVEC CELLE DE BANGUI 3.1. Le rôle du forgeron Dans la société banda d’autrefois, le travail de la forge était un métier noble. Etant un agent du fer et du feu, le forgeron était craint et intéressait la société dans plusieurs domaines. Il représentait une autorité et une force réelle dans la société banda parce qu’il tirait toute sa légitimité sociale des traditions en vigueur. Sur le plan économique, le forgeron était considéré comme le père de la révolution agricole car il fabriquait des outils indespensables à l’essor de l’agriculture. Parmi ces outils la houe occupait une place importante dans la mesure où la société banda considère la houe « ngapo » comme objet principal des prestations matrimoniales « kùcù ».Cependant, la houe a un rôle central dans le rituel du mariage et de la fécondité, ce qui montre l’importance de l’agriculture chez les banda (W. EGGEN, 1976). Dans la société banda comme dans les sociétés Ouest-africaines, « la production métallurgique des outils agricoles a pu être à la base d’un nouveau système de production et de franchissement de seuils successifs. La saison sèche mettait la société en état d’effervescence et de suractivité » (B. MARTINELLI, 1992). Dans ce contexte le forgeron était chargé de réparer les objets usés cassés ou troués. 73 Fort de ce qui précède, et au regard des témoignages obtenus du terrain , le forgeron fabriquait la monnaie qui était utilisée dans les transactions commerciales ainsi que dans la compensation matrimoniale. S’ appuyant sur ce constat, EGGEN affirme que : « L’échange matrimonial par paiement d’esclaves a été remplacé par la monnaie fabriquée par le forgeron. Cette monnaie était même utilisée pour payer l’impôt chez les militaires français » (W. EGGEN, 1976)5 En effet, sur le plan esthétique, le forgeron « EYINDAWO » était comme créateur et promoteur de beauté et de confort. Il fabriquait des objets de toilettes ou de parure, qui amène des distinctions sociales en fonction de la richesse successible de payer ces objets. Ce faisant, c’est grâce au forgeron que les banda se procuraient des armes et des instruments utilitaires en ce qui concerne la défense, la chasse ( les sagaies, flèches pour les gibiers, etc) et la pêche (hameçons). Notons ici que la fabrication de ces outils accordait une grande valeur au forgeron car visiblement les banda forment une société laborieuse exclusivement approvisionnée par le travail du forgeron. Sur le plan social, le forgeron était considéré comme créateur de vie et de force. Selon certains témoignages, le forgeron était guérisseur. Ceci se justifie par le fait que l’identification étiologique des maladies liées au non respect des interdits et les normes sociales liées à la forge était réservée exclusivement aux anciens de la forge. La thérapie utilisée dans ce cas consistait à appliquer les 5 Signalons qu’après le versement integrale de l’impôt en nature, c’était le paiement en numéraire qui allait provoquer une véritable débacle vers la fin du 19ème siècle. Cet impôt était collecté par le chef du village choisi par l’administration coloniale et c’est lui qui payait l’impôt de l’ensemble suivant l’effectif de son village. Il s’appuyait si besoin était sur l’assistance des miliciens (EGGEN, 1976) 74 feuilles de plantes spéciales « lingui » sur le corps de la victime, affirmait le forgeron Chef, DAMEGO Toussaint, de l’ethnie banda. Dans cette optique, le forgeron intervenaient contre les pratiques de la sorcellerie parfois maléfique, et « détectait le cas échéant les actes de vol dans la forge ou deviner le voleur grâce à sa puissance de divination. En plus de cela, on lui faisait recours pour récupérer les biens volés ou pour faire du mal au voleur en cas de non restitution », selon le forgeron NGOUANDJI d’une quarantaine, de l’ethnie banda de Bambari. Les forgerons banda, comme les forgerons de l’Afrique de l’Ouest, fabriquaient des objets destinés à lutter contre la sorcellerie maléfique ainsi que des éléments non accessibles aux étrangers (B. MARTINELLI, 1995). Le forgeron était un « héros civilisateur » et porteur des changements, et plus prolifique surtout dans la fabrication des outils agricoles6 et les ustensiles de cuisine ( houe, couteau, etc)Toutefois, le forgeron banda fabriquait aussi d’autres objets utilitaires par emprunt et par imitation comme l’affirme le forgeron MANDERE « notre source d’inspiration à part nos grands parents, ce sont les films. C’est grâce à ces films que je fabrique les couteaux musulmans ainsi que les couteaux commandos. Certaines formes de houes que je fabrique, je les ai observées lors de mes voyages à Bria, Sibut, etc ». En plus de sa qualité de forgeron, se greffait la fonction de circonciseur qui faisait de lui la seule personne habilitée à circonciser les jeunes garçons à l’âge de 15 à 17 ans, âge indiqué du début d’apprentissage du métier de la forge dans la société banda. On observe cependant une tendance contraire dans laquelle les enfants de moins de 15 ans participaient dans les activités de la forge dans les sociétés ouest- 6 Le forgeron est un « héros civilisateur » car il amenait des nouveautés dans le village. L’arrivée du forgeron dans la société banda a révolutionné les techniques agricoles car avant l’arrivée du fer, les population utilisaient leurs outils en bois., notamment les houes. 75 africaines en général et à Bangui en particulier car cela était considéré comme un signe de vitalité et de reproduction du lignage (B.MARTINELLI,1996) Une autre dimension qui caractérise le rôle du forgeron « EYINDAO » était celui de pacification ou de conciliation. C’est ainsi que B. MARTINELLI précise en ces termes que : « si le forgeron doit intervenir au cours des discussions, ce n’est en principe que comme modérateur pour rappeler les participants à l’obligation de véracité et reformuler les arguments en un sens positif. Le refus de conciliation est considéré comme un manquement grave au respect dû au forgeron »(B. Martinelli,1998 : 6 .). Selon nos enquêtés, la forge était un lieu sacré et hautement symbolisé au sein duquel on ne se bat pas ni s’y insulter. Ce lieu était si sacré que même les criminels qui trouvaient refuge au sein de la forge ne pouvaient pas être poursuivi sans l’accord du forgeron principal ou chef d’atelier. Tout cela montre l’importance et la valeur que la société banda accordait au forgeron. Ce statut atteste comment le forgeron banda à l’instar des forgerons ouest africains « est investi d’un pouvoir symbolique majeur de pacification des conflits entre des individus, des familles , etc » (B. MARTINELLI ; 1992 :9). Fort de ce qui précède, il convient de signaler que les forgerons banda ne formaient pas une caste loin s’en faut, mais on les tenaient pourtant en grande estime, car les biens de prestige comme la plupart des dons matrimoniaux étaient constitués en objet de fer. En effet, il apparaît clairement que le forgeron banda jouait un rôle complexe dans cette société. Son rôle comme celui des autres forgerons des anciennes sociétés de l’Afrique centrale, déborde ses fonctions purement techniques et ses tâches d’intermédiaire sont également essentielles dans les 76 rapports internes de la société (E. BERNUS). Notons que le forgeron banda à la différence de celui de Bangui, ne jouait aucun rôle politique car la société banda était acéphale (W. EGGEN, 1976). En revanche, de nos jours, le forgeron banda semble avoir perdu de son prestige à cause de la concurrence des produits européens sur les marchés africains avec l’arrivée du christianisme qui est venu balayer les valeurs traditionnelles fondamentales du forgeron. Ce dernier voit son travail se réduit à un simple métier d’artisanat dont l’objet de commerce et pour la survie du forgeron . En plus de cela, le forgeron banda doute d’un avenir meilleur pour son travail et nourrit un sentiment de désespoir comme nous l’a affirmé le forgeron DIKOUNDJI de l’ethnie banda : « Nous ne bénéficions même pas de l’attention de la part des autorités politiques locales. Même la simple demande de reconnaissance de nos statuts d’artisans-forgerons, on nous demandent de payer un quotas, ce qui est inadmissible ». Notons ici que ce sentiment de désespoir est à la base d’une tendance nouvelle en perspective en vue de bénéficier de l’appui des ONG. Dans cette optique, les forgerons banda sont en voie de se constituer en organisation de base de production et de vente, à savoir des groupements et coopératives d’intérêt économique. La plupart des statuts et règlements intérieurs sont en voie d’élaboration. Dès lors, le forgeron banda comme celui de Bangui, fait ainsi son entrée dans un nouveau contexte caractérisé par la dispersion de source de légitimité de son statut social qui dépend désormais de ses capacités de s’adapter à ce nouveau contexte pour sa propre survie. La perte de la phase importante d’exploitation et de fonte du minerai de fer est totale, ainsi que certains aspects essentiels des pratiques rituelles. Soumis à la dépendance des métaux de 77 récupération dont l’approvisionnement est compromis par la ruine causée par la crise socio-économique qui le frappe de plein fouet, le forgeron assiste impuissamment à la détérioration de son prestige social. En effet, avec l’excès de la concurrence des produits industriels dont il est devenu un appendice, n’est pas de nature à améliorer son statut social. Ses produits, bien que bon marché, sont destinés exclusivement aux couches sociales rurales et urbaines à faible pouvoir d’achat. Ni la tendance à la constitution des organisations associatives de base de production et de vente, moins encore les apports (hypothétiques) des donateurs, pourraient apporter un changement significatif de son statut social. Pire encore, les produits de l’artisanat du fer ne comportent que des enjeux très négligeables pour les pouvoirs politiques, abstraction fait à l’interdiction de port de certains objets considérés à tort comme dangereux (armes blanches). 3.2.Etude descriptive des outils et matières utilisés par les forgerons L’outillage de production de la forge banda est riche et embrasse une gamme variée d’objets. 3.2.1.Les outils de la forge 1. L’enclume : « ndao » en banda7 est le noyau de la forge . Dans la forge banda contemporaine, il existe deux sortes d’enclumes. Il s’agit de l’enclume de grande dimension utilisée pour le martelage des objets très durs comme les masses ; et la petite enclume destinée au martelage des objets légers tels que les couteaux et les houes. 7 Je voudrais juste préciser que le mot « ndao » c’est un mot banda et non un mot sango. 78 Dans la société banda ancienne, la forge était installé au bord d’un cours d’eau dans la brousse loin du village. La construction de la forge était suivie de l’installation de l’enclume, et les deux dispositifs étaient considérés comme deux moments les plus importants de l’installation de la forge qui s’accompagnaient de certains rites. En effet, une ou deux semaines avant la construction et l’implantation de l’enclume, les responsables de l’opération étaient interdits de dormir sur le lit et de manger du poisson. Ce tabou était observé tout au cours des opérations jusqu’à la fin des travaux. Les témoignages obtenus auprès des acteurs laissent attendre que, avant d’installer l’enclume « ndao », les anciens mettaient les escrements et le sang d’un coq dans un trou où était implanté son pied8. Ces pratiques rituelles ainsi que tant d’autres faisaient de la forge un lieu hautement symbolisé et sacré. L’enclume , ellemême, était implantée juste à un demi-mètre des soufflets selon les exigences techniques en vigueur. Mises à part les pratiques rituelles de tout le processus d’installation, la forme technique de l’enclume banda présente une forte identité avec celle de la forge de Bangui. 