le courrier de la Nature 261 Bimestriel édité par la Société nationale de protection de la nature Mai-Juin 2011 - ISSN 0011-0477 Courrier des lecteurs Mortalité des abeilles : un phénomène complexe aux causes multiples Le Courrier de la Nature n° 259 se fait l’écho d’une réunion du réseau Biodiversité pour les Abeilles qui s’est tenue à l’ONU, au cours de laquelle il a été affirmé par les experts (présents) que « la mortalité des abeilles reste largement inexpliquée ». Les pesticides systémiques ne seraient tout au plus responsables que « d’intoxications accidentelles ». Pour preuve, dix ans après l’introduction du Fipronil et de l’imidaclopride, la situation continue de s’aggraver. Quant aux scientifiques français du CNRS et de l’INRA, ils se seraient donc « focalisés » à tort sur ces toxiques. Il suffirait donc de réaliser des jachères apicoles pour rétablir la situation. Cette perception ne me surprend pas mais me choque. Quels experts a-t-on entendus ? Depuis l’introduction des deux premiers produits systémiques : d’autres molécules systémiques ont-elles, oui ou non, été régulièrement mises sur le marché ? L’usage de ces systémiques s’est-il réduit ou s’est-il accru dans le monde entier ? Les semences vendues, ou celles utilisées pour produire des plants vendus en jardinerie, sontelles, oui ou non, enrobées ? Un jeune hérisson, issu d’une mise bas tardive, sollicite sa mère pour la téter (novembre 2010). Utilise-t-on, oui ou non, ces semences enrobées dans le milieu forestier ? Les populations des 1 000 espèces d’abeilles sauvages, autant que de nombreux autres invertébrés, sont-elles elles aussi en chute libre ? A la première question, les experts réunis au colloque Apimondia, qui s’est tenu à Montpellier en 2009, ont conclu dans un sens diamétralement opposé. Pour toutes les autres questions, la réponse est systématiquement « oui ». A lire ces lignes, le constat est simple. Les experts scientifiques français, italiens, américains, hollandais, et d’ailleurs, pourront continuer à démontrer combien la contamination à très faible dose par les neurosystémiques fragilise les abeilles en particulier, et les insectes en général, que c’est cette fragilisation, notamment du système immunitaire, qui favorise le développement de maladies aussi diverses que variées, que ce travail restera lettre morte tant que les intérêts des firmes seront supérieurs aux intérêts de la nature. Au moins, dans les années 1970 le DDT a été interdit avec bien moins de preuves scientifiques que nous n’en disposons aujourd’hui pour les neurosystémiques dont la toxicité est de 10 000 à 33 000 fois plus élevée pour les insectes que pour les vertébrés. La méthode Coué n’y changera rien. Quelle régression depuis cinquante ans ! Conflits d’intérêts : aucun. Christian Pacteau Référent Pesticides LPO Auteur d’Un Pacte Toxique Que va-t-on faire d’un terrain où vivent en liberté, depuis des années, des hérissons ? Oui, de façon inattendue, des hérissons ont gagné la capitale, probablement en suivant les talus de voies ferroviaires désaffectées (par exemple la petite ceinture) et ils ont trouvé çà et là des endroits favorables pour s’établir… Un de ces endroits se trouve en plein Paris, sur précisément un de ces talus surmontant des voies sans activité. Long d’environ 1 km, situé entre une esplanade limitée par une clôture barbelée et, en bas, par une route ouverte à tous mais décourageant les éventuels explorateurs par une végétation dense (en particulier des ronces), Photo Geneviève Renson EDITORIAL le courrier de la Nature édité par la Société nationale de protection de la nature et d’acclimatation de France Dix ans… association à but non lucratif fondée le 10 février 1854 reconnue d’utilité publique le 26 février 1855 Dix ans ont passé depuis que vous nous avez quittés*, Chère Mademoiselle Lapicque, et vous nous manquez plus que jamais. Dix années qui se sont écoulées comme un torrent de montagne. C’était hier que le soir, après le travail, nous refaisions le monde. Comment va-t-il aujourd’hui, le monde ? Ca grouille, ça chauffe, ça pullule et ça pollue toujours plus ! Mais rassurez-vous, le soleil se lève encore, courageusement, chaque matin. Sachez que vos affaires ont été réglées sans problème, mais il aura tout de même fallu sept ans pour y parvenir. La SNPN occupe jusqu’au dernier mètre carré les locaux de la rue Cels que vous lui avez donnés. Les réunions du conseil d’administration se tiennent encore dans votre pavillon et les débats sont toujours aussi enflammés lorsque l’on traite des grands sujets de la conservation de la nature. Ils sont plus posés lorsque l’on aborde les questions financières. Heureusement, votre générosité a grandement contribué à assurer la pérennité de la SNPN. Sans vous, notre association n’aurait pas vu la fin de cette décennie. Quant à Bretagne vivante, elle gère vos terrains de la baie de Launay au mieux des moyens que vous lui avez laissés. Et, puisque nous sommes entre nous, sachez que votre riche voisine de Ploubazlanec, Mme Liliane B… a bien des soucis. Sa fille l’accuse de dilapider sa fortune, d’autres d’avoir financé la campagne électorale du président de la République. Dommage que vous n’ayez pas eu le temps de lui exposer nos derniers projets de conservation, comme vous vouliez le faire avant votre départ ; son argent eut été mieux employé. Une dernière nouvelle : l’heure de la retraite a sonné pour moi. Cela me faisait rire, mais vous aviez en quelque sorte raison quand vous disiez qu’il faudrait dix ans pour trouver et former celle ou celui qui me remplacera. Je pars à la fin de ce mois d’octobre et je ne sais pas encore qui me succédera. Je vais donc quitter votre maison de la rue Cels où vous resterez présente comme vous le resterez dans le cœur de ceux qui vous ont connu. Si vivre c’est agir comme si l’on était éternel et aimer comme si chaque jour était le dernier, alors, malgré les peines et les souffrances, votre vie fut belle. 9, rue Cels, 75014 Paris Tél. 01.43.20.15.39 Fax. 01.43.20.15.71 [email protected] snpn.com om Directeur de la publication : Jean Untermaier Rédacteurs : Antoine Chatenet Marc Gallois Secrétaire de rédaction Mise en page : Stéphanie Hémery Assistante de rédaction : Nadejda Varfolomeeva Maquette : Maryvonne Dujardin Marc Gallois Prestataires extérieurs : Rédaction : Anne Lombardi, écrivain public Mise en page : Romain Sordello Impression : Imprimerie Jouve, 18, rue Saint-Denis, 75001 Paris Expédition : Documentation française Revue bimestrielle Prix du numéro : 5 € Abonnement annuel : 35 € (7 numéros) Somme réduite à 30 € pour les membres de la Société nationale de protection de la nature ayant acquitté leur cotisation annuelle. Cotisation 2011 : 25 € Edition : Octobre 2011 Commission paritaire n° 0912 G 82094 Dépôt légal : 4e trimestre 2011 © Copyright 2011 Société nationale de protection de la nature Les opinions émises dans Le Courrier de la Nature sont celles des auteurs ou de la rédaction. Elles n’expriment pas nécessairement le point de vue de la Société nationale de protection de la nature. La rédaction reste libre d’accepter, d’amender ou de refuser les manuscrits qui lui sont proposés. Les auteurs conservent la responsabilité entière des opinions émises sous leur signature. Imprimé sur papier écologique blanchi sans chlore Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 M. G. *Mlle Paule Lapicque est décédée le 8 octobre 2001 à l’âge de 91 ans. Voir Le Courrier de la Nature n° 197 page 3. 3 Courrier des lecteurs il a offert aux hérissons ainsi qu’à d’autres petits mammifères, à des gastéropodes, des oiseaux, des insectes, un habitat idéal pour se reposer, se cacher, se nourrir et se reproduire au sein d’un équilibre naturel. Cet équilibre fut brutalement détruit il y a quelques années par un arrosage de produits hautement toxiques, à l’initiative de la SNCF. Opération qui ne s’est pas reproduite grâce à quelques protestations énergiques, ce qui a permis le retour à cet équilibre naturel. Mais maintenant, voici des plans pour une urbanisation intense de quartiers voisins, voici des proclamations de « valorisation de la nature » par des animations diverses. Alors ? Outre les dangers actuels auxquels s’exposent les hérissons se risquant sur l’esplanade la nuit lorsqu’ils se trouvent en face de visiteurs nocturnes parfois accompagnés de chiens, il serait bien étonnant, vu que ces terrains du talus sont très convoités, que certains ne cherchent pas à se les approprier ou à s’entendre avec la SNCF (propriétaire du terrain) pour avoir l’autorisation d’y faire des aménagements selon leurs désirs. Avant que la moindre modification soit apportée à la nature sauvage de ce terrain, il est donc indispensable et urgent : 1) que soit réalisé par des scientifiques un inventaire faunistique et floristique ; 2) qu’on trouve une vraie association de protection de la nature (de préférence locale afin de pouvoir suivre l’évolution de la situation de près) qui puisse, au même titre que la SNCF et les demandeurs éventuels, participer aux rencontres et contrôler ce qui se fait sur ce talus, se référant à la loi qui punit de lourdes amendes et parfois même de peines de prison les responsables de la destruction d’espèces protégées (ce qu’entraînerait forcément la destruction de leur habitat). En plein Paris, un îlot de biodiversité spontané, c’est une richesse rare et précieuse. Il serait navrant de ne pas la préserver. Christiane Ruffier-Reynie Les personnes qui désireraient avoir des informations complémentaires ou qui, par miracle, auraient une solution à proposer, peuvent écrire au Courrier de la Nature. Dernière minute On a tué Cannelle pour la deuxième fois ! La décision gouvernementale de ne 4 pas lâcher une ourse, au printemps 2011 en Béarn, équivaut à signer l’arrêt de mort de l’espèce dans les Pyrénées occidentales, où elle n’a jamais cessé de cohabiter avec l’homme depuis la nuit des temps. Le refus de ce sauvetage « in extremis » du noyau occidental de l’ours brun est un reniement de la parole de l’Etat au niveau national (signature du contrat de charte en 2004, plan de restauration de 2006, annonce du renforcement en Béarn par Mme Jouanno en juillet 2010) et international. Ne pas apporter une femelle en Béarn, c’est accepter la disparition d’une espèce protégée, en danger d’extinction en France et sur le point de s’éteindre en Béarn, où ne subsistent que deux mâles. C’est porter un coup au patrimoine naturel et culturel du Béarn, où l’ours est le symbole d’une montagne pyrénéenne qui attire tous les ans des millions de visiteurs. Le FIEP Groupe ours Pyrénées qui milite depuis plus de trente ans « pour que l’ours et le berger puissent vivre ensemble dans les Pyrénées » est abasourdi face à une décision aussi incompréhensible qu’irrationnelle. C’est d’autant plus vrai que le CNPN a donné un avis favorable et que le ministère de l’Ecologie était pour ce renforcement en Béarn. Ce serait un arbitrage au niveau de la Présidence de la République qui aurait voulu « ménager » les syndicats agricoles au moment où une partie de la France était touchée par un printemps sec… Mais le Béarn a rarement connu une fin de printemps et un été aussi humide et avec autant d’herbe en montagne… A-t-on le droit de sacrifier un monument écologique vivant à des considérations électoralistes, à très court terme ? A-t-on le droit de sacrifier une espèce qui n’a fait que sept victimes parmi les ovins en Béarn en 2010, alors que les chiens, les maladies, les accidents, la concurrence étrangère, le manque de main d’œuvre, les réglementations draconiennes font de vrais dégâts auprès des éleveurs. Comment la France peutelle annoncer le 19 mai 2011 et communiquer sur une Stratégie nationale de la biodiversité (2011-2020) et le 1er juin faire le contraire sur le terrain là où sa responsabilité est engagée concrètement et à court terme ? La Ministre de l’Ecologie a eu beau annoncer le 6 juin, lors d’un déplacement dans les PyrénéesAtlantiques, que « Le programme d’introduction est gelé cette année, pour plusieurs facteurs, notamment conjoncturels (sécheresse, tensions), il reste complètement d’actualité pour 2012, compte tenu des engagements pris dans ce domaine par la France. » Qui peut imaginer qu’en 2012, en pleine campagne électorale, le gouvernement lâchera une ourse en Béarn ? Le FIEP et Cap ours ont écrit au Président de la République pour demander le renforcement à l’automne 2011, compte tenu du fait qu’il n’y a pas de sécheresse dans les Pyrénées… Source : Les Nouvelles Ours n° 93, revue éditée par le Fonds d’intervention Eco Pastoral (FIEP), Groupe Ours Pyrénées Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 261 SOMMAIRE Mai-Juin 2011 Courrier des lecteurs 2 Editorial 3 Dernière minute 4 Echos-Actualité : 6 Manifeste pour la recherche en ingénierie écologique - Des cigognes blanches abattues en Charente-Maritime - Les algues vertes ont tué 36 sangliers - Le grand tétras sur l’autel de la chasse - Les gorilles de montagne menacés dans le parc des Virunga - Les haploops de Bretagne - Les agrocarburants participent au réchauffement climatique - Destructions illégales d’oiseaux en Europe - Découverte d’un supergène du mimétisme chez le papillon Heliconius numata - Réintroductions d’aigles de Bonelli. Vie de la SNPN 16 Des plantes tropicales qui forment des mares : 20 les broméliacées-citerne. Un écosystème aquatique miniature capital pour la biodiversité par J.-F. Carrias, C. Leroy, R. Céréghino, A.-C. Lehours, L. Pélozuelo, A. Dejean & B. Corbara Les chiroptères et la forêt : de la connaissance à l’action ! Etat des lieux de leur prise en compte dans la gestion par Laurent Tillon & Audrey Tapiero 28 Réflexions sur les communautés hommes-singes par Chris Herzfeld 34 Les mares de nos campagnes 44 Agenda 46 Les rendez-vous nature de la SNPN 47 Bibliographie 48 Couverture : Inflorescence d’Aechmea mertensii. Photo Jean-François Carrias Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Société nationale de protection de la nature et d’acclimatation de France Association régie par la loi de 1901, fondée le 10 février 1854, reconnue d’utilité publique le 26 février 1855 SNPN, siège, 9, rue Cels, 75014 Paris. Tél. 01.43.20.15.39 - Fax. 01.43.20.15.71 E-mail : [email protected] Internet : http:\\www.snpn.com SNPN, réserve nationale de Camargue, La Capelière, 13200 Arles. Tél. 04.90.97.00.97 - Fax. 04.90.97.01.44 SNPN, réserve de Grand-Lieu, 15, rue de la Châtaigneraie, 44830 Bouaye. Tél. et fax. 02.40.32.62.81 Conseil d’administration Année 2011 Président : Jean Untermaier. Vice-présidents : Christian Jouanin, François Ramade, Pierre Pfeffer. Secrétaire général et trésorier : Michel Echaubard. Secrétaire général adjoint : Marie-Hélène Baconnet. Administrateurs : Philippe Bruneau de Miré, Gérard Charollois, Patrick Dierich, Lauriane d’Este, Jacques Fretey, Charles Genet, Jean-Marie Gourreau, Thomas Hermans, Stéphanie Hudin, Patrick Janin, Jean-Dominique Lebreton, Jacques Marinier, François Moutou, Jean-Marc Pons, Annik Schnitzler, Gilbert Simon, Gabrielle Thiébaut, Daniel Yon. Ce numéro du Courrier de la Nature comporte entre les pages 26 et 27 un encart « Société nationale de protection de la nature » de 4 pages numérotées de I à IV. Une agence photographique très nature partenaire du Courrier de la Nature. Nouvelle adresse : Gamma-Rapho 85, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris Tél. 01.73.00.70.70 5 ECHOS ACTUALITE Espèces invasives Création d’un Observatoire de l’ambroisie C’est ce qui a été décidé en juillet dernier par le ministère en charge de la Santé, dans le cadre du Plan national santé environnement 2, en coopération avec les ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie. Cet observatoire a pour mission de favoriser la coordination des actions de lutte menées contre cette plante hautement allergisante (cf. aussi Le Courrier de la Nature n° 259, p. 8) aux niveaux national, européen et international. Hébergé par l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), il répertoriera : les connaissances sur l’ambroisie et ses effets sur la santé et les milieux ; les actions de prévention, de lutte durable, de formation et d’information ; les données scientifiques et travaux de recherche. Observatoire de l’ambroisie, Agro Sup Dijon, Bâtiment Combe Berthaux, 26, bd du Docteur-Petitjean, BP 87999, 21079 Dijon. Pollution Halte aux insecticides, place au piégeage ! C’est l’objectif du programme ALTERPRO, mis en place par l’INRA et le centre national Plante & Cité dans le cadre du Plan Ecophyto 2018*. Ce programme vise à identifier les modalités optimales de contrôle de la chenille processionnaire du pin en milieu urbain par le piégeage. Cette technique, parmi les plus respectueuses de l’environnement, a déjà fait ses preuves en milieu forestier pour le piégeage en masse des papillons mâles et des chenilles. Les expérimentations en cours devraient aboutir en 2013 à un ensemble de préconisations. Source : INRA d’Avignon, Unité expérimentale Entomologie et Forêt méditerranéenne. www.paca.inra.fr/entomologie_ foret_med. * Le plan Ecophyto, adopté suite au Grenelle de l’environnement, vise à réduire de 50 % l’usage des produits phytosanitaires d’ici à 2018. 6 Manifeste Une ambition pour la recherche en ingénierie écologique Photo Sébastien de Danieli Le monde connaît aujourd’hui des bouleversements qui questionnent l’intelligibilité de l’ensemble du système Terre. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, l’Anthropocène, dans laquelle l’influence grandissante de l’homme semble conduire vers des crises inéluctables : perte rapide de biodiversité, épuisement des ressources, changements climatiques, maladies émergentes… Les phénomènes auxquels nous sommes confrontés comme les conséquences qu’ils engendrent s’expriment bien au-delà des échelles de décision classiques et leur appréhension échappe aux cloisonnements disciplinaires de la science. Si la question de l’environnement a pu être reléguée au second plan, à une période où la population était moins nombreuse, les perspectives démographiques actuelles et la globalisation socio-économique ont mis en évidence la finitude du monde et de ses ressources. Nous entrons dans une période de transition entre deux civilisations où l’un des enjeux majeurs est le pilotage de dynamiques environnemen- tales selon des trajectoires et vers des horizons choisis. Cela implique nécessairement une certaine maîtrise des processus du vivant à des niveaux d’intégration inhabituels (populations, communautés, écosystèmes, paysages). S’engager dans cette voie ne peut s’envisager sans un réarrangement des savoirs et des pratiques qui ne va pas de soi, mais qui ouvre des perspectives stimulantes faisant appel à de nouvelles dimensions de notre sens des responsabilités et à notre capacité à imaginer de nouvelles approches du monde. Dans le champ du vivant, trois éléments de contexte sont plus particulièrement à considérer. D’abord, la dégradation de la qualité de l’environnement qui implique pour les sociétés une adaptation permanente et multiple. Ensuite, la pression croissante sur les ressources qui contraint à en revoir les modes d’exploitation et à s’engager dans des politiques d’optimisation de leur gestion. Enfin, la dynamique des réglementations nationales et des accords internationaux (loi de 1976 sur la Ouvrage de protection de berge par technique de génie végétal sur un torrent de montagne. protection de la nature, Convention sur la diversité biologique, Directive cadre européenne sur l’eau, Directive « Habitat », lois Grenelle, obligation de compensation écologique, Plateforme internationale sur la biodiversité et les services écosystémiques…) qui impose la mise en œuvre de réponses opérationnelles de restauration et de compensation écologiques. L’urgence sociale des questions environnementales et l’intensité des pressions juridiques conduisent à engager des actions aujourd’hui malgré le déficit de savoirs génériques et prédictifs et d’un corpus de pratiques éprouvées. Ces savoirs et pratiques se rassemblent dans une discipline en émergence, l’ingénierie écologique, qui vise le passage d’une artificialisation incontrôlée de systèmes vivants à leur transformation explicite, maîtrisée et adaptative. L’ingénierie écologique désigne les savoirs scientifiques et les pratiques, y compris Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 empiriques, mobilisables pour la gestion de milieux et de ressources, la conception, la réalisation et le suivi d’aménagements ou d’équipements inspirés de, ou basés sur, les mécanismes qui gouvernent les systèmes écologiques. Elle fait appel à la manipulation, le plus souvent in situ, parfois en conditions contrôlées, de populations, de communautés ou d’écosystèmes, au pilotage de dynamiques naturelles et à l’évaluation de leurs effets désirables ou indésirables. C’est une ingénierie centrée sur le vivant envisagé comme moyen ou comme objectif de l’action. L’ingénierie écologique se déploie dans un champ scientifique et technique selon trois objectifs essentiels du développement durable : l’optimisation de la gestion des ressources naturelles, la restauration des milieux naturels dégradés, le pilotage de fonctions et de services écosystémiques. Elle fait appel aux sciences et techniques de l’ingénieur mobilisables pour l’évaluation des ressources, la prévention des catastrophes naturelles ou technologiques et l’atténuation de leurs effets. Elle intègre les modalités d’aménagement des territoires et d’organisation des activités économiques qui minimisent les impacts anthropiques sur l’environnement. Elle renvoie à la réhabilitation d’écosystèmes dégradés, à la réintroduction d’espèces, à la création de nouveaux écosystèmes durables ayant une valeur pour l’homme et pour la biosphère. Elle a également recours à la manipulation in situ de systèmes écologiques et à la mise au point d’outils biologiques pour optimiser la fourniture de services écosystémiques ou résoudre des problèmes de pollution. Elle implique enfin une analyse critique des finalités, des modalités et des conséquences de l’utilisation du vivant par les sociétés. En intégrant les dimensions éthiques, réglementaires, sociales, économiques, biologiques ou biogéochimiques de l’action sur l’environnement, l’ingénierie écologique pose une problématique qui abolit les frontières traditionnelles entre les sciences et qui fusionne recherche fondamentale et recherche appliquée. L’ingénierie écologique, apparue aux Etats-Unis il y a une quarantaine d’années, mais qui a des racines plus anciennes, par exemple dans les sciences forestières, a progressé lentement en France. Deux initiatives ont cependant permis de faire émerger une communauté scientifique concernée : le programme « Recréer la nature » lancé par le ministère chargé de l’Environnement (1995-2001) et plus récemment le programme interdisciplinaire de recherche IngecoIngecotech cofinancé par le CNRS et le Cemagref depuis 2007. Si ces investissements restent en deçà des enjeux, ils ont néanmoins permis d’acquérir une maturité conceptuelle sur un certain nombre de problématiques, de produire des Implantation de reines fondatrices de fourmis moissonneuses utilisées pour la restauration de la steppe de Crau. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 amorces de savoirs génériques pour le cadrage de l’action, d’identifier une communauté scientifique composée de chercheurs appartenant à plusieurs domaines et prêts à s’investir dans ce nouveau champ et, enfin, de structurer des réseaux associant scientifiques, praticiens et autres acteurs de la filière. Cette dynamique a été permise par l’excellence de la recherche française en écologie et disciplines associées, reconnue par la Stratégie nationale de la recherche et de l’innovation. Elle procède également d’une forte demande émanant principalement des collectivités publiques, relayée par un secteur professionnel en pleine expansion partout en Europe. Ce secteur, où les Petites et moyennes entreprises occupent une place dominante, est confronté à des systèmes vivants complexes et à un champ de contraintes changeant. Il est freiné dans son action quotidienne par la faiblesse des savoirs opérationnels disponibles et l’absence d’une formalisation des pratiques. Il exprime un fort besoin d’innovation qui Photo Renaud Jaunatre BONS ET MAUVAIS JOURS 9 juin 2011 : La Cour de justice de l’Union européenne condamne la France pour sa mauvaise gestion des populations de grand hamster d’Alsace. 