collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthese

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Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
C OLLUSION
ET COMPORTEMENTS DYNAMIQUES
EN OLIGOPOLE
:
UNE SYNTHESE
Thierry PENARD
CREREG, Université de Rennes 1
Section 1. Introduction
Les premières théories de l’oligopole se sont développées dans un cadre
statique, même si l’utilisation de « fonctions de réaction » dans l’équilibre de
Cournot pouvait laisser penser le contraire. Shapiro ([1989b], p353) rappelle
« qu’on ne peut pas analyser correctement un oligopole dynamique en utilisant
des courbes de réaction à la Cournot, car il est fort improbable qu’elles
représentent des réponses dynamiques optimales » 1. Comme tout équilibre de
Nash 2, l’équilibre de Cournot correspond à une situation dans laquelle aucune
firme n’a intérêt à modifier ses choix ou ses actions. Dans un duopole, cet
équilibre peut être localisé comme le point d’intersection des courbes de meilleure
réponse, mais en aucun cas il ne peut être pensé comme un processus dynamique
de coordination. Shapiro constate que les variations conjecturales (Bowley [1924])
Friedman [1977] formule des critiques similaires.
Sur ce point, Léonard [1994] montre combien les travaux de Nash (qui d’ailleurs n’avait jamais
lu Cournot !) ont modifié la perception de la solution proposée par Cournot. L’analyse de Cournot,
très critiquée entre autres par Fellner [1949] qui la jugeait dynamique, contradictoire et non
réaliste, a été réinterprétée et reconstruite dans les années 60 comme une solution statique et
cohérente pouvant fournir un fondement historique à l’équilibre de Nash.
1
2
1
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
ou la courbe de demande coudée (Sweezy [1939]) correspondent aussi à une
approche statique de la concurrence oligopolistique.
Les jeux répétés à horizon infini sont à l’origine de la première approche
dynamique
de
la
concurrence
oligopolistique.
Cette
approche
s’est
essentiellement intéressée à l’interdépendance stratégique des décisions des
firmes et à leur impact sur les possibilités de collusion. Elle permet de renouveler
l’analyse classique des structures de marché et des comportements collusifs, menée
jusqu’alors dans un cadre statique et souvent en dehors de la théorie des jeux.
Cet article s’organise autour des trois idées suivantes. La première idée est
que la collusion ne peut émerger que si les firmes s’accordent sur un minimum de
règles communes relatives au choix du point d’équilibre parmi les multiples
équilibres possibles et aux modalités de punitions si l’une des firmes venait à
dévier de cet équilibre. La collusion tacite ne peut donc pas se concevoir sans un
minimum de communication ou de coordination entre les firmes.
Nous insistons aussi sur l’idée que les marchés sont structurellement plus
ou moins porteurs d’incitations à la collusion. Nous établissons une distinction
importante entre les facteurs qui facilitent la conclusion d’un accord de collusion
tacite et ceux qui facilitent l’auto-exécution de cet accord.
Enfin, nous montrons qu’à travers leurs choix d’investissements, les firmes
peuvent rendre le marché structurellement plus favorable à la collusion. Cette
dernière
idée
permet
d’analyser
un
certain
nombre
de
pratiques
et
d’investissements comme une aide stratégique à la collusion (facilitating devices
en anglais).
Dans la section 2, nous définissons la collusion tacite. Dans la section 3,
nous présentons un test d’évaluation des structures porteuses d’incitations à la
collusion et nous l’appliquons à différents facteurs structurels (concentration,
nature de la demande,...). Ce test est construit à partir des stratégies de déclic de
Friedman [1971]. Dans la section 4, nous analysons les effets stratégiques des
investissements sur les possibilités de collusion à l’aide de la taxonomie
animalière de Fudenberg et Tirole [1984].
2
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Section 2. La collusion
2.1 Les problèmes liés à la collusion
Les travaux pionniers de Orr et Mac Avoy [1965] et de Osborne [1976] sur
les cartels3 ont dégagé quatre problèmes communs à toutes les ententes explicites
ou tacites : l’accord sur une solution unique parmi les multiples solutions offertes,
la détection des déviations lors de l’exécution de cette solution, leur punition et
l’entrée de nouvelles firmes sur le marché. Commençons par ce dernier point.
La menace d’entrée :
La menace d’entrée est à l’origine d’un paradoxe : une industrie collusive
peut être caractérisée par des profits agrégés inférieurs à ceux d’une industrie
non collusive. Comme le montre Selten [1984], la collusion stimule les entrées de
nouvelles firmes et diminue la concentration et les profits sur le marché4. La libre
entrée est certainement le principal obstacle à la collusion. Toutefois, les études
d’Harrington [1989], Stenbacka [1990], Friedman et Thisse [1993a] ont montré
qu’il était possible de soutenir la collusion sur un marché avec libre entrée. Dans
ces trois modèles, les firmes en place s’accordent sur des schémas de punitions à
appliquer aux nouveaux entrants. Comme ces punitions sont dégressives avec le
temps, chaque entrant est incité à participer honnêtement à sa propre punition.
De plus, comme en moyenne il gagne moins que les firmes en place, il suffit qu’il
existe un coût d’entrée même très faible pour que les firmes en place puissent
obtenir un profit collusif positif sur un marché de libre entrée.
Pour une description du fonctionnement des cartels européens dans l’entre-deux guerres
(aluminium, acier, nitrogène.,...), on peut consulter Stocking et Watkins [1946].
4 Asch et Seneca [1976] à partir de deux échantillons de firmes américaines, le premier composé
de firmes poursuivies pour entente et le second de firmes qui n’ont jamais été poursuivies,
estiment que les firmes collusives sont moins profitables que les firmes non collusives. Ils
avancent deux explications à ce résultat quel que peu surprenant. D’une part, les industries peu
performantes auraient plus d’incitations à s’entendre si bien que leurs profits collusifs resteraient
en moyenne inférieurs aux profits des industries plus performantes. D’autre part, les firmes
poursuivies seraient celles qui auraient le plus de difficultés à soutenir discrètement une entente.
3
3
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Phase d’accord et phase d’exécution d’une collusion :
Si les barrières à l’entrée sont suffisamment élevées pour dissuader toute
entrée, les firmes peuvent se concentrer sur les trois autres problèmes identifiés
par Osborne. Les firmes apportent des réponses à ces problèmes de manière
séquentielle. En effet, toute collusion comporte deux phases distinctes, une phase
d’accord et une phase d’exécution. Dans la première phase, les firmes se
concertent, communiquent entre elles et essaient de faire converger leurs vues
sur une solution d’accord et sur des règles de punitions pour soutenir cet accord.
Dans la seconde phase, les firmes appliquent l’accord, en se surveillant
mutuellement et déclenchent les punitions prévues dès qu’une déviation est
détectée.
Les problèmes auxquels sont confrontées les firmes sont plus ou moins
grands selon la qualité des informations des firmes.
Une information incomplète sur la demande et les coûts des rivaux rend
plus difficile le choix d’un point d’accord 5 et donne naissance à un problème de
sélection adverse dans la phase d’accord. Une observation imparfaite des choix
rivaux rend plus difficile la détection des déviations et donne naissance à un
problème de risque moral dans la phase d’exécution. Ces deux obstacles à une
coordination parfaite sont traités différemment selon que les firmes participent à
une entente légale ou illégale.
Les problèmes informationnels d’une entente légale :
Dans le cas d’une entente légale, les firmes font face essentiellement à un
problème de sélection adverse. En effet, le risque moral est limité par la
possibilité de signer des contrats juridiquement exécutoires ou de concevoir un
Car les firmes ne connaissent pas l’ensemble des accords soutenables et notamment les accords
Pareto-optimaux ou la surface de contrats.
5
4
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
arrangement institutionnel avec ses propres mécanismes de contrôle et de
sanction en cas de non respect par l’une des parties de ses obligations6.
Si les firmes détiennent de l’information privée sur leurs coûts ou sur les
conditions du marché, la recherche d’un accord optimal passe par la révélation de
cette information7. Toutefois, il existe toujours des contrats qui peuvent forcer les
firmes à révéler honnêtement cette information. Par exemple, Kihlstrom et Vives
[1992] examinent les allocations de production optimales dans un contexte
d’information asymétrique sur les coûts. Ils considèrent les contraintes
d’incitations et de participation que doit satisfaire l’accord selon que les firmes
ont la possibilité de se retirer ou non du cartel, une fois les coûts connus8.
Les problèmes informationnels d’une entente illégale :
Une entente illégale est confrontée aux mêmes problèmes qu’un cartel
légal, mais ne dispose pas des mêmes facilités pour les surmonter. Comme les
firmes doivent dissimuler et limiter leur concertation, pour ne pas attirer
l’attention des autorités concurrentielles, un mode de coordination organisé ou
explicite (sous la forme d’un cartel secret) apparaît très risqué. La convergence
vers un accord optimal est alors difficile surtout si les firmes disposent
d’informations privées. De plus, les firmes ne peuvent dissuader les déviations
que par des punitions de marché (c’est à dire par des guerre de prix) à la
différence d’un cartel légal qui peut recourir à des exclusions ou à des amendes.
En revanche, se pose la question de la stabilité interne et externe des cartels et de leur
robustesse aux déviations de coalition. Voir par exemple d’Aspremont, Gabszewicz, Jacquemin,
Weymark [1983] ou Donsimoni [1985].
7 En information complète, le seul problème peut venir d’une asymétrie dans les coûts.
Schmalensee [1987] donne quelques exemples de technologies d’accord de cartel pour surmonter
l’asymétrie de coûts : le partage des marchés par quotas ou par zone géographique, les paiements
compensatoires, la réduction proportionnelle de la production. Une fois la technologie choisie,
Schmalensee énumère quelques solutions conceptuelles (dont celle de Nash et celle de KalaiSmorodinski) permettant de choisir un point unique sur la frontière des profits (appelée la surface
de contrat). Dans la réalité, nous savons très peu de choses sur les raisons qui poussent les firmes
à converger vers un point d’accord plutôt qu’un autre et la question se pose de savoir si cette voie
de recherche doit être menée dans le cadre des jeux coopératifs de marchandage ou dans le cadre
des jeux répétés non-coopératifs.