2. Le marteau : Dans la forge banda, le marteau « Y£R£KOWO », sert à marteler le fer avant et après son retrait du feu. Il existe deux sortes de marteaux. Il s’agit d’abord d’un marteau de grande dimension utilisé pour le martelage des fers de grande épaisseur, et d’un marteau de petite dimension qui sert à marteler les fers plats destinés à la fabrication des outils légers tels que les couteaux, faucilles, etc. Notons que ces deux marteaux sont emmanchés en bois de goyavier car celui-ci est très solide. 8 Ce point sera détaillé dans la parties valeurs et croyances. 79 D’autre part, les forgerons banda utilisent la masse « angué » en banda ou « amada » en arabe. Cet outil rond et cylindrique est fabriqué en fer massif en pièce unique, et sert à aplatir les fers. Les témoignages obtenus à ce sujet attestent que, ces marteaux sont des instruments dangereux. Les hommes qui commettaient de l’adultère et qui les touchaient pendant le travail, périssaient un ou deux semaines après. Notons ici que cet outil servait d’ un dispositif traditionnel permettant d’établir la culpabilité ou l’innocence des accusés de l’adultère. Ici aussi, l’identité de forme technique de cet outil est évidente tant dans les forges banda qu’ à Bangui. Mais, leur origine reste un facteur discriminatoire, il est de fabrication locale chez les banda et d’importation à Bangui. 3. Pince ou tenaille : appelé « àpo » en banda, cet outil fabriqué en fer à béton, sert à tenir le fer pendant le martelage sur l’enclume ou pendant la remise du fer au feu en état chaud. Précisons ici que les forgerons banda, au cours du forgeage du fer n’utilisent pas les gans, leurs mains sont habituées avec le feu. En effet, l’observation ci-dessus faite sur le cas de marteau et de masse est aussi ici pareille car les deux outils ressemblent à ceux utilisés à Bangui. 4. Burins : Il existe trois sortes de burins dans la forge banda. D’abord il y a le burin de grande dimension « Yoroko » avec la longueur de +ou- 10 cm qui sert au découpage du fer de grande épaisseur, ensuite le burin de petite dimension « Ede » de + ou – 5cm de longueur qui sert au traçage et au découpage des fers légers tels que les débris des matières premières. Et enfin, il y a le burin pointu « glemou » qu’on utilise pour trouer les outils en fer tels que les couteaux , les houes, les marteaux, etc pour l’emmanchement. Visiblement, les forges banda et de Bangui utilisent les burins de la même forme technique. 80 5. Soufflets mécaniques : « Air à feu » selon les forgerons locales ou « Kongbo » en banda. Cet outil mécanique à hélice est utilisé pour attiser le feu pendant le forgeage du fer. Il a remplacé les soufflets traditionnels qui n’existent actuellement que dans les forges musulmanes. Ces soufflets sont faits en cerceau relier à un petit ventilateur par un câble en caoutchouc Ils ont des conduits faits en tuyaux métallique et sont couverts par l’argile cuite « mawoto » en banda. Les soufflets sont manipulés par l’aide forgeron ou l’apprenti qui fait des mouvements alternatifs pour produire de l’air. Ces outils techniques sont présents aussi bien dans les forges banda que de Bangui, mais ce sont des les forgerons musulmans de deux côté (Bangui –Bambari) qui conservent encore les soufflets traditionnels à en peau, fabriqués cette fois-ci en peau de cabris. 6. Calebasse d’eau : Contient de l’eau qui consiste à refroidir les fers sortis du feu pour sa solidification. Elle est fabriquée en métal. Cet outil est trouvé dans les forges banda ainsi que dans les forges de Bangui, la différence se situe au niveau des dimensions. 7. Niveau : Il consiste à mesurer les fers à couper avant de les mettre au feu. Le forgeron ou l’apprenti l’utilise avec le burin pour tracer les bordures de l’outil à fabriquer. Cet outil technique donne lieu à une pratique spécifique aux forges banda, inconnue dans la ville de Bangui. 8. Gabarit : « ngapo » en banda. Cet outil sert à donner la forme à l’objet à fabriquer. L’aide-forgeron l’utilise parallèlement avec le burin ou le charbon pour le traçage. Cet outil est utilisé dans les forges banda et ceux de Bangui. 81 9. « Arrange-charbon » : « Agboko » en banda. Cet outil constitue un des matériels de la forge banda. Semblable à un faucille , cet outil sert à arranger le charbon pendant l’activation du feu à l’aide des soufflets. Il est utilisé la plus part des temps par le forgeron et constitue une particularité exclusive des forgerons banda. « Arrange-charbon » (Agbrao) en banda 10. Lime en pierre : « badja » en banda. Après le traçage ou le découpage du fer, le forgeron ou son aide doit limer son burin « édé » sur cet outil pour les opérations suivantes. Cette pierre est déposée juste à la sortie de la forge. Pendant le limage, le forgeron ou son aide sont assis sur un banc en métal 82 « ngéndé ».Vestige des matériels des forges traditionnelles banda, cet outil est l’apanage exclusif banda et par conséquent ignoré à Bangui. 10. Lime en fers : Constitue un outil des travaux de finissage en ce qui concerne exclusivement les couteaux banda ou couteaux commando. Le limage est exécuté par l’aide-forgeron dans les forges banda et de Bangui. 3.2.2. Matières premières La métallurgie du fer, plus précisément la forge, peut être appréhendée comme une suite d’opération techniques au cours desquelles la matière subit des changements physiques importants. Chacune de ses opérations techniques demande des atouts appropriés, notamment des matières premières et des savoirfaire spécifique. Elle met en œuvre des matières premières notamment, des fers de récupérations et du charbon ( Ph. FLUZIN, 1983). Signalons à ce niveau que « le fer est une ressource qui a toujours généré des modalités négociées d’appropriation et d’exploitation » (B. MARTINELLI , 1992). 3.2.2.1.Fers de récupération Notre parcours dans les forges de Bambari à révélé qu’à l’époque de leurs ancêtres « K£là », les anciens quittaient le village pour aller effectuer des opérations d’extraction et de la fonte du fer . Pour ce faire, ils construisaient et remplissaient le four pendant deux ou trois jours de granites « téné », puis couvrirent le four avec les morceaux de bois en le laissant allumé pendant quelques jours. Une fois la fonte obtenue, les scories étaient séparés du fer « Kowo » deux ou trois jours après la fonte. Ce dernier était coupé en plusieurs morceaux 83 destinés au forgeage. La coupe consistait à réduire le gros morceau de fer en plusieurs morceaux destinés au forgeage, et donnait lieu à des grands festins pour le clan. Quand les matières du forgeron finissaient, ce dernier avec les hommes de son lignage partait loin dans la brousse à la recherche des gisements de minerais et cela pouvait durer deux à trois semaines. Il achetait le fer chez le propriétaire des gisements en lui procurant les minerais et le charbon et après la coulée, on lui laissait 1/5 du produit (W. EGGEN, 1976). Le métier du métal comme dans d’autres pays de l’Afrique (Mali, Burkina Faso, Togo, Cameroun ou Tchad) était réparti en deux spécialités différentes, le fondeur et le forgeron. (D. ZIGBA, 1995 ; B. MARTINELLI, 1996). Cependant, à l’instar des sociétés soudano-sahérienne, dans la société banda « on pouvait pratiquer la forge et être spécialiste de l’utilisation du fer, sans rien connaître du minerai. On pouvait inversement être maître des techniques de prospection minière et de réduction du minerai sans connaître de la forge avec une conscience des limites allants jusqu’à l’exclusion de l’autre » (B. MARTINELLI , 1992 :3). Il ressort de nos observations que, la pierre dans laquelle on fabriquait le fer « Mbatra » de couleur rouge, est différente des simples pierres. 84 . Pierre dans laquelle on obtenait les fers « Mbatra »9 Cependant, dans la société banda à l’instar des autres sociétés soudanosaherienne « on pouvait pratiquer la forge et être spécialiste de l’utilisation du fer, sans rien connaître du minerai. On pouvait inversement être maître des techniques de prospection minière et de réduction du minerai sans rien connaître de la forge avec une conscience des limites allants jusqu’à l’exclusion de l’autre » (B. MARTINELLI, 1992 :3) 9 Cette pierre a été gardé par les anciens de la forge comme souvenir et elle a été déposée au niveau du salon du Chef de l’atelier Ngouandji. 85 Quoique les banda fussent des métallurgistes achevés, aujourd’hui, les hauts fourneaux sont tombées en ruine ne laissant subsister que quelques petites forges (EGGEN, 1976). C’est dans cette optique que B. MARTINELLI précise les propos de EGGEN dans ces termes : « Bien que les métallurgistes africains aient beaucoup diminué puis abandonné au cours du XXème siècle, leurs activités d’exploitation et de réduction du minerai en raison de l’introduction des fers importés, ainsi que du déboisement et de l’épuisement de certains sites d’extraction, les objets en fers fabriqués localement à partir des fers de récupération continuent de constituer l’équipement matériel des sociétés rurales africaines avec une remarquable stabilité de formes : lames d’instruments aratoires, pointes de flèches, sagaies et harpons, poinçons », etc (B. MARTINELLI, 1992 :.3) En parcourant les huit ateliers des forgerons banda qui ont fait l’objet de notre visite, le constat sur le changement intervenu dans ces forges sont évidents. Cette dynamique est consécutive à l’influence occidentale qui a introduit non seulement la concurrence sur la base des produits manufacturés importés, mais aussi le recours obligatoire du fer de récupération. D’où l’extraction et la fonte ne sont plus d’actualité. Ce faisant, ces observations laissent entrevoir que les forgerons banda trouvent actuellement les fers de récupération chez leurs confrères musulmans chez qui ils achètent les coques des véhicules usés ainsi que des ramassages des coques abandonnés (décharges publiques). Notons aussi qu’en plus des coqs, il y a les débris des matières premières que les forgerons ramassent pour la fabrication des petits outils, notamment des couteaux, sagaies, flèches, etc. Ces matériaux composés de carcasses restés sur les coqs achetés, sont souvent 86 déposés dans la cours du village ou dans un des coins de la forge. A l’issue de cette observation soutenue, l’identité de cas en ce qui concerne la dépendance aux fer de récupération dans les forges banda et de Bangui, soute aux yeux. Débris des matières premières10 3.2.2.2.Charbon de bois Les forgerons banda depuis des décennies à nos jours, utilisent deux sortes de charbons obtenus d’un tronc d’arbre ou d’espèces durs, à savoir 10 Ces débris sont souvent déposés au sein de l’atelier dans l’un des coin ou dans la cours familiale. 87 « gbanguéré » et « gounda ». Ces charbons sont fabriqués par les forgerons euxmêmes ou leurs aides, loin dans la forêt. Certains témoignages obtenus à ce sujet affirment que, ces charbons ne peuvent pas être utilisés dans la cuisine, même les fabricants des marmites ne peuvent pas les utiliser car ils sont très puissants et peuvent fondre ou éclater les marmites. Ces témoignages faits avec une conviction particulière laisse transparaître un fondement symbolique et mystique lié à ces arbres de type spécifique. Notons ici que le charbon de cuisine est fabrique en bois de manguiers ou d’autres bois légers de nature ordinaire. C’est ce dernier type de charbon qui est également utilisé dans les forges de Bangui. Le travail de la forge, comme noté ci-haut, nécessite ces différents outils pour la réalisation des différentes chaînes opératoires. La partie suivante de ce travail, consiste justement à présenter les chaînes opératoires auxquelles on a pris part au cours de la visite dans les huit forges observées. 