Analyse Spatio-Temporelle Picardie du lien Environnement-Cancer en Mahdi-Salim SAIB - [email protected] Directeurs / co-directeurs de thèse : Olivier GANRY (CHU AMIENS)- Alain TRUGEON (OR2S Picardie) - André Cicolella(INERIS) Contexte La question du lien entre cancer et environnement fait l’objet d’un important débat au plan scientifique, en France comme au niveau mondial. Le débat devient de plus en plus sociétal, dans la mesure où l’opinion s’interroge sur les causes d’un phénomène qui touche directement un homme sur deux et une femme sur trois dans les pays industrialisés. Il est légitime de parler d’épidémie, voir de pandémie dans la mesure ou le phénomène touche aussi les pays du sud. En France le cancer est depuis 2004 la première cause de décès. La mortalité diminue depuis quelques décennies, mais l’incidence augmente fortement. D’après l’INVS (2007) entre 1980 et 2005, l’incidence a augmenté de +93% pour les hommes et +84% pour les femmes, dont +52% et +55% respectivement sont attribuables à l’environnement au sens large (une fois corrigé du changement démographique). Les facteurs généralement invoqués pour expliquer l’épidémie de cancer sont les facteurs génétiques ou encore le comportement individuel (tabac, alcool, absence d’activité physique, exposition au soleil …). Ces facteurs ont un rôle indéniable, cependant, ils ne suffisent pas à expliquer une telle hausse de l’incidence. L’impact de l’exposition des populations aux pollutions de l’environnement extérieur (via l’air, l’eau, le sol) et l’environnement intérieur (qualité de l’air intérieur) sur le cancer a pu être mis en évidence par de nombreuses études (Aschengrau et al., 1996, Sasco, 2007, Brody et al., 2004 …). Le niveau socio-économique joue lui aussi un rôle capital sur l’épidémie de cancer (Vinnakota et al, 2006). Objectif La thèse ASTEC-Picardie (analyse spatio-temporelle du lien environnement et cancer en Picardie) a pour objectif d’analyser au niveau des unités géographiques (cantons) la relation entre cancer et exposition environnementale, dans la région Picardie, ainsi que son évolution dans le temps : Les données a analyser seront des données de mortalité et de morbidité fournies par le registre de cancer de la Somme, ainsi que les données hospitalières issues du PMSI et les Affections de Longue Durée (ALD) fournies par l’OR2S Picardie. Les données d’environnement sont celles qui ont déjà été acquises, lors de la 1ère étape du projet CIRCE, et ont fait l’objet de la thèse de Julien Caudeville. Elles sont regroupées aujourd’hui dans la base PLAINE et seront enrichies au fur et à mesure de l’activité de l’INERIS, dans le cadre du développement de cette base. Ces données seront croisées dans le but final d’éclairer et comprendre le rôle de l’environnement sur l’épidémie de cancer. Méthode L’analyse des facteurs de risque a longtemps reposé sur les données expérimentales des études de cohorte et cas-témoins. Depuis quelques années est apparue une nouvelle approche dite de corrélation écologique qui permet l’analyse des inégalités géographiques à l’aide des Systèmes d’Information Géographiques (Nuckols et al., 2004) L'analyse des données de santé et des covariables putatives, comme les facteurs environnementaux, socio-économiques, de comportements ou démographiques, présente plusieurs défis méthodologiques qui se posent du fait que les données sont généralement agrégées sur des supports spatiaux irréguliers et se composent d’un numérateur et un dénominateur ( c-a-d taille de la population ). La régression est un outil statistique ayant un rôle important et bien connu pour explorer la relation entre la cible et les variables explicatives . Différents types de modèles de régression sont largement utilisés dans l'épidémiologie et la géographie de la santé pour essayer de découvrir des explications plausibles de la persistance des variations géographiques de santé , par exemple, modèle de régression globale, multi-niveau et modèle bayésien. Ces modèles supposent que la relation entre la cible et les variables explicatives est spatialement constante, ce qui peut ne pas être le cas. La décision d'ignorer le potentiel de variation spatiale locale dans les paramètres peut conduire à des résultats biaisés qui peuvent conduire à une mauvaise orientation des praticiens de la santé. La variation spatiale locale peut être importante et utile dans les analyses de santé, montrant les principaux facteurs de risque locaux associés à la cible. Cette information peut avoir des implications importantes pour les décideurs. Pour faire face à ces problèmes, nous utilisons un nouvel outil statistique permettant de réaliser une régression géographique pondérée. La régression géographiquement pondérée (GWR) est une technique bien établie qui permet de faire varier les paramètres dans l'espace. GWR peut, par conséquent, être utilisé pour examiner la variation spatiale dans les relations (c.-à- d , dans les paramètres qui définissent ces relations) et révèlent des tendances spatiales dans les paramètres. L’Information sur la variation spatiale locale dans les paramètres peut conduire à une meilleure compréhension des relations entre la cible et les variables explicatives. Avancement des travaux L’analyse a porté sur les données de mortalité lissées sur deux périodes : de 1990 à 1999 et de 2000 à 2009, soit une période relativement récente, tout en étant assez longue pour obtenir des effectifs cumulés de décès par canton et par localisation cancéreuse, suffisants pour la plupart des causes analysées. cette analyse nous a permis de constaté que même si le taux de mortalité par cancer a fortement diminué entre 1990 a 2009 , les disparités géographiques reste plus au moins importantes. L’analyse de régression par un modèle global entre la mortalité et les 4 polluants métalliques (plomb, nickel, chrome et cadmium) nous a permis de mettre en évidence certaines corrélations positives (exemple : mortalité par cancer de la plèvre chez l’homme et le nickel par exemple) Travaux à réaliser - Effectuer le même travail de lissage sur les données de morbidité (registre de cancer de la Somme et les données issues du PMSI et des ALD de la région de Picardie ) et analyser des disparités géographiques - Analyser la relation entre les disparités géographiques de mortalité et de morbidité - Construire un indicateur travail sur quelques environnements majeurs (travail de nuit par exemple) - Poursuivre le travail des croisements des données en intégrant les nouveaux polluants ajoutés à la base PLAINE Discussion L’objectif final de ce travail est de croiser les données environnementales et socio-économiques avec les données de cancer afin de comprendre le rôle de ces facteurs sur l’épidémie de cancer. Cette compréhension se heurtera à plusieurs difficultés : le problème de mobilité des populations (lieu d’activité différent du lieu d’habitation) ou à long terme (adresse au moment du décès différente du lieu de vie des dernières décennies) n’est pas pris en compte dans une approche collective au niveau du canton. Les données d’exposition sont actuelles, or les cancer ont un temps de latence moyen qui varie de quelques années à une vingtaine d’années environ. La question de l’échelle d’étude pourra aussi être discutée, notre choix a porté sur des données cantonales dans un premier temps, une échelle plus fine s’avérera peut être plus pertinente. Enfin les données de santé utilisées sont celles de la mortalité par cancer or les données d’incidence semblent beaucoup plus pertinentes pour une étude de relation cancer – environnement Quelque soit les limites de cette approche, les études de corrélation écologique apportent une version nouvelle des disparités spatiales et permettent de mieux comprendre la complicité du lien environnement, social et santé. Mots clés : inégalité, régression géographiquement pondérée, SIG, environnement, indicateur, modélisation