Histoire du droit privé

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HISTOIRE DU DROIT PRIVE
INTRODUCTION
C’est par la famille que l’espèce humaine se perpétue.
Mais certaines personnes se demandent si la famille a encore un avenir.
Dans tous les cas, la famille a un passé que l’on étudiera ici.
Il y a, biensûr, des modèles familiaux, et non UN seul.
Nous allons étudier la famille occidentale.
On va mettre en évidence l’évolution de l’institution familiale en occident, et l’évolution du droit de la famille
depuis l’antiquité, depuis le droit romain, jusqu’à nos jours.
I.
Remarques préliminaires
 L’existence d’un paradoxe dans l’évolution de la famille
La famille est l’institution du droit privé qui est à la fois la plus stable et la plus variable, la plus évolutive.
C’est, d’abord, une institution très stable car elle résiste à toute modification législative brutale. Rien ne peut
modifier la famille d’un seul coup, et pas même une idéologie nouvelle.
Exemple : la lutte entamée par les empereurs romains, après leur conversation au christianisme, vont chercher à
lutter contre le divorce.
Or, à Rome, le divorce était très largement admis : le consentement mutuel, et la répudiation unilatérale.
Les empereurs, convertis, vont promulguer des mesures législatives pour restreindre ou interdire le divorce. C’est
textes seront inefficaces. La majorité de la population n’est pas chrétienne à l’époque. Ces milieux non chrétiens
vont résister.
Mais, d’un autre côté, la famille est une institution très variable.
Elle est l’objet de mutations lentes, internes, mais irrésistibles.
Il y a une multitude de facteurs (politiques, conjoncturels, économiques…) qui interviennent.
Dans les facteurs économiques et sociaux, on a le travail des femmes par exemple.
On a aussi l’accès des femmes à l’enseignement.
Pour les facteurs politiques, les partis de gauche n’ont pas la même conception de la famille que les partis de
droite. Suivant le parti au pouvoir, ca peut jouer.
Parmi les facteurs idéologiques, selon les époques, les courants de pensée sont favorables ou défavorable à
l’égalité des sexes, ce qui se répercutera sur la famille.
Parmi les facteurs conjoncturels, historiques, l’exemple type est les guerres. L’éloignement des maris favorisait
l’émancipation des femmes. Ce phénomène s’est déjà manifesté à Rome. Les guerres que Rome va mener ont
contribué largement à l’émancipation de la femme romaine.
Le législateur ne peut pas s’opposer à ces mutations.
On constate donc qu’en droit de la famille, le législateur ne fait que consacrer officiellement, par ses réformes,
des pratiques déjà admises dans les faits.
Exemple : loi de 1975. Avant, on n’avait que l’admission du divorce pour faute. En 1975, on reconnait la possibilité
de divorcer par consentement mutuel.
Mais, avec la loi de 1884, on utilisait des fautes lettres d’injure pour divorcer. On revenait à un divorce pour
consentement mutuel. La loi de 1975 n’a fait que consacrer une possibilité que les époux utilisaient alors.
Le législateur ne peut pas pousser les mœurs. En revanche, il est parfois obligé de suivre les mœurs.
On constate que souvent l’intervention du législateur a un but restrictif.
Par exemple, pour la loi de 1975, le législateur voulait canaliser la liberté qui s’exerçait malgré lui.
 L’existence de deux types de conflits au sein de la famille
Le premier type : le conflit entre le foyer familial restreint (le mari, la femme et l’enfant), et un groupe plus vaste,
la grande famille, la famille souche qui est capable d’englober, voire d’étouffer la petite famille.
Dans le système moderne, on assiste à la domination de la petite famille.
Cette conception que l’on se fait de la famille influe directement sur les règles de droit.
Exemples :
Le droit du mariage : le mariage peut être conçu comme l’Union de deux familles, ou comme l’Union de deux
êtres.
Sous l’Ancien Régime, et jusqu’au 19ème siècle, le mariage apparaissait avant tout comme l’union de deux familles.
On avait les respectueuses sommations.
Dans le domaine du droit successoral : les règles applicables pour le conjoint survivant seront plus ou moins
étendues.
Sous l’Ancien régime, le sort du conjoint survivant était souvent régi par le contrat de mariage. C’était du domaine
des régimes matrimoniaux. Le conjoint était perçu comme un étranger. Le sort ne se réglait pas dans le domaine
des successions.
Le code civil n’a pas changé grand chose. Le conjoint passait après les collatéraux jusqu’au 12ème degré, et il n’était
préféré qu’au fisc. De plus, il avait un statut de successeur irrégulier.
A la fin du 19ème siècle, son sort commence à s’améliorer. En 1891, il se fait attribuer l’usufruit. Puis,
progressivement, le sort du conjoint survivant s’est amélioré.
On privilégie la conjugalité sur la lignée.
On privilégie les liens d’affection, aux liens du sang.
Le deuxième conflit : conflit qui intervient à l’intérieur de la petite famille. On a des relations qui peuvent être
conflictuels. Ca oppose le mari et la femme.
Ca pose le problème de la position juridique de la femme mariée.
La femme mariée doit elle être soumise ou associée de son mari ?
Ces deux types de conflit vont être retrouvés tout au long de l’évolution.
II. Les grandes étapes de l’histoire de la famille
La famille occidentale a souvent présenté trois trais principaux :
 Elle était fondée essentiellement sur le mariage
 Elle supposait la monogamie
 Elle impliquait une prépondérance de l’Homme.
Ces trois trais s’expliquaient, en partie, par l’influence de l’église catholique.
Ca correspond à un phénomène de déchristianisation.
L’histoire de la famille en occident peut être découpée en trois périodes.
Les deux premières périodes sont fondamentales car le droit familial d’aujourd’hui va se former ensuite sur ces
deux bases.
A. La famille romaine
Au 5ème siècle, avant JC, on a l’ancien droit à Rome. On a une famille de type patriarcale.
Ensuite, au 2ème s –JC, on a la loi AEBUTIA. C’est alors le début du droit classique. Ca ira jusqu’en 284 après JP. A
cette date, on a le Bas Empire.
1. La famille patriarcale
Patriarcale provient du latin et du grec : Pater signifie le « père », et Arcan signifie le « pouvoir » en grec.
Ca montre que la famille originelle ne correspond pas qu’à la conception du droit privé.
Ca correspond aussi à une organisation politique, de type tribal, qui existait. Cette organisation Ce type tribal se
traduit par la soumission des membres de la famille à un chef.
Ce chef, naturellement, est appelé « pater familias ».
Ulpien : « la famille est un ensemble de personnes soumises à la puissance d’un seul ».
La deuxième caractéristique c’est que la famille ne possède que la parenté agnatique, c'est-à-dire la parenté par
les hommes.
Les agnats sont tous ceux qui ont été soumis au même pater familias ou qui auraient dû être soumis à ce même
pater s’il avait vécu assez longtemps.
Les femmes entrent dans cette famille toute seule, ou avec leur progéniture. En effet, elles n’apportent pas, à
cette famille agnatique, leur propre parenté.
L’Ancien Droit Romain ignore donc la famille maternelle.
Cependant, la famille maternelle a quand même un effet juridique : on admet un empêchement au mariage dans
ce cas là. Les romains n’aiment pas l’inceste.
La structure de cette famille romaine est complexe car elle est composée de trois cercles concentriques : on a le
plus petit cercle qui est la familial ou domus, le cercle moyen qui est la famille agnatique, puis le cercle plus grand
qui est la « gens » ou famille gentilice.
Cette structure aura une importance fondamentale car elle va être le pilier du droit des successions.
a. La familial ou « domus »
La domus est composée de tous les individus, hommes ou femmes, descendants d’un même ancêtre mâle encore
vivant.
Ce pater familias est le seul, dans la domus, a avoir une pleine capacité juridique. On dit de lui qu’il est sui juris
(sous son propre droit). Tous les autres n’ont pas la capacité juridique. Ils sont alieni juris (sous les droits d’un
autre).
Première précision : les autres membres de la domus sont la femme du pater familias, à condition qu’il l’ait
épousé cum manu. Ensuite, il y a ses fils, ses filles non mariées, ses belles filles, ses petits enfants, ses arrières
petits enfants, etc.…
Deuxième précision : la manus est « la main » en latin. C’est le symbole de la puissance. La Manus c’est la
puissance que le mari acquiert sur son épouse.
Le mari peut acquérir cette manus de trois manières :
- L’usage, usus. C’est la cohabitation pendant un an. Pour y échapper, il faut qu’avant la fin de l’année qui
suit le mariage, la femme peut retourner vivre 3 jours et 3 nuits chez son père. Elle reste donc dans sa
famille d’origine.
- Le rituel. C’est la confarreatio. Ca consiste pour les époux à partager un gâteau. Le partage de ce gâteau
fait naître la manus.
- L’achat. C’est la Coemptio. Dans ce cas, le pater de la fille donne sa fille à son époux, au cours d’une vente
solennelle, en présence de 6 témoins.
Ce mariage cum manu est de loin le plus pratiqué à l’époque. Ca se différencie du mariage sine manu (sans la
main) qui, lui, deviendra la règle sous l’époque classique.
Les 2 types de mariage ont des effets juridiques différents :
Le mariage Cum Manu présente la particularité de soustraire définitivement l’épouse à la puissance paternelle
pour la soumettre à la puissance de son mari, ou de son beau père si celui-ci est encore en vie. ca rompt les liens
d’agnation, et les liens de succession de l’épouse avec sa famille d’origine. Elle change donc de famille.
Lors d’un mariage sine Manu, l’épouse reste sous la puissance de son père, sous la patria potestas. Elle garde ses
droits d’agnation, et ses droits de succession de sa famille d’origine.
La puissance paternelle, la patria potestas dure aussi longtemps que vit le père de famille. Elle ne cesse que par la
mort du père de famille.
Donc les romains ignorent l’idée de majorité émancipatrice.
La puissance paternelle se justifie par des contraintes économiques. Il ne faut pas oublier que les romains, à
l’origine, était des agriculteurs et des pasteurs, qui vivaient sur les 7 collines. Et le bon fonctionnement d’une
activité agricole suppose que le rythme des travaux soit laissé à l’appréciation d’un seul, et que les biens restent
en indivision pour éviter le morcellement des exploitations.
La puissance paternelle permet d’aboutir à un tel résultat.
Quand l’économie romaine deviendra commerçante, la puissance paternelle deviendra anachronique. Elle ne
correspondra plus aux besoins.
Ainsi, elle va s’assouplir de plus en plus.
Elle ne disparaîtra jamais.
La domus est donc déjà une grande famille.
b. La famille agnatique
Agnatique provient de ad et nati : ceux qui sont nés côte à côte.
C’est composé par l’ensemble des domus qui ont été soumises à la puissance d’un ancêtre commun proche.
En pratique, ca regroupe souvent tous ceux qui descendent du même père, ou du même grand père.
Quand le pater familias meurt, sa veuve, ses fils, et ses filles non mariées deviennent Sui Juris.
En revanche, les belles filles, et les petits enfants restent alieni juris.
Les fils forment de nouvelles maisons, de nouvelles domus. Chaque fils est à la tête d’une domus. C’est domus
restent unies par les liens d’agnation.
Donc, à Rome, quand un pater familias meurt, chacun de ses fils devient, à son tour, pater, et se trouve placé à la
tête d’une nouvelle domus.
Le pater romain n’est pas l’équivalent du père pour nous.
« L’évènement juridique qui fait d’un homme romain un pater n’est donc pas la naissance d’un fils, mais la mort de
son propre pater, mort au moment de laquelle lui-même cesse d’être un fils » (Y. THOMAS).
On peut donc être qualifiés de Pater, même sans enfant.
c. La gens ou famille gentilice
Cette famille gentilice regroupe plusieurs familles agnatiques, qui descendent d’un ancêtre commun, ou qui
croient descendre d’un ancêtre commun. Le lien est tellement lointain, et distendu, qu’il est invérifiable.
Très souvent l’ancêtre commun est un être mythique.
Tous les membres de la gens portent le même nom de famille.
Exemple : Jules Caesar, caius Julis Caesar.
Les romains avaient trois noms. Ici, le nom de famille est celui du milieu : c’est JULIUS (famille des Juliy qui
prétendait descendre de Julius).
Le prénom est le premier nom. Et le troisième nom est le surnom à Rome.
Parmi les familles romaines les plus illustres sont la famille des Fabihy, famille des claudii.
Les membres de la Gens sont aussi unis par des traditions religieuses. Chaque famille pratique un culte commun.
Notamment, dans le domaine funéraire, on a des traditions.
La famille connaîtra une évolution au 2ème siècle avant JC.
2. La famille médiévale
L’époque est marquée par la naissance de l’individualisme, qui contribue à faire reculer, lentement, la structure
autoritaire et patriarcale de la famille.
C’est la loi AEBUTIA.
On assiste à un éclatement de l’ancienne structure familiale romaine.
Ca se traduite par trois phénomènes principaux :
- L’émancipation de la femme
On assiste à une émancipation juridique et sociale de l’épouse. Ca explique la multiplication des mariages sine
manu.
- Apparition d’une famille maternelle, à côté de la famille agnatique
On découvre la famille cognatique (cum et nati : « né avec », c’est la famille par le sang).
Cette famille regroupe tous les parents, tant par les femmes que par les hommes.
Elle inclut donc la famille agnatique.
Ce lien cognatique commence à être pris en considération par le droit romain à partir du 1er siècle Ap. JC.
On aura un conflit entre l’agnation et la cognation. Les réformes progressives aboutiront à un triomphe de la
cognation, de la parenté par le sang.
- Le recul des droits du pater familias
Ca s’explique par la volonté de protéger l’individu contre sa puissance.
Au cours de l’époque classique, les droits de la grande famille s’émoussent. La « gens » disparaît progressivement.
La puissance paternelle ne disparaît pas mais s’affaiblit considérablement.
Puis, à partir du 1er siècle après JC, la mère devient une des composantes de la famille. Elle n’est plus une
étrangère, un satellite du mari.
Mais jamais on arrivera à Rome à l’idée d’une égalité parfaite des époux. le mari aura toujours plus de droits que
sa femme à l’égard de enfants.
Et la puissance paternelle, à Rome, sera toujours exclusivement paternelle.
B. La famille médiévale
Le Moyen âge couvre 10 siècles : 476 au milieu du 16ème siècle.
Souvent, on a trois étapes dans ce MA :
 le haut moyen-âge (l’époque franque du 5ème au 9ème s).
Ce haut moyen âge est très marqué par l’influence germanique.
Et, du point de vue du droit, la période est une période de déclin.
 Le Moyen âge classique, l’époque féodale. C’est le 10ème, 11ème siècle.
C’est le temps des coutumes.
La coutume devient la principale source du droit jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
 La fin du Moyen âge, ou bas Moyen âge. C’est du 12ème au 15ème siècle.
C’est la très forte influence du droit canonique, du droit de l’église.
On redécouvre le droit Romain. On a l’apparition d’universités où l’on étudie le droit savant, droit romain, et le
droit canonique.
Au Moyen âge, la famille est soumise à une triple force : la religion, la féodalité, et le lignage (la grande famille).
La famille médiévale s’organise donc dans un triple cadre.
 Le cadre religieux
A partir du 5ème siècle, de 496 (date de conversion légendaire de clovis), jusqu’en 1789, le christianisme est
religion d’Etat en France.
Au départ, l’église n’exerce qu’une influence indirecte. Il y a une alliance de fait, qui se renforce par la chute des
mérovingiens. Les carolingiens se font sacrés. On entre dans un régime théocratique.
Dans le domaine du droit, l’église inspire différentes mesures au législateur laïc. On avait des réunions d’évêques
pour prendre les décisions pour l’église. Souvent, les rois barbares reprenaient les décisions.
A partir du 10ème siècle, on entre dans le système féodal, dans un éclatement du pouvoir. L’église en profite ici
pour étendre sa compétence législative et judiciaire. Désormais, elle intervient directement. Elle impose sa
législation, et fait appliquer cette législation par ses tribunaux d’église (les officialités qui se mettent en place au
12ème siècle).
L’église affirme sa compétence législative et judiciaire sur la mariage, acte fondateur de la famille.
Pour justifier ces compétences sur le mariage, l’église construit la doctrine du mariage sacrement. Le mariage est
un sacrement indissoluble.
Ca persistera jusqu’à la Révolution Française.
De la même manière, elle réussit à fonder sa compétence sur le testament.
En effet, souvent, dans les testaments, on avait souvent des dispositions bénéficiant à l’église.
 Le cadre féodal
La féodalité est un régime, pas seulement politique, mais aussi un régime juridique. On a un éclatement du
pouvoir, puis un éclatement du droit.
C’est le temps des coutumes car chaque seigneurie à son propre droit.
La féodalité est aussi un système social : le clergé, la noblesse, et le tiers Etat.
Cette féodalité enserre les personnes et les biens.
Pour les biens, ca distingue les tenues nobles, les fiefs, et les tenues roturières.
La féodalité a pesé lourdement sur le droit familial.
Mais, ca ne concerne que les deux classes extrêmes de la population : les nobles, et les serfs.
Pour les roturiers libres, c’est différents.
Pour les deux catégories, il y a des règles spéciales pour le mariage, et pour les successions (droit d’aines/main
morte).
 Le cadre familial
C’est la structure de la petite famille : la mesnie (maison, foyer).
La cellule de base est soumise à la grande famille, au lignage. Ce lignage dispose de droits étendus sur les
personnes et sur les biens.
Le lignage est composé de manière identique à la cognatio romaine. C’est la puissance double : maternelle et
paternelle.
L’étendue de ce lignage est très vaste. On garde le repère de l’empêchement à un mariage. Jusqu’en 1215, le
mariage était interdit jusqu’au 14ème degré.
A partir de 1215, on passe au 8ème degré.
Le lignage impose ses droits sur certains biens, considérés comme des biens familiaux. La famille ne veut pas que
ses biens lui échappent. On impose ces droits notamment dans le cadre des transferts à titre onéreux. Ca explique
le système de retrait lignager (le lignage peut reprendre le bien à l’acheteur).
S’agissant des immeubles propres, on applique, au moment des successions, la règle selon laquelle tout ce qui
vient de la ligne paternelle, doit retourner dans la ligne paternelle, et tout ce qui provient de la ligne maternelle
doit lui revenir.
On a une solidarité dans le lignage. Ca a des conséquences sur le plan militaire, et sur le plan judiciaire.
Il y a beaucoup de guerres privées à l’époque. Toute la famille doit défendre ses membres.
Puis, on a souvent recours aux serments au MA. On va aussi parler de cojureur, que l’on recrute dans la famille. Il
s’agit de témoin de moralité ici. L’individu ne prête donc pas serment seul, il le fait avec les membres de sa
famille. Donc on a une solidarité sur le plan judiciaire.
Donc, l’individu est obligé de compter avec sa famille, souvent étendue jusqu’à l’infini, à tout moment de sa vie.
C. La famille d’Ancien Régime
L’évolution de la famille, à partir de la fin du MA se caractérise par deux aspects opposés :
Un aspect négatif : on assiste à un fléchissement des cadres médiévaux (féodal, religieux…).
Un aspect positif : on a un développement, une affirmation de nouvelles tendances.

Le fléchissement des anciens cadres
On s’intéresse au cadre religieux ici.
Il n’y a pas de disparition de ces cadres, mais ils perdent de l’importance.
La première raison est liée à la Réforme qui se produit au 16ème siècle. Elle résulte essentiellement de
l’intervention de Lutter et Calvin.
La Réforme brise l’unité de chrétienneté au MA. Une partie se soustrait à l’autorité du cadre. On distingue les
protestants des catholiques.
La deuxième raison est d’ordre politique. On a l’action du pouvoir royal qui n’a cessé de se renforcer depuis le
12ème siècle. A la faveur des guerres de religion, la monarchie va se sortir renforcer de la crise.
Ce pouvoir royal s’efforce de récupérer les compétences qu’il avait perdu au MA au profit de l‘Eglise.
On grignote la compétence de l’Eglise ici.
Mais le Roi, sacré religieusement, ne peut pas exclure l’Eglise.
Mais avec l’aide des parlements, il rogne les compétences de l’Eglise, notamment avec l’Appel comme d’abus.
Cette compétence se trouve limité aux questions purement spirituelles.
Dans les questions temporelles, c’est la compétence du juge civil.
Le Roi donne donc des armes au Parlement et c’est ce dernier qui agit.
Ainsi, une ordonnance de réformation de la moitié du 16ème siècle (1539), Villeret Cotteret, donne
des dispositions concernant la compétence des juges ecclésiastiques. L’ordonnance, ainsi, limite ces compétences
pour les affaires personnelles.
Si un juge ecclésiastique porte atteinte au texte, le parlement agit avec l’appel comme d’abus.
Pour la féodalité, elle recule aussi. Avec la renaissance du pouvoir royal, la féodalité s’est effacée. Le Roi
assure le pouvoir, la justice.
Le Roi est devenu Souverain.
La féodalité reste jusque 1789 sur le plan économique et social. Mais sur le plan politique, elle s’efface.
Les règles spécifiques concernant les serfs ont progressivement disparu.
Le servage, lui-même, devient exceptionnel.
Seule l’Eglise a encore des serfs. L’Eglise est suffisamment riche pour ne pas affranchir les serfs.
En revanche, concernant les nobles, les règles spécifiques subsistent, notamment les règles de succession comme
la règle de l’aînés.
Les liens familiaux reculent sous l’AR.
La solidarité familiale a disparu avec les guerres privées. Ca s’explique aussi par la transformation du régime de
preuve. On a un régime plus rationnel, avec l’apparition de nouvelles procédures.
Il y a quand même, cependant, certaines institutions qui subsistent, notamment en matière successorale sur les
biens propres.

Le développement de nouvelles tendances
On assiste, à cette époque, au triomphe d’une conception autoritaire de la famille.
Cette conception va contrebalancer l’individualisme qui se développe à partir du 16ème s.
Le phénomène s’explique par un motif politique. Il constitue la conséquence de l’évolution du pouvoir royal.
A partir du 16ème s, on arrive à une monarchie dite absolue, avec Richelieu et Louis 14.
On estime que le père de famille doit gouverner sa famille de la même manière que le Roi gouverne l’Etat. Il doit
donc être le seul chef de la famille, tout comme le Roi est maître dans son royaume.
On a donc un renforcement de la puissance paternelle, mais surtout de la puissance maritale.
Sous l’AR, la femme mariée devient complètement incapable. Auparavant, elle n’avait qu’une incapacité
d’exercice.
Désormais, elle n’a aucun droit.
On veut qu’il n’y ait qu’un seul chef dans la famille.
D. La révolution et le Code civil
En ce qui concerne la Révolution de 1789, elle va vraiment prendre le contrepied de l’AR. Mais elle va le faire
d’une manière tellement brutale que ces mesures ne tarderont pas à apparaître choquantes.
Ainsi, avec le Cc, on a une contre réaction, avec un recours vers l’AR.
 Quant à la Révolution,
Elle a voulu rompre d’une manière définitive et brutale, avec le triple cadre antérieur (religieux, féodal et familial).
Dès lors, la Révolution va vouloir assurer le triomphe de principes nouveaux : Liberté, égalité, et La nature.
Ce triple mot d’ordre a inspiré aux révolutionnaires des réformes capitales en droit de la famille. Ceci dit, les
révolutionnaires ne sont pas hostiles à la famille.
Ils rejettent une certaine conception de la famille. On veut ici une famille avec moins d’autorité et plus de
sentiments.
Les principales réformes dans ce domaine apparaîtront après le 10 aout 1992 (chute de la monarchie).
Au nom de la liberté, les anciens cadres sont supprimés. Quant au cadre religieux, les
décrets du 20
septembre 1992
sonnent le glas de l’influence de l’Eglise. Ils sécularisent l’Etat civil. L’Etat civil devient
purement laïc.
La monarchie avait organisé au 16ème siècle, par différentes ordonnances, un Etat, confié au curé. A chaque
moment important de sa vie, l’homme devait passer devant le curé (Baptême, mariage, décès). Un sacrement
était attaché aux différents moments.
Ceci dit, à la fin de l’AR, l’édit de 1787 organise un premier Etat civil pour les protestants.
Désormais, en 1792, ce sont les maires qui détiennent les registres d’Etat civil.
De plus, le second décret prévoit que le mariage est désormais un contrat civil. Il n’est plus un sacrement. On
autorise, dès lors, le divorce. Ce dernier est très largement admis par les révolutionnaires : pour faute, par
consentement mutuel, ou pour incompatibilité d’humeur.
Pour le cadre féodal et familial, le servage est aboli dès la nuit du 4 aout 1789.
Et les règles spéciales applicables aux différentes catégories disparaissent, tel que le droit de l’aines.
Pour le cadre familial, il n’est pas détruit. Les droits de lignage, de la grande famille, sont réduits. Ainsi, le retrait
lignager disparaît.
Au titre de la l’égalité, les enfants naturels, enfants hors mariage se voient reconnaître les mêmes droits que les
enfants légitimes : décret de 1793, et loi très célèbre du 12 Brumaire An II.
On a aussi une interdiction de la recherche de paternité. On retire donc les moyens de faire valoir ces droits.
Alors qu’auparavant, sous l’AR, on autorisé la recherche de paternité, grâce au serment, alors qu’on ne
reconnaissait pas les enfants naturels.
Au nom de l’égalité, la liberté testamentaire est supprimée, par un texte de l’AN II. C’était un facteur d’inégalité
entre les enfants. On réduit la quotité disponible (part dont on peut disposer librement) à un pourcentage
insignifiant de la succession.
Surtout, on ne peut en disposer qu’au profit de noms successibles.
L’incapacité de la femme mariée est supprimée également. En principe, les époux sont désormais
fondamentalement égaux.
Par exemple, la loi sur le divorce de 1792 indique qu’ils peuvent demander les divorce pour les mêmes motifs, et
dans les mêmes conditions tous les deux.
Ils éduquent les enfants ensemble. Ils peuvent tous les deux contracter, et engager la communauté.
La Révolution refusera toujours de reconnaître des droits politiques aux femmes. Ce n’est donc pas des principes
féministes.
 Quant au Code civil
Une contreréaction qui s’annonce dès la chute de Robespierre. La réaction
dans le code de 1804.