3.3.Description des différentes chaînes opératoires Selon André Leroi-Gourhan, l'un des plus grands préhistoriens français « le terme de chaîne opératoire archéologique peut se définir comme le cheminement suivi à partir du supposé archéologique jusqu’à l’exploitation et la diffusion des données archéologiques recueillies. Il prend en considération l’ensemble des méthodes suivies et s’applique à tous les intervenants liés à l’archéologie. Chaque chaîne peut se décomposer en un certain nombre de mailles, de séquences. Pour ce faire, les moyens imprégnant chacune de ces étapes sont décrits ; qu’ils s’agissent de considérations liées aux objets, aux personnes, aux institutions, aménageurs publiques ou privés. Le concept de 88 chaîne opératoire constitue un outil de réflexion sur les méthodes suivies dans la pratique actuelle de l’archéologie »(A.L. Gourhan in Objet archéologique,2005). En effet, la métallurgie du fer banda renferme des chaînes opératoires assez riches et assez intéressantes liées à leurs spécificités techniques. Celles-ci se pose naturellement sur la caractère original de fabrication des outils propres tels que les couteaux banda, le marteau ,la masse et l’hameçon, etc. ces genres de chaînes opératoires de cultures spécifiquement banda ne sont pas observées à Bangui. C’est delà qu’est partie notre motivation à porter une attention particulière sur ces phénomènes techniques chez les banda. 89 La fabrication du couteau banda Etant un outil de base dans la société banda, le couteau est actuellement la première étape d’apprentissage. Notons que cet outil est sollicité par la population locale car celui-ci est beaucoup plus utilisé dans la cuisine en général ou pour égorger les bêtes sacrificielles de la forge en particulier. Ainsi, la fabrication d’un couteau banda s’inscrit dans un processus bien déterminé que nous allons présenter comme suit : Première Phase : Découpage du fer : Cette phase est subdivisée en trois opérations : D’abord, l’aide forgeron ou l’apprenti « boyendao » choisi le fer plat parmi les débris des matières premières et trace les bordures d’un couteau par imagination (sans gabarit) en position assise, à l’aide d’un burin ou d’un morceau de charbon de bois. Cette première opération dure presque 1 minute environ. Ensuite, l’aide-forgeron et/ou l’apprenti toujours en position assise aplatit davantage le fer déposé sur l’enclume à l’aide d’un petit marteau pendant 20 minutes. Pour la même opération appliquée à la junte d’un pneu de véhicule, cette opération dure 45 minutes environ. Enfin, l’aide-forgeron ou l’apprenti toujours en position assise passe à l’étape du découpage du fer déposé par terre à l’aide du burin et du marteau. Cette opération dure à peu près 45 minutes également. 90 Deuxième phase : Façonnage Cette phase contient une dizaine d’opérations. Après le découpage du fer, l’aide forgeron ou l’apprenti toujours en position assise, redresse les deux côtés du fer coupé sur l’enclume à l’aide d’un petit marteau et cela dure 35 minutes environ. Ensuite, l’aide forgeron ou l’apprenti toujours dans la même position, aplatit les deux bouts redressés de + ou – 10 cm de longueur. Cette opération peut durer environ 45 minutes. L’aide forgeron ou son aide assis, après avoir aplatit les deux bouts du couteau, il martèle sur l’enclume de petite dimension, la partie qui contiendra la manche en bois de goyavier (+ou-3cm) à l’aide d’un petit marteau. Cela dure environ 5 minutes. Quelques temps après, l’aide forgeron ou l’apprenti (assis) taille la manche en bois de goyavier avec un couteau dur pendant une trentaine de minutes y compris l’emmanchement. Notons ici que le goyavier est un bois dur choisi pour les outils de la forge banda. Le couteau, une fois presque fini, passe au nettoyage sur l’enclume à l’aide d’un couteau usé et court qu’on frotte dessus, et ensuite on passe au nettoyage avec la brosse en métal. Notons que tout cela vise à enlever la saleté et la rouille sur le métal pour que le couteau soit propre et brillant. Ces deux opérations peuvent durer 8 minutes. 91 Enfin, l’aide forgeron ou l’apprenti aplatit le couteau sur l’enclume pour le blanchir davantage pendant 5 minutes . En ce moment là, il utilise un petit marteau tenu dans sa main droite afin de passer au limage des deux bouts du couteau fini pendant 5 minutes. Cette opération est faite à l’aide d’un lime en fer. Couteau banda « Kàmbà » 92 Chaîne Opératoire N°1 : fabrication du couteau banda « kàmbà » Phase Nom de Séque Description l’opération nces de Traduction Personnes Outils et Temps Lieu Observation matières l’opération I Découpage - du fer 1. Tracer les Gbiawane Aide bordures apprenti ou Burin ou 1minute Forge charbon Assis et causer (boyendao) - 2. Aplatir la Dademasse Aide tôle apprenti du véhicule ou le ou Marteau 20min Forge et Assis et causer enclume fer - II Façonnage - 3. Découpage Watilokowo Aide du fer apprenti 1.Redresseme Dademasse Aide nt de deux apprenti côtés - ou Burin et 45minu forge marteau ou Marteau et Assis tes causer 35minu Forge Assis tes causer et et enclume 2. Aplatir le Dademasse Aide fer (couteau + apprenti ou Marteau et 45min forge Assis et causer 93 ou- 10cm) au enclume niveau de petite de deux bouts dimensio n - 3.Marteler la Dademasse Aide partie apprenti qui ou Marteau 5 min forge et contiendra la enclume manche de petite Assis et causer dimensio n - 4.Tailler la Gueatchoka Aide manche en mba apprenti bois de ou Couteau dur 30minu Forge ou Mouvement tes dehors goyavier - 5. Remise de - Aide la manche en apprenti bois ou mains 1minute Forge ou Assis dehors et causer de goyavier 94 - - 6.Nettoyage tchoalakam Aide du couteau ba apprenti 7. Nettoyage tchoalakam Aide du couteau apprenti ba ou Couteau 5min Forge Assis 3 min Forge Assis 5min Forge Assis usé ou Brosse en métal et enclume - 8. Aplatir Dademasse Aide apprenti ou Marteau et et causer enclume - - 9. Limage 10. Vente Mbramaka Aide mba apprenti Kareneme Aide apprenti ou Lime en 5min forge fer ou - Assis et causer - Marché - ou quartiers 95 La fabrication d’un Hameçon « Yango » en banda La fabrication d’un hameçon dans la société banda, s’inscrit dans le cadre de sa vie quotidienne et à son patrimoine car, elle pratique plusieurs activités, notamment pêche. Elle est beaucoup plus fabriquée par les forgerons banda et non musulmans. Ce faisant, les procédures de fabrication d’un hameçon se déroule de manière suivante : Première phase : Allumage du feu Cette phase subdivisée en trois parties se rapporte au dépôt du charbon dans un foyer en argile de + ou- 5 cm de profondeur sur + ou – 30 cm de diamètre placé juste au bout des tuyères qui sortent des soufflets mécaniques « Air à feu ». Ensuite, l’aide forgeron ou l’apprenti dépose les braises de feu « élewo » sur le charbon afin de permettre l’allumage complet du feu. Après la mise des braises, l’aide forgeron ou l’apprenti, assis sur un banc en bois « mbatandao » attise le feu à l’aide des soufflets pendant une dizaine de minutes afin de rougir tous les charbons. Parallèlement à cela, les autres forgerons sont en pleine blagues au sein de la forge. Deuxième phase : Façonnage ou usinage : Cette phase contient sept opérations qui, eux aussi contiennent deux séquences. Celle-ci correspond à la mise au feu d’une petite partie d’un morceau de fer à béton de + ou – 1m de longueur au feu par le forgeron à l’aide d’un 96 pince. L’aide forgeron de son côté attise le feu pendant 5 minutes pour rougir et ramollir le fer à béton. Le fer est retiré du feu par le forgeron à l’aide des tenailles pour le déposer sur l’enclume de petite dimension qui est enfoncé dans le sol. La procédure opératoire suivie par le forgeron consiste au découpage sur l’enclume d’une partie d’environ 10 cm à l’aide d’un burin et d’un marteau, de le marteler et courber un des bout des fers pour en faire un hameçon. Cette opération exécutée par le forgeron ou son aide assis, dure environ 2 minutes. Quelques temps après, la pièce du fer façonné partiellement est remis au feu par le forgeron ou son aide à l’aide d’un pince toujours dans la même position et l’aide forgeron attise les soufflets fortement pendant 1 minute environ. Le forgeron ou son aide continue son opération de façonnage d’un autre bout du hameçon en le courbant sur l’enclume de petite dimension à l’aide d’un pince et du marteau pour une durée d’environ 1 minute. 97 Troisième phase : Refroidissement C’est une phase qui achève la fabrication d’un hameçon. Le forgeron ou son aide toujours assis, retire l’ hameçon de l’enclume à l’aide d’un pince pour le déposer par terre pour une durée d’environ 5 minutes. Enfin, le forgeron ou son aide procède à la mise de croché sur le hameçon déposé sur l’enclume de petite dimension à l’aide d’un petit marteau. Hameçon « Yango’ » 98 La Chaîne Opératoire N°2 : fabrication d’un hameçon Phase Nom de Séque Description l’opération nces de Traduction personnes Outils et temps Lieu Observation - Forge Mouvement Petite assiette - Forge Mouvement Air à feu Forge Assis et matières l’opération I Allumage du - 1.Mise en feu place du apprenti charbon (boyendao) - 2.Dépôt des - Elewo braises - II Façonnage 1 3.Attiser le Aide ou Aide ou - apprenti Pewo Aide ou feu apprenti 1.Mise au feu - Forgeron ou Pince d’un fer de son aide 10min causer - Forge Assis 5min Forge Assis - Forge Assis 1m - - 2Souffler 3Retrait du feu Pewo - Aide ou Soufflet apprenti mécanique Forgeron ou Pince son aide 99 - 4découpage Watilokowo Forgeron ou Marteau, et martelage son aide (+ou-10cm) 2min Forge pince,enclum Assis et causer e, burin courber le bout 2 5Remise au - feu du fer Forgeron ou Pince ou son aide 1min forge Assis - Forge Assis et arrangecharbon 6.Retrait du - feu - Forgeron ou Pince son aide causer 7.Courber Gomoyango Forgeron ou Marteau, +ou- l’autre bout - 1min son aide pince,enclum forge Assis et causer e III Refroidissem - 1. Dépôt par Zagatendap Forgeron ou Pince ent terre azete son aide 2.Mise de Zakamagala Forgeron ou Burin, croché tchone - son aide 5min forge Assis et causer marteau, 1min forge Assis et causer enclume 100 La fabrication d’une masse « Agbokowo » en banda A l’instar de la chaîne opératoire précédente, la fabrication de la masse suit presque la même procédure. Elle est fabriquée à partir d’un arbre de transmission d’un camion. Arbre de transmission d’un camion Toutefois, cet outil est utilisé par les forgerons banda pour l’aplatissement des fers durs ou de grandes dimensions. Ce faisant, la procédure de sa fabrication se structure de manière suivante : Première phase : Allumage du feu Cette phase à la charge de l’apprenti ou de l’aide forgeron, commence par le dépôt de charbons dans un foyer de + ou – 50 cm de profondeur et + ou – 30 cm 101 de diamètre qui se trouve au bout des tuyaux « matewo » qui sortent des soufflets mécaniques à hélice « Air à feu ». Ensuite, l’apprenti ou l’aide forgeron dépose les braises en provenance des concessions voisines pour l’allumage du feu, et après il attise le feu à l’aide des soufflets mécaniques pendant 10 minutes. Pendant cette opération , l’aide forgeron est assis sur un petit banc en bois « mbatandao ». Deuxième phase : Usinage Contenant plusieurs opérations, cette phase