6
5
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Selon Roberts [1985], la distinction pertinente serait moins entre entente
légale et illégale mais entre collusion tacite et collusion explicite (cartel légal ou
secret). La collusion tacite se caractériserait par un mode de coordination
décentralisé et la collusion explicite par un mode de coordination centralisé. En
présence de sélection adverse, la collusion explicite serait supérieure à la
collusion tacite, parce qu’elle disposerait d’un plus grand degré de liberté dans le
choix des règles et pourrait mieux utiliser l’information révélée9. En revanche,
face à un risque moral, les deux formes de collusion seraient tout aussi efficaces.
Le choix d’un cartel illégal pourrait donc s’expliquer par des asymétries
d’information et le choix d’une collusion tacite par les coûts qu’implique une
organisation centralisée et par le risque d’être détecté par les autorités
concurrentielles.
2.2. Collusion tacite et accord
Nous avons affirmé précédemment que tout processus de collusion
comportait une phase d’accord et une phase d’exécution. La question est de savoir
s’il n’existe pas des situations dans lesquelles les firmes parviennent à obtenir
des profits collusifs sans qu’il y ait ni accord, ni concertation. Cette collusion
tacite pure nous semble peu vraisemblable. L’absence de communication entre les
firmes, le caractère auto-suggéré de l’équilibre et des punitions10 donnent à la
collusion
tacite
pure
une
dimension
artificielle.
« Pour
qu’une
simple
interdépendance oligopolistique produise des résultats de cartel, sans accord,
certaines conditions sont nécessaires. Les firmes doivent avoir un niveau et une
Sur cette question, voir aussi Cramton et Palfrey [1990].
Slade [1990a] pense que dans un cadre de collusion tacite, il n’est pas raisonnable de supposer
que les firmes puissent s’engager sur des règles de partage de la production contingentes aux
déclarations des firmes. D’une part l’engagement ne serait pas crédible et d’autre part ces règles
seraient trop complexes à exécuter de manière tacite. Elle démontre alors qu’une information
privée sur les coûts peut générer des stratégies de collusion tacite caractérisées par des déviations
occasionnelles lorsque les firmes ont des coûts anormalement élevés ou faibles.
8
9
6
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
structure de coûts similaires ; elles doivent avoir les mêmes anticipations sur
l’élasticité de la demande ; elles doivent être incapables de cacher des baisses de
prix ; leur technologie doit être connue et accessible à tous dans les mêmes
conditions ; et leurs produits doivent être homogènes. Ceci constitue une longue
liste d’hypothèses héroïques » (Howard et Stanbury [1988] p238). La collusion
pure sans aucune forme d’accord est un cas rare peut-être même seulement
académique.
Nous pensons que la collusion tacite est toujours facilitée par des échanges
de vues et un minimum d’accord. Cette vision est aussi partagée par Friedman
([1986],p112) qui ne conçoit pas la collusion tacite sans l’idée d’une concertation
ou d’un accord (même oral) tant « il est difficile d’imaginer que les comportements
prescrits par la collusion puissent apparaître autrement » 11.
Dans la suite de cet article, le terme de collusion tacite prend comme
référentiel une collusion facilitée ou amorcée par des échanges de vue et par
certaines pratiques. La section suivante vise à présenter les facteurs structurels
qui ont un effet favorable sur la collusion tacite en prenant soin de distinguer la
phase d’accord et la phase d’exécution.
Section 3. Structures de marché "collusives"
3.1 Les facteurs facilitant les accords de collusion12 :
Dans la phase d’accord, la convergence de vue et d’intérêt ne va pas de soi
compte tenu de la multiplicité des équilibres offerts aux firmes. Lorsque les
firmes ont des coûts de production identiques et produisent des biens homogènes
ou standards, l’accord peut être rapide ou tacite. De manière générale, les efforts
Selon Shapiro ([1989b],p.363) « any tacit collusion in supergames is of a ‘pure bootstrapping’
variety ; history matters because the players decide that it matters ».
11 « Je ne connais aucun travail théorique qui peut dire comment un groupe de firmes peuvent se
comporter de manière non-coopérative sans communiquer et choisir ou trouver le moyen
d’atteindre l’équilibre Pareto-Optimal du jeu répété »(Friedman [1977] p189).
10
7
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
déployés sont une fonction croissante de l’hétérogénéité et de l’asymétrie des
firmes dans les coûts, les préférences, les capacités, la qualité des biens
(Jacquemin et Slade [1989]). Plus les firmes sont différentes et plus les conflits
d’intérêt se multiplient. De même, l’éloignement géographique des firmes ou les
différences de personnalités et de culture des dirigeants de ces firmes sont un
obstacle à une entente. La complexité technique des biens rend également
l’accord plus difficile car ce dernier devra porter sur de multiples aspects13 (le
prix, la qualité, le service, ...). Enfin, les efforts et le temps de communication
augmentent plus que proportionnellement avec le nombre de firmes 14.
Dans cette première phase, les firmes doivent aussi s’entendre sur les
stratégies qui vont rendre exécutoire et stable l’accord tacite. Ces stratégies
spécifient le schéma de punitions à appliquer lorsqu’une des firmes a dévié de
l’accord (punitions à durée finie ou infinie, punitions personnalisées ou
collectives...) et précisent l’attitude à suivre lorsque la demande ou les coûts
varient ou lorsqu’une nouvelle firme entre sur le marché.
En s’accordant même verbalement sur les règles de coopération, de
punition et d’adaptation, les firmes ont une idée des stratégies qui seront
utilisées par leurs rivaux. Si chaque stratégie est une meilleure réponse aux
stratégies attendues des rivaux, les firmes n’ont aucun intérêt à adopter une
autre stratégie. Les stratégies sont non-coopératives parce que chaque firme ne
fait que suivre son intérêt personnel. La collusion tacite est formellement un
équilibre non-coopératif, rendu possible par une communication préalable entre
les firmes.
Certains facteurs structurels comme des barrières à l’entrée élevées, des
conditions économiques et technologiques stables (demande stagnante, peu de
progrès technique,...) augmentent la durée de vie ou de validité de l’accord
collusif. En revanche, tout élément qui modifie l’environnement dans lequel a été
conclu l’accord peut remettre en question ce dernier et nécessiter de nouvelles
Cette partie s’appuie largement sur Scherer et Ross [1990].
On peut affirmer que les exigences de coordination seront beaucoup moins fortes si la
concurrence est en prix. Les firmes peuvent se limiter à un accord sur un prix unique . En
revanche, si la concurrence est en quantités, l’accord doit être beaucoup plus explicite et passe
souvent par l’attribution de quotas de production ou de zones géographiques d’influence.
12
13
8
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
discussions entre les firmes. Si les conditions sont trop changeantes et affectent
différemment le coût des firmes (asymétrie renforcée), l’existence même de la
collusion tacite peut être menacée. La même conclusion tient lorsque les firmes
n’ont pas les mêmes anticipations sur la demande et les coûts futurs.
Les
facteurs
structurels
ont
aussi
un
rôle
déterminant
sur
le
comportement des firmes dans la phase d’exécution d’un accord de collusion. Ils
peuvent dissuader ou encourager les déviations de l’accord. La théorie des jeux
répétés permet d’évaluer rigoureusement l’influence de ces éléments structurels
sur la stabilité et sur le caractère auto-exécutoire de l’accord collusif.
3.2. Test structurel de stabilité
La théorie des jeux répétés permet d’identifier les facteurs favorisant la
stabilité des accords de collusion et dissuadant les déviations. En effet, si un
oligopole est modélisé sous la forme d’un jeu répété à horizon infini, une collusion
tacite stable s’interprète alors comme un équilibre non-coopératif du jeu répété 15.
Chaque firme a individuellement intérêt à respecter la collusion si le gain
attendu d’une déviation est inférieur au coût des punitions qui s’ensuivraient.
Cette condition correspond aux contraintes incitatives de non déviation ou
contraintes de robustesse à la déviation. Ces contraintes permettent de s’assurer
que les firmes parties prenantes à la collusion obtiennent un gain supérieur en
ne déviant pas de l’accord tacite. La comparaison des flux de profits associés à la
stratégie de collusion et à la meilleure stratégie de déviation nécessite
l’introduction d’un facteur d’actualisation qui donne une commune mesure aux
profits présents et futurs. Il correspond à la valeur que les firmes accordent au
présent ou encore à une appréciation subjective du taux d’intérêt.
De plus, un accroissement du nombre de firmes renforce l’hétérogénéité des firmes.
De par ses origines (« collusion » vient du latin colludere jouer ensemble), la collusion relève
légitimement des jeux répétés.
14
15
9
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Les contraintes d’incitations peuvent alors s’interpréter comme des
conditions sur la valeur minimum du facteur d’actualisation en dessous duquel
les firmes sont incitées à dévier. Cette valeur minimum est appelée le facteur
d’actualisation seuil. Elle permet de mesurer les possibilités de collusion sur un
marché. Lorsque la valeur du facteur seuil diminue, les contraintes d’incitations
se desserrent et les possibilités de collusion augmentent. La théorie des jeux
répétés offre un test de vraisemblance de la collusion tacite et permet de
comparer des structures et des conditions de marché sur la base du principe
suivant.
PRINCIPE 1 : Une structure de marché sera jugée plus porteuse d’incitations
à la collusion qu’une autre structure si le facteur seuil associé à la première
est plus faible que le facteur seuil associé à la seconde, pour un point
d’équilibre et des stratégies donnés.
