Introduction à la mécanique quantique (janvier 2003) – La mécanique quantique est la théorie fondamentale des systèmes microscopiques (particules, atomes, molécules,...) – Grand succés : elle est conforme à toutes les observations expérimentales – On l’illustre avec la polarisation de la lumière. Plan : 1. Principe de superposition en mécanique quantique et Postulat de la mesure quantique 2. Expériences confirmant la théorie 3. Non localité de la mécanique quantique 1 1) Principes de la mécanique quantique : 1-1) Etats de polarisation rectiligne du photon (grain de lumière) x z Photon, vitesse c=300 000 km/s y Polarisation |x> Polarisation |y> 1-2) Le principe de superposition Etat général de polarisation : |P i = a|xi + b|yi, a, b ∈ C (|xi, |yi) : base orthonormée de l’espace (de Hilbert) quantique de polarisation : P = V ect (|xi, |yi) ∼ = C2 , norme2 : k|P ik2 = hP |P i = |a|2 + |b|2 2 Exemples : x |θi = cos θ|xi+sin θ|yi ∈ P : polarisation rectiligne selon θ θ | θ> z 1 |Di = √ (|xi + i|yi) : 2 1 |Gi = √ (|xi − i|yi) : 2 polarisation circulaire droite polarisation circulaire gauche 3 y 1-3) (*)Remarque sur le principe de superposition : Il est très général en physique quantique : on peut considérer la superposition (C.L. complexe) de n’importe quelle configuration classique : – Superposition de position d’une particule : Interférences |ψi = a|x0i + b|x1i plus généralement : Z ψ (x) |xid3x, |ψi = a|x 0> Source ψ (x) : fonction d’onde R3 – Superposition de systèmes de particules : 0 + − π → a |e i|e i + b (|γi|γi) 4 b|x 1> – Question majeure : Jusqu’à quelle “échelle macroscopique” le principe de superposition s’applique t-il ? Beaucoup d’expériences récentes à ce sujet (molécules, atomes en cavité, anneaux supraconducteurs, RMN,...) 5 1-4) Postulat de la mesure quantique : Si un photon intéragit avec un “objet macroscopique”, alors son état quantique |P i est modifié de façon probabiliste. Mesure idéale de la polarisation du photon, par un filtre polarisant selon la direction x : x x z Photon Polar. |x> y Passe z Photon Polar. |y> Filtre // x Absorbé y Filtre // x Donc |xi, |yi est la base d’interaction avec l’objet macroscopique. 6 Pour un état quelqonque |P i ∈ P intéragissant avec le Filtre : 1. On décompose l’état quantique |P i dans la base d’interaction : |P i = (a|xi) + Passage (b|yi) Absorbé 2. Le hasard décide si le photon passe ou est absorbé : ka|xik2 |a|2 Proba(passage)= 2 = 2 2, k|P ik |a| + |b| |b|2 kb|yik2 Proba(absorbé)= 2 = 2 2, k|P ik |a| + |b| 7 et après passage, |P i = a|xi et après passage, |P i = b|yi (absorbé) 2) Expérience Photons individuels : x θ x Etat | θ >=cos( θ) |x> +sin( θ)|y> z Photons si il passe, 2 Passe, Proba= cos ( θ) Absorbé, Proba=sin2( θ Filtre angle θ Filtre // x 8 Haut flux de photons : x x θ z Faisceau polarisé // θ Faisceau non polarisé Intensité I 1=I 0 /2 Intensité I 0 Filtre angle θ Faisceau transmis // x Intensité T=I 1 cos 2( θ) Filtre // x 0.1 i 0 Montrer les filtres polarisants. 