constitue un élément essentiel de la fabrication de la masse : D’abord, le forgeron à l’aide de ses mains, trace la forme de la partie à couper à l’aide d’un niveau et du burin ou du charbon. Ensuite, le bout du fer de + ou – 50 cm est déposé au feu pour le ramollissement. Cette opération est suivie par l’activation des soufflets par l’aide forgeron assis, jusqu’à ce que le fer rougit et ramollit. Le feu est attisé pendant une quarantaine de minutes. En effet, le forgeron en position debout, retire le fer à l’aide d’une pince grosse pour le déposer à 1 m des soufflets, pour le découpage de la partie à façonner. Cette opération est exécutée par le forgeron en position debout, qui détient le fer sur l’enclume par une grosse pince ainsi que le gros burin tenu par lui-même dans l’autre main gauche à l’aide d’une autre pince. De son côté, l’aide-forgeron martèle fortement sur le burin pour le découpage pendant une quarantaine de minutes. Remettant la partie coupée au feu à l’aide des pinces pour une durée de 30 minutes d’attisement du feu, ce n’est qu’après ce temps là que le forgeron en position assise le retire du feu de nouveau pour le modelage des bouts par l’aide 102 forgeron tenu debout et le forgeron en position assise tient le fer avec la pince sur l’enclume de grande dimension. Cette opération dure 10 minutes environ avant sa remise au feu pour la troisième fois par le forgeron pendant 15 minutes environ. En ce moment là, le forgeron ajoute du charbon à l’aide d’un « arrange-charbon » sous forme de faucille. Cette opération est suivie par le retrait du fer du feu par le forgeron à l’aide des pinces pour le déposer sur l’enclume afin de le remodeler pendant une dizaine de minutes par l’aideforgeron qui le martèle et le forgeron qui détient la masse presque finie par la pince. Et enfin, le forgeron remet pour la dernière fois la masse au feu à l’aide des pinces pour la ramollir de nouveau pendant une vingtaine de minutes afin de lui donner la forme ronde et cylindrique. Cette dernière opération dure environ 35 minutes. Notons que pendant cette dernière opération, le forgeron et son aide font le martelage cadencé et synchronisé à tour de rôle. 103 Troisième phase : Refroidissement Cette opération consiste à solidifier le produit fini. Ce faisant, le forgeron dépose la masse finie dans une calebasse d’eau pendant 45 minutes. « Amada » en arabe ou « Angué » en banda 104 Chaîne Opératoire N°3 : Fabrication d’une masse « Angué » Phase Nom de Séquen Descripti l’opération ces on de Traduction Personn Outils et es matières Forgeron Burin ou charbon Temps Lieu Observati on l’opératio n I Traçage et 1.Tracer allumage du les ou son feu bordures aide 2. Mise en - - place du Aide ou 1min forge Assis et causer - - forge apprenti Mouvemen t charbon 3.Dépôt Eléwo des braises 4.Attiser Pewo le feu II Façonnage ou usinage 1 1.Mise au - Aide ou Petite assiette en apprenti métal Aide ou Soufflets apprenti mécaniques forgeron pinces - forge t 10min forge Assis et causer 40min forge feu du fer 2.Souffler mouvemen Assis et causer Pewo Aide ou Soufflets 40min forge assis 105 apprenti mécaniques à hélice 3.Retrait - forgeron pinces - forge du feu causer 4.Découpa Detilokowo Forgeron ge du fer Burin, 40min forge 5.Remise - Aide et son marteau,pinces,en debout et aide ou clume forgeron apprenti 2 Assis et forgeron assis Pinces et agbrao 30min forge Assis 10min forge Assis au feu 6.Martelag 3 dademasse Forgeron Pinces, enclume et e des , et son bouts et aide ou modeler apprenti 7.Remise marteau - forgeron Pinces et agbrao 15min forge Assis - Forgeron pinces - forge Assis au feu du fer 8.Retrait 106 du fer du feu 9.Martelag dademasse Forgeron Pinces, enclumes e ou et son et marteaux modelage aide 10min forge debout et le forgeron du fer 4 10.Remise Aide assis - forgeron Pinces et agbrao 20min forge au feu du Assis et causer fer 11.retrait - forgeron pinces - Forgeron Marteau, enclume, - forge assis 35min Forge Forgeron du feu du fer 12.Dépôt sur sur ou aide et pinces assis et son enclume Aide debout III Refroidisse 1.Tremper ment dans l’eau - Forgeron Assiette en métal 45min Forge Assis et causer 107 2.Vente Karémé Aide forgeron - - March - é ou apprenti 108 La fabrication d’un marteau « Y£R£KOWO » La procédure de fabrication d’un petit marteau se fait sur base d’un demiarbre d’une voiture (attraction) acheté chez les propriétaires des carcasses de véhicules sur place à Bambari ou dans les villes environnantes. Demi-arbre d’une voiture ( attraction) 109 La fabrication d’un petit marteau se fait de la manière suivante : Première phase : Allumage du feu Cette phase est constituée de trois opérations : D’abord, l’apprenti ou l’aide-forgeron met en place le charbon dans un foyer en argile qui se trouve au bout des tuyaux qui sortent des soufflets mécaniques « Air à feu ». Ensuite, la deuxième opération consiste à déposer les braises sur les charbons en provenance des foyers de feu des voisins. Cette opération est exécutée par l’apprenti ou l’aide -forgeron. Ces braises sont transportées à l’aide d’une petite assiette en métal. Enfin, la troisième opération est réservée à l’activation des soufflets mécaniques « Air à feu » par l’aide forgeron ou l’apprenti. Cette opération dure + ou – 10 minutes et consiste à allumer tous les charbons afin d’y mettre le fer. Deuxième phase : façonnage ou modelage Elle contient une dizaine d’opération et trois séquences : D’abord, la première opération exécutée par le forgeron consiste à mesurer et tracer la partie à couper à l’aide d’un burin et du niveau. Cette partie qui sera utilisée mesure environ 7 cm. La deuxième opération consiste à mettre le fer au feu et à attiser à l’aide des soufflets mécaniques. A ce moment là, le fer est tenu par le forgeron « £YINDAO » à l’aide d’une pince ou une tenailles « àpo »assis sur un bas en 110 fer « ngéndé ». Cette opération dure une quarantaine de minutes. Elle constitue la première séquence de mise du fer au feu. Ensuite, la troisième opération est réservée au retrait du fer du feu par le forgeron à l’aide des pinces pour le déposer sur l’enclume de grande dimension. Le forgeron et son aide découpe la partie à façonner « dédilokowo » à l’aide des pinces, enclume, burin de + ou – 10 cm et le marteau de grande dimension. Ce faisant, l’aide forgeron martèle le fer pendant 5 minutes et en ce moment là, le fer et tenu par le forgeron à l’aide des pinces. Après le martelage, le forgeron remet au feu la partie à façonner à l’aide d’un pince tenu par les deux mains et son aide attise le feu à l’aide des soufflets mécaniques jusqu’à ce que le fer rougisse et ramollisse. Cette opération dure à peu près 25 minutes. Il est à noter que pendant l’activation des soufflets, le forgeron assis, sur un banc en métal ajoute du charbon au foyer à l’aide d’un « arrange-charbon » sous forme de faucille. Ces opérations sont suivies par le retrait du fer du feu par le forgeron à l’aide des pinces en le déposant sur l’enclume pour le martelage. C’est l’étape principale qui vise à modeler les deux bouts du marteau par le forgeron toujours en position assise qui le détient avec la tenaille et son aide débout qui martèle pendant 45 minutes. Retirant le fer de l’enclume, le forgeron le remet au feu pour une remodelage finale pendant 25 minutes et tenu par le forgeron à l’aide des pinces ou tenailles. Quelques temps après, la pièce du fer rougie et ramollie est déposée sur l’enclume par le forgeron toujours assis et qui tient le fer et le burin point avec deux pinces et de son côté, l’aide forgeron martèle pour trouer le fer afin d’emmancher le marteau. C’est une opération d’environ 10 minutes. 111 Troisième phase : Refroidissement Cette dernière opération est exécutée par le forgeron toujours dans sa position assise qui trempe le marteau non emmanché dans une calebasse d’eau pendant 1 heure de temps. Ensuite, l’aide forgeron ou son apprenti emmanche le marteau avec un bois de goyavier pour une durée de + ou- 30 minutes afin de l’utiliser ou le vendre. Marteau « Y£R£KOWO » 112 Chaîne Opératoire N°4 : Marteau « y£r£KOWO » Phase Nom de Séquences Description l’opération Traduction Personnes de Outils et Temps Lieu Observation 1min forge Assis et matières l’opération I Allumage du 1. Tracer feu et traçage Forgeron Charbon ou les bordures au son burin du marteau aide 2.Mise en - - place du Aide ou causer - - forge Mouvement Aide ou Petite assiette - forge Mouvement apprenti en métal 10min forge Assis et apprenti charbon 3.Dépôt des Eléwo braises (boyndao Attiser le pewo feu Aide ou Soufflets apprenti mécaniques causer (Air à feu) II Façonnage ou modelage 1. 1.Mise du fer au feu - forgeron Pinces 40min forge Assis et causer 113 2.Retrait du - forgeron pinces - forge Assis dédilokowo Forgeron Pinces, 5min forge Assis la partie à ou enclume, façonner apprenti burin, Pinces,agbrao 25min forge Assis et fer du feu 3.Découper marteau 2 4.Remise au - forgeron feu de la causer partie à façonner 5.Retrait du - forgeron pinces - forge assis dademasse Forgeron Marteaux , 45min forge Apprenti des bouts de et son pinces, debout et le la partie Aide ou enclume forgeron coupée apprenti fer du feu 6.Martelage 3 7.Remise au feu de la - forgeron assis Pinces et agbrao 25min forge Assis et causer 114 partie à façonner 8.Retrait du - forgeron pinces - forge Assis krodoukamba Forgeron Burin pointu, 10min forge Debout et gorge de la et son aide marteau, manche ou enclume, apprenti pinces forgeron Assiette en feu 9.Trouer la III Refroidissement 1.Tremper - le marteau métal qui fini dans contient de l’eau l’eau 2.Mise de gueatchoukamba manche Aide ou Bois de apprenti goyavier et le assis 1heure forge Assis et causer 30min Dehors Assis et causer gros couteau Vente kareme - - marché - 115 CHAPITRE QUATRIEME : L’APPRENTISSAGE OU LA TRANSMISSION DES SAVOIR-FAIRE CHEZ LES BANDA Dans les sociétés africaines en général et en République Centrafricaine en particulier, la transmission des savoir-faire est considérée comme un contrat privé entre deux personnes, l’apprenti et son maître. Ceci se justifie par l’entente entre les deux parties pour que ce contrat reste en vigueur (D. CHEVALIER, 1996). C’est dans ce cadre que l’apprenti se voit demander de faire d’autres travaux à part le travail de la forge, notamment amener de l’eau, les braises de feu dans la forge,etc, nous disait l’apprenti-forgeron EDNAGONDA Fred de l’ethnie banda. Ainsi, ceci se justifie par le respect, l’obéissance et l’honnêteté de l’apprenti envers le Maître-forgeron. S’agissant de la transmission des savoir-techniques de la forge, pour les adolescents, les postures corporelles, les gestes ainsi que les regards sont des composantes pertinentes du processus de transmission des savoir-techniques (B. MARTINELLI , 1996) Ce faisant, dans le cadre de notre recherche relatif à la technologie de la forge, nous passerons en revue les conditions et les différentes étapes de l’apprentissage pour déboucher sur les variables culturelles liées à la forge banda, dans une perspective de confrontation avec la forge de Bangui. 