En 1804, les 3 idées fortes de l’ancien régime ressuscitent.
thermidorienne. Elle triomphe
On a, tout d’abord, une réaction religieuse. Dans le code civil, le divorce est strictement réglementé.
Ce divorce sera d’ailleurs supprimé sous la Restauration en 1816.
Dans le code civil, la séparation de corps, qui avait été abolie en 1792, a été rétablie en 1804.
Ensuite, on a une réaction nobiliaire et lignagère. Elle se traduit par exemple par la création des majorats (masse
de biens qui sont appelés à voyager de mâles en mâles).
Puis, on a une réaction autoritariste. On veut restaurer l’autorité dans la famille. Le code rétabli la puissance
paternelle et maritale.
La femme mariée redevient également totalement incapable.
On a aussi une inégalité flagrante entre les deux quant à l’adultère.
Le code civil s’est borné à déclarer la femme incapable sans se pencher sur les difficultés qui peuvent en émaner
quant au quotidien du couple.
Par la suite, on aura le système du mandat classique pour réagir à cela.
Le code civil consacre aussi une restauration de la puissance paternelle.
En résumé, avec le Cc, l’apport révolutionnaire est pratiquement anéanti. La grande erreur, pendant la
Révolution, est d’avoir voulu aller trop vite et trop loin.
Il faudra attendre plus d’un siècle pour que ces principales idées soient progressivement réintroduites.
E. La libéralisation progressive du droit de la famille depuis le 19ème siècle
Levi : « la Révolution avait eu raison, mais trop tôt. Elle avait… »
Il faut attendre la 3ème république, 1870, pour que soit mis en chantier un vaste mouvement de réforme de la
famille qui se poursuit encore aujourd’hui.
On redécouvre progressivement l’œuvre révolutionnaire.
Schématiquement, 4 pôles de réformes :
 Rétablissement et libéralisation du divorce. Il faut attendre la
revienne.
loi Lacquet de 1884
pour qu’il



La diminution progressive des droits de la grande famille. Le meilleur exemple est l’augmentation
progressive des droits du conjoint survivant.
La dénonciation progressive de l’incapacité de la femme mariée. Cette incapacité disparait
progressivement. Depuis 1965, le mari n’est plus le chef du ménage. La femme est désormais capable
d’engager la communauté.
Dans le même ordre d’idée, l’autorité parentale s’est substituée à la puissance paternelle (1970). Mais
cette émancipation de la femme peut soulever des difficultés (qui va décider ? que faire en cas de
conflit ?). Pour les conflits, on a une intervention de plus en plus courante du juge. On a une sorte de
ménage à 3 : le mari, la femme et le juge.
L’amélioration du sort des enfants naturels.
On rétabli la recherche de paternité également.
On établi une égalité parfaite entre tous les enfants, quelque soit leur qualité.
Cette évolution du droit de la famille revêt finalement trois grandes tendances.
D’abord on constate une certaine dévalorisation du ménage.
Une antique prédominance du risque ?????????
Enfin on reconnait un rôle accru au juge dans la vie familial, ce qui explique la création d’un juge spécialisé,
d’abord appelé le JAM, aujourd’hui JAF.
Cette évolution du droit de la famille montre que le législateur contemporain a opté pour une nouvelle
conception de la famille : groupe compact, qui repose avant tout sur leur couple et on veut que la famille
permette aux aspirations individuelles de s’imposer
On veut liberté, dans la durée du couple, etc.…
La famille est devenue avant tout une institution de protection, de ceux que l’âge ne permet pas de mener une
vie indépendante, les vieux ou les enfants.
PARTIE 1 :
LES RAPPORTS PARENTS-ENFANTS : DE LA PUISSANCE PATERNELLE A L’AUTORITE PARENTALE
Il faut que la filiation soit établie.
Nous raisonneront ici dans le cadre d’une filiation légitime.
La manière dont les relations entre l’enfant et ses parents ont été envisagés a beaucoup évolué au fil du temps.
On peut noter qu’à certaines époques, ou dans certaines sociétés, on envisage ces relations en se plaçant du côté
des parents, et on raisonne alors en termes de pouvoir, de puissance, et de droit pour les parents.
Alors que dans d’autres temps, ou dans d’autres lieux, on se place du côté de l’enfant qu’il s’agit de protéger, et
dont on cherche avant tout à défendre les intérêts.
On aboutit alors à reconnaître des droits à l’enfant, et à faire peser une responsabilité sur les parents.
La répartition des rôles entre les parents :
Elle n’a pas toujours été conçue de la même manière. Tantôt on a privilégié le rôle du père dans l’éducation des
parents, et tantôt on a voulu attribuer cette éducation également au père et à la mère.
Ainsi, on a longtemps hésité entre une puissance paternelle et une autorité parentale.
L’idée d’une puissance absolue pour le père a d’abord été la règle à Rome. Mais, aux termes d’une longue
évolution, c’est l’autorité parentale qui l’a emporté.
L’évolution est loin d’avoir été linéaire.
Le droit romain, lui-même, a connu une première évolution. La puissance paternelle été absolue à l’origine.
Cette puissance paternelle s’est trouvée progressivement modérée.
Dans notre ancien droit, il s’est produit une évolution en sens inverse. En effet, le moyen âge a connu une
certaine forme d’autorité parentale.
Mais l’Ancien Régime, au contraire, a privilégié la puissance paternelle. Il a tout fait pour la renforcer.
TITRE 1 :
LE DROIT ROMAIN : D’UNE PUISSANCE PATERNELLE ABSOLUE A UNE PUISSANCE PATERNELLE MODEREE
Notre ancien droit procède, principalement, de deux systèmes juridiques plus anciens :
- Le système romain
- Le système germanique.
Cette double influence est encore sensible aujourd’hui dans les pays d’Europe occidentale continentale qui
appartiennent au système romano-germanique.
Le droit romain repose essentiellement sur des textes écrits et qui a pris sa forme définitive dans l’Empire
d’Orient, au 6ème siècle, avec la célèbre compilation de l’Empereur Justinien : con constitue le corpus civilis.
Cette compilation ne sera connue en occident qu’au 12ème siècle et sera à l’origine de la renaissance du droit
romain. Ca constituera les droits savants, c'est-à-dire que ce sont les seuls droits enseignés dans les universités.
Les deux droits savants (romain, et droit canonique) seront les seuls à être enseignés jusqu’au 17 ème siècle.
La situation changera avec l’Edit de Saint Germain en Laye de 1679. Le Roi introduit alors un cours de
droit français, qu’il pose sur un pied d’égalité avec le droit romain.
C’est donc sur la base du droit romain que des générations de juristes ont été formées. Tout naturellement, c’est
dans ce droit romain que ces juristes ont prisé une partie des solutions aux problèmes de la pratique.
Concernant la famille, la famille romaine est une famille de type patriarcal qui repose sur la monogamie. Les
romains rejettent la polygamie et interdisent l’inceste (originalité des romains par rapport aux autres).
La famille repose aussi sur le principe de la patria potestas (la puissance paternelle). Le pater familias est l’ancêtre
mal le plus éloigné. Ce pater est le chef de la domus, et il dispose d’une puissance sur tous ses descendants, et
même sur tous ceux qui vivent dans sa maison.
A l’époque la plus reculée, donc lors de l’Ancien droit romain, la puissance était absolue. A ce propos, cette
puissance quasiment despotique dont le chef de famille jouissait constitue le trait le plus frappant et le plus
connu de l’Ancien droit familial romain.
Les romains étaient conscients de l’originalité de leur droit sur ce point. Ca sera publié par un jurisconsulte de
Galius (qui a vécu au 2ème siècle Ap. JP). Il souligne qu’aucun peuple de l’antiquité n’a connu une institution
comparable à la patria potestas. Et pourtant, à l’époque où il écrit, cette puissance paternelle s’est
considérablement atténuée.
CHAPITRE 1 :
LE CARACTERE ABSOLU DE LA PATRIA POTESTAS ORIGINELLE
On est ici dans l’Ancien droit romain. La patria potestas constitue le fondement de toute l’organisation, non
seulement familiale, mais aussi politique.
Sur le plan politique, le système de la patria potestas s’est mis en place à une époque où Rome n’était encore
qu’une cité.
L’essentiel de l’organisation de cette cité reposait alors sur les chefs des différentes maisons. C’est ce qui peut
expliquer l’étendue des pouvoirs reconnus à ces chefs de la famille au sein d’une organisation politique, le sénat.
Le sénat romaine st l’assemblée des patres, donc des pères de famille.
Sur le plan familial, c’est de la patria potestas que découle le seul lien de parenté reconnu par le droit romain à
l’origine : la parenté agnatique (la parenté par les hommes).
Autrement dit, c’est sur la patri potestas que repose tout ce que l’on appelle traditionnellement le système de la
parenté « civile ». La parenté civile est la parenté régie par le droit civil (droit applicable au citoyen romain, c’est
le droit de la cité).
Si le citoyen romain se marie, c’est pour avoir des enfants, et pour perpétuer ainsi la domus.
A Rome, le mariage, ou les justes noces, est une union pour avoir des enfants légitimes. C’est ce qui fait la
différence entre le mariage et le concubina (appelé ainsi par les romains).
Le concubina est une union stable, socialement accepté. Mais c’est une union inférieure qui ne permet pas de
procréer des enfants légitimes.
Cette filiation, à Rome, peut aussi résulter de l’adoption. En effet, les romains ont beaucoup utilisé l’adoption,
notamment dans un but politique, pour se donner des successeurs.
Exemple : César avait adopté le fils de sa sœur, Octave.
Deux termes différents :
- On adopte quelqu’un qui est sui juris : quelqu’un qui a perdu son pater, et qui est pater à son tout. On
parle d’abrogation. La personne adoptée va perdre son sui juris.
- On adopte quelqu’un d’alienis juris : c’est une adoption.
Ces enfants nés du mariage sont placés sous la puissance de leur père, au sens moderne, lorsque celui-ci est sui
juris.
Si leur père est encore alieni juris, ils seront sous la puissance de leur pater.
La parenté présente donc deux particularités :
- Elle n’existe que par les hommes.
- Elle est fondée sur l’idée de puissance.
I.
La durée de la patria potestas
La patria potestas est une puissance perpétuelle, ou une puissance viagère dans la personne du pater. Elle dure
aussi longtemps que la vie du pater.
Tant que le pater est vivant, le fils reste soumis à sa puissance, ceci quelque soit son âge. Il reste alieni juris. Et ce,
quelque soit sa situation, peu importe qu’il exerce de très hautes fonctions, y compris politiques.
Tant qu’il a un pater familias, il reste sous la puissance.
Ainsi, la situation de dépendance liée à la patria potestas s’inscrit uniquement dans le cadre du droit privé. Elle
n’existe pas dans le domaine politique où le fils jouit de ses droits de citoyen dans leur intégralité. Ce fils participe
à la vie de la cité, et il peut très bien être élu magistrat.
A l’inverse, l’enfant postum, né après la mort de son père, d’un pater, ne sera jamais soumis à la patria potestas.
Il nait sui juris. Il a pleine capacité dès sa naissance.
Rome ignore l’idée d’une majorité émancipatrice.
Certes le droit romain a connu une certaine majorité à 25 ans (âge que l’on retrouvera dans l’Ancien droit), mais à
Rome, le seul effet de cette majorité est de rendre pleinement capable une personne qui est déjà sui juris.
En pratique, cette majorité fait cesser la tutelle, ou la curatelle applicable à un enfant qui a perdu son pater.
La tutelle s’applique à l’enfant impubère (âge fixé à 14 ans pour les garçons, et 12 ans pour les filles). Cet âge est
retrouvé en droit canonique.
La curatelle prend ensuite le relai de la tutelle. L’enfant devenu pubère est, certes, sui juris, mais pas pleinement
capable. Jusqu’à 25 ans est pourvu d’un curateur qui l’assiste dans la gestion de son patrimoine.
En aucun cas la majorité ne fait cesser la puissance du pater tant que celui-ci est encore vivant.
Il existe quand même deux causes d’extinction de la patria potestas du vivant du pater.
 Hypothèse où le père ou l’enfant perdent leur condition de citoyen. Dans ce cas, ils subissent une capitis

deminitio. Dans le droit plus moderne, on parlera de la mort civile.
Hypothèse de l’émancipation. L’émancipation consiste, dans
le fait, pour le père, d’exclure
volontairement l’enfant de sa puissance. C’est très négatif. C’est une punition permettant d’écarter du
groupe familial un membre jugé indigne. L’enfant émancipé devient sui juris mais il est isolé et devient
inapte à succéder (il n’a plus le droit de succession). Le droit romain prévoyait un rituel très complexe
pour cette émancipation pour que le père de famille se rende compte que c’était très grave.
Ces deux cas étaient exceptionnels. En dehors de ces hypothèses, la patria potestas ne s’éteint que par la mort
du pater.
On peut signaler que la patria potestas se prolonge par delà la mort du pater, dans la mesure où ce pater peut,
par son testament, révéler librement la dévolution de ses biens et exclure tel ou tel de ses enfants.
La patria potestas est conçue d’une manière très rigoureuse.
II. Les effets de la patria potestas
§1 Les effets sur la personne des enfants
La puissance paternelle a, à l’origine, des effets très étendus. Le pater qui est maître dans sa maison exerce une
autorité absolue sur ses enfants, et toutes les personnes qui y sont soumises.
Cette puissance paternelle n’est pas conçue comme une protection. Elle est conçue comme un pouvoir aux mains
du chef de la maison.
Cependant, mêle si les droits du pater sont très étendus, ils ne sont pas illimités.
Par ailleurs, le pater assume un certain nombre d’obligations, de devoirs, d’ordre religieux et civiques.
Le citoyen romain, qui s’est marié pour avoir des enfants, a le devoir, vis-à-vis de ses ancêtres, et de la cité, de
considérer comme sien l’enfant né de son épouse.
Il a aussi le devoir de nourrir cet enfant, et de l’élever, surtout s’il s’agit un fils.
Les romains pratiquent un culte des ancêtres qu’il ne faut pas laisser s’éteindre. Sur le plan civique, la cité a
besoin d’hommes.
En pratique, les romains estiment que l’enfant qui est né au moins 182 jours après la conclusion du mariage doit
être considéré comme ayant été procréé durant le mariage. C’est une idée de la médecine grecque. On estimait
que la durée de la grossesse peut varier entre 6 et 10 mois.
Il ne faut, cependant, pas considéré qu’il s’agissait d’une présomption de paternité légitime.
A Rome, l’enfant qui nait pendant le mariage bénéficie d’une présomption de légitimité, qui ne fait pas
obstacle au droit pour le mari de désavouer l’enfant né pendant le mariage.
La présomption de paternité vient du droit canonique du MA, et non de l’époque romaine.
Les effets de la puissance restent redoutables.
Quant à la naissance, le pater peut accepter ou refuser l’enfant. S’il accepte, il accomplit un geste symbolique : la
mère est assistée par une sage femme qui va déposer l’enfant par terre à la naissance. Le pater le relève et
ordonne qu’il soit nourrit pour manifester son acceptation.
S’il le refuse, il ne va pas le relever. Il le laisse par terre et ordonne de l’exposer, c'est-à-dire l’abandonner. Ca
implique la privation d’aliment et la mort de l’enfant si personne ne le recueille.
C’est le droit de vie ou de mort du père.
L’époque la plus ancienne, l’abandon des enfants en surnombre ou des enfants malformés est parfaitement licite.
La loi des 12 tables limitait peut être ce droit à l’abandon aux enfants difformes ou monstrueux : « Romulus
obligea à conserver tous les mâles et la première fille née, il interdit l’abandon sauf si l’enfant est difforme ou
monstrueux… ».
L’intégration du nouveau né dans la famille dépend de la toute puissance du pater.
On voit donc que la paternité repose sur un caractère volontaire à Rome. On retrouve l’individualisme du droit
romain.
De plus, à l’origine, le père peut vendre ses enfants. Mais il semble que cette possibilité ait disparu à l’époque
républicaine.
Ensuite, le père peut aussi donner ses enfants en adoption.
Le père peut aussi revendique ses enfants contre ceux qui les détiendraient injustement. Ca montre que l’enfant
est considéré, quasiment, comme une chose, comme l’objet du droit de propriété.
Le pater doit nécessairement consentir au mariage de ses enfants.
A Rome, le mariage était un acte essentiellement consensuel. Là encore, on a une conception originale, par
rapport à celle des autres peuples de l’antiquité.
Le mariage s’accomplit par un seul acte : l’échange des consentements, donc en un seul trait de temps. Dans les
autres peuples de l’antiquité, le mariage est un mariage par étape, et solennel (comme les peuples hébreux).
Ce qui compte, pour les romains, c’est le consentement.
Pourtant, le consentement des époux ne suffit pas toujours. Il est indispensable mais pas toujours suffisants. S’ils
sont alieni juris, il faut en plus et nécessairement le consentement de leur pater.
Ce consentement du pater est un pur consentement d’autorité. C’est une expression de la patria potestas. Ce
n’est pas un sentiment de protection à l’époque.
Le pater doit, normalement, répondre des délits commis par ses enfants.
On est dans un système qui repose sur la vengeance. On a aussi vu se développer le système de la composition
pécuniaire, le prix de la vengeance.
A Rome, c’est le père qui doit payer la composition quand son fils a commis un délit.
Mais, il n’est pas obligé de payer. S’il ne veut pas payer, il peut abandonner l’enfant à la victime ou à sa famille.
C’est le système de l’abandon Noxal (abandon consécutif à un délit).
Enfin, le pater dispose d’un droit de correction illimité.
Il a un pouvoir de juridiction domestique, il peut rendre la justice dans sa famille. Ce pouvoir de juridiction peut
aller jusqu’au droit de vie ou de mort.
On parle de « ius vitae nocisque ». ca illustre la force de la patria potestas d’origine.
Ceci dit, ce droit est beaucoup plus important dans son principe, que dans son exercice. En effet, en pratique il
s’est rarement appliqué. Son usage a été très vite réglementé.
Par exemple, on sait qu’à l’époque Républicaine le père ne peut pas exercer ce droit tout seul. Il doit faire
intervenir un conseil de famille. Il est obligé de prendre l’avis du Conseil des proches. Mais il n’est pas obligé de
suivre cet avis.
On a admis aussi qu’un magistrat de la cité, le censeur, pouvait dénoncer le père de famille qui abuserait de ce
droit sur ces enfants.
Ceci dit, ce droit de vie et de mort a tout de même été appliqué. Ce n’est pas une hypothèse d’école. C’est ainsi
qu’on a vu à Rome un père condamner à mort son fils coupable de vol. On sait que se droit existait encore à la fin
de l’époque Républicaine (donc au 1er siècle av. JC).
Exemple : Saluste qui cite l’exemple de Fumulus mis à mort par son père car il avait trempé dans la conjuration de
Catilina.
En 63 avant JC, Catilina a tenté de prendre le pouvoir. Dans une conjuration, il regroupe beaucoup d’aventurier. Il
essaie de se faire élire consule.
Catilina est vaincu et tué en 62. Le père de Fumulus va le condamner à mort pour avoir été dans cette
conjuration.
§2 Les effets sur ses biens
Dans l’ancienne Rome, le pater familias détient la maitrise totale sur les biens de la famille. Il est seul propriétaire.
Il est le seul a avoir la capacité juridique, et a avoir un patrimoine.
Cette unité de patrimoine gouverne le statut du fils.
Bien qu’étant une personne, le fils n’a pas de patrimoine propre, et il ne peut pas être propriétaire.
Tout ce que le fils acquiert (pas son travail, par une libéralité, une succession…) tombe automatiquement dans le
patrimoine de son pater qui en est seul propriétaire.
Ainsi, le fils de famille, même lorsqu’il est arrivé à un âge où il pourrait contracter valablement, ne peut pas, par
son activité, acquérir pour son propre compte. Le fils de famille est peut être, théoriquement capable, mais
l’efficacité de ses actes est étroitement limité.
En fait, il ne peut qu’enrichir son pater, et non l’appauvrir.
S’il passe un contrat, il faut distinguer selon que ce contrat fait naître une créance ou une dette.
S’il fait naître une créance, le pater en bénéficiera.
En revanche, s’il fait naître une dette, elle ne lie pas le père.
Et comme le fils n’a pas le patrimoine, cette dette restera donc paralysée jusqu’à la mort du pater.
Le fils de famille ne peut donc qu’être un instrument d’acquisition. Il peut rendre le père créancier, mais pas
débiteur.
Le fils de famille ne peut pas non plus agir en justice.
Le fils de famille est comme privé de personnalité juridique. Il est incapable de n’exercer aucun droit par luimême.
A l’origine, le pater détient donc une autorité sans partage dans sa domus. On est en présence d’une famille
patriarcale à l’état pure.
La famille patriarcale commence à décliner à la fin de la période républicaine et se poursuit pendant tout
l’Empire.
Pourtant, la patria potestas ne disparaîtra jamais complètement.
CHAPITRE 2 :
L’ASSOUPLISSEMENT DE LA PUISSANCE PATERNELLE A LA FIN DE LA REPUBLIQUE ET SOUS L’EMPIRE
Le mouvement s’amorce à la fin de la République, et s’accentue sous l’Empire.
Pourquoi ce déclin ?
La première raison est liée à la politique de conquête de Rome. Rome s’est agrandie dès la République. Ces
conquêtes ont eu des conséquences importantes. Les activités économiques se sont dispersées. Ce ne sont plus
de simples agriculteurs. Ils font de plus en plus de commerce. Or, le bon fonctionnement de la vie patriarcale
suppose une vie groupée. Il faut que tous les membres de la domus vivent ensemble et participent à la même
exploitation.
Dès lors, du fait des nouvelles données de la vie économique, l’antique puissance paternelle n’est plus adaptée.
La deuxième raison découle de la première. La richesse s’est accrue, les mœurs sont devenues moins austères.
De même, un esprit de liberté individuelle s’est développé dans la famille. La puissance paternelle est de plus en
plus mal perçue, et de moins en moins bien comprise. L’individu commence à vouloir s’émanciper de cette
puissance paternelle qui devient anachronique.
Ensuite, sous l’Empire, on a trois nouveaux facteurs :



D’ordre politique : l’Etat s’est renforcé. L’Etat est très jaloux de cette autorité paternelle. Il voit d’un
mauvais œil la toute puissance du pater familias car il la considère comme une puissance rivale. Ca peut
expliquer que, par sa législation, l’Etat s’efforce d’amoindrir la puissance paternelle.
Suite aux conquêtes, le droit romain subit l’influence des régions orientales de son empire. or, l’autorité
du père n’a jamais été aussi forte qu’à Rome.les romains se rendent compte qu’il y a d’autres systèmes
possibles. On découvre des modèles de puissance paternelle différents. Prenons l’exemple de l’Egypte.
Influence de l’église chrétienne qui s’exerce assez vite. Ca va devenir très fort au 4ème siècle Ap. JC, après
la conversion des empereurs romains.
En 380, le Christianisme deviendra religion d’Etat. L’Eglise a contribué à faire prévaloir la « pietas », c'està-dire l’affection respectueuse sur la potestas, c'est-à-dire la puissance. L’Eglise tend à modérer l’usage
que les pères de famille peuvent faire de leur puissance.
L’Eglise tend aussi à faire reconnaître l’autorité des deux parents. Un commandement : « tu honoreras ton
père ou ta mère ». L’Eglise considère que les parents n’ont pas seulement un droit mais un devoir
d’éducation. Ainsi, les parents doivent collaborer pour leurs enfants.
L’influence du christianisme va donc contribuer à faire progresser l’idée selon laquelle l’enfant a lui-même
des droits, même souvent au pouvoir paternel. L’idée c’est que ce pouvoir implique plus de devoirs que
de droits, et en particulier en devoir de direction et de protection de l’enfant. Cette analyse contribue à
donner une nouvelle importance au contrôle de la puissance paternelle. Ce contrôle a longtemps été
domestique. Mais désormais, on voit s’affirmer l’idée d’un contrôle par une autorité, l’Etat, qui ne
pourrait souffrir d’un mauvais usage de l’autorité paternelle.
L’influence de l’Eglise s’exprime aussi par l’intermédiaire des constitutions des empereurs chrétiens.
Cependant, la durée de la patria potestas ne change pas :
Il n’y a aucune évolution. La puissance paternelle reste viagère. Elle subsiste jusqu’à la mort du pater, sauf en cas
d’émancipation.
En ce qui concerne l’émancipation, elle a complètement changé par rapport à ce qu’elle était à l’origine. Elle
devient de plus en plus fréquente.
Par ailleurs, elle n’est plus considérée comme une peine, mais plutôt comme un avantage. C’est une faveur que le
père fait à l’enfant.
Dès l’époque classique, l’émancipation devient un cadeau car elle donne à l’enfant une pleine capacité, et elle lui
laisse la disposition de ses biens.
Le père pourra utiliser plus complètement les aptitudes de son fils face aux affaires.
Le fils pourra gérer des affaires de manière indépendante.
Normalement, l’émancipation ne dépend que de la seule volonté du père.
Toutefois, à partir de l’Empire, certaines dispositions atténuent le principe.
Exemple : tiré du digeste (deuxième élément de la compilation de Justinien) : ca montre que Trajan, Empereur
de 98 à 117 a décidé qu’un père qui abuserait de son autorité pourrait être contraint à émanciper son fils. C’est le
père qui est puni.
En dehors de cette hypothèse, la puissance paternelle reste et restera toujours perpétuelle en France. La durée
ne change pas. ;
La seule chose qui change sont les effets.
I.
Les effets sur la personne des enfants
La puissance paternelle subsiste. Mais l’évolution tend à réprimer les abus de cette puissance.
La patria potestas ne donne donc plus, comme auparavant, au père une maitrise de l’enfant, sur la chose.
Désormais, elle est considérée comme l’accomplissement d’un devoir. On estime désormais que le père remplit
une mission, une fonction. On parle désormais, parfois, d’office paternel.
Ca explique que toutes les prérogatives très étendues d’avant ne disparaissent pas mais se trouvent
singulièrement limitées.
En ce qui concerne la possibilité pour le père de rejeter l’enfant à la naissance, on a des abus qui se manifestent,
surtout à l’occasion des divorces.
Dans l’Ancienne Rome, le divorce était rare. Le mariage était quasiment indissoluble, sauf dans le cas où la femme
avait commis un crime.
A partir de l’époque classique, les mœurs se relâchent et on a une multiplication des divorces, par consentement
mutuel, ou pour répudiation unilatérale.
