A l’aide d’un amplificateur de puissance, on cherche à transmettre un maximum de puissance à une charge, généralement de faible impédance, telle un haut-parleur ou un moteur électrique. C’est ici la notion de rendement énergétique qui prédomine : la puissance (PE) fournie par la commande est souvent négligeable ; la puissance (PU) transmise à la charge provient de l’alimentation continue qui polarise les éléments actifs internes. Les courants mis en jeu au sein de l’étage sont importants ; l’effet Joule qui en résulte oblige à considérer l’échauffement des composants et à dimensionner des systèmes de refroidissement (radiateurs, ventilateurs…) Alimentation continue Palim PE Commande PU Étage de puissance Charge PJ Nous nous limiterons dans ce qui suit à la présentation d’amplificateurs de puissance de principe, réalisés autour de transistors bipolaires. Les études envisagées seront aisément transposables à des structures plus complexes, ou mettant en jeu des technologies plus actuelles (Étages intégrés, étages à transistors MOS, IGBT…) 1 . Amplification de puissance en classe A En classe A, il y a besoin d’un seul transistor pour réaliser un étage amplificateur de signaux alternatifs. Le transistor utilisé fonctionne dans la partie linéaire de ses caractéristiques. La position du point de repos sur la droite de charge (idéalement au milieu, Cf. ci-contre), permet une excursion importante du courant collecteur de part et d’autre sans distorsion appréciable. Malheureusement, la dissipation importante du transistor au repos entraîne un piètre rendement pour ce type d’étage. iC IC0 0 VCE0 vCE 1.1 Étage à liaisons capacitives. L’étage est de type émetteur commun. Afin d’assurer un maximum de dynamique de sortie, le point de repos est idéalement VCE0 = VCC/2 et IC0 = VCC/2RC. La résistance de sortie de cet amplificateur est RC ; en conséquence, l’adaptation des impédances impose à la charge RU de vérifier RU ≈ RC. +Vcc RB RC C2 iS C1 iE Droites de charge : Au repos, le transistor « voit » une RU uS charge RC ; sa droite de charge statique a une pente de uE (-1/RC). Par contre, pour le régime dynamique, les résistances RC et RU ≈ RC se retrouvent en parallèle et le transistor est 0V effectivement chargé par RC/2 ! (Cf. schéma ci dessous) Il s’en suit une nette différence entre la droite de charge du transistor en statique et en dynamique, ce qui provoque une limitation de la dynamique de sortie en tension à VCC/4. iC iE ib gmvbe uE RB r Dte de charge dynamique Vcc Rc RC vbe RU uS Vcc 2R c Dte de charge statique Pour le régime dynamique, le transistor voit une charge RC/2 0 Puissances au repos. La puissance utile est nulle (présence de C2). Vcc/2 Vcc vCE 3Vcc/4 En négligeant IB0, l’alimentation fournit IC0 sous VCC, soit Pa lim = Vcc .Ic0 ≈ 2 Vcc 2R c V2 V 1 PJ ≈ cc .Ic0 ≈ cc 4R c 2 2 Par exemple, avec VCC = 15V et RU ≈ RC = 8Ω, l’alimentation fournit une puissance de 14W en pure perte ! Le transistor et RC dissipent chacun Puissances en régime dynamique. Supposons la tension d’attaque uE(t) sinusoïdale et l’étage approximativement linéaire. L’alimentation fournit un courant ondulé du type IC0 + ÎC.sin t sous la tension VCC, ce qui reste égal à VCC.IC0 en valeur moyenne . V2 En classe A, l’alimentation fournit la puissance Pa lim ≈ cc , quelque soit le niveau des signaux traités. 2R c La charge RU ≈ RC est soumise à la tension uS(t), dont la valeur de crête peut juste atteindre ¼ VCC (cf. plus haut) U S2 Vcc La puissance de sortie, Pu = , peut atteindre la valeur maximale Pu max ≈ Ru 4 2 U S2 2 2 . 