9 π/2 π 2-1) Remarques : – La théorie quantique est probabiliste : impossible de prévoir le prochain évènement ; seulement une prévision statistique pour un grand nombre de préparations initiales identiques. – La description en terme d’état quantique |P i ∈ P est un “intermédiaire de calcul” qui n’a pas de “réalité observable”. – Gisin et al. commercialisent un générateur de nombres aléatoires (carte PC) basé sur la mesure quantique. – (*) Autres expériences d’interférences 10 2-2) Formalisme des observables quantiques : On code le résultat : A = +1 : si le photon passe (etat |xi) A = −1 : si le photon est absorbé (etat |yi) Alors en moyenne (après plusieurs mesures) : hAi = (P robapasse) (+1) + (P robaabsorb) (−1) On introduit l’opérateur autoadjoint  sur P appelé observable, défini par : Â|xi = (+1) |xi Â|yi = (−1) |yi 11 Alors si |P i = a|xi + b|yi, hP |Â|P i 1 = 2 ahx| + bhy| (a (+1) |xi + b (−1) |yi) hP |P i k|P ik ka|xik2 kb|yik2 = 2 (+1) + 2 (−1) = hAi k|P ik k|P ik 12 3) Non localité de la mécanique quantique : 3-1) Dispositif expérimental : x Photon 1 Photon 2 z y Dé−excitation d’un atome de Calcium Etats de base (o.n.) des deux photons : |x1i|x2i, |x1i|y2i, |y1i|x2i, |y1i|y2i Principe de superposition : état général de polarisation des deux photons : |P12i = a|x1i|x2i + b|x1i|y2i + c|y1i|x2i + d|y1i|y2i, (a, b, c, d) ∈ C (donc P12 = P1 ⊗ P2) Après l’emmission, les deux photons sont dans l’état non factorisé (enchevétré) 1 |P12i = √ (|x1i|y2i − |y1i|x2i) 2 13 Remarque : si autre base : x θ x’ |xi = cos θ|x0i − sin θ|y 0i |yi = sin θ|x0i + cos θ|y 0i θ y’ y Alors |P12i = = = = 1 √ (|x1i|y2i − |y1i|x2i) 2 1 √ ((cos θ|x01i − sin θ|y10 i) (sin θ|x02i + cos θ|y20 i)) 2 − (sin θ|x01i + cos θ|y10 i) (cos θ|x02i − sin θ|y20 i) 1 √ (|x01i|y20 i − |y10 i|x02i) : même écriture 2 i √ (|G1i|D2i − |D1i|G2i) : moment angulaire nul 2 14 3-2) Mesure de la polarisation des photons : |P12i = √1 (|x1 i|y2 i−|y1 i|x2 i) 2 x |P 12> z résultat A=+1 : passe A=−1 : absorbé y Filtre 1 //x Filtre 2 //y résultat B=−1 : passe B=+1 : absorbé pour Filtre 1, puis Filtre 2, le hasard décide entre : 2 – Ax = 1 (état |x1i passe), avec proba PA=1 = k|P1ik2 √12 |x1i|y2i = 12 , 0 Après : |P12 i = |x1i|y2i, donc on mesure ensuite By = +1. 2 – Ax = −1 (état |y1i absorbé), avec proba PA=−1 = k|P1ik2 √12 |y1i|x2i = 12 , 0 Après : |P12 i = |y1i|x2i, donc on mesure ensuite By = −1. 15 3-3) Remarques : – Corrélation parfaite : Ax = By = +1 ou Ax = By = −1. – L’expérience est en parfait accord avec l’expérience (voir photo1, photo2) – Dans cette description, chaque photon n’a pas décidé (±1) avant la mesure, – Il y a une action “instantanée” à distance, plus rapide que la vitesse de la lumière. Mesure de Gisin et al. (Phys.Lett.A 276,(2000)) : |vcorrelation| > 2.104c dans le référentiel cosmique – Contradiction avec la relativité ? Cependant cette action ne plus rapide que c ne permet pas de transmettre de l’information, car on ne décide pas si Ax = By = +1 ou Ax = By = −1. 16 – Cette description n’est cependant pas conforme avec une description relativiste : t rayon lumineux Mesure B=+1 Mesure A=+1 Réduction Filtre 1 Filtre 2 |x 1>|y 1> −|y 1>|x 2> 17 z 3-4) Objection de Einstein-Podolsky-Rosen (EPR, 1935) sur la non localité Partisans d’une théorie (inconnue) locale de “variables cachées” c.a.d., que dès le départ, l’état Ax = By = ±1 serait décidé, R et hAxi = Axdµproba t |x 1> t |y2 > |y 1> ou z |x2 > z Débat ouvert par E.P.R : – Méca. Quantique non locale ou théorie à variable cachée locale ? – Peut on départager ces deux interprétations par l’expérience ? 