CULTURE
ET
DÉVELOPPEMENT
que l’essentiel de leur commerce s’effectue avec les pays développés,
quand, au contraire, ces derniers commercent majoritairement entre eux.
Dans le contexte de misère sociale et économique qui caractérise
l’Afrique d’aujourd’hui (délabrement du tissu économique, désorganisa-
tion de l’appareil de production, pénuries
à
répétition, famines, guerres
ethniques, épidémies, chômage, fuite des forces vives, etc.) le concept de
développement prend une signification autrement plus simple. I1 doit alors
s’entendre, en premier lieu, de la capacité d’un pays
à
satisfaire ses besoins
primaires et urgents, sans recours
à
la générosité
ou
à
l’aide extérieures
;
et en second lieu, de l’aptitude de son économie
à
générer et
à
redistribuer
des richesses. En Afrique, cela veut dire réaliser I’autosuffisance alimen-
taire, garantir une couverture sanitaire satisfaisante
à
la population, créer
des emplois dans les secteurs qui offrent les meilleures potentialités
-
les
services et l’agriculture notamment
-
,
lancer de grands programmes
d’équipement en infrastructures sociales et économiques, endiguer l’exode
de l’élite et de la main-d’œuvre qualifiée en général, et réaliser la paiv civile
et l’unité nationale autour des valeurs de la citoyenneté et de la commune
identification au creuset national.
Rien de tout cela ne sera possible tant que l’Afrique n’aura pas
(re)trouvé le chemin de la croissance économique, lequel passe nécessai-
rement par son industrialisation. Une idée fort répandue dans les cercles
de pensée tiers-mondistes veut au contraire que, dans sa phase pré-
industrielle, l’Afrique doive d’abord et avant tout développer son agricul-
ture
-
notamment au motif que c’est cette dernière qui doit soutenir
l’industrie et non le contraire. S’il se fonde tout particulièrement sur
l’expérience, riche d‘enseignements, des pays d’Europe occidentale, ce
raisonnement pêche par excès d’assimilation
à
un
double point de vue.
-
D’abord, il semble ignorer que l’Afrique n’est pas un tout homo-
gène, et qu’au contraire ses mille et
un
contrastes exigent de considérer
chaque pays comme un cas d’espèce
:
de fait,
il
n’est pas pertinent de loger
à
la même enseigne économique les pays pétroliers (Gabon, Nigeria,
Angola et Congo)
ou
riches en minerais divers (Zaïre, Namibie, Botswana,
Zambie
...)
avec ceux du Sahel (Sénégal, Niger, Tchad, Mauritanie)
ou
des régions forestières propices
i
l’activité agricole (Cameroun, Ghana,
Côte d’Ivoire...). La base industrielle naturelle des premiers est le pétrole
et les minerais. S’ils prennent le parti de développer leur agriculture, et ils
y ont grand intérêt, ce doit être uniquement en complément et non en
alternative de cette base première comme cela a parfois été préconisé.
L’exemple de l’Afrique du Sud, qui a bâti sa puissance industrielle sur
l’exploitation de riches gisements d’or et de diamant tout en élevant son
agriculture au premier rang continental est
à
cet égard parlant. Quant aux
autres pays, tout particulièrement ceux qui sont dotés d’un fort potentiel
agricole, on ne saurait trop leur recommander d’accompagner la valorisa-
tion de celui-ci par un effort de développement industriel conséquent.
-
Ensuite, le raisonnement susmentionné donne
à
penser que les
Afri-
cains peuvent réinventer le monde,
ou
qu’ils doivent nécessairement pas-
ser par les mêmes stades de transformation économique et sociale que
l’Occident pour parvenir au développement. En réalité, il s’agit pour eux,
comme le suggère l’exemple des nouveaux pays industrialisés du Sud-Est
asiatique, d’acquérir et d’assimiler
un
savoir-faire et des connaissances
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