1 V2 ≈ cc Ru 32R c Us ; il croît avec le niveau de sortie, pour = Ru = 2 2 V Pa lim Vcc cc 2R c atteindre au maximum 1/16 soit 6% environ. Un tel étage en classe A, avec liaisons capacitives est totalement inadapté pour l’amplification de puissance ! Reprenons l’exemple numérique précédent (VCC = 15V et RU = 8Ω) : L’alimentation va fournir 14W, pour une puissance utilisable en sortie de moins de 1W !! Le rendement de cet étage est ainsi η = Pu 1.2 Étage à liaison par transformateur. Un transformateur assure une isolation des composantes continues, mais il permet également de réaliser l’adaptation des impédances en puissances, par un choix approprié de son rapport de transformation. i1 Le transformateur ci contre a un rapport de transformation m et il est U2 I considéré comme idéal : = 1 =m U1 I2 u2 1 u2 R . Sa résistance d’entrée est R ent = u1 = m = = u i1 mi 2 m2 i 2 m2 Le principe d’un tel étage est représenté à droite : Le primaire du transformateur est placé au collecteur du transistor ; son secondaire attaque la charge RU. La résistance d’émetteur RE est nécessaire pour limiter le courant collecteur de repos, mais elle doit être découplée pour les signaux variables. Nous supposerons donc le découplage parfait pour l’alternatif. i2 u1 u2 RU VCC RU C1 uS m Le point de repos du transistor est, en classe A : VCE0 = VCC/2 et IC0 = VCC/(2RE) uE La charge du transistor est constituée par RE en statique (repos) RE C1 Ru et par la résistance d’entrée du transformateur chargé, soit 0V m2 en dynamique. Droites de charge. 1 Au repos : VCE = VCC – REIC, soit une pente de − iC Dte de charge dynamique (1) RE Vcc En dynamique : vce = -RU/m2.ic RE Il en découle que la pente de la droite de charge dynamique du m2 Dte de charge dynamique (2) transistor ( − ) peut être ajustée par la valeur de m. RU IC0 Nous obtiendrons ainsi les droites dynamiques (1) ou (2), selon Dte de charge statique Ru est respectivement inférieur ou supérieur à RE. que m2 Or la puissance de sortie maximale est définie pour une 0 Vcc/2 Vcc dynamique en tension et une dynamique en courant maximales, vCE sans déformation en régime sinusoïdal. Ru Il est clair que c’est le choix = R E qui correspond à un fonctionnement optimal. m2 Bilan des puissances en dynamique. (régime sinusoïdal) L’alimentation VCC fournit un courant ialim ≈ iC, ondulant autour de la valeur moyenne IC0 ; en conséquence, Palim ≈ VCC.IC0 en moyenne. V2 Là encore, l’alimentation fournit une puissance indépendante du niveau des signaux variables : Pa lim ≈ cc . 2R E En sortie, la puissance reçue par RU est celle fournie au primaire du transformateur (supposé parfait) :La résistance Ru vue du primaire est soumise à l’ondulation de vCE(t) ; cette ondulation peut atteindre une amplitude maximale m2 2 Vcc V̂ce max 2 V2 2 = 8 = cc de VCC/2 à pleine puissance ; on obtient ainsi : Pu max = Ru RE 8R E 2 m Le rendement, dans cette hypothèse, atteint 25% au maximum ; ça n’est toujours pas satisfaisant. La conclusion qui s’impose sur la classe A est la suivante : Les étages amplificateurs sont de structure simple et apportent très peu de distorsion ; par contre, leur rendement médiocre provient essentiellement de leur forte dissipation thermique . 2 . Amplification de puissance en classe B. En classe B, un transistor est polarisé avec un courant collecteur nul au repos. Pour qu’il en soit ainsi, on polarise ce transistor à VBE0 = 0. Si on superpose un signal vbe (t) alternatif, seule l’alternance positive est susceptible de débloquer le transistor et d’être traitée en amplification. En conséquence, un amplificateur de signaux alternatifs en classe B doit comporter 2 transistors complémentaires (NPN + PNP), chacun d’entre eux se chargeant d’une alternance des signaux. 