18 3-5) Bell (1964) a montré que l’on peut trancher le débat : Dispositif avec orientations arbitraires : θu x u |P 12> θv v z y Filtre 2 //v Filtre 1 //u ⊥ Etat quantique enchevétré : |P12i = √12 (|x1i|y2i − |y1i|x2i) = √12 |u1i|u⊥ i − |u 2 1 i|u2 On mesure le produit AuBv = ±1, après chaque désintégration (fruit du hasard). (Remarque : AxBy = +1). 19 Choix des directions u, v, w. On déduit la moyenne : u ∆ (φ) = |hAuBv i − hAuBw i| + |hAv Bv i + hAv Bw i| D’après l’hypothèse d’une “théorie locale à variables cachées” : ∆locale (φ) ≤ 2 : inégalité de Bell D’après la théorie quantique : ∆quant. (φ) = |1 + cos φ| + |cos 2φ − cos φ| 20 φ/2 v φ/2 w ∆(φ) 2 2 Violation de l’inégalité de Bell 2 ∆ quantique j i 0 πφ 21 Verdict de l’expérience : Alain Aspect (1976,82), et récement Gisin et al. sur 10km. Parfait accord avec la mécanique quantique, qui est une théorie non locale, avec “action instantanée” à distance. 22 3-6) Preuves des inégalités : Pour une théorie locale à variables cachées : En effet : si A = Au, A0 = Av , B = Bv , B 0 = Bw , (et non pas A (u, v)qui est non local...) et hOi = R Odµ, |A| , |B| < 1 ∆loc (A, A0; B, B 0) = |hABi − hAB 0i| + |hA0Bi + hA0B 0i| = |hA (B − B 0)i| + |hA0 (B + B 0)i| ≤ h|B − B 0| + |B + B 0|i = h|(B − B 0) + (B + B 0) (±1)|i ≤ 2 on a utilisé : |a| + |b| = |a + b signe(ab)| ≤ 2, 23 a, b ∈ R Pour la théorie quantique : 1 |P12i = √ (|x1i|y2i − |y1i|x2i) 2 1 ⊥ ⊥ = √ |u1i|u2 i − |u1 i|u2i 2 On a : hAuBv i = 1 1 2 1 2 hP12|ÂuB̂v |P12i = (+1) (+1) sin φ + (+1) (−1) cos φ hP12|P12i 2 2 1 2 1 2 cos φ + (−1) (−1) sin φ = sin2 φ − cos2 φ = − cos (2 + (−1) (+1) 2 2 donc ∆quant. (φ) = |hAuBv i − hAuBw i| + |hAv Bv i + hAv Bw i| = |− cos (φ) + cos (2φ)| + |−1 − cos (φ)| 24 Plus généralement, le calcul pour ∆loc., en suivant (pour hP |P i = 1,  , B̂ ≤ 1) : ∆quant. (A, A0; B, B 0) = |hABi − hAB 0i| + |hA0Bi + hA0B 0i| 0 0 0 = hP | B̂ − B̂ |P i + hP | B̂ + B̂ |P i ≤ B̂ − B̂ 0 |P i + B̂ + B̂ 0 |P i s 2 2 ≤ 2 B̂ − B̂ 0 |P i + B̂ + B̂ 0 |P i s 2 2 = 4 B̂|P i + B̂ 0|P i √ ≤ 2 2 On a utilisé : r 2 2 kak + kbk ≤ 2 kak + kbk 25 Conclusion : – La mécanique quantique malgré ses succés est une théorie qui a des aspects bien surprenants et insaisissables. – Le paradoxe E.P.R. est mis à profit dans la cryptographie quantique (commercialisée) : Car la mesure quantique perturbe le système ⇔On peut savoir si le signal (quantique) a été intercepté. – Actuellement un grand essor de “l’informatique quantique” basée sur la nonlocalité, quête de l’ordinateur quantique. Références : – Bransden & Joachaim, “Introduction to quantum mechanics”, Addison Wesley Longman 1989, p.670 – Stamatescu p.305, dans “Decoherence and the Appearance of a Classical World in Quantum Theory”, SpringerVerlag 1996. – Gisin et al.,”Quantum Cryptography” to appear in Reviews of Modern Physics, e-print : quant-ph/0101098. 26