Ainsi, on a des abus du père. En effet, il peut arriver qu’au moment du divorce la femme soit enceinte. Le mari
refuse alors d’endosser la paternité de l’enfance.
Pour remédier à ces situations, on a un texte : le sénatus consulte Plancien qui date de la fin du 1er siècle. Il
oblige, sous certaines conditions, le mari à fournir des aliments à l’enfant. Mais on laisse entière la question de la
filiation.
Le mari pourra toujours désavouer l’enfant. D’ailleurs, au moment de la codification de l’édit perpétuel, Julien a
inséré une procédure particulière pour permettre au père de désavouer l’enfant après avoir donné les aliments.
En dehors de l’hypothèse du père en cours de divorce, le droit d’exposer l’enfant reste entièrement libre et
licite.
L’évolution se poursuit, et à la fin du 4ème siècle, sous l’influence du christianisme, certaines constitutions
impériales chercheront à réprimer ce droit.
Exemple : certains textes, repris dans le code Théodosien (premier code officiel dans l’histoire du droit romain),
suppriment le droit pour l’exposant de réclamer l’enfant.
Auparavant, le père pouvait réclamer le fils qu’il avait exposé. Ca démontrait bien que l’enfant était une chose.
Mais on retire le droit de réclamer l’enfant.
En 374, on a une constitution de Valentinien qui punit comme homicide le père qui provoque la mort d’un
nouveau né par l’exposition.
En ce qui concerne le droit de vendre l’enfant, ca subsiste. Le père conserve le droit.
Mais c’est de plus en plus contesté. Au 3ème siècle, après JC, en raison de la crise économique très grave qui sévit
dans l’Empire Romain, dans une constitution de 294, Dioclétien condamne ces ventes.
Mais dès 313, Constantin est obligé de modérer cette interdiction en cas d’extrême misère.
On voit que le législateur est très embarrassé dans ce texte. Il essaie au moins de conserver la liberté de l’enfant,
et d’organiser une faculté de rachat.
Le texte est tiré du code de Justinien : « si quelqu’un, à cause d’une pauvreté excessive, et d’une indigence
absolue, a vendu, pour se fournir de quoi vivre, son fils ou sa fille nouveau né, une telle vente est valable que dans
ce seul cas. Qu’il soit permis au vendeur, et à… ».
En ce qui concerne l’abandon noxal, il est aboli. Il s’agit d’une prérogative perdue pour le père.
Pour le droit de correction du père, il subsiste, mais il est de plus en plus limité et contrôlé.
Le pater ne peut plus mettre à mort son fils.
Sous l’empereur Hadrien, un père est déporté car il a exécuté son fils. Le fils s’était rendu coupable d’adultère
avec sa belle mère, la deuxième femme de son père.
Texte du Digeste : un texte de Martien qui raconte l’histoire de ce fils. « … parce qu’il avait tué plutôt comme un
voleur qu’en usant du droit de père car la puissance paternelle droit agir plutôt par amour que par fureur ».
La puissance paternelle n’est plus conçue comme une puissance aveugle, despotique. On estime que l’amour
paternel doit intervenir.
Constantin, lui, abolira, purement et simplement, le droit de vie du pater : « le pater qui tue son enfant est
coupable de parricide ». A Rome, le parricide est le fait de tuer un citoyen Romain. C’est un crime extrêmement
grave.
A l’époque des Sévères (de 193, à 235), on considère que le père de famille ne peut imposer aux enfants en
puissance que des corrections légères. S’il estime nécessaire de leur appliquer des peines plus graves, il doit en
référer aux magistrats.
Ca veut dire qu’on assiste à une intrusion de la Justice publique, de la justice de l’Etat dans la Domus. Il y a une
atteinte significative au droit du père.
D’autre part, on admet désormais qu’un fils puisse se plaindre des traitements imposés par son père. On admet
aussi qu’il puisse réclamer des aliments. Là encore, les empereurs interviennent pour consacrer les droits de
l’enfant.
Ils entérinent ce droit d’aliment dans une constitution du 2ème siècle. Ces constitutions établissent une obligation
réciproque à l’aliment.
On a une évolution qui reconnaît de plus en plus de droits du fils contre le père.
On aura une évolution assez comparable en ce qui concerne les effets sur les biens.
II. Les effets sur les biens
On voit que la puissance paternelle s’affaiblit. Le fils se voit reconnaître des droits.
Dans l’ancien droit, le fils de famille n’avait pas de patrimoine propre. Il ne pouvait pas être propriétaire. Il était
un simple instrument d’acquisition pour son père.
Ce système pouvait convenir à une économie fermée, agricole, mais dès l’époque républicaine, le système
devient inadapté en raison des conquêtes romaines. On assiste donc à une évolution qui se confirmera sous
l’Empire.
Ca vise à adapter la patria potestas aux nouvelles données économiques.
L’évolution est le fait du prêteur qui adapte le droit civil aux besoins de la société. Ensuite, la législation impériale
va intervenir.
Ca se traduit par :
- L’apparition d’actions adjecticiae qualitatis
- Le développement du système des pécules
- La reconnaissance, au profit du fils de famille, d’un véritable droit de propriété.
§1 Les actions adjecticiae qualitatis
Pour comprendre l’intervention du prêteur, qui crée ces actions, il faut se replacer dans l’époque.
Alors, les solutions applicables dans l’ancien droit romain sont incompatibles avec les impératifs du commerce car
elles portent atteinte à la liberté, et à la sécurité des contrats.
En effet, dans l’ancien droit, le fils de famille pouvait contracter. Mais, comme il n’avait pas de patrimoine
propre, l’exécution de son obligation était paralysée car le père de famille n’était pas obligé de payer la dette
contractée par son fils.
Dans ces conditions, plus personne ne voulait contracter avec le fils de famille. C’était très risqué. Ca a alors
bloqué le développement du commerce.
Le prêteur a donc voulu intervenir, dès le 1er siècle av. JC, pour adapter le droit aux nouvelles nécessités
économiques.
En reconnaissance de nouvelles actions dans la formule, ce sont les actions adjecticiae qualitatis. Il crée des
formules :
La nominatio est la nomination du juge. Ensuite, l’intentio est la partie de la formule dans laquelle le prêteur
résume l’objet du procès.
La condemnatio est la partie dans laquelle le prêteur donne le pouvoir au juge de condamner ou d’absoudre.
Dans les actions adjecticiae qualitatis, dans l’intentio, le prêteur inscrit le nom du fils en tant que débiteur.
Mais dans la condemnation, il inscrit le nom du père car c’est lui qui doit être condamné à payer.
Ca explique le nom des actions « adjecticiae qualitatis » : on ajoute la qualité du père à celle du fils. Celui qui a
contracté avec un fils de famille a donc deux débiteurs : le fils et le père. Ca conduit, indirectement, à
développement la qualité du fils de famille.
§2 Le système des pécules
Ca apparait à l’époque classique.
A. L’apparition des pécules à l’époque classique
Le pécule est une institution de fait, apparue spontanément dans la pratique, dès le 2ème siècle avant JC.
Dès cette époque, du fait de l’évolution économique, le pater est amené à utiliser la compétence des membres de
sa famille, et notamment de ses fils.
Il arrive donc que le pater place son fils à la tête d’une exploitation commerciale en lui confiant une masse de
biens à gérer. C’est cette masse de biens que l’on appelle « pécule ».
Ce pécule est appelé « profectis » (donné par le père).
Grâce à son travail, le fils va s’enrichir, et pourra être amené à souscrire un certain nombre d’engagement.
Mais, en droit, le petit patrimoine qu’il se constitue appartient au père. Celui-ci peut le reprendre quand il veut.
Le pater peut soustraire ce patrimoine aux poursuites des créanciers, en le reprenant.
Ici encore le prêteur va intervenir. On donne une action aux tiers leur permettant d’agir contre le pater. Ce
dernier sera tenu de payer les dettes contractées par son fils à concurrence du pécule ou, éventuellement, dans la
mesure de son enrichissement.
Le prêteur utilise une notion juridique qui est celle de l’enrichissement sans cause.
Ca aboutit donc à développer la capacité du fils de famille.
A la fin de la République, on admet, à Rome, que les fils de famille peuvent valablement contracter. Mais, par
principe, l’exécution de l’obligation ne peut avoir lieu contre eux qu’après qu’ils soient sortis de la patria potestas,
donc à la mort du père.
Les fils de famille vont profiter de la qualité qui leur est reconnue. Mais cette capacité présente certains risques
qui vont être à l’origine d’un texte très célèbre : le sénatus consulte Macédonien, promulgué sous
l’empire de Vestasien.
Triste affaire : Macédo, fils de famille, avait emprunté beaucoup d’argent. Macédo est acculé par ses créanciers,
et il ne peut pas les payer. Ainsi, il va tuer son père pour récupérer la succession et payer ses dettes.
Pour éviter de tels évènements puissent se produire, le senatus consulte Macédonien a été adopté. On évoque
l’interdiction d’emprunter. C’est une incapacité spéciale. L’interdiction ne joue pas quand le pater a autorisé
l’emprunt, ou quand cet emprunt a tourné à son avantage.
B. Le développement des pécules sous l’Empire
Dès le début de l’Empire, avec l’Empereur Auguste, la technique du pécule commence à être utilisée dans un sens
tout à fait nouveau.
A cette époque, l’armée est devenue une armée de métier. Elle constitue un des appuis les plus surs
Pour s’assurer la fidélité de ses soldats et sans doute aussi pour susciter des vocations légionnaires, l’empereur
leur attribue de nombreux avantages (le système de la carotte). Il crée pour eux un nouveau type de pécule qu’on
appelle les pécules castrence qui regroupent tous les biens acquis par le fils de famille militaire en sa qualité de
soldat. Plus précisément, il est composé de sa solde, des récompenses diverses obtenues ainsi que des biens qu’il
a acquis avec sa solde, et également les libéralités reçues des compagnons d’armes.
Le fils de famille militaire se voit reconnaitre sur ce pécule exactement les mêmes droits que s’il était sui juris.
C’est véritablement un patrimoine ici. Il est considéré comme propriétaire de ce pécule dont il peut disposer par
testament.
On voit donc que les biens acquis par le fils soldat échappent au père, ils ne lui profitent plus. Tout au plus, il aura
un droit sur la succession au cas où son fils n’aurait pas fait de testament.
 C’est une innovation très importante car c’est une première atteinte au principe de l’unicité du
patrimoine familial.
Grâce à ce pécule, le fils tout en restant sous la patria potestas acquiert une indépendance financière.
Puis au Bas Empire (qui commence en 284 avec arrivée au pouvoir de Dioclétien), cette technique sera
progressivement étendue aux biens acquis aux fils de famille dans les services publics, à la cour impériale et dans
les administrations. On utilise ce système au profit des fonctionnaires impériaux.
Ce sera même étendu aux biens acquis dans le service de l’Eglise.
On va l’appeler le pécule quasi castrence : il est organisé à la manière du pécule castrence. Il regroupe tous les
biens acquis par des fils de famille dans des fonctions administratives.
Il apparaît au début du 4°s, à l’époque de Constantin.
La capacité patrimoniale des fils de famille ne cesse de se développer. Lentement, on s’achemine vers la
reconnaissance au profit du chef de famille d’une aptitude à être propriétaire et cette aptitude va lui être
reconnue à travers le système des biens adventices.
§3 Le système des biens adventices
Le Sénatus-consulte ORFITIEN (178, après JC).
A l’origine de ces biens adventices, on tombe sur la question des biens de la mère.
Dans l’ancien droit romain, l’enfant ne pouvait par recueillir les biens maternels en héritage. On ne prenait en
considération que l’affiliation paternelle.
A l’époque classique, cette solution est devenue anachronique.
Le législateur va donc intervenir pour proposer de nouvelles solutions.
C’est le Sénatus-consulte ORFITIEN. Il reconnait aux enfants le droit d’hériter de leur mère. Dès lors, le
problème c’est que si l’enfant qui hérite ainsi de sa mère est encore en puissance. Ces biens tombent dans le
patrimoine paternel et le père en est seul maître : il peut en disposer, il peut les dilapider s’il le souhaite.
Ainsi, une constitution impériale, en 319, vient limiter les prérogatives du père de famille sur ces biens dont les
enfants ont hérité de leur mère. La constitution retire au pater le droit de disposer de ces biens.
Ca consacre une nouvelle atteinte significative aux pouvoirs paternels. Le père perd la propriété de ces biens
provenant de la mère. Il ne peut seulement les administrer et jouir de ces biens durant toute sa vie.
Par la suite, ce régime va être étendu à un nombre croissant de biens :
Exemple : les biens provenant de succession ou de donation du côté de la mère (pas seulement de la mère) ; les
biens reçus du conjoint…
Ces biens sont des biens adventices : ce sont des biens acquis d’un autre que le père. Le père de famille n’a qu’un
usufruit sur ces biens dont la propriété lui échappe. L’institution de ces biens a inspiré l’institution moderne
d’administration légale des biens.
Dernière mesure, œuvre de Justinien : va renverser complètement les règles anciennes : tous les biens acquis par
l’enfant d’un autre que son père, deviennent sa propriété, à titre de bien adventice. La seule exception devient les
biens acquis du père.
En conclusion, l’Empire se caractérise par une très nette diminution des pouvoirs du père, par la reconnaissance
progressive d’une véritable autonomie du fils de famille, et d’un nombre croissant de droit à son profit.
Il faut noter que sous l’Empire a perdu le droit d’exhéréder délibérément son enfant (exclure l’enfant de sa
succession).
Il faut remarque que toutes ces réformes n’ont pas modifié la structure traditionnelle de la patri potestas
romaine. Certes, en pratique, les droits du père ont été réduits, mais les principes n’ont pas changé pour autant.
Sous Justinien, comme dans le droit le plus ancien, on a une puissance paternelle toujours refusée aux femmes,
qui continue à appartenir à l’ascendant mâle, vivant, le plus éloigné de la famille.
Ensuite, on a également une puissance qui continue à s’exercer sur tous les descendant quelque soit leur âge et
leur condition sociale.
La patri potestas reste viagère dans la personne du pater.
TITRE 2 : L’ANCIEN DROIT FRANÇAIS
ENTRE AUTORITE PARENTALE ET PUISSANCE PATERNELLE
Depuis le 3ème siècle après JC, l’Empire romain est en crise. Des vagues d’envahisseurs barbares (au sens romain),
d’origine germanique, commencent à déferler sur le territoire romain.
Le règne de l’Empire Dioclétien qui règle à la charnière du 3ème et 4ème siècle marque un redressement provisoire,
mais la situation se dégrade à nouveau à la fin du 4ème siècle.
En 395, à la mort de l’Empereur Théodose, on pense trouver une solution dans le partage de l’Empire, entre les
deux fils de Théodose : le fils ainé, Arcadius, reçoit l’est, avec Constantinople en capital, et le plus jeune reçoit
l’occident, avec Rome pour capital.
Mais le partage n’est pas avantageux sur le plan économique : l’essentiel des richesses de l’Empire, notamment
les mines de Macédoine, est concentré dans la partie orientale de l’Empire. L’occident se trouve pratiquement
réduit aux produits des impôts, et il n’a bientôt plus les moyens matériels pour payer les légions.
Ainsi, au 5ème siècle, on a une grande vague d’invasion qui sera fatale à l’empire d’occident.
Ca va se faire progressivement. Dans un premier temps, l’empereur d’occident va tenter de négocier, grâce au
système des hospitalitas (on leur offre l’installation sur le territoire, mais doivent apporter un soutien militaire).
Mais le pouvoir impérial continue à s’affaiblir et les accords passés sont de plus en plus fragiles.
En 476, l’un des chefs barbares s’empare de Rome. L’Empereur est donc destitué. On se partage les dépouilles de
l’Empire d’occident. On voit apparaître plusieurs Empires Barbares (Visigoths, Francs…).
C’est à peu près à cette date que commence l’histoire de la France. Clovis, élu Roi des francs en 481, est souvent
considéré comme fondateur.
On a aussi la mise en place de l’Ancien droit français, qui s’appliquera jusqu’à la Révolution de 1789. Au cours de
cette longue période, le droit a beaucoup évolué.
CHAPITRE 1 :
LE MOYEN AGE
On a une conception originale de la puissance paternelle au cours du Moyen âge.
On a l’apparition des royaumes barbares à l’origine du Moyen âge.
Les peuples d’origine germanique qui se sont installés sur le territoire de l’Empire romain d’occident ont apporté,
avec eux, leurs traditions.
De ces traditions découlent une certaine conception de la famille et de la puissance paternelle.
Ces peuples germaniques se sont établis sur le territoire des romains. Mais leur installation ne va pas faire
disparaître le droit romain. Au contraire, les chefs barbares favorisent la survie de ce droit, à travers le système
de la personnalité des droits. Dans ces royaumes, chaque individu est soumis à sa loi personne, à la loi de sa
naissance.
Mais, en pratique, tous les individus sont amenés à se mélanger. On va assister à une fusion progressive des
populations. L’église, dont l’influence était déjà renforcée, voit son importance encore s’accroître. Elle va aussi
favoriser cette fusion.
Les solutions qui finissent par s’imposer au MA apparaissent donc comme la résultante d’une triple influence :
- Influence germanique
- Influence romaine
- Influence chrétienne.
I.
La tradition germanique
Les renseignements relatifs aux mœurs des différents peuples germaniques avant leur installation sur le territoire
romain sont très rares.
Il y a une indigence des sources.
La principale source est un ouvrage d’un romain : la Germanie de Tacite. Il avait observé les mœurs des
germains. Le problème c’est qu’il va mettre l’accent sur ce qui le choque, ce qui le touche, par exemple il n’y a pas
de testament.
En réalité, Tacite ne donne que de très brèves indications. On est souvent réduits à des suppositions.
Pour la période postérieure à l’installation des barbares sur le territoire romain, on a des sources
supplémentaires. On dispose des différentes « lois » barbares, rédigées à partir du 5ème siècle. Ce sont alors des
coutumes rédigées.
Puis, au 7ème siècle, on dispose aussi de recueil de formules.
Exemple : le recueil de formule de Marculf.
Mais les dispositions de ces différents textes sont parfois contradictoires. Mais, malgré tout, ces sources révèlent
incontestablement l’existence d’une véritable puissance paternelle. Mais cette puissance est tout à fait différente
de la patria potestas romaine.
§1 Le fondement de la puissance paternelle
Chez les francs, mais chez les germains en général, la filiation repose sur les liens sur sang.
La parenté est reconnue aussi bien en ligne paternelle, qu’en ligne maternelle.
Il semble que l’importance attribuée aux liens du sang chez les germains peut conduire à accorder une certaine
prééminence à la filiation maternelle.
L’importance reconnue aux liens du sang et la pratique qui est assez étendue d’entretenir simultanément
plusieurs épouses et/ou plusieurs concubines, est un signe de richesse.
Finalement, ils ne faisaient pas de différence entre enfant né de l’épouse est celui de la concubine. Donc, l’enfant
de la concubine est appelé à partager l’héritage paternel avec tous les autres fils légitimes.
Ils sont tous soumis aux patria potestas.
Chez les francs, le père dispose, sur son enfant, d’un pouvoir : le mundium. Ce pouvoir a du correspondre à une
puissance pratiquement absolue. Mais, rapidement, il s’est adouci, et s’est transformé en une autorité
essentiellement conçu dans l’intérêt de l’enfant.
A l’époque franque, le mundium paternel recouvre non seulement l’idée de puissance, mais aussi et surtout l’idée
de protection. Le père a une autorité mais il doit aussi les protéger.
Ainsi, on peut alors noter toute une série de différences capitales entre la patria potestas romaine et le mundium
germain.
- Chez les germains, le père de famille n’est pas le maître de ses enfants. Il en est gardien. Il doit le
défendre.
- Le mundium germanique n’est pas perpétuel. Sa raison d’être est sa protection. Il cesse le jour où l’enfant
n’a plus besoin de la protection. On a un témoignage littéraire du Roi barbare Théodoric : « les aigles
cessent de donner la nourriture aux petits quand leurs plumes et leurs ongles sont formées ». on avait une
majorité émancipatrice.
En pratique, il faut quand même faire une différence entre les filles et les garçons. Pour les filles, le mundium
paternel prend fin par le mariage. Mais elle passe sur le mundium de son mari.
En ce qui concerne les fils, le mundium paternel cesse, par principe, quand ils n’ont plus besoin de protection.
Tout dépend de leur force physique.
En pratique, on sait que dès qu’un garçon est jugé capable de combattre, il reçoit l’arme nationale des germains
que l’on appelle la Framée.
C’est décrit par Tacite : cette remise des armes n’a de sens que si le jeune homme échappe à l’autorité paternelle.
Cette remise des armes emporte vraisemblablement une sorte d’émancipation.
Après avoir décrit la remise solennelle, Tacite évoque l’institution germanique du Comitatus (c’est une clientèle
guerrière groupée derrière un chef). Celui qui vient de recevoir les armes peut entrer dans le comitatus. Il
échappe alors au mundium de son père.
Chez les germains, il existe donc une sorte de majorité émancipatrice. Mais elle n’est pas nettement fixée car elle
résulte d’une séparation qui peut se produire selon les individus.
Lors de la rédaction des lois barbares, 6ème, 7ème siècle, on a ressenti le besoin de fixer un âge. Mais toutes les lois
ne fixent pas le même âge. Elles fixent toutes une majorité précoce par rapport à celle d’aujourd’hui.
Chez les francs saliens, l’âge est 12 ans d’après la loi salique. D’après la loi des francs ripuaires, l’âge est 13 ans,
comme chez les Visigoths. Ca ne joue que pour les garçons.
A l’époque carolingienne, 8ème / 9ème siècle, on a plusieurs capitulaires, qui ont été promulgués par Charlemagne
lui-même. Ces capitulaires imposent le serment de fidélité au Roi et à l’Empereur, à partir de l’âge de 12 ans. Ca
confirme la majorité fixée à cet âge là.
§2 Les attributs de la puissance maternelle à cette époque
A. Les obligations du père
Il appartient au père d’entretenir et d’éduquer son enfant.
Chez les germains, l’enfant reçoit une éducation assez rude. « L’enfant vit pêle-mêle avec les animaux et les
esclaves mais il n’est pas mieux traité qu’eux ».
A l’époque franque, ce devoir d’éducation se précise. On a une influence de l’Eglise.
Texte de droit canonique, disposition d’un concile : le père droit instruire religieusement ses enfants. Cette
décision sera reprise par les capitulaires carolingiens.
B. Les droits du père
Les documents sont encore assez rares.
Mais on va reprendre les trois prérogatives du père à Rome :
1. L’exposition des enfants nouveaux nés
Chez les germains, le lien du sang est fondamental.
Ceci dit, l’importance du lien du sang n’exclut pas la pratique de l’exposition à la naissance. Mais celle-ci semble
moins fréquente qu’à Rome.
En la matière, la décision semble appartenir au père.
Mais, la mère n’est pas nécessairement exclue. La loi des frisons nous donne un indice : elle donne à la mère le
même droit d’exposer l’enfant. Elle refuse de le nourrir.
Il est très difficile, pour les francs, de déterminer si le père avait le DROIT d’exposer son enfant.
Quand on regarde la loi salique, on peut se faire une réflexion : les dispositions de cette loi semblent indiquer que
pour les francs, peuple guerrier, constitue une véritable richesse. On s’aperçoit que cette richesse est protégée
par le Wergeld (le prix de l’homme) élevé.
Cette loi prévoit, en effet, que si on tue un enfant mâle de moins de 12 ans (encore sous le mundium de son père,
le wergeld est de 600 sous or, alors que pour la fille, la composition n’est que de 200 sous, de même pour
l’adulte.
Lorsque la fille devient féconde, on revient à 600 sous or.
Pourtant, des actes de la pratique de l’époque mérovingienne prouvent que ces abandons étaient fréquents.
Ces formules montrent aussi qu’on avait mis en place une procédure pour l’enfant abandonné.
Seulement, ces textes ne disent pas que l’enfant a été abandonné par son père.
Et, ces textes ne permettent pas de conclure que, selon le droit franc, le père avait le droit d’abandonner ses
enfants nouveaux nés. Ces textes prévoient une pratique seulement.
A l’inverse, certaines lois barbares semblent dénier au père le droit d’abandon.
Ainsi, la loi des Visigoths condamne l’attitude des parents qui, ayant exposé leur enfant, de le rachète pas à celui
qui l’a nourri.
Par ailleurs, l’église va vite intervenir pour lutter contre l’abandon qui est interdit pas différents conciles.
2. La vente des enfants
On sait que cette vente était pratiquée dans le royaume franc, de 2 manières :
- De manière indirecte : lorsque le père, lui-même, se donnait en servage. Dans ce cas, il pouvait entrainer,
avec lui, sa femme et ses enfants, qui devenaient serfs avec lui. Il fallait que ce soit indiqué dans l’acte. En
effet, parfois, l père prenait cette décision pour un motif religieux. Il arrivait ainsi, souvent, qu’un père se
donne à l’église. C’est une façon de prouvait son sentiment religieux.
Le motif le plus courant était la nécessité tout de même. Ainsi, celui qui ne pouvait pas payer sa dette, ou
qui avait commis un délit, et qui ne pouvait pas payer le Wergeld, pouvait se donner à son créancier, ou à
sa victime. On disait, alors, qu’il composait de son corps.
De plus, à l’époque, un certain nombre de paysan se rendaient serf pour échapper au service militaire.
Charlemagne promulguera alors des capitulaires pour interdire ce genre de pratiques.
- De manière directe : le père, poussé par la misère ou par la famine, se trouve contraint à vendre ses
enfants. C’était toléré. Ce n’est pas expressément autorisé, mais c’est toléré. Un texte de 864 reconnaît
implicitement ce droit en prévoyant la possibilité de racheter l’enfant, moyennant le remboursement du
prix de vente, augmenté d’1/5.
3. Le droit de correction
C’est la contrepartie du devoir d’éducation qui pèse sur le père.
Le père peut châtier ses enfants s’ils se montrent indociles, s’ils refusent d’obéir.
Loi des wisigoth : permet au père de fouetter ses enfants.
Le père partage ce droit avec la mère et les grands parents.
On pense qu’on devait appliquer les mêmes solutions chez les francs.
Mais les mœurs refusent au père le droit de vie ou de mort.
