qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwerty uiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasd fghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzx Le fondement du discours cvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmq rationnel Dialogue entre le réalisme et Heidegger wertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui sur la question du discours et de sa vérité. opasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfg hjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxc vbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmq wertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui opasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfg hjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxc vbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmq wertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui opasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfg hjklzxcvbnmrtyuiopasdfghjklzxcvbn mqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwert yuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas 02/04/2009 Dorian Chandelier 2 Aristote pose la différence entre l’homme et l’animal en ce que l’homme possède le . Ici, posséder le , signifie autant posséder la raison que son signe qu’est le discours. Dés lors ne étude de ce discours se justifie dans la mesure où elle apportera un éclairage sur la définition de l’homme ainsi que sur sa nature. A ce sujet, en parodiant les commentaires de l’œuvre d’Aristote nous pourrions dire : qui ignore le discours, ignore l’homme. Une telle étude n’est pourtant pas sans difficulté: un des problèmes du discours venant du fait qu’il nous est tellement proche qu’il est difficile de prendre le recul nécessaire afin de l’envisager dans un travail de philosophie. Cependant nous pourrions aussi dire que de sa proximité naît une certaine évidence qui facilite son étude. Nous laissons cependant là le questionnement sur le recul et la mise à distance puisque c’est une question qui sera traitée ultérieurement dans notre développement. La question que nous posons alors est celle du fondement du discours, le problème étant de savoir s’il procède de notions simples où de la composition de deux concepts. Ceci pourrait aussi être exprimé de la manière suivante : le discours n’est-il que le développement suivant la saisie simple de la chose ou bien est-il une activité du sujet qui affirme le lien ou la séparation de deux concepts en raison également d’une saisie de la chose? Dans le cadre de cette problématique nous mettrons face à face la phénoménologie heideggérienne et le réalisme de tradition aristotélico-thomiste. Dans cette optique nous opposerons d’abord la conception d’Heidegger à l’évidence de l’opinion commune, nous assurant ainsi que la question se pose réellement. Notre investigation aura ensuite pour but de voir quels sont les problèmes posés par la position heideggérienne, notamment quant à l’auto-prise en charge du sujet. En dernier lieu, nous nous demanderons si la position initiale qui se basait sur l’évidence, une fois pensée dans ses fondements, pourrait venir résoudre les problèmes mentionnés ci-dessus. 3 Martin Heidegger dans de l’essence de la vérité et de l’essence de la vérité : approche de l’allégorie de la caverne et du Théétète de Platon, défend la position d’une vérité allant contre celle défendue dans la philosophie réaliste de vérité comme adequatio. Une telle prise de position ne traite premièrement que le rapport du discours à l’être, alors que notre problème, lui, cherche à nous renseigner sur le rapport existant entre le discours et l’intellect. Cependant dans le rapport du discours à l’étant la médiation se fait par l’intellect. Dés lors en traitant son propre problème Heidegger doit pouvoir nous présenter la position phénoménologique du rapport discours/acte de l’intelligence. La thèse heideggérienne est de présenter la vérité comme un dévoilement. Le discours vrai pour Heidegger ne peut être que l’énoncé apprésentatif (terme utilisé pour se démarquer de la représentation notion se rapportant trop à la