12 Pop art Contexte Définition Caractéristiques Andy Warhol Roy Lichtenstein Tom Wesselmann Glossaire 169 Pop art Contexte L’après-guerre est marqué par la domination américaine. Les Etats-Unis vivent une période de prospérité économique, c’est la naissance de la société de consommation et l’expansion de la publicité. Le début des années 50 est empreint des différents courants de l’Abstraction : les artistes s’opposent aux conventions, expriment leur liberté, et attendent du spectateur qu’il porte un regard libéré sur leur art. Toutefois, à la fin des années 50 et au début des années 60, les nouvelles pratiques artistiques sont influencées par le développement des loisirs, des pratiques culturelles et des transports. à cette époque les artistes circulent beaucoup, les échanges se multiplient notamment grâce aux galeries d’art. Le Pop art est un mouvement artistique qui surgit au milieu des années 50 en Grande Bretagne en réaction à l’abstraction. L’œuvre du britannique Richard Hamilton Au fait, qu’est-ce qui différencie et rend les foyers d’aujourd’hui si attirants ? donne à voir de nombreux symboles de la société de consommation et de la culture populaire industrielle. Elle est considérée par les critiques et les historiens de l’art comme la première œuvre Pop art. C’est Lawrence Alloway, critique d’art et conservateur au Salomon R. Guggenheim Museum de New York, qui aurait inventé le terme Pop art pour désigner les produits de mass media et non les œuvres d’art qui s’inspirent de la culture populaire. Le terme est utilisé en 1955 pour désigner les recherches et les débats de l’Independent Group, organisation officieuse à Londres, constituée pour rapprocher l’art et la vie contemporaine. Toutefois, le mouvement né en Grande-Bretagne dans les années 50 est rapidement supplanté par le Pop art américain qui émerge à la fin des années 50. Le Pop art conteste les traditions et met en évidence l’influence que peuvent avoir la publicité, les magazines, la télévision… sur les choix des consommateurs. La pratique du Ready-made et du happening1, prolongement des spectacles dadaïstes, place le Pop art dans la lignée de Dada. Le Pop art est un des mouvements majeurs du XXe siècle. Définition Le Pop art, abréviation de popular art, qualifie une production artistique britannique et américaine développée entre 1955 et 1970 et inspirée de la culture populaire. Il est caractérisé par des thèmes et des techniques issus de la culture de masse, tels que la publicité, les bandes dessinées, les stars et les objets culturels mondains. Le Pop art vise à utiliser des images populaires par opposition à la culture élitiste dans l’art. Il souligne ironiquement les éléments banaux ou « kitsch » de n’importe quelle culture donnée. Le Pop art isole des sujets extraits de leur contexte, et les associe à d’autres sujets pour la contemplation. Le mouvement est également défini par l’utilisation de moyens mécaniques et de techniques de reproduction par les artistes. Bien que les artistes aient partagé des comportements similaires qui ont permis de les rapprocher malgré leurs différences, il est difficile de parler d’une esthétique commune. Caractéristiques Les caractéristiques du Pop art sont abordées ci-après de manière générale puis à travers trois artistes majeurs : Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Tom Wesselmann. Tous trois ont tenu des propos convergents tout en suivant des démarches plastiques différentes, ce qui est une des caractéristiques du Pop art. 171 Pop art Sujet La société de consommation sous ses différentes formes : - Publicité - Télévision - Magazine - Bande dessinée - Architecture - Mode - Objets de la vie courante - Stars, icônes (de Mickey Mouse à Marylin Monroe) - Utilisation d’éléments visuels de la culture populaire produits en série : affiches publicitaires, bande dessinée, sérigraphies2, photographies, objets culturels manufacturés Fonction de l’image Vu le prix que le marché de l’art a rapidement accordé aux œuvres originales, la désacralisation de l’œuvre d’art, un instant souhaitée, n’a pas duré longtemps, pas plus que la volonté de présenter l’art comme un simple produit à consommer. L’art remplit ici sa fonction de miroir. En reprenant les « icônes de