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La Société Médico-Chirurgicale de Liège
Regards croisés sur la conscience
Marie-Elisabeth Faymonville
Service d'Algologie – Soins Palliatifs, CHU Liège, Université de Liège
Une des définitions communément acceptées de l’hypnose est celle proposée par The Executive
Committee of the American Psychological Association – Division of Psychological Hypnosis :
« procédure durant laquelle un professionnel ou un chercheur suggère à un patient ou un sujet
des changements de sensations, de perceptions, de pensées ou de comportements » 1.
Le processus hypnotique se caractérise par trois composantes principales : l’absorption, la
dissociation et la suggestibilité 2. L’absorption est définie comme la capacité à s’impliquer
complètement dans une expérience imaginative, la dissociation est la séparation mentale de
comportements qui ordinairement vont de pair, et la suggestibilité représente la capacité
d’accepter et de suivre les instructions ou suggestions du professionnel utilisant les techniques
hypnotiques. L’hypnose peut être considérée comme un talent que chaque individu possède à des
degrés variables : les virtuoses de l’hypnose ont accès à ce talent de façon « spectaculaire » ; les
autres doivent s’exercer pour vivre ce processus de façon satisfaisante. Dans le langage
hypnotique, on utilise des techniques de communication spécifiques. Le sujet ou patient, qui est
habituellement considéré comme le destinataire des messages, prend une position d’observateur
passif, distant par rapport à lui-même.
De récentes études comportementales ont permis de mettre en évidence que des sujets, lorsqu’ils
sont en état d’hypnose, rapportent une phénoménologie similaire à un état de conscience
modifiée : les sujets témoignent d’un niveau plus élevé d’absorption et de dissociation par rapport
à ce qu’ils ressentent en état d’éveil normal 3. De plus, l’état d’hypnose semble être caractérisé par
une modification de la conscience de soi : les sujets rapportent une facilitation des pensées
spontanées, ainsi qu’une réduction de l’orientation de soi et une absence de volonté et d’effort
pour produire des réponses 4.
Les techniques de neuroimagerie restent une aide précieuse pour comprendre les mécanismes
cérébraux de la conscience et, tout particulièrement, le processus de conscience altérée ou
modifiée, comme l’hypnose. Ces travaux permettent d’objectiver une modification de l’activité des
régions impliquées tant dans la conscience de soi que de la conscience du monde extérieur, de
1
l’environnement. Par ailleurs, l’utilisation clinique de l’hypnose dans la gestion des douleurs aiguës
est actuellement démontrée comme bénéfique pour les patients. A nouveau, l’atténuation de la
perception de la douleur lors du processus hypnotique est mieux comprise grâce aux diverses
études réalisées en neuroimagerie, mettant en évidence une modulation de la connectivité
fonctionnelle au sein du « réseau cérébral de la douleur » 5.
Références
1.
The Executive Committee of the American Psychological Association - Division of
Psychological Hypnosis, Definition and description of hypnosis. Contemp. Hypn., 1994. 11:
p. 142–162.
2.
Spiegel, D., Neurophysiological correlates of hypnosis and dissociation. J Neuropsychiatry
Clin Neurosci, 1991. 3(4): p. 440-5.
3.
Demertzi, A., et al., Hypnotic modulation of resting state fMRI default mode and extrinsic
network connectivity. Prog Brain Res, 2011. 193: p. 309-22.
4.
Rainville, P. and D.D. Price, Hypnosis phenomenology and the neurobiology of
consciousness. Int J Clin Exp Hypn, 2003. 51(2): p. 105-29.
5.
Faymonville, ME., et al., Increased cerebral functional connectivity underlying the
antinociceptive effects of hynosis, Cog Brain Research, 2003. 17: p.255-62.
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La conscience, présentation de la question
Monsieur Ali JEDIDI
Doctorat en philosophie de l’ULg
La notion de conscience dans ses connotations scientifiques ou conceptuelles présentes, est un
concept relativement récent pour la réflexion philosophique d’une manière générale.
Elle ne s’est pas imposée immédiatement à la tradition philosophique.
Pour ce faire, elle a dû faire l’objet de tout un détour historique, en passant d’abord par la
réflexion métaphysique pour éclore, enfin, dans le champ des recherches neurologiques et
psychanalytiques. Ce sont les recherches faites à la Salpêtrière par Charcot et ses élèves, au 19ème
siècle, sur l’hystérie- lesquels débouchant sur le rôle déterminant de l’inconscient dans la
construction de la conscience de soi- ont permis à la philosophie de se familiariser avec le
nouveau concept qu’est la conscience. Et ce en premier temps au travers de la psychanalyse.