psychologie pour le philosophe allemand), dont il dit : « L’énoncé apprésentatif en ce qu’il dit en ce qu’il dit de la chose apprésentée, l’exprime telle qu’elle est. »1 . Ici ne se fait pas sentir encore la différence radicale avec la vérité comme adequatio d’une part, et cette vision de l’énoncé, d’autre part, en étant encore dans le rapport du discours à la chose ne nous renseigne pas sur le rapport du discours à l’opération intelligente. C’est pourquoi il convient d’interroger l’action par lequel cette apprésentation est rendue possible. Dans cet ordre Heidegger ne parle pas d’action mais d’un comportement (Verhalten) qui : « s’en tient à ce qui se manifeste comme tel. »2. Ce comportement face à ce qui se manifeste comme tel consiste à en chercher l’essence, il s’agit de chercher « la vérité de l’être »3 de l’étant apprésenté. Cette vérité de l’être ne peut se présenter que sous des termes simples : « La parole n’est pas en premier lieu l’ « expression » d’une opinion, mais, d’emblée, l’articulation protectrice de la vérité de l’étant en totalité […] qui 1 MARTIN HEIDEGGER, L’essence de la vérité, Paris, Librairie philosophique J.Vrin, 1948 Idem 3 Idem 2 4 ne se laisse déterminer que relativement à la vérité originaire de l’étant comme tel dans sa totalité »1. Ici la notion de protection de l’essence montre bien qu’il s’agit de la considérer seule dans une propre articulation d’elle même. De fait, dans l’œuvre d’Heidegger le discours philosophique semble procéder d’idées simples: son discours sur l’homme est l’articulation du concept de Dasein, celui sur la vérité est celle de , et ainsi de suite. Une telle position est assumée comme paradoxale, tant dans la perspective prise par Heidegger que dans la nôtre. En effet, il semble relever de l’évidence du sens commun que, d’une part la vérité soit la conformité du discours avec la chose sur laquelle il porte, mais cela n’est pas en rapport direct avec notre problème, et d’autre part que le discours porte une certaine dualité et, de fait, une certaine composition. Cette évidence se montre déjà dans le terme de discours dont le préfixe « dis » indique une idée de séparation. Mais aussi dans l’idée répandue que l’énonciation se fait par le fait de dire une chose d’une autre. Ces certitudes sont appuyées par l’expérience que chacun fait de sa pensée et de son discours. Il semble alors impossible que le philosophe allemand puisse réclamer le titre de discours pour son « articulation protectrice de la vérité de l’étant en totalité »2. Cependant, il convient de se méfier de cette évidence, souvent mal distinguée de l’apparence de l’évidence. Il importe aussi de remarquer que dans la langue d’Heidegger le terme d’évidence (Selbstverständlichkeit) comporte une nuance très nettement péjorative : l’évidence se présente comme telle en raison de l’impossibilité à poser un problème authentique. D’ailleurs pour le philosophe allemand : « Sous l’empire de l’évidence [le] concept [est] à peine médité dans ses fondements essentiels »3. Pour autant, et Heidegger lui-même le fait remarquer : « Personne ne saurait se soustraite à […] ces objections. Personne non plus ne saurait en dédaigner l’urgence et la gravité »4. Cependant notre philosophe possède une réponse à ces objections : « l’articulation » est possible en raison de la présence de dissimulation au sein de 1 MARTIN HEIDEGGER, L’essence de la vérité, Paris, Librairie philosophique J.Vrin, 1948 Idem 3 Idem 4 Idem 2 5 la révélation de l’être. C’est pourquoi dans les deux de l’essence de la vérité une grande importance est donnée à la notion de non-vérité. Pour Heidegger cette nonvérité est partie intégrante de la vérité comme comme il le dit : « la non-vérité en tant que contraire ainsi conçu de la vérité, [ne] peut être négligée que lorsqu’il s’agit de saisir la pure essence de cette dernière »1. Cet élément permet de comprendre l’aspect énigmatique des notions simples qu’utilise Heidegger : l’homme comme être-là (Dasein) ou l’outil comme dans-la-main (Zuhanden) ne sont pas des notions claires d’elles mêmes de prime abord. En effet, la non-vérité comprise