la tribu moderne », les artistes renvoient à la société les idoles qu’elle adore sans en être trop consciente. Un peu comme les divinités présentes sur les totems des tribus qui nous ont rappellent quels sont nos dieux d’aujourd’hui et de quoi nos mythes sont constitués. Pour n’en citer que quelques-uns, en forçant le trait et en vrac : Elvis Presley, Marylin Monroe, l’automobile, le hamburger, la chaise électrique, le dollar, Coca-Cola, le sexe dans la publicité, John Kennedy, la Joconde, les célébrités, Mickey Mouse, le roman-photo, la vaisselle en plastique… La plus emblématique des images est sans doute celle de la disparition progressive de Marylin par Andy Warhol au moyen de passages sérigraphiques : tout n’y est que surface, papier, pelliculaire, à l’infini, sans aucune valeur intrinsèque, ni intériorité, jusqu’à disparaître... Composition Répétitions, accumulations, juxtapositions, imbrications, à l’image des perceptions simultanées de notre environnement médiatique et urbain. Dessin et formes La plupart des artistes pop, dans leur volonté de mise en évidence, éliminent l’anecdote, stylisent le modèle de base et tirent le motif vers une abstraction monumentale, ce qui lui confère puissance et universalité. Technique Les artistes expérimentent les procédés techniques les plus récents de l’industrie et du commerce, dans une volonté d’analogie mécanique et industrielle, froide et systématique : - Peinture acrylique - Sérigraphie - Collage sur toile de matériaux étrangers à la peinture et à la sérigraphie - Technique de peintures industrielles - Photographie Andy Warhol (américain, 1928 - 1987) Il est convaincu que chacun peut réaliser une œuvre d’art. La sérigraphie et l’intégration de la photographie à ses œuvres peintes sont pour lui des moyens d’atteindre ce qu’il recherche : un art anonyme. Warhol s’identifie aux appareils de reproduction : appareil photo, enregistreur, caméra… jusqu’à devenir lui même un objet car selon lui, les objets circulent plus vite que les hommes, et en devenant lui-même objet ou appareil de reproduction, il peut circuler plus facilement. 172 Pop art Il donne ainsi le sentiment que ces œuvres sont faites par une machine. Cette identification aux appareils de reproduction renvoie à son intérêt pour la répétition, le banal, l’anonyme plutôt que pour l’invention. Sa démarche est le reflet du système de production en série caractéristique de la société de consommation. Son positionnement par rapport à l’invention, la créativité, montre que Warhol refuse de considérer l’art comme le seul langage « élevé ». Il introduit dans le champ de l’art d’autres langages (mode, cinéma, publicité, édition…) afin de perturber l’identité de ce champ et le décloisonner. C’est ce même point de vue qu’il véhicule en mettant l’artiste sur le même pied d’égalité que l’homme d’affaires, la star, le styliste, le mannequin, le boxeur, le président, le clochard... Il nivelle également toutes les catégories d’images en les élevant toutes au rang d’art sans tenir compte de leurs qualités formelles ou idéales. Sujet L’image Le pouvoir au sein de la société de consommation Les objets de la vie courante : boîte de conserve de soupe Campbell, Coca-Cola, dollar, timbreposte… Publicité Iconographie hollywoodienne, visages de stars : Marylin Monroe, Liz Taylor, Elvis Presley, Marlon Brando, Mick Jagger, et d’hommes politiques : John Kennedy, Mao Tsé-toung La mort Accident de voiture Emeute raciale Catastrophe aérienne Explosion atomique Chaise électrique …. Fonctions de l’image Les images de Warhol exaltent les techniques de vente et de promotion des sociétés de consommation et laissent de côté la signification du « produit » représenté. Elles ne cherchent pas à témoigner d’une quelconque réalité objective, pas plus qu’elles ne sont le résultat d’une campagne publicitaire. Elles se situent entre les deux. Ces images enregistrent et acceptent le réel sans le sublimer ni l’affaiblir pour autant. Elles démontrent ce que Warhol a en commun avec la société de consommation : il croit à l’insignifiance de l’objet plus qu’en sa signification. Couleur Couleurs vives et souvent en décalage volontaire avec le dessin, à l’instar des mauvaises impressions des publications bon marché (magazines pulp). Dans les portraits, tons très arbitraires et non réalistes, parfois considérés comme « criards », «vulgaires » ou « saturés » et qui participent à une gamme de couleurs « pop » qui se précise peu à peu autour de tons dits « acides » : jaune citron , vert pomme, violet, orange, rose fuchsia... Technique - Sérigraphie sans numérotation des tirages - Répétition - Ready-made3 - Photographie - Peinture - Peinture à l’oxydation 173 Pop art Roy Lichtenstein (américain, 1923 – 1997) Vers 1960, Roy Lichtenstein commence à s’intéresser à la bande dessinée. à la différence des nouveaux réalistes et de leurs processus d’appropriation de la réalité, il l’utilise parce qu’elle fait partie intégrante du vocabulaire collectif et populaire de l’époque, et qu’elle constitue une réponse objective au romantisme de l’expressionisme abstrait. La peinture en 1961 de l’agrandissement d’une image de bande dessinée (comics) choisie dans un magazine marque le début de ses peintures pop. Les bandes dessinées sont la référence principale de Lichtenstein, qui prend soin de choisir celles qui peuvent être considérées comme banales en termes de graphisme et de discours. Il en simplifie le graphisme original et leur impose un traitement graphique de son style. Il recompose la trame agrandie de l’image et ajoute en peinture des bulles et des exclamations. Il isole un sujet connu ou de l’ordre du quotidien afin de faire apprendre à le voir. Il ne cherche pas corriger la réalité mais bien à lui substituer des images qu’il recrée avec sa propre sensibilité. Lichtenstein adhère peu à peu à la nouvelle peinture industrielle et établit que « l’art procède avant tout d’un regard objectif porté sur le monde ». Postulat qui l’amène à se déclarer « anticontemplatif, anti-nuance, anti-échapper-à-la-tyrannie-du-rectangle, anti-mystère, anti-qualité picturale, anti-zen, et anti-toutes ces idées brillantes des précédents mouvements que tout le monde aujourd’hui comprend si bien ». Il témoigne ici de sa motivation anti-expérimentale. Selon lui, le Pop art n’est pas une peinture américaine, mais bien une peinture industrielle. Sujet Au départ, peinture agrandie de vignettes de bandes dessinées de guerre et de romances sentimentales Ensuite, citations de peintres modernes suivant les codes de la bande dessinée Reports de ces codes sur les têtes de mannequins d’étalage et sur des sculptures représentant des objets quotidiens en métal de dimensions monumentales. Exemples : M-Maybe..., Whaam Fonctions de l’image Les images de Lichtenstein sont au départ un regard ironique posé sur la littérature populaire spécifique qu’est la bande dessinée : histoires de guerre pour les hommes, romances sentimentales pour les femmes La monumentalisation de petites vignettes met en évidence les traits caricaturaux du genre. Dessin et Couleur La vignette est reprise, recadrée, redessinée, afin de « tenir » dans le cadre de ce qui est une peinture. Reprise des codes de la bande dessinée sur un mode « grossissant », afin de les transformer en motifs picturaux Le cerne est souvent épaissi et structure jusqu’à l’abstraction les points de trame repris un à un par le pinceau, ainsi que les hachures. à partir du principe de transfert des codes, son œuvre se développe de citations en citations et déborde du cadre de la bande dessinée. Technique Techniques inspirées de l’aspect des publicités commerciales Peinture acrylique Peinture à l’huile pour les trames Tom Wesselmann (américain, 1931 - 2004) L’œuvre de Wesselmann apporte un éclairage à deux aspects de l’esthétique du Pop art, la relation avec le collage et la simplification de l’image. Wesselmann a pratiqué intensément le collage avant de parvenir à sa peinture pop des dernières années. 