0 Energétiquement parlant, un étage classe B semble plus intéressant qu’un étage en classe A, car la dissipation au repos est nulle. Au rang des inconvénients, il faut 2 transistors complémentaires, ainsi qu’une alimentation symétrique. Transistor NPN polarisé en classe B 0 T1 Vcc RU En fonctionnement, l’attaque peut s’effectuer sur les bases des 2 transistors par liaison directe ; il en est de même pour la liaison avec la charge RU ; ceci va rendre apte l’étage push-pull au traitement des signaux continus ou lentement variables. 0 Action d’une tension de commande alternative uE(t). En négligeant le seuil de conduction des transistors, nous aurons : - si uE > 0 : T1 conduit, T2 est bloqué et uS(t) ≈ uE(t). - si uE < 0 : T2 conduit, T1 est bloqué et uS(t) ≈ uE(t). T1 Ce type d’étage n’amplifie donc pas en tension. Par contre, le courant d’entrée pouvant s’identifier à un courant de base et le courant de sortie à un courant de collecteur, on peut aisément prévoir une forte amplification en courant. (Souvent T1 et T2 sont des configurations Darlington) T2 Ru Vcc Etage push-pull de principe au repos Vcc T1 Ru iE uE uS 0 0 En réalité, le seuil de conduction des transistors interdit tout déblocage de l’un d’eux si – 0,6V < uE < + 0,6V. Il en résulte une distorsion de raccordement de uS, sensible à faible niveau, ainsi qu’une perte d’amplitude de 0,6V environ. (voir ci-dessous) 3.5V Vcc uE T2 iS uS Vcc 0V Etage push-pull : fonctionnement -3.5V 0s 0.5ms V(in) 1.0ms V(out) Distorsion de raccordement en classe B 1.5ms Étude énergétique de l’étage push-pull, en régime sinusoïdal. Afin de simplifier le calcul, nous idéalisons les transistors : Seuil de conduction nul et tension collecteur-émetteur nulle en régime de saturation. Dans ces conditions, uE(t) = uS(t) ; nous exprimerons toutes les puissances en fonction de la tension de sortie efficace US. Puissance de sortie Trivialement : Pu = US2 Ru Puissance fournie par les alimentations Chaque alimentation fournit le courant de sortie pendant une alternance de uE (Cf. ci-contre) Chaque alimentation fournit la même puissance moyenne : Palim = Palim1 + Palim2 = 2Palim1 Î soit Pa lim = 2Vcc .i a lim 1 = 2Vcc S π U Û et comme ÎS = S = 2 S , Ru Ru Pa lim = 500mW Palim1(W) SEL>> -100mW -I(V1)* V(V1:+) 500mW U 2 2 U Vcc S ≈ 0,9Vcc S Ru Ru π Palim2(W) 0W 0s 0.5ms 1.0ms 1.5ms I(V2)* V(V2:-) Puissance dissipée par les transistors. C’est évidemment la différence Palim – Pu ; chaque transistor dissipe la même puissance moyenne (fonctionnement complémentaire sur 50% du temps). PT = PT1 + PT2 = 2PT1 = Palim - Pu soit PT1 = PT2 = US . Ru 2Vcc U S − π 2 PT1 (ou PT2) est une fonction parabolique de dPT1 2Vcc U S = − US ; sa dérivée πR u dU S Ru 2 Vcc ≈ 0,45VCC π La puissance PT dissipée par les transistors 2 2Vcc y passe par un maximum PT max = . π2 R u s’annule en U S = Palim Pu Ci-contre, on a tracé les évolutions de ces puissances avec US, pour VCC = 15V et RU = 8Ω Pt Rendement η= Pu Pa lim = π Us 2 2 Vcc . Evolution des puissances dans un étage classe B Le rendement d’un étage classe B augmente proportionnellement au niveau de sortie : V A pleine puissance ( U s max = cc ) , le rendement théorique peut atteindre /4 ≈ 0,785 2 (Rem : Au point où PT est maximale (US ≈ 0,45VCC) , PT = PU = Palim/2 et le rendement est de 50% !) Réduction de la distorsion