REVUE ALGERIENNE DE PHYSIQUE VOLUME 2, NUMERO 2 2015 CARACTERISATIONS STRUCTURALE ET OPTIQUE DE L’AEROGEL DE TiO2 ELABORE DANS L’ETHANOL SUPERCRITIQUE S .Chelbi, L. Hammiche, D. Djouadi(*) et A. Chelouche Laboratoire de Génie de l'Environnement (LGE), Université de Béjaia, Algérie (Reçu le 25 Mars 2015 ; accepté le 07 Juillet 2015 ; publié en ligne le 19 Septembre 2015) RESUME: Des aérogels de taille nanométrique de TiO2 pur ont été élaborés par le procédé sol-gel associé au séchage supercritique de l'éthanol. Les aérogels de TiO2 avec et sans recuit ont été analysés par diffraction des rayons X (DRX), spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR), microscopie électronique à balayage (MEB) et spectrophotométrie UV-visible. Les résultats de la DRX révèlent une structure tétragonale de type anatase pour les aérogels élaborés. La taille moyenne des cristallites, supposées sphériques, est de l'ordre de 7 nm. Le recuit à 600 °C montre un début de transformation de la phase anatase vers la phase rutile par l'apparition dans le spectre DRX de l'aérogel recuit du pic le plus intense de la phase rutile ( 26.60°). L'intensité des pics DRX n'a pas été considérablement modifiée après le recuit, ce qui montre que l'aérogel élaboré est doté d'une excellente qualité cristalline. Par contre, on remarque un léger rétrécissement des pics dû à l'augmentation de la taille des cristallites. Les images MEB ont montré que le recuit densifie l'aérogel et augmente la taille des grains. Les spectres FTIR ont montré la présence d'une bande d'absorption très intense dans la gamme 450-750 cm-1 due à la vibration de la liaison Ti-O-Ti. Cette bande se décale vers les grands nombres d'onde après le recuit thermique. Ce décalage peut s'expliquer par la présence de cristallites de phase rutile dans la nanopoudre élaborée. MOTS CLES: TiO2, aérogel, anatase, séchage supercritique, nanopoudres, DRX, FTIR, MEB. (tétragonale, groupe d'espace I41/amd) et brookite (orthorhombique, groupe d'espace Pbca) [4,5]. Les énergies de gap pour les phases anatase et rutile sont 3,2 et 3,02 eV respectivement. Ceci signifie que les deux phases peuvent être activées sous rayonnement UV-visible avec une longueur d'onde égale au moins à 420 nm et 380 nm respectivement [6,7]. Plusieurs méthodes de synthèse de nanopoudres de TiO2 ont été proposées dans la littérature telles que la réaction électrochimique [8], la réaction continue [9], l’anhydride carbonique supercritique [10], la précipitation [11], la décomposition chimique en phase vapeur [12], l’irradiation ultrasonique [13], le sol-gel [14] , l’aérogel et le xérogel [15,16]. I. INTRODUCTION Plusieurs recherches ont été consacrées ces dernières années au développement de photocatalyseurs à base de dioxyde de titane(TiO2) en raison de sa haute activité photocatalytique dans le traitement des eaux usées [1,2]. Les particules de TiO2 sont reconnues comme étant chimiquement très stables et fortement actives pour dégrader les composés organiques. Cette intéressante application de photocatalyse sous rayonnement UV-visible est très prometteuse et constitue l’un des plus vastes domaines réservé par la communauté scientifique à l'étude de dioxyde de titane [3]. Ces propriétés de dégradation sont dues au caractère semi-conducteur de ce matériau. Il est utilisé comme pigment blanc dans les peintures et les cosmétiques, il sert également de revêtement optique, dans les céramiques et dans certains composants électroniques, il joue également un rôle dans la technologie des capteurs à oxygène et monoxyde de carbone, ceci grâce