Par exemple, supposons que les firmes utilisent des stratégies de déclic,
consistant à suivre l’accord collusif tant que personne n’a dévié et à revenir à
l’équilibre de Nash du jeu constituant (appelé aussi équilibre concurrentiel) dès
qu’une déviation est détectée. Ces stratégies ont été proposées par Friedman
[1971]. Nous considérons un marché composé de n firmes. Soient π di le profit de
déviation maximum que peut espérer la firme i, π ic son profit de collusion, π ip
son profit de punition (ou profit concurrentiel) et δ le facteur d’actualisation en
vigueur sur le marché. Nous supposons qu’une déviation a une probabilité φ
d’être détectée par les autres firmes et que le temps de réaction (le laps de temps
durant lequel les firmes ne peuvent pas modifier leurs décisions) est égale à τ. Si
φ est égal à 1, la détection est immédiate et si τ est égal à 1, la punition démarre
à la période suivante. La contrainte d’incitations vérifiant que la firme i n’a
jamais intérêt à dévier s’écrit :
π ci
1 − δτ d
δτ
≥
πi +
φπ ip + (1 − φ)π ci
(
1− δ 1−δ
1−δ
10
)
(1.1)
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Le terme de gauche représente la valeur actualisée des profits associés à la
stratégie de collusion et le terme de droite la valeur actualisée des profits
associés à la meilleure stratégie de déviation. Cette dernière valeur dépend des
paramètres τ et φ. Selon la condition (1.1), la firme i ne peut espérer aucun profit
d’une déviation de l’accord de collusion. Après réécriture de cette condition, nous
obtenons :
δ≥[
πdi − πic
πdi − φπ ip − (1 − φ)πic
]
1
(1.2)
τ
L’expression de droite est appelée le facteur d’actualisation seuil de la
firme i. Elle nous donne la valeur du facteur d’actualisation δ en dessous duquel
la firme i est incitée à dévier. La stabilité du marché est évaluée à partir de la
valeur maximum des n facteurs seuils individuels dérivés de la condition (1.2).

π di − πci
δ =Max{i∈N} δi = [ d
π i − φπ ip − (1 − φ)πic

]
1 τ



est
la
valeur
du
facteur
d’actualisation en dessous duquel le marché ne peut parvenir à un équilibre
collusif stable. La comparaison entre deux structures de marché se fait alors sur
la base de leurs facteurs seuils respectifs δ .
Ce principe de comparaison permet de dresser une liste des facteurs
facilitant la collusion tacite. Un élément structurel est porteur d’incitations à la
collusion s’il contribue à diminuer la valeur du facteur seuil δ . Comme cette
valeur est d’une part une fonction décroissante du profit de collusion π ic et de la
probabilité de détection φ , et d’autre part une fonction croissante du profit de
déviation π di , du profit de punition π ip , et du temps de réaction τ, il suffit
d’analyser l’effet de cet élément structurel sur chacune des composantes de δ .
Ces différents effets peuvent être ramenés à deux principaux effets : un effet
punition et un effet déviation.
Si un facteur structurel a pour effet de diminuer les profits de punition ou
de rendre le marché plus transparent, les punitions seront plus sévères et la
11
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
collusion plus facile à soutenir. On dira alors qu’un tel facteur se caractérise par
un effet punition positif (en termes de collusion).
Si un facteur structurel a pour effet d’augmenter les profits de collusion ou
de reduire les profits de déviation, les entreprises auront moins d’incitations à
dévier de l’accord collusif. On dira alors qu’un tel facteur se caractérise par un
effet déviation positif.
Si les effets déviation et punition sont de même signe, la contribution d’un
facteur à la collusion est sans ambiguité. Mais, le plus souvent, les effets sont de
signe contraire et nécessite une analyse approfondie pour déterminer lequel des
deux effets dominent.
Lorsque les entreprises utilisent des stratégies de punitions consistant à
revenir à l’équilibre « concurrentiel », nous pouvons énoncer un second principe.
PRINCIPE 2 : Tout facteur qui intensifie la concurrence entre les firmes est
porteur d’incitations à la collusion.
Autrement dit, tout élément structurel qui conduit à des profits
concurrentiels plus faibles renforce la sévérité des punitions qui pourraient
soutenir un processus collusif et concoure à diminuer le facteur seuil
d’actualisation. Ce principe appelé Topsy torvy principle 16 par Shapiro [1989b]
peut conduire à des résultats contre-intuitifs dès lors que l’on passe d’une analyse
statique à une analyse dynamique de la concurrence. Il faut alors être très
prudent dans l’interprétation des résultats, puisque les structures de marché
porteuses d’incitation à la collusion peuvent conduire à des situations très
concurrentielles ou très collusives !
16
Topsy turvy peut se traduire par « sens dessus dessous ».
12
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
3.3. Applications :
La structure de l’offre, la nature des biens et les caractéristiques de la
demande sont des facteurs qui influencent fortement les possibilités de collusion.
Ces facteurs sont analysés à partir des deux principes précédents. Nous
considérons l’impact de ces facteurs sur la sévérité des punitions et la
profitabilité des déviations. En d’autres termes, il s’agit d’évaluer l’effet punition
et l’effet déviation de tels facteurs. Si un facteur contribue à accroître les profits
concurrentiels des firmes, l’effet punition est négatif ou défavorable à une
collusion. Si ce facteur contribue à renforcer la profitabilité d’une déviation (soit
en réduisant les profits collusifs, soit en augmentant les profits de déviations),
l’effet déviation est là aussi négatif.
La concentration de l’offre
Un nombre de firmes trop élevé non seulement peut perturber la phase
d’accord, mais peut aussi générer de fortes incitations à dévier lors de la phase
d’exécution. En effet, la surveillance des comportements rivaux et la détection
d’éventuelles baisses secrètes de prix sont plus difficiles 17. Le paramètre φ devrait
être une fonction décroissante de n. D’autre part, le profit de collusion diminue
avec le nombre de firmes. Par exemple, dans le cadre d’un jeu répété en prix sans
contrainte de capacité, avec n firmes identiques en coût, si πm est le profit de
πm
monopole, le profit de collusion est égal à π ic = n , le profit de déviation à π di =πm
et le profit de punition (de Bertrand) à
δ =[
n −1
n − (1 − φ)
]
1 τ
π ip = 0. Dans ces conditions,
et nous constatons que le facteur seuil croît avec le nombre de
firmes. Nous obtenons la même relation positive dans le cas d’un oligopole en
quantités. Toutefois, comme le montrent Brock et Scheinkman [1985], dans une
De plus, si les firmes sont nombreuses ou de petites tailles, elles prennent moins conscience de
leurs interdépendances et peuvent retirer un large profit d’une déviation. En d’autres termes,
chaque firme fait face à une demande individuelle très élastique porteuse d’incitation à dévier.
17
13
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
concurrence en prix avec contrainte de capacité, cette relation est non monotone.
En effet, une hausse du nombre de firmes renforce aussi la sévérité des
punitions. La collusion est plus difficile à soutenir lorsque les firmes sont peu
nombreuses ou au contraire très nombreuses. Le facteur d’actualisation seuil
atteint son minimum pour une concentration intermédiaire 18.
Nature de la concurrence (prix versus quantité) :
Dans le cas de biens substituts, les profits de Bertrand sont toujours plus
faibles que les profits de Cournot. Une concurrence sur les prix renforce donc la
sévérité des punitions dans une collusion soutenue par des stratégies de déclic.
Mais parallèlement, une concurrence en prix offre des opportunités de profits
plus élevées en cas de déviation de l’accord de collusion.
A part dans le cas d’un duopole, l’effet déviation l’emporte sur l’effet
punition et rend les oligopoles en prix moins favorables à la collusion que les
oligopoles en quantités. En effet, le facteur seuil d’une collusion en quantité est
τ
 ( n + 1)² 
égal à δ = 
 . Cette expression est inférieure au facteur seuil d’une
 (n + 1)² + φ4n 
collusion en prix
[
n −1
n − (1 − φ)
]
1 τ
si 3n²-6n -1 >0. Pour un nombre de firmes
supérieur à 3, cette relation est toujours vraie 19. La concurrence en prix conduit
donc les firmes à être plus agressives.
Les contacts multimarchés
C. Edwards en 1955 fut un des premiers à reconnaître que l’existence de
contacts sur plusieurs marchés pouvait réduire la concurrence entre les firmes et
encourager une coexistence plus que pacifique ("mutual forbearance"). Bernheim et
Whinston [1990] reprennent cette idée et démontrent que si les firmes et les
Signalons que Fraysse et Moreaux [1985] obtiennent un résultat similaire dans le cadre d’un
oligopole en quantités à horizon fini.
19 Martin [1993] montre que ce résultat est aussi vérifié pour des produits différenciés.
18
14
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
marchés sont identiques (ou symétriques) et la technologie est à rendement
constant, le contact multimarchés n'a aucun effet sur les possibilités de collusion.
Par contre, si on relâche l'une de ces trois hypothèses, le contact multimarchés
renforce la capacité des firmes à soutenir la collusion20. L’intuition est la suivante :
le contact multimarchés permet de grouper les contraintes incitatives des différents
marchés sur lesquels les firmes opèrent en commun. Les punitions en cas de
déviation sont beaucoup plus sévères car un déviant est puni sur tous les marchés.
Mais cet argument peut être retourné puisque le gain associé à une déviation
multimarchés augmente parallèlement. L'effet punition positif l’emporte alors sur
l’effet déviation négatif s’il existe une asymétrie au niveau des firmes ou des
marchés ou si les rendements ne sont pas constants. A travers le contact
multimarchés, les firmes transmettent leur capacité d’entente, des marchés
porteurs de collusion, vers les marchés où la collusion est plus fragile21.
A titre d’illustration, considérons deux marchés de biens homogènes ayant
la même demande. Sur le marché A, nous avons deux firmes notées A1 et A2. Sur
le marché B, nous avons trois firmes notées B1, B 2 et B3. Les firmes identiques en
coût se font concurrence en prix dans le cadre d’un jeu infiniment répété. Enfin,
nous supposons que les firmes peuvent détecter parfaitement toute déviation
(φ=1) et réagir rapidement (τ=1).
Evaluons les conditions de stabilité de la collusion sur les deux marchés.
Le facteur d’actualisation seuil 22 est égal à 1/2 sur le marché A et à 2/3 sur le
marché B. Si le facteur d’actualisation des firmes est compris entre 1/2 et 2/3, la
collusion ne peut être soutenue que sur le marché A. Maintenant, supposons que
les firmes A1 et B1 ne forment qu’une firme notée 1 et que les firmes A2 et B2 ne
forment qu’une firme notée 2. Le contact des firmes 1 et 2 sur les deux marchés
Voir Harrington [1987] pour une application du contact multimarchés en horizon fini.