dans l’essence même de la vérité n’est pas pensée comme erreur, mais comme mystère. Ainsi le discours compris comme articulation à partir de notion simples n’est que la recherche dans « le domaine encore inexploré de l’être »2. Cela permet un dévoilement perpétuel qui ne se résume pas à la simple apprésentation de l’étant. Ainsi le discours n’est jamais clos et reste à jamais possible. C’est pourquoi nous n’avons pas épuisé l’exploration de l’être originel : « l’étant en totalité qui se découvre comme »3. Cette conception de la vérité et du discours vient éclairer la vision du but du philosophe dans la pensée heideggérienne : « [La pensée philosophique] est la souple douceur qui ne se refuse pas à l’obnubilation de l’étant de l’étant en totalité. Mais elle est aussi la ré-solution rigoureuse qui, sans détruire la dissimulation, amène celle-ci, en préservant sa nature, à la clarté de l’intellection et ainsi la contraint dans sa propre vérité »4. Nous comprenons donc maintenant en quoi la vision heideggérienne de la vérité est bien en rapport avec nôtre problème de la fondation du discours rationnel, et en quoi elle pouvait être légitimement posée malgré son aspect paradoxal. Il importe ici de savoir que le terme de paradoxe est analogue : en effet 1 MARTIN HEIDEGGER, L’essence de la vérité, Paris, Librairie philosophique J.Vrin, 1948 Idem 3 Idem 4 Idem 2 6 de par son étymologie et en dialectique il signifie : « discours contraire à l’opinion commune », et c’est là le sens dans lequel nous l’avons utilisé jusqu’ici. Cependant le terme paradoxe est plus couramment utilisé dans le sens suivant : proposition qui contient ou semble contenir une contradiction logique. Or la position heideggérienne, semble être paradoxal en ce second sens également, dans la mesure où elle semble contredire la notion de liberté qui pourtant est à son fondement. Il convient d’abord, encore une fois, d’éclaircir ce qu’entend Heidegger lorsqu’il parle de liberté. Encore une fois le philosophe allemand donne au mot « liberté » un autre que celui que lui donne l’opinion commune. Pour traiter cette question nous verrons en quoi la notion de liberté peut et doit entrer en ligne de compte dans notre recherche. Ensuite nous exposerons le sens qui lui est donné dans de l’essence de la vérité. Nous pourrons dés lors interroger la pertinence de cette définition en ce qui concerne l’utilisation du discours rationnel. Ici Heidegger et l’opinion commune se rejoignent : ils recherchent tous deux la liberté d’expression et d’opinion, le premier pour la philosophie et l’autre pour l’individu. Si l’opinion commune réclame la liberté d’expression pour l’individu cela a surtout pour but d’instaurer un certain relativisme permettant à chacun de dire ce qu’il souhaite de n’importe quoi. Le philosophe au contraire parle de liberté d’opinion et d’expression pour la philosophie en cherchant à la soustraire au règne de l’évidence de l’opinion commune. Ainsi pour Heidegger la philosophie est et doit être indépendante du sens commun, ce qu’il dit ici : « La philosophie de son coté ne peut réfuter le sens commun puisque ce dernier est sourd à son langage. Bien plus, elle ne saurait même avoir l’intention 7 de le réfuter car le sens commun est aveugle à tout ce qu’elle propose de regarder comme essentiel. »1 Donc la liberté est centrale dans la question du dialogue opinion/philosophie. Et ainsi centrale dans la question du discours philosophique en particulier mais aussi dans celle du discours en général puisqu’il en résultera une position quand à la relativité de ce dernier. Or le relativisme entre en résonnance avec notre problème portant sur le discours rationnel, qui vise une certaine objectivité, tout en se basant sur des actes de l’intelligence qui eux relèvent d’une certaine subjectivité. La position de la liberté dans le discours qui fondait le relativisme était celui de l’opinion. Or l’essence de l’opinion, pour Heidegger, est d’être l’expression du « on » c'est-à-dire du désir d’utilité pris dans la vie courante. La liberté du philosophe est donc d’être ouvert à quelque chose d’au-delà