à la réactivité d’O 2 et CO sur les défauts cristallographiques. Le TiO2 existe sous trois formes allotropiques: rutile (tétragonale, groupe d'espace P42/mnm), anatase (*) Corresponding author, [email protected] Le procédé sol-gel est très utilisé ces dernières années puisqu’il permet de contrôler la taille, la forme, la distribution en taille et la phase cristalline des nanocristallites. De plus, ce procédé de synthèse est peu couteux et les réactions chimiques se réalisent à des températures proches de l’ambiante. Dans ce travail, des aérogels de TiO2 ont été élaborés par le processus sol-gel associé au séchage supercritique de l'éthanol en utilisant comme précurseur le tétra-isopropoxide de titane. Les 69 © 2015 Association Algérienne de Physique Chelbi, Hammiche, Djouadi et A. Chelouche Rev. Alg. Phys., Vol. 2, N° 2, 2015 propriétés structurales, morphologiques et optiques des aérogels élaborés sans recuit et recuit ont été étudiées et discutées. après le recuit, ce qui montre que l’aérogel élaboré est doté d’une excellente qualité cristalline et, de ce point de vue, le recuit n’a pas d’effet considérable sur les aérogels élaborés dans des solvants supercritiques. On constate un très léger décalage vers les grands angles de diffraction qui témoigne de la diminution des paramètres de maille. La taille D des cristallites, supposées sphériques, est calculée par la formule de Scherrer: II. PROCEDURE EXPERIMENTALE Le tétra- isopropoxide de titane Ti(OC3H7)4 (pureté: 97 %), méthanol CH3OH (pureté: 99 %)et l’acide acétique CH3COOH ( pureté: 99,8 % ) ont été utilisés respectivement comme précurseur, solvant et catalyseur. Un volume de 2ml de tétraisopropoxide de titane (TIPT) a été introduit dans une solution de méthanol et d’acide acétique. Le mélange est maintenu sous agitation magnétique continue à la température ambiante pendant 40 mn. La solution obtenue est ensuite placée dans un autoclave pour subir un séchage dans l’éthanol supercritique (250 °C, 70 bars). Après refroidissement de l'autoclave à température ambiante, une poudre très fine a été récupérée. Une partie de la poudre a été recuite à l’air ambiant dans un four à moufle à 600 °C pendant 2 heures. Les aérogels de TiO2 sans et avec recuit ont été analysés par diffraction des rayons X (DRX)à l’aide d’un diffractomètre de type PanAnalytical dont les rayons X sont produits à partir d’une source de radiation CuKα (de longueur d’onde 1,54 Å) et une tension d’accélération de 40 kV et un courant de 30 mA. Les analyses par spectroscopie infrarouge à transformée de fourrier (FTIR) ont été réalisées avec des pastilles de KBr (2 mg de l’échantillon mélangé avec 80 mg de KBr) à l’aide d’un spectromètre à balayage (150 cm-1/mn) de type Nicollet Impact 400D, Les images de microscopie électronique à balayage (MEB) ont été réalisées avec un microscope de type PHILIPS ESEM XL30. La tension d’accélération appliquée est de 20 kV. Les spectres d'absorption optique ont été enregistrés à l’aide d’un spectrophotomètre UV-Visible de type Safas UVmc2. D 0,89 /( cos ) (1) Où λ est la longueur d’onde de la raie Kα des rayons X, θ est l’angle de diffraction et β est la largeur à mi-hauteur du pic de diffraction exprimée en radians. Le diamètre moyen des cristallites est estimé à 7.7 nm pour l'échantillon sans recuit, et à 10 nm pour l'échantillon recuit. Cette augmentation peut s’expliquer le fait que le chauffage favorise l’adsorption des petites cristallites à la surface des grandes cristallites. Les paramètres de la maille tétragonale a et c ont été calculés à partir des positions des