4.1.Les conditions d’apprentissage La transmission de savoir-faire de la forge banda comme dans la forge de Bangui, est inscrite dans la conception spatiale et sociale conditionnée par un bon nombre de conduites et comportements, notamment le respect, 116 l’obéissance, le sérieux, l’abstinence au vol et à l’escroquerie, etc, bref une bonne moralité de la part des apprentis, surtout envers le Maître-forgeron similairement à ce qui se passe à Bangui. Celui-ci de son côté, était chargé de soumettre les apprentis à quelques préalables rituels qui consistaient entre autre à se frotter le corps avec les feuilles des plantes spéciales « lingui » pour la purification et la demande de bénédiction d’une force ancestrale. Notons que ce rituel se faisait avant de commencer l’apprentissage qui fait partie intégrante d’un ensemble homogène et cohérent des pratiques d’initiation « youwou ». A Bangui, justement, on assiste plutôt à l’abandon des rites parce que les forgerons et apprentis proviennent des cultures différentes, en plus des phénomènes de modernisation urbaine. En effet, l’apprentissage formel chez les banda exige aux apprentis appartenant souvent à un même lignage une gamme de conduites comme nous l’a expliqué le forgeron Ngouandji Donatien de l’ethnie banda en ces termes : « A l’époque de nos grands parents, avant de commencer le travail de la forge, on nous expliquait d’abord les règles et les conditions liées à la forge. Nos anciens, insistaient sur le fait que tout revenu obtenu de la vente des produits de la forge sur la commande ou non d’un client, même à l’absence du chef, devrait être remise au chef-forgeron pour honorer nos engagements ». Dans ce contexte, le sérieux et l’honnêteté sont parmi les principales conditions de l’apprentissage car le respect de toutes ces règles favorisait l’apprenti à gagner la confiance du Maître-forgeron. Ces conduites étaient associées à l’obéissance qui se justifiait par l’exécution des tâches subalternes comme évoquées ci-haut. Ces qualités morales indispensables pour un bon apprentissage sont exigées aussi aux apprentis dans les forges à bangui. 117 Se référant à ce qui précède, le forgeron Ngouandji nous a affirmé que : « Quand nous sortions de l’école ou pendant les jours de congés, nous allions à la forge pour l’apprentissage ou pour voir s’il n’y a pas d’autres travaux à faire, notamment la vente des produits finis à Bambari centre, acheter de la bouillie, transporter du charbon, etc ». Ce climat de travail explique comment la forge banda était un atelier ordonné et soumis à des conditions rigoureuses. Cependant, en ce qui concerne les personnes étrangères du lignage qui désirent devenir forgerons, ils sont intégrées dans la catégories sociale des forgerons non seulement en fonction de leur acquisition du savoir technique, mais en plus de ce changement de leur identité culturelle. Il est à noter que le changement de l’identité culturelle se faisait par le biais de l’union matrimoniale ou d’autres rituels (W. EGGEN, 1996). Les forges de Bangui se démarquaient nettement de ces considérations en ouvrant l’accès aux ressortissants de toutes les cultures méritants. Ce faisant, la forge banda étant à la fois un lieu de production et de transmission des savoir-techniques cognitifs et sociaux, exige aussi certains comportements spécifiques de la part de l’apprenti. Selon nos enquêtés, l’apprenti qui se mettait au travail devait observer et suivre attentivement toutes les opérations et gestes faites par le Maître-forgeron au sein de la forge. Ceci est valable aussi bien pour les forges de Bangui. En effet, il importe de signaler que la mémoire de l’apprenti est considérée comme une donnée essentielle pour la transmission de savoir-faire de la forge. Ainsi, comme dans d’ autres sociétés traditionnelles d’Afrique la vue et l’ouie sont deux organes de sens les plus sollicités en matière de l’apprentissage et de la maîtrise du travail de la forge (B. MARTINELLI . 1998). En insistant sur cet aspect d’apprentissage, cet auteur constate que : « Le fait de regarder et 118 d’écouter tous les jours fait croire à certains fils des forgerons qu’ils n’apprennent pas ce métier, mais il leur est héréditaire » (B. Martinelli,1998 :.5) Le développement de cet ensemble des gestes explique comment les notions de montrer, expliquer et démontrer font partie intégrante de la théorie de l’apprentissage. Il est impérieux de noter aussi que toutes ces prédispositions intellectuelles et mentales précèdent la phase de fabrication des objets qui débute à l’âge de 15 ans dans la société banda. Toutes ces qualités physiques et mentales sont exigées également aux apprentis de la forge de Bangui pour le même résultat. Toutefois, avec l’apparition du fer occidental dans le milieu banda, il y a eu l’interruption de la transmission des savoir-techniques en matière du forgeage. Cependant, la transmission des savoir-faire dans la société banda fait appel à tout un processus qui se fait d’étapes en étapes. 4.2. Les différents niveaux de l’apprentissage La transmission des savoir-faire est un processus de construction sociale qui se faisait de deux à trois ans dans la société banda. Rappelons que l’apprentissage du métier de la forge commençait à l’âge de 15 à 17 ans comme signalé ci-haut, qui coïncidait juste à l’âge d’initiation. L’apprentissage se faisait suivant la capacité et la volonté de tout un chacun. Ce processus de construction sociale se présente actuellement de manières différentes dans la société banda comme à Bangui compte tenu de l’introduction de la nouvelle technologie, en ce qui concerne exclusivement les soufflets mécaniques à hélice qui ont remplacé les soufflets en peau de bête. 119 Dans les lignes suivantes, nous allons présenter dans un premier temps les différentes étapes de l’apprentissage à l’époque des grands parents « K£là », et en second lieu nous verrons celles d’aujourd’hui. D’abord, dans la société traditionnelle banda, l’apprentissage commençait par la formation des apprentis en leur montrant les règles et les normes sociales liées à la forge. Ceci était suivi par les rituels de purification avant de commencer à toucher aux outils et matières premières impliquées dans la chaîne opératoire de la forge. Le déroulement de ces pratiques pouvait durer une semaine environ. Au terme de cette phase, le Maître-forgeron se donnait la tâche de montrer aux nouveaux venus les notions d’exploration et d’exploitation du fer de bonne qualité destiné au forgeage. Ce choix des matières premières se faisait parallèlement avec l’observation de la manipulation des soufflets par le forgeron ainsi que la fabrication des autres outils, tout cela sous le regard attentif de l’apprenti pendant une période de 2 à 5 mois avant de les utiliser à son tour11. Tout cela dépend toujours de la capacité et de la volonté de l’apprenti. Ce qui justifie nettement le constat du Professeur B. MARTINELLI lorsqu’il affirme dans un article que : « Le maître montre. L’apprenti regarde et attend. Bien que des impératifs techniques donnent sens à cet étroit face à face, par exemple, couper le fer… au burin pour évaluer l’exacte volume nécessaire à l’opération, voir comment le fer, rendu malléable, « s’échappe »…..sous l’effet du martelage, etc. le maître montre répétitivement par quelles étapes passe la réalisation de chaque objet. Certaines opérations exigent une maîtrise posturale et procédurale particulière. Ainsi, lorsque il faut courber, souder différents fers »(B. Martinelli,1998).. 11 Le maître forgeron pendant l’apprentissage n’a pas droit à l’erreur ( MARTINELLI, 1996) 120 Ensuite, après l’observation du choix du fer, de l’utilisation des soufflets et de la fabrication de différents outils par le forgeron, l’apprenti commence à manipuler les soufflets à son tour et à fabriquer des outils légers tels que les houes « cèngà » , couteaux « kàmbà », etc en présence de son maître qui donne en même temps des remarques et des observations si besoin était, notamment en cas d’oublie ou d’erreur. Cet aspect est mis en exergue par le Professeur B. Martinelli en ces termes : « La présence de l’apprenti dans la forge, précisément aux niveaux des soufflets et devant le maître-forgeron sont des positions essentielles pouvant renforcer les facultés mentales de celui-ci à maîtriser le savoir-faire » (B. MARTINELLI , 1998). Notons que ces exercices étaient accompagnés aussi par la réparation des différents outils domestiques usés tels que les hâches, l’herminette « làpà », etc. Toutes ces opérations pouvaient durer jusqu’à un an et constitue l’étape le plus long et le plus important du processus d’apprentissage. Il est à noter que l’apprenti après cette étape, s’il s’en sort avec succès, devient automatiquement aide-forgeron et pouvait encadrer à son tour les nouveaux venus. Par contre, avec mutation technologique enregistrée de nos jours, le processus de transmission des savoir –techniques de la forge banda comme à Bangui a connu un grand changement, surtout au niveau des différentes étapes de l’apprentissage . ce changement est plus observables à Bangui. Dans ce nouveau contexte, le forgeron commence d’abord par montrer les conditions morales liées à la forge comme à l’époque des grands parents pendant quelques jours et parallèlement, l’apprenti fait l’observation des gestes et de fabrication des différents outils ainsi que l’exécution de quelques travaux subalternes comme l’a souligné le forgeron GBANGAODINGUI de l’ethnie banda : « D’abord, mon maître m’a montré les conditions qu’il faut remplir 121 pour devenir forgeron, et puis je faisais l’observation au sein de la forge et amener des petites choses dont mes anciens auraient besoin comme de l’eau, du feu pour allumer le charbon, etc ». Tout cela explique comment la forge banda a pu conserver jusqu’aujourd’hui quelques unes de ses conditions malgré la nouvelle technologie. Cela peut durer deux à trois mois. A la différence de la société traditionnelle, après l’observation des gestes et de fabrication des différents outils, l’apprenti fabrique directement les petits couteaux banda, sans passer de façon linéaire par l’apprentissage de manipulation des soufflets, et cela constitue la deuxième étape de l’apprentissage. Ces constats sont aussi valables pour la forge de Bangui. Notons que la fabrication de couteaux banda sous le regard du maîtreforgeron se justifie par son importance et son utilité dans la société car il est un outil d’usage courant. A la différence de la société traditionnelle, la fabrication du couteau d’aujourd’hui ne nécessite pas son passage au feu, ce qui fait que sa fabrication ne demande pas beaucoup d’opérations pour les apprentis, et cela dure de 3 à 8 semaines selon le forgeron Ngouandji de l’ethnie banda. Notons que le non passage au feu se justifie par la solidification du couteau ainsi que la protection contre la rouille. Au regard de ce qui précède, la manipulation des soufflets mécaniques à hélice en vigueur aussi à Bangui, constitue la troisième et la dernière étape de l’apprentissage dans la forge banda d’aujourd’hui comme nous le confirme le forgeron BAGOUE de l’ethnie Yakoma marié dans une famille de forgeron : « Au départ, quand je sortais de l’école, j’observais mes oncles au sein de la forge jusqu’au soir. Pendant la journée, on m’envoyait pour acheter ou vendre des choses au marché. Quand j’ai fini cette étape d’observation, j’ai commencé à 122 fabriquer les petits couteaux et enfin j’ai fini par manipuler les soufflets pendant trois mois avant de commencer l’exercice de fabrication des différents outils ». Dans la forge banda tout comme à Bangui, la fabrication des différents outils à l’aide des soufflets commence par les objets les plus simples et légers comme les houe, pelles, etc vers les outils complexes et durs, notamment l’herminette « làpà », le marteau « y£r£kowo ». L’apprenti ne devient aide forgeron qu’après deux ans d’exercices de fabrication des outils. En effet, et en ce moment là, l’aide-forgeron se voit confier les tâches de former les autres et assurer l’intérim du maître-forgeron en cas d’absence. Signalons que l’apprentissage d’aujourd’hui ne tient pas en considération les origines lignagères, ethniques ou régionales. Elle est ouverte à tout le monde indistinctement . de ce point de vue, la forge banda actuelle et la forge de Bangui s’identifient. Cependant, le métier de la forge nous révèle certains rites, valeurs et croyances liés jusqu’à nos jours à la forge en milieu rural, contrairement à ce qui se passe à Bangui même si les ressortissants tchadiens musulmans y recourent , mais de façon négligeable. 