ou d’endeçà de la vie courante. Mais nous restons ici dans une conception négative de la liberté qu’il convient de dépasser, et sur ce point nous accompagnons le philosophe allemand. Qui ici dit : « S’installer dans la vie courante [susceptible d’être dominée] équivaut en soi au refus de reconnaître la dissimulation de ce qui est obnubilé. Sans y’a-t-il aussi au sein de la vie courantes des énigmes [qui] ne sont que transitions et intermédiaires dans le mouvement de la vie courante et, par conséquent, inessentielles. »2 Ainsi la liberté dans un sens originel et positif se trouverait dans la reconnaissance d’un mystère plus essentiel que celui donné dans la vie courante. Ce mystère c’est celui de l’être, dont nous avons déjà parlé précédemment en disant qu’il (le mystère) ne se percevait que dans la révélation de l’être au sein de l’ « hors-retrait ». Ainsi il est possible pour Heidegger de dire avec raison que : 1 2 MARTIN HEIDEGGER, L’essence de la vérité, Paris, Librairie philosophique J.Vrin, 1948 Idem 8 « La liberté vis-à-vis de ce qui se révèle au sein de l’ouvert [hors-retrait] laisse l’étant être l’étant qu’il est. La liberté se découvre à présent comme ce qui laisse-être l’étant »1 Ainsi c’est par souci d’objectivité, et donc afin de préserver la philosophie et le discours rationnel, que l’on pose la liberté. Il semble encore une fois que ce soit la révélation qui engendre le discours à partir de notions simples qui soit gardienne de l’objectivité et donc de la rationalité du discours. Cependant cette liberté qui est uniquement celle de l’étant est-elle vraiment acceptable? Même sans se revendiquer du souci d’autonomie des modernes, il nous semble nécessaire de défendre une certaine auto-prise en charge du sujet au travers de son discours. Heidegger le souligne lui-même, pouvoir saisir l’essence de la chose demande un certain recul par rapport à cette chose. Or il dit lui-même qu’avec une telle conception de la liberté : « l’homme ne possède pas la liberté comme une propriété, mais tout au contraire : la liberté […] dévoilant[e] possède l’homme »2. L’homme se trouve pris dans l’être, ou comme le dit Heidegger, il s’ « adonne » à l’être. Ainsi la connaissance ne serait permise que par la proposition de l’être et non un acte propre du sujet. L’homme subirait alors une pensée sur l’être se révélant lui-même au fur et à mesure que le discours progresse. Or l’expérience nous montre bien que derrière tout acte de pensée il y a un « je » qui pense. Il semble donc que cette position empêche le sujet de se saisir lui-même comme personne. Il semble donc que la conception heideggérienne n’aille pas sans problèmes : fonder le discours rationnel sur des notions simples données par l’étant lui même permet certes de sauver l’objectivité du discours rationnel face à des positions subjectivistes et relativistes mais au prix du sacrifice du sujet luimême qui se retrouve dans l’impossibilité de se saisir comme personne. Il se retrouve à n’être compris que comme ek-sistant ouvert à l’être. Le problème étant 1 2 MARTIN HEIDEGGER, L’essence de la vérité, Paris, Librairie philosophique J.Vrin, 1948 Idem 9 que l’autre partie de l’alternative que nous étions posés, à savoir : « le discours rationnel procède de la composition de plusieurs notions » semblait reposer sur une évidence sans fondement liée à une opinion commune qui défendait le relativisme plutôt que l’objectivité du discours rationnel. Peut-on soutenir la même position sans sombrer dans les travers de l’opinion vulgaire. Contrairement à Heidegger les philosophes réalistes s’appuient sur l’opinion commune plutôt que de chercher à la contredire. Une telle position semble elle aussi contredire la possibilité de la liberté de la philosophie et du discours rationnel comme dit précédemment. Nôtre démarche consistera donc ici à montrer que le discours comme procédant de la composition permet: la liberté de la philosophie, ainsi que l’auto-prise en charge du sujet. Mais avant cela il sera nécessaire de poser la nécessité de l’intelligence qui compose et divise ainsi que son lien avec le discours. Heidegger