On peut aussi signaler que le père a le droit de consentir au mariage de ses filles. Ca se déduit des formalités des
mariages de l’époque. Les francs, en effet, ont un mariage par étapes. A chacune des étapes, le père doit
nécessairement intervenir.
En ce qui concerne les garçons, le problème ne se pose pas puisqu’ils sont majeurs à 12 ans.
II. Les solutions médiévales
L’étude de la puissance paternelle est difficile pour deux raisons :
- Cette question relève tout autant, sinon plus, des mœurs que du droit.
- Les règles qui se dégagent à l’époque ont une origine complexe. A la base, deux traditions se sont
mêlées : le droit romain, et la tradition germanique. Ces deux traditions ont, elle-même, étaient
complétées ou corrigées par l’enseignement chrétien.
L’église a contribué à modifier la conception même de la puissance paternelle.
Dès l’origine, le christianisme se fait le défenseur des faibles, en particulier des enfants.
On a aussi un développement d’idées morales dont on déduit que le père, à côté des droits qu’il a sur ses enfants,
a aussi des devoirs à leur égard.
Le christianisme affirme que les rapports familiaux doivent reposer sur l’affectio et sur la charité, principale vertu
du chrétien.
Dans les écrits de Saint Paul (apôtre des non juifs), on voit que le père est associé à l’œuvre créatrice de Dieu. Il a
une mission à remplir : sauvegarder et diriger le développement de la personne humaine qu’il a fait naître.
L’église ne fait pas de différence entre les garçons et les filles. Tous ensembles, ils ont le droit à une aide
matérielle et morale pendant la jeunesse. Ainsi, ceux-ci doivent le respect à leurs parents.
Ensuite, l’église a aussi contribué à souligner le rôle de la mère dans l’éducation des enfants. L’église proclame, en
principe, l’égalité de l’homme et de la femme dans le mariage. Mais, elle ne fait tout en reconnaissant une
certaine suprématie au mari. Le mari reste le chef de la femme.
En ce qui concerne l’éducation des enfants, la doctrine chrétienne affirme l’égalité des époux et insiste sur le rôle
de la mère, plus important, à ses yeux, que celui du père. En effet, la première éducation, l’éducation maternelle,
est la plus importante pour l’église. Elle indique que c’est celle qui laisse l’empreinte la plus importante sur le
cœur de l’homme.
Au MA, on sait que certaines mères s’attachent, avec un soin tout particulier, à remplir ce devoir d’éducation de
leurs enfants : le manuel de DHUODA (« manuel pour mon fils ») qui décrit l’éducation qu’elle a donné à son
enfant. Il a été rédigé au milieu du 9ème siècle. DHUODA appartenait à l’aristocratie. Elle était très cultivée. Elle a
eu deux fils.
Le traité montre à quel point le rôle de la mère est important.
L’influence chrétienne peut donc contribuer à expliquer la physionomie, particulière, que relevait la « puissance
paternelle » pendant la période concernée.
Le fossé entre les pays de coutumes et les pays de droit écrit va se creuser véritablement au 16 ème siècle car on
aura une seconde renaissance du droit romain. Puis, on aura une rédaction officielle des coutumes sur ordre du
Roi.
§1 La puissance paternelle, au MA, en pays de coutume
En pays coutumier, le mundium germanique se perpétue sous la forme de la Mainbournie. C’est le prolongement
du mundium. Le terme est trouvé, pour la première fois, dans les écrits de Marculf.
C’est retrouvé dans les premiers coutumiers du 13ème siècle. Ce sont des coutumiers privés.
Exemple : le coutumier de Philippe de Beaumanoir.
La mainbournie apparaît comme une institution très complexe. C’est un mélange de traditions venues de
l’époque franque, et d’une forte influence romaine. Le tout a été revu et corrigé par l’influence chrétienne.
A. L’exercice de la Mainbournie
La mainbournie ne s’applique qu’aux enfants légitimes (influence de l’église).
L’influence de l’église, décisive, a contribué à faire triompher le modèle de la famille légitime, fondée sur le
mariage, supposant la fidélité entre les époux.
Le mariage est devenu le seul cadre licite des relations sexuelles au MA. Le mariage légitime cet acte sexuel,
d’après l’église.
Jusqu’à la fin de l’Ancien régime, la puissance paternelle n’est envisagée que pour les enfants légitimes.
Loisel : « quelques coutumes disent qu’un batard, depuis qu’il est né, est entendu hors de pain ». Le terme pain
évoque la vie commune. Il est donc exclut de la vie de la famille.
La grande nouveauté introduite par le droit coutumier médiéval, dans le système de la puissance paternelle, est
son attribution conjointe au père et à la mère.
Cette règle est très clairement formulée chez Beaumanoir : « les enfants sont en mainbournie du père et de la
mère ».
Donc elle s’exerçait à la fois par les deux parents.
Dans la région des Flandres, les coutumes affirment que l’enfant est en pain de père et mère.
On se trouve donc en présence d’une véritable autorité parentale au MA.
Cette innovation peut s’expliquer de différentes façons :
- Elle est liée à l’esprit chrétien : côté égalitaire des parents.
- L’innovation peut être envisagée comme un effet de la tendance à l’association des époux. Cette
tendance est caractéristique des anciens droits coutumiers.
Mais, en pratique, l’autorité de la mère s’efface habituellement derrière celle du père.
Il peut arriver que les parents agissent ensemble, mais il est plus courant que la mère n’intervienne que lorsque le
père est malade ou absent. Il en va de même lorsque le père est prédécédé. Dans le droit coutumier médiéval,
l’autorité passe automatiquement à la mère survivante. La mère devient la tutrice.
B. Les effets de la mainbournie
1. Les effets sur la personne
 Les droits des parents
La mainbournie implique un certain nombre de droits sur la personne des parents, mais elle entraine surtout un
grand nombre d’obligations.
En ce qui concerne les enfants, il y a le droit de vendre l’enfant qui disparaît.
Beaumanoir signale encore, parmi les causes de servage, la donation pour cause pi. Mais il précise aussi qu’il
s’agit là « de causes d’un autre âge », c'est-à-dire des causes qui sont en voie de disparition.
Mais on trouvera encore des traces de vente d’enfants jusqu’au 15ème siècle.
Si les parents ne vendent plus leurs enfants, ils décident encore très souvent de leur sort. Ils disposent de la
personne de l’enfant, sans se soucier de leurs avis, en les mariant ou en les faisant entrer en religion.
L’enfant peut donner son consentement aux fiançailles dès l’âge de 7 ans. Mais il devra renouveler le
consentement au moment de la puberté (12 ans pour les filles, et 14 ans pour les garçons).
Cet âge de la puberté est aussi l’âge à partir duquel ils peuvent véritablement se marier.
En ce qui concerne le mariage, il ne faut pas perdre de vu qu’il relève de l’église à cette époque. L’église a profité
de l’affaiblissement du pouvoir civil, à l’époque féodale.
Ainsi, la compétence de l’église sur le mariage va très vite poser un problème car la position du droit canonique
est en contradiction avec les pratiques laïques, avec les mœurs. En effet, à l’époque, la plupart des mariages sont
des mariages arrangés par les familles.
Or, d’après le droit canonique classique, le seul consentement des époux suffit à former le mariage.
Pour l’église, le consentement des parents est souhaitable, mais pas indispensable.
Ainsi, s’il n’a pas été obtenu, le mariage est valable pour l’église.
L’église considère le mariage comme un sacrément et elle estime que la volonté des époux doit être libre pour
qu’il y ait des effets.
Mais la question du mariage des enfants de famille soulèvera de très nombreuses difficultés, des conflits avec le
pouvoir royal qui adopte la même position que la société laïque.
La deuxième prérogative pour les parents est le droit d’exposer l’enfant : il est condamné au MA. Le droit
canonique y est hostile.
On trouve, dans les décrétales de Grégoire 9 des dispositions qui déclarent déchu de la puissance paternelle le
père qui a exposé ou fait exposer son enfant.
Ici, la pratique laïque va dans le même sens. Les auteurs sont unanimes à condamner l’exposition des enfants. Les
tribunaux punissent les parents qui y recourent, sauf en cas de calamité publique.
Toutefois, on tolère le dépôt de nouveaux nés dans des établissements religieux ou hospitaliers.
Quant au droit de correction, les parents en disposent encore. Ca reste étendu à l’époque féodale, mais ca tend
quand même à s’adoucir.
En effet, le droit de vie ou de mort du père a complètement disparu. Le père bénéficie d’une autorité disciplinaire,
c'est-à-dire d’un droit de correction simple.
Ce droit de correction simple est réglé par l’usage. La plupart des coutumes n’en parlent pas.
Mais certaines coutumes reconnaissent expressément ce droit de correction. Ce qui est intéressant c’est que si
elles reconnaissent ce droit c’est pour en fixer les limites.
Exemple : la très ancienne coutume de Normandie, datant du milieu du 13ème siècle : « la justice n’a pas à
s’occuper des coups administrés par un père de famille à ses enfants pourvu qu’il n’y ait pas de blessure trop
grave ».
Dans le même sens, on a la coutume d’Amiens qui date du 13ème siècle encore : « le père ou la mère qui battent
leur enfant n’en répondent pas en justice s’il n’y a blessure grave ou mort ».
On retrouve la même règle au 15ème siècle, à Liège.
D’après le droit coutumier, le père, voire les deux parents, peut battre son enfant à condition que la mort ou des
blessures graves ne s’en suivent pas.
La correction doit donc rester modérée. Et la justice peut intervenir en cas de mauvais traitement, qui constitue
un abus du droit de correction.
La punition de l’enfant peut passer par une correction manuelle, mais elle peut aussi consister en l’enfermement
de l’enfant : on enferme l’enfant en charte privé (c'est-à-dire à l’intérieur du domicile).
Dès le 13ème siècle, il peut même le faire enfermer dans une prison publique.
A Nivelle, en 1396, une des portes de la ville est convertie en prison, notamment pour permettre aux bourgeois
de la ville d’y faire enfermer leurs enfants de mauvaise gouvernance (les enfants qui se conduisent mal).
Les autorités royales, ou urbaines, acceptent, en général, les yeux fermés, la peine exigée par le père.
Au moyen âge, la correction est donc généralement admise, et pratiquée. Certaines coutumes font même passer
la correction d’un droit à une obligation pour le père. ca fait parti d’un devoir d’éducation. On passe du droit au
devoir. S’il ne le fait pas, s’il ne châtie pas, il commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Exemple : coutume de Bretagne du 13ème siècle : « si l’enfant fait forfait (commet un délit ou se conduit mal), tant
comme il sera sous le pouvoir du père, le père doit faire l’amende de l’action civile car il doit châtier ses enfant ».
L’enfant doit donc payer l’amende pour son fils car il n’a pas châtié l’enfant.
Dans le même sens, le discours des hommes d’église qui stigmatisent la faiblesse des pères est très instructive :
les prédicateurs véhiculent le message selon lequel le père doit corriger son fils.
En ce sens, on a un versé de l’ecclésiaste : « qui aime son fils se hâte de le châtier ».
On a un exemple qui revient souvent chez les prédicateurs : l’exemple de l’enfant gâté qui devient criminel. Un
petit enfant avait pris l’habitude de voler. Son père s’en amusait beaucoup. L’enfant qui a grandit, a été pris et
condamné à mort. Il a demandé la faveur d’embrasser son père une dernière fois. Mais il lui a arraché le nez
violemment car il lui en voulait de ne pas l’avoir corrigé dans son enfance.
L’idée, le message, est le suivant : la correction est nécessaire. Elle constitue un véritable devoir pour le père,
pour les parents, responsable de l’éducation des enfants.
 Les obligations des parents
L’existence de ces obligations à la charge des parents s’explique par les droits qui sont désormais reconnus à
l’enfant. L’enfant, en effet, s’est vu attribué de plus en plus de droits.
L’enfant a le droit à la vie et à l’intégrité physique. Il a aussi le droit à l’entretient et à l’éducation.
Les parents sont tenus d’entretenir leu enfant.
Nombreuses dispositions indiquent que les parents doivent sustenter les enfants de vivre. Ils doivent les nourrir.
Ils doivent aussi leur procurer les vêtements, les logements, et les soins médicaux.
En vertu de leur obligation d’éducation, les parents sont contraints à élever les enfants et à leur donner une
instruction convenable. Ils doivent aussi choisir un métier à l’enfant ou leur donner un état.
Par ailleurs, les parents assument une responsabilité pour les actes commis par leurs enfants.
Mais il s’agit d’une responsabilité civile.
Le père est responsable des délits commis par ses enfants. Il devra indemniser la victime.
En effet, dès le 13ème siècle, la responsabilité pénale a disparu dans ce cas.
Sous l’influence des juristes de l’église et des théologiens, on a affirmé, au 13ème siècle, le caractère personnel de
la responsabilité pénale.
Beaumanoir
a écrit ici : « quand le père et la mère ont leur enfant avec eux en leur garde et en leur
mainbournie, et que cet enfant commet un méfait (passible d’une amende, il convient que le père paie l’amende
car les enfants qui sont en la mainbournie du père et de la mère n’ont rien, soit qu’ils aient âge ou non âge ».
En réalité, si les parents doivent payer l’amende à la place du fils, ce n’est pas parce qu’ils sont pénalement
responsable, mais plutôt parce qu’ils n’ont rien. Le fils n’a pas de patrimoine donc il ne peut pas payer lui-même.
Tant que le fils vit avec les parents, tout ce qu’il acquiert tombe dans le patrimoine familial. Donc il est normal
que le père paie pour lui.
Beaumanoir continue alors : « et s’il advient que les enfants fassent aucun cas de crime duquel on doit perdre la
vie, si on es tient on les justicie, et n’en peut-on rien demander au père ni à la mère ».
Ainsi, la responsabilité pénale est personnelle. On ne pourra rien demander au père ou à la mère dans ce cas.
Boutilier, juriste Artelien : il écarte la responsabilité du père pour les méfaits de son fils : « jaçoit le fils soit
encore en mainbournie du père, le père n’est pas tenu car pour autrui délit d’y est nul tenu ».
On a un droit à l’obéissance de l’enfant qui apparaît comme une contrepartie à toutes les obligations des parents.
2. Les effets sur les biens
L’enfant est englobé dans la communauté familiale. Il n’a donc pas de patrimoine.
On a un patrimoine unique entre les mains du chef de la maison.
Tout ce que les enfants soumis à la mainbournie acquièrent tombe dans la communauté des parents. Il ne peut
donc rien posséder en propre ici.
Beaumanoir : « les conquêts des enfants sont en puissance de père ». C’est tout ce que l’enfant peut acquérir par
son travail, par donation ou succession.
Quand les enfants quittent la communauté familiale, ils ont droit à une partie de celle-ci.
Exemple : la fille, lorsqu’elle se marie, a droit à une dote.
Par principe, le père est donc le maître des biens acquis par les enfants. Toutefois, les droits du père sont
susceptibles d’être affectés par la mort de son épouse.
Ca peut s’expliquer de deux manières :
- Le système de la mainbournie. En pays de coutume, la mère est associée à la puissance paternelle.
- Lorsque la mère meurt, l’enfant reçoit la succession de sa mère.
Certaines coutumes prévoient que, dans ce cas, les pouvoirs du père sont transformés en ceux d’un gardien ou
d’un tuteur.
Certaines coutumes en arrivent même à restreindre les droits du père sur ses propres biens.
C’est le cas notamment pour certaines coutumes du Nord de la France, situés dans les pays de dévolution : en cas
de décès de l’un des époux, tous les biens du ménage restent entre les mains du survivant. Mais, ils sont dévolus
aux enfants nés du mariage. Le survivant ne peut plus disposer de ses biens propres sans autorisation des enfants.
En ca de remariage, les enfants du second lit ne pourront rien prétendre sur ces biens. C’est ce qu’on appelle le
droit de dévolution. C’est un droit qui sera revendiqué par Louis 14, au 16ème siècle, pour justifier les
prétentions politiques sur une partie des Pays Bas.
Il faut signaler aussi que le principe énoncé en vertu duquel les enfants en mainbournie ne peuvent disposer
d’aucun bien propre connait des exceptions :
Exemple : textes parisiens de la fin du 14ème siècle qui admettent que les libéralités causées faites directement aux
enfants échappent aux parents. Les exemples types sont des donations faites aux enfants pour faire des études.
Dans ce cas de la libéralité causée pour faire des études s’explique par le fait que l’enfant quitte la communauté
familiale.
C. La durée de la mainbournie
Point commun avec le mundium germanique, et à la différence de la puissance paternelle romaine, la
mainbournie coutumière n’est pas perpétuelle.
Par principe, elle dure aussi longtemps que dure la vie commune.
Lorsque la vie commune cesse, l’autorité parentale s’efface. Il y a une émancipation tacite.
 L’émancipation tacite par cessation de la vie commune
Il y a une émancipation tacite dans deux cas :
- Quand l’enfant s’établit hors pain et pot (il ne va pu manger et boire avec ses parents).
Au MA, il en va de même en cas d’exercice d’une profession séparée de celle du père, en cas d’entrée en
religion pour les filles, ou dans le clergé pour les garçons, et, de même, lorsque le fils est armé chevalier.
- Quand l’enfant se marie. Au 14ème siècle, on affirme que tout mariage émancipe. Un père ne peut,
normalement, pas exercer sa puissance sur ses petits enfants puisque le fils sera marié.
A côté de cette émancipation tacite, on va voir apparaître une forme d’émancipation expresse.
 L’émancipation expresse.
Ca intervient devant le notaire ou devant un juge. En pays de coutume, on l’appelle « mise hors de pain ».
Il y a une procédure longue et complexe qui a une valeur symbolique : ca symbolise la rupture de l’enfant avec
son milieu familial.
 L’absence de majorité émancipatrice
En revanche, au MA, l’arrivée d’un certain âge n’a pas d’effet émancipateur. Il n’y a pas de majorité
émancipatrice.
Ca explique aussi l’affirmation de Beaumanoir « qu’ils aient âge ou non âge ».
Il existe une majorité, mais elle n’est pas émancipatrice.
Comme en droit romain, la majorité fixée par la coutume a pour seul effet de rendre pleinement capable un
enfant qui a déjà perdu ses parents.
La majorité met fin à la tutelle, à la garde ou au bail.
Cette majorité est aussi une majorité pénale. Il devient pénalement responsable.
Parfois, c’est aussi une majorité politique et militaire. Elle marque l’âge à partir duquel on peut devenir chevalier,
ou alors, dans les régions du Nord, à partir duquel on peut devenir bourgeois.
Cet âge de majorité qui n’est pas émancipateur varie selon les coutumes.
Il peut aussi varier selon le sexe, et selon la condition sociale.
Dans les régions du Nord, l’âge est souvent fixé à 15 ans pour les garçons, et 12 ans pour les filles.
Dans l’ensemble des coutumes, la fille est souvent majeur plus tôt que le garçon.
Dans beaucoup de coutumes, la majorité est plus précoce pour les roturiers, que pour les nobles.
Chez les nobles, la majorité féodale est fixée à 21 ans pour les garçons, et 15 ans chez les filles.
Donc, au MA, dans les pays de coutume, la mainbournie se définit par trois traits fondamentaux :
- Il ne s’agit pas d’une puissance paternelle, mais d’une autorité parentale. Elle est dévolue au deux
parents, et elle implique plus d’obligations que de droits.
- L’autorité est limitée dans le temps. Elle prend fin, par principe, par l’établissement séparé.
- Pendant le temps où elle s’exerce, elle supprime toute capacité patrimoniale de l’enfant.
Toute la vie de la famille repose sur un principe communautaire ici. C’est en rapport étroit avec ce système de
communauté familiale.
Qu’en est il dans les pays de droit écrit, dans les pays au sud de la Loire.
§2 La puissance paternelle en pays de droit écrit
On fait référence au droit romain, redécouvert au 12ème siècle.
Ce serait une erreur de croire que la patria potestas romaine se serait implantée d’un seul coup dans le Midi de la
France au 12ème siècle, lors de la renaissance du droit romain.
Le terme patria potestas fait sa réapparition ici. Mais elle est assez éloignée du modèle antique.
Même si l’influence romaine est déjà sensible, on suit, dans le Midi, des coutumes locales, appelées Statuts. Ces
Statuts méridionaux, sur bien des points, ne diffèrent pas fondamentalement des coutumes du nord.
Toutefois, dès cette époque, le droit du Midi se distingue déjà, sur certains points, au droit du Nord.
A. L’exercice de la puissance paternelle
Une différence avec les pays de coutume : la puissance paternelle est réservée au père.
Seulement, elle appartient au père seulement. Les études faites montrent qu’au 15 ème siècle la puissance est
exercée par le père, et elle ne peut pas être exercée par un grand père, ou un aïeul.
On n’est pas dans le droit romain donc.
B. Les effets de la puissance paternelle
 Sur la personne des enfants
Le père dispose d’un droit de correction ici, dont les limites sont mal connues. On a peu de sources. On retrouve
quand même le droit pour le père d’enfermer l’enfant. C’est le système de la Charte privé.
En ce qui concerne le pouvoir disciplinaire : le pouvoir du père sur les plus jeunes est illimité. C’est différent des
pays de coutumes qui fixent des limites.
Pour les plus âgés, dans le Midi, le père peut les sanctionner à travers son testament. On utilise le système de
l’exhérédation (enfants ingrats, indociles…).
 En ce qui concerne les biens
Tout ce que le fils de famille acquiert tombe, normalement, dans le patrimoine du père, en tant que chef de
famille. Mais, la plupart des statuts du Midi appliquent la théorie des biens adventices.
On range dans cette catégorie des biens adventices les biens reçus par le fils de famille dans la succession
maternelle, mais, peut être aussi, les biens qui étaient gagnés dans l’exercice d’une profession privé, ou d’un
commerce séparé de son père.
Donc, le père n’a que la jouissance et l’administration de ces biens, dont le fils se voit reconnaître la nu propriété.
Ils ne peuvent disposer de ces biens que par commun accord.
C. La durée de la puissance paternelle
En pays de droit écrit, la puissance paternelle est viagère. Les enfants restent normalement soumis à cette
puissance jusqu’à la mort de leur père.
Mais ce lien de puissance peut être facilement brisé par une émancipation expresse ou tacite.
L’émancipation expresse est développée au 13ème siècle, dans le Midi (14ème siècle pour le Nord). Ca intervient
selon des formes solennelles. Ca se fait nécessairement devant un juge. Il faut impérativement que le père et le
fils soient tous les deux présents.
Il faut respecter tout un rituel très formaliste.
Pour l’émancipation tacite, elle intervient par mariage, ou à la suite de la séparation d’habitation. L’émancipation
du fils ou de la fille, en cas de mariage, est reconnue par la coutume de Montpelier et 1204, ou dans la coutume
de Toulouse de 1208.
En ce qui concerne la séparation d’habitation, elle suppose l’accord du père.
Finalement, cette émancipation tacite ressemble à l’émancipation expresse car il faut, dans tous les cas, l’accord
du père. La seule différence c’est qu’il n’y a pas de solennité pour l’émancipation tacite.
Progressivement, sous la pression du droit romain, on note une tendance à la restriction des possibilités
d’émancipations tacites.
Exemple : à la fin du MA, on considère que le mariage n’emporte plus émancipation, sauf s’il s’accompagne d’une
habitation séparée.
En pratique, le recours à l’émancipation expresse se généralise à la fin du MA.
En conclusion, dès le MA, il existe des différences sensibles entre les solutions pratiquées dans le Nord, et celles
qu’on suit dans le Midi. Masi, au départ, ces différences tiennent beaucoup plus aux mœurs qu’au Droit.
En effet, elles s’expliquent avant tout par le fait que le genre de vie n’est pas le même dans le Midi que dans le
Nord.
Dans le Midi, la cohésion familiale est beaucoup plus forte.
Les enfants, mêmes mariés, continuent souvent la vie commune avec leurs parents, jusqu’à la mort du père qui
apparaît comme l’ancêtre, le patriarche qui règne sur sa maison.
Au contraire, dans le Nord, on a un esprit communautaire, mais la communauté familiale est conçue comme une
communauté conjugale (le mari, la femme et les enfants).
Ce n’est qu’à partir du 16ème siècle, de la seconde renaissance du droit romain, que les règles romaines, relatives à
la patria potestas seront reçues dans le Midi.
CHAPITRE 2 :
LA PUISSANCE PATERNELLE SOUS L’ANCIEN REGIME
Parfois, on parle des temps modernes.
Et, dans l’ensemble du royaume, l’avènement des temps modernes amène des nouveaux changements. On peut
regrouper ces changements autour de deux axes :
Le contexte intellectuel, marqué par le développement de l’individualisme, est plutôt favorable au
développement des droits de l’enfant en tant qu’individu. On se situe dans l’époque de l’humanisme. Mais le
contexte politique joue en sens inverse : il conduit à renforcer les pouvoirs du père.
Ca favorise à développer une conception originale de la famille.
I.
Une conception originale de la famille
La famille, jusque là dominée par l’église, passe sous contrôle de l’Etat. Ca s’explique par l’apparition des grands
Etats nationaux, et par l’apparition d’un Etat fort. L’Etat veut exercer son pouvoir sur le mariage.
Ca s’explique par le rôle fondamental que l’Etat attribue à la famille.
La société est constituée de familles, et non d’individus.
L’Etat, lui-même, est conçu comme une Union de familles. Autrement dit, à cette époque, la famille apparaît
comme la cellule de base de l’organisation politique, et de l’organisation sociale.
§1 La famille, cellule de base de l’organisation politique
Au 16ème siècle, la monarchie française est en marche vers l’absolutisme.
Cette monarchie considère la famille comme le microcosme de l’Etat. C’est une sorte de modèle réduit de l’Etat.
Dès le 16ème siècle, on a une relation très étroite qui s’établit entre la famille et l’Etat.
Jean BODIN : Pour lui, la solution pour sortir la France de toutes les Guerres, et difficultés, est le renforcement
du pouvoir royal. « Les six livres de la République », Paris, 1576.
Il utilise des parallélismes des formules pour définir la famille et l’Etat.
« République est un droit gouvernement de plusieurs ménages » ; « Ménage est un droit gouvernement de
plusieurs sujets » ; « tout ainsi donc que la famille bien conduite, est la vraye image de la République, et la
puissance domestique semblable à la puissance souveraine, aussi est le droit gouvernement de la maison, le vray
modelle du gouvernement de la République ».