20 juin 2011 : Le président kenyan, Mwai Kibaki, brûle 200 défenses d’éléphants – représentant 5 tonnes d’ivoire – saisies à Singapour en 2002 et dont les analyses ADN ont révélé que la majeure partie provenait d’éléphants braconnés en Zambie. 21 juin 2011 : Le Conseil des ministres de l’Environnement de la Commission européenne adopte ses conclusions sur la Stratégie Biodiversité 2020. Les Etats membres se sont entendus pour adopter les six objectifs de la Communication, mais ils n’ont pas su se mettre d’accord sur les 20 actions prioritaires et le financement nécessaire pour répondre à l’enjeu de la perte de biodiversité. 21 juin 2011 : A Toulouse, les associations refusent de participer à la réunion de la Stratégie pyrénéenne de valorisation de la biodiversité, en réaction à l’abandon par l’Etat du projet de lâcher d’une ourse dans le Béarn. C’était en effet lors de la présentation de cette stratégie en juillet 2010 que le Gouvernement avait annoncé la réintroduction d’une ourse en remplacement de Franska, morte suite à une collision routière. 30 juin 2011 : En Espagne, le directeur du Centre de récupération d’espèces menacées (CREA) et deux employés sont mis en examen pour délits contre la faune et la flore, falsification de documents publics et fraude aux subventions. La rubrique «Echos-Actualité» est réalisée avec la collaboration de Mme Jane Sabrier 7 ECHOS ACTUALITE Infrastructures routières Menaces sur la dernière forêt primaire européenne Le gouvernement roumain vient de donner son accord pour la construction d’une route nationale traversant deux aires protégées dans les montagnes des Carpates, alors que l’étude d’impact de ce projet sur le dernier pan intact de forêt en Europe tempérée (100 000 ha) n’aura duré que cinq jours ! Ce seraient 2 552 ha de cette forêt qui seraient compromis. Plusieurs organisations non gouvernementales ont donc décidé de porter plainte devant la Commission européenne. Source : WWF DanubeCarpathian Programme, Ottakringer Strasse 114-116, 1160 Vienne, Autriche. www.panda.org/dcpo. Zones humides Un guide juridique « Protection et gestion des espaces humides et aquatiques – Guide juridique d’accompagnement des bassins de Rhône-Méditerranée et de Corse » : tel est le titre intégral de ce guide paru en 2010 et aujourd’hui disponible en version numérique. Issu d’un partenariat entre Olivier Cizel, juriste membre du Groupe d’histoire des zones humides, le Pôle relais lagunes méditerranéennes et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, ce document complet et pédagogique aborde les différentes facettes des zones humides : délimitation, administration, types de protection, impacts… Près de 500 textes législatifs et réglementaires y sont ainsi commentés et complétés de différents éléments. Il est téléchargeable sur www.pole-lagunes.org. Source : La lettre du réseau Natura 2000, juin 2011. Cigogne blanche. 8 passe par la recherche mais aussi par l’ouverture de cycles de formation initiale, déjà engagé dans certains établissements, et par un accompagnement des professionnels en exercice (formation continue, organisation de l’expertise, diffusion des connaissances…). Une meilleure maîtrise de la complexité, nécessitée par la multiplicité des mécanismes qui sont à l’origine de la dynamique des systèmes écologiques et sociaux, est un point clé du développement de l’ingénierie écologique. La recherche se doit de contribuer à l’émergence, au renouvellement et à la validation des pratiques d’ingénierie écologique, elle seule peut permettre d’avancer vers un pilotage minimal de la complexité écologique et environnementale. L’essor actuel de l’ingénierie écologique constitue une occasion historique de valoriser les acquis français en écologie et sciences de l’environnement et de légitimer socialement un secteur scientifique qui invite à penser différemment le vivant et la place de l’humanité dans la biosphère. La recherche en ingénierie écologique est à même de fournir les connaissances nouvelles requises, de mobiliser et d’assembler les savoirs émanant de champs disciplinaires variés, de traduire les savoirs académiques en guides et en boîtes à outils pour l’action, d’énoncer des principes généraux à partir des retours d’expériences, de mettre en synergie savoirs et pratiques. Les communautés scientifiques des organismes de recherche et des universités ne pourront pas s’engager si elles ne sont pas soutenues au-delà des initiatives existantes qui ont clairement atteint leurs limites. L’ingénierie écologique se développera avec ou sans les communautés scientifiques françaises. Nous demandons donc instamment aux décideurs de la politique scientifique de mettre en place au plus tôt les structures et les mécanismes de financement qui permettront à la recherche en ingénierie écologique de contribuer à la révolution environnementale en cours. Ce document a été rédigé dans le cadre du Programme Interdisciplinaire de Recherche CNRS/ Cemagref Ingecotech-Ingeco par les participants au séminaire de Royaumont réunissant, du 14 au 16 décembre 2010, les responsables du programme, le Conseil scientifique d’Ingecotech, les responsables des réseaux AGEBIO, GAIE et REVER. Oiseaux protégés Des cigognes blanches abattues en Charente-Maritime Photo Yves Thonnérieux Sur les quelque 1 600 couples de cigognes blanches installés dans notre pays, la CharenteMaritime en abrite à elle seule 320 en 2011 (contre 150 en 2005), ce qui correspond à la deuxième population nicheuse française après celle du Haut-Rhin. Hélas ce constat positif d’un développement de la population est entaché de quelques bavures ! Quatre précisément la dernière semaine de juillet ! Ce sont en effet quatre individus morts qui ont été découverts autour de la ville de Saintes. Les autopsies ont révélé que ces décès n’avaient rien de naturel ni d’accidentel : les oiseaux ont été tués par balles ! L’Office national de la chasse et de la faune sauvage a dressé un procès-verbal d’infraction et une enquête est en cours. D’ores et déjà, la LPO a porté plainte contre X. La cigogne blanche est en effet une espèce protégée et sa destruction (ou celle de son nid) est passible d’une amende pouvant atteindre 15 000 euros et/ou d’une peine d’emprisonnement Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 pouvant aller jusqu’à un an. Malheureusement, ces actes ne sont pas isolés dans ce département. Parmi les autres espèces d’oiseaux victimes de malveillance, une cigogne noire (bien plus rare) avait ainsi été tuée en novembre 2010. Que reproche-t-on à ces grands échassiers ? La cigogne blanche est notamment accusée d’être responsable de la disparition des batraciens et même des hirondelles ! Balivernes ! En Charente-Maritime, pendant la période de reproduction, l’oiseau se nourrit essentiellement d’in- sectes mais aussi d’écrevisses de Louisiane. Cette espèce exotique envahissante peut constituer jusqu’à 95 % du régime alimentaire de notre cigogne blanche, qui participe ainsi activement à sa régulation ! Durant l’été, l’oiseau se tourne vers d’autres proies, les micromammifères, ce qui en fait un précieux auxiliaire des agriculteurs. Et, tout au long de l’année, il complète son alimentation de vers de terre. Aussi, si son comportement alimentaire opportuniste l’amène parfois à consommer une grenouille, les populations de batra- Algues vertes Mort de 36 sangliers Depuis le mois de juillet, l’opinion publique attend de savoir pourquoi 36 sangliers et un ragondin sont morts dans l’estuaire du Gouessant, dans les Côtesd’Armor en Bretagne. On croyait la situation clarifiée lorsque furent rendues publiques, dans la nuit du 5 au 6 août 2011, les analyses qui confirmaient la res- ponsabilité de l’hydrogène sulfuré émis par les algues vertes en putréfaction. Toutefois, nous reculons à nouveau légèrement depuis que, le 7 septembre dernier, l’Agence de sécurité sanitaire de l’environnement (Anses) a estimé cette hypothèse « hautement probable », sans pouvoir affirmer qu’il s’agissait du ciens sont bien plus menacées par la dégradation générale des zones humides et de la qualité de l’eau que par un long bec au bout d’un long cou ! Mais tous les prétextes sont bons pour justifier des actes injustifiables ! Au-delà de cette triste information, et si vous avez la chance d’observer des cigognes, n’hésitez pas à transmettre vos observations à la LPO, en précisant le nombre d’individus, la date, le lieu et les coordonnées de l’observateur. Source : LPO, Fonderies Royales, BP 90263, 17305 Rochefort Cedex. Tél. 05.46.82.12.34. www.lpo.fr. seul facteur. Jusqu’aux analyses d’août, la préfecture a avancé cette explication avec beaucoup de prudence pour ne pas directement mettre en cause le système agricole qui favorise la prolifération des algues vertes par l’emploi d’engrais azotés et par l’épandage d’effluents d’élevage. D’autres pistes ont été explorées comme l’ingestion éventuelle de poison ou de cyanobactéries. Cependant, les dernières analyses sur six des sangliers et sur le ragondin semblaient formelles. Espèces menacées Le lion de mer néo-zélandais en déclin Le lion de mer, Phocarctos hookeri, est le seul pinnipède autochtone de Nouvelle-Zélande, aujourd’hui considéré comme en danger. La reproduction a lieu dans deux îles sub-antarctiques au sud du pays : celle d’Auckland accueille 71 % de la population et celle de Campbell les 29 % restants. Mais, depuis 1998, la reproduction sur l’île d’Auckland a chuté de 40 %, les femelles ne retournant plus sur les aires de reproduction. La lente augmentation de la population sur l’île Campbell ne compense pas ce déclin rapide. Une étude récente a mis en évidence l’importance des facteurs humains dans cette baisse de la natalité, notamment les pêcheries, induisant une compétition pour les ressources alimentaires et des morts Photo Yves Thonnérieux par capture involontaire. Robertson B., Chilvers L. The population decline of the New Zealand sea lion Phocarctos hookeri : a review of possible causes. Mammal Review, Wiley-Blackwell, July 2011, DOI: 10.1111/j.13652907.2011.00186.x. Lions de mer. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 BONS ET MAUVAIS JOURS 1er juillet 2011 : Les organisations de la société civile kenyane mènent une manifestation pacifique à Nairobi pour protester contre la récente décision de leur gouvernement d’autoriser l’importation de maïs génétiquement modifié. 2 juillet 2011 : Un départ d’incendie a lieu sur le transformateur principal du réacteur n°1 de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme). 4 juillet 2011 : Quelque 120 sapeurs pompiers sont mobilisés près de Lacanau (Gironde) pour parfaire l’extinction des feux de tourbe ayant ravagé 330 ha. 4 juillet 2011 : Un maire de l’île de Kyushu au Japon autorise le redémarrage de deux réacteurs de la centrale installée sur sa commune, Genkai. 4 juillet 2011 : Les pêcheurs, mareyeurs, transformateurs, etc., sénégalais se sont réunis à Mbour pour dire leur inquiétude et leur colère contre le pillage de poissons par les navires étrangers. 6 juillet 2011 : Le gouvernement japonais annonce que les 54 réacteurs nucléaires du pays vont subir des tests de résistance par la Commission de sûreté nucléaire (NSC). 7 juillet 2011 : Suite aux marées vertes en Bretagne, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement) dénombre une trentaine de gaz dégagés par la putréfaction des algues vertes. 10 juillet 2011 : Des dizaines d’agriculteurs irakiens bloquent un poste frontière avec l’Iran pour protester contre le détournement par l’Iran de la rivière Wind qui alimente les cultures. 9 ECHOS ACTUALITE Loup Vers un protocole de tirs toujours plus souple Suite aux deux attaques de loup survenues en début d’été dans la vallée de l’Ubaye, la ministre de l’Ecologie a rencontré une délégation composée de deux députés alpins accompagnés de deux présidents de chambres départementales d’agriculture, d’élus et d’éleveurs ovins. Il a été décidé de proposer au prochain groupe national loup un ajustement du protocole existant, afin que les éleveurs situés dans une zone reconnue à risque défendent leur troupeau dès les premières attaques, sans autre procédure administrative. Source : Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. Le ragondin présente d’ailleurs un taux record d’H2S dans les poumons (2,45 mg/kg, soit plus du double du taux relevé chez le cheval mort en 2009). Les écologistes appellent donc à un raffermissement des mesures contre le phénomène des marées vertes qui a été révélé au public en 2009, suite à la mort du cheval. L’Etat et les collectivités ont en effet déjà lancé un plan pour le ramassage systématique des algues et la réduction des rejets azotés à l’origine de cette prolifération. Or certaines plages ne peuvent en réalité être nettoyées et certaines contraintes d’épandage ont été assouplies. C’est pourquoi Gilles Huet, délé- Grand tétras Sur l’autel de la chasse Photo Yves Thonnérieux Martinique Algues jaunes Alors que l’algue verte a encore causé des soucis sur les côtes bretonnes cet été, en Martinique c’est une algue jaune, Sargassum fluitans, qui s’est échouée en masse sur la côte atlantique. Même si cette algue produit aussi du sulfure d’hydrogène, à l’odeur nauséabonde, les quantités émises sont sans commune mesure avec celles de sa cousine tueuse en Bretagne. Néanmoins, par souci de précaution, sur la quinzaine de plages infestées, quatre ont été déconseillées par l’Agence régionale de la santé aux personnes sensibles ou souffrant d’affections respiratoires. Source : Newsletter ActuEnvironnement, www.actu-environnement.com. Réserves naturelles Classement à la Désirade Le 21 juillet, la Guadeloupe s’est enrichie d’un nouveau site naturel protégé avec le classement de 62 ha en Réserve naturelle nationale à la Pointe du Doublé, sur l’île de la Désirade. L’originalité et l’intérêt de cette nouvelle réserve résident notamment dans son patrimoine géologique avec un paysage volcanique étonnant, sculpté par l’érosion marine. Source : La Lettre des Réserves naturelles de France, n° 23. www.reserves-naturelles.org. 10 Grand tétras mâle en parade. Energie nucléaire Après la fission, la fusion ??? Alors que la catastrophe de Fukushima a soulevé la question du « Sortir du nucléaire » (cf. Le Courrier de la Nature n° 258), une enquête publique a débuté cet été autour du projet ITER. Cette installation d’un réacteur à fusion expérimental en région PACA voudrait tester cette nouvelle source d’énergie dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Hélas, si la recherche destinée à contrôler la fusion nucléaire a débuté il y a un demi-siècle, son avancement ne permet pas d’envisager de réacteur industriel dans ce domaine avant 2080. Impossible d’attendre jusque-là pour revoir notre rapport à l’énergie, sans compter les risques liés à cette technologie : déchets radioactifs à vie longue, risques d’explosion, risques sanitaires, risques pour l’environnement… Le tout pour un budget de quelque 15 milliards d’euros… Les crédits pour la recherche étant limités, n’y aurait-il pas d’autres voies qui permettent de financer un avenir moins incertain ? Source : France nature environnement. gué général de l’association Eau et rivières de Bretagne, a demandé au gouvernement de revenir sur son projet d’assouplissement des règles d’épandage, mais aussi que « l’Etat et les collectivités locales ferment toutes les plages où le ramassage ne peut être assuré ». Grands singes BONS ET MAUVAIS JOURS Les gorilles de montagne menacés par la quête du pétrole 11 juillet 2011 : Photo Yves Thonnérieux 11 juillet 2011 : Source : Agence France-Presse. C’est ce qu’estime l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) après la présentation de la stratégie nationale en faveur de cet oiseau par le ministère en charge de l’Ecologie. Si la rédaction de cette stratégie, lancée en 2009 pour protéger les dernières populations de coq de bruyère, a été confiée à des associations spécialisées, elle a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs du dossier et a été validée par le Muséum national d’histoire naturelle et le Groupe d’étude des oiseaux et de leur chasse (GEOC). Ce n’est pourtant pas cette version qui a été présentée au Conseil national de protection de la nature et soumise à consultation publique. En effet, selon l’ASPAS, deux pages auraient été modifiées, notamment concernant l’encadrement de la chasse de cette espèce (la France étant le seul pays d’Europe occidentale où le grand tétras est encore chassé !). Le 28 juillet, l’association dénonçait cette falsification de la stratégie et déposait plainte auprès de la Commission européenne. Ce même jour, le ministère de l’Ecologie démentait la falsification, mais reconnaissait une « erreur d’attention », précisant que le nouveau document aurait dû faire apparaître clairement que ses services avaient réalisé « un arbitrage » sur la question de la chasse par rapport au document initial. D’où l’intérêt de la concertation en amont ! Attendons maintenant le verdict de la Commission européenne. Mais notre pays n’est pas à une condamnation près en matière de biodiversité ! Source : ASPAS, BP 505, 26401 Crest Cedex. Tél. 04.75.25.10.00. www.aspas-nature.org. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Ouverture à Jersey de la 63e réunion plénière de la Commission baleinière internationale (CBI) qui statue sur la chasse à la baleine. La France lance un appel d’offres visant à installer 600 éoliennes offshore. 13 juillet 2011 : Greenpeace accuse les fournisseurs des fabricants Adidas et Nike de polluer les rivières chinoises. 13 juillet 2011 : Le Premier ministre japonais se déclare favorable à une sortie du nucléaire. 13 juillet 2011 : La Commission européenne adopte un projet de réglementation visant à réduire la flotte de pêche et le volume des captures. Le 17 mars dernier, le gouvernement de la République démocratique du Congo a suspendu temporairement une exploration pétrolière mise en œuvre par les compagnies Soco et Dominion Petroleum Ltd dans le Parc national des Virunga (le parc est situé dans l’est de la République démocratique du Congo et couvre en partie les montagnes des Virunga, près du Rwanda et de l’Ouganda) jusqu’à ce qu’une Evaluation environnementale stratégique (EES) soit conduite. C’est le WWF qui a lutté avec tous les moyens à disposition (interventions politiques, pétition…) pour faire échouer le projet qui mettait en péril un parc classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979. Cependant, la fondation se montre sceptique, car la partie est loin d’être gagnée avant que Soco et Dominion Petroleum abandonnent définitivement le projet qui menace en particulier une espèce déjà bien décimée : le gorille de montagne dont il ne reste que 500 individus dans le parc. En effet, depuis leur découverte un siècle auparavant, ces grands singes ont connu de nombreuses pertes dans leurs rangs sous l’effet du braconnage dû au commerce illégal d’animaux et à la chasse aux trophées. En outre, les maladies et la destruction de leurs bases existentielles ont accru la pression sur ces populations. Pourtant, une embellie se fait depuis une douzaine d’année grâce aux efforts conjugués du WWF et d’autres associations : leur population a ainsi augmen- Gorilles de montagne : mère et son bébé de 3 mois. té d’un septième. Il serait donc dommage que tous ces efforts soient réduits à néant par une prospection pétrolière pourtant interdite par la loi congolaise dans le parc. Source : WWF Suisse, Hohlstrass 110, Case postale, 8010 Zurich. www.wwf.ch. Energies renouvelables Certification des agrocarburants La Directive européenne sur les énergies renouvelables prévoit d’incorporer 10 % d’énergies renouvelables – agrocarburants principalement – dans les transports d’ici à 2020. Pour s’assurer que ces agrocarburants apportent vraiment un bénéfice à l’environnement, les économies de gaz à effet de serre qu’ils permettent devront être d’au moins 35 % et la culture de ces agrocarburants ne devra pas intervenir sur des surfaces actuellement en forêts ou en tourbières. C’est sur cette base que la Commission européenne a validé, en juillet dernier, les mécanismes de certification des agrocarburants « durables ». Mais, selon France nature environnement, ces critères ne tiennent pas compte du Changement d’affectation des sols indirects (le CASI), c’est-àdire le déplacement des cultures alimentaires, remplacées par les agrocarburants, vers des surfaces actuellement en forêt. La Commission européenne qui devait se prononcer sur ce CASI en juillet a reporté sa décision en septembre, sans retarder d’autant la validation des mécanismes de certification des agrocarburants. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Source : France nature environnement, www.fne.asso.fr. 18 juillet 2011 : Au Vietnam, des chercheurs de Conservation International (CI) indiquent qu’une colonie de 500 gibbons à joues blanches a été découverte dans les forêts du Pu Mat. 18 juillet 2011 : Le préfet des HautesAlpes annonce de nouvelles mesures face à la recrudescence des attaques de loups. 18 juillet 2011 : Le président du GIEC, Rajendra Pachauri, déplore que la pression des lobbies freine l’action des gouvernements et demande aux dirigeants d’étudier la science climatique. 19 juillet 2011 : Aux Etats-Unis, la météo nationale annonce une vague exceptionnelle de chaleur. Elle sera à l’origine de dizaines de décès. 24 juillet 2011 : Embarquement en France de plusieurs centaines de bénévoles pour compter les cétacés et observer le milieu marin de Méditerranée. Cette opération a aussi lieu en Italie, Tunisie et au Maroc. 