pics (200) et (004) respectivement en utilisant les relations [17]: a / sin (2) c 2 / sin (3) Les valeurs calculées des paramètres de maille (a et c) et de la taille des cristallites D sont regroupées dans le tableau 1: Tableau 1 : Paramètres de maille et diamètre de cristallites TiO2 recuit TiO2 recuit III. RESULTATS ET DISCUSSIONS Les spectres de diffractions des rayons X de la poudre élaborée sans et avec recuit sont représentés sur la figure 1. Les pics de diffraction (101), (004), (200), (105), (211) et (204) observés confirment l'obtention de la phase anatase de structure tétragonale. Les raies intenses et larges témoignent respectivement de la bonne qualité cristalline et de la taille nanométrique des cristallites de l’aérogel élaboré. Le recuit à 600 °C montre un début de transformation de la phase anatase vers la phase rutile par l’apparition dans le spectre DRX (insertion) de l’aérogel recuit du pic le plus important de cette phase (26.60°). L’intensité des pics DRX n’a pas été considérablement modifiée a ( Å) sans 3.7862 c (Å) 9.5122 D (nm) 7.7 avec 3.7638 9 .4741 10.0 On constate que les paramètres de maille a et c ont légèrement diminué avec le recuit. Cette diminution s’explique par le stress résiduel de compression exercé sur les cristallites pendant le processus d’élaboration [18]. La taille des cristallites est passée de 7.7 nm à 10 nm après le recuit suite à l’adsorption des petites cristallites à la surface des grosses cristallites [19,20]. Afin d'observer la morphologie et la microstructure des poudres obtenues avant et après le recuit, nous avons passé chaque échantillon au microscope électronique à balayage et les micrographies 70 Caracterisations structurale et optique de l’aeroge… Rev. Alg. Phy., Vol.2, N°2, 2015 obtenues sont illustrées sur la figure 2. Les grains formant l’aérogel sans recuit sont plus dispersés et donnent un aspect moins dense à l’aérogel, par contre ceux de l’aérogel traité à 600 °C sont de dimension plus importante et l’aérogel « sec » semble plus densifié. (101) (101) SANS RECUIT (1) AVEC RECUIT (2) Intensité (u.a) rutile (105) (2) 25 30 2 (°) (211) rutile (200) 600 (004) Intensité (u.a) (1) 400 (2) (116) (220) 800 (215) 1000 Ceci s’explique par l’évacuation des molécules d’air et l’élimination des composés organiques existant dans l’aérogel avec le traitement thermique. Les cristallites de TiO2 sont devenues plus pures et le chauffage a considérablement favorisé leur agglomération pour former des grains plus importants et plus solides. 200 (1) 0 20 30 40 50 60 70 80 2 (°) Figure 1: Spectres DRX de la poudre de TiO2 sans et avec recuit a Figure 2 : Micrographies MEB de la poudre de TiO2 sans recuit (a) et recuite (b) 71 b Chelbi, Hammiche, Djouadi et A. Chelouche Rev. Alg. Phys., Vol. 2, N° 2, 2015 Les poudres élaborées ont été également caractérisées par la spectrométrie infrarouge à transformée de Fourrier (FT-IR). Les spectres obtenus sont représentés sur la figure 3. On remarque la présence des bandes d’absorption caractéristiques des vibrations d’élongation (3400 cm-1) et de flexion (1630 cm-1) de la liaison O-H due à la présence de quelques traces d’eau. Il y a également présence de traces de CO2 (2360 cm-1). Cette dernière bande est au fait que l’élaboration de la poudre de TiO2 a été réalisée à l’air ambiant. Les vibrations d’élongation asymétrique et symétrique de la liaison C =O sont observées respectivement en 1520 cm-1 et 1430 cm-1. Les bandes citées ci-dessus sont dues aux différents groupements carboniques présents dans les solutions. dans l’aérogel recuit et, entre 320 et 360 nm, elle est plus intense dans l’aérogel non recuit. 