Scott [1991] défend l’idée que le contact multimarchés faciliterait aussi la convergence de vue
de firmes hétérogènes et diverses, parce que les firmes en contact se connaissent mieux et qu’elles
peuvent s’attribuer des sphères d’influence (partage tacite des marchés) pour surmonter leurs
asymétries. Chaque firme serait en situation de quasi monopole dans sa sphère d’influence,
fixerait le prix qu’elle désire et capterait la plus grande partie de la demande. Les autres firmes
ne chercheraient pas à augmenter leur faible part de marché par des baisses secrètes de prix,
pour ne pas s’exposer à des représailles dans leurs sphères d’influence.
22 Le facteur seuil est calculé à partir de la formule suivante
δ = ( n −1) n (cf. le paragraphe
20
21
précédent sur la concentration de l’offre.
15
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
peut faciliter la collusion sur le marché B, si les deux firmes acceptent une plus
petite part des profits collusifs sur ce marché. Supposons qu’elles soient prêtes à
recevoir chacune sur le marché B une part de marché λ, leur facteur seuil est
alors égal23 à (3-2λ)/4. Le facteur seuil de la firme B3 quant à lui est égal24 à 2λ.
Le facteur d’actualisation seuil sur le marché B est alors le maximum des trois
facteurs seuils. Il a une valeur minimum égale à 0.6 lorsque les facteurs
individuels seuils sont égaux, c’est à dire lorsque (3-2λ)/4=2λ, soit λ=0.3. Le
contact multimarchés permet donc de réduire le facteur seuil sur le marché B de
2/3 à 0.6 . En acceptant de diminuer leur part de marché en faveur de la troisième
firme, les deux firmes multimarchés transfèrent une partie de leur capacité
d’entente sur le marché A vers le marché B.
Ces résultats ont été validés par des expériences de laboratoire (Phillips et
Mason [1992]) et par des études économétriques (Heggestad et Rhoades [1978],
Scott [1982]). Dans le secteur aérien, Kessides et Evans (1991) et Barla (1991) ont
obtenu un effet significatif et positif du contact multimarchés sur le prix des billets
d’avion. Chaque compagnie se retient de lancer une politique agressive de prix sur
certaines lignes de peur des représailles sur son réseau.
La nature des biens
Lorsque les biens sont différenciés, le gain net d’une déviation ( πdi − πci )
diminue et le profit à l’équilibre concurrentiel πip augmente. La différenciation se
traduit par des punitions moins sévères mais aussi par des gains de déviation
moins élevés. L’effet net est a priori indéterminé d’autant qu’il existe différentes
formes de différenciation.
Dans un modèle de différenciation horizontale (à la Hotelling) avec coûts
de transports quadratiques, Chang [1991] montre que les possibilités de collusion
diminuent à mesure que les firmes se rapprochent l’une de l’autre. Autrement
23
24
m
m
Formellement, nous avons δi = 2π − (0.5 + λ)π i=1,2.
2πm − 0
m
m
Formellement, nous avons δ3 = π − (1 − 2 λ)π
πm − 0
16
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
dit, le facteur d’actualisation seuil croît lorsque les biens deviennent plus
substituables. La hausse du gain net de déviation liée à une plus grande
proximité des firmes domine toujours le renforcement des punitions. De plus, il
montre que le facteur d’actualisation seuil diminue lorsque les coûts de transport
s’élèvent. En somme, si des biens homogènes facilitent la convergence de vue
dans la phase d’accord, des biens différenciés horizontalement présentent
l’avantage de faciliter l’exécution de la collusion 25.
En différenciation verticale, Häckner [1994] démontre que la collusion est
plus facile si les qualités des biens sont proches. En effet, une trop grande
asymétrie en qualité n’incite guère la firme de haute qualité à coopérer.
L’existence d’un coût de changement de fournisseur (switching cost) est
aussi une forme de différenciation des biens (Klemperer [1989]). Plus ce coût est
élevé et moins les déviations sont profitables. En effet, une firme qui souhaite
attirer les clients des firmes rivales doit proposer des baisses de prix plus élevées.
Les possibilités de collusion sont donc une fonction croissante du coût de changer
de fournisseur.
Les caractéristiques de la demande
La transparence et la régularité des transactions sur les marchés facilitent
la collusion, car elles augmentent la probabilité de détection des déviations (φ) et
réduisent le temps de réaction (τ). Sur un marché transparent, les firmes sont
conscientes qu’elles seront immédiatement détectées en cas de déviation. De
même, les déviations sont moins profitables si les clients passent de fréquentes
commandes, car les punitions peuvent être déclenchées après un laps de temps
très court. Si les transactions sont irrégulières ou très espacées, les punitions
perdent de leur efficacité.
La dispersion de la demande est aussi un élément qui facilite la collusion.
Stigler [1964] défend l’idée que les incitations à proposer des rabais secrets à une
multitude de petits acheteurs sont faibles car ces baisses de prix ont peu de
25
Voir aussi Ross [1992], Deneckere [1983] et Häckner [1996] sur cette question.
17
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
chances de rester secrètes26. De plus, l’existence d’un grand nombre d’acheteurs
justifie souvent l’usage de prix affichés publiquement (posted prices), ce qui rend
les déviations parfaitement observables. En revanche, si les clients sont peu
nombreux, les prix peuvent être négociés et les baisses de prix sont plus difficiles
à détecter. Une concentration de la demande peut aussi se caractériser par des
commandes importantes qui incitent les vendeurs à proposer des rabais pour
décrocher le contrat 27. Pour toutes ces raisons, la dispersion de la demande est un
facteur favorable à la collusion.
La variabilité de la demande et les guerres de prix :
La manière dont varie la demande au cours du temps est déterminante
pour la collusion. Un marché dont la demande est croissante est caractérisé par
une forte préférence des firmes pour le futur. Les perspectives de profits élevés
dans les périodes futures renforcent le coût attendu des punitions et conduisent
les firmes à être plus coopératives.
Halthiwanger et Harrington [1991] dans un modèle de demande cyclique
concluent que pour un même niveau de demande, la collusion est plus difficile à
soutenir en période de récession (partie descendante du cycle) qu’en période de
croissance (partie ascendante). En effet, si le gain net d’une déviation est le
même dans les deux cas, la sévérité des punitions en revanche est plus grande en
période de croissance. Les auteurs prédisent donc que les guerres de prix ont une
probabilité plus grande d’apparaître au début d’une période de récession28. De
Soit ϕ la probabilité que les firmes rivales entendent parler d’une baisse secrète de prix offerte
à un client. Si une firme propose une telle baisse de prix aux m clients sur le marché, la
probabilité que les firmes détectent au moins une des ces offres est égale à 1- (1-ϕ)m. Lorsque m
augmente, cette probabilité se rapproche de un.
27 Notamment lors d’appels d’offres importants, la collusion peut être difficile à soutenir .
Toutefois, si les appels d’offre sont répétitifs, les firmes peuvent s’arranger pour gagner à tour de
rôle. Pour une analyse des marchés d’enchères, on peut consulter Hendricks et Porter [1989]. Ces
derniers montrent que selon la nature des biens et les règles d’enchères, les incitations à la
collusion seront plus ou moins fortes.
28 Ce résultat contraste apparemment avec celui de Rotemberg et Saloner [1986]. Selon ces
derniers, les périodes de boom sont caractérisées par une plus grande probabilité d’observer des
guerres de prix. Ce résultat est un peu trompeur. Il vient d’une représentation simpliste des
cycles économiques : les auteurs supposent qu’à chaque période, la demande est soit forte (période
de boom) soit faible (période de récession) selon une probabilité indépendante de l’état précédent.
26
18
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
plus, si les firmes parviennent à maintenir leur entente durant tout le cycle, on
devrait observer d’une part des profits pro-cycliques atteignant leur maximum un
peu avant la fin de la période de croissance et d’autre part des prix collusifs procycliques pour des facteurs d’actualisation élevés et des prix contra-cycliques pour
des facteurs d’actualisation moyens. Ces prédictions ont été testées par
Borenstein et Shepard [1996] sur le marché des stations services aux U.S.A. Ils
constatent que les marges des stations services augmentent lorsque la demande
anticipée augmente (profits pro-cycliques) et diminuent lorsque le prix anticipé
des inputs augmente. Ce dernier résultat est conforme aux prédictions car une
hausse des coûts de production diminue le coût attendu des punitions à l’instar
d’une baisse de la demande.
Lorsque les firmes n’observent pas les choix de leurs rivales, toute
variation inattendue de la demande est un facteur d’instabilité pour la collusion.
En effet, à la suite d’un choc négatif sur la demande, les firmes peuvent
interpréter à tort une baisse de leurs profits comme le résultat d’une déviation.
Green et Porter [1984] ont montré que l’existence d’une collusion en information
imparfaite se caractérise par des guerres de prix accidentelles déclenchées par des
chocs négatifs sur la demande et non par des déviations réelles 29.
Ellison [1993] à partir des données sur le célèbre cartel ferroviaire JEC
confronte les prédictions des théories de Green-Porter et d’HalthiwangerHarrington. Ses estimations semblent donner plus raison à Green et Porter qu’à
Halthiwanger-Harrington30.
Tout
comme
Porter
[1983],
l’auteur
montre
Ces variations aléatoires de la demande génèrent plus d’incitations à dévier dans les périodes de
boom, puisque les firmes s’attendent en moyenne à des profits plus faibles à la période suivante.
Chez Rotemberg et Saloner, une période de boom est le début d’une récession !
29 Le modèle de Green et Porter conduit en fait à quatre prédictions distinctes :
i) des guerres de prix apparaissent périodiquement
ii) ces guerres sont déclenchées à la suite de mauvaises nouvelles pour les firmes (baisse de leurs
profits, de leurs parts de marché ou du prix de marché)
iii) aucune firme ne propose de baisses secrètes de prix ou ne dépasse son quota de production.
iv) la durée et la sévérité des punitions est indépendante de l’importance de la mauvaise
nouvelle.
Porter [1983] teste la première prédiction et Porter [1985] la deuxième prédiction sur le cartel
ferroviaire JEC.
