L`ignorance de l`économie, le pire de nos maîtres

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L’ignorance de l’économie, le pire de nos maîtres
L’économie, cette « religiosité austère » selon Pascal Bruckner(1) cache bien des turpitudes dont
la pire n’est pas de se tromper mais de nous tromper. Je veux dire qu’elle tend à faire croire
qu’elle est bourrée de vertus alors qu’elle n’est que la catin de maquereaux spéculateurs qui ne
sont même pas correctement encadrés par des règles qui en limiteraient les effets prédateurs.
Les petits bourgeois investissent en ne rêvant que du grand soir, non celui de la révolution, mais
du coup boursier qui les rendra riches tout en jouant la façade de père la vertu les jours de gains
et les offusqués du jeu lorsque les périls s’amassent. Comme le souligne James K. Galbraith ; « Si
les marchés imposaient vraiment une discipline, les personnes qui travaillent durs ne seraient pas
pauvres et les spéculateurs en général ne seraient pas riches »(2). En 2005, l’épargne mondiale
était estimée par le FMI à 11 000 Milliards de dollars. Si cette épargne s’était investie dans des
projets de développement durable plutôt qu’à servir d’instrument de spéculation notre destin
serait sans doute différent de ce qu’il est actuellement. Entre la sécurité de la croissance à long
terme, continue, pour tous, et les promesses d’une richesse rapide pour quelques uns, nos
actionnaires ont choisit la spéculation, belle putain de l’économie dont les charmes sont souvent
frelatées et porteuses de pandémies socio-économiques.
Les économistes ne servent qu’à expliquer ce qui s’est passé. Oracles qui n’y voient gouttte.
Psychologues à leurs heures, ils rassurent les politiques qui suivent – parfois – leurs conseils. Ce
qui faisait dire à Clinton, non sans humour, qu’il disposait certes des meilleurs économistes
mondiaux mais qu’aucun ne lui conseillait la même chose. Son problème étant de savoir à qui
faire confiance. Je n’y vois que de triviales concessions des économistes aux lois du plus fort, aux
pouvoirs en place. Qui les paient les plus souvent. Il suffit pour s’en convaincre de relire l’histoire
de l’économie en regard des évolutions des mœurs de chaque époque. Sinon comment expliquer
que des militaires, des industriels, des commerçants, des syndicats, des gouvernements ce soit
mis d’accord pour normaliser leurs échanges économiques, techniques, d’informations, de
documents, sans que jamais, au Dieu grand jamais, on les aient vu se mettre d’accord pour
limiter les effets, les dérives de la spéculation confondue désormais – tragique méprise – avec la
libéralisation de l’économie. Les économistes sont trop souvent épargnés par la presse et les
politiques. Savants des choses de l’économie, enseignants des mécanismes qui fondent la
récession ou la croissance, vigies des dérives des systèmes économiques, les avez vous vu faire
autre chose que nous dire tel les grands prêtres d’autrefois, courbez vous devant l’inéluctable,
supportez votre peine, vos souffrances, c’est l’économie qui passe accompagnée de la grande
faucheuse quelle fréquente, assurément, de plus en plus. La défaite du communisme n’était pas
la victoire du capitalisme comme on aura pu le lire ici ou là. Premier vaincu plutôt. Reste à se faire
le capitalisme dans ce qu’il a de plus hideux et excessif. Car lui aussi, comme le communisme des
origines était d’abord l’expression d’un rêve ? Pour les uns l’égalité devant la propriété et les
possessions, pour les autres l’égalité dans les chances de s’enrichir. On sait à quoi s’en tenir
aujourd’hui. Les pauvres restent pauvres dans tous les régimes. Les sociétés restent aux régimes
de la «déresponsabilité anonyme » ce qui met en péril nos démocraties. Tout s’achète, oui, même
un élu. Mais ce sont les peuples qui paient. Des peuples tenus à l ‘écart de la compréhension
même sommaire de la chose économique. Elus, syndicats, pouvoirs publics, patrons, tous alliés
objectifs pour garder dans l’ignorance de la chose économique chacun d’entre nous. Trop
sérieuse pour être laissé à la portée des petites gens. Cela facilite l’embrigadement, le manque
de sens critique, la manipulation journalistique, l’utilisation de grands mots vides de sens que l’on
applaudit comme de bons zombies. La pédagogie est euthanasiée. Nous ne sommes plus nourris
que de l’outrance des arguments, la manipulation des chiffres, les raccourcis conceptuels et la
pauvreté d’arguments mille fois ressassés. Le ridicule ne tue pas. Dommage, on aurait un peu
moins de zozos à l’antenne.
Les pays qui, comme la France, doivent faire face à une forte contestation de leurs populations
envers l’enrichissement lié à la spéculation sur des actifs virtuels sont complètement démunis
pour faire venir chez eux les capitaux considérés comme indispensables à leurs développements.
En clair, les gains spéculatifs pour une minorité apparaissent plus conséquents que
l’investissement traditionnel dans la création de richesses pour tous. Une dérive, un prétexte, qui
permet aux activistes antilibéraux de faire leur malheur et le nôtre. La sous culture économique
des «masses populaires et laborieuses » en fait des proies rêvées pour des contestations
irresponsables de tous bords. On agite quelques mots fétiches dont pas le dixième ne comprend
le sens, la foule crie et voilà une usine qui part à l’étranger, un marché qui s’ouvre ailleurs, un
investisseur qui va placer son argent dans un lieu où il se sent attendu et apprécié. La volatilité
des investissements est un facteur de l’économie moderne. Les réseaux ont facilité la circulation
des services, des idées, des biens numériques et des transferts financiers : le capital reste plus
mobile que le travail. Mais au fond, peut être n’en voulons nous pas !? Après tout, comme le
raillait Coluche, « le salaire suffira ».
(1) Misère de la Prospérité (Grasset 2002) (page 27 du livre de Pascal Bruckner)
(2) Courrier International, supplément Octobre 2000
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