de raccordement. Il existe diverses solutions ; on cite les 2 plus classiques : • Pré polarisation des bases. Dans la structure ci-contre, les diodes D1 et D2 conduisent ; Raj est ajustée de telle sorte que les 2 transistors soient à la limite de la conduction : VBE0 ≈ 0,6V et IC0 ≈ 0, tout en maintenant iS = 0 au repos. R iE Vcc T1 D1 Ru iS Raj D2 uE uS T2 Vcc R • Attaque par un préamplificateur, avec contre-réaction. Si aucun des transistors ne conduit, l’amplificateur opérationnel est sans contre-réaction ; il part donc en saturation + iE = 0 (haute ou basse selon le signe de = u - u ) ce qui débloque un des transistors et ramène le préamplificateur en régime linéaire. Ce dispositif permet d’obtenir un gain en tension positif. Vcc T1 Ru uE R1 uS T2 R2 iS Vcc 3 . Amplification en classe C. L’amplification de puissance en classe C se rencontre dans les étages terminaux des émetteurs radiofréquences. L’amplificateur travaille à fréquence quasiment constante (la porteuse de l’onde émise). On y utilise un transistor polarisé à VBE0 ≤ 0, et chargé par un circuit accordé tel que représenté à droite. +Vcc uS Une source uE attaque l’étage en régime sinusoïdal de fréquence f0 fixe. L’inductance LC (« self de choc ») permet à Vp d’imposer VBE0 < 0 au repos ; elle se comporte comme un interrupteur ouvert pour les signaux variables injectés par la source uE. (Dans certains cas VP n’existe pas) Le circuit résonnant est accordé sur la fréquence f0 du signal uE. La sélectivité du circuit résonnant est supposée élevée (> 10). RU L C C1 uE iC LC VP 0V Cette polarisation du transistor et telle qu’il n’est débloqué que sur une faible partie de l’alternance positive de uE(t). Le courant collecteur est ainsi formé d’une succession de calottes de sinusoïdes, de fréquence f0. Le circuit résonnant, commandé par ce courant, et accordé sur f0, extrait le fondamental de iC(t) , permettant ainsi l’alimentation de la charge RU sous une tension uS(t) quasiment sinusoïdale, et de fréquence f0, identique à celle de la source. On donne ci dessous des résultats de simulation pour VP =0V, uE d’amplitude 0,9V et de fréquence ≈ 1MHz ; les paramètres du circuit sélectif sont L = 10µH, C = 2,2nF et RU = 500Ω. uS 3.0V 0V uE -3.0V V(in) V(S+)- V(S-) 28mA iC 20mA 0A SEL>> 6.72us 7.00us 7.50us 8.00us 8.50us 9.00us 9.50us 10.00us IC(Q1) Time On peut observer une amplification en tension de l’ordre de 3, ainsi qu’une durée de conduction du transistor un peu inférieure au tiers de la période. Dans la mesure où le circuit résonnant est très sélectif (Q > 10), son impédance se ramène à R pour le fondamental iC1 de iC, et pratiquement à 0 pour les autres composantes spectrales de iC. R u Îc21 On en déduit que la puissance reçue par RU est : Pu = R u Ic21 = où Ic1 est la valeur efficace du fondamental 2 de iC(t) et ÎC1 est sa valeur de crête. Pendant ce temps, l’alimentation VCC fournit la puissance Pa lim = Vcc Ic , où IC est la valeur moyenne de iC(t). de l’étage s’écrit η = Pu = R u Ic21 est ainsi étroitement lié au rapport entre le fondamental et Pa lim Vcc Ic la valeur moyenne de iC(t) ; le calcul de ces grandeurs sort du cadre de ce document. Le rendement Si on appelle a la fraction du temps correspondant à la conduction du transistor (a ≈ 0,3 dans l’exemple précédent), on obtient l’évolution ci-dessous pour le rendement à puissance maximale de sortie : Rem : - Pour a = 0,5 , on retrouve max ≈ 0,785, c’est à dire le fonctionnement en classe B. - Pour a < 0,2, max > 95%, ce qui montre l’excellence du rendement d’un tel étage.