30 En fait, cette étude ne permet en aucun cas de rejeter une des deux théories, mais seulement de
tester la structure d’information des firmes. Les estimations de Ellison valideraient simplement
l’hypothèse que les firmes ayant participé au cartel ferroviaire JEC observaient imparfaitement
les actions rivales.
19
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
l’existence alternée de phases de collusion et de guerres de prix déclenchées par
une demande non anticipée élevée.
La collusion est aussi difficile à soutenir lorsque la demande connaît des
changements structurels que les firmes n’observent pas directement. Dans un tel
contexte, Slade [1989] s’attend à des guerres de prix dont le rôle serait d’inférer
les nouveaux paramètres de la demande. Cet apprentissage est modélisé comme
une série de réactions continues et dynamiques aux prix des rivaux31. Slade
prédit que les guerres de prix sont toujours plus sévères après une baisse
structurelle de la demande et se caractérisent par des prix plus dispersés et plus
volatiles. Slade [1987, 1992] a testé ce modèle sur le marché des stations services
à Vancouver32. Elle apporte la preuve d’une grande volatilité et d’une grande
dispersion des prix pendant la guerre de prix qui eut lieu durant l’été 1983 et
identifie des fonctions de réactions continues, asymétriques.
Evidences empiriques sur des cas officiels de collusion :
De nombreuses études ont été consacrées aux caractéristiques des
industries poursuivies par les autorités concurrentielles pour entente. A partir de
données américaines et canadiennes, Spence [1978] fait ressortir comme facteur
significatif, une offre concentrée et une demande dispersée et faiblement
variable. Hay et Kelley [1974] sur des données américaines concluent que la
concentration et l’homogénéité de l’offre sont les principaux traits communs à
toutes les affaires de collusion33. Glais [1993] sur des données françaises et
européennes souligne comme autres traits, l’existence de barrières à l’entrée, des
Jusqu’à présent, les modèles de collusion présentés étaient fondés sur des fonctions de réaction
discontinues (retour à l’équilibre de Nash en cas de punition). Voir Friedman et Samuelson
[1990,1993] et MacLeod [1985] pour des approches de la collusion avec des fonctions de réactions
continues.
32 Ses données hautement désagrégées ont été recueillies en 1983 au moment où le prix de
l’essence aux Etats Unis était passé en dessous du prix au Canada entraînant une baisse
structurelle forte de la demande. Voir Slade [1986, 1990b] sur d’autres tests économétriques à
partir de ces mêmes données.
33 Voir aussi Fraas et Greer [1977] et Dick [1996]. Ce dernier s’interesse aux facteurs qui
expliquent la stabilité des cartels d’exportation qui sont des ententes légales auto-exécutoires. La
durée de vie de ces cartels s’explique entre autres par la concentration de l’industrie et l’existence
de contacts multi-marchés.
31
20
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
coûts fixes élevés et l’appartenance à des secteurs en amont (ciment, sidérurgie,
chimie, papier carton).
En résumé, les facteurs qui facilitent la collusion tacite peuvent être
classsés en deux catégories (certains facteurs pouvant appartenir aux deux) :
- les facteurs qui facilitent la convergence de vue (l’homogénéité des biens, la
symétrie des firmes, la concentration de l’offre, les barrières à l’entrée,
l’absence d’innovations majeures,...)
- les facteurs qui réduisent les incitations à dévier (la transparence du marché,
la dispersion, la régularité et la croissance de la demande, les contacts
multimarchés...).
Par l’adoption de certaines pratiques ou par des investissements
stratégiques, les firmes peuvent donner au marché une structure porteuse
d’incitations à la collusion. Ces pratiques et investissements peuvent renforcer la
symétrie, la transparence ou les barrières à l’entrée. Dans la section suivante,
nous présentons les principales pratiques facilitant la phase d’accord d’une
collusion, puis nous proposons une méthode d’évaluation des investissements
stratégiques qui peuvent faciliter la phase d’exécution.
Section 4. Pratiques et investissements stratégiques
4.1. Les pratiques facilitant les accords de collusion
Les échanges d’information et les associations professionnelles
Les échanges d’informations sont souvent incontournables lorsque les
firmes souhaitent parvenir à un accord de collusion. Ces échanges peuvent se
faire au cours de réunions, de déjeuners entre les dirigeants ou par
l’intermédiaire d’associations professionnelles. Ces dernières ont pour objet
principal de représenter les intérêts d’une industrie auprès des pouvoirs publics.
21
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Mais, elles peuvent servir à collecter et à diffuser des informations sur les prix,
les quantités, les coûts de leurs membres 34. De plus, les études conjoncturelles
qu’elles réalisent sur les tendances du marché, sur les perspectives de croissance,
et les conseils qu’elles donnent aux firmes sur les stratégies et les technologies à
adopter, concourent à une plus grande concordance dans les anticipations et dans
les choix des firmes. De manière moins formelle, les déclarations publiques dans
la presse, les annonces de prix à l’avance permettent aux dirigeants de signaler
leurs intentions et de parvenir à un accord. Si une annonce ou une déclaration est
suivie par des annonces ou des déclarations similaires des autres firmes, l’accord
est immédiat et parfaitement tacite 35.
La standardisation :
Les firmes peuvent simplifier les termes de l’accord en encourageant la
standardisation des produits et des technologies par des projets communs de
recherche et développement ou par des échanges de licences. Si les firmes ne
peuvent pas homogénéiser parfaitement leurs produits, elles peuvent toujours
uniformiser ou « standardiser » les prix. Par exemple, lorsque les firmes diffèrent
dans leur localisation, un accord sur les prix est très complexe. Le système des
points de parité 36 est alors une formule de calcul qui permet à toutes les firmes
d’annoncer le même prix à un client. Ce prix correspond au prix du bien plus les
coûts de transports entre une base commune à toutes les firmes et le lieu de
résidence du client.
Lorsque les biens sont produits à la commande ou comportent de
nombreuses variantes, les firmes peuvent se mettre d’accord sur les prix de
chaque composante ou caractéristique. La collusion ne porte pas sur le prix final
mais sur la facturation de la main d’oeuvre et des inputs.
Les associations professionnelles peuvent avoir accessoirement un rôle actif dans l’exécution
des accords en se chargeant de la détection des baisses secrètes de prix.
35 Si des désaccords apparaissent, les dirigeants peuvent toujours se réunir pour discuter, se
concerter ou négocier selon l’ampleur des divergences.
36 En anglais, basing point pricing. Voir Haddock [1982], Thisse et Vives [1992].
34
22
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Les pratiques facilitant l’ajustement des accords de collusion :
Les pratiques énumérées précédemment ont pour but de réduire les
divergences d’appréciation des firmes et de simplifier les termes de l’accord.
Toutefois, les conditions économiques et technologiques qui prévalaient au
moment de l’accord changent au cours du temps. Les firmes peuvent maintenir
leur accord actuel malgré ces changements si la recherche d’un nouvel accord est
coûteuse et aléatoire. La collusion pourrait donc se caractériser par une plus
grande rigidité des prix 37.
Les firmes peuvent aussi opter pour des ajustements fréquents de l’accord
collusif. Un ajustement explicite conduit les firmes à des discussions et des
réunions régulières avec le risque d’éveiller les soupçons des autorités de la
concurrence. Les firmes peuvent alors préférer des règles tacites d’ajustement des
prix. Par exemple, elles peuvent adopter une règle de calcul des prix consistant à
ajouter aux coûts une marge fixe38. Ainsi, les firmes n’ont plus à se préoccuper
des variations de la demande 39. Seules les variations de coûts sont importantes.
Cette règle qui ne conduit pas aux meilleurs prix courants peut se révéler à long
terme plus profitable car elle minimise les coûts d’ajustements et les risques
d’échec de la collusion. Cette règle suppose toutefois que les firmes sont affectées
de manière identique dans leurs coûts.
Scherer mentionne un autre mode d’ajustement tacite fondé sur la notion
de point focal. Certains prix peuvent prendre selon Scherer une valeur de point
focal, c’est à dire de point de ralliement pour les firmes. En annonçant un prix
focal, une firme signale qu’elle ne dévie pas mais qu’elle s’ajuste aux nouvelles
conditions du marché. Ce signal peut être très utile lorsque les biens sont
différenciés ou les coûts sont asymétriques. Cela suppose toutefois l’existence
d’une convention entre les firmes sur ce qu’est un prix focal.
Scherer [1990] constate que cette rigidité des accords, conduisant à des prix sous-optimaux avec
le temps, s’observe dans de nombreux cartels comme l’OPEC.
38 Ce type de règle ne suppose aucune maximisation du profit. C’est une simple routine. En
anglais, c’est une « rule of thumb ».
39 Mieux elles n’ont même pas besoin de connaître parfaitement la fonction de demande.
37
23
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Le leadership en prix
Le mode d’ajustement tacite le plus connu est le leadership collusif en
prix40. Une firme reconnue comme le leader est chargée d’initier les changements
de prix (à la hausse ou à la baisse) qui sont aussitôt suivis par les autres firmes 41.
Rotemberg et Saloner [1990] montrent que ce mode d’ajustement peut être autoexécutoire si les firmes s’accordent à punir celles qui ne suivraient pas le leader.
Dans le cadre d’un duopole avec demande aléatoire, ils prédisent que le leader
dispose toujours de la meilleure information et que ses profits sont supérieurs
aux suiveurs. MacLeod [1985] démontre par une approche axiomatique qu’un
alignement parfait des suiveurs sur le prix du leader est une convention qui peut
soutenir une issue collusive unique et cohérente à chaque période lorsque les
firmes ne connaissent pas les profits de leurs rivales.
Les pratiques dissuadant l’entrée :
En dernier lieu, les pratiques qui permettent de renforcer les barrières à
l’entrée ou d’exclure les firmes qui bloquent les accords de collusion, jouent un
rôle clé. Elles permettent de limiter le nombre de firmes participant à la phase
d’accord et de rendre le groupe plus homogène. Par exemple, l’intégration
verticale remplit ce rôle en augmentant les coûts de production des entrants
potentiels (Salop et Scheffman [1983]). De même, l’investissement en publicité, le
refus d’accorder une licence aux entrants peuvent aussi bloquer l’entrée.