Mais la relation entre l’Etat et la famille est très ambigüe. On ne sait plus où est le modèle et la copie.
En réalité, on peut conclure que la famille et l’Etat sont à la fois, et réciproquement, la copie et le modèle.
D’un côté, le Roi qui se proclame père de ses sujets, qui prétend calquer son autorité royale sur l’autorité
paternelle. L’autorité paternelle est, elle, calquée sur l’autorité divine.
Ca explique donc la citation de Bodin : « le père est la vraye image de du Grand Dieu souverain, père universel de
toutes choses ».
L’autorité du père est inscrite à la fois dans le cadre politique et théologique. Cette autorité doit servir de modèle
à l’autorité royale.
Cette conception de la monarchie triomphe avec la monarchie absolue.
Le théoricien de cette monarchie absolue de droit divin est BOSSUET, un ecclésiastique (voire citation sur
plan).
LA BRUYERE : « dire du Roi qu’il est père de ses sujets c’est moins faire son éloge que sa définition ». il est donc
indispensable que le Roi soit le père de ses sujets.
Mais, d’un autre côté, le Roi entend organiser la famille à l’image de l’Etat. Ainsi, il veut mettre en place une
véritable monarchie paternelle.
Par ailleurs, le Roi entend, en quelque sort, mettre la famille au service de l’Etat car il est persuadé que si le père
de famille est obéit, il donnera à la République des bons citoyens, des citoyens dociles et habitués à vivre
paisiblement dans le respect du droit d’autrui.
A cette époque, on envisage la famille comme une véritable école de civisme.
Ca a inspiré le préambule d’une déclaration royale du 26 novembre 1639. On l’attribue souvent à
Richelieu : « dans les familles, qui composent les Républiques, …la naturelle révérence des enfants envers leurs
parents est le lien de la légitime obéissance des sujets envers leur souverain ».
Ca annonce ce qu’écrira BOURJON, en 1770 : « la puissance paternelle doit être regardée favorablement car
les mœurs qui en découlent contribuent encore plus que les loix à faire de bons citoyens ».
Le résultat c’est que l’Etat, soucieux de renforcer sa propre autorité, va s’employer à renforcer les pouvoirs du
chef de famille. Ainsi, il va se trouver investi, le père de famille, d’un pouvoir de type monarchique. Il règle sur sa
famille : sur sa femme et ses enfants. On a une autorité absolue ici.
§2 La famille, cellule sociale de base
La famille constitue la cellule sociale de base.
La société d’ancien régime est composée de familles.
C’est clairement formulé dans l’encyclopédie de Diderot D’Alembert : « la famille est une société qui sert a de
fondement à la société nationale car un peuple ou une nation n’est qu’un composé de plusieurs familles ».
La famille d’ancien régime obéit à une organisation originale dont les deux caractères essentiels sont la cohésion
et l’importance attachée à l’honneur. Cet honneur est considéré comme un bien essentiel, aussi cher que la vie et
qui est un véritable patrimoine collectif. Ce n’est pas un honneur individuel mais un honneur collectif, familial. Il
en va ainsi dans toutes les classes de la société car l’honneur est une valeur qui est partagée par l’ensemble du
corps social. Les gens du peuple dont l’honneur est parfois le seul bien y sont peut être encore plus attaché que
les autres.
Du fait de l’étroite solidarité qui règle dans la famille, la faute commise par l’un de ses membres rejaillit sur
l’ensemble du groupe.
Intendant de Flandres : « la faute infecte toute la famille ». Il y a une sorte de phénomène de contagion.
La famille d’ancien régime ressemble à un corps vivant dans lequel la famille de l’ancien régime se trouve
absorbé.
Donc le déshonneur qui frappe une personne retombe nécessairement sur tous ses parents.
Exemple : une jeune fille qui demande de casser les fiançailles qu’elle a passé. Elle dit qu’elle vient d’apprendre
qu’il était « le petit fils de Louis… qui fut pendu il y a 20 ans ». Elle conclut qu’il faut casser pour avoir une famille
irréprochable. Toute sa parenté s’oppose à cette mésalliance.
Préserver son honneur n’est pas seulement bien se conduire, mais c’est aussi tenir son rang. Notamment, il faut
contracter un mariage conforme à la position de sa famille. C’est n mariage qui est bien assorti d’un point de vu
social.
C’est vrai dans tous les milieux : aristocratiques et populaires.
Il est évident, dans les milieux aristocratiques, que les familles veulent éviter les mésalliances. Les mariages sont
donc arrangés. Celui qui se marie épouse beaucoup moins une femme que la situation sociale du père de cette
femme, ou que le lignage de celle-ci.
Mais parfois, les mésalliances sont voulues. Il arrivé souvent que des familles nobles désargentés veuillent un
mariage avantageux, contre une grosse dote.
Dans les milieux populaires, les parents entendent aussi que leurs enfants contractent des unions biens assorties
Archives de Lille de 1776, document qui concerne une jeune femme de 20 ans : le père vient de faire faillite. Il
indique que sa fille s’est présentée devant lui, sans fortune, sans nom, sans honneur, et sans état. « Cette
proposition était révoltante pour un père qui, malgré la chute de sa fortune, se flatte d’avoir conservé un
sentiment d’honneur ».
Ainsi, le père est le gardien attitré de l’honneur familial.
Cette fonction contribue à justifier l’autorité qui lui est reconnue en tant que chef de famille. Ca explique
notamment le droit de correction dont il dispose sur ses enfants. Il doit éviter une atteinte à l’honneur familial
dont il est responsable.
Cette autorité reconnue au père se justifie d’autant plus qu’on considère qu’en défendant les intérêts de sa
famille, c’est également l’intérêt général et l’ordre public tout entier que le père contribue à protéger.
C’est donc un modèle familial fondé sur la toute puissance du père, seul chef de la famille.
II. Les pratiques d’Ancien Régime
§1 Les conditions d’exercice de la puissance paternelle
La réponse apportée au deux sous parties est sensiblement différente dans le sud et dans le nord du Royaume. En
effet, le faussé entre ces deux zones juridiques s’est creusé au 16ème siècle, lors de la seconde renaissance du droit
romain.
Le système romain élargit son influence.
A. Le titulaire de la puissance paternelle

La position des pays de coutume
En ce qui concerne les pays de coutume, il reste fidèle aux principes dégagés au MA.
Théoriquement, l’autorité sur l’enfant continue à appartenir conjointement au père et à la mère.
Dans notre région, l’existence de cette sorte d’autorité parentale est particulièrement partagée.
On a de nombreuses coutumes, rédigées souvent au 16ème, qui attribuent expressément au père et à la mère.
Exemple : coutume de Bailleul : « Les enfants sont et demeurent en la puissance de leurs père et mère ».
Ce n’est pas propre aux Pays Bas. La plupart des coutumes du Nord parlent des père et mère.
François Bourjon : « des enfants en puissance de père et mère ».
La règle générale est donc le partage, au moins théorique, de la puissance entre les parents.
Mais il existe des coutumes qui font exception :
Coutumes de Lille-Douai-Orchi : elles parlent du père en termes limitatifs.
Un juriste Lillois, du 18ème (PATOU) a pu commenter ces coutumes en indiquant que : « selon nos mœurs, les
femmes n’ont point de puissance sur leurs enfants. C’est un droit attaché à la seule paternité. ».
Mais, d’une manière générale, la puissance est normalement dévolue aux deux parents.
Ceci dit, il faut avouer que, du fait de l’écrasante supériorité masculine qui règne à l’époque, cette puissance est
habituellement exercée par une personne, le père.
En pratique, c’est le père qui décide.
Très souvent, le père consulte la mère. C’est lui qui agit, qui fait al démarche. Mais il a souvent consulté la mère et
l’associe expressément à sa décision.
Enfin, lorsque l’un des deux parents meurt, la puissance paternelle cesse et elle est remplacée par une tutelle
légitime exercée par le parent survivant.

La position des pays de droits écrits
A notre époque, les solutions romaines s’imposent. Ainsi, la puissance paternelle est réservée au père, et il doit
être entendu au sens romain. C'est-à-dire qu’il s’agit de l’ascendant paternel vivant le plus éloigné. On a une
rupture avec les solutions médiévales.
B. La durée de cette puissance paternelle

En pays de coutume
La durée est limitée, temporaire. Elle cesse pour différentes raisons.
La plupart des coutumes rédigées a 16ème siècle maintiennent la règle selon laquelle le mariage émancipe.
L’enfant qui se marie échappe à la puissance paternelle.
Quant à l’établissement séparé, il fait, en principe, naître une présomption d’émancipation. La puissance
paternelle cesse également.
Une grande innovation, consacrée par les coutumes de l’AR : ca réside dans la généralisation d’une
majorité
émancipatrice. Le système d’aujourd’hui est mis en place à cette époque.
L’enfant qui atteint l’âge fixé par la coutume pour la majorité devient pleinement capable, même s’il continue à
demeurer chez ses parents.
L’âge prévaut sur l’établissement séparé désormais.
L’âge devient donc une cause d’émancipation légale.
Ceci dit, l’âge de la majorité varie selon les coutumes.
Exemple : à Paris, comme dans beaucoup d’autres, l’âge de la majorité est de 25 ans (on reprend l’âge de la
majorité romaine).
A Amiens, ou Reims, on met la majorité à 20 ans résolu.
Aussi, il faut signaler qu’il y a des poches de résistance. En pays de coutume, on trouve des zones dans lesquelles
on suit des règles particulières qui sont, finalement, assez proches des règles méridionales.
Dans les régions du Nord, beaucoup de coutumes ignorent l’existence d’une majorité émancipatrice, ou ne la
découvriront très tard.
La plupart des coutumes rédigées reconnaissent au père le droit d’émanciper son enfant, mais cette
émancipation est strictement réglementée tant en ce qui concerne ces conditions et en ce qui concerne ces
effets, l’émancipation ne donne l’émanciper que des pouvoirs réduits, tout ce qu’il peut faire c’est administrer
ces biens, mais il ne pourra en disposer qu’une fois devenu majeur.

En pays de droit écrit
L’idée d’une majorité émancipatrice y est inconnu, la puissance paternelle est conçue comme perpétuelle, elle ne
peut cesser qu’avec la mort du pater.
Les possibilités d’échapper à la patria potestas sont de plus en plus strictement réglementées.
Sous l’ancien régime, par principe le mariage ou l’habitation séparée n’émancipe plus. La JP, exige désormais une
séparation de 10 ans continus. Le père est cependant libre d’émanciper son fils ou sa fille dans leur contrat de
mariage.
On voit très clairement combien le fossé entre pays de coutume et de droit écrit s’est crée sous l’ancien régime.
Alors qu’en pays de coutume la puissance est au père et à la mère, en pays de droit écrit elle est réservée au seul
père et entendu au sens romain. Par ailleurs alors que le système de la majorité émancipatrice triomphe dans les
pays de coutume, on affirme le principe de la perpétuité de la patria potestas dans les pays de droit écrit.
Antoine LOYSEL : « en pays de coutume, droit de puissance paternelle n’a lieu ». Cette maxime signifie que la
puissance paternelle des pays de coutume n’a rien à voir avec celle qui existe en pays de droit écrit.
§2 Les effets de la puissance paternelle
Le contexte intellectuel de la période est marqué par le développement de l’individualisme. Il est, a priori,
favorable à l’affirmation des droits de l’enfant. Mais le contexte politique (monarchie qui évolue vers la
monarchie absolue) va renforcer les pouvoirs du père.
La puissance paternelle s’alourdit en pays de coutume, comme en pays de droit écrit, mais, selon des modalités
différentes.
A. Les effets en pays de coutume
Le renforcement de la puissance paternelle concerne surtout les effets personnels.
En revanche, en pratique, les pouvoirs du père sur les biens de ses enfants tendent à diminuer.
1. La diminution du pouvoir du père sur les biens de ses enfants
D’une manière générale, en pays de coutume, le père de famille perd tous ses droits sur les biens de ses enfants
majeurs. Désormais, la majorité a un effet émancipateur.
Cette solution se justifie par le contexte économique. On assiste à un développement très rapide des activités
économiques. Ce développement rend les enfants majeurs plus indépendants à l’égard de leurs parents.
S’agissant des enfants mineurs maintenant, il y a un changement : ils se voient reconnaître une capacité de
jouissance. Plus précisément, à partir du 16ème siècle, le fils de famille se voit reconnaître un patrimoine distinct
de celui de son père. Et tout ce qu’il acquiert, par quelque mode que ce soit, lui appartient. Il a donc une capacité
de jouissance car c’est son père qui administre les biens. Mais le père n’a plus la propriété de ses biens. Il n’a
même pu l’usufruit du patrimoine de l’enfant.
L’innovation peut s’expliquer, en partie, par l’évolution de la situation de la femme mariée. Sous l’AR, la femme
mariée devient complètement incapable (capacité totale d’exercice et de jouissance). La femme est soumise à la
puissance maritale.
Ca a pour effet de faire disparaître l’autorité parentale.
Le fait que désormais le père seul détienne tout le pouvoir peut expliquer la diminution de ce pouvoir.
2. L’aggravation des effets personnels
C’est un phénomène très général. C’est voulu par le pouvoir monarchique. Les pouvoirs du père tendent à devenir
absolus.
Le père doit normalement consentir au mariage de ses enfants.
Or, le mariage est une manière de disposer de sa personne.
Il appartient aussi au père de consentir à l’entrée en religion. Le père décide de la vocation religieuse des enfants.
Il peut les orienter d’autorité vers la carrière ecclésiastique, ou il peut leur refuser.
Plusieurs arrêts, rendus par des cours souveraines, ont déclaré nulles les professions religieuses faites contre la
volonté du père.
Un enfant ne peut pas décider.
POTHIER justifie cette JP en faisant valoir qu’on ne peut pas prétendre d’entrer en religion si on ne respecte pas le
4ème commandement qui impose l’obéissance aux parents.
Mais, il arrive aussi que des parents poussent les enfants vers la carrière ecclésiastique, contre sa volonté. Ils ne
se soucient pas de sa vocation, de son aptitude à remplir ses fonctions. Donc, au 18ème siècle, on a beaucoup de
prélats, d’évêques, qui ne croient absolument pas en Dieu. Ils sont atteints de l’athéisme philosophique.
Louis 16 : « il est quand même dommage que Mr l’archevêque de Paris ne croit même pas en Dieu ».
Ca s’explique souvent par un souci de le pas morceler l’héritage. Dans les familles nobles, en général, l’ainé reçoit
le nom et l’héritage, le second fait une carrière militaire, et le troisième entre dans les ordres.
Le résultat de cette politique c’est que la noblesse se réserve les hautes fonctions militaires et ecclésiastiques. Et,
il y a là, une des causes de la Révolution de 1789. Le résultat est un blocage de la société.
Il peut y avoir d’autres motifs. Le choix des parents se justifie aussi parfois de la faiblesse physique de l’intéressé.
L’exemple est celui de TALERAN (évêque d’Autun). Il était boiteux. Les parents ont considéré qu’il n’était que bon
à faire un prêtre, alors même qu’il était l’ainé.
La manifestation la plus célèbre du pouvoir du père sur l’enfant est la correction. Mais on constate une évolution
très intéressante : la puissance publique, donc l’Etat, s’immisce de plus en plus dans la juridiction paternelle.
La puissance paternelle est de plus en plus contrôlée et même rognée par l’autorité monarchique.
Les parents sont libres d’affliger des corrections légères à leurs enfants.
Mais lorsqu’il s’agit d’appliques des corrections sévères, dans ce cas, à partir du 17ème siècle, les pouvoirs
paternels sont progressivement encadrés par toute une réglementation.
Le Roi va intervenir, légiférer, pour encadrer le pouvoir paternel. Cette réglementation vise à sanctionner deux
comportements opposés (deux comportements qui contribuent, tous les deux, à ternir l’image de la monarchie
paternelle, et donc, par ricochet, l’image de la monarchie entière) : tantôt il s’agir de réagir contre une excessive
autorité, qui s’apparente parfois à de l’injustice (l’expérience prouve que certains pères n’hésitent pas à faire
jeter leurs « enfants » en prison avec des criminels). C’est notamment le cas lorsque les pères se remarient et
s’acharnent sur les enfants du premier lit. Tantôt, il s’ait de réagir contre une excessive faiblesse. Le père néglige
de la corriger.
Le pouvoir royal et, plus généralement, les pouvoirs publics, se sont émus de ces situations extrêmes et se sont
efforcés de les contrôler.
En ce qui concerne le pouvoir royal, il intervient dès 1684 dans un sens répressif par une ordonnance
du 20
avril. Il se porte au secours de l’autorité paternelle bafouée.
Cette ordonnance est rattachée à une politique menée sous le règne de Louis 14, politique du grand
enfermement. L’idée est qu’il faut enfermer tous ceux qui risquent de compromettre l’ordre de la société. Le
royaume de France va donc se couvrir d’hôpitaux généraux, destinés à enfermer et à traiter tous les déviants,
quelque soit la cause, et tous les pauvres. On y reçoit donc des mendiants, des infirmes, des fous, des prostituées,
des libertins, et des enfants.
A Paris, l’hôpital général a été créé en 1656 par Louis 14. On a un hôpital général qui regroupe plusieurs hôpitaux.
Le chef lieu est la Salpêtrière (nom que l’on avait donné au magasin construit par Louis 13 pour fabriquer de la
poudre. Très vite les magasins ont été convertis en établissements).
Dans les hôpitaux, on accueillait, au départ, des bons pauvres.
La Salpêtrière est affectée aux femmes. Et en dehors, l’hôpital général de Paris comprend 5 autres
établissements : la maison de la pitié, le refuge du faubourg St Victor, l’hôpital Scipion, la Savonnerie, et le
château de Bicêtre.
L’ordonnance de 1684 est divisée en deux rubriques. Seule la première nous intéresse.
Ce premier règlement est intitulé « règlement pour la correction des enfants de famille et des femmes
publiques ».
Le texte détermine d’abord les enfants concernés par la correction. Ensuite, le texte fixe la procédure à suivre
(paragraphes 2 et 3). Puis, on a la durée de l’incarcération et l’organisation des conditions de la détention.
Pour les enfants concernés : ca vise particulièrement les enfants des artisans et des pauvres habitants de Paris. A
cette époque, certains parents des classes populaires parisiennes avaient du mal à se faire obéir, voire respecté
par leurs enfants. Le texte vise plus précisément les garçons au dessus de 25 ans, et les filles quelque soit leur âge.
On reproche à ces enfants de maltraiter leurs père et mère, de ne pas vouloir travailler par libertinage ou par
paresse, et, pour les filles, d’avoir été débauchées.
La procédure à suivre : les père et mère doivent s’adresser au bureau de l’hôpital général, qui se tient pour la
réception des pauvres.
Ensuite, la plainte adressée fait l’objet d’une information assurée par un ou deux directeurs des établissements
qui, si c’est fluctuant, prononce l’ordre d’incarcération.
L’incarcération se prolongera aussi longtemps qu’ils (les directeurs) le trouveront à propos. Le père est dessaisi et
ne peut plus l’interrompre.
Pour les enfants du premier lit (s’il y a remariage), on introduit une précaution supplémentaire en entendant les
plus proches parents de ceux-ci.
Les conditions de séjour des enfants : il y a des obligations religieuses, de travail. Il y a des contraintes pour les
vêtements, l’heure du couché, le régime alimentaire. Il y a aussi des punitions prévues.
En ce qui concerne le travail, on les fera travailler de manière dure et rude.
Ils seront traités avec douceur à mesure qu’ils donnent des preuves de changement.
On voit aussi intervenir les cours souveraines. A la fin du 17ème siècle, le parlement de Paris intervient à plusieurs
reprises. Il va vouloir empêcher les éventuels abus des enfants remariés.
L’arrêt de 1673 limite les pouvoirs des pères remariés.
L’arrêt indique que « les pères seuls pourront détenir (faire enfermer) leurs enfants jusqu’à l’âge de 25 ans pourvu
qu’il ne soit pas marié en seconde noce. Sinon, ils ne pourront les faire constituer prisonnier par forme de
correction sans avoir obtenu la permission du lieutenant civil du châtelet ».
Le même arrêt précise que « la mère tutrice, elle, dot toujours obtenir cette permission ».
Pothier : « la mère qui est tutrice doit toujours avoir l’autorisation de la justice ». « On se méfie de la faiblesse de
son jugement et du caractère d’emportement assez ordinaire à son sexe ».
La règlementation semble s’être imposée dans tous le royaume.
Pourtant, quand on étudie la doctrine, on peut avoir des doutes. Notamment, lorsqu’on se réfère à des écrits de
D. Jousse : il semble reconnaître aux parents un pouvoir discrétionnaire de correction. En effet, il affirme que
« les enfants mineurs au dessus de 25 ans, garçons ou filles… peuvent être renfermés dans des maisons de force,
par forme de correction sous contrôle des père et mère. Ces parents doivent obtenir à cet effet, s’il est nécessaire,
une décision du juge… ».
Dans la pratique, il semble bien que le contrôle judiciaire se soit assez rapidement généralisé.
En 1680, déjà, l’avocat général, TALON, voit, dans ce contrôle, une nécessité : « les pères qui exercent leur
bonté envers leurs enfants sont alors juges souverains mais quand ils exercent leur justice et qu’ils châtient leurs
enfants, leur pouvoir est soumis au juge qui doivent juger leur jugement ».
Un siècle plus tard, Merlin (futur Merlin de Douai) affirme, sans hésiter que, « dès l’instant où le châtiment mérité
par le fils excède les bornes d’une simple correction, le père ne peut le décerner lui-même. C’est au juge à le
prononcer ».
Effectivement, au 18ème siècle, on constate que le père ne peut plus faire enfermer l’enfant de sa propre autorité.
On observe cela dans les analyses des archives de Lille.
Quand ? Comment ? Pourquoi, au 18ème siècle, un père peut il faire enfermer son enfant ?
 Les conditions de l’enfermement
Il y a toute une série de conditions de fond et de forme.
Il s’agit de la procédure à suivre pour les conditions de forme : le père doit passer par la justice.
En pratique, il a deux possibilités :
- la justice déléguée : il sollicite un ordre de justice.
- La justice retenue : il demande un ordre du roi.
L’ordre de justice peut être demandée à toute juridiction (qu’elle soit royale, ou municipale…).
Mais dans notre région, l’attribution du droit de correction est souvent réservée aux juridictions municipale, c'està-dire le Magistrat : Il y a le premier Magistrat (MAYER) et les échevins. C’est aussi le cas dans les Pays Bas.
Les prérogatives des institutions municipales ont été entérinées par certaines coutumes, avant même la fin du
16ème siècle.
Coutume d’Anvers : « si les parents veulent mettre et classer leurs enfants en prison… » (Version du 16ème et du
17ème siècle dans le poly).
Le magistrat de Lille applique une procédure simplifiée, connue sous le nom de « procédure de devoir d’office
pour libertinage ». En pratique, les parents saisissent le magistrat, par une requête, dans laquelle ils exposent les
griefs contre l’enfant.
Le Magistrat prend connaissance du contenu de la requête et il ordonne, en marge, que soit fait devoir d’office.
Ces devoirs sont dirigés par un échevin, assisté du commis-juré au greffe criminel.
L’échevin et le commis-juré font comparaître devant eux le demandeur (le père ou/et la mère) et quelques
témoins qui sont appelés d’office.
Le demandeur est appelé à confirmer le contenu de sa plainte, de sa requête. Et souvent il en profite pour
détailler ses griefs. Le commis juré prend note.
Les témoins, eux, déposent sous serment et sont priés de dire ce qu’ils savent et ce qu’ils pensent de l’enfant.
Ces témoins doivent donc bien connaître l’enfant. Ils sont, en général, peu nombreux (2 ou 3). Ils se recrutent
parmi les proches parents ou voisins.
Grâce à l’intervention des témoins, l’échevin instructeur a pu se faire un avis de lui-même. Il acquiert une
connaissance objective de l’affaire. Il peut donc procéder, dans les meilleures conditions, à l’audition de l’enfant.
C’est sur le rapport de l’échevin que le magistrat rendra la décision et décidera, ou non, l’incarcération de
l’enfant.
Les parents peuvent aussi solliciter un ordre du Roi : il prend la forme des lettres de cachet (closes et scellées du
seul cachet du Roi).
Cette lettre de cachet est demandée au Roi. Mais en pratique, les parents présentent leur requête au secrétaire
d’Etat à la Guerre (ministre du Roi). En Flandres et le Hainaut sont des régions frontalières qui dépendent du
secrétariat d’Etat à la guerre.
Les parents peuvent aussi adresser leur demande à l’intendant, représentant local du Roi, qui retransmet au
secrétaire d’Etat à la Guerre.
Le Secrétaire d’Etat à la Guerre ordonne systématiquement une enquête. Elle doit être faite sur le terrain. Elle est
effectuée par le subdélégué (l’adjoint de l’intendant), qui se procure, sur le terrain, tous les éclaircissements
nécessaires.
A partir de là, il rédige un rapport à l’intendant, qui transmet au ministre, qui expédie l’ordre du Roi. On a donc
une procédure assez souple mais qui tend, comme celle des devoirs d’office, à assurer un véritable contrôle de la
demande des parents qui se sera acceptée que si certaines conditions de fond sont réunies.
Les conditions de fond : la demande des parents ne peut aboutir qu’à 3 conditions :
- Ils doivent invoquer des motifs sérieux.
A Lille, l’accusation de libertinage constitue une sorte de cause générique. La notion de libertinage est susceptible
de recouvrir une infinité de désordres, de dérèglements de conduite, qui varient selon l’âge de l’enfant, et selon
son sexe.
Archive de Lille : On voit que les parents des plus jeunes garçons, âgés entre 10 et 15 ans, déplorent des refus
réitérés d’obéissance. Ils exposent que leur fils fugue, qu’il vagabonde, et qu’il noue de mauvaises relations qui le
poussent à cesser le travail, et à commettre de menu larcins.
Exemple : Un enfant de 11. Ses parents disent que leur fils ne va pas travailler, fréquent des poliçons, et commet
de petits vols.
A partir de 16 ans, les enfants découchent et refusent de travailler, mais aussi se montrent dissipateurs. Certains
manifestent un gout prononcé pour la boisson, pour le jeu, et pour les femmes.