123 4.3.Les variables culturelles liées à la forge Les sociétés traditionnelles en général et les banda en particulier , avait dans le passé produit et travaillé le fer avec des dispositifs techniques d’une grande simplicité et avec des outils tous aussi rudimentaires. Le travail de ce métal s’inscrivait dans un contexte culturel complexe où prédominaient les rites et les croyances de divers ordres. Dans la société banda qui constitue notre champ d’investigation, comme dans les autres sociétés de l’Afrique centrale, les pratiques techniques et symboliques forment un tout ( M. DUPRE, 1996) 4.3.1.Les rites Le rite est défini dans son sens plus large comme « gestes, actions, paroles, obéissant à des règles immuables, fixées par la tradition, ayant un caractère social et collectif, à efficacité empirique (amener la pluie) ; de passage (initiation) et récurrents (repose, purification) » (M. GRAWITZ,1994) A travers cette définition, on se rapporte aux différentes pratiques rituelles relatives à des circonstances précises qui caractérisent et orientent la vie traditionnelle. C’est dans cette optique que Fr.CARATINI et Roger CARATINI affirment : « Les rites sont des comportements pratiques se déroulant selon des normes invariables et impératives, parfois contradictoires et souvent liées à des préoccupations religieuses ou magiques » (1976). Relativement à certains rites dans la forge à Bambari, celle-ci occupe une place importante dans l’univers du métier du forgeron12. 12 Le forgeron était le gardien d’un rituel complexe 124 En effet, s’agissant des cérémonies relatives au forgeage du fer, comme parailleurs dans les autres sociétés de l’Afrique centrale, la métallurgie du fer banda était un héritage dangereux à faire valoir et, en demandant la présence des ancêtres, ou en rappelant leur souvenir, on évacue aussi la réussite et les dangers de l’acte sur ceux qui ont précédé et dont on recopie les gestes techniques et symboliques (M. DUPRE, 1996). C’est ainsi qu’en fabricant le fer, on réitère le geste des ancêtres, selon certains témoignages obtenus à ce sujet. Ce qui n’est pas le cas dans la forge de Bangui où les rites ne sont plus pratiqués. La coupure du gros morceau de fer en plusieurs morceaux destinés au forgeage, donnait lieu à des grands rites pour tout le clan chez les banda. On égorgeait les cabris, les coqs et les chiens accompagnés de la bière du mil « Loboto » en banda. On organisait une danse au rythme cadencé des instruments de musique, notamment l’instrument traditionnel « Klamba ». Notons que ce repas était préparé par les femmes ménopausées13, affirmait le forgeron MANDERE de l’ethnie banda. La consommation du chien « yavourou » en banda, constituait un interdit qui incarne la vertu de la discretion, permettant aux convives d’acquérir le pouvoir de conserver le secret de la forge au village. Cette bête était sacrifié une fois par an, au mois d’octobre. Celui qui violait cette règle, risquait une sanction d’ordre surnaturelle, affirmait le forgeron MANDERE. Notons aussi que chaque sacrifice du chien constituait une occasion de fête collective dont les vieux gardiens de la tradition en profitaient pour partager le repas. 13 Rappelons que la forge banda était installée au bord d’un cours d’eau, loin des regards des femmes. Les femmes ménopausées préparaient ces bêtes au village et les hommes installaient une barrière à quelques mètres de la forge. Les femmes amènent la nourriture jusqu’au niveau de la barrière et s’arrêtaient là pour appeler leurs maris de venir chercher les plats avant de rebrousser le chemin. La consommation de ces bêtes se faisait sur place. Si les participants n’arrivent pas à finir ce repas , le resté de ce festin sacrificiel était gardé dans la forge. 125 Ainsi, autrefois, avant la construction de la forge, les responsables de la construction, une ou deux semaines avant, ne pouvaient dormir sur le lit et ne mangeaient pas du poisson jusqu’à la fin de la construction. Ce n’est qu’à la fin qu’ils organisaient des cérémonies rituelles du chien afin de regagner leurs maisons. A propos de l’activité de la forge, ce métier constituait un travail d’initiation « youwou », et était accompagné de nombreux rites riches en symboles. Mais, pour les nouveaux venus ( apprentis de plus de 15 ans), ils devaient se faire frotter le corps par le forgeron à l’aide des feuilles des plantes spéciales appelées « Kakouyou » accompagnées d’incantations expiatoires. En effet, en cas de blessure d’un forgeron en plein travail, celui –ci devait acheter un coq qu’on égorgeait en sacrifice pour faciliter la cicatrisation de la plaie. En ce moment là, les anciens de la forge faisait parallèlement des rituels accompagnés des incantations. Fort de ce qui précède, à la fin du travail de la forge, le forgeron devait se purifier en se frottant le corps avec des feuilles des plantes spéciales appelées « Kakouyou » avant de regagner sa maison. Notons ici qu’aucun étranger n’était autorisé de se rendre sur les lieux des rites. Concernant l’installation de l’enclume « ndao », les anciens, après la construction de la forge mettaient les escrements et le sang d’un coq dans le trou où on implantait son pied. Notons ici que l’enclume est un noyau de la forge banda. Les cérémonies qui accompagnaient son implantation visaient à rassurer une bonne production et demander l’appuie et la bénédiction des ancêtres. Les 126 rites de guérison faisaient aussi partie de cet ensemble des pratiques et se réalisaient au cas où la survenue de la maladie émane de la violation des règles et normes de la forge . Il en va sans dire que ces rites sont pratiqués par le forgeron lui-même car il est le seul habilité à le faire. C’est dans ce cadre qu’il existait les diverses maladies en fonction de types d’interdits14 . Les symptômes sont identifiés par le forgeron lui-même aux niveaux des différents organes du corps : maux de tête, maux de ventre, douleur de jambes et parfois la, personne devenait totalement rouge comme le feu de la forge. La thérapie consistait à égorger un coq offert par la victime dont on versait le sang sur l’enclume « ndao » et les anciens prononçaient des incantations. En cas où l’origine de la maladie est le vol des biens du forgeron, on utilisait une plante « lingui » dans la thérapie destinée à guérir la maladie en frottant les victimes des feuilles. En plus de cela, la victime doit amener au forgeron sous forme de frais de traitement une grosse chèvre et un coq blanc, affirmait ENDJINDJONGO, forgeron, pisciculteur, menuisier de l’ethnie banda. En effet, avec l’arrivée du christianisme dans la région de Bambari, la plupart de ces rites sont tombées en désuétude, y compris même le déplacement de la forge au village. C’est ainsi que le forgeron ENDJINDJONGO nous affirme en ces termes que : « Lorsque je commençais à apprendre le travail de la forge, la société banda était déjà christianisée, ce qui fait que certains rituels sont considérés comme des pratiques diaboliques. Notre père savait bien que conserver ces règles à l’heure où il n’y a pas de vieux qui peuvent guérir les maladies en cas de violation, est un crime pour la société. C’est pourquoi, notre père nous a appris purement la technique débarrassée de la religion traditionnelle , car il a jugé nécessaire de faire de la forge, un atelier purement 14 Autrefois, , les anciens avaient beaucoup de règles liées à la forge qu’ils observaient, faute de quoi, ceux-ci encouraient des risques de maladies ou de mort. 127 technique et non un lieu sacré ou un sanctuaire comme le fut autrefois ». C’est pour cette raison que l’essentiel de ces rituels sont très réduits et sont de moins en moins parlés aux jeunes15. Malgré cette perte considérable des rites liées à la forge banda, quelques survivances sont restées en vigueur, ce que nous avons pu remarquer dans l’un des ateliers visités. C’est dans ce cadre que le forgeron WAWO Kévin, de l’ethnie banda de IPPY affirme : « Aujourd’hui, nous continuons à respecter ces règles, car ce sont elles qui constituent l’armature de notre activité. Par exemple pour le moment, nous sommes interrompus par la pluie, mais, nous allons rester quelque part sans rentrer dans nos maisons en attendant le rituel avant de se laver. Aussi, aucun étranger ne peut y participer »16 Visiblement, tous ces rites qui occupent une place importante l’activité de la forge mettent en relief certaines valeurs et croyances particulières accordées à cette activité. 4.3.2. Les valeurs et les croyances Une valeur peut être définie comme ce pour lequel une importance est accordée à tel ou tel fait ou objet. Autrement dit, les valeurs et les croyances revêtent une dimension indispensable pour la vie sociale, ce dont il est nécessaire de comprendre. A cet effet, John BEATTIE affirme : « Cette compréhension implique une référence à ce que les individus pensent----, car aucune institution humaine ou 15 Ces rites sont remplacés par la prière chrétienne chaque matin avant de commencer le travail. Lors de notre entretien au quartier Saint Joseph tout près de la cathédrale de Bambari, c’était en pleine pluie. Après la pluie, nos enquêtés nous ont refusé d’aller voir le lieu dans lequel ils font les rituels de purification après le travail. 16 128 relation ne peut être comprise de façon valable à moins de tenir compte des expériences de croyances et des valeurs qu’elle implique » (John BEATTIE, op.cit. :82). Compte tenu de l’importance de la forge dans le milieu banda, on accorde une importante valeur aux valeurs et croyances qui lui sont attachées. Cette considération se justifie par l’existence de plusieurs interdits au sein de la forge, notamment l’exclusion de la femme de tout travail métallurgique, l’accès à la forge par toute personne extérieure. Cela se concrétise par le fait que la forge était installée loin des regards des femmes, des enfants et des étrangers au bord d’un cours d’eau, loin dans la brousse. Ce qui est contraire en ce qui concerne la forge de Bangui où l’accès est libre et à la portée de tout le monde. Notons ici que les femmes étaient considérées comme des être impures et leur présence dans la forge constituerait une menace ou un danger pour le métier. La femme en période de menstruation constitue en soi une impureté selon les acteurs. La forge étant un lieu pur ne pouvait pas cohabiter avec tout ce qui est impure. Cependant, l’ interdit pour impureté ne concerne pas les femmes ménopausées, mais cela ne leur donnait pas l’occasion d’entrer dans la forge. Leur travail était de préparer la nourriture destinée aux cérémonies rituelles , a-il précisé le forgeron ENDJINDJONGO de l’ethnie banda. Une autre raison qui est à l’origine de l’exclusion de la femme dans la forge est que les hommes s’habillaient en écorce d’arbres spéciaux « Koundou » destinés au travail de la forge. Ces derniers n’étaient pas suffisants pour couvrir les sexes des forgerons, ce qui fait que laisser les femmes et les enfants pénétrer dans la forge constituerait un scandale, selon le forgeron MANDERE d’ethnie banda. Il va tout à fait autrement à Bangui où la tenue n’appelle aucun soupçon. 