Ces stratégies qui permettent de dissuader l’entrée et de faciliter la phase
d’accord, ont toujours été analysées dans un contexte de concurrence statique. Si
l’on considère une concurrence répétée, ces mêmes choix stratégiques peuvent
encourager l’entrée si les entrants anticipent une situation de collusion tacite. Ce
paradoxe s’explique par le fait que les choix qui élèvent les barrières à l’entrée
peuvent parallèlement faciliter l’exécution de la collusion. Nous développons ce
Voir Markham [1951] et Sleuwaegen [1986] pour une analyse des effets du leadership sur la
concentration du marché.
40
24
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
point en analysant le rôle des investissements stratégiques lors de l’exécution des
accords de collusion.
4.2 Effets des investissements sur les possibilités de collusion
Choix myope, choix stratégique :
Parmi les nombreuses décisions que les firmes sont appelées à prendre, il
est essentiel de distinguer les décisions d’ajustements et les décisions
d’investissements. Les décisions d’ajustements (par exemple sur les prix ou les
quantités) sont des décisions de court terme qui n’ont aucun effet direct sur les
profits futurs. Les décisions d’investissements sont des décisions de long terme
qui modifient la structure des firmes et leurs fonctions de profits. Une distinction
peut alors s’établir entre les investissements myopes et stratégiques.
Un investissement est myope si la firme ne prend en compte que l’effet
direct de cet investissement sur son profit courant. En revanche, il est
stratégique si la firme considère l’effet indirect ou stratégique sur les
comportements futurs des firmes rivales 42.
Dans les jeux stratégiques classiques, les firmes investissent initialement
dans une variable structurelle (technologie, capacité, publicité,...) puis se font
concurrence dans un cadre statique. Dans cette classe de jeux, deux motivations
principales peuvent guider les investissements stratégiques :
- la prédation : une firme peut sous-investir ou surinvestir pour diminuer les
profits des rivaux ou des entrants potentiels afin de provoquer la sortie ou
dissuader l’entrée.
Dans son chapitre 7, Scherer [1990] donne des exemples de leadership dans l’industrie
américaine de l’acier, des cigarettes, de l’automobile et des turbines électriques.
42 Dans un jeu répété classique, un comportement myope correspond à une répétition de l’équilibre
de Nash du jeu constituant. L’équilibre de Bertrand est donc la solution d’un ajustement myope
en prix et l’équilibre de Cournot la solution d’un ajustement myope en quantités. En revanche, un
équilibre de collusion tacite est le résultat de comportements stratégiques, chaque firme prenant
en compte les réactions futures des firmes rivales.
41
25
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
- l’accommodation : la firme accepte l’entrée ou l’existence de rivaux et peut sousinvestir ou surinvestir pour augmenter ses profits d’équilibre dans le cadre
d’une concurrence statique43.
Pour ce dernier motif, le terme de collusion apparaît souvent à tort pour
indiquer qu’un investissement stratégique augmente les profits concurrentiels
(c’est à dire les profits de l’équilibre de Nash du jeu statique). Cet abus de
langage est d’autant plus gênant que dans un processus de collusion tacite, les
punitions peuvent consister en un retour à l’équilibre concurrentiel. Une hausse
des profits concurrentiels diminue la sévérité des punitions et réduit les
possibilités de collusion ! Dans ces conditions, il nous apparaît nécessaire
d’introduire un troisième motif d’investissement stratégique qui serait la
collusion tacite. L’analyse de ce motif peut être menée dans le cadre de jeux
stratégiques répétés caractérisés par une phase initiale d’investissement, suivie
d’une phase de concurrence ou d’ajustements répétés (en prix ou en quantités).
Dans l’étape d’investissement stratégique, les firmes peuvent modifier la
structure du marché et la nature de la concurrence, en choisissant la localisation
de leurs usines, leurs capacités de production, en s’engageant sur des pratiques
commerciales. Ces investissements peuvent faciliter l’existence d’une collusion en
prix dans la deuxième étape du jeu, en jouant sur l’effet punition (punitions plus
sévères) et l’effet déviation (déviations moins profitables).
Deux types de jeux répétés stratégiques peuvent être distingués : les jeux
dans lesquels la collusion porte à la fois sur les variables d’investissement et sur
les prix (ou les quantités) et ceux dans lesquels la collusion ne porte que sur les
prix, les choix d’investissements se faisant de manière concurrentielle. Dans ce
dernier cas, nous parlons d’un modèle de semi-collusion ou de collusion partielle
pour reprendre l’expression de Friedman et Thisse [1993]. Une question
intéressante est alors de savoir si la solution d’un jeu semi-collusif est entre celle
d’un jeu stratégique classique (concurrence statique) et celle d’un jeu entièrement
Pour une présentation détaillée de ces deux motifs et pour des exemples d’application, voir
Tirole[1988] chapitre 8 et Shapiro [1989b].
43
26
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
collusif (collusion sur les investissements et les prix). Friedman et Thisse
concluent leur article en disant que « clairement les applications potentielles de
ce type de jeux sont nombreuses en organisation industrielle et les résultats
obtenus ici invitent à les explorer » (p.643).
4.3. Applications :
Parmi les décisions d’investissement susceptibles d’affecter les possibilités
de collusion, nous nous limitons aux clauses commerciales, aux fusions, aux
participations croisées, aux assurances collectives et aux capacités de
production44. Nous donnons le sens des effets punition et déviation liés à ces
investissements en nous appuyant sur les études existantes.
Les clauses commerciales
Dans la littérature, deux clauses commerciales ont fait l’objet d’une
attention particulière, la clause du client le plus favorisé et la clause du meilleur
prix45. Salop [1986] souligne les deux principaux effets anti-concurrentiels de ces
clauses 46. D’’une part, elles modifient les fonctions de profit des firmes et peuvent
transformer une issue collusive en une solution focale de coordination pure47.
D’autre part, elles améliorent la transparence du marché et facilitent la détection
D’autres décisions ont été analysées sous l’angle de la collusion : la recherche et développement
(Fershtman & Gandal [1994], les accords de licences (Lin[1996], Eswaran [1993]), les choix de
localisations (Häckner [1995], Friedman et Thisse [1993b], Chang [1991]).
45 Cet intérêt a été suscité par deux grands procès aux Etats-Unis dans l’industrie de l’éthylène et
dans celle des turbines électriques. Dans le cas de l’éthylène, Dupont et Ethyl furent poursuivies
pour usage anti-concurrentiel des annonces de prix à l’avance et des clauses du client le plus
favorisé (voir Hay [1994] pour une analyse de ce cas). Dans le cas des turbines, General Electric et
Westinghouse, outre l’offre de ces clauses, publiaient une liste détaillée des prix de chaque
composant, pour surmonter le problème de l’hétérogénéité du bien final.
46 Crocker et Lyon [1994] avancent que ces clauses peuvent aussi servir l’efficacité économique, en
facilitant les ajustements en prix dans les contrats de long terme. Ils montrent empiriquement
que dans les contrats de gaz naturel, l’adoption de ces clauses s’explique par une volonté de
flexibilité et d’efficacité contractuelle.
47 Elles peuvent transformer le point maximisant les profits joints en un équilibre de Nash en
stratégies dominantes.
44
27
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
des baisses de prix. Les firmes peuvent donc soutenir une collusion à l’aide de ces
clauses 48. En outre, ces clauses présentent l’avantage d’être juridiquement
exécutoires. Considérons de plus près le mécanisme des clauses du client le plus
favorisé (CPF) et du meilleur prix (MP).
Une clause CPF garantit à tous les clients qu’ils seront traités de la même
manière et se verront offrir le même prix et les mêmes avantages. Elle élimine
toute discrimination à l’encontre des clients. Cette clause peut être rétroactive si
elle garantit aux clients actuels qu’ils bénéficieront de toute baisse de prix qui
pourrait intervenir dans le futur (cette garantie est généralement limitée dans le
temps). Une clause CPF diminue donc le gain attendu d’une déviation en
interdisant des baisses de prix sélectives offertes aux seuls clients rivaux. En
effet, si une firme souhaite attirer de nouveaux clients, elle doit accorder les
mêmes concessions de prix aux clients actuellement sous contrat ou aux anciens
clients (clause rétroactive). L’effet déviation d’une clause CPF est clairement de
signe positif, ce qui favorise la collusion.
Toutefois, Cooper [1986] a démontré que l’adoption d’une clause
rétroactive49 réduisait l’intensité de la concurrence pour des biens différenciés et
menait à des profits concurrentiels plus élevés 50. L’effet punition est donc de signe
négatif et s’oppose à l’effet déviation.
Nous montrons en annexe que si les firmes offrent toutes une clause CPF
rétroactive, elles peuvent transformer le point de collusion en un équilibre de
Nash (le facteur d’actualisation seuil est alors égal à zéro). En revanche, si les
firmes n’offrent pas toutes cette clause, les possibilités de collusion diminuent,
Les expériences menées en laboratoire par Grether et Plott [1984] donnent de la consistance à
l’idée que ces clauses seraient proposées pour des motifs de collusion.
49 Voir aussi Besanko et Lyon [1993].
50 La plupart des modèles portant sur les clauses commerciales sont des jeux stratégiques
classiques dans lesquels les firmes choisissent dans une première étape d’offrir ou non une clause,
puis dans une seconde étape, choisissent leur prix sur une seule période (si clause instantanée) ou
sur deux périodes (si clause rétroactive). Dans les deux cas, la concurrence est modélisée sous la
forme d’un jeu statique et les motifs d’adoption d’une clause sont l’accomodation. Tirole [1988]
utilise la taxonomie animalière des investissements stratégiques pour décrire l’effet accommodant
d’une clause. « En rendant les baisses de prix futures coûteuses, une entreprise utilise une
stratégie rentable de ‘gentil chiot’ (puppy dog). Elle déplace vers le bas sa fonction de profit de
seconde période pour s’engager à fixer un prix élevé en seconde période (de façon à paraître
inoffensive) »p332. Comme les prix sont des compléments stratégiques, les rivaux augmentent
48
28
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
car celles qui n’offrent pas cette clause voient leur facteur d’actualisation seuil
augmenter. Ce dernier résultat souligne l’ambiguïté des approches statiques de
la collusion qui qualifient de « pratiques facilitant la collusion », des pratiques qui
élèvent les profits concurrentiels. D’un point de vue dynamique, ces mêmes
pratiques sont un obstacle à la collusion puisqu’elles réduisent la sévérité des
punitions.