dans sa conception partant de notion simple nous pousse à envisager « la vérité de l’être », ou autrement dit l’essence. Cependant une telle position semble paradoxale puisqu’elle tire son fondement de l’Etre qui se révèle dans chaque étant sans jamais pouvoir énoncé l’existence de ces étants et encore moins de cet Etre. En effet en se focalisant sur la saisie de l’essence et de l’être Heidegger semble louper son but d’objectivité car il se soumet à la critique de Kant à Descartes sur l’existence de Dieu, qui tire ses fondements de la pensée d’Aristote. En effet parler uniquement de l’essence et de l’être ne permet pas de fonder l’existence. Puisque l’être n’est pas un super-genre, et ne se dit pas de manière univoque de chaque étants, nous sommes contraints de passer par la composition ne serait que pour dire de l’être qu’il est compris dans les 10 catégories de l’être et donc qu’il existe. Il s’agit non pas de parler de l’essence d’une chose mais de pouvoir dire qu’elle est où qu’elle n’est pas, au sens de « elle existe » ou « elle n’existe pas ». St. Thomas dit effectivement : 10 « L’intellect juge de la chose appréhendée quand il dit que quelque chose est ou n’est pas, et cela c’est l’intellect qui compose et divise […] Ainsi la vérité se trouve en premier dans l’intellect qui compose et divise. »1 Ainsi préserver le mystère de l’être dans une énonciation de type heideggérienne n’est pas dénué de sens, mais cela ne peut être présenté de la manière dont Heidegger le fait, c'est-à-dire comme procédant de notions simples. Ces notions simples énigmatiques n’étant fondamentalement que des formulations reposant sur une composition/division: celle du jugement d’existence. Citons Aristote désormais : « Les noms […] sont semblables à la notion qui n’a ni composition ni division comme homme, blanc, quand on y ajoute rien, car ils ne sont encore ni vrais ni faux : bouc-cerf signifie bien quelque chose, mais il n’est encore ni vrai ni faux à moins d’ajouter qu’il est ou qu’il n’est pas. »2 La composition semble donc se poser comme nécessité, au-delà même de l’évidence du sens commun. Mais trouver un fondement à cette position à la base uniquement endoxale ne lui donne pas encore une valeur suffisante pour la Préférer à la position de la phénoménologie heideggérienne. Encore faut-il que le problème de l’auto-prise en charge du sujet et la liberté de la philosophie soit réglé avec cette conception maintenant assurée. St. Thomas dans la question disputée du de veritate envisageait déjà le problème de la prise en charge du sujet par lui-même dans la position d’Heidegger lorsqu’il place dans les objections de l’article 3: « On dit que le vrai dépend du rapport entre l’étant et l’intelligence. Or le premier rapport de l’intelligence aux réalités a lieu lorsqu’elle forme les quiddités des réalités, en concevant leurs définitions. Le vrai se trouve donc principalement et premièrement dans cette opération de l’intelligence. » 3 1 ST. THOMAS, De veritate, Q.1.a.2. Aristote, Peri hermeneias §1 3 ST. THOMAS, De veritate, Q.1.a.3 2 11 Où l’on retrouve effectivement la position heideggérienne sans pour autant y voir le problème que nous y avons décelé, à savoir celui de l’auto-prise en charge du sujet dans le discours rationnel. Cependant dans sa réponse où il dit : « On dit que le vrai dépend du rapport entre l’étant et l’intelligence. Or le premier rapport de l’intelligence aux réalités a lieu lorsqu’elle forme les quiddités des réalités, en concevant leurs définitions. Le vrai se trouve donc principalement et premièrement dans cette opération de l’intelligence. »1 On voit bien qu’il pose la nécessité pour le sujet de voir son propre dans l’acte de l’intelligence. Et dans cette saisie qui permet de voir son acte propre, le sujet se différencie de ce qui est connu. Il prend donc un certain recul qui lui permet de cerner la chose et de se saisir comme personne. Karol Wojtyla peut dire dés lors que « dans le jugement, l’homme s’éprouve lui-même comme agent du pensée »2 ce qui lui permet de saisir « le dynamisme de l’homme ». On voit alors l’acte de la