Vécu de la maladie chronique chez les personnes en situation de grandes difficultés sociales : Paroles de patients. Une étude qualitative dans deux PASS franciliennes Laure DE BRUGIERE. Thèse d’exercice de médecine générale. __________________________________________________________________________________ Objectif : Questionner les pratiques médicales et l’organisation des soins à partir du vécu des patients qui connaissent des grandes difficultés sociales. Plus spécifiquement ceux qui présentent une pathologie chronique, chez qui la santé est un souci quotidien et durable. Méthode : 17 entretiens peu dirigés avec des patients atteints de maladies chroniques consultant dans les PASS de l’Hôtel Dieu (Paris) et de Corentin Celton (92). Note : Ces PASS accueillent les patients ayant ou non obtenu des droits à la sécurité sociale. Le suivi peut donc s’étaler sur une longue période. Résultats (partiels) : Les problématiques sociales et de soins sont complexes et extrêmement variées. En revanche, la souffrance morale engendrée par le cumul de la maladie chronique et de l’insécurité sociale est majeure chez tous les patients. Vécu de l'organisation des soins - Les structures dont l’organisation est floue (horaires variables, absentéisme, consultations bâclées) donnent un sentiment de dénigrement voire d’humiliation et freinent la demande. - Avoir vécu une expérience d’exclusion dans les soins marque fortement la personne. Cela semble diminuer les demandes de soins ultérieures. - L’attente avant les consultations est très péniblement vécue, quel que soit le mode de vie. - Une partie des patients apprécie la prise de rendez-vous. Pour l’autre, la planification est impossible et devient un frein dans l’accès aux soins. - Certains patients se disent qu’il n’y a pas de place pour eux en médecine de ville. - Quand un lien fort a été créé à la PASS dans une période de vie houleuse, il est difficile d’envisager de recréer une relation dans un autre cadre, avec d’autres soignants. Vécu des relations avec les acteurs de santé - Les patients ont besoin de trouver un lieu de « chaleur humaine », de l’accueil à la consultation. La PASS est un réconfort et un repère quand elle est ce « havre de paix ». - Les patients peuvent percevoir des préjugés à leur égard et cela les blesse profondément. - Ils demandent à être écoutés, entendus et reconnus. Ils désirent être compris selon leurs spécificités et exprimer leurs attentes propres. Discussion : Une écoute ouverte et approfondie semble indispensable et requiert un temps incompressible. Elle permet de comprendre le patient, son histoire et sa réalité présente, d’identifier ses problématiques complexes et ses désirs, de le reconnaître comme homme, dans sa singularité et sa dignité, de tisser un lien de confiance. Il devient ainsi possible de cheminer ensemble et d’envisager avec le patient la prise en charge à construire. Il faut alors parfois se dessaisir des objectifs médico-sociaux communément admis, afin de rechercher en premier lieu la « santé bonne » pour chaque individu.