11 ECHOS ACTUALITE Migration des oiseaux Un nouveau site d’observation dans les Pyrénées Outre les sites historiques d’Organbidexka, Lindux et Lizarrieta, qui sont suivis de façon systématique, une première opération a été menée à Urrugne (entre Hendaye et Saint-Jean-de-Luz) en 2010. Celle-ci a permis notamment de dénombrer, entre le 4 octobre et le 14 novembre, le passage de quelque 200 000 pigeons ! En 2011, c’est au Col du Soulor, dans les Hautes-Pyrénées, qu’un nouveau point d’observation a été mis en place, entre le 15 août et le 14 septembre, pour compléter les connaissances sur la migration transpyrénéenne des rapaces et des cigognes. Nous attendons les résultats ! Source : Organbidexka col libre, 18, rue des Bruyères, 40130 Cap Breton. Tél. 05.58.49.84.26. Récifs coralliens Lancement d’un concours en leur faveur C’est à l’occasion du Congrès français de la nature, organisé par le Comité français de l’UICN, qu’a été lancée, le 27 juin dernier, la Palme IFRECOR 2011. Cette première édition de ce concours national, initiative de l’IFRECOR, s’inscrit dans l’Année des outre-mer et s’adresse aux élus des collectivités françaises d’outre-mer ayant mené des actions exemplaires en faveur des récifs coralliens, herbiers ou mangroves sur leur territoire. Les candidatures sont attendues jusqu’au 10 octobre 2011. Pour en savoir plus : www.ifrecor.org. Milieu marin Les haploops de Bretagne Mais qu’est-ce donc qu’un haploop ??? Découverts dans les années 1980, les haploops sont de petits crustacés vivant dans des tubes composés de vase et de mucus qu’ils ont eux-mêmes façonnés et qu’ils ne quittent que pour se reproduire. Ils sont particulièrement abondants (20 000 individus par mètre carré) dans les fonds des baies bretonnes qu’ils tapissent sur des milliers d’hectares, créant ainsi des écosystèmes uniques. Afin de mieux connaître la biodiversité associée à cet habitat particulier et comprendre le rôle fonctionnel des haploops dans l’écosystème benthique breton, l’Ifremer a lancé en 2009 le projet PLOOPS. Les premiers résultats révèlent que l’arrivée des haploops conduit à une modification de l’écosystème, dans lequel la diversité augmente. La question est maintenant de découvrir par quels mécanismes ces petits crustacés proches de nos puces de plage modifient leur environnement. Pour ce faire, une campagne a été menée du 10 au 16 août derniers en baie de Concarneau, qui a permis d’effectuer des prélèvements à l’intérieur des pockmarks (cratères créés par des explosions de méthane) colonisés par les haploops. L’analyse en cours de ces carottages devrait permettre à la fois d’identifier les espèces présentes et de mesurer les différents paramètres environnementaux. Source : Ifremer. wwz.ifremer.fr/ institut. Photos Xavier Caisey /Ifremer Les agrocarburants mauvais pour le climat C’est ce que révèle une enquête de Greenpeace sur les composants des agrocarburants et leur provenance. Sur 92 échantillons de biodiesel prélevés dans neuf pays européens, les agrocarburants, présents jusqu’à hauteur de 7 %, ont été fabriqués presque exclusivement à partir d’huile de palme, de colza et de soja. Or la culture de ces espèces est en lien avec la déforestation et donc avec l’augmentation des gaz à effet de serre. Le biodiesel français se classe en outre parmi les plus néfastes dans ce domaine, dans la mesure où il est composé à environ 30 % de matières premières importées de pays tropicaux, ce qui alourdit encore plus son bilan carbone. Or le gouvernement de notre pays a prévu d’augmenter de 30 % l’utilisation de biodiesel d’ici à 2020. Pour que les résul- tats de ce recours aux « énergies renouvelables » ne soient pas contraires aux objectifs, Greenpeace demande à la Commission européenne de proposer une législation visant à éliminer tous les agrocarburants qui endommagent le climat au lieu de le protéger, en prenant notamment en compte la totalité des impacts des agrocarburants, y compris le déplacement des cultures alimentaires au détriment des espaces naturels (cf. également encadré p. 11). En haut : Haploop. En bas : Tubes construits par les haploops à Concarneau. La Réserve naturelle régionale du Val Suzon, d’une superficie de près de 3 000 ha, a en effet vu le jour le 27 juin dernier par classement du Conseil régional de Bourgogne. Essentiellement forestière, elle abrite notamment 14 espèces de chauves-souris. C’est la première Réserve naturelle régionale créée dans cette région. Source : La Lettre des Réserves naturelles de France, n° 23. www.réserves-naturelles.org. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. (JO du 14 juillet 2011) Natura 2000 Arrêté du 7 juin 2011 portant désignation du site Natura 2000 Bec d’Allier (zone spéciale de conservation). (JO du 13 juillet 2011) Photo Yves Thonnérieux Arrêté du 7 juin 2011 portant désignation du site Natura 2000 Dunes modernes du littoral landais de Capbreton à Tarnos (zone spéciale de conservation). (JO du 13 juillet 2011) Destructions illégales en Europe Du 6 au 8 juillet derniers s’est tenue à Chypre une conférence européenne sur les destructions illégales d’oiseaux sauvages, organisée par la Convention de Berne et le gouvernement chypriote. A cette occasion, BirdLife International a présenté un rapport synthétisant les données relatives à ces pratiques dans 38 des 50 Etats signataires de la Convention de Berne. Il en ressort que plus de 81 espèces d’oiseaux protégées restent victimes de destructions volontaires, dans la majorité des Etats européens, avec en tête l’Espagne, l’Italie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et la Roumanie. Mais ne nous réjouissons pas trop vite : notre pays n’est pas en reste. La France s’illustre notamment par le braconnage des bruants ortolans. Chaque année en Aquitaine, entre mi-août et fin septembre, ce sont entre 30 000 et 50 000 de ces petits volatiles – pourtant protégés depuis 1999 – qui sont capturés, soit l’équivalent des populations nicheuses du Benelux, de l’Allemagne, du Danemark, de la Tchéquie, de l’Autriche et de la Slovaquie réunies ! Un braconnage souvent lucratif, puisqu’un seul de ces oiseaux peut être vendu entre 100 et 150 euros, pour terminer AU JOURNAL OFFICIEL Gaz de schiste Source : Greenpeace, 13, rue d’Enghien, 75010 Paris. www.greenpeace.fr. Tél. 01.80.96.96.96. Oiseaux Réserves naturelles régionales Une première née en Bourgogne 12 Energies renouvelables Arrêté du 3 août 2011 portant désignation du site Natura 2000 VentilegneLa Trinité de BonifacioFazzio (zone spéciale de conservation). (JO du 23 août 2011) Eoliennes Décret n° 2011-984 du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées : inscription des éoliennes terrestres au régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). (JO du 25 août 2011) Eaux de surface dans l’assiette de quelques amateurs. Malheureusement, l’ortolan n’est pas la seule victime du braconnage dans notre pays, d’autres petits passereaux (chardonnerets, rouges-gorges, pinsons, verdiers…) sont également concernés, tout comme le milan royal (cf. Le Courrier de la Nature n° 258, p. 13) ou encore d’autres rapaces inféodés aux cultures agricoles (busards cendré, SaintMartin et des roseaux) dont les poussins finissent écrasés ou Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Bruant ortolan. fauchés en toute connaissance de cause ! Pour en savoir plus, vous pouvez télécharger le rapport sur : http://www.lpo.fr/images/ Presse/cp/2011/Rapport_de_ BirdLife_sur_les_destructions_ illegales_doiseaux_en_Europe_ en_Anglais.pdf. Source : LPO, Fonderies Royales, BP 90263, 17305 Rochefort Cedex. Tél. 05.46.82.12.34. www.lpo.fr. Arrêté du 28 juillet 2011 modifiant l’arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d’évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface pris en application des articles R. 212-10, R. 212-11 et R. 212-18 du code de l’environnement. (JO du 11 août 2011) Climat Décret n°2011-829 du 11 juillet 2011 relatif au bilan des émissions de gaz à effet de serre et au plan climaténergie territorial. (JO du 12 juillet 2011) 13 ECHOS ACTUALITE Grands singes Des gorilles en route vers la liberté Fin juillet, c’est par hélicoptère que six gorilles de Grauer, espèce endémique à la République démocratique du Congo (RDC), ont rejoint leur pays natal. Victimes du braconnage, ce sont des orphelins, aujourd’hui âgés de cinq à dix ans, qui avaient été recueillis dans un centre de réhabilitation au Rwanda. Leur transfert au centre GRACE en RDC, où ils vont retrouver d’autres gorilles de Grauer rescapés, est une nouvelle étape dans le processus de réhabilitation, dans l’espoir d’une future remise en liberté. Source : IFAW. www.ifaw.org. Gypaète Envol d’un jeune dans le Mercantour Ce jeune vautour est né d’un couple issu des opérations de réintroduction (cf. Le Courrier de la Nature n° 259, p. 27) dans l’arc alpin et installé dans la Haute Ubaye depuis 2007. Baptisé Ubaye, il s’est envolé le 16 juillet. Ses parents, seul couple reproducteur installé dans les Alpes du Sud, avaient déjà mené à bien une première reproduction en 2008, avec l’envol de Parouart. C’est donc le deuxième né sur le territoire du Parc national du Mercantour. Source : Parc national du Mercantour. Parcs naturels régionaux Bientôt un 7e PNR en Rhône-Alpes ? La région Rhône-Alpes est une de celles comptant le plus d’espaces naturels protégés avec deux Parcs nationaux, une trentaine de Réserves naturelles nationales, 12 Réserves naturelles régionales et six Parcs naturels régionaux (PNR). Pour aller plus loin encore, le 12 juillet dernier, la Région a lancé une étude permettant de statuer sur la faisabilité d’un septième Parc naturel régional en Dombes, vaste zone humide, et de définir le périmètre de ce futur parc. Source : Région Rhône-Alpes. www.rhoneenvert.fr. Papillons Découverte d’un « supergène » du mimétisme Photo Mathieu Joron En Guyane, le papillon Heliconius numata est totalement inoffensif. Mais il imite à merveille une demi-douzaine d’espèces vénéneuses de la famille des danainés. Ces individus mimétiques, bien que non toxiques, sont évités par les prédateurs leurrés par la ressemblance avec des papillons non comestibles. Une protection très efficace. Mais comment est programmé ce mimétisme qui, au sein d’une même espèce, amène la coexistence de différentes formes aux motifs alaires si différents, qui s’accompagnent également de particularités comportementales ? C’est ce qu’ont étudié des chercheurs du laboratoire Origine, structure, évolution de la biodiversité, du CNRS/Muséum national d’histoire naturelle, en collaboration avec plusieurs institutions britanniques. Les analyses génétiques ont montré que c’était en fait un bloc d’une trentaine de gènes (appelé « supergène ») qui s’est trouvé immobilisé, au cours de l’évolution, supprimant les possibilités de mélange génétique lors de la reproduction. Ainsi ces gènes hérités en bloc produisent des papillons d’apparences très différentes. C’est ce même type de supergène qui contrôle le camouflage chez la phalène du bouleau, la variation de forme Un établissement public pour le Marais poitevin Deuxième zone humide de notre pays, couvrant quelque 100 000 ha, la Venise verte est un territoire d’exception façonné par l’homme où la richesse de la biodiversité témoigne de l’équilibre ainsi trouvé avec la nature. Equilibre néanmoins fragile qui nécessite une gestion attentive, notamment de l’eau. Ancien Parc naturel régional, sa charte n’avait d’ailleurs pas été renouvelée en 1997, faute d’un compromis acceptable entre intérêts économiques et écologiques. Néanmoins, depuis 2002, un Plan gouvernemental a été mis en place pour préserver le Marais poitevin. Les actions engagées dans ce cadre doivent maintenant se poursuivre à travers un nouvel établissement public, créé le 29 juillet dernier. Basé à Luçon et présidé par le Préfet de Poitou-Charentes, l’établissement public pour le Marais poitevin a un rayon d’action plus vaste que le marais lui-même, assurant la concertation et coordonnant l’ensemble des interventions sur les 630 000 ha qui constituent les bassins versants d’alimentation du Marais poitevin. Source : Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. Réintroductions L’aigle de Bonelli des fleurs chez les primevères ou les motifs et formes de coquilles chez certains escargots. Joron M., Frézal L., Jones R.T., Chamberlain N.L., Lee S.F., Haag C.R., Whibley A., Becuwe M., Baxter S.W., Ferguson L., Wilkinson P.A., Salazar C., Davidson C., Clark R., Quail M.A., Beasley H., Glithero R., Lloyd C., Sims S., Jones M.C., Heliconius numata tarapotensis. Rogers J., Jiggins C.D., FfrenchConstant R.H. Chromosomal rearrangements maintain a polymorphic supergene controlling butterfly mimicry. Nature, doi : 10.1038/nature10341. Source : Muséum national d’histoire naturelle. LIFE+ 183 nouveaux projets environnementaux financés par l’Europe Dans le cadre du fonds LIFE+ (L’instrument financier pour l’environnement), la Commission européenne vient en effet de débloquer 244 millions d’euros pour cofinancer des actions proposées par tous les Etats membres de l’Union européenne. Les 183 projets sélectionnés représentent un investissement global de 530 millions d’euros en faveur de l’environnement, répondant à l’un des trois volets du programme LIFE+ : Nature et biodiversité, Politique et gouvernance en matière d’environnement et Information et communication. La France est concernée par huit de ces projets, dont trois sur la thématique nature et biodiversité : l’un sur les continuités écologiques porté par le Syndicat mixte du Parc naturel régional du Morvan ; le second sur le râle des genêts porté par la Ligue pour la protection des oiseaux ; et le dernier intitulé SUBLIMO et porté par le CNRS sur la biodiversité marine. Pour en savoir plus sur ces projets : http://ec.europa.eu/environment/life/publications/compilations/documents/natcompilation10.pdf. Source : Commission européenne. 14 AU JOURNAL OFFICIEL Zones humides Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Rapace de taille moyenne, l’aigle de Bonelli est présent dans le sud de l’Europe, en Afrique du Nord, au Proche et au MoyenOrient ainsi qu’en Asie. En France, il occupe l’arrière-pays de la côte méditerranéenne. Mais, victime de nombreuses menaces (maladies, tirs, empoisonnements, électrocutions, dérangements, modification de ses habitats…), sa population a chuté de 50 % depuis les années 1960 et il ne restait que 23 couples sur notre territoire en 2002. Face à cette situation alarmante, dès 1990, l’Union française des centres de sauvegarde (UFCS) lançait un programme de reproduction en captivité, dans un centre situé en Ardèche. En 1995, un deuxième centre était ouvert en Vendée. Depuis 1999, huit naissances ont eu lieu, mais faute de programme de réintroduction dans notre pays, ces jeunes n’ont pu être relâchés. Parallèlement en 2004, huit aiglons andalous étaient confiés au centre vendéen. Et fin 2010, à l’issue d’un séminaire organisé sur le sujet, un groupe de tra- vail international sur la reproduction en captivité de l’espèce s’est constitué, afin notamment d’envisager – à l’échelle européenne – la destination des jeunes aiglons produits. Deux aiglons ont ainsi été réintroduits dès cette année en Espagne, sur des sites abandonnés par l’espèce. Le premier, né le 9 avril, a été libéré dans la province de Navarre et le second, né le 6 mai, à Majorque dans les îles Baléares. Installés dans des nids reconstitués avant qu’ils sachent voler, ces jeunes ont pu s’imprégner du lieu, avec pour objectif qu’ils reviennent plus tard s’y installer en couple. Ils se sont aujourd’hui envolés mais continuent d’être suivis. Source : LPO, Fonderies Royales, BP 90263, 17305 Rochefort Cedex. Tél. 05.46.82.12.34. www.lpo.fr. Urbanisation Consommation d’espaces à la hausse en Ile-de-France C’est ce que nous apprend le bilan de la consommation des espaces naturels et agricoles en Ile-de-France pour la période 2004-2007, publié cet été par la DRIEA (Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement). Ce sont ainsi environ 1 340 ha qui ont disparu chaque année durant cette période, contre 774 ha par an entre 1996 et 2000 et 270 entre 2000 et 2004. Toutefois, cette consommation reste globalement inférieure au plafond des 1 750 ha annuels prévus par le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) adopté en 1994, et bien en deçà de ce qu’elle était avant cette date, avoisinant les 2 500 ha par an ! Mais n’est-ce pas aussi lié au fait que les espaces « à consommer » se réduisent au fil des ans ? Il serait intéressant de connaître le rapport entre ces espaces consommés chaque année et les espaces naturels et agricoles subsistants. Source : DRIEA Ile-de-France, 21-23, rue de Miollis, 75015 Paris. www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr. Biodiversité Appels à projets Dans le cadre de sa nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, l’Etat s’est engagé à mener, en complément des projets issus des Grenelle de l’environnement et de la mer, de nouvelles actions en faveur de la biodiversité. Ainsi, le 18 juillet dernier, il lançait cinq premiers appels à projets dotés d’un financement total de 14 millions d’euros sur trois ans. Les textes sont disponibles sur : www.developpement-durable.gouv.fr/Les-appels-a-projets-SNB.html. Source : Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, [email protected]. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Nuisibles Arrêté du 29 juin 2011 modifiant l’arrêté du 29 janvier 2007 fixant les dispositions relatives au piégeage des animaux classés nuisibles. (JO du 14 juillet 2011) Chasse Arrêté du 20 juillet 2011 relatif à l’ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau dans certaines parties des départements de la Gironde, de l’Ain, de l’Indre et de la Loire et modifiant l’arrêté du 24 mars 2006 relatif à l’ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau. (JO du 23 juillet 2011) Arrêté du 5 août 2011 relatif aux dates d’ouverture de la chasse au canard colvert et à la foulque macroule dans le département de l’Hérault pour 2011. (JO du 11 août 2011) Espèces protégées Arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national et les modalités de leur protection. (JO du 26 juillet 2011) Parc naturel Décret n° 2011-654 du 10 juin 2011 modifiant le décret n° 2011-465 du 27 avril 2011 portant renouvellement de classement du Parc naturel régional du Gâtinais français (région Ile-de-France). (JO du 12 juin 2011) Décret n°2011-874 du 25 juillet 2011 portant classement du Parc naturel régional du Livradois-Forez (régions Auvergne et RhôneAlpes). (JO du 27 juillet 2011) Biocides Arrêté du 1er août 2011 concernant l’interdiction d’utilisation de certains produits biocides. (JO du 23 août 2011) Déchets Décret n°2011-828 du 11 juillet 2011 portant diverses dispositions relatives à la prévention et à la gestion des déchets. (JO du 12 juillet 2011) 15 Vie de la Société nationale de protection de la nature snpn Conférence sur le loup Au terme de l’assemblée générale (cf Le Courrier de la Nature n° 259, page 16), une conférence sur le loup était proposée, animée par Gilbert Simon, administrateur de la SNPN et président de Ferus. Le loup est un grand colonisateur qui envoie des pionniers un peu partout. Un individu a ainsi été photographié récemment grâce à un piège photographique mis en place par l’ONCFS dans les Vosges dans une zone à lynx. L’identification n’est pour l’instant pas certaine car pas encore confirmée par des analyses génétiques. En revanche, l’analyse génétique de crottes découvertes sur le Mont Lozère a permis d’y confirmer la présence d’un loup en provenance d’Italie. Et, en juin, un troisième loup a été identifié sur le Haut-Doubs à proximité de la frontière suisse. La colonisation va donc bon train. Il est à noter que l’arrivée des premiers loups sur un territoire passe souvent inaperçue, les gens n’étant pas formés à son identification. En France, la preuve de la présence du loup passe souvent par les carnages qu’il fait sur le bétail. Bien évidemment, les loups isolés ne feront pas souche tout seuls. Qu’en est-il donc de la reproduction ? Elle s’est mieux passée en 2010 qu’en 2009 avec une vingtaine de meutes qui se sont reproduites, jusque dans les zones de colonisation, comme dans le camp de Canjuers dans le Var. La progression semble donc se faire vers le sud-sudouest, selon une dynamique relativement constante, alors que les prédictions, lors de l’arrivée du loup dans le Mercantour, misaient plutôt sur une colonisation des grands massifs forestiers du nord-nord-est. Philippe Bruneau de Miré demande si cette progression est à mettre en relation avec l’agropastoralisme et la présence de troupeaux. Gilbert Simon avoue que cette hypothèse n’a pas été étudiée. Un intervenant suggère que cette colonisation puisse être liée à l’altitude, ce que réfute Gilbert Simon dans la mesure où les nouvelles meutes reproductrices sont installées à basse altitude. Le loup est donc globalement bien installé dans le quart sudest de la France avec 25 zones de présence permanente et une estimation de la population à 150-200 individus (avec une marge d’erreur de 30 à 40 %). En France, chaque installation durable d’un loup dans une nouvelle zone ouvre des droits à protection pour les troupeaux, en termes d’aides financières pour rémunérer des bergers, acheter des chiens patous, poser des clôtures de protection… Ces aides à l’élevage représentent environ 4 millions d’euros par an pour un coût total de la présence du loup en France de l’ordre de Loup gris (Canis lupus lupus). Photos Yves Thonnérieux 16 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 6 à 7 millions d’euros annuels. Le loup est donc l’espèce à laquelle notre pays consacre le plus d’argent. Le problème est que ces dépenses augmentent plus rapidement que le nombre de loups (puisque, à chaque installation nouvelle d’un animal, ce sont plusieurs troupeaux qui sont concernés) et les finances publiques ne seront sans doute pas inépuisables dans ce domaine, même si le ministère de l’Ecologie affirme que pour l’instant la question ne se pose pas. contribue à réactiver la crainte populaire ancestrale d’attaques d’enfants, alors qu’aucun cas d’attaque d’un loup sur un être humain n’a jamais été recensé en Europe de l’Ouest. Le loup bénéficie d’un plan de gestion qui prendra fin en 2012. La partie accompagnement de la recolonisation est intégrée à ce plan de gestion, mais se limite à une simple transposition des termes de la directive Habitats. Or, s’il n’y a pas d’obstacles à la reconquête des territoires français par le loup, il convient Par ailleurs, si ces protections d’assurer sa cohabitation avec s’avèrent efficaces au début le monde de l’élevage, ce qui – sans pour autant empêcher va être de plus en plus difficile toutes les attaques – le loup, pour tous les partenaires. qui est un animal obstiné, L’Etat se montre s’adapte plus vite aux extrêmement prudent et protections que l’homme ne adopte une attitude frileuse. Il s’adapte à la présence du canidé. a autorisé un quota de six tirs Après quelques expériences, de loups par an, ce qui n’est pas il apprend à ne plus redouter réellement un problème pour les coups de fusil tirés en l’air, le loup, d’autant que ce sont il se met à attaquer de jour effectivement au maximum quand les bergers et les patous un ou deux animaux qui n’assurent la surveillance des sont abattus ainsi légalement troupeaux que la nuit… La chaque année. En revanche, protection n’est donc pas une l’Etat ne s’est pas prononcé garantie absolue de l’absence sur l’importante question de d’attaques. De plus cette la définition d’une population protection ne peut pas être (la taille de la population étant mise en œuvre dans les zones à la base de ces autorisations de colonisation actuelle où les de tirs). En effet, lors du retour agriculteurs ne sont pas des du loup dans notre pays, la éleveurs, mais des polyactifs qui population lupine s’entendait n’ont que de petits troupeaux. au sens de population française. Ainsi le loup du Haut-Doubs Aujourd’hui, selon la convention a attaqué un troupeau de de Berne, il conviendrait de quatre moutons qu’il a tous considérer les populations au tués. Une telle attaque est sens biologique du terme et effectivement plus mal ressentie ainsi de parler de loup alpin. par le propriétaire que sur un Ceci permet notamment de troupeau de 1 000 têtes et ne justifier le tir de loups en Suisse contribue donc pas à rendre le alors que le pays n’en compte loup populaire. Dans les Vosges, qu’une quinzaine. Selon cette la problématique est la même et nouvelle acception, les loups aucune réponse ne peut être du Cantal, des Pyrénées (7 ou apportée, sauf à rentrer les 8 individus), ou des Vosges ne animaux tous les soirs, ce qui, feraient donc plus partie de la dans la plupart des cas, n’est pas même population. L’absence envisageable. de réponse de l’Etat sur cette question pose un problème, qui Par ailleurs, on assiste actuellement à un phénomène ne pourra vraisemblablement être résolu que devant un nouveau d’attaques d’animaux tribunal. familiers – attaques attribuées à tort ou à raison au loup – à Le monde de l’élevage est proximité des habitations. Ceci aujourd’hui bloqué sur ses Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 A G 2 0 1 1 positions. Dans un premier temps, sa réaction a été de dénoncer un retour non naturel du loup et d’invoquer des lâchers. Par la suite, et en partie grâce aux aides substantielles et aux protections mises en place, les éleveurs ont fait preuve d’une certaine résignation face à la présence du loup. Mais la forte influence à laquelle ils ont été soumis de la part des antiours a contribué à raviver le discours selon lequel la présence du loup était incompatible avec l’élevage, et, l’élevage étant favorable à la biodiversité, que la présence du loup était donc défavorable à la biodiversité. Les associations d’agriculteurs se sont donc retirées du groupe national Loup et, même si certains éleveurs pensent qu’ils peuvent vivre avec le loup, ils ne l’expriment plus. Les chasseurs ont un discours décevant, uniquement axé sur la gestion de leur gibier. En effet, malgré des plans de chasse très abondants dans tous les départements où la présence du loup est avérée, les demandes de régulation persistent, suscitant un braconnage estimé à une dizaine de loups par an. En Italie, le braconnage est d’ailleurs le premier facteur de régulation du loup dont la population est stabilisée autour de 700-800 individus depuis plusieurs années. Les associations de protection de la nature sont dans une position délicate dans 17 A C T I O N S R E S E R V E S Vie de la Société nationale de protection de la nature snpn de même pour le bouquetin, espèce protégée qui avait oublié la méfiance. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage a entrepris une étude sur la base de loups équipés de colliers émetteurs – trois sont pour l’instant équipés – pour mesurer l’impact des loups sur les proies du Mercantour. Mais les résultats ne seront pas généralisables à d’autres territoires. Toutefois, il est certain qu’en milieu ouvert les loups ne font pas disparaître leurs proies qui s’adaptent et modifient leur comportement. Loup gris (Canis lupus lupus). la mesure où la majorité de leurs adhérents est opposée à la destruction de tout loup. Ainsi, une association qui serait favorable à une certaine gestion du loup risquerait de perdre des adhérents. Pourtant, l’autorisation de tirs permettrait d’apaiser les esprits sans faire forcément beaucoup de dégâts sur la population de loups. Au contraire, cela pourrait peut-être permettre d’éduquer le loup et de limiter les attaques de troupeaux en le rendant plus méfiant. Ainsi en 2010, sur quelque 80 autorisations de tirs délivrées aux éleveurs, aucun loup n’a été touché. En revanche, les tirs de prélèvement menés par des équipes spécialisées qui tendent des traquenards aux animaux visés sont beaucoup plus meurtriers et les associations doivent effectivement s’y opposer. Dans ces conditions, on assiste à des réunions de concertation qui ne débouchent sur rien, l’Etat restant bouche cousue, quand les éleveurs affirment que toute 18 cohabitation est impossible et les protecteurs ne veulent pas entendre parler de destruction d’individus. En conclusion, Gilbert Simon se déclare assez optimiste en ce qui concerne la situation du loup en France dans les années à venir, persuadé que la France comptera un jour 1 000 loups. Mais il ne sait pas comment ils seront gérés, dans quel contexte et ce que cela coûtera. La parole est donnée à la salle pour d’éventuelles questions. Jean Untermaier demande des précisions sur le mode de gestion adopté en Suisse. Gilbert Simon explique que la Suisse n’est pas soumise à la directive Habitats et que le principe en vigueur est qu’un loup peut être tué à chaque fois qu’il a attaqué 25 moutons. Le résultat est que l’espèce ne parvient pas à s’installer favorablement. La population plafonne à 10-15 individus, dont on ne sait pas s’ils se reproduisent. La présence du Un adhérent suggère que si les éleveurs étaient autorisés à assurer leur autodéfense, cela risquerait de compromettre les chances d’installation des loups pionniers. Gilbert Simon le confirme mais précise que ces autorisations ne devraient être délivrées que dans les zones de loup y pose problème du fait présence permanente, ce qui de l’élevage basé sur de petits n’aurait donc pas d’influence troupeaux non gardés. sur la colonisation. Par ailleurs, il revient sur le problème Stéphanie Hudin demande du zonage. Il y a en effet des s’il y a un impact de la territoires où le loup pourra recolonisation du loup sur difficilement s’installer sans que les populations d’ongulés en cela pose de réels problèmes France, prenant l’exemple du de cohabitation, notamment Canada où la présence du là où les proies naturelles sont loup permet une meilleure peu nombreuses et où l’élevage répartition des ongulés, ce qui est mené de telle sorte que s’avère favorable aux habitats. la protection du bétail est Gilbert Simon souligne difficilement envisageable. Or que les études menées sur si des autorisations de tir sont certains territoires ne sont pas délivrées dans ces zones et forcément transposables sur pas dans celles où la présence d’autres. Effectivement, dans du loup est admise comme le Yellowstone, la présence du permanente, cela sera mal vécu loup a permis de diminuer le nombre de wapitis qui ont laissé par les éleveurs qui supportent la présence du loup et qui la place à d’autres herbivores. risquent de se révolter. Mais De même, des études ont nous n’avons aujourd’hui pas été menées sur la relation de réponse à apporter à cette entre le mouflon et le loup en problématique du zonage. France. Toutefois, le mouflon Un adhérent souligne est une espèce importée par également le risque d’antiles chasseurs, qui n’est pas constitutionnalité d’une telle particulièrement bien adaptée démarche. à la montagne. Les mouflons se sont donc révélés des proies Philippe Bruneau de Miré faciles pour le loup quand il est arrivé dans le Mercantour. Mais, s’enquiert de la possibilité d’hybridation avec le chien. depuis, ils ont appris à mieux se protéger et leur population Gilbert Simon répond que augmente à nouveau. Il en est cela n’a jamais été mis en Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Jura et une trentaine dans les Vosges. On assiste depuis peu à une légère recrudescence du braconnage. Un procès devrait notamment se tenir le 8 juillet prochain contre un président de Un autre adhérent souhaiterait avoir un bref aperçu société de chasse qui a abattu un lynx. Par ailleurs, beaucoup de la situation du lynx dans d’individus meurent écrasés sur notre pays. les routes. Gilbert Simon affirme Gilbert Simon précise cependant ne pas être inquiet que cette espèce semble pour cette espèce, dont un moins dynamique et plus individu est arrivé récemment exigeante que le loup et a dans le Beaujolais, sans qu’on plus de difficultés à coloniser puisse pour l’instant prédire si de nouveaux territoires. En cette intrusion dans ce nouveau revanche elle ne cause pas territoire aura une suite. En trop de dégâts aux moutons. revanche, en Slovénie, où autant Il existe à ce jour une centaine d’individus ont été réintroduits de lynx dans les Alpes et le évidence dans les analyses génétiques et qu’apparemment il n’y a donc pas d’hybridation entre le loup et le chien. qu’en France, après avoir atteint jusqu’à 200 individus, la population est maintenant redescendue à une dizaine d’animaux. Un adhérent demande si le lynx peut souffrir de la présence du loup. Gilbert Simon n’a pas d’éléments à ce sujet, mais indique que cet argument n’a jamais été mis en avant. La compétition n’existe pas vraiment entre les deux espèces qui n’occupent pas les mêmes niches écologiques et le lynx, en grimpant aux arbres, peut facilement échapper au loup, ce qui limite les cas de prédation. Un adhérent s’interroge sur la possibilité d’attaque de loup par le lynx. Gilbert Simon explique que, contrairement au loup, le lynx n’est pas un animal agressif, qu’il ne pèse qu’une vingtaine de kilos contre 30 à 35 pour un loup et qu’il chasse seul quand les loups sont en meute. Il ne s’attaque donc pas au loup. A titre d’anecdote, il indique d’ailleurs que le lynx tué par le président d’une société de chasse qui doit faire l’objet d’un procès en juillet 2011 avait été agrippé par un basset et n’avait pas su se défendre. Photos Yves Thonnérieux A G 2 0 1 1 A C T I O N S R E S E R V E S Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 19 Des plantes tropicales qui forment des mares : les broméliacées-citerne Un écosystème aquatique miniature capital pour la biodiversité Les plantes qui présentent des structures anatomiques permettant de retenir de l’eau en permanence sont assez répandues en milieu tropical. Si beaucoup sont maintenant cultivées pour être vendues en jardineries, faisant le bonheur des amateurs, elles forment en milieu naturel des écosystèmes aquatiques encore très peu étudiés et renferment une biodiversité que l’on est loin d’avoir recensée. En Amérique centrale et du Sud, les broméliacées-citerne, qui représentent les plus nombreuses et les plus diversifiées de ces « plantes-mares », permettent à des organismes très variés d’accomplir leur cycle de vie. L es broméliacées sont une famille de plantes à fleurs (angiospermes) comprenant près de 3 200 espèces. La plupart vivent dans les régions tropicales et subtropicales d’Amérique centrale et du Sud où elles se distribuent depuis les zones côtières jusqu’à plus de 4 000 mètres d’altitude dans la partie centrale de la Cordillère des Andes. La plus connue de ces plantes est l’ananas qui fut « découvert » par Christophe Colomb lors de son second voyage, en 1493. L’ananas a été la première broméliacée cultivée sous serre, dès le e siècle en Hollande, et demeure un fruit exotique hautement apprécié dans le monde entier. Avec le développement de l’horticulture, de nombreuses broméliacées sont actuellement vendues dans les jardineries comme plantes or- 20 nementales, le plus souvent sous leurs noms de genre Bromelia, Guzmania, Tillandsia ou encore Vriesea. Robustes, faciles à cultiver du fait de leur multiplication végétative par rejets, et présentant une floraison souvent spectaculaire, les broméliacées sont à la mode, comme l’avait prédit il y a vingt ans le botaniste américain David Benzing, spécialiste mondial de cette famille. En milieu naturel, beaucoup de broméliacées vivent en épiphytes, ce qui permet à cette importante famille de monocotylédones d’occuper tous les étages de la forêt tropicale, depuis le sol jusqu’aux plus hauts arbres de la canopée. Les broméliacées constituent ainsi les plantes épiphytes les plus communes des forêts chaudes néotropicales. Vriesea splendens, broméliacéeciterne qui peut vivre à la fois au sol ou sur un arbre support, est facilement reconnaissable à ses feuilles vertes foncées et zébrées transversalement de pourpre et à ses fleurs jaunes entourées de bractées rouges. Les mots écrits en vert dans le texte renvoient au lexique page 50. Photos Jean-François Carrias Catopsis berteroniana est une broméliacéeciterne épiphyte (ici sur Clusia minor dans un biotope de « savane-roche » sur l’inselberg des Nouragues en Guyane française). Elle présente la particularité d’attirer les insectes qui glissent alors sur une cire blanche secrétée à l’intérieur des feuilles et qui se noient dans le réservoir. Ne produisant pas d’enzymes digestifs, cette plante est considérée comme une proto-carnivore. Jean-François C*, Céline L**, Régis C***, AnneCatherine L*, Laurent P***, Alain D** et Bruno C* Les broméliacées-citerne ou comment une rosette de feuilles forme une mare Beaucoup de représentants de la famille des broméliacées sont capables de retenir de l’eau et font ainsi partie des plantes-citerne ou plantes à phytotelme (cf encadré p. 23). C’est la forme et la disposition particulière de leurs feuilles qui permet la formation de cette petite mare. Longues, apétiolées et simples, larges et épaisses, et plus ou moins concaves, les feuilles ont une disposition alterne et sont rassemblées à leurs bases. La partie proximale du limbe étant plus large que la partie distale, il se forme ainsi des cornets qui s’emboîtent les uns dans les autres. Il en résulte un système en rosette dans lequel chaque feuille présente à son aisselle un petit réservoir d’eau, les feuilles les plus jeunes au milieu de la rosette formant un réservoir central. Selon l’espèce de broméliacée et l’âge de la plante, l’ensemble des réservoirs forme un phytotelme de volume très variable. Ainsi, en Guyane française, certaines Pitcairnia renferment seulement quelques millilitres d’eau, alors que l’une des espèces les plus grosses, Aechmea aquilega, peut en contenir jusqu’à 3 litres. * Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand ** Ecologie des Forêts de Guyane, Kourou *** Université Paul Sabatier, Toulouse Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 21 Les phytotelmes, des écosystèmes aquatiques miniatures variés L’agencement en rosette et une base plus large des feuilles permettent de former des petits réservoirs d’eau, dont un réservoir central parfois important comme pour cet individu d’Aechmea aquilega. Certaines Brocchinia géantes présentes sur les tépuys, hauts plateaux du Venezuela, peuvent contenir jusqu’à 10 litres d’eau. Si le volume retenu varie selon la saison et le climat local, la morphologie des broméliacées-citerne leur permet de conserver de l’eau, même pendant les périodes les plus sèches, l’humidité ambiante liée à la très forte condensation nocturne assurant alors la pérennité de ces petites mares. Pour les espèces qui combinent à la fois le caractère d’épiphyte et de phytotelme, la petite mare a une importance capitale pour la nutrition de la plante. En effet, les racines des épiphytes n’ont souvent qu’un rôle d’ancrage et ne permettent pas l’absorption des nutriments nécessaires à leur croissance. C’est à partir de la base des feuilles que des petits poils absorbants en forme d’ombrelle vont se charger de capter les nutriments présents dans l’eau du réservoir, notamment l’azote et le phosphore. Ces derniers résultent de la minéralisation des détritus organiques (le plus souvent de la litière) par les microorganismes, mais peuvent aussi provenir de l’excrétion d’animaux aquatiques et du lessivage de l’eau de pluie sur les végétaux situés au-dessus de la plante-citerne. Enfin, certaines broméliacées-citerne sont insectivores, attirant les insectes qui le plus souvent vont glisser sur les feuilles et se noyer dans le réservoir. Cela permet à ces plantes d’occuper des milieux très pauvres en matière azotée, soit au niveau du sol, comme Brocchinia reducta, qui vit entre 1 800 m et 2 800 m d’altitude sur tout le plateau des Guyanes, soit en tant qu’épiphytes, comme Catopsis berteroniana. Photos Jean-François Carrias Les broméliacées-citerne croissent parfois directement sur la roche, comme ici sur le granite de la partie sommitale d’un inselberg en Guyane française. Formant un tapis au sol, les plus petites d’entre elles appartiennent à l’espèce Pitcairnia geyskesii et ne contiennent que quelques millilitres d’eau. Ces tapis sont clairsemés d’Aechmea aquilega, l’une des plus grosses espèces de broméliacées présente en Guyane, avec des individus pouvant contenir plus de 3 litres d’eau. Sur le pourtour de la rosette, les feuilles les plus âgées de ces deux plantes deviennent sèches et finissent par se détacher, formant ainsi un tapis de matière organique sur lequel, si le lessivage n’est pas trop important, d’autres plantes peuvent se développer. Une vie aquatique associée très diversifiée mais encore mal connue Le premier inventaire de la faune aquatique des broméliacées-citerne a été réalisé au tout début du e siècle, par Clodomiro Picado, célèbre scientifique costaricain. Publiés en 1913 dans le Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, les travaux de cet auteur recensent plus de 400 espèces d’animaux « bromélicoles » échantillonLes racines des broméliacées épiphytes n’ont qu’un rôle d’ancrage : elles ne parasitent pas la plante porteuse et sont le plus souvent incapables d’assimiler l’eau et les éléments nutritifs. 22 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Les phytotelmes (du grec phyto : plante et telm : mare) sont des réservoirs d’eau de petit volume formés par des feuilles ou des fleurs de végétaux ou encore par des cavités naturelles au niveau des parties ligneuses d’arbres. Ces structures particulières, hébergeant de véritables écosystèmes aquatiques, sont d’une très grande diversité et se rencontrent sur tous les continents du globe. Leur abondance et leur diversité sont les plus élevées au niveau des forêts tropicales. Selon Roger Kitching, spécialiste australien de ces écosystèmes, les phytotelmes peuvent être regroupés en quatre classes principales : (1) Les eaux collectées par des feuilles, bractées ou pétales de plantes, regroupant principalement des plantes monocotylédones tropicales ou sub-tropicales de petite taille, dont les broméliacées-citerne qui font l’objet de cet article. (2) Les « plantes-pichets » qui sont des plantes insectivores possédant des feuilles ou des prolongements de feuilles imperméables recueillant l’eau. Elles forment un piège pour les insectes et autres animaux qui se noient et sont digérés par des enzymes produits par la plante. Les plus connues appartiennent à la famille des sarra- nés dans des broméliacées épiphytes de la province de Cartago, partie centrale du Costa Rica. Une poignée de naturalistes, précurseurs des travaux de Picado, étaient étonnés de voir en abondance des moustiques et des libellules en sous-bois de forêt tropicale alors qu’aucune mare terrestre n’était présente. Ceci les avait conduits à émettre l’hypothèse que les broméliacées-citerne étaient sans doute des sites de développement pour de nombreux animaux présentant un stade larvaire aquatique. En effet, les forêts tropicales sont peu propices à la formation d’écosystèmes aquatiques stagnants tels que les lacs et les mares classiques. La majorité de l’eau de pluie est immédiatement collectée par les racines des arbres et les sols contiennent peu d’humus, la matière organique étant rapidement minéralisée en raison du fort taux d’humidité de l’air et de la température élevée, deux facteurs très favorables à l’activité des bactéries et champignons. Dans ces environnements, les réservoirs d’eau de broméliacées peuvent donc être considérés comme un milieu aquatique de substitution pour toute une gamme d’animaux vivant normalement dans les mares terrestres. Avec l’apport des travaux de Picado et ceux plus récents de différents auteurs, on sait aujourd’hui que tous les groupes d’animaux habitant normalement les mares terrestres (amphibiens, larves et adultes d’insectes, crustacés, annélides, rotifères…) ont des représentants parmi la faune aquatique des broméliacées, plusieurs étant même exclusivement spécifiques Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 céniacées (comprenant entre autres les sarracénies, genre Sarracenia) qui renferment une dizaine d’espèces distribuées sur une grande partie du Canada et sur toute la partie est des Etats-Unis, et à celle des népenthacées (un seul genre, Nepenthes) comprenant une centaine d’espèces, la plupart présentes en Asie tropicale (Indonésie, Malaisie, Philippines), dans le Queensland australien, et sur quelques îles de l’océan Indien, dont Madagascar. (3) Les tiges des bambous sont composées de compartiments imperméables, ce qui facilite la formation de phytotelmes. Les entre-nœuds se remplissent d’eau suite à divers accidents, dont les plus courants sont les trous effectués par les insectes phytophages et les fentes produites par l’action de la chaleur. Ce type de phytotelme se retrouve plus particulièrement dans les régions tropicales en haute altitude. (4) Les phytotelmes formés par les trous d’arbres sont des cavités ou dépressions à l’intérieur d’un arbre ou dessus, contenant de l’eau et des détritus organiques. Ces habitats aquatiques sont ubiquistes dans les forêts tropicales, tempérées et boréales. Ils sont le résultat d’une déformation physique de l’arbre ou apparaissent suite à l’intervention d’un agent physique externe ou d’un animal (par exemple une ancienne cavité de nidification). à ces dernières. La quasi-permanence de ces petites mares permet le développement d’animaux purement aquatiques dans des régions où l’absence de mares terrestres empêche normalement leur présence. Comme les broméliacéesciterne peuvent se situer à tous les étages de la forêt et en grands effectifs (des densités de plus de 10 000 individus par hectare ont été estimées dans la forêt de Luquillo à Puerto-Rico), on mesure alors davantage leur importance pour la biodiversité aquatique en forêt tropicale. Depuis les travaux de Picado, de nombreux auteurs ont analysé les communautés d’invertébrés des broméliacées-citerne. Pour la plupart de ces expertises, l’objectif principal a été de vérifier si ces mares étaient favorables au développement des larves de moustiques (genres Culex, Aedes et Anopheles) potentiellement vecteurs de maladies tropicales infectieuses (paludisme, dengue, fièvre jaune). Ces études n’avaient donc pas pour but premier de mesurer la biodiversité associée et nos connaissances concernant ce sujet restent très limitées. De plus, faute de moyens, de techniques adéquates, et souvent d’intérêts et de spécialistes, certains groupes d’organismes n’ont pratiquement jamais été analysés. C’est par exemple le cas des petits crustacés, des nématodes, de nombreuses familles d’insectes et de tous les groupes de microorganismes (bactéries, protozoaires, algues et champignons microscopiques). C’est pour tenter de mieux connaître cette biodiversité que des études associant des spécialistes de 23 - différentes disciplines (entomologie, hydrobiologie, botanique, microbiologie) et appartenant à trois laboratoires CNRS (Ecofog Kourou, Ecolab Toulouse et LMGE Clermont-Ferrand) sont actuellement en cours en Guyane française. Financées par le CNRS, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité et le ministère de l’Outremer, le principal objectif de ces recherches est de préciser quel est le degré de biodiversité de chaque groupe fonctionnel d’organismes aquatiques (voir figure ci-contre) associés à différentes espèces de broméliacées dans différents biotopes, et de comprendre comment ces organismes interagissent entre eux mais aussi avec la plante. Les premiers résultats ont permis de montrer qu’une seule espèce de broméliacée sur un seul site peut renfermer environ 30 espèces d’insectes et près de 300 souches de microorganismes cultivables (essentiellement bactéries et champignons microscopiques) dont beaucoup n’ont pas encore été décrits. Tous ces organismes ont un rôle bien précis et sont organisés en un réseau trophique complexe qui, comme une usine de transformation, dégrade et transforme la matière organique détritique tombée dans les réservoirs en éléments alors assimilables par la plante. Il s’instaure donc une véritable association mutualiste entre la plante-citerne et l’écosystème aquatique miniature qu’elle héberge. Des plantes aussi essentielles pour les animaux terrestres Les broméliacées-citerne établissent de nombreuses interactions avec des animaux terrestres. Ces derniers peuvent être associés pour le meilleur ou pour le pire, mais d’une façon générale les broméliacées sont considérées comme des plantes assez peu consommées par des herbivores et peu parasitées. Les plus spectaculaires de ces relations sont celles qu’elles entretiennent avec les colibris ou « oiseauxmouches » (famille des Trochilidae). Ces oiseaux de petite taille ont des besoins énergétiques énormes et leur régime est composé à 90 % du riche nectar des fleurs. En Guyane française, une trentaine d’espèces de colibris sont recensées, toutes consommatrices potentielles du nectar des broméliacées. La couleur rouge des fleurs est impliquée dans le mécanisme d’attraction (cf Le Courrier de la Nature n° 260 Spécial communication plantes-animaux), aboutissement d’une longue coévolution entre les deux partenaires. D’après des études récentes menées au Brésil, les relations entre les broméliacées et les colibris seraient peu spécifiques, plusieurs 24 L’ostéocéphale oophage (Osteocephalus oophagus, hylidés) est assez commun en Guyane. Les œufs, pondus dans plusieurs broméliacées d’un même site, donneront des têtards que la femelle viendra nourrir régulièrement en déposant des « œufs trophiques », d’où le nom d’oophage donné à l’espèce. Décomposeurs : bactéries (1) et champignons (2) Producteurs primaires : algues (3) Consommateurs de bactéries : protozoaires ciliés (4) Consommateurs de matière organique et de microorganismes : rotifères (5) et nématodes (6) Consommateurs de matière organique : larve de chironome (7) Filtreurs omnivores : larve de moustique du genre Culex (8) et Wyeomyia (9) Prédateurs : larve de moustique du genre Toxorhynchites (10) et larve d’odonate (11) Larve d’amphibien (12) : consomme des œufs trophiques déposés par la femelle adulte espèces de cette famille pouvant se nourrir du nectar de plusieurs espèces de broméliacées. Celles-ci produisent du nectar en abondance et particulièrement riche en sucrose, composé très apprécié des colibris. La plante profite des nombreuses visites des oiseaux-mouches pour faire transférer son pollen vers une autre plante et ainsi assurer sa pollinisation. Les broméliacées sont considérées comme des plantes essentiellement ornithophiles, même si des chauvessouris, des papillons et des abeilles peuvent être impliqués dans la pollinisation de certaines espèces. Aperçu de la diversité fonctionnelle des organismes aquatiques présents dans les broméliacéesciterne de Guyane. 