Exemple : un Lillois de 16 ans « passionné par les femmes et le jeu ». Ceci le pousse sur la pente du vol. Lorsqu’il
sera interrogé, il avoue sans vergogne « avoir escamoté de l’argent, qu’il a employé à voir du vins, à jouer aux
cartes… ».
Pour les filles, c’est vers 18 ans qu’elles commencent à faire parler d’elles. Les parents redoutent la mauvaise
conduite sexuelle.
Ce grief est souvent noyé au milieu d’une masse d’autres griefs qui ressemblent souvent à ceux qu’on impute aux
garçons.
Exemple : une fille de 20 ans. Son père dit que « depuis 2 ans environ sa fille s’absente continuellement de chez lui
sans savoir où elle va… elle fréquente des soldats… accès de colère et d’ivresses ».
Entre 10 et 25 ans, tous ces jeunes gens gravissent, un à un, tous les degrés de l’insoumission. Dans ces
conditions, leurs parents d’envisagent plus d’autre solution que l’enfermement.
- La mesure qu’à titre d’ultime recours
Dans leur requêtes, les parents soulignent souvent qu’ils ont fait « tout ce qui étaient en leur pouvoir pour
ramener l’enfant à son devoir : Prières, menaces, corrections, tout a été vainement employé ».
En réalité, ces requêtes renferment une forme d’aveu d’impuissance. Ce sont des parents dépassés, incapables de
lutter contre les mauvaises inclinations de leurs progénitures. Ils ne voient plus d’autre moyen que
l’enfermement.
-
les parents doivent s’engager à payer la pension nécessaire à son entretien en prison
En résumé, la mesure d’enfermement suppose la réunion de multiples conditions et elle suit une procédure qui
permet un vrai contrôle. L’enfermement n’est donc pas automatique.
Il arrive que l’on refuse. Dans 11% des cas, on refuse la mesure.
Dans les 89% restants, la demande des parents paraît fondée et ils obtiennent l’autorisation d’enfermer l’enfant.
 Les modalités d’enfermement
Par principe, l’enfermement doit être correctif.
Et logiquement, la mesure est donc limitée dans le temps.
Sa durée doit être proportionnelle au dérèglement qui la détermine.
Et, elle ne saurait dépasser le temps nécessaire pour obtenir le changement de l’intéressé.
Par ailleurs, la mesure doit être exécutée dans des lieux spécifiques, dans lesquels on pourra appliquer à l’enfant
des mesures éducatives.
Mais, en réalité, à Lille, il n’est pas toujours possible de trouver des établissements adaptés. Et, d’autre part, tous
les parents n’ont pas les moyens de supporter la charge financière de l’opération.
Ainsi, la ville dispose pourtant de plusieurs établissements spécialisés :
- La maison des bons fils (établissement religieux, tenu par des franciscains, qu’on appelle aussi « bons
fils »).
Elle a été créée en 1664.
Il en existe une autre maison des bons fils à Armentières, datant de 1615.
La maison des bons fils de Saint Venant.
Ce sont les seuls maisons de correction pour garçons dans la région.
- La maison du salut. C’est une maison de correction pour fille. C’est rattaché à la maison de forte, appelée
aussi « Raspuck ». Elle était située à l’emplacement de l’actuel palais de justice. Elle date de 1663.
- La maison des sœurs de la Madeleine, appelée aussi « les madelonnettes ». Elle était tenue par des
religieuses. Elle date de 1581, fondée par Jean Gantois.
Maison créée grâce au mécénat de Gantois pour accueillir les filles repenties.
Ces trois établissements sont surpeuplés et ils pratiquent des tarifs prohibitifs. Seuls les parents aisés peuvent y
placer leurs enfants.
Pour les plus pauvres, certains essaient de faire prendre en charge des frais par la ville, certains cherchent à
obtenir un placement dans un établissement plus éloigné, et moins onéreux (souvent l’établissement de Bicêtre à
Paris). Mais, leurs demandent est systématiquement rejetées car Bicêtre est devenu le grand dépotoir du
royaume. C’est un véritable lieu de perversion.
Les parents vont, parfois, solliciter l’envoi aux îles. L’exportation est une solution radicale. Soit l’enfant n’en
revient pas, soit il y meurt.
Ca ne coute quasiment rien pour l’enfant. Mais c’est réservé aux jeunes gens qui sont vraiment incorrigibles et
c’est très rarement autorisé.
Pour la grande majorité des parents, il ne reste plus que la solution de solliciter un séjour dans une des prisons de
la ville pour l’enfant.
Ca présente l’avantage d’être peu onéreuse. Mais c’est peu compatible avec l’idée de correction. La prison ne
permet aucun traitement spécifique.
Le Magistrat de Lille est conscient du problème mais il consent pour aider les parents. Il va limiter la durée du
séjour qui varie à quelques jours, jusqu’à quelques semaines.
Il l’assortit de mesures réputées correctives, comme le jeun, le fouet, ou les représentations par commissaire (un
sermon).
Par ailleurs, le magistrat accepte très facilement de revenir sur sa décision à la demande des parents, pour tenir
compte de l’amendement plus ou moins rapide de l’intéressé.
Exemple : en octobre 1980, une mère d’un garçon de 12,5 ans obtient une augmentation de 6 semaines du séjour
en prison car elle n’a eu « aucun effet sur son caractère ».
La demande est soutenue par le geôlier de la prison, et par un commissaire : il est « incorrigible, il chante des
chansons obscènes, il se moque des verges et de toute autre punition ».
Il est évident qu’une mesure de prison ne peut avoir d’effet que sur des enfants suffisamment malléables qui se
laisseront impressionnés par la punition exemplaire.
Lorsqu’on se trouve face un enfant endurci, ca ne sert à rien.
Mais le passage en maison de correction est il plus efficace : on en doute.
La durée du placement, en général de 5 à 6 mois, est censée permettre l’application de mesures correctives.
Mais, en pratique, ca n’est pas toujours le cas.
Au Bon fils (maison pour les garçons), les enfants, largement minoritaires, sont enfermés avec des fous, et des
libertins.
A la maison du salut, les filles en correction sont mélangées avec des filles et des femmes de tout âge, très
souvent des prostituées.
Pour Saint Venant, extrait d’un spécialisme des prisons : en 1769, la population de cette Maison a été très
modifiée. On accuse d’être des assassins, des sodomites et autres les frères.
L’âge moyen de 45 ans.
On compte surtout sur l’effet dissuasif de la privation de liberté.
Les filles qui vont à la maison du salut semblent un peu mieux traitées : il existe des mesures éducatives. Mais
quand on regarde le règlement de la maison, les mesures se résument à une multitude de prières et d’exercices
religieux.
Dans ces conditions, on comprend que le passage par une maison de correction ne produise pas les effets
escomptés.
Dans ces établissements, il y a une telle promiscuité que bien des pensionnaires en sortent pire qu’ils étaient en
entrant.
Exemple : un jeune homme. Les parents affirment qu’ « il est non seulement ivrogne, mais débauché et voleur
depuis l’âge de 14 ans ». Ils admettent que les 4 séjours au bon fils « n’ont point fait sur son esprit l’effet qu’on
espérait, et au contraire, il semble que ses passions et ses vices se sont fortifiés ». Ils sollicitent pourtant un 5ème
séjour. Dans leur esprit, il ne s’agit plus de le corriger, mais plutôt de le garder pour l’empêcher de nuire le plus
longtemps possible.
Certains parents lillois, conscient du mauvais fonctionnement des maisons lilloises, et qui sont peut être mieux
renseignés, préfèrent envoyer leurs enfants ailleurs, où c’est plus onéreux.
Exemple : Pierre Antoine Bailleur, 24 ans. Il est orphelin de Père. Sa mère l’envoie à Douai pour des études de
droit. Mais au lieu d’aller en cours, il se couvre de dettes afin, dit elle « de satisfaire sa double patient du vin et
des comédienne ». Elle demande de le faire enfermer à Saint Lazard à Paris. La pension est 4 fois plus élevée
qu’ailleurs. Mais, on cherche vraiment l’amendement du pensionnaire.
La discipline y est très sévère, et les pensionnaires sont contraints à des travaux essentiellement intellectuels.
Un an plus tard, la mère sollicite une prolongation pour permettre au fils « d’étudier le droit coutumier de son
pays qu’il ne connait pas encore ».

Le fondement de la décision d’enfermement
Le droit pour les parents de faire incarcérer leurs enfants est traditionnellement présenté comme un attribut de la
puissance paternelle.
A priori, la pratique du Nord confirme cette analyse.
En effet, on voit que la procédure est habituellement engagée par le père ou par le père quand elle est veuve.
C’est le père qui dirige les opérations. Il demande l’incarcération, il en fixe le lieu, il négocie le montant de la
pension et, à tout moment, il peut solliciter la prolongation de la mesure.
Pour justifier la demande d’incarcération, le père s’abrite très souvent derrière la puissance paternelle. Certains
mettent en avant les droits qui en découlent.
Exemple : un père reproche à son fils de s’être soustrait à son autorité et à sa vigilance.
Autre exemple : une mère affirme qu’il n’est pas assez obéissant et respectueux vis-à-vis de son père.
D’autres se réfèrent aux obligations que la puissance implique. Ils la volonté d’assumer leur responsabilité morale
de parent.
Exemple : la mère de Louis Lefebvre indique qu’il est temps qu’elle use de son autorité en le faisant séquestré par
correction paternelle, sans quoi elle deviendrait en quelque sorte sont complice par son silence, et elle serait
responsable de sa perte totale.
Enfin, bon nombre de conflits entre parents et enfants, qui conduisent à ces enfermements, sont liés à l’exercice
de la puissance paternelle.
Ces conflits peuvent être qualifiés de conflit au seuil : conflit au seuil de la vie adulte, à un âge où l’autorité
paternelle devient de plus en plus pesante, et surtout à l’âge des choix importants pour l’avenir de l’enfant.
Or, ces choix, à l’époque, sont laissés à la discrétion des parents. Ce sont eux qui décident du choix d’un métier ou
du choix d’un conjoint.
Beaucoup de jeunes lillois cherchent à expliquer leur mauvaise conduite par le fait que leurs parents veulent leur
imposer un métier qui ne leur plait pas.
Exemple : JB DELEMAR, 15 ans : « une des raisons pour quoi il a négligé son métier de filetier c’est qu’il le déteste.
Il désire apprendre celui de cordonnier. Si son père lui consent, il promet d’y être assidu et de ne plus jamais
donner lieu de se plaindre de lui en aucune façon ».
Attention, la correction est souvent liée à la puissance paternelle, mais elle n’est pas nécessairement liée à celleci. La pratique du Nord montre que cette correction ne s’applique par qu’aux enfants mineurs, mais aussi des
enfants mariés ou des pères de familles.
Toutes les demandes d’enfermement d’émanent pas des parents. Elles peuvent être présentées comme une
tierce personne (un autre membre de la famille, ou le prévôt de la ville).
Toutes les demandes ne concernent pas non plus des enfants. On sollicite les mêmes procédures contre des fous,
par un mari contre sa femme, et il arrive même qu’elle soit présentée par la femme pour son mari. Il est même
arrivé que ca soit demandé par les enfants contre leur père.
La puissance paternelle ne suffit donc pas à explique l’existence de ces mesures de correction.
Mais elle facilite le succès de la procédure.
D’Ormesson : il est d’usage d’arrêter les enfants dont le père se plaigne ».
Quel est le dénominateur commun entre toutes ces affaires ?
Toutes ces demandes visent à assurer la protection de l’honneur des familles.
La volonté de protéger l’honneur familiale constitue donc la première justification de la demande
d’enfermement, qu’elle soit présentée contre un fou, contre un libertin, contre un prodigue ou contre un enfant.
Dans tous les cas, il s’agit de mettre un terme à des écarts de conduite donc les conséquences risquent
d’éclabousser toute la parenté.
Exemple : une mère : « pour se mettre elle et sa famille à l’abri des évènements déshonorants qui pourraient
résulter de la conduite de son fils ».
Le souci de protéger l’honneur familial justifie le caractère expéditif et discret de ces procédures dans lesquelles
la famille joue souvent un rôle important.
La famille contribue parfois à payer la pension de l’enfant.
Les parents qui sollicitent l’enferment ne se contentent pas, seulement, de mettre en avant cette crainte du
déshonneur familial. Ils cherchent souvent à justifier leur démarche par des considérations tirées de l’ordre
public.
Certains font valoir qu’ils entendent prévenir de plus grandes fautes, d’autres disent qu’ils veulent éviter des
suites fâcheuses, ou encore empêcher que leurs enfants finissent mal leurs jours.
Exemple : la mère d’Albert Mango : « vu son dérangement, elle craint avec raison, que, le laissant dans son
libertinage, il ne fasse quelques mauvais coups qui le ferait appréhender par la justice et diffamer sa famille ».
Ces demandes d’enfermement visent donc ceux que Claude Questel appelle des délinquants virtuels, ou encore
des prédélinquants.
Exemple : un père expose que, comme son fils refuse à travailler, il y a tout à craindre qu’il devienne voleur…
Autre exemple : un enfant marié. Son père sollicite sn enfermement du fait d’une conduite si irrégulière…
En bref, ces procédures d’enfermement visent donc à sauvegarder l’honneur familial tout en préservant la
sécurité et la tranquillité publique, grâce à une politique de prévention de la délinquance, de la violence, et du
scandale dans laquelle les pouvoirs publics et les familles sont appelés à collaborer pour défendre leurs intérêts
communs.
L’existence de toutes ces procédures s’explique par la place centrale qu’occupe la famille dans l’Ancien Régime.
La correction paternelle est donc liée au modèle familial de l’AR.
Article de B. SCHNAPER, historien du droit pénal contemporain : « la correction paternelle était l’expression
d’un temps où l’on parlait plus volontiers de père justicier que d’enfants martyres ». Cette correction paternelle,
de toute évidence, ne correspond plus à nos mœurs. Elle avait pour mérite d’instituer une véritable coopération
entre les pouvoirs publics et la famille. Et, elle supposait une responsabilisation des parents. On peut regretter
qu’elle ne soit plus toujours de mise aujourd’hui.
B. Les effets de la puissance paternelle en pays de droit écrit
A partir du 16ème siècle, la soumission des pays méridionaux au droit romain est un fait accompli. Dons, les règles
de la patria potestas s’appliquent presque dans réserve dans le Midi.
1. En ce qui concerne les biens de l’enfant
La JP méridionale s’en tient rigoureusement aux dispositions du droit romain sur les pécules et les biens
adventices.
Toutes les autres acquisitions du fils de famille tombent dans le patrimoine de la famille.
2. En ce qui concerne la personne de l’enfant
Comme en pays de coutume, le père dispose d’un droit de correction. Mais on constate une tendance à contrôler
l’exercice de son droit.
Ce droit de correction peut prendre deux formes :
- La correction manuelle : son exercice peut donner lieu à des abus dont l’enfant peut se plaindre en
justice. Dès la fin du 17ème siècle, les parlements du midi interviennent quand la correction dégénère en
mauvais traitement.
Arrêts du parlement de Provence de 1669 et 1679 : en faveur d’une fille maltraitée par son père remarié
et sa belle mère. En 1669, c’est le grand père qui a saisi le juge. En 1679, c’est la fille elle-même qui a
porté plainte.
Arrêt du parlement de Toulouse de 1675 autorise les enfants à se séparer de leur père remarié et à se
retirer chez leur oncle paternel auquel le père devra payer une pension.
- L’enfermement : Boniface arrêtiste du parlement de Provence : arrêt du 15 octobre 1644. Un père peut
emprisonner son fils d’autorité privée quand il est désobéissant. Ce chapeau donné à l’arrêt peut être
trompeur. Ca laisse penser que l’enfermement relève d’une décision discrétionnaire du père. dans la suite
de la décision, on précise que « le père a fait constituer son fils prisonnier pour ses désobéissances après
en avoir fait trois différentes plaintes au juge ». Le fils a saisi le parlement en faisant valoir que son
emprisonnement était intervenu « sans information précédente, contre les ordonnances et règlements
de la cour ». Il faut qu’il y ait une véritable information préalable.
Si l’arrêt a débouté le fils c’est car le parlement était convaincu du bien fondé de la mesure. Et pourtant,
le parlement n’a considéré la mesure que comme prévisionnelle. En effet l’arrêt ordonne que le fils doive
être interrogé par le juge.
En définitive, comme en pays de coutume, le droit d’enfermement reconnu au père est encadré par la
justice.
La garde et l’éducation des enfants peuvent être retirées au père à titre de sanction pour mauvais traitement.
Il y a une particularité qui subsiste dans le midi : il semble que le père tire son droit de correction d’un véritable
pouvoir de juridiction domestique.
Mais ce pouvoir, le père l’exerce sous le contrôle du juge.
On pourrait penser que le juge a un rôle modérateur.
Exemple : JP de Guyau : intervention du juge pas toujours favorable à l’enfant. Ca concerne un fils qui avait
attenté à la vie de ses parents. Son père, après avoir pris l’avis de sa famille, avait déclaré le fils indigne àç
succéder et l’avait condamné à 20 ans de galère.
Le procureur générale du parlement de Grenoble forma un appelle à minima. Sur cet appel, le parlement, en
1663, porta la peine aux galères perpétuelles.
L’usage du testament fournit au père bien des occasions de manifester leur puissance jusqu’après leur mort. Le
père peut sanctionner un mauvais fils en l’exhérèdent ou en le réduisant à sa légitime (partie de la succession à
laquelle le père ne peut pas toucher).
Conclusion : on a une évolution qui va dans le même sens quelque soit le pays. Ca va faire un
durcissement
de la puissance paternelle.
Cette évolution s’explique par la conception de la famille.
Mais cette conception ne fait pas l’unanimité.
En effet, on voit se développer, sous l’AR, des analyses contestataires.
III. Les analyses contestataires
La contestation viendra d’abord des protestants, puis par l’évolue du droit naturel et la philosophie des Lumières.
§1 La position protestante
Les doctrines réformées sont favorables à l’individualisme. En effet, la Réforme prêche le libre examen et affirme
que chaque homme peut avoir son opinion personnelle sur toute chose et interpréter les textes saints.
On a un mouvement plutôt favorable à l’individualisme.
A plusieurs reprises, les protestants ont affirmé leur hostilité au pouvoir établi : ils se sont dressés contre
l’autorité du pape, et contre l’autorité du Roi.
Ils ont alors développé des doctrines qui font parti des doctrines monarchomaques.
Ca va les conduire à … sur le pouvoir général, et sur le pouvoir du père en particulier.
Pour le pouvoir général, les protestants ont développé la théorie du contrat. D’après les monarchomaques, le
peuple souverain a délégué le pouvoir au Roi par un contrat.
En ce qui concerne les pouvoirs du père, les protestants ont une théorie originale. Pour eux, la paternité n’est pas
tant une source de pouvoir qu’une source de devoir. Le principal devoir du père est d’éduquer le fils.
Etienne Pasquier, un humanisme : « qui enseigne son fils doublement engendre ». C’est donc comme s’il le faisait
naître une deuxième fois.
Erasme : il qualifie d’infanticide le père qui néglige le devoir d’éducation.
Mais il ne faudrait pas croire pour autant que les pères protestants doivent renoncer à toute autorité. Au
contraire, l’autorité du père est affirmée à la fois dans la pratique par les consistoires, et sur le plan théorique, par
les théologiens protestants.
Les consistoires sont des organes disciplinaires locaux, siégeant dans le cadre des églises réformées. Ca comprend
le pasteur et quelques fidèles de la communauté.
Des recherches ont été menées sur les registres des consistoires : ca montre qu’entre 4 et 10% des affaires
portées devant eux concernent les relations parents/enfants.
Dans ces affaires, les rappels des devoirs des enfants à l’égard des parents sont 4 à 5 fois plus nombreux que le
rappel des devoirs des parents à l’égard des enfants.
Ca prouve que, de toute évidence, l’autorité paternelle est privilégiée à la demande des parents, et
essentiellement du père. Les consistoires n’hésitent pas à sanctionner les enfants désobéissants, ingrats, ou ceux
qui injurient leur parent.
D’un point de vue théorique, les théologiens protestants font reposer l’autorité du père sur la volonté de Dieux.
Pour eux, l’ordre du monde voulu par Dieux, dès sa création, comprend la relation de sujétion des enfants aux
parents. La chute d’Adam n’a fait que renforcer cette exigence car l’homme naît dans la corruption et est enclin
au mal. Les enfants doivent donc être corrigés. Il appartient au père de dresser leur volonté rebelle. Et les enfants
doivent obéir, même si les ordres paternels sont fâcheux et rigoureux.
La volonté divine est clairement énoncée dans le Décalogue : « honore ton père et ta mère comme te l’a
commandé Yahvé ton Dieu… ».
Ce principe est réaffirmé dans le nouveau testament, en particulier dans les épitres de saint Paul : « Enfant :
obéissez à vos parents puis honore ton père et ta mère… ».
Epitre aux Colossiens : « Enfants ! Obéissez en tout à vos parents… ».
Calvin, réfugié à Genève : « que tous les enfants protestants apprennent à honorer le père et la mère ». Honorer
signifie un triple devoir : la révérence, le respect, l’obéissance et l’assistance.
Pour eux l’autorité du père de famille est un droit de la nature que l’écriture ne fait que confirmer. Ce droit est
fondé à la fois sur une inégalité temporaire (ils opposent la sagesse des pères à la faiblesse des enfants) et, sur
une dette éternelle (les enfants doivent à leurs parents la vie et l’éducation).
On trouve une interprétation rationnelle et morale de l’autorité paternelle qui implique un exercice différencié de
cette autorité en fonction de l’âge de l’enfant.
AMYRAUT : théologien réformé qui écrit au milieu du 17ème. Il publie morale chrétienne. C’est un lecteur de
GROSSIUS. Il distingue trois degrés dans l’autorité paternelle :
- Quand l’enfant est faible et n’a pas l’usage de la raison, l’autorité paternelle est despotique, comme celle
d’un maître à l’égard d’un esclave
- Quand l’enfant a le corps et l’esprit formé, mais les affections un peu véhémentes, et qu’il habite encore
chez son père, l’autorité paternelle est « royale », c'est-à-dire fondée sur la raison, plus que sur la
contrainte.
- Quand l’enfant est parvenu à la parfaite maturité de sa raison et que, par le mariage, il s’est retiré d’avec
son père (lorsqu’il est majeur), il n’est plus tenu d’obéir. Mais il doit toujours honorer ses parents car il est
obligé, par une dette de reconnaissance éternelle.
§2 L’école du droit naturel et la philosophie des Lumières.
Réflexion sur le pouvoir, et réflexion plus particulière sur les prérogatives du père.
Les auteurs se livrent à une vaste réflexion sur les institutions, ils reprennent la théorie du contrat et, à partir de
là, il propose une nouvelle analyse de la société politique. A la différence des théoriciens de l’absolutisme, ils ne
considèrent plus cette société politique comme une société de type familiale, faite de rapports interpersonnels
d’obéissance et de puissance.
Pour eux, la société est une conception artificielle, reposant sur un accord de volonté. Cette analyse est retrouvée
chez les grands théoriciens du contrat comme Locke et Rousseau.
Ils vont transposer la théorie du contrat sur le champ familial. Ils vont proposer une nouvelle analyse des relations
entre les parents et les enfants. Ils vont revisiter la puissance paternelle.
Le fondement est redéfini car, en s’appuyant sur la théorie du contrat, certains auteurs décèlent un pacte
présumé entre le père et ses enfants. Le pacte comporte des obligations réciproques. Pour le père, il y a
l’obligation de prendre soin de ses enfants et de les élever, et pours les enfants, il y a l’obligation l’obéir au père.
Pour illustrer :
o Samuel Pufendorf (juriste allemand), Grotius, Barbeyrac :
Pufendorf : L’autorité des père et mère est fondée sur un consentement présumé des enfants, et par conséquent,
sur une espèce de consentement tacite.
Pufendorf prétend lier l’autorité des père et mère au consentement présumé de l’enfant. L’autorité
résulte d’une sorte de convention tacite et constitue la contrepartie nécessaire du pouvoir d’éducation
des enfants.
En effet, les parents ne peuvent pas accomplir ce devoir s’ils ne disposent pas de cette autorité. C’est
intéressant parce que ca conduit à anéantir l’idée de hiérarchie légitime à l’intérieur de la famille.
Par ailleurs, la citation de Pufendorf montre qu’il ne remet pas seulement en cause le fondement du pouvoir qui
s’exerce sur l’enfant, mais ca jette aussi un doute sur le titulaire de ce pouvoir, et sur la finalité de ce pouvoir.
En effet, e ce qui concerne du titulaire du pouvoir sur l’enfant, les propos de Pufendorf révèlent une tendance à le
confier conjointement aux deux parents.
GROTIUS s’était déjà approché de cette idée :
La génération rend les parents maîtres de leurs enfants. Si les deux pouvoirs viennent à se choquer, celui sur père
doit avoir la préférence.
Pufendorf n’en dit pas plus sur sa position. Mais les commentaires de Barbeyrac (qui a traduit l’œuvre de
Pufendorf) indiquent que, dans la première moitié du 18ème siècle, l’idée d’un partage égal entre les parent l’a
emporté. L’autorité doit revenir aux deux parents. On a donc l’idée d’un pouvoir parental, et même à une autorité
parentale.
Quant à la finalité des prérogative de la puissance paternelle, ca change aussi.
Pufendorf : hésitation entre les termes « autorité » et « pouvoir ».
Désormais, la puissance paternelle est envisagée, d’abord, par rapport à l’enfant.
Cette puissance paternelle correspond à un besoin pour lui, et elle est essentiellement temporaire. Elle ne doit
durer que tant que l’enfant en a besoin.
o Locke : « les liens de sujétion… ».
La puissance paternelle comporte avant tout des obligations à la charge des parents.
Cette idée est développée dans l’encyclopédie, à l’article « pouvoir paternelle », rédigée par Diderot :
« Le pouvoir des père et mère sur leur enfant dérive de l’obligation où ils sont de prendre en soin, de cultiver leurs
esprits…le pouvoir paternel est plutôt un Devoir qu’un pouvoir. ».
L’attitude de tous ces auteurs, dont le discours est centré sur la personne de l’enfant, annonce l’avènement du
thème de l’Enfant Roi. Ca consiste à faire de l’enfant le centre de tous les intérêts, de toutes les préoccupations.