174 Pop art Contrairement aux artistes cités précédemment, il n’avait pas envie de peindre les produits de la société de consommation, leur préférant des femmes nues ou des fragments de femmes nus : pieds, seins, bouches. Entre 1965 et 1967, il parvient « à établir l’identité absolue entre la réalité esthétique (la peinture) et la réalité érotique (la femme) ». Il lui est alors possible de considérer tout ce qui entoure la femme ; téléphone, télévision, radiateur, réfrigérateur, baignoire… non plus comme des présences ennemies mais comme un décor complice. Wesselmann contribue à ancrer l’imaginaire du Pop art américain dans la pulsion et l’équivoque entre intime et public, entre affect et indifférence, mettant ainsi en avant une image claire du sujet que constitue la société de cette époque. Sujet Natures mortes constituées de collages d’objets de consommation tirés de l’imagerie publicitaire. « Grands nus » couchés, d’abord issus de l’esthétique de Matisse et placés parmi des emblèmes américains tels le drapeau, ils deviennent ensuite un Great American nude (série de grands nus féminins) Même si l’auteur nie tout souci de la consommation, les nus qu’il propose concentrent les « points d’accroche » érotiques : lèvres, seins, pubis, cheveux... utilisés par la publicité pour vanter cigarettes, mouchoirs, transistor, douche… Mais ce nu sans regard n’est plus que pur symbole, dépersonnalisé, universalisé : un lexique de l’objet désir pour une gamme ouverte de produits à consommer. Fonctions de l’image Composer une image peinte, miroir grossissant des points d’accroche visuels sur le corps féminin pour articuler notre désir dans une stratégie de discours publicitaire. Composer une peinture qui compte pour elle même, en tant qu’œuvre d’art, dans la pratique picturale contemporaine. Technique Peinture à l’huile et acrylique Mélange de collages et peinture, incorporation d’objets réels aux compositions. Montages sur châssis de panneaux peints à l’huile découpant la forme de ses nus, et autres panneaux en découpe d’objets posés en avant-plan. Exemple : Great American nude Glossaire 1 Happening : à la fin des années 50 un happening était une performance, un événement ou une situation qui pouvaient être considérés comme un art. Une traduction française possible serait intervention artistique 2 Sérigraphie : Procédé d’impression à l’aide d’un écran constitué par un cadre sur lequel est tendu un tissu à mailles, permettant l’impression sur de multiples surfaces. 3 Ready-made : objet manufacturé promu au rang d’objet d’art par le seul choix de l’artiste 175 Pop art A. Warhol Marilyn Monroe A. Warhol Self portrait A. Warhol Green car crash A. Warhol Campbell's soup C. Oldenburg Giant BLT (Bacon, Lettuce and Tomato Sandwich) C. Oldenburg Soft Toilet A. Warhol Flowers C. Oldenburg White shirt with blue tie R. Lichtenstein Whaam ! R. Lichtenstein Drowning girl J. Johns Three flags R. Lichtenstein M-Maybe T. Wesselman série Great American Nude A. Warhol Gun T. Wesselman série Great American Nude C. Sherman Autoportrait (Image piège) G. Klimt Le baiser (Image piège) K. Haring (Image piège) M. Kippenbeger (Image piège) Banksy Flowers Molotov (Image piège) 176 Pop art Pistes pédagogiques Le Pop Art s’est nourri de la société de consommation et de ses objets. En élevant les produits au rang d’œuvres, en les reproduisant à l’infini, les œuvres sont devenues des produits de consommation. Retraiter des objets de consommation courante permet de se les approprier. Élever un objet du quotidien au statut d’art Organisation : Exercice individuel, commenté ensuite en groupe Consignes Observer attentivement l’objet et le reproduire en dessin, peinture, collage à la manière d’une œuvre pop art. Mettre en commun les dessins et les comparer à des œuvres pop (Warhol, Lichtenstein, Wesselman, Oldenburg…) Matériel Prévoir un objet manufacturé (industriel) par participant Exemple : boîte de conserve, flacon, bouteille, carton, comportant une marque et des indications. Feuilles de dessin (A3) résistantes, crayons, peinture à l’eau (acrylique ou gouache), feutres, stylos bille… Objectifs Dessiner un objet que l’on voit chaque jour permet, en le dessinant d’en comprendre les codes : - Quel est cet objet, qui le produit, que me veut-il, pourquoi en suis-je propriétaire ? - Quelle est sa valeur en tant qu’objet symbolique de notre société ? - Le résultat du travail sera différent de l’objet initial. Quelle est la part d’interprétation du travail réalisé ? Compétences visées - Dessiner un objet afin de le comprendre - Apprendre à observer dans le détail - Développer une pratique - Approcher le Pop Art par la pratique - Prendre plaisir à l’exercice et découvrir le travail des autres participants. 182