1-4 : microorganismes, 5-11 : invertébrés, 12 : vertébrés. Le vent est un agent important de dispersion des graines, surtout dans des biotopes ouverts. Toutefois, pour beaucoup de broméliacées épiphytes formant des réservoirs, ce sont les oiseaux, les chauves-souris et parfois les fourmis qui assurent la dispersion des graines. A côté de ces partenaires particuliers, de très nombreux organismes terrestres utilisent ces plantes comme un site de nidification, un refuge, un affût pour chasser, ou simplement comme un lieu de ravitaillement en nourriture et en eau. A l’heure actuelle, il est impossible d’en Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 dresser une liste complète, car un grand nombre de ces visiteurs, notamment parmi les arthropodes, sont des espèces encore non décrites. On observe souvent des araignées, des blattes, des acariens, des fourmis, des criquets, des millepattes et des scorpions entre les feuilles des broméliacées-citerne. Les araignées, les fourmis et les blattes utilisent souvent les petits réservoirs asséchés des feuilles les plus âgées sur le pourtour de la rosette comme site de nidification. Certaines broméliacées ont même évolué de façon surprenante avec certaines fourmis au point de former une véritable symbiose (nous en reparlerons de manière plus approfondie dans un prochain article du Courrier de la Nature). Cette abondance d’invertébrés attire des prédateurs, tels que les oiseaux mais aussi des mammifères. Présent dans les zones tropicales montagneuses au Costa-Rica, au Panama, en Colombie et en Equateur, l’anabate chamois (Pseudocolaptes lawrencii) est un petit passereau insectivore spécialisé dans la capture d’invertébrés des broméliacées-citerne. Ces dernières constituent aussi les sites d’alimentation les plus visités par les tamarins (primates de la famille des Callitrichidae), notamment par les tamarins-lions (genre Leontopithecus). Ce sont surtout les insectes et les autres invertébrés qui sont recherchés afin de compléter une alimentation plutôt à base de fruits. C’est en saison sèche que les broméliacéesciterne prennent toute leur importance dans la forêt tropicale. Fournissant un abri et de l’eau pendant les périodes les plus critiques, elles évitent la déshydratation à une multitude d’arthropodes, mais aussi à de nombreuses espèces d’oiseaux, d’amphibiens et de mammifères arboricoles. Elles apparaissent alors indispensables au maintien de la faune en canopée, strate qui, bien que subissant les variations de température et d’humidité les plus contrastées et l’essentiel de l’action du vent, héberge une part très importante de la biodiversité continentale. Enfin, beaucoup d’herbivores se nourrissent des feuilles des broméliacées ou de la Photos Jean-François Carrias Dentrobates ventrimaculatus mesure moins de 2 cm de long et est adapté à vivre dans les broméliacées-citerne dans lesquelles il se reproduit et élève sa progéniture. Ses populations en Guyane sont très dépendantes de la présence de ces petites mares. Photo Laurent Pelozuelo Cette punaise de la famille des vélidés mesure seulement 2 mm de long et est adaptée pour se déplacer à la surface de l’eau des réservoirs de broméliacées où elle chasse des insectes terrestres tombés à l’eau ou des espèces à larves aquatiques en phase d’émergence. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 25 Les bractées rouges et les fleurs jaunes de l’inflorescence d’Aechmea mertensii, broméliacée épiphyte qui se développe en lisière de forêt, sont visuellement très attractives pour les colibris. sève de celles-ci. Ce sont surtout des groupes d’insectes connus pour se nourrir sur un grand nombre de plantes, comme les chenilles de différents papillons, des chrysomèles, des criquets et sauterelles, des charançons, etc. Ainsi le papillon Strymon ziba (famille des lycaenidés) est-il connu comme un parasite spécialisé des broméliacées. Il occasionne régulièrement des dégâts importants dans les plantations d’ananas, sa chenille se nourrissant aux dépens des inflorescences (voir photo p. 27). De nombreux singes sont aussi consommateurs de ces dernières. Le plus emblématique des herbivores spécialisés sur les broméliacées est l’ours andin ou ours à lunettes (Tremarctos ornatus), le seul ursidé d’Amérique du Sud, qui est aussi l’espèce d’ours la plus menacée au monde. Comme cela a été confirmé récemment par des études de radiopistage, les feuilles de broméliacées-citerne terrestres et épiphytes constituent une part essentielle de son régime alimentaire, permettant à des populations de se maintenir en altitude pendant une grande partie de l’année. Menaces et mesures de conservation Photos Jean-François Carrias Cette femelle d’émeraude orvert (Chlorostilbon mellisugus) fait partie de la trentaine d’espèces de colibris présents en Guyane et impliqués dans la pollinisation de nombreuses plantes à fleurs, dont les broméliacées-citerne. 26 Les broméliacées-citerne sont souvent perçues comme des sites de développement de moustiques vecteurs de maladies infectieuses. Elles sont pour cette raison souvent détruites près des habitations, en ville et dans les champs cultivés. Cette réputation est contredite par de récentes études qui montrent par exemple que le vecteur de la dengue et de la fièvre jaune, le moustique Aedes aegypti, se développe beaucoup mieux dans les petites mares artificielles que dans les réservoirs des broméliacées-citerne dont l’acidité limite son développement. La plus grande menace pour les broméliacées est bien évidemment la destruction de la forêt tropicale. Depuis l’arrivée des Européens en Amérique, l’Amazonie a perdu près de 20 % de sa surface naturelle et, selon le WWF, ce chiffre pourrait atteindre 55 % en 2030. On estime que, chaque jour, 15 300 hectares de forêt tropicale disparaissent en Amérique du Sud. Dans la plupart des biotopes d’altitude, les broméliacées forment plus de la moitié de la biomasse végétale et partout leur importance dans le fonctionnement de la forêt et le maintien de la biodiversité est avérée. Malheureusement, trop peu d’études sont disponibles pour juger de façon pertinente combien d’espèces sont Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Le papillon Strymon ziba est connu pour pondre ses œufs (un œuf blanc est visible sur la photo) sur les inflorescences des broméliacées, les chenilles se nourrissant au détriment de leurs fleurs et fruits. Ici une femelle sur une inflorescence d’Aechmea bracteata (Quintana Roo, Mexique). Photo Bruno Corbara véritablement en danger de disparition. D’après des modèles théoriques, 150 espèces de broméliacées auraient déjà disparu et près d’une dizaine serait en cours d’extinction. Sur les 3 200 espèces répertoriées, 152 figurent sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) dont sept sont classées en danger critique d’extinction. La solution de conservation la plus adaptée demeure la mise en place de réserves écologiques, publiques ou privées, et l’application stricte des lois de protection dans ces aires, notamment en ce qui concerne la déforestation et l’exploitation minière. En ce sens, de nombreux efforts ont été réalisés ces dernières années en Guyane française, mais ce n’est malheureusement pas le cas pour de nombreux pays d’Amé- Bibliographie Benzing D.H. 1990. Vascular epiphytes. Cambridge University Press, New York, 370 p. Benzing D.H. 2000. Bromeliaceae: profile of an adaptative radiation. Cambridge University Press, Cambridge, 690 p. Brouard O., Lejeune A.-H., Leroy C., Céréghino R., Roux O., Pelozuelo L., Dejean A., Corbara B., Carrias J.-F. 2011. Are algae relevant to the detritus-based food web in tank-bromeliads? PLoS ONE, 6(5): e20129. Carrias J.-F., Cussac M.-E., Corbara B. 2001. A preliminary study of freshwater protozoa in tank bromeliads. Journal of Tropical Ecology, 17: 611-617. Jabiol J., Corbara B., Dejean A., Céréghino R. 2009. Structure of aquatic insect communities in tank-bromeliads in a East-Amazonian rainforest in French Guiana. Forest Ecology and Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 rique centrale et du Sud où la déforestation reste le problème majeur. La conservation des broméliacées dans les jardins botaniques est considérée comme largement insuffisante par les botanistes, notamment en raison d’une trop faible diversité génétique des souches cultivées. Les broméliacées-citerne sont moins spectaculaires que des espèces animales emblématiques comme le condor de Californie, l’aigle harpie ou l’ours à lunettes, ce qui limite fortement la possibilité de recherche de financement pour les protéger. Cependant, des efforts considérables doivent être fournis afin de mieux préserver ces plantes et, par cascade, une partie non négligeable de la biodiversité tropicale. J.-F. C., C. L., R. C., A.-C. L., L. P., A. D. & B. C. Management, 257: 351-360. Kitching R.L. 2000. Food webs and container habitats: the natural history and ecology of phytotelmata. Cambridge University Press, Cambridge, 431p. Leroy C., Céréghino R., Carrias J.-F., Pelozuelo L., Dejean A., Corbara B. 2010. Quelques aspects de la vie d’épiphytes vasculaires. Biofutur, 315: 38-41. Paisley S., Garshelis D.L. 2006. Activity patterns and time budgets of Andean bears (Tremarctos ornatus) in the Apolobamba Range of Bolivia. Journal of Zoology, 268: 2534. Picado C. 1913. Les broméliacées épiphytes considérées comme milieu biologique. Bulletin Scientifique de la France et de la Belgique, 47: 215-360. Puig H. 2001. La forêt tropicale humide. Belin, Paris, 447p. 27 Les chauves-souris sont-elles des espèces forestières ? Photo François Schwaab Noctule de Leisler. Les chiroptères et la forêt : de la connaissance à l’action ! Etat des lieux de leur prise en compte dans la gestion En cette année 2011, année internationale de la forêt et année internationale des chauves-souris, il est légitime de s’interroger sur les liens qui unissent ces animaux à l’écosystème forestier, mais aussi sur la manière dont les chiroptères sont intégrés dans la gestion des espaces forestiers. Sans prétention d’exhaustivité, l’objectif de cet article est de dresser un bilan le plus complet possible de la situation actuelle. 28 Laurent T* Audrey T** * Chargé de mission Faune Biodiversité, animateur du réseau national Mammifères ** Chargée de mission Plan national d’actions Chiroptères Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 On a pour habitude d’imaginer les chiroptères dans les habitations (dans les greniers, dans les caves, derrières les volets) ou dans les gîtes souterrains (mines et grottes). Les naturalistes se sont bien souvent concentrés sur ces milieux en effet favorables pour débuter des inventaires dans chaque région, et commencer à donner des tendances d’évolution des populations. C’est ainsi que l’on s’est rendu compte que certaines espèces avaient subi des pertes d’effectifs parfois très inquiétantes pour leur survie. Mais il a fallu attendre le début des années 2000 pour que les premières études (des inventaires principalement) voient le jour sur les chiroptères en forêt. La surprise fut grande de constater le lien étroit entre ces espèces et l’écosystème forestier. Les chauves-souris sont des mammifères volants qui se nourrissent presque exclusivement d’insectes et qui ont besoin de deux types principaux de gîtes : un pour l’hiver où mâles et femelles se regroupent afin d’hiberner et un pour l’été (les mâles restent isolés tandis que les femelles s’assemblent en colonies dans un endroit suffisamment chaud pour mettre bas1). La forêt et la multitude de micro-habitats associés (présence de bois mort de qualité et de quantité variable, peuplements forestiers diversifiés et stratifiés, cavités dans les arbres) présentent de fait suffisamment d’intérêt pour accueillir ces animaux. En toute logique, ils se servent donc de la forêt pour gîter, se nourrir et se déplacer des gîtes aux terrains de chasse. L’utilisation d’un espace forestier reste toutefois complexe, et est encore à l’étude : il semble ainsi que beaucoup de colonies de reproduction dépendent de réseaux de gîtes, donc nécessitant un nombre élevé d’arbres à cavités (plusieurs dizaines à quelques centaines de trous de pics et de fentes principalement, mais aussi d’écorces décollées). Les femelles de la colonie exploitent le système forestier environnant pour rechercher les proies nécessaires à leur alimentation (une femelle de pipistrelle commune, l’une des plus petites chauves-souris européenne, dévore jusqu’à 800 à 1 000 moustiques dans une seule nuit). Chaque taxon a spécialisé sa technique de chasse, certaines espèces chassant essentiellement les insectes en lisière (les pipistrelles, la barbastelle d’Europe, les sérotines et les noctules), ou en canopée (les murins et les oreillards), d’autres dans le feuillage des arbres (à nouveau les murins et les oreillards), ou encore en se spécialisant sur un type de proies (cas des oreillards et de la barbastelle d’Europe sur les papillons typanés, et du murin à oreilles échancrées sur les araignées). Il faut le reconnaître, les chauves-souris sont difficiles à étudier en forêt et les techniques doivent encore être améliorées. Ceci dit, plus on en cherche en forêt et plus on en trouve. Et s’il est impossible actuellement de les dénombrer, on peut imaginer que les effectifs en forêt sont certainement très importants. Ce constat induit une grande vérité : la responsabilité du gestionnaire forestier pour leur conservation est grande, même s’il la partage avec les urbanistes, agriculteurs et gestionnaires d’espaces naturels. On sait aujourd’hui que l’avenir de nos forêts peut jouer un rôle crucial dans l’évolution des populations de chiroptères en France. Il ne fallait donc pas rater le rendez-vous ! Murin de Bechstein. Photo David Aupermann 1- Au printemps et en été, les femelles vivent dans des colonies plus ou moins grandes : de quelques dizaines d’individus à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers dans les cavités. (Ndlr : Elles se rassemblent en général pour procéder à la fécondation, avec le sperme qu’elles ont conservé pendant toute la période d’hibernation, puis à la parturition.) Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 29 compte le Plan national d’actions en faveur des chiroptères2 sont à mettre en œuvre durant ces cinq années afin d’améliorer les connaissances, de protéger les populations et de sensibiliser le grand public et les acteurs concernés ; et ce pour l’ensemble des 34 espèces que la France métropolitaine héberge. Une de ces actions, la n°9, est dédiée à la prise en compte de la conservation des chauves-souris dans la gestion forestière, pilotée par l’ONF et son réseau « mammifères ». Un volet forestier copieux Photo Robin Letscher Barbastelle d’Europe, sous une écorce décollée. Logo du Plan national d’actions en faveur des chiroptères 30 Un Plan d’action national La Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) a coordonné un programme d’actions au niveau national visant à améliorer la situation des différentes espèces, et avant tout à enrayer la diminution des effectifs. Ce programme, le Plan de restauration des chiroptères, mené sous l’égide du ministère chargé de l’environnement, s’est intéressé principalement aux gîtes et aux habitats de chasse des espèces de l’Annexe II de la Directive Habitats-Faune-Flore, sur la période 1999-2003. Or ce plan n’a pas du tout concerné les chauvessouris en forêt en raison de la faiblesse des connaissances en ce domaine, due au manque de techniques pertinentes pour effectuer les études. Mais un second plan, qui a vu le jour pour la période 2009-2013, et qui est piloté par la DREAL Franche-Comté et est animé par la Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels, a intégré ce volet. Ainsi, les 26 actions que Plus précisément, les actions à mener pour améliorer la prise en compte des chiroptères dans la gestion forestière s’articulent autour de trois axes spécifiques rappelant les trois grands types d’actions du plan : - un volet « étudier » consistant à améliorer les connaissances sur les chiroptères en forêt (lien entre chiroptères et forêt, inventaires et suivis) ; - un volet « protéger » dont le but est de contribuer à la conservation des espèces et des populations via des actions de gestion spécifiques, ou intégrées à la gestion globale de massifs, mais prenant en compte les besoins des espèces ; - un volet « former » qui vise à sensibiliser les acteurs socio-professionnels de la forêt sur la nécessité de gérer les forêts en prenant en compte la biodiversité, notamment les chiroptères. Chacun de ces volets s’appuie sur différentes étapes plus ou moins complexes : a) Etudier : - recherche de gîtes de mise-bas de chiroptères forestiers et alimentation d’une base de données nationale sur les arbres-gîtes ; - suivi de sites expérimentaux pour mieux connaître la manière dont les chauves-souris réagissent à la gestion forestière et pour en améliorer les techniques ; - suivi sur le moyen terme de l’activité des chauves-souris en forêt dans les divers types de peuplements forestiers, alimentation d’une base de données nationale. b) Protéger : - maintien de tous les arbres connus pour héberger des colonies de reproduction de chiroptères. Ce maintien s’applique aussi longtemps que ces arbres sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction, et pour autant que leur destruction, leur altération ou leur dégradation remette en 2- Plus d’informations sur : www.plan-actionschiropteres.fr Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Photo François Schwaab Noctule commune. cause l’accomplissement des cycles biologiques des chiroptères ; - mise en place dans les forêts publiques d’un réseau fonctionnel d’arbres propices à accueillir les chiroptères, à partir du maintien d’arbres isolés et d’îlots de vieux bois en connexion ; - vérification de la concordance entre les documents de gestion et les propositions pour la conservation des chauves-souris. c) Former : - proposition de suivre le stage national de formation généraliste à destination des gestionnaires d’espaces naturels, dont les forestiers ; - mise en place d’un stage national spécifique de formation à la gestion conservatoire des forêts, - mise en place dans chaque région d’un marteloscope3 pour former les forestiers à la prise en compte des chiroptères lors de la désignation des arbres à exploiter en forêt publique ; - diffusion régulière de l’information sur les découvertes liées aux chauves-souris en forêt dans les revues destinées au monde forestier ; - intégration des enjeux de préservation des chiroptères dans les formations initiales forestières. 3- Le marteloscope est un espace de forêt souvent limité à 1 ou 2 ha, dédié à la formation des forestiers à différentes consignes de marquage des arbres lors des opérations de prélèvement d’arbres pour la production de bois. Un marteloscope peut être orienté vers un type de sylviculture (technique de gestion forestière), un objectif économique, ou un objectif écologique. En général, les marteloscopes intègrent toutes les composantes de la gestion forestière, de l’économie à la biodiversité. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Un bilan pour la période 2009-2010 Afin de mieux aider les différents acteurs de ce plan à mener les actions du volet forestier, un bilan4 a été conduit pour les actions réalisées lors des deux premières années du plan. Ce bilan s’est intéressé à chacune des actions menées tant au niveau national qu’au niveau régional, en déclinaison des axes nationaux. Dans le détail, ce bilan montre que le volet « Etudier » est très largement nourri par un engouement pour les nouvelles méthodes d’acquisition de données. Parce que ces animaux sont très difficiles à observer et à capturer, la détection ultrasonore est une méthode qui a pris un essor considérable depuis quelques années. Cette technique consiste à utiliser des appareils sophistiqués pour écouter les cris ultra-sons que les chauves-souris, comparables à des sonars, utilisent pour se déplacer et chasser des insectes. Les données issues de cette technique se sont donc multipliées. Le radiopistage est une autre méthode visant d’abord à capturer un animal, puis à l’équiper d’un émetteur pour le suivre tant sur ses terrains de chasse que jusqu’à ses gîtes dans les arbres. Onéreux, en matériels et en temps passé sur le terrain par les équipes, le radiopistage est toutefois monté en puissance, car il apporte des informations très concrètes utilisables tant pour l’amélioration des connaissances sur les chiroptères que pour la conservation des arbres qui les abritent. L’intérêt pour la conservation 4- Il est disponible sur : http://www.plan-actionschiropteres.fr/Fiche-action-No6-a-12 31 Murin de Bechstein. Photo Audrey Tapiero Prise de mesure d’un oreillard gris. Cavité à chiroptères. directe des habitats de ces espèces justifie en grande partie cet engouement récent. Soixante études menées en régions ont utilisé cette technique, dont 16 sur le seul murin de Bechstein (espèce parmi les plus forestières mais aussi les plus méconnues en France5), et 10 sur la barbastelle d’Europe (espèce très exigeante quant à son régime alimentaire). Ces études ont porté sur 207 forêts et ont abouti à 77 publications. Le bilan le plus incroyable est le temps total passé pour améliorer les connaissances sur les chiroptères forestiers : 3 433 jours en seulement deux ans, pour plus de 130 000 € dépensés en matériels et frais de déplacements ! Si l’acquisition des connaissances nécessite des moyens importants, le passage aux actions de gestion conservatoire semble plus compliqué. Le maintien des arbres avec des chiroptères est Photo Julien Girard Claudon une mesure simple assez classiquement mise en œuvre. Normal, même si on peut toutefois se poser la question de l’efficacité d’une mesure qui se limiterait à ne protéger que l’arbre découvert (sur un pas de temps très limité : une journée ou une semaine), tout en sachant aujourd’hui que ces espèces exploitent un réseau d’arbres gîtes, composés de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’arbres ! De fait, la compréhension du fonctionnement des colonies pour une prise en compte dans un plan d’aménagement ou dans plan de gestion reste encore trop rare, et seulement deux études ont permis la mise en place d’un réseau d’îlots de vieux bois favorisant le maintien de ces gîtes avec d’autres arbres potentiellement intéressants (allant de la réserve biologique au réseau d’îlots de sénescence, connectés entre eux par des corridors de vieux bois avec des arbres à cavités), en intégrant une évaluation économique du manque à gagner. N’oublions pas en effet que le maintien de ces arbres favorables peut avoir des conséquences sur l’équilibre économique d’une forêt. Au final, 40 des 207 forêts ont fait l’objet de mesures spécifiques de gestion favorables aux chiroptères, essentiellement pour des forêts publiques. C’est peut-être le volet « former » qui a eu le plus de succès, notamment auprès des forestiers privés, grâce aux outils de communications (magazines et plaquettes de communication auprès des propriétaires forestiers) destinés à informer les propriétaires forestiers sur le rôle des chauves-souris et l’importance de mener des actions de conservation (plus de 7 000 personnes informées). En revanche, les formations de terrain restent malheureusement encore très limitées (une seule formation nationale a eu lieu en 2009 : elle a duré une semaine et a été limitée à 18 personnes), alors qu’elles sont nécessaires pour intégrer au mieux tous les principes de l’écologie des espèces et l’adéquation avec la gestion forestière. Cela dit, il apparaît essentiel de s’attaquer aux formations forestières initiales, en y incluant une approche des chauves-souris, afin de gagner en efficacité. Des actions, mais aussi des personnes Toutes ces actions, aussi diversifiées soientelles, ont été réalisées par un réseau d’acteurs issus du milieu associatif, principalement les associations régionales spécialisées sur les mammifères, avec un appui national de la Fédération 5- Pour mémoire, un inventaire des colonies de reproduction connues de cette espèce a été mené au début des années 2000, mettant en évidence seulement 12 colonies pour la France. Depuis, ce nombre a évolué… 32 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Photo Robin Letscher des Conservatoires d’espaces naturels et de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères, mais aussi des gestionnaires d’espaces naturels, au premier plan duquel figure le Réseau Mammifères de l’Office National des Forêts. Ce réseau, qui a été chargé dès le début de piloter cette action forestière du PNA, est composé de près de 40 personnes qui sont forestiers avant d’être naturalistes spécialisés sur l’étude des mammifères. Compétents sur les chiroptères grâce à des formations spécifiques, ils peuvent traduire les résultats des études en mesures de gestion forestière compréhensibles par leurs collègues forestiers. Cette spécificité s’est avérée indispensable dans bien des cas, notamment quand il s’est agi de traduire les résultats de deux études en mesures concrètes avec des réseaux d’arbres maintenus et d’autres actions favorables aux chiroptères. C’est donc dans la complémentarité des acteurs que ce volet nourrit actuellement son efficacité, alliant la connaissance à la formation et la sensibilisation des forestiers, pour proposer in fine des actions de gestion conservatoire favorables. Si ce volet forestier est en bonne voie, il souffre pour le moment d’un manque de moyens, en personnels et en matériels, pour être décliné sur la plus grande surface possible. N’oublions pas qu’avec 15 millions d’hectares la forêt prend une place considérable sur notre territoire, et que la multitude des propriétaires contribue très certainement à diversifier les modes de gestion, favorisant ainsi la biodiversité, donc les chauves-souris. Néanmoins, il reste à s’assurer de la pérennité des populations et des mesures favorables là où elles peuvent le nécessiter (forêts isolées au milieu de grandes zones agricoles ou urbaines par exemple). Le chantier reste donc énorme et a de quoi occuper les naturalistes et les forestiers pour de nombreuses années. L. T. & A. T. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Plus d’informations : - Plaquette « chauves-souris et gestion forestière » / Eurobats : http://www.eurobats.org/ publications/leaflet/BatsForestry_Flyer_web_ fr.pdf - Plaquette « Les chauves-souris et les arbres » / SFEPM : http://www.sfepm.org/ images2/chiropteres/plaqarbres.pdf - Plan National d’Actions Chiroptères : http://www.plan-actions-chiropteres.fr Formations : Mai (chaque année) : Stage national IDF « les Chiroptères et la gestion forestière » : http:// www.foretpriveefrancaise.com/ Evénements : Dernier week-end du mois d’août (chaque année) : Nuit Européenne de la Chauve-souris : http://www.sfepm.org/NuitChauveSouris/ presentation.htm L’année 2011 a été déclarée Année européenne de la Chauve-souris par l’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’Environnement). Un site internet est consacré à ce sujet : http://www.yearofthebat.org/ N’hésitez pas à inscrire vos événements sur : http://www.sfepm.org/anneechauvesouris.htm 33 A u cours des années 1960, un événement capital a eu lieu dans le domaine des relations entre homme et animal : pour la première fois, des humains et des grands singes ont vécu ensemble, formant de véritables familles. Ces communautés ont vu le jour aux Etats-Unis, dans le cadre des recherches sur les capacités d’apprentissage du langage humain par les primates, les scientifiques ayant supposé que cette acquisition langagière serait favorisée par la socialisation des anthropoïdes dans une structure familiale. Au-delà des performances des grands singes, largement médiatisées à l’époque, ces formes de « vivre-ensemble » ont également permis de rendre visible des proximités comportementales et cognitives étonnantes entre humains et singes anthropoïdes, ainsi que des formes de compréhension mutuelle. Sans cautionner l’intégration des grands singes dans les familles humaines, ni l’enfermement des primates dans les zoos, nous tenterons ici de comprendre ce qui s’est joué et ce qui se joue dans ces communautés, et de réfléchir sur le statut de ces singes si proches de l’homme. Singes parlants Photo Liz Rubert-Pugh/Great Ape Trust Le bonobo Kanzi. Réflexions sur les communautés hommes-singes Chris H* Dans un article ultérieur du Courrier de la Nature, Chris Herzfeld nous entretiendra de la responsabilité des hommes vis-à-vis des singes captifs. En introduction à ce futur article, l’auteur nous livre quelques expériences de communautés hommes-singes, notamment celles qui ont eu lieu dans le cadre des expériences d’apprentissage du langage par les grands singes pendant les années 1960, et qui ont permis de mieux comprendre les ressemblances et dissemblances entre humains et grands singes. 34 * Centre Alexandre Koyré - Ecole des Hautes études en Sciences Sociales et Muséum national d’histoire naturelle, Paris. La version intégrale de cet article (titre original « De la domestication des primates ») est publiée dans La question animale, sous la direction de JeanPaul Engélibert, Lucie Campos, Catherine Coquio et Georges Chapouthier, Presses universitaires de Rennes, 2011, Chapitre III. Cette version courte a été rédigée avec la collaboration de Nadejda Varfolomeeva. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 L’appareil phonatoire des grands singes (bonobos, chimpanzés, gorilles, orangs-outans) ne leur permet pas d’articuler les sons avec la précision et la diversité voulue pour pouvoir pratiquer le langage bi-articulé humain. Dans le cadre de programmes scientifiques mis en place aux Etats-Unis dans les années 1960, différents primates anthropoïdes ont donc appris à communiquer avec les humains en utilisant le langage des signes (American Sign Language) ou des systèmes iconiques1. Afin de favoriser l’acquisition langagière, des jeunes singes furent intégrés dans des familles humaines2. William Lemmon, directeur de l’Institute of Primate Studies (université d’Oklahoma), fut l’un des premiers à initier différentes expériences de cross-fostering, processus qui consiste à faire élever des petits issus d’une espèce donnée par des individus appartenant à une autre espèce, en l’occurrence des jeunes singes par des humains. Les grands singes sont alors entrés dans la maison de l’homme et y ont vécu comme les enfants de cette maison. 1- David Premack invente un système iconique dont chaque forme en plastique coloré correspond à un mot, ce qui permet à l’animal de manipuler ces formes afin de former des « phrases ». Premack D., Premack A.J., The Mind of Ape, New York, Norton, 1983. 2- « Les recherches sur les capacités linguistiques des grands singes constituent la tentative la plus aboutie à ce jour pour construire une communauté entre des humains et des animaux ». Lestel D., Paroles de singes. L’impossible dialogue homme-primate, Paris, La Découverte, 1995, p. 7. Expériences avant 1960 Bien d’autres cas de « vivre-ensemble » entre hommes et singes ont existé avant les expériences d’apprentissage du langage : dans les zoos, chez des particuliers, dans des familles occidentales expatriées en Afrique ou en Indonésie. Cependant, ces partages de vie sont peu documentés. De plus, il s’agissait souvent de cohabitation et non de véritables intégrations dans des familles à long terme. Ainsi, dans l’ex-Congo belge, Madame Trompet prit soin de la femelle Malenga (voir photo), l’élevant comme sa fille. Revenue en Belgique, elle fut cependant contrainte de la faire entrer au zoo d’Anvers où, admise comme chimpanzé, Malenga « se transforma » en chimpanzé pygmée. Cette sousespèce, plus connue sous le nom de « bonobo », fut en effet officiellement décrite en 1929 par Ernst Schwarz (1889-1962) sous la dénomination de Pan satyrus paniscus (elle acquit le statut d’espèce en 1933), peu après l’admission de Malenga au zoo. Madame Trompet et la femelle Malenga. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 35 - La femelle chimpanzé Washoe3 est l’une des premières à avoir été impliquée dans ces recherches. Arrivée en 1966 chez les Gardner, à l’âge d’un an, elle sera bientôt capable de mener de réelles conversations avec ses partenaires humains. Devenue adulte, Washoe transmet spontanément le langage des signes à son fils adoptif, Loulis. Elle le fait sans intervention humaine et en employant la même méthode que les cherLe bonobo Kanzi (« trésor » en Swahili) est, incontestablement, le plus doué des « singes parlants ». Né en octobre 1980, il est placé à l’âge de six mois au Centre de recherche sur le langage à l’Université de Géorgie (Atlanta) où il a suivi, pendant vingt-cinq ans, un apprentissage du langage par le biais des lexigrammes, ou symboles. Il est capable d’utiliser plus de 340 symboles (selon le Smithsonian magazine, Novembre 2006), de comprendre plus de 3 000 mots de l’anglais parlé. Il est particulièrement doué pour la fabrication d’outils et pour la peinture. Depuis 2005, il vit à Great Ape Trust à Iowa, un centre de recherche scientifique dédié aux grands singes parlants (www.greatapetrust. org). cheurs : la monstration et la répétition du geste à faire, puis sa correction (la main de l’élève étant guidée par la main de l’enseignant). Plus tard, d’autres primates anthropoïdes intègrent des familles humaines : le chimpanzé Nim Chimpsky (lors d’un projet initié par Herbert Terrace), la gorille Koko (Francine Patterson), l’orang-outan Chantek (Lyn Miles), le bonobo Kanzi (dans le cadre du Lana Project fondé par Duane Rumbaugh). Ce dernier se montrera exceptionnel : utilisant des lexigrammes, il communique en manipulant environ trois mille associations de mots, se réfère à des objets absents et invente de nouvelles combinaisons de termes afin de pouvoir nommer les objets dont il ne connaît pas le nom. Le public découvre Kanzi assis face à son tableau d’icônes colorées quasiment en même temps que l’espèce à laquelle il appartient, à la fin des années 19804. 3- Née en Afrique de l’Ouest en 1965 et décédée le 30 octobre 2007 au Chimpazee and Human Communication Institute (Central Washington university, Ellensburg, Etat de Washington). 4- Voir Herzfeld C., « L’invention du bonobo », Bulletin d’histoire et d’épistémologie des sciences de la vie, volume 14, numéro 2, 2007. Photo Liz Rubert-Pugh/Great Ape Trust Un « devenir-humain » des grands singes Lors de la médiatisation de ces recherches, les performances langagières des grands singes ont occupé le devant de la scène, laissant dans l’ombre la formidable expérience de vie qui en a résulté. Entrant dans des familles humaines en tant que membres à part entière, les primates se montrèrent en effet capables de se réapproprier des habitudes, des savoir-faire et même certaines facettes de l’ethos humain, à un degré que peu avaient cru possible. Ainsi, la chimpanzé Washoe place ses poupées préférées en cercle et leur parle en langage des signes. Dès que l’un de ses compagnons humains apparaît, elle cesse son activité, comme un enfant surpris en train de jouer « à faire semblant ». Plus âgée, elle donne des titres aux peintures qu’elle réalise, par exemple : « Electric Hot Red ». Dans le même groupe, la femelle Tatu aime se maquiller et se met des pinces dans les « cheveux », tandis que Moja tient à porter des vêtements et sait faire des nœuds5. Moja fut aussi le premier primate anthropoïde à réaliser des peintures figuratives : après avoir tracé sur une feuille une forme ronde et colorée en orangé, elle signe le mot « cerise ». En Californie, la gorille Koko se commente à elle-même les images de son livre illustré en langage des signes : lorsqu’elle examine une grenouille aux grands yeux, elle signe le terme « eye ». A New York, le chimpanzé Nim Chimpsky suce son doigt et dort avec sa poupée favorite. Par ailleurs, il aide ses Nim et sa poupée préférée : Nim Chimpski (1973-2000) porte le nom dérivé du linguiste Noam Chomsky, affirmant que le langage est l’apanage des humains. Nim fut l’objet d’une expérimentation linguistique « Project Nim » menée par Herbert Terrace, psychologue comportementaliste (Université de Columbia). La vie mouvementée de Nim a été retracée dans de nombreuses publications et plus récemment dans un documentaire de James Marsh : Project Nim (sorti en juillet 2011). Herb Terrace, Columbia University Signes tracés par le chimpanzé parlant Panzee. Language Research Center (Georgia State University), Atlanta. Photo Chris Herzfeld 5- Herzfeld C. & Lestel D. “ Knot tying in great apes. Etho-ethnology of un unusual tool behavior”. Social Science Information, vol. 44, n° 4, december 2005, et Lestel D. & Herzfeld C. (2005). “ Topological Ape : Knots-Tying and Untying and the Origins of Mathematics” in Grialou P., Longo G., Okada M. (ed.), Images and reasoning, Interdisciplinary Conference Series on Reasoning Studies, Vol. 1 (Paris Meeting, March 2004), Tokyo, Keio University, 2004. 36 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 37 - enseignants à préparer les repas, à faire la vaisselle et à mettre les vêtements dans la lessiveuse. Pour des questions pratiques évidentes, tous les singes parlants sont habitués à aller aux toilettes. Les grands singes ont donc eu non seulement la capacité d’acquérir, en partie, ce que les hommes ont longtemps considéré comme leur apanage : le langage, mais ils montrent de plus une extraordinaire facilité à établir des liens affectifs très profonds avec les humains qui les entourent, à se réapproprier leurs habitudes et leurs savoir-faire et à intérioriser des bribes d’ethos humain. On connaissait depuis longtemps les prouesses imitatives des singes. Mais, dans le cas des singes parlants, un pas de plus est franchi : ils expérimentent un véritable « devenir-humain »6 et vont jusqu’à se vivre et à se désigner eux-mêmes comme « humains ». Quelques exemples le démontrent de manière frappante. A l’âge de cinq ans, Washoe croise, pour la première fois, des chimpanzés. Son instructeur, Roger Fouts7, lui demande alors : « Qui sont-ils ? » Elle lui répond en langage des signes qu’il s’agit de « black bugs » (« bestioles noires »). Elle ne se place apparemment pas dans cette catégorie. Lorsque l’on demande à la chimpanzé Vicki, également élevée dans une famille humaine, de classer différentes photographies soit dans le groupe des humains, soit dans celui des animaux, elle met l’image de son père biologique (un chimpanzé) sur la pile des animaux. En revanche, elle place son propre portrait sur la pile des portraits d’humains, en compagnie des photographies de Churchill et d’Eisenhower. La gorille Koko utilise le signe universel : « MAN » (« être humain »), en l’appliquant à sa propre personne. Que reste-il aujourd’hui de ces expériences ? Un moindre intérêt pour les recherches sur les aptitudes langagières des primates, les nombreuses difficultés et les controverses liées à ces projets, ainsi que leur coût élevé ont fait sonner le glas de la plupart d’entre elles. Il existe cependant encore des lieux où une forte connivence s’installe entre humains et grands singes, notamment les zoos. Primates captifs : un statut ambigu... Lorsqu’ils vivent dans les zoos, les grands singes entrent également dans la maison de l’homme. Entourés d’humains, ils partagent leur architecture, leur médecine, leurs régimes, leurs habitudes, leurs activités. De plus, ces primates fréquentent infiniment plus d’êtres humains que de compagnons de la même espèce. Photos Chris Herzfeld Quand elle était à la ménagerie du Jardin des Plantes, Wattana passait de longues heures à faire des nœuds complexes et variés. Elle enfilait des perles, laçait et délaçait des chaussures, parfois pendant tout un aprèsmidi. Aujourd’hui, elle vit au Parc zoologique d’Apenheul, à Apeldoorn (Pays-Bas). 6- Le « devenir-humain » est une notion forgée à partir de celle de « devenir-animal » proposée par Deleuze et Guattari en 1980 dans Mille-Plateaux (Deleuze G. et Guattari F. 1980. Mille-Plateaux, Paris, Editions de Minuit). 7- Fouts R. & Tukel Mills S., Next of Kin. My Conversation with Chimpanzees. New York, Harper Collins, 2003, p. 122. Photo zoo Wilhelma, Stuttgart partage de tranches de vie débouchent eux aussi sur une réappropriation d’habitudes et de savoirs techniques par les anthropoïdes : capacité de faire des nœuds, nettoyage des vitres de leurs enclos, partage de nourriture avec les soigneurs, crochetage de serrure, préférence pour certains programmes télévisuels, compréhension du principe du levier, consommation de thé8. Loin d’être anecdotique, cette adaptation leur permet de répondre à leurs différents besoins, de vivre dans l’environnement qui leur est imposé, de s’élaborer un monde. Le statut des anthropoïdes captifs est donc ambigu : présentés comme des animaux sauvages, ils sont en fait soumis à des modes d’existence et à des rythmes proprement humains. De la socialisation à l’imitation Le fait d’être des animaux éminemment sociaux constitue l’un des traits essentiels des primates anthropoïdes. Des recherches récentes Le soigneur Margot Federer en compagnie de l’orang-outan Wattana et d’un jeune gorille, à la nurserie du zoo Wilhelma à Stuttgart. 38 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Premiers interlocuteurs des primates anthropoïdes, les soigneurs deviennent des partenaires sociaux avec lesquels les singes nouent des relations de confiance. Ils établissent peu à peu des communautés de vie, des formes de compréhension mutuelle. Lorsque les femelles primates refusent de s’occuper de leur nouveau-né, ce sont eux qui en prennent soin, leur donnant le biberon et leur dispensant toute l’affection dont ils ont besoin. Cette fréquentation quotidienne, ce Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 8- Au e siècle, des « dîners de primates » étaient organisés dans de nombreux zoos. Vers 1920, l’« heure du thé » était célèbre et attendue au zoo de Londres, l’« heure de l’apéritif » au parc zoologique de Détroit, « les dîners de singes » à New York. L’épouvantail de l’anthropomorphisme a non seulement balayé ce genre de mises en scène, mais il les a également désignées comme ce qu’il fallait éviter à tout prix. Cet arrêt semble avoir produit en quelque sorte un interdit sur les communautés « humainsprimates ». 39 - mettent en avant le lien entre intelligence et intelligence sociale, la connexion entre le développement cognitif et la complexité de la vie en groupes étendus. Les liens sociaux établis avec les hommes, ainsi que l’immersion dans leur environnement, poussent les grands singes à adopter certains comportements par le biais de leur mode d’apprentissage habituel : l’imitation. Abusivement définie comme une action de reproduction stupide et servile de certains gestes ou comportements (d’où le verbe « singer »), et comme une répétition mécanique dénuée d’intelligence, l’imitation est un processus plus complexe que l’on ne croit. Relevant de l’apprentissage social, elle implique une compréhension fine et une mémorisation des gestes à accomplir, de même que des intentions de celui qui est imité. Les grands singes observent les humains autant que ceux-ci les regardent. Ils scrutent attentivement (peering) les savoir-faire qui les intéressent et tentent ensuite d’en reproduire les différentes étapes via un apprentissage par essais et erreurs, jusqu’au moment où les gestes s’enchaînent de manière routinière, un geste trent également l’importance de l’émulation socio-culturelle dans ce qui était pensé comme d’ordre strictement biologique : la locomotion. La position bipède leur permet, en effet, des interactions plus riches avec les humains, le face à face étant possible. En s’appropriant des savoir-faire et des savoirvivre proprement humains, les grands singes manifestent un certain degré de liberté par rapport à des modalités d’existence que les biologistes et les philosophes pensaient totalement fixées par la biologie ou, antérieurement, par l’instinct. Les dispositifs où humains et grands singes se côtoient au quotidien rendent de la sorte visible un monde commun propre aux primates anthropoïdes (ou hominoïdés, superfamille dont l’espèce humaine fait partie), marqué par la flexibilité des habitudes, la plasticité de l’ethos, la fluidité comportementale et l’aptitude à s’adapter à des situations nouvelles. appelant le suivant. Grâce à cette pratique individuelle assidue, ils se font peu à peu experts des comportements imités. Liée à une forte émulation sociale, l’imitation est aiguillonnée par le désir et la curiosité sans limite des primates. Certaines formes de « devenir-humain » des singes anthropoïdes émergent donc par imbibition (due à l’immersion dans un milieu donné), émulation (volonté de s’emparer d’une compétence exhibée par les partenaires sociaux) et imitation (processus complexe qui a pour objet la réappropriation d’un projet). Alors pensionnaire au Parc zoologique de Planckendael, la femelle bonobo Hermien avait pris l’habitude de venir « saluer » les scientifiques en leur « souriant ». Elle avait donc adopté une forme de socialité humaine très éloignée des habitudes de son espèce, le fait de découvrir les dents étant généralement un signe d’agressivité chez les grands singes. Photo Chris Herzfeld Une altérité radicale ? Source Victor Coupin H. E. 1907. Singes et Singeries. Histoire anecdotique des singes, Vuibert & Nony (Paris). Photo Chris Herzfeld Dès le plus jeune âge, Paki a adopté la locomotion bipède (Bronx Zoo, à New York). Dans un ouvrage de vulgarisation intitulé Singes et Singeries. Histoire anecdotique des singes (Vuibert & Nony éditeurs, Paris, 1907), Henri Eugène Victor Coupin (1868- ?) décrit différentes réappropriations de comportements humains par les grands singes : certains roulent en bicyclette ; d’autres dansent, fument et se servent d’allumettes ; d’autres encore font des tâches ménagères et surveillent le bon fonctionnement du four. 40 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Socialités partagées La transmission de savoir-faire entre humains et « singes concilients » (voir encadré) se fait donc par le biais de mécanismes proches de ceux liés à l’apprentissage des enfants. Les grands singes ont même montré qu’ils pouvaient se réapproprier certains de nos codes sociaux. Hermien (une femelle bonobo anciennement hébergée au Parc zoologique de Planckendael, en Belgique) a par exemple appris à sourire pour saluer les chercheurs qui l’entourent, alors que le fait de découvrir les dents constitue généralement une manifestation de peur ou d’agressivité chez les singes. Elle a, de plus, réussi à transmettre cette forme de civilité humaine aux membres de son groupe. Bravant les « lois de la nature », certains singes élevés par les hommes (et ayant donc grandi au milieu d’êtres bipèdes) vont même jusqu’à adopter un mode de locomotion différent de celui qui est habituel à leur espèce : ils se déplacent en mode bipède, témoignant à la fois d’une flexibilité des comportements, mais également d’une certaine plasticité des structures osseuses, le squelette des grands singes étant adapté à la marche quadrupède. Ils mon- Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Il existe ainsi des comportements et des compétences que nous attribuions exclusivement à l’homme. Cependant, si nous prêtons suffisamment attention au monde animal, nous découvrons que ce que nous estimions relever de nos spécificités – l’adoption de nouvelles habitudes, l’appropriation de savoir-faire, l’esprit d’invention et d’expérimentation, le désir d’appartenir à une communauté – existe également chez certaines espèces. L’un des buts de cet article est de mettre l’accent sur ce que nous partageons avec l’animal plutôt que sur ce qui nous sépare et sur la question, sans cesse posée, de ce qui est le propre de l’Homme. Loin d’être accessoire Singes concilients et concept de concilience Les singes concilients sont des primates qui vivent en étroite proximité avec les humains, à divers degrés. Les primates ne sont pas simplement « exposés » à une influence humaine. S’inscrivant dans un processus dynamique, ils intègrent des parts d’ethos humain et se réapproprient des habitudes, des modes d’existence et des compétences spécifiques aux hommes, mais selon leurs modalités propres. Ils ne « greffent » pas quelques éléments humains sur une structure « singe », avec pour effet d’être à moitié « singe » et à moitié « humain ». Ils puisent ce qui leur est nécessaire et ce qui fait sens pour eux parmi les opportunités offertes par les dispositifs auxquels ils sont activement reliés, afin de se construire un monde. 