250 1- sans recuit 2- avec recuit 1,0 sans recuit avec recuit 200 150 Seconde dérivée (u.a.) 100 Absorption normalisée 0,8 0,6 50 0 -50 -100 3,44 eV -150 -200 0,4 -250 3,2 3,4 3,6 3,8 Energie des photons (eV) 1 0,2 2 0,0 300 310 320 330 340 350 360 370 380 Longueur d'onde (nm) 1- Aérogel TiO2 sans recuit 2- Aérogel TiO2 recuit 600 °C 2h Transmission (a.u) C=O C=O Figure 4: spectres d’absorption optique normalisée de la poudre TiO2 sans et avec recuit et les dérivées secondes en insertion CO2 Les cristallites des 2 aérogels commencent à absorber à partir de 356 nm. Le gap optique des cristallites de TiO2, calculé avec la méthode de la seconde dérivée de l’absorption optique, est représenté dans l’insertion de la figure 4. Le gap optique du TiO2 massif est de 3.20 eV et celui du TiO2 élaboré est de 3.44 eV. Cet accroissement du gap optique est due à la taille très réduite des cristallites élaborées (< 10 nm). Il a été montré que le gap optique dépend de la taille des cristallites [22] et le seuil d’absorption des nanoparticules se décale vers le bleu (blue shift) avec la diminution de la dimension des particules. On constate que le recuit n’a aucun effet remarquable sur le gap optique des cristallites ultrafines de l’aérogel de TiO 2 élaboré dans l’éthanol supercritique (3,44 eV). O-H Ti-O-Ti 1 2 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 -1 nombre d'onde (cm ) Figure 3 : Spectres FT-IR de la poudre TiO2 sans et avec recuit Après le recuit thermique, on constate une diminution abrupte de l’intensité de ces bandes. Les spectres FTIR ont montré la présence d’une bande d’absorption très intense dans la gamme 450-750 cm-1 due aux différents modes de vibration de la liaison Ti-O-Ti [21]. Cette bande se décale vers les grands nombres d’onde après le recuit thermique. Ce décalage peut s’expliquer par la variation des paramètres de maille et à la coexistence des 2 phases anatase et rutile de la poudre recuite de TiO2. Les spectres d’absorption normalisée des aérogels sans et avec recuit sont représentés sur la figure 4. On constate que pour les longueurs d’onde inférieures à 320 nm l’intensité est plus importante IV. CONCLUSION Des aérogels nanométriques de dioxyde de titane ont été élaborés par le procédé sol-gel dans l’éthanol supercritique. Les résultats DRX montrent que l’aérogel sans recuit est complètement composé de la phase anatase de TiO2. Le recuit à 600 °C a engendré le début de la formation de la phase rutile. Les grains sont de formes irrégulières, petits et plus dispersés dans l’aérogel sans recuit. Avec le recuit, la dimension des grains a augmenté et leur dispersion a diminué. Le recuit a augmenté la taille des cristallites de 7,7 nm à 10 nm. Les paramètres de maille ont diminué suite au stress résiduel de 72 Caracterisations structurale et optique de l’aeroge… Rev. Alg. Phy., Vol.2, N°2, 2015 [10] C.I. Wu, J. W. Huang, Y. L. Wen, S. B. Wen, Y. H. Shen, M.Y. Yeh. ; Mater. Lett. 62, 1923 (2008). [11] T. Ohno, M. Akiyoshi, T. Umebayashi, K. Asai, T.Mitsui, M. Matsumura. ; Appl. Catal. A: Gen. 265, 115 (2004). [12] B.H. Kim, J.Y. Lee, Y. H. Choa, M. Higuchi, N. Mizutani. ; Mater. Sci. Eng. B 107, 289 (2004). [13] F. Peng, L. Cai, H. Yu, H. Wang, J. Yang. ; J. Solid State Chem. 181 ,130 (2008). [14] M. Crisan, A. Braileanu, M. Raileanu, M. Zaharescu, D. Crisan, N. Dragan. ; J. Non-Cryst. Solids 354, 705 (2008). [15] T. Horikawa, M. Katoh, T. Tomida. ; Mesoporous Mater. 110, 397 (2008). 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