129 Ce respect de la pureté de la forge, se concrétise aussi par l’abstinence sexuelle des forgerons, considérée souvent comme une « variable » nécessaire pour une bonne production. Selon nos enquêtés, l’abstinence aurait surtout pour but d’obtenir la concentration collective de l’énergie masculine lors du forgeage. En vigueur dans la forge banda contemporaine, l’abstinence sexuelle est totalement ignorée à Bangui. Par ailleurs, dans la société des forgerons banda, il n’y avait pas d’interdits alimentaires proprement parlés. Il n’existait que l’abstinence alimentaire pendant la période de forgeage. En plus de tout cela, il était strictement interdit aux forgerons de manger ailleurs et revenir travailler dans la forge, de manger du poisson pendant le travail car cela pouvait jouer sur la production au sein de la forge, et en plus de cela l’enclume risquerait de s’effondrer. Selon nos enquêtés, le forgeron ne prenait que de la bouillie pendant le travail. Tous ces interdits étaient accompagnés par l’interdiction de promenade en désordre pendant le travail, d’escroquerie, de vol, de manque de respect, de l’ivresse dans la forge et la surveillance des matériels afin d’éviter la perte de ces derniers, etc, nous ont affirmé tous nos enquêtés. En effet, mis à part ces interdits mineurs ci-dessus, ces valeurs morales et humaines sont aussi en vigueur dans les forge de Bangui. Cependant, de nos jours, compte tenu du changement intervenu à cause de l’invasion européenne dans la société banda, beaucoup de ces valeur et croyances sont tombées en désuétude, il n’en reste que quelques unes car la femme et les enfants peuvent actuellement pénétrer dans la forge, même s’ils ne sont pas autorisées à forger le fer. Leur rôle se limite à vendre les produits de la forge fabriqués par leurs maris ou pères. Précisons ici que pour certaines 130 régions, les femmes ne peuvent pas jusqu’à maintenant pénétrer dans la forge, mais elles peuvent venir tout de même demander de la réparation de leurs outils usés. 131 CHAPITRE CINQUIEME : MUTATION DE LA TECHNOLOGIE DU FER (BAMBARI-BANGUI) La technologie du fer dans les milieux banda de Bambari a connu une mutation assez nette. Celle-ci s’observe visiblement à travers la transformation des processus technique de travail du fer et le mode d’acquisition des matières premières (le métal du fer). Cette transformation s’étend sur les modifications qu’ont subi les dispositifs matériels liés aux moyens de productions qu’au niveau de l’emplacement des sites des forges. Elle inclut également les formes d’outils et matériels fabriqués et les pratiques rituelles (et symboliques) ainsi que les effets du métier sur le statut social du forgeron. En effet, en même temps que ces modifications qualitatives apportent des innovations sur les usages courants, elles ouvrent aussi de nouvelles exigences concernant le mode de circulation des produits quant à leur mise au marché. Il serait donc utile de s’y attarder. 5.1..Homogénéïté ou hétérogénéité de l’artisanat du fer ( Bambari-Bangui) A l’époque ancienne de la société traditionnelle banda, la forge était un lieu sacré, l’accès y était strictement réglementé avec interdiction formelle des femmes, enfants et étrangers. Les rituels y étaient non seulement abondants et obligatoires mais fixaient aussi les schémas de conduite bien déterminés à ne pas violer. Le caractère sacré de l’atelier de forge est un phénomène général et universel aux sociétés traditionnelles, notamment africaines. Il a été signalé en ce qui concerne le cas du peuple Yatenga au Burkina Faso (B. MARTINELLI,1996-97). Bien que cette conception soit encore en vigueur dans 132 les sociétés banda actuelles, il faudrait admettre qu’elle a connu un effritement significatif. Certains rites ont connu un recul sensible comme signalé ci-haut, d’autres ont tout simplement disparu pour laisser la place à quelques survivances. Au cours de l’enquête, plusieurs forgerons, chefs d’ateliers et apprentis émancipés ont déclaré à ce propos qu’Il n’y a plus d’interdits à proprement parler pour les forgerons par delà les interdits et abstinences ponctuelles : on ne mange pas le poisson pendant la coupure du fer en vue de la fabrication des outils. Ceci est valable pour les forges comme à l’époque ancienne qui sont en brousse, loin des villages, contrairement à celles qui sont établies à domicile, à proximité de la cour et des ateliers de Bangui. Le processus technique intégral d’autrefois qui s’étendait de l’extraction au forgeage en passant par la fonte est de nos jours, au village tout comme à Bangui réduit à la fabrication des outils et matériels sur la base des métaux de récupération d’origine occidentale (B. MARTINELLI, 1995). En effet, l’approvisionnement en métaux de récupération (matières premières) pose un double problème de disponibilité et de pouvoir d’achat (capacité financière) de la part des forgerons aux villages ainsi qu’à Bangui. Les moyens de productions ne dérogent pas à cette mutation historique. Tandis que les forges traditionnelles employaient des soufflets en peau de ras palmiste « djodjo » en banda et de zèbre « Kounda » ou « karoro » en sango . Selon nos enquêtés, ces soufflets étaient constitués par deux conduits en terre ou en bois reliés à leur extrémité par deux chambres en peau confectionnés et surmontés par deux bâtons de + ou – 1,30 à 1,50 cm environ de hauteur que l’on manipule alternativement; la tendance actuelle a évolué nettement vers le recours aux soufflets mécaniques à hélices actionnés avec un cerceau de 133 bicyclette, appelé « Air à feu ». Cette tendance reste encore mitigée en milieu rural (aux villages banda), elle est complètement intégrée dans les forges installées en milieu urbain, notamment à Bangui. Ainsi, les limes en bois utilisés dans les forges rurales, anciennes et contemporaines, sont entièrement substitués par les limes activés par les manivelles électriques à Bangui. Il en est même des enclumes en pierre « mbatra » implanté dans un gros morceau de bois dans le système ancien et contemporain dans les forges villageoises, qui sont remplacée par de lourdes enclumes en acier déposées ou implantées dans le sol. Outre ce qui précède, on note également une nette évolution des opérations de fabrication et des objets qui en découlent. En effet, les anciennes forges privilégiaient l’emploi des morceaux de fer épais à la phase initiale de fabrication des outils. Ces métaux épais obtenus de la fente locale des matières premières (minerais de fer) faisaient l’objet d’opération de coupe manuelle en morceaux adaptés destinés à la fabrication proprement dite des outils dont on a besoin. Cette opération s’alterne complètement à celles qui prévalent actuellement dans les forges villageoises contemporaines et urbaines. Dans ces deux cas où l’extraction du minerais de fer et sa fonte sont remplacées par l’achat des métaux de récupération, on procède à la phase initiale de fabrication des objet par la coupe des morceaux de fer d’épaisseur mince, ce qui favorise d’après les intéressés, un gain formidable de temps et de productivité. C’est ainsi que le forgeron ENDJINDJONGO d’une cinquantaine nous affirme : « Auparavant, nos parents fabriquaient 4 houes seulement par jour. Par contre, aujourd’hui, du matin jusqu’à 15 heures, nous fabriquons 60 à 80 houes par jour ». Ceci explique l’amélioration de la productivité par le forgeron grâce aux fers de récupérations. 134 Aussi, les outils qui en résultent sont, eux-mêmes, l’objet de mutation si importante du point de vue forme et finalité des produits fabriqués. Dans les forges villageoises contemporaines, ces derniers résultent de deux sources d’inspiration. D’un côté, ils sont inspirés du passé ancestral et par conséquent, calqués comme tels sur les modèles des outils traditionnels. De l’autre côté, ils font l’objet d’inspiration de source extérieure (notamment occidentale) sur les modèles tirés des films. A ce propos, le forgeron MANDERE d’une trentaine ou , chef d’atelier nous a affirmé sans ambiguïté que: « notre inspiration provient de l’expérience de nos ancêtres et des films, ce qui nous permet de fabriquer les couteaux, houes, haches traditionnelles et poignards, épées, pièces de vélo, etc) ». Tandis que les forges installés en milieu urbain, en plus de ce qui précède, la fabrication artisanale des outils s’ouvre à des nouvelles innovations techniques modernes adaptés aux besoins de la ville. On fabrique alors des brouettes, coque de pousse-pousse, moulin à manioc, matériels aratoires, pièces de rechanges des engins et bicyclettes, etc. Sur le plan du processus d’apprentissage, on peut noter aussi de ce côtélà, la modération des pratiques induites par l’introduction de quelques techniques nouvelles. L’allégement des techniques de fabrication a eu des implications sur la réduction du temps d’apprentissage qui varie de 3 à 6 mois permettant à un apprenti d’accéder au niveau de savoir technique pour fabriquer les outils élémentaires comme les couteaux, etc. Désormais, la manipulation des soufflets ne constitue plus une phase obligatoire comme au temps reculé chez les banda tout comme chez le peuple de Yatenga au Burkina Faso. C’est dans ce cadre que le forgeron DJINGO de 135 l’ethnie banda nous a confirmé en ces termes : « Les soufflets constituaient une techniques ancienne parcequ’autrefois, ces derniers étaient en peau de rat palmiste et sa manipulation constituait une phase en soi pour l’apprentissage. Mais, avec la modernisation des techniques de productions, on a remplacé les soufflets en peau par les soufflets mécaniques « Air à feu ». ces derniers ne nécessitent pas une phase d’apprentissage pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est pourquoi la première étape de l’apprentissage du métier de la forge est actuellement la fabrication des couteaux et après on monte sur les soufflets et le martelage ». Il est à noter que la fabrication des couteaux a connu de profondes mutations techniques comme nous l’a confirmé le forgeron RIDJICRAKA d’une trentaine : « Nos grands parents chauffaient le fer avant de forger le couteau, tandis que pour nous, il n’y a pas de chauffage. Nous le modelons sans le mettre au feu, ce qui évite l’oxydation du fer et gardant son éclat durant son usage ». selon le même enquêté, les couteaux fabriqués par les grands parents étaient couverts de rouille à cause du chauffage. Mais à l’instar des sociétés ouest-africaines l’âge formel du début du processus d’apprentissage reste maintenu aux alentours de 15 à 17 ans révolus (B. MARTINELLI, 1995). Contrairement à ce que pourrait croire, la réduction de cette durée n’exclut en rien la poursuite de l’apprentissage jusqu’à deux ans pour une meilleure inculcation du savoir en vue de l’acquisition de la qualification métallurgique (B. MARTINELLI, 1996-97) . Ceci est valable dans les deux systèmes , aussi bien dans les forges villageoises (surtout) qu’urbaines de Bangui (J.P. Olivier de Sardan, 1995). En plus de ce processus technique, et cognitif réglé par cette mutation historique, celle-ci produit aussi des effets sur le statut professionnel et social des forgerons. Sur le plan professionnel, les forgerons ont connu un effritement considérable du prestige de leur métier qui se situait au carrefour de la vie 136 sociale à cause de la perte des multiples fonctions accumulées naguère par ceux-ci. Ils ont perdu une partie importante de leur savoir professionnel des techniques d’exploitation et de fente de minerais de fer devenu ainsi dépendant des métaux de récupération. L’acquisition de ces nouveaux matières premières qui se fait par achat ruine financièrement les forgerons à pouvoir d’achat déjà précaire. Ils sont exposés à une concurrence impitoyable des produits manufacturés d’origine industrielle en terme de qualité, de quantité. Et même de structure des prix. Toutefois, socialement ruinés de cette façon, les forgerons s’exposent aussi aux tracasseries des agents de l’ordre (policiers, gendarmes), ces derniers mettent aux arrêts toute personne possédant les poignards et couteaux des forges artisanales locales, qui font l’objet de saisie, sous prétexte d’être des armes blanches. Ce phénomène est plus récurrent en milieu rural de Bambari qu’à Bangui. La mise en groupement ou coopérative de production et de vente avec espoir d’obtention de financement des bailleurs, est loin de constituer un facteur de stabilisation. 