41 ou anecdotique, l’appropriation de nouvelles modalités d’existence est indispensable aux primates pour se constituer un monde, dans nos propres univers. L’histoire des relations entre les grands singes et les humains est cependant marquée par le refus d’attribuer différentes aptitudes à ces espèces phylogénétiquement très proches (la ressemblance s’étendant jusqu’aux empreintes digitales), et par l’affirmation d’une altérité radicale. Afin d’affermir la frontière, de confirmer une différence indépassable entre l’humain et l’animal, d’écarter tout danger d’incertitude quant à sa définition, l’homme s’attribue d’emblée un ensemble de capacités et de caractères qu’il dénie, de manière dogmatique, aux autres primates anthropoïdes. S’il ne s’agit pas d’accepter une simplification de l’humain (« l’homme est un animal comme les autres »), il ne faudrait pas non plus adhérer à une dévalorisation de l’animal (« l’Homme est supérieur à un animal toujours en déficit par rapport à lui »)9. Si humains et grands singes ne peuvent être confondus, les singes concilients nous engagent à penser à la fois les continuités et les discontinuités, position délicate en raison des soubassements profondément dualistes de la pensée occidentale10. Chaque espèce possède en effet des spécificités cardinales, qu’elles soient situées dans les structures physiques, psychiques, cognitives, sociales et culturelles ; ou qu’elles soient liées à des variations dans les modalités d’appropriation et d’utilisation de savoir-faire ou de pratiques. Un monde commun Cependant, les primates anthropoïdes humains et non humains partagent également un monde commun, une communauté essentielle. Il est illusoire de penser les spécificités de chaque espèce de manière simpliste en en faisant le support d’une partition stricte entre l’homme et l’animal. Les vies et les conduites des singes concilients bouleversent en effet tous les schémas reliés au dogme de l’animal cartésien, de l’animal comme spectacle théorique, de l’animal comme machine à composer nos réponses, de l’animal comme ensemble abstrait opposable à l’homme. Elevés dans des familles humaines, les grands singes n’ont pas seulement vécu avec 9- On ne peut pas affirmer et nier le même terme (deux propositions dont l’une affirme ce que l’autre nie ne peuvent être vraies ensemble), Aristote, Métaphysique, 1005b, 19.20. 10- Voir Dewitte J., « Animalité et humanité : une comparaison fondamentale. Sur la démarche d’Adolf Portmann », Revue européenne des sciences sociales. Tome XXXVII, 1999, n°115 ; 1999, p. 9-13. 42 Photo Wolfgang Köhler les humains, ils ont coexisté avec eux. Leur intériorisation de bribes d’ethos humain, leur profond attachement envers les humains et leurs pratiques révèlent une dimension inattendue, de l’ordre de l’indicible, qui n’entre ni dans le paradigme expérimental ni dans une logique de la mesure ou de la modélisation mathématique. La question n’est pas ici de savoir si leurs comportements sont humains ou non, si le langage humain qu’ils s’approprient est bien du langage. Leur plasticité, leur devenir-humain, leur intérêt pour nos sociétés, témoignent de quelque chose de plus fondamental : d’une sensibilité partagée, de l’élan de vie et de la force du désir, d’un monde commun et d’une ouverture commune au monde. Ils nous contraignent ainsi de manière plus pointue encore à mesurer l’étendue de nos responsabilités vis-à-vis de ceux que nous forçons à entrer dans nos mondes. C. H. Construction d’une tour par la femelle chimpanzé Grande en vue d’atteindre le fruit placé en hauteur. Cette expérimentation a été faite dans le cadre d’études menées par Wolfgang Köhler à Ténérife sur les chimpanzés, leur psychologie et leur capacité à se servir d’outils (1913-1920). Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 La SNPN est habilitée à recevoir des dons ouvrant droit à une réduction d’impôt de 66% du montant du don versé, dans la limite de 20% du revenu imposable (année 2011) La SNPN peut également recevoir des donations ou des legs exonérés de droits de mutation (article 795-4 du code général des impôts) Renseignements : 01 43 20 15 39 LES MARES LES MARES DE NOS CAMPAGNES … Ont une histoire Dans nos campagnes, avant le développement des réseaux de distribution de l’eau, les fermes s’organisaient autour d’une mare. La majorité de ces mares étaient d’origine anthropique. Elles pourvoyaient alors à tous les besoins domestiques et agricoles. Abreuvoir, utilisation par les lavandières, réservoir d’eau, lutte contre les incendies, usage pour des pratiques artisanales étaient autant de fonctions que remplissaient ces mares. D’antan, l’élevage était prépondérant, des mares de prairie ont été ainsi créées par les anciens afin de fournir, lors d’absence de ruisseau ou de fossé, de l’eau pour le bétail. Un entretien régulier de ces mares était primordial pour assurer toutes ces fonctions. Avec l’arrivée de l’eau courante et le changement de pratiques culturales, l’utilité des mares a été moins évidente. Cela a entraîné pour nombre d’entre elles leur disparition soit par évolution naturelle suite à un manque d’entretien soit par comblement volontaire. Ces mares restent néanmoins une part non négligeable de notre patrimoine culturel, paysager et naturel. Des projets existent… Au vu de la perte de ce patrimoine, nombre de structures ont entrepris de monter des programmes avec l’aide des acteurs de terrain, des propriétaires (agriculteurs, chasseurs…). Création de mares, restauration, aide à l’entretien sont autant de pistes engagées par les structures et les différents acteurs pour préserver ce patrimoine. Prenons un exemple : Les Parcs naturels régionaux du Nord-Pas-de-Calais (PNR Caps et marais d’Opale, PNR Avesnois, PNR Scarpe Escaut) ont initié un programme « mare ». Cette initiative a été motivée par une volonté d’aller au-delà des mesures proposées par la PAC, à savoir Mesures agro-environnementales (MAE), Contrats territoriaux d’exploitation (CTE) et Contrats d’agriculture durable (CAD). Ainsi, les PNR ont développé un dispositif financier afin de compléter ces aides dans le but de préserver les mares des parcelles privées. Cette action, grâce à la motivation des propriétaires, se réalise via une convention pour une durée allant jusqu’au renouvellement de la charte du Parc. En ce qui concerne le PNR des Caps et marais d’Opale, entre 2000 et 2006, 68 mares ont été restaurées dans le cadre d’un programme d’aide au creusement et à l’aménagement de mares, en partenariat avec trois Groupements d’intérêts cynégétiques et plusieurs partenaires du Kent (Royaume-Uni). Dans le cadre d’un programme de restauration et de création de mares débuté en 2000, le PNR de l’Avesnois a permis de restaurer 74 mares en partenariat avec les agriculteurs, les propriétaires privés et les communes. Le PNR Scarpe-Escaut a, depuis 2004, permis de réhabiliter 19 mares agricoles. Envahissement de la mare par les ligneux (Chatelet-en-Brie). Certainement les mares les plus menacées… Sources : - Site des espaces naturels régionaux Nord-Pas-de-Calais : www.enra.fr/fr/biodiversite/les_programmes_d_action/ le_programme_mares - www.mares-france-comte.org -Teissier-Ensminger A., Sajaloli B. 1997. Radioscopie des mares. Editions L’Harmattan. Mare à proximité d’un corps de ferme (Chatelet-en-Brie). Photos ci-dessus et en bas à droite : Anne-Sophie Salmon ; En haut à droite : Elodie Seguin A chaque contexte, sa mare A l’heure actuelle, en parcourant les chemins loin des villes, il est possible d’entrevoir mares et flaques. Mais, si nous y regardons de plus près, suivant le contexte où elle se trouve, la mare peut être très différente. Voici quatre types de mares qu’il est possible de croiser : - Les mares de culture (ou les mares de champ) : ces mares aux berges souvent raides se situent dans les champs cultivés, en plein milieu des cultures ou en bordure de celles-ci. - A ne pas confondre avec les mouillères : une mouillère est une micro-zone humide située au sein de champs annuellement labourés. Elles se forment dans des dépressions d’origine naturelle ou semi-naturelle, relativement vastes (de plusieurs dizaines à plusieurs milliers de mètres carrés), peu profondes (une dizaine de centimètres environ), aux pentes très douces. Localisées souvent dans les régions de plaines ou de plateaux, elles sont alimentées soit par la nappe, soit par la pluie et ne possèdent pas d’exutoire. - Les mares de prairie : résultat d’un creusement volontaire, elles sont situées en milieux ouverts. La présence d’espèces se trouve ici en relation avec la fonction prairiale : prairies pâturées, où les mares servent de points d’abreuvoirs pour le bétail, et prairies fauchées. Une bonne exposition à la lumière au cours de la journée explique la présence d’une flore et d’une faune particulièrement riches dans ces milieux. - Les mares liées aux bâtiments ruraux : ces mares situées à proximité immédiate des bâtiments agricoles servaient autrefois à l’abreuvage des animaux de trait, mais servaient et servent toujours actuellement de réserve à incendie. Evidemment, suivant la région, d’autres peuvent être observées telles que les lavognes, etc. 44 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Les textes sont le fruit d’un travail collaboratif du groupe chargé du projet Zones Humides Ile-de-France. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 La disparition des mares peut avoir différentes causes : - L’évolution naturelle de la mare qui, sans entretien de la main de l’homme, s’atterrit, les ligneux prenant ensuite le dessus, puis disparaît. - Le comblement volontaire de la mare. Du fait du changement des pratiques agricoles (changement de culture, modernisation du matériel…), la plupart de ces différentes mares ont d’ores et déjà disparu. Ces changements ont contribué à la perte des réseaux de mares anciennement établis. En effet, les engins agricoles de plus en plus performants et volumineux ont imposé le comblement des mares de plein champ et des mouillères. De plus, les prairies notamment humides se sont raréfiées au même titre que l’élevage traditionnel, ce qui a causé la disparition de nombreuses mares. - Le drainage : Les mouillères, autrefois en eau une bonne partie de l’année, se sont totalement asséchées de ce fait. Mis à part la disparition en tant que telle des mares, un problème de pollution de l’eau peut exister, notamment dû à l’apport d’intrants sur l’environnement de la mare. Outre les effets directs que peuvent avoir certains produits (herbicides, fongicides, insecticides) sur la flore et la faune existantes dans la mare, l’apport de phosphates et d’azote entraîne l’eutrophisation du milieu, comme c’est le cas dans cette mouillère de Presles-en-Brie (photographie ci-contre). 45 AGENDA Colloques et rencontres Les coussouls de Crau constituent un habitat naturel méditerranéen unique en Europe. Ici en floraison automnale. Paris Exploitation et protection : quelles perspectives pour les grands fonds marins ? pour le critère biodiversité. Renseignements : Cemagref, 1, rue Pierre-Gilles de Gennes, CS 10030, 92761 Antony Cedex. Inscriptions à retourner avant le 21 novembre 2011. Programme provisoire, modalités d’inscription et questions pratiques sur le lien http://igd.cemagref.fr. 13 octobre 2011 Cette première conférence internationale pour une gestion durable des grands fonds marins réunira, à l’Institut océanographique de Paris, scientifiques, industriels, juristes et représentants de la société civile et du monde de la conservation. Une réflexion commune entre les différents acteurs de notre société doit en effet avoir lieu afin qu’une création coordonnée d’aires marines protégées dans les zones océaniques proximales et les zones profondes devienne une priorité, que des projets visant à identifier et à répertorier les espèces profondes et les pôles de biodiversité trouvent des financements et se développent. Renseignements : Institut océanographique de Paris, 195, rue Saint-Jacques, 75005 Paris. Tél. 06.10.50.44.44. www.oceano.org. Savoie La restauration des milieux aquatiques et des zones humides : objectifs, appui scientifique et retour d’expérience 13 et 14 octobre 2011 C’est au centre des congrès d’Aix-les-Bains que se tiendra ce colloque d’hydroécologie organisé annuellement par EDF et ses principaux partenaires scientifiques dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques. Il s’agencera autour de trois points principaux : - Les enjeux et ambitions pour la restauration des milieux aquatiques et des zones humides. - La place de la recherche scientifique vis-à-vis de la restauration des milieux aquatiques : quels apports concrets aujourd’hui et quelles attentes pour demain ? - Actions concrètes de restauration : quel retour d’expérience ? 46 Indre Les étangs : de la recherche scientifique internationale aux pratiques locales du Berry 22 au 24 mai 2012 Photo N.Vincent-Martin/CENPACA Renseignements : Centre des congrès d’Aix-les-Bains, rue Jean Monard, 73100 Aix-les-Bains. Tél : 04.79.88.68.20. www.aixlesbains-congrès.com. Bouches-du-Rhône La plaine de Crau : écologie et conservation d’une steppe méditerranéenne 24 et 25 novembre 2011 Depuis la création de la Réserve naturelle des Coussouls de Crau en 2001, cet espace a été le berceau d’importants programmes de recherche et d’avancées notables dans la connaissance et la conservation des espèces qui y sont inféodées. Les dix ans d’existence de la Réserve naturelle sont une occasion appropriée pour partager ces connaissances et développer des synergies avec les différents acteurs. Pour les scientifiques et leurs partenaires, c’est un moment idéal pour se rencontrer, échanger et mutualiser les compétences. Renseignements : Conservatoire d’espaces naturels PACA, 890, chemin de Bouenhoure-Haut, 13090 Aix-en-Provence. Tél : 04.90.47.93.93. (Bénédicte Meffre), E-mail : benedicte.meffre@ceep. asso.fr. www.reserve-crau.org Loiret Les indicateurs forestiers sur la voie d’une gestion durable ? Ce colloque vise à faire un état des lieux des avancées des recherches internationales portant sur les étangs, littoraux ou continentaux, artificiels ou naturels. Son objectif principal est d’associer le monde de la recherche scientifique et le monde professionnel des gestionnaires d’étang, en se focalisant sur certaines régions d’étangs européennes et la région française du Berry. Renseignements : Centre d’études supérieures de Châteauroux, antenne de l’université d’Orléans, 90, avenue François Mitterrand, BP 387, 36008 Châteauroux. E-mail : maryse.giraudon@ univ-orleans.fr. Découverte de la nature 6 et 7 décembre 2011 Ce colloque visera à informer et à mobiliser une communauté variée de parties prenantes (gestionnaires, décideurs, ONG, chercheurs), pour notamment proposer des pistes d’amélioration, à court et moyen termes, des indicateurs forestiers. La manifestation s’organisera en deux temps : une première journée consacrée à l’ensemble des indicateurs de gestion forestière durable, avec une approche ciblée sur les sciences de gestion et les sciences politiques. Une seconde journée centrée sur les indicateurs de gestion durable Bouches-du-Rhône 6 novembre 2011 L’histoire du massif du Luberon vous sera contée par un administrateur du Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur passionné de géologie : sa formation, son évolution, à travers l’observation des roches. L’occasion d’admirer les curiosités géologiques de cette montagne formée en à peine 3,5 millions d’années. Renseignements : Conservatoire d’espaces naturels PACA, 890, chemin de Bouenhoure Haut, 13090 Aix-en-Provence. Inscriptions : 04.42.20.03.83. www.ceep.asso.fr. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 LES RENDEZ-VOUS NATURE de la Société nationale de protection de la nature SORTIES D’UNE DEMI-JOURNEE LES OISEAUX DU PARC DE LA COURNEUVE Dimanche 16 octobre 2011 matin Observation et reconnaissance des différentes espèces d’oiseaux rencontrés à travers les milieux diversifiés de cet espace vert urbain : lacs, étangs, bois, pelouses. Inscription : adhérents 5 €, non-adhérents 8 €. Rendez-vous devant l’entrée Pyrus du Parc de la Courneuve (93) (accès en RER et en bus). Sortie réalisée en collaboration avec l’association Forêts en Aulnoye. OISEAUX D’AUTOMNE ET MIGRATIONS AU PARC DU SAUSSET Dimanche 20 novembre 2011 matin Ce parc urbain est un lieu privilégié pour observer les oiseaux hivernants ou de passage. Venez les observer sur un parcours de 6 km environ, jalonné d’observatoires. Tous les niveaux en ornithologie sont les bienvenus. Inscription : adhérents 5 €, nonadhérents 8 €. Rendez-vous à la gare RER de Villepinte (93). Sortie réalisée en collaboration avec l’association Forêts en Aulnoye. OISEAUX D’EAU A JABLINES Dimanche 18 décembre 2011 matin La base de loisirs de Jablines, vaste étendue d’eau, constitue au cœur de l’hiver un lieu incontournable d’observations ornithologiques. Nous y découvrirons un grand nombre d’oiseaux hivernants : fuligules, canards, harles… Inscription : adhérents 5 €, non-adhérents 8 €. Rendez-vous à la gare RER du Vert-Galant (93). Sortie réalisée en collaboration avec l’association Forêts en Aulnoye. SORTIES D’UNE JOURNEE A LA DECOUVERTE DES CHAMPIGNONS EN FORET DE RAMBOUILLET Dimanche 23 octobre 2011 Exploration et découverte de la flore mycologique des landes à bruyères, des prairies tourbeuses à molinies, des pinèdes et des chênaies du massif forestier de Rambouillet dans le secteur de l’étang d’Or, site mycologique réputé. Recherche, observation et identification des différentes espèces de champignons rencontrées. Sortie à but non gastronomique. Inscription : adhérents 7 €, non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare de Rambouillet (78). LE RETOUR DES OISEAUX HIVERNANTS EN VALLEE DE LA BASSEE Samedi 5 novembre 2011 Promenade hivernale sur l’un des meilleurs sites ornithologiques de la région, dans la plaine alluviale de la Seine, à la découverte de toutes les espèces d’oiseaux migratrices hivernantes en France, notamment les anatidés (canards, fuligules) mais aussi d’espèces occasionnelles à cette époque de l’année (harles, garrot à œil d’or). Inscription : adhérents 7 €, non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare de MontereauFault-Yonne (77). LA VEGETATION EN HIVER AU MARAIS DU LUTIN Samedi 26 novembre 2011 Bien que le marais du Lutin occupe un espace restreint au confluent du Loing et de la Seine, il est constitué d’une exceptionnelle diversité de milieux : berges de la Seine, roselières, vasières, friches sèches ou humides, boisements secs ou humides, carrière de calcaire de Château-Landon. Notre promenade botanique nous amènera à voir comment les plantes traversent la saison difficile en se créant des types biologiques terrestres et ici surtout aquatiques : beaucoup d’hydrophytes tels les carex à touradon, caltha immergée, nymphéa flottant, roseaux dressés, les iris en rhizome, les reines des prés enracinées dans la vase… Inscription : adhérents 7 €, non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare de Moret-Veneuxles-Sablons (77). ORNITHOLOGIE AUX ETANGS DE SAINT HUBERT Dimanche 11 décembre 2011 Observation des oiseaux migrateurs et sédentaires sur la chaîne des étangs de Saint Hubert : canards colvert et souchet, sarcelle d’hiver, fuligules morillon et milouin, héron cendré, grand cormoran… Randonnée autour des étangs d’une dizaine de kilomètres environ. Coup d’œil sur la plaine des Bréviaires et sur les oiseaux aquatiques et forestiers. Inscription : adhérents 7 €, non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare du Perray-enYvelines (78). ACTIVITE EN CAMARGUE RESERVEE AUX ADHERENTS DECOUVERTE ORNITHOLOGIQUE D’AUTOMNE EN CAMARGUE, CRAU, ALPILLES 10 au 13 novembre 2011 Avant les rigueurs de l’hiver, les étendues rougissantes des sansouires, les marais et les étangs recèlent des concentrations spectaculaires de milliers de canards hivernants, tandis que s’achève la migration des limicoles (bécasseaux, chevaliers...). Grande diversité de laridés, hérons et rapaces aussi nombreux qu’au printemps. Regard sur les Alpilles (rapaces, passereaux hivernants) et sur la Crau (oiseaux des steppes). Inscription : 220 euros, comprenant le transport sur place, l’hébergement simple en demi-pension dans un gîte de la réserve en chambres de 1 à 6 lits, l’encadrement par des naturalistes de la SNPN affectés à la gestion de la réserve nationale de Camargue. Rendez-vous à la gare d’Arles (13). Sorties d’initiation à la nature L’inscription à une sortie organisée par la Société nationale de protection de la nature (d’une demi ou d’une journée, ou plus) n’est effective qu’à réception d’un formulaire rempli et signé, accompagné du paiement correspondant. Ce formulaire est disponible sur le site internet de la Société nationale de protection de la nature ou peut être envoyé sur simple demande. Il comporte le détail des conditions générales d’inscription et d’annulation. Un accusé de réception et une circulaire donnant les détails pratiques et le programme précis sont alors envoyés aux participants. Les tarifs d’inscription représentent les frais d’organisation de la sortie. Les tarifs des sorties de plus d’une journée comprennent une assurance du type annulation–voyage. Pour les sorties d’une demi ou d’une journée : - les frais de déplacement restent à la charge des participants ; - l’annulation d’une inscription ne donne lieu à aucun remboursement ou changement de date. Renseignements : SNPN, 9, rue Cels, 75014 Paris. Tél. 01 43 20 15 39. Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 47 BIBLIOGRAPHIE Scorpions du monde Roland Stockmann et Eric Ythier Les scorpions, ce petit groupe d’arachnides composé d’environ 184 genres et 1 900 espèces et apparu dès le Silurien supérieur (421-408 millions d’années), sont remarquables à plus d’un titre : animaux terrestres d’assez grande taille pour des arthropodes, capacité exceptionnelle de résistance aux facteurs de l’environnement (résistance au jeûne, à la chaleur, à la sécheresse, aux radiations ionisantes…), biologie sexuelle, célèbre par les fameuses danses décrites par Jean-Henri Fabre, longévité pouvant atteindre plus de vingt ans chez certaines espèces... Mais aussi, et surtout, ils figurent parmi les pires ennemis naturels de l’homme. En effet, dans certains pays, ils causent plus de décès que les morsures de serpents et l’envenimation par les scorpions est, dans quelques pays d’Amérique et du Maghreb, un problème de santé majeur exigeant lutte et prophylaxie. C’est ce monde mal connu et détesté que les deux auteurs nous font découvrir à travers ce guide, en abordant la phylogénie des arthropodes, la paléontologie et les origines des scorpions, leur répartition mondiale, leur morphologie et leur anatomie, les principales fonctions biologiques (nutrition, comportement sexuel, stridulation…), leur écologie, les venins et l’envenimation (tous sont venimeux, plus de 200 toxines ont été purifiées à partir du venin des scorpions), 48 le tout parfaitement illustré par des dessins et des photographies, sans oublier une partie développant les mythes, légendes et représentations des scorpions, depuis la plus haute antiquité. Pour ceux qui, après la lecture de ce guide, seraient attirés par ce monde des scorpions, des chapitres abordent leur observation, leur récolte ainsi que leur élevage. La partie systématique est bien documentée, donnant une description rapide des principales familles et les critères de classification, une clé de détermination des familles de scorpions actuels et de quelques genres remarquables, la liste des espèces connues et leur répartition géographique. Ces généralités sont complétées par la présentation de plus de 350 espèces, classées par région biogéographique (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Amérique centrale et Caraïbes, Australie, Océanie, Afrique, Asie et Moyen-Orient et l’Europe avec les six espèces présentes sur notre territoire métropolitain). Chaque espèce fait l’objet d’une courte description, la toxicité du venin, son habitat, la répartition géographique avec Vision brillante et attrayante d’un groupe, à l’histoire ancienne, d’animaux uniques par leur structure et étonnants par leur comportement. M. Echaubard N.A.P. Editions, 2010. 565 pages. Format 13 x 20 cm. Relié avec couverture cartonnée. Photographies en couleurs. Prix : 75 €. ISBN : 978-2-913688-10-0 Le Guide des champignons, France et Europe Guillaume Eyssartier & Pierre Roux carte, et d’une photographie correspondant à des animaux (femelles adultes dans la majorité des cas) photographiés par les auteurs dans la nature ou en élevage. Les auteurs ont la modestie de dire que cet ouvrage n’est pas un livre pour arachnologue spécialiste, en revanche ils réussissent parfaitement à offrir une pléthore d’informations et un guide de terrain pour tous ceux désireux de s’informer sur les scorpions, amateurs naturalistes et étudiants en systématique, biologie du comportement, de l’écologie et des venins. C’est normalement à la fin de l’été que l’on voit fleurir les guides des champignons dans les échoppes des libraires. Curieusement, celui-ci a été édité en mars dernier, peut-être pour se démarquer de la pléiade de tous les autres… Mais là n’est pas sa seule originalité, fort heureusement ! Il s’agit en effet du premier ouvrage qui illustre par la photo plus de 1 400 espèces de champignons, ce qui constitue un record absolu parmi les guides de cette catégorie, même au niveau mondial, souligne l’éditeur ! De bons livres consacrés à ce sujet fort prisé de tous les amateurs de nature et de randonnées, il n’en sort pas La quête du naturaliste Petites observations sur la beauté et la diversité du vivant Benoît Fontaine Voici un nouvel opuscule des éditions Transboréal propre à susciter des vocations pour le métier de naturaliste. Le malacologue Benoît Fontaine nous livre d’une plume aisée un retour sur son expérience de voyageur naturaliste. Selon lui, qu’est-ce qu’un naturaliste en ce début de siècle ? Une personne fascinée par la diversité de la nature, mais impuissante devant la réduction patente de la biodiversité, ne pouvant l’enrayer puisque ce serait le rôle des décideurs politiques, s’ils veulent bien se décider à agir. Le rôle du naturaliste c’est de faire connaître la nature en commençant par la regarder lui-même, tous les sens en éveil, tel un observateur insatiable et possesseur d’une perception plus aiguisée que celle du simple promeneur. C’est surtout d’amasser les connaissances, en véritable puits de science, pour inventorier les espèces et parfois en découvrir de nouvelles, les nommer... Il s’agit pour lui de garder une trace de ce qui risque de disparaître en espérant qu’il donnera l’envie, en dévoilant les beautés de la nature, de mettre en place des actions de préservation pour limiter les dégâts. S. H. Transboréal, 2010. Coll. « Petite philosophie du voyage ». 89 pages. Format 11 x 16,5 cm. Broché. Prix : 8 €. ISBN : 978-2-36157-021-7 Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 souvent, le dernier en date étant celui de Régis Courtecuisse et de Bernard Duheim paru aux éditions Delachaux et Niestlé en 1994… Cet ouvrage décrivait déjà, au travers de ses 160 planches de dessins, 1 751 espèces de champignons sur les quelque 3 000 que compte la flore européenne. Mais un dessin de petite taille ne permet pas toujours d’identifier de façon très précise l’espèce que le mycologue amateur a entre les mains, d’autant que, le plus souvent, une diagnose précise demande un examen microscopique, des spores notamment. L’ouvrage de Guillaume Eyssartier et de Pierre Roux vient compléter fort utilement celui de Courtecuisse, car il permet d’effectuer une comparaison précise de l’exemplaire trouvé avec l’image, d’autant que les photos sont réellement remarquables, quant à la fidélité de leurs couleurs notamment. Le format adopté par l’éditeur est un format classique pour un guide de terrain, ce qui le rend aisément transportable dans un sac à dos malgré un poids relativement élevé ; mais il faut tenir compte du fait qu’il est imprimé sur papier couché (glacé), ce qui le rend peu salissant à la manipulation et, surtout, qu’il ne renferme pas moins de 1 120 pages ! Une partie introductive, claire et didactique, décrit les principaux caractères des champignons – anatomie, écologie, biologie, critères de diagnose et classification –, ainsi que leur rôle dans les principaux écosystèmes. Les divers types d’intoxication sont également évoqués. Les espèces les plus toxiques et leur différenciation avec des espèces d’aspect similaire font l’objet d’une attention particulière. Signalons également qu’une dizaine d’espèces nouvelles sont décrites à cette occasion. Un index des noms français et latins de genre et d’espèce complète utilement ce travail. 12 cm. Prix : 17 € ISBN : 978-2-283024-560 J.M. Gourreau Editions Belin, 2011. 1120 pages. Format 12,5 x 23 cm. Plus de 1 400 photographies en couleurs. Broché, couverture à rabats. Prix : 35 €. ISBN : 978-2-7011-5428-2 Philosophie de la biodiversité. Petite éthique pour une nature en péril Virginie Maris Voilà un ouvrage intéressant, qui se lit bien et qui porte un regard relativement original sur la biodiversité, celui de ses aspects philosophiques, moins classiques pour un biologiste. La biodiversité y est bien sûr définie et expliquée, et l’histoire même de la naissance du concept est évoquée. Le fait que des questions de protection animale soient associées aux problématiques plus habituelles de conservation de la nature enrichit et nourrit les arguments. Les développements sur l’éthique environnementale associent et présentent des notions comme celles du spécisme, du droit des animaux ou du biocentrisme. Cinq « principes » sont évoqués : principe d’autonomie, de responsabilité, de bienveillance, d’humilité et de diversité. L’auteur suggère de chercher dans la philosophie les questions, et les éléments de réponse, qui permettraient de résoudre la crise actuelle de la biodiversité. Les éléments techniques et scientifiques risquent de ne pas être suffisants. Il paraît difficile de penser que le seul progrès technique, en grande partie responsable de cette crise, en soit aussi la solution. Cache-cache Les milles manières de se camoufler Les chauves-souris de Madagascar Steven M. Goodman Voilà des années que Steven Goodman travaille sur la faune de Madagascar, chauves-souris en particulier, mais pas seulement. Il est l’un des coordinateurs du très gros (1 709 pages) « The Natural History of Madagascar » paru en 2003 chez The University of Chicago Press. Il s’attelle cette fois à une monographie sur les chiroptères, la première depuis le volume de la série Faune de Madagascar paru en 1995. Les 43 espèces (dont trois roussettes) connues à ce jour sont présentées de manière synthétique, mais toutes n’ont pas encore été vraiment étudiées. Elles se répartissent en huit familles dont l’étonnante famille endémique des myzopodidés (deux espèces). Au total, on compte aujourd’hui 31 espèces endémiques, soit les trois quarts de celles de l’île. On peut noter que Steven Goodman est le descripteur, ou le codescripteur, de 14 nouvelles espèces. L’évolution de la systématique a fait croître de manière significative le peuplement des chiroptères malgaches. Le livre commence par une trentaine de pages d’introduction et de présentation, et se clôt par une bibliographie de 114 références. Il est le premier d’une nouvelle série intitulée Guides sur la diversité biologique de Madagascar. F. Moutou F. Moutou Buchet/Chastel Ecologie, Meta-Editions, 2010. Coll. « Documents ». 213 pages. Format 19 x Association Vahatra, Antananarivo, 2011. 129 pages. Contact : [email protected] Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Béatrice Fontanel Dès la couverture du livre, le ton est donné : une tête de grenouille émerge d’une nappe de lentilles d’eau, tandis que la queue d’un poisson-clown sort des tentacules d’une anémone de mer... C’est surtout de mimétisme dont il s’agit, la plupart du temps pour ne pas se faire manger ou juste pour pouvoir manger, et tirer parti de toutes les cachettes du milieu naturel. De nombreuses espèces, toutes plus étonnantes les unes que les autres, se taillent la part belle parmi les photographies mises en valeur par le grand format de l’ouvrage. Cache-cache aquatique, déguisements de batraciens, insectes, reptiles, oiseaux ou mammifères, on se régale des images, complétées d’un texte explicatif bien utile. Un livre qui ravira les plus jeunes, leur faisant découvrir que leur jeu favori se décline aussi parmi de nombreuses espèces animales, tout en gardant un intérêt certain pour les lecteurs un peu plus avisés, l’ouvrage ayant été relu et conseillé au niveau scientifique par JeanMarc Pons, du Muséum national d’histoire naturelle et administrateur de notre association. P. Perret Editions Palette. 2010. 64 pages. Format 23 x 33 cm. Relié avec couverture cartonnée. Prix : 18 €. A partir de 8 ans. ISBN : 978-2-35832-054-2 49 BIBLIOGRAPHIE Le Temps des barbares Lauriane d’Este Un livre de Lauriane d’Este doit toujours susciter un vif intérêt. Universitaire et historienne d’art, elle a déjà publié de nombreux ouvrages où les connaissances scientifiques rigoureuses étaient agréablement enrichies par une remarquable érudition dans les domaines de l’histoire de l’art et de l’histoire tout court. Cela, toujours avec le désir de participer à ce combat écologique dont l’auteur est depuis longtemps une militante active. Mais voici que maintenant elle publie une fiction ! Le Temps des barbares raconte en effet les aventures d’une héroïne centrale, Attica (nom déjà mythique), une jeune femme victime d’un gigantesque tsunami, et que sa volonté acharnée de vivre entraîne dans une pénible ascension, puis à la rencontre de personnages très divers, les uns effrayants, les autres accueillants dans des oasis inattendues. Mais tout cela ne sort pas d’une libre imagination ; c’est au contraire la suite logique de circonstances réelles prouvées par la science. C’est à bon escient que le livre est présenté comme une « fable écologique » : il l’est puisqu’il décrit les conséquences de ce que les militants écologistes dénoncent depuis de longues années. Sans doute Lauriane d’Este, en choisissant cette formule, a-t-elle eu l’espoir de toucher encore plus efficacement une certaine partie de ses lecteurs en faisant appel à l’émotion, à l’attachement que l’on ressent forcément pour ses « héros » dont on partage les angoisses, les terreurs, ainsi que les joies. Pour un tel ouvrage, il n’est évidemment pas question d’en énumérer les péripéties ; il faut laisser aux lecteurs le plaisir de se demander quelles elles seront, puis de les découvrir. Disons simplement que 50 l’auteur a très bien tiré parti de ce qui arrive déjà actuellement (à petite échelle) dans nos pays européens, à savoir l’étonnante multiplicité de climats différents, au même moment, dans des endroits très rapprochés. Voilà qui confère une incontestable crédibilité au passage de son héroïne d’un désert brûlant où toute vie a été tuée par une interminable canicule, à un proche vallon où bondit un fleuve impétueux, entouré d’une végétation abondante, mais sur un espace limité. On peut même y trouver, à cent mètres de là, une miraculeuse « Arcadie » où vit un vieil homme, autrefois médecin réputé, puis voyageur « aventurier » dans le monde entier, et qui était finalement revenu à son village natal, en Savoie, où il cultivait un modeste jardin et ne s’estimait plus seul, car il avait la compagnie d’une petite chèvre et d’un beau chat gris... L’arrivée et le séjour d’Attica dans ce « paradis » permet de faire connaissance avec Antoine de la Salle, épisodique dans le temps mais capital du point de vue de l’importance. Sa vocation humanitaire l’ayant poussé à parcourir tous les continents pour essayer de sauver des vies, il a appris par expérience que la méfiance était indispensable et devait aller jusqu’à assurer sa « self-defense » contre ceux qui n’étaient plus que des agresseurs. Prudent et assez pessimiste, il montre à Attica le dédale d’un ancien monastère qui pourrait servir de refuge en cas d’invasion des « barbares ». Il va même jusqu’à exiger de l’initier au maniement d’une mitraillette, avec évidemment l’espoir qu’elle n’aurait jamais à s’en servir. Lauriane d’Este en fait un vrai personnage, certes complexe, difficile à définir, mais captivant et qu’il sera impossible d’oublier. Les précautions, hélas, ne furent pas inutiles, car après une dramatique période de tempête, ouragan, avalanche de glace et de pierres, montée d’eaux polluées et boueuses, apparut soudain un primitif bateau qui s’échoua à quelque distance de la côte et duquel sortirent de redoutables « barbares » visiblement en quête de pillage et prêts à le perpétrer, selon leur coutumière façon d’agir, avec une violence sans limites. Ainsi, le « temps des barbares » s’apprêtaitil à régner dans l’Arcadie, non seulement par la présence d’individus, mais en s’immiscant jusque dans l’âme d’Attica... Car, d’abord mise à l’abri dans l’église, elle entrouvrit les portes et, devant leurs menaces, leurs méfaits et même leurs crimes, elle fut soudain envahie d’un irrépressible besoin de vengeance, et elle l’assouvit. Un geste dont elle ne se serait jamais cru capable et qui ne lui laissait aucun remords. « Les seuls survivants, ce seront eux ou moi... » Eh bien ce sera moi. Elles était devenue une mutante complètement indifférente au sort d’autrui et ayant pour seul objectif le maintien de sa propre vie et de celles des êtres qui vivent avec elle. En fin de compte, qu’adviendrat-il de ces quelques êtres ? Lauriane d’Este a choisi pour eux une « happy end », avec l’arrivée d’un marin qui a traversé les océans avec deux amis pour venir les chercher. Dans une lointaine terre épargnée par les catastrophes, ils recréeront une nouvelle vie, en accord avec la Nature... Toutefois, « si la Planète y consent ». Car ce séisme universel peut être envisagé comme une colère de la nature, enfin décidée à supprimer cette dérisoire espèce née il y a quelque 200 000 ans sur une Terre existant déjà depuis des milliards d’années et qui, au lieu de la remercier et de la respecter, n’avait cessé de la polluer, d’en détruire l’équilibre, d’en exploiter les ressources jusqu’à épuisement, et qui avait dans sa majorité refusé de changer son mode de vie pendant les dernières décennies qui lui auraient permis de redresser in extremis la situation. Mais, si une incertitude demeure, reste l’espoir que ces miraculés du Déluge, avec un couple humain comme dans toutes les traditions et l’Arche de Noé, arriveront à bon port pour recréer un nouveau monde viable. Pour terminer, on ne saurait mieux faire que de citer l’auteur : « Le vrai sujet de ce livre, c’est le souhait de manifester et de faire partager une inquiétude réelle aux habitants de cette planète en rappelant qu’elle est unique, magnifique et mérite le respect de tous. Il nous faut apprendre à vivre avec elle, en harmonie et non en prédateur, sinon c’est le sort des quelques survivants de cette histoire qui nous attend, décimés par la faim, la soif, la maladie, les calamités climatiques et la haine. [...] L’humanité n’aura pas de seconde chance. » C. Ruffier-Reynie Editions de l’Harmattan, 2010. 228 pages. Format 15,5 x 24 cm. Broché. Prix : 23 €. ISBN : 978-2-296-13575-8 Lexique Apétiolée : Se dit d’une feuille dont le limbe folié est directement relié à la tige. Canopée : Strate supérieure de la couronne des arbres. Epiphyte : Végétal installé sur un autre végétal, sans lui nuire. Les lichens et les bryophytes, certaines fougères et orchidées tropicales sont des épiphytes. Inselberg : Butte de roches plutoniques émergeant au milieu d’une pénéplaine (qui est une plaine présentant des mouvements de terrains dus à ce qu’elle résulte de l’érosion et de la planation d’une ancienne chaîne de montagne ou à tout le moins d’une zone plissée) et produite par un processus d’érosion par exfoliation. Monocotylédone : Classe d’angiospermes (plantes à fleurs) caractérisée par des graines dont les embryons ne possèdent qu’un seul cotylédon (chez les végétaux, premières fleurs développées par l’embryon dans la graine des spermatophytes). Ces fleurs comptent 64 familles, les principales étant les graminées, les cypéracées, les orchidacées, les palmacées ou arécacées (palmiers). Mutualisme : Phénomène d’association bénéfique entre deux espèces vivantes. Celle-ci peut être facultative (protocoopération) ou obligatoire (symbiose). Ornithophile : Désigne la particularité de certaines espèces végétales d’attirer les oiseaux butineurs de nectar tels les colibris en Amérique et les nectaridés dans l’Ancien Monde tropical. Symbiose : Forme de mutualisme la plus achevée. Elle tient en un phénomène d’association obligatoire et donc permanente entre les organismes qui la pratiquent et se traduit, dans les cas les plus évolués, qui sont aussi les plus fréquents, par le fait qu’une des espèces héberge à l’intérieur de son organisme l’autre espèce du couple des symbiotes (endosymbiose), par opposition aux cas moins évolués où les deux organismes restent extérieurs l’un à l’autre (exosymbiose). Sources : Dictionnaire encyclopédique de l’écologie et des sciences de l’environnement (François Ramade Dunod, 2e édition, 2002) ; Dictionnaire raisonné de biologie (Jean-Louis Morère et Raymond Pujol, Editions Frison-Roche, 2003). Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 Au sommaire du Courrier de la Nature Année 2010 N° 252 N° 253 N° 254 N° 255 N° 256 N° 257 Janvier-Février Mars-Avril Mai-Juin Juillet-Août Vulnérabilité et résilience des récifs coralliens de Polynésie française face aux perturbations de grande ampleur - Conservation des bocages pour le patrimoine batrachologique Plaine des Maures : la délicate mise en place de la réserve nationale. Des arbres en mal de dispersion ? - Conservation de la nature et développement local durable autour du thé d’Aubrac Plaine des Maures : la saga juridique du golf de Bouis se poursuit. La bernache du Canada : histoire d’une population férale en expansion sur un étang francilien et réflexion sur son statut national démographique et juridique - Impact de la pollution sonore sur la faune. Le merle des îles, un oiseau menacé d’extinction en Nouvelle-Calédonie - Dépoldérisation : la reconquête du fleuve sur l’ancien polder de Mortagne-sur-Gironde - Stockage de déchets en plaine des Maures : le dossier de Balançan. SeptembreOctobre NovembreDécembre Le massif de Galičica : un lieu remarquable pour les orthoptères et lépidoptères, en République de Macédoine - Flore urbaine à Toulouse et histoires naturelles. Les trognes, un monde de biodiversité - La dissémination des graines et la pollinisation des fleurs par les mammifères et les oiseaux. Année 2011 N° 258 N° 259 Janvier-Février Mars-Avril La catastrophe de Fukushima : quelles sont ses causes et ses conséquences radioécologiques ? - Tribune libre : Après Fukushima. Actualité : Liste rouge de l’UICN des espèces d’oiseaux menacées en France métropolitaine - La LPO décerne un « Macareux d’Or » à deux scientifiques - La femelle ours ne sera pas réintroduite dans le Béarn - Le lucane cerfvolant centre de l’opération « En quête d’insectes » lancée par l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE) Grand hamster : la France est condamnée par la Cour de justice européenne - Mobilisation en Haute-Normandie en faveur des hirondelles - Les milans royaux menacés en France - Pollution marine par les déchets du tsunami - Un programme d’études des oiseaux marins sur la zone Atlantique - Vers une agriculture plus économe en eau Un répit dans la pêche aux esturgeons. Le desman des Pyrénées, un mammifère énigmatique - Le gypaète barbu dans les Alpes : chronique d’un retour accompagné - L’homme et la nature : sixième épisode - Les mares : libellules et singularités. 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Numéros spéciaux N° 168 (épuisé) Spécial Guyane N° 220 Spécial Oiseaux de mer N° 175 (épuisé) Spécial Grand Lieu N° 182 - Spécial Réintroductions N° 196 Spécial Abeilles N° 213 Spécial SNPN 150e anniversaire N° 227 : Spécial Grands singes N° 260 Spécial Communication plantes/ N° 250 Spécial animaux Fourmis N° 189 Spécial Orchidées N° 203 Spécial Volcans N° 241-242 Spécial SNPN et zones humides La communication entre plantes et insectes : présentation générale - Couleur de fleur d’orchidées et insectes pollinisateurs - Parfums de figues : petites histoires de communications plantes-animaux - Les aracées : une diversité d’arômes ou les différentes stratégies de la séduction - La communication dans les symbioses entre plantes et fourmis - Communication entre plante et pollinisateur parasite de graines : les liaisons dangereuses. Chaque numéro : 5,60 € port compris (9 € pour la copie d’un numéro épuisé) - Bon de commande en pages centrales Des plantes tropicales qui forment des mares : les broméliacées-citerne Un écosystème aquatique miniature capital pour la biodiversité page 20 le courrier de la Nature Mai-Juin 2011 - n° 261 Les chiroptères et la forêt : de la connaissance à l’action ! Etat des lieux de leur prise en compte dans la gestion Réflexion sur les communautés hommes-singes page 28 page 34 Les mares agricoles Manifeste Recherche en ingénierie écologique page 44 page 6 Cigognes blanches abattues en Charente-Maritime Réintroductions L’aigle de Bonelli page 8 page 15 Algues vertes Mort de 36 sangliers page 9 Oiseaux européens Destructions illégales page 13 Grand tétras sur l’autel de la chasse page 10 Gorilles de montagne menacés par la quête du pétrole page 11 Milieu marin Haploops de Bretagne page 12 L’agenda Les rendez-vous nature La bibliographie Photo David Aupermann