Les clauses du meilleur prix (ou clauses anglaises) stipulent que si le client
trouve moins cher chez un rival, il informe son fournisseur qui choisit soit de le
laisser partir, soit de s’aligner sur le prix du rival 51. Une telle clause améliore la
transparence du marché et permet de détecter rapidement les baisses de prix en
utilisant les clients comme source d’information sur les prix. Certaines clauses
MP peuvent supprimer l’option de laisser partir le client et contraindre la firme à
suivre le prix du rival, voire à offrir un prix encore plus bas (beating clause). Les
consommateurs
sont
coutumiers
de
ces
publicités
qui
annoncent
le
remboursement de la différence si un client trouve moins cher ailleurs. Ce type
de clause rend toute baisse unilatérale de prix inutile puisqu’elle sera
automatiquement punie ou suivie par les firmes ayant adopté cette clause ; l’effet
déviation est donc de signe positif.
De plus, selon Salop ([1986], p281), « un vendeur qui fournit cette clause
peut augmenter son prix sans risquer de perdre des ventes à cause d’un rival qui
fixerait un prix plus bas. Les clients sont assurés de payer le prix le plus bas à
moins que toutes les firmes augmentent leurs prix. Ceci élimine les pertes
transitoires qui pourraient autrement dissuader une firme d’augmenter son prix.
Les gains transitoires des firmes rivales sont aussi éliminés et ces dernières n’ont
plus aucune incitation à retarder leur hausse de prix. ». La firme qui offre une
telle clause est transformée de facto en leader de prix et le point qui maximise les
aussi leurs prix. Le motif de collusion inciterait au contraire à ne pas proposer de clauses si l’on
ne considère que l’effet punition.
51 Tout comme le leadership, cette clause permet aux firmes de s’aligner, mais c’est un instrument
beaucoup plus efficace car il est juridiquement exécutoire.
29
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
profits joints peut devenir un équilibre de Nash. Salop insiste aussi sur le fait
que la combinaison des clauses CPF et MP rend la collusion encore plus facile 52.
Cooper [1986] fait remarquer que malgré leur intérêt stratégique, ces
clauses sont rarement utilisées, parce qu’entre autre les rabais offerts aux clients
sont rarement observables et enlèvent toute crédibilité à la garantie de meilleur
prix. De plus, l’inflation et les variations de qualité du produit rendent les clauses
rétroactives très coûteuses.
Les participations croisées :
La mise en place d’un système de participations croisées entre firmes peut
être porteuse d’incitations à la collusion. L’échange d’actions lie le sort et les profits
des firmes. Le profit de chaque firme revient en partie aux autres firmes. Dans le
cadre d’un duopole à la Cournot avec demande homogène, Malueg [1992] analyse
l’effet des participations croisées (symétriques) sur le facteur d’actualisation seuil.
Une hausse du niveau de participations croisées diminue le gain net d’une
déviation, parce que le profit d’une firme déviante est la somme du profit de
déviation et du profit de la firme victime, pondérée par les participations
détenues53.
Cet effet déviation de signe positif s’oppose à l’effet punition qui est de signe
négatif. En effet, une hausse des participations croisées augmente le profit noncoopératif (Reynold et Snapp [1986], Farell et Shapiro [1990]) et diminue la
sévérité des punitions. Lorsque la demande est linéaire ou concave, Malueg montre
que l’effet déviation l’emporte sur l’effet punition ; le facteur d’actualisation seuil
diminue avec le niveau de participations et la collusion est plus facile avec
participations que sans participation. Lorsque la demande est convexe, le résultat
est plus ambigu et pour des niveaux de participations élevées, Malueg constate
Voir aussi aussi les études de Logan et Lutter [1987] et Hviid et Shaffer [1994] sur les clauses
du meilleur prix et celles de Holt et Scheffman [1987] et Schnitzer [1994] pour une comparaison
de l’efficacité des clauses CPF et MP. Selon Schnitzer, les clauses MP seraient beaucoup plus
collusives que les clauses CPF.
53 Une hausse du niveau de participations croisées n’a aucun effet sur les profits collusifs, car les
participations sont symétriques. Les firmes s’échangent des parts identiques de leur capital.
52
30
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
même qu’une hausse des participations croisées diminue les possibilités de
collusion54.
Les fusions :
Les fusions, en réduisant le nombre de firmes, devraient a priori accroître les
possibilités de collusion. Davidson et Deneckere [1984] démontrent le contraire
dans le cadre d’une concurrence en quantité. Ils considèrent une industrie composée
de n firmes identiques en coûts. En cas de collusion, chaque firme reçoit un quota
de production égal à Qm/n où Qm est la quantité totale qui maximise les profits
joints de l’industrie. Si n* firmes décident de fusionner, Davidson et Deneckere font
l’hypothèse cruciale que les quotas de collusions ne sont pas renégociés. La nouvelle
entité obtient une part n*/n de la production et des profits collusifs et les firmes
extérieures à la fusion conservent chacune une part égale à 1/n. La fusion n’a donc
aucun effet sur les profits de déviation. En revanche, la fusion joue sur l’effet
punition, car en concurrence statique, la nouvelle entité est incitée à diminuer la
production de ses n* établissements et les n-n* petites firmes réagissent par une
hausse de leur production (Salant, Switzer et Reynolds [1983]). A l’équilibre de
Cournot, les firmes n’ayant pas fusionné ont un profit plus élevé qu’avant la
fusion55. Comme les punitions de Cournot sont moins sévères pour les n-n* petites
firmes, leur facteur seuil augmente avec la fusion et les possibilités de collusion
diminuent. Selon ce modèle, les fusions ne pourraient donc pas se justifier par un
motif de collusion.
Davidson et Deneckere étendent ce résultat aux jeux en prix avec contraintes
de capacités. Les n firmes disposent de capacités symétriques égales à k. Une fusion
ne modifie pas la répartition des profits collusifs, mais réduit la sévérité des
Notons toutefois que les possibilités de collusion sont toujours plus grandes pour une demande
convexe que pour une demande linéaire ou concave. En effet, pour une demande de type P(q)=(1Q)x (si x<1 la demande est concave, si x=1 la demande est linéaire et si x>1 la demande est
convexe) et pour un niveau de participations croisées donné, le facteur d’actualisation seuil
diminue avec x. Voir Malueg [1992] pour les détails de calcul.
55 A l’équilibre, les n-n* firmes produisent la même quantité et reçoivent le même profit que la firme
fusionnée.
54
31
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
punitions à l’encontre des firmes n’ayant pas fusionné. Là aussi les auteurs
montrent que les possibilités de collusion diminuent avec une fusion.
Les choix de capacités de production :
Le choix des capacités de production comporte une dimension stratégique. A
travers ce choix, les firmes peuvent par exemple dissuader l’entrée56 ou bien
faciliter la collusion. Sur ce second point, les économistes ont longtemps pensé que
des excès de capacité intensifiaient la concurrence entre les firmes (Spence
[1977]). Leur erreur était de considérer seulement l’effet des capacités
excédentaires sur les incitations à produire. A juste titre, Cowling [1983] souligne
que des capacités de production élevées rendent la concurrence en prix ruineuse
et incitent les firmes à s’entendre sur les prix.
La théorie des jeux répétés permet de relier ces deux arguments. Dans une
concurrence répétée en prix, des capacités excédentaires renforcent la sévérité des
punitions qui soutiennent la collusion tacite (effet punition positif), mais rendent les
déviations plus profitables (effet déviation négatif)57. A priori, on ne peut savoir
lequel des deux effets domine58 et les tests économétriques mesurant l’effet des
excès de capacité sur les marges des firmes donnent peu d’indications59.
Un test indirect consiste à regarder si les périodes de récession qui ont pour
conséquence de renforcer les excès de capacité sont favorables à la collusion.
Les choix de capacités ont essentiellement été traités dans cette optique (Dixit [1980], Gelman
et Salop [1983], Bulow, Geanokoplos et Klemperer [1985], Saloner [1985], Allen [1993]). La
question était de savoir quelle capacité devait choisir la firme en place pour dissuader l’entrée.
56
Lors de la constitution de stocks, les mêmes arguments peuvent être avancés (voir Rotemberg et
Saloner [1984]), à une différence près que les stocks correspondent à une menace de punition de
durée finie. Lorsque les stocks sont épuisés, la guerre de prix s’arrête.
58 De manière plus générale, on peut se demander si un accroissement des coût fixes par rapport aux
coûts variables favorise la collusion. D’un côté, le gain net d’une déviation augmente lorsque les coûts
variables sont plus faibles. De l’autre, des coûts fixes élevés rendent les représailles plus sévères.
Tout ce qui contribue à augmenter la part des coûts fixes (législation sur les contrats de travail,
intensification en capital,...) peut alors s’analyser sous cet angle.
59 Voir Esposito et Esposito [1974], Berg [1986], Rosembaum [1989], Inwand et Rosembaum
[1991].
57
32
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Plusieurs cas d’industries supportent une telle analyse60. Rees [1993] cite l’exemple
d’une collusion sur le marché anglais du sel dans les années 1980-84 où le taux
d’utilisation des capacités était inférieur à 70 % suite à un déclin de la
demande61. Le cas de la sidérurgie américaine dans les années 30 est aussi très
instructif. Selon Baker [1989], cette industrie a connu une collusion légale entre
1933 et 1935 (dans le cadre du National Recovery Act) et une collusion tacite entre
1935 et 1939 alors que le taux d’utilisation des capacités était souvent inférieur à
50%.