connaissance comme une double action : celle de l’être qui se manifeste comme Heidegger a pu nous le montrer, mais aussi celle du sujet qui juge de son existence. Il s’agit de la rencontre d’une structure extérieure avec une structure intérieure qui permet au sujet de saisir sa propre nature comme spirituelle et personnelle. Cette rencontre pour Wojtyla est propre à la parole et à la pensée. Par là même nous voyons poindre ce en quoi le discours rationnel ainsi pensé permet sa propre liberté en plus de celle sujet. En effet nous avions placé la liberté d’un tel discours dans sa mise à distance de l’évidence de l’opinion commune. Nous pouvons maintenant voir qu’il est possible de partir de l’opinion commune sans pourtant y rester comme condamné et donc qu’il est possible d’atteindre la science en ayant l’opinion comme point de départ. En effet une des énonciations du « on » dénoncé par Heidegger était : « ce qu’est l’homme, chacun le sait »3. Or nous voyons avec Karol Wojtyla que dans le jugement, et donc dans la composition/ division, il y a une révélation de la nature spirituelle et personnelle du sujet qui se présente de prime abord comme individu dans l’opinion. Ainsi la vérité donnée à la nature de l’homme dans la prise de 1 ST. THOMAS, De veritate, Q.1.a.3 KAROL WOJTYLA, Personne et acte, Paris, Le centurion, 1983 33 MARTIN HEIDEGGER, L’essence de la vérité, Paris, Librairie philosophique J.Vrin, 1948 2 12 conscience de soi par le jugement n’est pas la simple prise en compte de l’évidence sans fondement de la nature humaine, mais une véritable révélation de la nature de l’homme et donc une vérité . Heidegger plaçait aussi le devoir de la philosophie comme étant celui de transformer en problème les propositions de l’évidence vulgaire. Or toute problématisation requiert une certaine composition dans une énonciation posant le problème. Nous voyons donc ici lié composition et discours dans l’acte de problématisation. En effet l’évidence n’est jamais vrai ou fausse en elle-même, puisque un nom « quand on y ajoute rien […] ne sont encore ni vrais ni faux », il faut donc la composer pour voir apparaitre deux propositions contradictoires l’une par rapport à l’autre. Contradictoire, cela revient à dire que lorsque l’une est vraie l’autre est nécessairement fausse et réciproquement. Et c’est la problématisation qui va permettre de poser le jugement d’existence dont nous avons parlé plus haut : puisqu’une chose ne peut pas être elle-même et son contraire en même temps et sous le même rapport, il faudra soit qu’elle soit, soit qu’elle ne soit pas. Nous avons donc vu au travers toute notre recherche qu’Heidegger en fondant son discours sur des notions simples cherche à conserver le statut objectif du discours notamment à travers les notions de mystères et de liberté. Que cette position aboutit à des paradoxes qui ne se résolvent qu’en montrant que la totalité de l’acte de connaissance dépend de la composition/division sans pour autant contredire l’idée de révélation, de mystère et de liberté. Cependant Heidegger dans plusieurs discours privilégie le « pensé » au « connaître » et donc, comme le fait remarque Karol Wojtyla, dans sa distinction du « je pense » et du « je connais », le pati plus que l’agere. Auquel cas les problèmes posés n’entreraient pas en ligne de compte de la pensée heideggérienne, cependant savoir si le 13 « pensé » est réellement préférable au « connaître » ne relève pas de notre recherche et pourra faire l’objet d’un autre travail. 14 BIBLIOGRAPHIE MARTIN HEIDEGGER : -De l’essence de la vérité, Paris, Librairie philosophique J.Vrin. 1948 -De l’essence de la vérité : Approche de l’ « allégorie de la caverne » et du Théétète de Platon, Paris, Gallimard, 2001 BRUNO COUILLAUD : - Raisonner en vérité : Traité de logique analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, François-Xavier de Guibert, 2007 THOMAS D’AQUIN: -Question disputée de la Vérité- traduction obtenue sur http://docteurangélique.free.fr -Commentaire du Peri Hermenias, Paris, Les belles lettres, 2008. KAROL WOJTYLA : Personne et acte, Paris, Le centurion, 1983