QUAND LA MANIE DEVIENT UN TOC Remonter dix fois l’escalier pour vérifier que sa porte est bien fermée ou se laver les mains cent fois dans la journée, c’est un trouble obsessionnel compulsif (TOC), une drôle de maladie qui touche près d’un million de Français. Qui ne connaît pas une personne encline à se laver les mains plus de raison, une autre maniaque du rangement, une troisième qui ne peut s’empêcher de vérifier qu’elle a bien fermé le gaz ou l’eau avant de quitter son appartement ? Rien de vraiment pathologique à cela. Ces petites manies deviennent un problème médical quand elles parasitent la vie psychique d’un individu, lui font perdre beaucoup de temps -au minimum une heure par jour- handicapent sa vie sociale et personnelle. Clémence était une adolescente vive et enjouée. Puis, au fil des jours, elle s’est renfermée, n’a plus vu ses amies : hantée par l’idée qu’elle était sale, ses ablutions lui prirent de plus en plus de temps. Elle s’est mise à éviter de toucher les poignées de porte, de s’asseoir dans le métro, d’utiliser les toilettes publiques, d’emprunter des livres (touchés par d’autres) dans les bibliothèques… Aujourd’hui en voie de guérison, elle souffre de trouble obsessionnel compulsif (TOC). Toilette abusive, nettoyages et vérifications trop fréquents… Il s'agit d'un trouble anxieux d’évolution chronique, beaucoup plus fréquent qu’on ne le pense. “Il touche environ 2 % des Français, soit près d’un million de personnes (sans compter les enfants et les adolescents pour qui les chiffres sont moins connus) et se caractérise par des obsessions et le besoin de répéter des rituels pour apaiser l’anxiété diffuse qui les accompagne, explique le docteur Alain Sauteraud, psychiatre qui vient de publier un livre sur le sujet (“Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter- Mieux vivre avec un TOC” aux éditions Odile Jacob). Les obsessions naissent de la peur exagérée de provoquer un événement indésirable. Ces pensées conscientes, pénibles, s’imposent à l’esprit, persistent malgré les efforts que la personne fait pour s’en débarrasser. Les rituels, encore appelés compulsions, sont des gestes ou des comportements répétitifs, perçus comme inutiles, démesurés. Les personnes atteintes de TOC comprennent que leurs comportements obsessionnels sont irrationnels, mais ne peuvent les empêcher et en souffrent. La complication essentielle de ce trouble est d’ailleurs la dépression : environ 50 % des individus souffrant de TOC connaîtront un épisode dépressif important dans leur vie”. Il existe un nombre infini d’obsessions, mais on peut toutefois les regrouper autour de thèmes principaux : la saleté (crainte d’être souillé ou contaminé par contact, d’où les compulsions à se laver très fréquemment ) ; l’erreur (peur ne pas avoir bien fait quelque chose, par exemple de ne pas avoir fermé le gaz, l’électricité, les serrures, de s’être trompé dans son travail, crainte obsédante du désordre, d’où les vérifications en série et les compulsions de rangement ) ; l’agressivité (peur de faire du mal à quelqu’un par la pensée, par perte de contrôle de soi ou par erreur, d’où les vérifications, les phrases conjuratoires, etc.) ; le malheur (idée que l’on peut porter malheur à soi-même ou à autrui, d’où les rituels de répétition, de toucher de rangement ou la répétition mentale de certains phrases…). Diminuer l’intensité des rituels pathologiques Probablement parce qu’ils savent que leurs pensées et leurs rites sont insensés, le TOC est encore trop souvent caché par les patients même s’il a tendance à devenir moins tabou. Ils ont du mal à se confier parce qu’ils ont honte de leurs symptômes ou parce qu’ils ne savent pas qu’ils souffrent d’une maladie bien identifiée. Bien que les causes du TOC restent mal connues -elles pourraient être à la fois 1/2 Union régie par le code de la mutualité enregistré sous le n°444 279 699 psychologiques, sociales et biologiques (vulnérabilité neurologique ou génétique du sujet)- on sait désormais le soigner. Deux traitements ont fait la preuve de leur efficacité : certains antidépresseurs et la psychothérapie comportementale et cognitive. La psychanalyse, en revanche, n’est pas indiquée. “Les antidépresseurs dits “sérotoninergiques” (clomipramine, paroxétine, fluvoxamine, fluoxétine, sertraline) peuvent donner de bons résultats s’ils sont pris sur le long terme, pendant un ou deux ans”, précise le docteur Sauteraud. La thérapie comportementale et cognitive consiste à modifier les croyances obsessionnelles du sujet et à l’exposer très progressivement à des situations obsédantes, tout en lui apprenant à refréner ses envies de rituels qui, s’ils apaisent momentanément, renforcent en même temps l’obsession. Par exemple, à une personne obsédée par la peur de la contamination, on demandera de diminuer le nombre de lavages de mains après un contact. Cela dans le but d’obtenir une “habituation” (l’obsession va peu à peu perdre de sa fréquence et de sa charge anxieuse) et une diminution des rituels. Plusieurs séances (douze à vingt au minimum) sont nécessaires. Cette technique est largement répandue dans les pays anglo-saxons, mais peu de thérapeutes français (cinq cents environ) y sont formés et l’appliquent réellement. Dommage. Les deux approches -l’une médicamenteuse et l’autre psychothérapique- constituent pourtant le traitement de choix. Elles permettent de soulager les deux tiers des patients, environ 20 % obtenant une guérison complète même s’ils gardent une certaine fragilité. Hélène Meyer OU S’INFORMER ? -L’association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels et compulsifs (AFTOC) aide les patients et leur entourage à mieux comprendre cette maladie, les informe sur l’évolution de la recherche et des traitements (notamment par l’intermédiaire d’un bulletin trimestriel, “Le Nouvel Obsessionnel”) et leur permet de se mettre en relation avec différents membres de l’association, situés dans plusieurs régions. Elle organise aussi des réunions mensuelles entre adhérents à Paris et dans certaines autres villes. AFTOC, 12, rue Alfred-Lasson, 78250 Mezy-sur-Seine. Tel : 01 30 99 14 08. Site internet : http://www.cpod.com/monoweb/aftoc. E-mail : [email protected] -L’association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC) réunit les thérapeutes français pratiquant les psychothérapies comportementales et cognitives, à l’hôpital ou dans le secteur privé. AFTCC, 100, rue de la Santé, 75674 Paris Cedex 14. Tel. 01 45 88 78 60. Site internet : http://perso.wanadoo.fr/aftcc. E-mail : [email protected] 2/2 Union régie par le code de la mutualité enregistré sous le n°444 279 699