L’enfant est alors un membre du corps social dont l’intérêt doit être pris en compte avec le plus grand sérieux.
Avec la fin de l’AR, les effets du mouvement se font sentir. Les auteurs prennent la plume pour défendre les
intérêts de l’enfant porté comme porteur d’avenir. L’enfant, puisqu’il est porteur d’avenir, il importe, pour les
auteurs, de le conserver. On a le thème de la conservation des enfants.
Deux ouvrages de 1769, et de 1778 : Raulin, De la conservation des enfants ; et Royer, un mémoire sur la
conservation des enfants.
Désormais, on cherche à définir l’enfant autrement que par la négative. Il est appréhendé comme un individu à
part entière et, comme un individu dont l’importance ne cesse d’augmenter parce qu’on tend à en faire le pivot
l’institution familiale.
Dorénavant, la priorité est d’assurer le bonheur des enfants. On estime que ce bonheur passe avant tout par
l’éducation, et non plus par l’espérance d’u patrimoine.
La bonne éducation est, pour eux, la condition d’une bonne conduite qui bénéficiera à l’enfant et à la société tout
entière.
Diderot : « l’éducation est le plus grand bien que les pères puissent laisser à leurs enfants, c’est le bien dont le
produit est le plus grand… l’éducation doit permettre de former de bons citoyens. Quel bonheur pour un Etat où
chaque citoyen… ».
Répertoire universel et raisonné de Guyau : certains auteurs arrivent à proposer des analyses anachroniques.
Merlin : à propos de la puissance paternelle romaine : « ce n’était pas pour lui-même que le père exercé la patria
potesta… c’était pour le fils, pour l’intérêt du fils… ».
Ca reflète l’influence de la philosophie des Lumières.
Conclusion de la première partie du cours :
L’influence va triompher à la faveur de la Révolution.
Les révolutionnaires imprégnés des doctrines philosophiques se sont dressés contre la puissance paternelle qui
est un despotisme qu’il faut anéantir.
La puissance paternelle est diabolisée.
Pour eux, la famille est une société qui doit être régie comme la société politique par les principes de la
liberté et de l’égalité.
En ce qui concerne les enfants, ils sont considérés comme de futurs citoyens auxquels il convient de donner une
bonne éducation, qui doit faire d’eux des adeptes des idées nouvelles.
Sous la Convention, certains des révolutionnaires vont tentés d’imposer ce nouveau modèle familial. Ils sont
préoccupés par la question de l’éducation des enfants car ils poursuivent un modèle général de régénération. Il
faut régénérer l’homme, et donc la nation.
Il faut inculquer des idées nouvelles à un homme d’âge mûr, ce qui paraît difficile. Il faut donc éduquer l’enfant
dès son plus jeune âge.
Certains veulent associer le père au processus éducatif.
D’autres réclament que l’éducation des enfants soit confiée à l’Etat. Or, parmi eux, on a, en particulier, Le
Pelletier de Saint Fargeot. Il préconise l’éducation en commun de tous les enfants de la République. Il présente un
modèle d’instruction publique utopique qui s’inspire du modèle de Spartes.
Tous les garçons de 5 ans à 12 ans, et les filles de 5 ans à 11 ans doivent être élevés aux frais de la République
dans des maisons d’éducation séparées.
Tous sous la sainte Loi de l’égalité recevront même vêtement, même nourriture, même éducation.
Ca correspond parfaitement aux vues de Robespierre.
En 1794, Robespierre indique que « la patrie seule a le droit d’élever ses enfants, elle ne peut confier cela à
l’orgueil des familles… Nous voulons que l’éducation soit commune et égale à tous les français ».
Cambacérès : « parler de la puissance paternelle c’est changer la protection en … qu’on ne me parle donc pas
de la puissance paternelle… Il n’y a plus de puissance paternelle ».
On voit que ces articles des premiers projets de Code civil visent à faire de la famille une petit République dirigée
dans un esprit égalitaire par un conseil de famille.
Ce premier projet prévoit que les enfants mineurs sont placés sous la surveillance et protection de leurs parents.
Ce projet évite de parler de puissance paternelle. Et il préconise une autorité confiée aux deux parents.
Mais ce projet n’aboutira pas, ni même le 2ème et le 3ème projet de Cambacérès.
En pratique, la Révolution a quand même adopté quelques mesures ponctuelles, inspirées par deux
préoccupations majeures :
- La volonté de lutter contre l’arbitraire
- L’unification du droit.
Ca conduit les assemblées révolutionnaires à condamner toutes les pratiques du midi, et certaines pratiques du
Nord jugées excessives.
Ainsi, l’Assemblée législative a supprimé l’autorité perpétuelle du père. Elle a fixé le seuil de la majorité à un âge
unique pour les deux sexes, sur l’ensemble du territoire nationale. Ca résulte de la loi du 20 septembre 1792 :
l’âge est fixé à 21 ans.
La loi décide que « toute personne sera majeure à 21 ans ».
En ce qui concerne le droit du père, le droit de correction a d’abord été limité indirectement par la loi du 26 mars
1790 dans la mesure où on abolit les lettres de cachet.
Ca a été limité directement par la création des tribunaux de famille. En vertu de cette loi, l’enfermement d’un
enfant à titre de correction est subordonné à l’autorisation d’un tribunal de famille, dont la décision doit être
entérinée par le président du tribunal de district. Cet enfermement ne peut concerner que des enfants de moins
de 20 ans. Ca suppose l’existence de motifs graves et ne peut excéder 1 an.
Les lois successorales, promulguées par la convention montagnarde, ont retiré au père son droit d’exhérédation.
Et ont imposé une stricte égalité entre les enfants.
Le code civil consacrera une réaction. Ca s’est amorcé dès l’époque du consulat. Dès le consulat, les idées
romaines et chrétiennes traditionnelles sont remises à l’honneur.
Le 4ème projet de code Civil, projet Jacques Minot, s’engage vers la voie d’une restauration de la puissance
paternelle.
Ce projet entend restituer à l’autorité paternelle le légitime empire qu’elle n’aurait jamais dû perdre et qui lui
assurera le moyen de récompenser la pitié filiale ou de punir l’ingratitude.
Ca n’aboutira pas ici.
Mais il reste plus important que les 3 projets de Cambacérès car les rédacteurs du Cc s’en inspireront.
La code de 1804 consacrera un renouveau de la puissance paternelle.
Ce renouveau s’explique aussi par le contexte politique. Comme Richelieu, Napoléon Bonaparte estime qu’il
convient que l’autorité règne dans la famille comme dans l’Etat.
Le code civil a mis en place un système cohérent qui restera inchangé pendant tous le 19ème siècle.
Le code concentre tous les pouvoirs entre les mains du père.
Article 373 : « Le père exerce l’autorité seul pendant le mariage ».
Cependant, pour certaines décisions graves, le consentement de la mère est requis.
Exemple : article 148 exige le consentement des deux parents pour le mariage des enfants mineurs. En cas de
dissentiment, le code précise que c’est la voie du père qui l’emporte.
Article 389 : le père exerce un pouvoir d’administration. Mais en cas de décès de la mère, il n’a plus qu’un pouvoir
de tutelle. Le décès de la mère provoque une réduction du pouvoir du père.
Le père est seul investi du pouvoir de correction.
Mais l’exercice de ce droit est strictement encadré. On parle de puissance paternelle domestiquée.
Le droit de correction est organisé par les articles 376 à 382. Ils prévoient que le père peut faire incarcérer, par
voie d’autorité, ses enfants mineurs de 16 ans pour une durée maximum d’un mois à condition que ces enfants
n’aient ni profession ni bien personnel.
Dans ce cas, il s’adresse au président du tribunal d’arrondissement qui délivrera automatiquement l‘ordre.
Si le père est remarié, ou si l’enfant a des biens, ou s’il a plus de 16 ans, le président du tribunal d’arrondissement
est libre d’accorder ou non l’enfermement. Il apprécie souverainement le bien fondé de la mesure.
Il est précisé aussi qu’en toute hypothèse, l’emprisonnement ne pourra pas excéder 6 mois.
Enfin, le code civil rejette l’exhérédation comme modalité du droit de correction.
Mais, il n’en reste pas loin que le code civil traduit une réaction autoritaire et masculine.
Réformes postérieures au Code civil :
Dans deux directions :
- La notion de puissance réapparue en 1804 a fait place à la notion d’autorité, beaucoup plus souple.
- L’autorité a été partagée entre les deux parents.
La première évolution commence dès le 19ème siècle : à partir du milieu du siècle, différentes lois sont
promulguées dans un souci de protéger l’enfant.
Apparaît des lois qui limitent le père dans le travail de ses enfants. Ce souci de protéger l’enfance se renforce
après 1870. Ca devient une préoccupation majeure, qui conduira à la loi de 1889, introduisant une action en
déchéance de la puissance paternelle. Cette évolution a conduit à la loi de 1870 qui a consacré le passage à une
autorité parentale.
Depuis 1870, le père a définitivement cessé d’être le chef de la famille. Il y a désormais deux têtes. L’article
371-1, al 2
(rédaction de 1870) : « l’autorité appartient aux père et mère ». Dans la rédaction de 2002, on
développe : « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs, ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Elle appartient aux père et mère, jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant, pour le protéger dans sa
sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à
sa personne ».
Ce partage de l’autorité soulève des problèmes en cas de désaccord, ou en cas de séparation de parents.
Il faut, normalement, se référer à la pratique antérieure. Et si cette pratique ne peut pas être déterminée, il faut
avoir recours à l’arbitrage du juge.
De manière générale, au 20ème siècle, le juge s’est immiscé de plus en plus dans la matière domestiques.
Aujourd’hui, l’enfant se voit reconnaître de plus en plus de droit, notamment par rapport à ses parents. On se
préoccupe de plus en plus de la défense de ses intérêts, à tel point qu’on a pu écrire que notre droit de la famille
était devenu « pédocentrique », et que l’intérêt de l’enfant fait figure « de formule magique » (Carbonnier).
Certains auteurs en sont même arrivés à présenter l’intervention du juge comme une nécessité pour assurer la
sécurité de l’enfant contre ses propres parents.
La tendance moderne revient à priver les parents de tout droit de correction. Mais on peut se demander si on ne
risque par de les priver de toute autorité.
Les désordres de la jeunesse sont très imputables à l’instabilité des couples contemporains.
Le législateur a pris cela en compte : lois de 1987 et de 1993. Elles s’efforcent de favoriser la collaboration des
parents dans l’éducation des enfants alors mêmes qu’ils sont désunis. L’idée est de tout faire pour que l’enfant
ne soit pas partagé. Il doit garder ses deux parents.
On peut voir une tentative pour reporter l’indissolubilité du mariage.
L’enfant occupe une place de plus en plus importante.
Loi de 1790 dans le poly
Plusieurs types de tribunaux regroupés sous l’appellation de « tribunal de famille ».
Les dispositions sur le tribunal de Famille sont dans le titre 10. C’est rattaché à l’idée de conciliation, de
médiation.
D’après le titre, on n’a qu’un tribunal de famille.
Mais en regardant les dispositions du titre 10, on commence à en parler à partir de l’article 12.
Articles 12, 13 et 14 : tribunal composé d’arbitres qui rendent un jugement. Il y a un arbitre choisi par une partie,
et un arbitre par l’autre partie.
Ils doivent choisir des parents, ou amis ou voisins pour les arbitres.
L’idée des révolutionnaires était de retirer le pouvoir aux mains des juges.
Les arbitres vont devoir rendre une décision motivée. Chacun des parties nommera 2 arbitres. Si l’une d’elles
refusent, on s’adresse au juge qui désignera ces arbitres.
Il y a 4 arbitres, et on peut avoir recours à un surarbitre pour lever les partages de voie. On peut aussi faire appel.
A partir de l’article 15, on a une autre juridiction qui est le tribunal domestique de la famille assemblée. Ca
intervient à la demande des parents ou du tuteur en cas de mauvaise conduite des enfants. Il est composé de
parents, ou, à défaut, d’amis ou de voisins.
Article 15 à 17 : actions tentées.
On n’a pas confiance dans la famille. Il faut un personnage officiel, et souvent le juge de paix.
Les textes sont très confus. On mélange des juridictions qui sont différentes.
PARTIE 2 :
LES SUCCESSIONS
*Succession : la transmission des biens à titre universel (de tout le patrimoine) à cause de mort.
On appelle, traditionnellement, celui dont on règle la succession le de cujus.
Ce terme vient d’une expression latine plus complexe : de jis de cujus successonis…
On voit que, historiquement, le droit des successions a présenté une importance sociale considérable. C’est
beaucoup moins vrai aujourd’hui.
Pour deux raisons, elle a moins d’importance :
- On a changé de mentalité. Chacun compte avant tout sur son travail, son énergie, pour se construire un
patrimoine.
- Les successions ont vu leur importance diminuer du fait de la fiscalité.
Néanmoins, pendant très longtemps, il y a eu une importance sociale très grande.
Et le droit des successions est resté très stable jusqu’à une époque très proche.
De 1804, jusqu’au début du 21ème s, le droit des successions n’avaient pas évolué.
P. Clément : « cette réforme est très attendue. Les règles régissant les successions et les libéralités n’ont
quasiment jamais été réformées depuis 1804 ».
L’approche historique va être très importante.
TITRE 1 :
LA DEVOLUTION DE LA SUCCESSION
Il existe deux grands modes de l’attribution de la succession : avec testament, ou sans testament.
Toute la question est de savoir quelle est l’importance relative de ces deux modes d’attribution.
On constate que cette importance a varié suivant les époques.
A Rome, c’est le testament qui était le plus important.
Chez les romains, le testament était très bien considéré, et était très répandu, utilisé. On sait qu’à l’époque, il y
avait une malédiction : « que Jupiter te fasse mourir sans testament ».
La succession dans testament est la succession ab intestat.
Caton : « il faut à tout pris de se garder de trois maux : de voyager par mer, de confier un secret à une femme, et
de mourir sans avoir rédigé son testament ».
Pour un romain, c’est terrible de mourir sans testament.
A Rome, le testament était le mode normal de dévolution de la succession.
Sur la base de cette constatation, comment expliquer cette faveur des romains pour le testament ?
On peut faire le lien avec la première partie du cours : importance attribuée à la puissance paternelle. Grâce au
testament, la puissance paternelle peut s’ouvrir par delà la mort, dans la mesure où, par le testament, le pater
familias peut régler le sort de ses biens. Il y a, par exemple, l’exhérédation.
De plus, on a un individualisme dans le droit romain. Le testament favorise le triomphe de cet individualisme dans
la mesure où il permet à chaque individu de disposer librement de ses droits.
Chez les germains, c’est l’inverse. Le testament est inconnu.
Dans la pratique, le testament a commencé à dégénérer à l’époque franque. Il a fini par disparaître. C’est ainsi
qu’au MA, la succession ab intestat devient la règle.
Ce triomphe n’est pas difficile à expliquer : la famille joue une grande importance. On a une société extrêmement
violente. On a la famille en lignage, très étendue.
Les successions ab intestat assurent les droits de la famille contre les caprices individuels.
Cette succession sans testament est donc parfaitement adaptée dans cette époque.
Le testament réapparaît à partir du 13ème siècle, suite à al renaissance du droit romain.
Mais, en droit français, le rôle du testament restera toujours conçu comme un mode subsidiaire. Ca peut
expliquer les propos d’anciens auteurs :
Domat, juriste du 17ème siècle : qualifie les successions ab intestat de « légitime ».
« Les successions légitimes sont plus naturelles et plus nécessaires que les successions testamentaires dont l’usage
n’est qu’une exception à la règle qui donne l’hérédité au plus proche ». On admet le testament mais c’est une
exception.
La succession légitime est donc la succession conforme à l’ordre fixé par la coutume.
CHAPITRE 1 :
LES SUCCESSIONS AB INTESTAT
I.
La succession ab intestat en droit romain
L’histoire juridique romaine est très longue. Au cours de cette longue histoire, on a une évolution assez profonde.
Cette évolution des règles applicables en droit romain est liée à la profonde évolution de la structure familiale. La
double évolution s’est faite en trois étapes :
Les solutions de l’ancien droit romain. C’est le droit civil. Ces solutions de départ ont ensuite été aménagées par le
préteur, et par la législation impériale.
§1 Les solutions applicables dans l’AD romain
L’organisation familiale de l’ancien droit romain est caractérisée par un groupement des membres de la famille
selon trois cercles concentriques : au centre, le noyau, c’est la domus, cette domus est dirigée par le pater
familias et elle regroupe tous ceux qui sont soumis à sa puissance. Deuxième cercle regroupe plusieurs domus
c’est la parenté agnatique, elle est constituée par les agnas, c'est-à-dire pas les hommes. Le troisième cercle, c’est
celui de la gens, les GENTILES sont des collatéraux come les agnas mais à la différence des agnas l’ancêtre dont ils
se réclament est un ancêtre mythique.
La loi des 12 tables règle la succession en fonction de cette structure : elle dispose que si celui qui n’a pas
d’héritier meurt sans testament, que l’agnas le plus proche ait le patrimoine, s’il n’a pas d’agnas que les GENTILES
aient le patrimoine.
Il y a donc trois catégories d’héritiers :
 les directes : les SUI HEREDES
 l’agnas le plus proche : AGNATUS PROXIMUS
 les GENTILES
A. Les SUI HEREDES
On ne peut pas la traduire par les héritiers du défunt : HEREDES EJUS. SUI HEREDES signifie les héritiers de soi
même. Cette expression s’explique par l’idée de copropriété familiale qui domine à cette époque. Dans ces
conditions à Rome, les fils sont considérés comme ayant un droit sur le patrimoine du vivant du chef de famille.
Ce droit est simplement paralysé par la toute puissance du pater familias, mais ce droit devient effectif par la
mort du pater. Donc les fils qui succèdent à leurs paters sont en quelques sortes l’héritier d’eux-mêmes.
Explication fournie par GAIUS et par PAUL dans les juristes consultes. Paul insiste sur le fait que dans ce cas il y a
moins succession que continuation de la propriété. On peut donc y voir l’origine de la continuation de la personne
du défunt par son héritier.
1. Qui est appelé ?
Donc qui sont les SUI HEREDES ? Se sont les personnes qui ayant vécus sous la puissance du pater familias
deviennent sui juris par sa mort.
Fils du défunt, petit fils s’ils ont perdus leurs pères, ses filles à condition qu’elles ne soient pas mariées cum manu,
sa veuve à condition qu’elle est était mariée cum manu (loco filiae).
Font également partie des SUI HEREDES : enfants adoptés.
Enfants émancipés, enfants données en adoption ne peuvent plus être SUI HEREDES.
2. Comment sont ils appelés ?
Le principe est simple : ce lui de l’égalité entre les membres de la domus, de la maison.
Le droit romain n’admet aucun privilège, ni en faveur des ainés, ni en faveur des garçons.
Le droit romain fait figure d’exception dans les droits antiques.
Le partage de la succession se fait donc à parts égales.
Mais, ce partage s’opère non par tête, mais par souche en application de l’idée de représentation.
Première hypothèse : Le père qui décède, qui laisse un fils, et un petit fils né de ce fils unique : la solution est
simple. Le petit fils est exclu de la succession.
En effet, le père est plus proche en degré. il est logique qu’il succède. Puis, comme ce petit fils reste en puissance,
il n’a pas de patrimoine et ne peut donc pas recueillir de succession.
Deuxième hypothèse : le père laisse un fils, et un autre fils prédécédé. Ce dernier laisse, lui-même, un fils vivant :
on divise la succession en 2 entre le fils vivant et le petits fils né du fils prédécédé. Le petit fils, qui devient sui
juris, peut prétendre, au nom de son père prédécédé, à la moitié de la succession, en vertu de la représentation.
Le terme de représentation n’est apparu qu’au MA. Les romains disaient « succession in locum » (succession à la
place de…).
Troisième hypothèse : le fils prédécédé laisse 2 fils, lui-même. les 2 petits fils succèdent in locum. La succession
est divisée en 2. Le fils vivant aura la moitié, et les deux petits fils auront chacun ¼ la succession se fait par
souche, et non par tête.
B. L’agnatus proximus
L’agnatus proximus est le parent le plus proche par les hommes.
1. Qui est appelé ?
Celui qui est appelé est le plus proche parent collatéral, par les hommes.
La loi des 12 tables n’apportent pas beaucoup de précision : on considère que ca a lieu quelque soit le degré.
Il n’y a pas de limitation de degré. La seule chose qui compte est qu’il soit parent par les hommes.
Il suffit de prouver la parenté.
2. Comment ?
Dans cette hypothèse, l’ancien droit romain ne connaît ni représentation, ni partage par souche.
En conséquence, le plus proche exclut tous les autres.
Et à égalité de degrés, tout le monde succède. Mais le partage se fait par tête.
Ca veut dire, concrètement, que s’il y a un de cujus qui a 2 frères, prédécédés. L’un des frères avait 2 fils, et
l’autre n’en avait qu’un. On a 3 neveux. On divise la succession en 3. On n’a pas de partage par souche, mais un
partage par tête.
Dans cette hypothèse, il n’y a pas non plus de dévolution de degré à degré.
On applique, à la lettre, la loi des 12 tables.
Si l’agna le plus proche refuse la succession, ou s’il meurt avant de l’avoir acceptée, l’agna suivant, dans l’ordre
des degrés, de pourra pas succéder à sa place. La loi désigne l’agna le plus proche. On applique strictement le
texte.
La succession sera déclarée vacante car l’agna suivant n’était pas l’agna le plus proche au moment du décès du de
cujus.
C. Les gentiles
A défaut d’agna, la loi des 12 tables appelle les membres de la gens.
On sait très peu de chose sur la vocation successorale des gentiles.
On est donc réduit à des suppositions. Il est vraisemblables que la gens, comme entité collective, qui recevait les
biens. On aboutissait à une sorte de copropriété.
La vocation successorale de la gens est tombée en désuétude. A l’époque classique, elle a complètement
disparue. Or, tout ce qu’on sait sur le fonctionnement du système successoral de l’ancien droit romain, on le sait
notamment grâce aux jurisconsultes.
§2 le droit prétorien
Le préteur a une mission d’adaptation du droit romain.
L’époque classique, époque qui commence avec la loi des 12 tables, et qui va jusqu’en 284 ap. JC, est marquée
par de nombreux bouleversements. En ce qui concerne le droit de la famille, il y a deux bouleversements
essentiels :
- l’affaiblissement de la patri potestas.
- La parenté par le sang s’impose de plus en plus comme fondement de la famille. Ceci, au détriment de la
puissance.
Le préteur va donc intervenir pour adapter le droit civil à ce nouvel état de fait. Le préteur va intervenir vers la fin
de la République, au 1er siècle avant JC. Il battit un nouveau système successoral, qui se juxtapose à l’ancien
système, issu du droit civil.
Le droit civil subsiste. Mais il est doublé par un système prétorien. L’intervention du préteur pose encore
problème dans la mesure où le préteur n’a pas de pouvoir législatif.
Le préteur a le pouvoir de dire le droit (juris dictio), maos aucun pouvoir législatif. Il n’a pas la qualité pour faire
des héritiers. Il n peut donner le titre d’héritier à quelqu’un.
Mais, en vertu de son imperium, il dispose d’un moyen qui lui permet d’aboutir à un résultat analogue : l’envoi
en possession. Ce procédé est très intéressant, dans la mesure où il démontre l’importance des situations de
fait dans l’adaptation du droit. Le préteur tient compte des situations de fait.
Le préteur intervient pour corriger certaines injustices, ou des situations de fait qui, à son époque, sont
considérées comme des injustices. C’est en particulier une intervention pour corriger l’exclusion des parents par
le sang.
Le préteur peut également intervenir pour combler certaines lacunes du droit. C’est ainsi que, dans le système du
droit civil, il n’y avait pas de dévolution de degré à degré en ligne collatérale.
Le préteur interviendra pour corriger cette lacune.
Le préteur va accorder une bonorum possessio (une possession des biens) à certaines personnes.
Ces personnes vont ainsi être appelées à la possession ab intestat, en tant que bonorum.
A. Les cas de l’envoi en possession
Ces cas ont été précisés un peu à la fois. Le droit est en perpétuelle progression.
Dans l’édit du préteur, ils sont classés par ordre de préférence, selon l’intérêt porté au bénéficiaire.
D’après cet édit, les héritiers sont appelés dans l’ordre suivant :
- Le préteur appelle les libéri.
- Ensuite les légitimi
- Les cognati
- Le conjoint survivant.
1. Les libéris
Les descendants du défunt. Ce sont les enfants, ou petits enfants du défunt.
Ce sont TOUS les enfants du défunt.
Les enfants émancipés sont donc inclus.
2. Les légitimis
Ils sont appelés à défaut de descendants.
Ils sont les héritiers du droit civil : héritiers désignés par la loi des 12 tables.
Leur droit repose sur la lex (d’où letigimi).
On appelle l’agnatus proximus, c'est-à-dire le parent collatéral le plus proche.
3. Les cognatis
Ils sont appelés à défaut de légitimis.
Ce sont les parents, de manière générale, ascendants ou collatéraux, en ligne paternelle, ou maternelle (parenté
par le sang qui apparaît). Le préteur fixe une limite : jusqu’au 7ème degré inclus.
Le préteur, pour cette limite, s’est fondé sur les sentiments d’affection présumés su défunt.
4. Le conjoint survivant
Il est appelé à défaut de parent par le sang jusqu’au 7ème degré. Il est appelé qu’à un rang ultime, et à) titre
exceptionnel. On reconnaît, malgré tout, ses droits.
B. Les effets de l’envoi en possession
Il faut retenir que le bonorum possessor, celui qui bénéficie de l’envoi en possession, est loco heredes (comme un
héritier). Il a la place d’un héritier.
C. Le fonctionnement de l’envoi en possession
Les bénéficiaires d’une bonorum possessio ont été classés par le préteur en 4 catégories.
Par ordre de préférence. En pratique, le préteur a organisé une dévolution d’ordre à ordre, et dévolution de degré
à degré.
- La dévolution d’ordre à ordre :
En pratique, le préteur ouvre, pour chacune de ces 4 bonorum possessiones, un délai de 100 jours pendant
lesquels les personnes intéressées peuvent demander la bonorum possessio.