137 5.2..La circulation des produits au niveau national Prise dans son acception commerciale, la circulation des produits dont il est question ici fait allusion à la vente des outils issus du travail des forgerons à l’échelle nationale. Le fer était traditionnellement produit pour satisfaire des besoins d’ordre pratique, social et culturel. A ce propos, l’axe Bambari-Bria est l’un des ceux qui reçoivent fréquemment des expéditions commerciales assurant une bonne part des objets écoulés. A l’instar des expéditions caravanières de commercialisation dans les régions lointaines des produits de la métallurgie du fer chez les peuples de Yatenga au Burkina Faso (B. MARTINELLI, 2000), l’expédition ici se fait par auto-stop. Elle quitte le centre-Est du pays (Bambari) et se dirige vers le Nordcentre (Bria). La préférence de cette dernière localité tient à son statut de ville minière qui connaît l’exploitation (artisanale) de minerais de diamant de joaillerie . Et elle bénéficie de ce fait non seulement d’une forte concentration de population et des activités denses d’exploitation du diamant nécessitant les outils manuels, mais aussi d’un pouvoir d’achat élevé. La position carrefour de la région de Bambari lui procure de nombreuses visites des voyageurs de diverses provenances, qui s’intéressent aussi à des certains produits forts confortables issus du travail de la forge. Ils les achètent et les emportent dans d’autres régions lointaines du pays. Les femmes et les hommes « wali et koli gala » exerçant des activités commerciales à caractère mercantiliste achètent ces produits pour les revendre dans d’autres localités, notamment à Sibut, Grimari , Alindao, ainsi que dans les villages environnants. Selon nos enquêtés, dans la société traditionnelle banda, les produits qui étaient les plus successibles de transferts inter-sociaux étaient les lames d’outils 138 agricoles. La vente de ces produits attirait sur les marchés un éventail très large de marchandises : huile de palme , sel, etc Mais depuis quelques années, les tracasseries des agents de l’ordre (policiers et gendarmes) évoquée ci-dessus constitue une restriction contraire à la promotion de la commercialisation des produits issus du travail du forgeron, notamment en ce qui concernent les couteaux commandos ou couteaux musulmans. Couteaux commando ou couteaux musulmans17 17 Ces couteaux « commando »ont été fabriqués à partir des films projetés dans les salles video-club et à partir des matériels manufacturés en provenance de l’étranger. 139 A cela, s’ajoute la restriction induite par la mine de la paysannerie agricole qui constitue l’un des principaux clients de ces produits. La paupérisation de la classe moyenne urbaine, autre débouché important, n’est pas de nature à arranger la situation. Abstraction est faite ici à la concurrence impitoyable imposée par les objets de même nature issus de l’industrie moderne déjà évoqués (R. BUREAU, 2002). En outre, les marchés local et extra-régional (Bambari-Bangui) qui souffre de mêmes effets de crise sont très loin d’apporter une quelconque modification dans le sens de l’amélioration de la situation. Bref, la problématique de la circulation des produits issus de l’artisanat du fer est devenue finalement une question délicate de nos jours. Elle se réduit en tout état de cause, à l’image de la crise générale qui frappe de plein fouet tous les secteurs de la vie nationale ces dernières décennies. 140 5.3. SUGGESTIONS. Fort de ce qui précède, quelques suggestions s’avèrent nécessaires. En effet, le gouvernement centrafricain et partenaires au développement (UNESCO, COOPI, etc) doivent prendre conscience de la sauvegarde de ce patrimoine culturel matériel qui connaît d’énormes difficultés et qui tend à disparaître à cause de l’importation des produits manufacturés qui a relégué au second plan les produits locaux. Ce faisant, compte tenu de nombreuses évolutions qui menacent l’artisanat centrafricain en général et banda en particulier, le Ministère en charge de la culture de l’artisanat devrait revaloriser et promouvoir ce patrimoine en mettant la priorité sur le Trésor Humain Vivant (T.H.V.). Ainsi, les autorités locales doivent inventorier et identifier tous les génies créateurs (dépositaires des savoirs traditionnels de la forge) afin de transmettre ces savoirs aux générations futures. C’est dans ce cadre aussi que le Ministère de la culture et de l’artisanat ainsi que les autorités locales doivent sensibiliser tous les forgerons pour qu’ils se rassemblent dans les groupements et coopératives, car cela leur permettra de trouver facilement les partenaires d’appui au développement. Toutefois, ceci sera une base de demande des micro-crédits pour l’amélioration de leurs moyens de productions et l’achat des matières premières. En effet, ces moyens financiers contribueront aussi à la construction de nouveaux ateliers qui permettront aux forgerons de mieux s’équiper et de faire face l’influence de la technologie occidentale. Les forgerons de leur côté, doivent cotiser une somme forfaitaire pour l’auto-fonctionnement de leurs ateliers. 141 Pour sa part, le gouvernement centrafricain en partenariat avec les donateurs devraient mettre en place une politique qui vise à faire circuler les produits fabriqués au niveau national et international ( notamment dans la zone CEMAC « Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique Central ») Cette politique se concrétiserait par la réduction de l’importation des produits manufacturés en République Centrafricaine, et freinerait l’exode rural vers les milieux urbains. En plus de cela, elle favoriserait l’esprit de créativité et d’expression artistique et se justifie par le fait que le métier de la forge est utilitaire, car aujourd’hui, il n’existe pas de perspectives d’emplois dans le système éducatif centrafricain. Dans le même ordre d’idée, le gouvernement doit créer une école des métiers d’arts (forgerons) pour la redynamisation du métier de la forge. En plus, les forgerons banda souhaitent que les Forces Armées Centrafricaines (FACA) achètent leurs couteaux « couteaux-commando » car ceci constituerait une importante et encourageante contribution des autorités centrafricaines. 142 CONCLUSION GENERALE Au terme de cette étude, il y a lieu de souligner le grand intérêt que comporte la métallurgie du fer dans la société traditionnelle et contemporaine banda. Un tel intérêt porte plus précisément sur la particularité de cette technologie du fer qui a mis en évidence des chaînes opératoires assez spécifiques produisant des outils authentiquement banda. Il s’agit not amment des outils comme le couteau banda, l’hameçon, le marteau, l’ « arrangecharbon », etc Une telle particularité jette ses racines dans les traditions les plus anciennes et les plus profondes du passé lointain de cette société dont elle tirait l’essentielle sinon, l’intégralité de ses inspirations légitimant ainsi le métier du forgeron au sein de la société banda traditionnelle. Le forgeron était alors maître inaliénable du processus technique intégral du travail du fer. Il était maître de la technique d’extraction et de réduction de minerais de fer dont il tirait la matière première de son travail, point de départ et préalable indispensable de la chaîne opératoire ayant comme finalité la mise au point des outils. Ces derniers étaient l’expression d’un savoir et savoir-faire articulant à la fois l’état physique du forgeron, sa conduite morale, technique et rituelle, qui en tout état de cause, rendent compte d’une construction sociale reflétant toute une conception cosmogonique bien donnée. En fait, le travail de la forge banda faisait partie intégrante d’un système social dynamique dont elle se nourrissait tout en l’alimentant dans un processus de construction sociale harmonieusement entretenue. Un tel contexte offrait au forgeron banda un positionnement privilégié dans la sphère du pouvoir traditionnel et au sein de la société dans laquelle il exerçait des fonctions cumulatives. Son rôle de perpétuation des actes 143 des ancêtres en vue de la reproduction sociale, était assez déterminant dans les innovations techniques, la production matérielle, les pratiques thérapeutiques et magico-religieuse, la régulation sociale, etc. Il bénéficiait alors des prestiges considérables concourant à la construction d’un statut particulier dont il jouissait au sein de la société banda traditionnelle. Mais de nos jours, la technologie du fer de la société banda a connu une mutation considérable qui touche de manière significative tous les aspects du travail du forgeron. Contrairement à l’autonomie de la forge traditionnelle, fondée sur un processus technique intégral et dynamique, la forge banda contemporaine a perdu le savoir-faire relatif aux activités prospectives, extractives et de réduction du minerais de fer, qui assurait l’exclusivité d’approvisionnement en matière première de base. La perte du savoir-technique inhérent à cette phase cruciale du travail de la forge est consécutive à l’intrusion de l’influence occidentale dans la vie quotidienne de la société banda. Les effets pour le moins pervers de cette influence a laissé la porte ouverte à la perte non moins importante d’autres aspects des savoir-techniques cognitifs, symbolique, moral et social de l’univers technologique banda. En dépit de la mutation technologique fort remarquable introduite par une telle influence, la forge banda contemporaine est devenue fortement tributaire de matière première issue de fer de récupération. En plus, son approvisionnement s’avère moins évident dans un contexte caractérisé par la crise de société, la ruine du forgeron et la perte sensible du prestige de son statut social qui en est résulté. Comme son collègue exerçant en milieu urbain de Bangui, le forgeron banda de nos jours se trouve devant une source de légitimité rendue diffuse par les contingences de la modernité et est réduit à l’appendice 144 d’une activité professionnelle en quête d’une nouvelle identité de la survie au détriment de la promotion artistique comme expression de son patrimoine culturel et technique. Face à ces nouvelles contraintes, l’avenir de la technologie du fer banda dépend étroitement de l’innovation du forgeron autochtone. La tendance à la constitution en organisation de base à caractère associatif, se présente à cet effet comme le seul salut qui s’offre, en espérant bénéficier de l’appui de l’Etat et des partenaires au développement en vue de perpétuer ce savoir technique. 145 BIBLIOGRAPHIE I. 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