Avec le développement des neurosciences et l’apport expérimental et clinique qu’elles ont insufflé
à la question, la philosophie a repris à frais nouveaux la problématique de la conscience. Mais
modeste, n’étant plus la reine des savoirs, elle se contenta de penser les résultats que ces sciences
ont produit au niveau de l’épistémè. Ainsi que les conséquences qu’elles véhiculent quant à la
représentation de soi et du monde.
De Changeux aux approches du Coma Science Group, que de chemin parcouru, pourtant la
question fondamentale que s’est posée, déjà, la philosophie- savoir comment l’idée se produitelle ? Quels rapports établir entre la matérialité du cerveau et l’immatérialité de l’idée ? - demeure
toujours discutée et souvent avec passion.
Attentive à cette évolution scientifique, la réflexion philosophique cherche à accompagner ces
mutations relatives à l’approximation de la question de la conscience, en pensant les
conséquences tant morales que philosophiques qu’introduisent ces sciences dans nos conceptions
de l’homme et du monde.
Qu’il s’agisse de métaphysique ou de psychologie, la conscience ne fut point approchée en tant
que telle, elle a été au contraire étudiée ou définie conceptuellement à l’aide de concepts
différents. Pour les anciens, penseurs de l’antiquité ou de l’époque médiévale ou encore de l’âge
classique, elle est cette partie noble et sublime de l’âme. Celle qui permet l’abstraction et la
généralisation, le passage du donné sensible au concept.
Mais quelle que soit l’appellation que l’on octroyait à la conscience, force est de constater la
fascination qu’exerçait le fonctionnement cognitif de cette partie sublime du corps sur ces
penseurs. Leur questionnement allait de l’étonnement à l’émerveillement.
Cette dimension sublime de l’âme serait-elle humaine, serait-elle divine ? La réponse est complexe
et ambiguë. Comment fonctionne-t-elle ? Qu’elle est son origine ? Comment advient-elle dans les
parties de l’âme ? Comment les concepts apparaissent-ils chez l’homme ? D’où tirons-nous
l’intuition de notre propre existence et celle du monde ?
C’est à ces questions fondamentales que s’employa l’effort réflexif des premiers philosophes pour
rendre compte de la rationalité du fonctionnement cognitif des facultés de l’âme. De leurs
réponses s’est formé progressivement tout un corpus philosophique, qui va de l’antiquité à nos
jours.
Pour notre causerie de ce soir, nous nous limitons à deux grands penseurs, qui ont contribué de
façon significative à l’étude de ce que nous appelons actuellement « conscience ». Savoir Aristote
3
(384-322), philosophe grec de l’Antiquité et Ibn Rushd (Averroès 1126-1198), philosophe de
l’Andalousie musulmane.
Cerveau, coma et conscience
Nicolas Lejeune, GIGA, Coma Science Group, Université et CHU de Liège
www.comascience.org
Plusieurs états indiquent une perte de conscience : le coma, l'anesthésie, le sommeil.
L'étude de l'état ‘végétatif’, un éveil sans signes de conscience, désormais appelé syndrome d'éveil
non-répondant, souligne combien les limites de la conscience sont incertaines, mais aussi combien
il est urgent de les explorer.
L'objectif de notre équipe est d'accroître notre connaissance du fonctionnement cérébral résiduel
des patients qui survivent à une atteinte traumatique ou hypoxiqueischémique sévère du cerveau
mais restent en coma, en éveil non-répondant, en état de conscience minimale ou en locked-in
syndrome. Ces patients posent en effet des problèmes diagnostiques, pronostiques,
thérapeutiques et éthiques majeurs. L'étude de tels patients est aussi susceptible d'améliorer notre
connaissance de la conscience humaine.
L'utilisation croissante de la neuro-imagerie fonctionnelle (tomographie par émission de positons,
électroencéphalographie à haute densité et imagerie par résonance magnétique structurelle et
fonctionnelle) nous permet de mieux déchiffrer les lésions des patients dont le cerveau est
gravement atteint et de mieux évaluer le fonctionnement résiduel des patients dits "inconscients".
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