Sur le plan théorique, Brock et Scheinkman [1985] ont étudié les possibilités
de collusion dans un jeu infiniment répété en prix pour des capacités symétriques
exogènes. Lorsque le nombre d’entreprises est supérieur à 3, ils constatent une
relation non monotone entre les capacités des entreprises et les possibilités de
collusion. Cette relation est croissante puis décroissante. Les possibilités de
collusion sont moindres lorsque les entreprises ont des capacités faibles ou très
élevées.
Les assurances collectives et le partage des risques :
Lorsque les firmes font face à des risques d’accidents qui ont pour effet de
réduire la production, elles ont toujours la possibilité de mettre en place un
système d’assurance collective ou de partage des risques. Dekel et Scotchmer
[1990] ont démontré qu’une assurance collective contre les accidents de
production jouait négativement sur l’effet punition. En effet, les firmes ont
tendance à relâcher leurs efforts (risque moral), ce qui accroît la probabilité
d’accident et de baisse brutale de la production. Cette baisse de production
entraîne une hausse des prix profitables à toutes les firmes et peut largement
compenser les pertes communes liées à un accident. Dans ces conditions, un
Scherer [1990] donne aussi des exemples d’industries (ciment, équipement électrique,..) dans
lesquelles les excès de capacités ont déstabilisé la collusion.
61 Quatorze hausses de prix furent observées entre 1974 et 1984 alors que parallèlement les taux
d’utilisation des capacités passèrent de 84 % en moyenne (sur les années 74-79) à 67 % (sur les
années 80-84). Voir Phlips [1995] pour une analyse de ce cas.
60
33
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
partage des risques fragilise la collusion en réduisant la sévérité des punitions
(en augmentant les profits concurrentiels62). Les firmes auraient donc un intérêt
stratégique à assumer seules les risques d’accident si elles souhaitent s’entendre
tacitement.
Section 5 Conclusion
Il est essentiel de mentionner que cette analyse des effets des
investissements stratégiques sur les possibilités de collusion ne donne en aucun
cas les équilibres du jeu stratégique répété. Rien ne garantit que les firmes
choisiront le niveau d’investissement qui minimise le facteur d’actualisation
seuil. En effet, un équilibre du jeu complet suppose que l’investissement de
chaque firme soit une meilleure réponse à l’investissement des firmes rivales. Le
choix d’investissement qui émerge à l’équilibre varie selon la valeur du facteur
d’actualisation en vigueur sur le marché et selon que l’investissement est
indépendant ou partie intégrante de l’accord de collusion. Ce point peut être
illustré par le choix de la localisation.
Chang [1991] a démontré que les possibilités de collusion diminuaient à
mesure que les firmes choisissaient des localisations proches. Or, Friedman et
Thisse [1993b] parviennent à une solution dans laquelle les firmes choisissent
une différenciation minimale en se localisant au centre. Dans leur modèle,
l’accord collusif n’intervient qu’après les choix de localisation. Les firmes
choisissent les prix qui égalisent le rapport des profits collusifs et le rapport des
profits concurrentiels. Cette règle de proportionnalité incite les firmes à se
Dekel et Scotchmer nomment maladroitement collusion cette hausse des profits de Nash
provoquée par une stratégie de partage des risques. Leur papier propose une application aux
catastrophes pétrolières des dix dernières années.
62
34
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
rapprocher du centre pour obtenir une plus grande part des profits collusifs
même si une localisation centrale donne un facteur seuil maximal 63 (égal à ½).
Si les firmes avaient la possibilité d’intégrer le choix de localisation dans
l’accord collusif, alors elles pourraient soutenir tacitement une solution meilleure
en punissant les déviations de localisation 64.
Annexe :
Analyse de la clause du client le plus favorisé (CPF) rétroactive
L’offre d’une clause CPF rétroactive a deux effets opposés. D’une part, elle
joue négativement sur les gains de déviation de la firme qui offre la clause,
d’autre part, elle joue positivement sur les profits de punitions de toutes les
firmes (si le jeu est en prix).
Nous montrons que les possibilités de collusion sont maximales lorsque la
clause CPF est proposée par toutes les firmes et qu’elles peuvent être réduites
lorsque cette clause est seulement offerte par une firme.
Le modèle :
Nous considérons un duopole en prix avec demande différenciée. Lorsque
les firmes 1 et 2 choisissent les prix p1 et p2 , la demande de la firme 1 est
D1(p1,p2 ) et la demande de la firme 2 est D2(p1,p2). Nous supposons que les
fonctions de demande et de coût sont linéaires, c étant le coût marginal de
production. Les firmes ont la possibilité d’offrir une clause CPF valable sur deux
Ce que Friedman et Thisse n’ont manifestement pas vu. Selon ces derniers, « en minimisant le
degré de différenciation de leurs produits, les firmes peuvent soutenir la collusion en utilisant
l’intervalle maximal des facteurs d’actualisation. Une fois que la localisation (1/2,1/2) a été
choisie, les punitions pour déviation sont naturellement les plus sévères possibles du
modèle »(p.642). Mais, les déviations en (1/2,1/2) sont aussi les plus profitables du modèle si bien
que l’effet déviation négatif l’emporte sur l’effet punition positif !
64 Cette question est traitée dans Chang [1992]. Ce dernier considère aussi le cas où les firmes
peuvent se relocaliser après une déviation pour réduire la sévérité des punitions. Il montre que
63
35
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
périodes : la firme 1 garantit aux clients présents qu’en cas de baisse de prix à la
période suivante, elle remboursera la différence. En l’absence de clauses CPF, les
fonctions de réactions « myopes » sont continues et linéaires. Le point
d’intersection N correspond à l’équilibre de Bertrand du jeu sans clause CPF.
Offre d’une clause CPF par la seule firme 1
Si la firme 1 est la seule à proposer une clause CPF, sa fonction de réaction
est modifiée et dépend étroitement du prix annoncé initialement. Dans un
contexte de collusion tacite, nous supposons que les firmes choisissent
initialement les prix ( p1m , p 2m ) qui maximisent les profits joints (point M sur le
graphique 1.3). La demande de la firme 1 est q 1m =D1 ( p1m , p 2m ) et son profit de
première période s’écrit π1 ( p1m , p 2m ) .
Comme la clause CPF est valable sur deux périodes, la fonction de profit à
la seconde période s’écrit :
π1(p1,p2)
si
p1≥ p 1m
π1(p1,p2) - ( p 1m -p1) q 1m
si
p1 < p 1m
Cette fonction permet de tracer la nouvelle fonction de réaction de la firme
1 sur le graphique 3 et de déterminer le nouvel équilibre de Bertrand, étant
donné que la fonction de réaction de la firme 2 est inchangée.
Graphique 3 : Offre d’une clause CPF par la seule firme 1
Prix de la
firme 2
courbe de réaction de 1
pour la demande D1
courbe de réaction
de 1 pour D1 + q1 m
p2m
R2 =courbe de réaction de
2
M
les possibilités de collusion diminuent si les coûts de relocalisation sont faibles et il observe une
discontinuité entre le degré de différenciation et la valeur du facteur d’actualisation seuil.
36
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
p 2B
N
N’
R1 =courbe de réaction de 1
Prix de la
firme 1
p 1 m= p2 B
Si p1< p 1m , le profit de 1 est en fait égal à (p1 - c)(D1 (p1,p2 ) + q 1m ) - ( p 1m - c) q 1m .
Pour obtenir la fonction de réaction concernant des prix inférieurs à p 1m , seul le
premier terme (p1- c)(D1(p1,p2) + q 1m ) intervient. Selon Tirole ([1988], p332), « tout
se passe comme si la firme faisait face à la demande D1(p1,p2) + q 1m pour p1< p 1m .
Ainsi, sa réaction sera celle qui correspond à la demande D1(p1,p2) + q 1m chaque
fois que la réaction est strictement inférieure à p 1m , et celle correspondant à la
demande D1(p1,p2 ) chaque fois que cette réaction dépasse p 1m ». Pour de faibles
baisses de prix de la firme 2, la firme 1 préfère maintenir son ancien prix, car la
clause CPF rend une baisse de prix très coûteuse. Pour de fortes baisses de prix
de la firme 2, la firme 1 réagit mais moins fortement que ne l’aurait fait une
firme n’offrant pas de clause.
Le nouvel équilibre de Nash est le point N’. Il conduit à des prix et à des
profits plus élevés pour la firme 2 qu’à l’équilibre de Nash sans clause (N). La
firme 2 a alors de plus grandes incitations à dévier car les punitions qu’elle
encoure sont moins sévères.
Résultat A.1 : Dans le cadre d’une demande différenciée (fonction de réaction
continue), une offre unilatérale de la clause CPF réduit les possibilités de
collusion par rapport à la situation où aucune clause n’est offerte.
Dans le cadre d’un jeu répété, les clauses CPF ne sont pas nécessairement anticoncurrentielles. Ce résultat contraste avec les conclusions des modèles statiques.
37
Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
Offre d’une clause CPF par les deux firmes
Lorsque les deux firmes offrent une clause CPF et qu’elles annoncent
initialement les prix collusifs ( p1m , p 2m ) , les fonctions de réactions des firmes se
modifient comme précédemment. Pour chaque firme, une discontinuité dans les
profits marginaux apparaît au prix de collusion. Nous constatons sur le
graphique 4 que le nouvel équilibre de Bertrand correspond finalement au point
de collusion M.
L’adoption simultanée de la clause CPF a transformé le point de collusion
en équilibre de Nash. Les firmes n’ont plus aucune incitation à dévier une fois
qu’elles ont annoncé le prix de monopole et la clause CPF. En d’autres termes, le
facteur d’actualisation seuil des firmes est nul.
Résultat A.2 : Pour une demande différenciée, une offre conjointe de la clause
CPF transforme le point qui maximise les profits joints en un équilibre de Nash.
Graphique 4 : Offre d’une clause CPF par les deux firmes
Prix de la
firme 2
courbe de réaction de 1
pour la demande D1
courbe de réaction
de 1 pour D1 + q1 m
courbe de réaction
de 2 pour D2 + q2 m
R2
m
p 2 = p2
courbe de réaction de 2
pour la demande D2
M
B
R1
N
Prix de la
firme 1
p 1 m= p2 B
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Collusion et comportements dynamiques en oligopole : une synthèse
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