Le preteur ouvre donc d’abord ce délai de 100 jours pour les bonorum possessors des libéris (descendants). Si, au
bout de 100 jours, personne ne s’est manifesté, le préteur ouvre un nouveau délai de 100 jours aux bonorum
possessors de la seconde catégorie. Et ainsi de suite.
Ceci dit, certains héritiers peuvent être inclus dans plusieurs catégories, et sont donc appelés plusieurs fois.
Exemple : les enfants appartiennent aux libéris. Mais ils appartiennent aussi à la catégorie des légitimis, ainsi qu’à
la catégorie des cognatis.
Donc les enfants ont 300 jours.
- la dévolution de degré à degré :
elle a été admise par le préteur pour les bonorums possessors de la 3ème catégorie : pour les cognas (les parents
par le sang).
On voit que le régime prétorien repose sur la famille cognatique.
A la différence du régime du droit civil, qui reposait sur la parenté cognatique, et qui était fondé sur la puissance
(cas de l’enfant émancipé par exemple).
Mais, le préteur n’a pu accorder à cette famille cognatique, qu’une place secondaire. L’évolution est donc
inachevée. Elle va se poursuivre à travers la législation impériale.
§3 Le droit impérial
Le législateur impérial a, face à lui, 2 systèmes
- De l’ancien droit
- Et le système prétorien
Le législateur va procéder à une sorte de synthèse.
Plus précisément, il va s’efforcer de concilier les 2 systèmes précédents en donnant, cependant, la préférence à la
solution du préteur.
Les mesures législatives qui se succèdent au cours des siècles vont conduire au triomphe de la succession
cognatique sous Justinien.
A. Les principales réformes législatives
Ces réformes portent sur les rapports successoraux entre la mère et l’enfant.

Le sénatus conulte Tertullien
La première réforme résulte d’un senatus consulte : le senatus consulte Tertullien, rendu sous le règle de
l’Empereur Adrien. Ca date de la 1ère moitié du 2ème siècle après JC.
Ce senatus consulte appelle la mère à recueillir la succession de ses enfants.
Mais, la mère pouvait déjà faire valoir ses droits dans la succession de ses enfants, puisqu’elle faisait partie de la
3ème catégorie.
Mais, même si à première vue ce senatus consulte ne fait que confirmer les solutions qui accordaient déjà des
droits à la mère, ce dernier va plus loin car il présente deux avantages non négligeables. :
- Elle bénéficie d’une succession civile. Elle a vraiment le titre d’héritier.
- La mère a un rang plus avantageux qu’auparavant car, dans le système du préteur, elle faisait parti du
3ème ordre, et était donc primée par les 2 premiers ordres. Or, ici, ce n’est plus le cas.
 Le senatus consulte Orfitien
Rendu en 178. Il constitue la réciproque du senatus consulte car il permet aux enfants de succéder à leur mère et
il consacre les mêmes progrès que le senatus consulte Tertullien : les enfants bénéficient d’une succession civile,
et non plus prétorienne. De plus, ils passent avant les agnas.
A la fin du 4ème siècle, les empereurs étendent le régime aux autres ascendants maternels. Donc, désormais, les
ascendants, et les descendants maternels, quelque soit le degré, sont considérés comme des héritiers civils, sans
limitation de degré.
Dans le code de justinien, on trouve encore la dualité de régime.
Mais, quelques années après la promulgation du code, Justinien décide de refondre tout le droit en la matière :
 Dans le Recueil des Novels : Novel 118, de l’année 544. C’est le régime qui résulte de cette novel que l’on
présentera.
B. Le régime des successions dans le droit de Justinien : la succession cognatique
1. Qui succède ?
Première constatation : l’agnation est complètement abolie. Justinien répartit les héritiers en 4 ordres :
- Les descendants
- Les ascendants et les collatéraux privilégiés.
-
Les collatéraux ordinaires
Le conjoint survivant
a. Les descendants
Ils sont appelés en 1er lieu.
En cas de concours d’héritiers, on fait jouer la règle de la proximité du degré. On préfère l’héritier le plus proche.
Mais cette règle est tempérée par la règle de la représentation.
Le partage s’effectue par tête entre descendants du même degré, mais il s’effectue par souche entre descendants
de degrés différents.
b. Les ascendants et les collatéraux
A défaut de descendant, le droit de justinien appelle les ascendants et les collatéraux privilégiés : ceux-ci sont les
frères et sœurs germains du défunt, c'est-à-dire issus du même père et de la même mère.
En ce qui concerne les ascendants, le plus proche exclut le plus éloigné.
Cependant, s’il y a des ascendants au même degré, dans les 2 lignes (maternelle, ou paternelle), la succession est
divisée entre les 2 lignes
Exemple : le défunt a déjà perdu ses 2 parents. Mais ce défunt laisse 2 grands parents paternels, et une grandmère maternelle.
Le partage va se faire entre les 2 lignes. La succession sera divisée en 2 : la grand-mère aura le droit à la moitié, et
les grands parents paternels auront le droit à l’autre moitié. C’est ce qu’on appelle la fente.
En ce qui concerne les collatéraux privilégiés, le partage s’opère, en principe, comme pour les descendants.
C’est un partage par tête, sauf à faire jouer le système de la représentation.
Ces collatéraux privilégiés ont le même père et la même mère du défunt. On dit qu’ils bénéficient d’un privilège
du double lien. En vertu de ce privilège, ces collatéraux excluent tous les autres collatéraux, même les frères et
sœurs utérins, et, également, les frères et sœurs consanguins.
C’est ainsi que le neveu, descendant d’un frère germain, sera préféré au demi-frère.
S’il y a, à la fois, des collatéraux privilégiés, et des ascendants, le partage de fait, entre tous, par tête, mais la
représentation joue en faveur des descendants des collatéraux.
c. Les autres collatéraux
Les autres collatéraux sont appelés à la succession par ordre de proximité de degré.
C’est le plus proche qui va hériter. La représentation ne joue pas. Le plus proche exclut le plus éloigné.
A degré égale, les collatéraux partagent par tête.
Justinien n’a pas précisé les limitations de degré.
On a repris la limitation au 7ème degré qui vient du droit prétorien. Les collatéraux peuvent donc succéder jusqu’au
7ème degré.
d. Le conjoint survivant
Le conjoint survivant peut recueillir la succession en absence de représentation des autres ordres. On reprend la
solution du droit prétorien.
Mais, Justinien a créé la Quarte du conjoint pauvre au profit du conjoint survivant. Ca a été créé, à l’origine, pour
la veuve, mais ca a été étendu au Veuf.
Elle permet au conjoint, dans le besoin, de prélever le ¼ de la succession du conjoint prédécédé.
Ce quart lui est attribué en pleine propriété.
2. Comment succède-t-on ?
Le droit de Justinien a consacré beaucoup de règles antérieures, et, en particulier, la représentation, et le partage
par souche, au moins entre les descendants et les collatéraux privilégiés.
Il a également repris, dans l’édit du préteur, le principe de la dévolution d’ordre à ordre, et de degré à degré.
Il a introduit une nouvelle règle : l’institution de la fente successorale (en droit romain, la fente n’existe qu’entre
les ascendants, et pas entre les collatéraux, alors qu’en droit moderne, elle joue aussi entre les collatéraux).
En résumé, le droit romain a dégagé quelques règles simples en matière de succession. Ces règles sont les
suivantes :
- L’hérédité revient aux parents les plus proches, en ligne paternelle, ou maternelle.
- A degré égal, le principe est celui de l’égalité entre les héritiers. Les femmes ont les mêmes droits que les
hommes, et les cadets ont les mêmes droits que les ainés.
- A Rome, la Succession est unique, comme le patrimoine. Les héritiers reçoivent tout le patrimoine du
défunt. Ils reçoivent tous les biens qui constituent le patrimoine, quelque soit l’origine de ces biens, et
quelque soit aussi leur nature.
Ce principe est le principe de l’unité du patrimoine successoral. Or, notre ancien droit va admettre des
principes opposés.
II. La succession ab intestat dans l’ancien droit français
la conception de la famille de l’époque : l’originalité des solutions pratiquées s’explique par une conception
différente de la structure de la famille, et par une conception différente de la propriété.
Les changements s’expliquent, en partie, par l’influence germanique
§1 Les origines du droit coutumier
Le droit coutumier porte la marque de l’influence germanique. Mais, si cette influence est certaine, elle n’est
cependant pas exclusive.
Elle a été tantôt contrebalancée, et parfois infléchie par un certain nombre de facteurs.
A. Le droit successoral à l’époque franque
Par principe, c’est le plus proche parent sur sang qui est appelé à succéder. En effet, à la différence des romains,
les germains n’ont pas connu de parenté agnatique.
Les parents des 2 lignes ont donc vocation à recueillir la succession.
Le système des parentèles : système construit par les germanistes ; la parenté serait calculée d’après le
système des parentèles.
Tableau page 9 du plan : Les chiffres arabes correspondent au degré de parenté par rapport au défunt, selon le
système de computation romain.
La première parentèle réunit tout ceux qui descendent du de cujus.
La deuxième parentèle comprend les père et mère du défunt et leur descendant (neveux…).
La troisième parentèle comprend les grands parents du défunt et leurs descendants (les oncles et tantes, les
cousins germains…).
Les parentèles sont appelés à succéder successivement, et on épuise chacun d’elles avant de passer à la suivante.
Donc on va préférer le petit neveu, à l’oncle qui appartient à la 3ème parentèle.
Il n’y a aucune justification pour cette analyse. Mais on est en droit de penser que la réalité ait été aussi
rationnelle.
Ce qui est certain c’est qu’à la mort d’un individu, il y a transfert de ses biens à un groupe donné.
La transmission des biens est donc fondée sur les liens du sang, et sur la communauté de vie.
Le système successoral s’explique par la propriété familiale primitive. L’unité fondamentale est la maison, et non
l’individu.
Si l’un des membres de cette maison meurt, on veut que ces biens reviennent aux autres membres de cette
maison.
A défaut, on veut que ces biens reviennent à une maison plus ancienne dont cette maison, à laquelle appartenait
le De Cujus, s’est détachée.
La représentation n’existe pas. Il n’y a aucune trace en droit franc.
Ensuite, on a l’exclusion des femmes, au moins pour les terres des anciens.
Le motif de l’exclusion est évident : on a peut que, par leur mariage, les femmes fassent passer les biens de
première importance, dans une autre famille.
Les francs reconnaissent l’existence de la part du mort dans la succession. En effet, chez les francs, le défunt était
enterré avec un certain nombre d’objets personnels : des chevaux, des armes, des bijoux…
Ces objets étaient censés suivre le mort dans l’au-delà pour continue à le servir.
On pense que cette part du mort correspondait à peu près au 1/3 des meubles.
Ces règles spécifiques applicables ont exercées une certaine influence sur le droit coutumier.
B. Les facteurs d’évolution
Dès l’époque franque, on a des conflits dus à la rencontre des 2 droits : barbare, et droits romains. Ces deux droits
étaient opposés.
Malgré tout, jusqu’au 8ème siècle, la société est restée relativement stable. En revanche, la période qui va du 9ème
au 11ème siècle, est une période de bouleversement, de grandes nouveautés.
C’est à cette époque qu’on voit se former des coutumes qui ont retenu des traits du droit ancien. Mais ces
coutumes ont également dû innover pour répondre aux besoins de l’époque.
Ces nouveaux besoins résultent essentiellement de facteurs politiques, sociaux, et économiques. Ils sont liés à la
crise politique et économique de la fin de l’époque carolingienne.
A cette époque, la peur, le besoin de protection, contribue à créer des solidarités nouvelles au sein du groupe
familial, ou au sein d’un groupe féodal.
Ca contribue à expliquer l’apparition de nouvelles structures familiales.
Dès le début du 10ème siècle, et le milieu du 10ème siècle, on a une nouvelle structure qui privilégie la filiation
par les hommes, dans les familles aristocratique. La famille se perpétue de mère en fils, et l’héritage se transmet
de la même manière. Apparaît alors le lignage. Ca devient le modèle sur lequel la famille sera structurée dans
d’autres couches de la société.
Mais, dans ces autres couches, ca coexiste avec la maisonnée ou le ménage.
Le problème c’est que le lignage et le ménage ont des intérêts souvent contradictoires.
Le droit successoral, qui se met en place à cette époque, va chercher à concilier ces intérêts contradictoires.
En effet, le ménage, issu du mariage, est une communauté de vie entre 2 individus, appartenant, chacun, à 2
familles différentes.
Chacune des familles a la hantise de voir un bien immobilier lui échapper au profit de l’autre famille.
Alors que le lignage domine dans l’aristocratie féodale, le ménage a tendance à l’emporter dans les villes. Entre
ces 2 extrêmes, il existe un éventail de compromis.
Les règles s’efforcent d’établir un équilibre acceptable entre l’intérêt du ménage et ceux du lignage.
Le droit coutumier qui se met en place à l’époque féodale, et qui commence à être connu à partir du 13 ème siècle,
est, de toute évidence, la résultante d’influences diverses. Et le système qu’il met en place est donc un système
original, aussi bien par rapport au bien romain, que par rapport au bien germanique.
§2 Les principes du droit coutumier
Le droit successoral est le domaine dans lequel la coutume a élaboré les règles les plus complexes et les plus
diverses.
A la différence de ce qui se passait en droit romain, et ce qui se passe en droit moderne, l’ancien droit français n’a
pas connu le principe de l’unité du patrimoine, et donc de l’unité de la masse successorale.
Dans l’ancien droit, les règles de dévolution des biens, de la succession, sont susceptibles de varier en fonction de
la nature des biens (par exemple, ca sera différent selon qu’il s’agisse de meubles ou d’immeubles). Ca sera
différent aussi qu’il s’agisse d’une terre noble, d’un fief, d’une tenue, ou d’un alleu.
Ca peut aussi varier selon l’origine des biens : propres ou acquêts. La différence est vraiment essentielle. Les
propres sont les biens provenant de la famille du défunt. Les acquêts sont les biens acquis par le défunt. On
estime que les propres doivent rester dans la famille d’où ils proviennent car on considère que le défunt n’en était
que dépositaire.
Les règles de dévolution de la succession vont faire en sorte d’assurer le maintien dans la famille.
Les règles de dévolution de la succession sont aussi susceptibles de varier selon l’appartenance sociale du défunt,
c'est-à-dire selon sa qualité. Dans certaines régions, il existe un droit successoral de la noblesse, distinct du droit
applicable aux roturiers.
Parmi les roturiers, il faut faire une distinction entre les libres, et les serfs. Les serfs sont soumis à des dispositions
particulières en matière successorale.
Ces règles particulières applicables à la succession du serf : le droit de main morte (le serf ne peut pas transmettre
ses biens).
Pour les fiefs, de même, il y a des règles spécifiques. Ce sont des terres nobles. On a le privilège de la masculinité,
et le droit d’aines.
On a une grande diversité, une grande complexité.
On s’en tiendra, ici, aux règles applicables pour les successions ordinaires. Mais, les règles varient souvent d’une
région à l’autre.
Elle varie, parfois même, d’une localité à l’autre. Pour rendre compte de cette diversité, on dit souvent de
l’époque qu’il y a une mosaïque coutumière.
Cette grande diversité coutumière pose évidemment des difficultés pratiques, dans la mesure où, en droit
successoral, comme dans d’autres domaines, les immeubles sont soumis à la coutume de leur lieu de situation.
Règles applicables au conflit de coutumes : en cas de mort, pour le meuble, on applique la coutume du dernier
domicile du défunt. Pour l’immeuble, il suit le lieu où il est assis. Donc on lui applique la coutume de son lieu de
situation.
L’ancien droit est donc caractérisé par une grande diversité. Cependant, il faut nuancer cette complexité :
YVER JEAN et ROBERT JACOB : ils ont mis en évidence l’existence de familles coutumières. On peut déceler des
points communs entre les coutumes pour les regrouper au sein d’une même famille.
Ainsi, Jean YVER a mis en place l’existence de 4 grands groupes de familles de coutumes.
Exemple : pour le droit des successions, il a dressé des cartes de pays coutumiers, en fonction de leur admission
de l’égalité successorale.
4 familles :
- Les coutumes de l’ouest : coutumes de Normandie, de Bretagne, du Maine, d’Anjou, d’une partie de la
Touraine, et de Poitou. Ces coutumes se distinguent par leur caractère très conservateur. Ce caractère est
poussé à l’extrême en Normandie dont la coutume apparaît parfois comme réactionnaire.
- Le groupe parisien : les coutumes de Paris, et d’Orléans. C’st le noyau primitif du domaine Royal, des
capétiens. Ces coutumes sont relativement avancées. Elles vont, de plus en plus, être considérées comme
le droit commun coutumier.
- Les coutumes du Nord : on ne prend pas en compte les frontières d’aujourd’hui qui sont récentes. Les
frontières juridiques ne suivent pas toujours les frontières politiques. Ces coutumes se divisent en 2
groupes différents :
 Le groupe flamingant : coutume d’Anvers, coutume de Gand, mais aussi la coutume de Bergues.

Le groupe picard-wallon : coutumes de Lille, de Valencienne, de Mons (en Belgique actuellement).
Ce qui fait le lien entre ces deux groupes c’est que, d’une manière générale, toutes ces coutumes se
caractérisent par un esprit communautaire. Elles accordent une grande importance à la communauté de
ménage (parents et enfants). Cette importance n’est pas aussi marquée dans les deux groupes. Elle est
beaucoup moins marquée dans le droit flamant, dans le groupe flamingant, car il a réagi en fonction des
intérêts du lignage. Ca explique que les coutumes du groupe flamand admettent la représentation à
l’infini, alors que les coutumes du groupe picard-wallon ignorent cette représentation et favorise
l’attribution massive des biens du ménage à l’époux survivant.
Pour présenter ces règles, il faut présenter les quelques grands principes communs. On peut les résumer en
disant que dans l’ancien droit coutumier, la succession est attribuée de préférence aux descendants, et, à défaut,
aux ascendants et aux collatéraux.
A. La succession des descendants
C’est la solution normale. Les biens du défunt reviennent aux descendants qui sont les continuateurs des intérêts
de la famille. Ils héritent donc de tous les biens sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les propres et les acquêts.
1. Le principe d’égalité
Mai il peut arriver qu’il y ait plusieurs descendants : le principe est l’égalité. A degré égal, partage égalité.
Normalement, il n’y a donc ni droit d’ainés, ni privilège de masculinité. Le principe d’égalité joue aussi bien par
rapport à l’âge, et aussi bien par rapport au sexe.
2. Les exceptions
La première concerne l’hypothèse dans laquelle il y a plusieurs descendants mais provenant de lits différents : un
veuf qui s’est remarié mais qui a son décès laisse des enfants nés de ses deux mariages successifs. Ses enfants
partagent-ils également la succession ? La réponse varie selon els régions :
 dans celles du Nord, certaines coutumes accordent un préciput important aux enfants du premier lit. Ce
préciput correspond au droit de dévolution.
Ce droit de dévolution était appliqué en Hénault en Brabant et à Namur. Il consistait à faire attribuer tous les
immeubles du premier ménage aux enfants nés de ce ménage. Les enfants nés du second lit n’avaient aucun droit
sur ses biens. Ce droit à amener à la guerre de dévolution entre Louis 14 et Charles 2 roi d’Espagne. Lois 14 avait
épousé Marie Thérèse issu du premier lit de Philippe 4. En 1666 à la mort de Philippe 4 c’est son fils qui lui
succède. Charles 2 est mineur et issu du second lit de Philippe 4. Au moment du mariage de Marie Thérèse avec
Louis 14, Philippe 4 avait promis de payer une dote intéressante mais cette dote n’a jamais été versée. En
contrepartie Marie Thérèse avait renoncée à se prévaloir de se droit de dévolution, donc de ne pas réclamer les
pays bas. Comme dote pas payé, Louis 14 dit que la renonciation tombe, donc Louis 14 réclama au nom de sa
femme tous le Duché de Namur, il fit occuper ce duché par ces troupes. C’est le point de départ de la guerre de
dévolution. Louis 14 va conquérir les pays bas méridionaux y compris la ville de Lille.
Troisième exception : Le privilège de MAINETE est un droit d’ultimo géniture : c’est un droit réservé au cadet,
donc au plus jeune, on vertu de ce droit de MAINETE le cadet des enfants à le droit d’obtenir au moins la maison
de ses parents. A la mort du père, les ainés sont souvent pourvus alors que le plus jeune est resté avec ses vieux
parents, il prend dont naturellement la place du père, c’est lié à la vieille pratique des communautés roturières.
Troisième exception : Il ya également des atteintes à l’égalité en défavorisant les filles par certaines coutumes :
En principe, chez les roturiers, les filles succèdent à égalité avec leur frère. Mais, dans certaines régions, le droit
coutumier privilégie les garçons. C’est le cas, notamment, en Normandie. Le droit Normand est un droit « tout
Mâle ». Les adages qui ont cours en Normandie sont révélateurs : « fille doté d’un chapèle de rose n’a plus rien a
prétendre » : ainsi, même si la dote n’est qu’un simple chapeau de fleur, ca suffit. La dote peut être modeste.
De manière générale, le sort des filles est souvent réglé par leur contrat de mariage.
Et, elles sont exclues de la succession si elles ont été dotées. Dans ce cas, il s’agit d’une exclusion contractuelle.
Mais, il existe également une exclusion pécuniaire dans certaines coutumes, qui prévoit, expressément l’exclusion
des filles dotées.
Enfin, les filles qui entrent en religion reçoivent également une dote, versée à la congrégation. En plus, elles
n’héritent pas (les religieux sont frappés de la mort civile).
3. Le problème de la représentation
Ca joue lorsqu’on a plusieurs descendants.
Plus exactement, il faut rappeler que le système de la représentation implique qu’en cas de concours entre
héritiers d’un même degré, si l’un d’eux est prédécédé, ses descendants le représentent et recueillent la part de
succession qui aurait dû lui revenir.
La représentation est une exception au principe selon lequel, pour succéder, il faut être en vie au moment du
décès du de cujus.
La représentation était connue du droit romain, mais elle était inconnue en droit germanique.
Dans l’Ancien droit, on se heurte à la diversité des coutumes. Toutes n’ont pas adopté la même solution.
En ce qui concerne les provinces du Nord, en Artois, à Tournai, et dans le Camp-brésille, et dans le groupe Picard
Wallon de manière plus générale, la représentation est inconnue au MA, même en ligne directe.
A l’inverse, dans les coutumes flamingantes, la représentation est admise à l’infini. Cette différence s’explique par
la force, plus ou moins grande, des pratiques communautaires.
En effet, les coutumes les plus communautaires refusent la représentation. A la mort d’un des fils, la
communauté familiale continue entre les survivants, sans que les petits enfants ne participent. Et, ils ne doivent
donc pas participer à la succession.
On a une volonté d’une société assez ruse, à l’époque. On préfère confier le patrimoine aux adultes, plutôt qu’à
des enfants.
On constate que ces divergences entre ces différentes coutumes ont été remises en cause au 16 ème siècle, lors de
la rédaction des coutumes.
Au moment de la rédaction des coutumes, les commissaires royaux ont introduit, partout où ils ont pu, la
représentation des enfants qui est devenue la règle de droit commun. Donc, désormais, les petits enfants
représentent l’enfant prédécédé. On a une succession qui se fait par souches et non par têtes.
B. La succession des ascendants et des collatéraux
A défaut de descendants.
Il y a une règle générale : aucune limite n’est fixée à la parenté. Peu importe le degré de parenté entre le défunt
et les héritiers.
1. Les règles applicables en cas de concours entre ascendants et collatéraux
Comment régler le concours entre ascendants et collatéraux ?
On voit que les solutions de l’Ancien droit français s’opposent à celles du droit romain.
En droit romain :
Tous les ascendants étaient appelés à la succession avec les collatéraux privilégiés, c'est-à-dire, avec les frères et
sœurs germains (mais avec eux seuls). Ils étaient préférés aux autres collatéraux.
Au contraire, la majorité des coutumes préfère les ascendants aux collatéraux. Tout au moins, en ce qui concerne
la succession aux meubles et acquêts, car, en ce qui concerne les biens propres, ils sont attribués aux collatéraux.
On aboutit donc à une espèce de répartition sommaire : les ascendants prennent les meubles et acquêts, et les
collatéraux prennent les propres. S’il n’y a que des collatéraux, ils prennent tout.
Ces collatéraux sont beaucoup plus privilégiés qu’aujourd’hui.
Certaines coutumes adoptent des solutions particulières.
Exemple : de nombreuses coutumes du groupe flamingant admettent que les père et mère peuvent recueillir la
succession de leur enfant décédé, à condition, selon ces coutumes, que le lit ne soit pas brisé.
On évoque la communauté de vie. il faut que le ménage soit intact, et donc qu’ils soient tous les 2 encore vivants
(le divorce n’existait pas à l’époque).
Si l’un des deux est décédé, le survivant est exclu de la succession par ses propres enfants
2. Les règles applicables à la succession des collatéraux
Deux règles principales :
a. La représentation en ligne collatérale
On se heurte à la diversité coutumière. On peut distinguer 3 cas de figure.
- Certaines coutumes admettent cette représentation de manière générale. Comme les coutumes de
Flandres. La représentation joue à l’infini.
- Des coutumes n’ont permis la représentation qu’assez tard (16ème siècle), et ne lui ont attribué que des
effets limités. Elle est limitée aux neveux et aux nièces.
Nombreuses coutumes appartenant aux Picard-Wallon.
- Quelques coutumes ignorent complètement la représentation et elles continueront à l’ignorer jusqu’à la
Révolution. Comme les coutumes d’Artois.
b. La règle PATERNA-PATERNIS, et la règle MATERNA-MATERNIS
Règle ancienne. Son existence est attestée dès le 13ème siècle. Elle sera formulée dans les coutumes de Beauvaisis
de Philippe de Beaumanoir.
Les biens provenant du côté paternel doivent aller aux parents de la ligne paternelle. Et les biens provenant du
côté maternel doivent aller aux parents du côté maternel. On prend en compte les intérêts du lignage. On assure
le retour des biens dans la ligne concernée.
Mais, il faut comprendre que la règle ne concerne, en principe, que les propres.
Les propres ont une origine familiale. La famille, le lignage, ne peut revendiquer que ses propres.
En pratique, il ne s’agit que des immeubles.
Or, la France de cette époque est encore un pays agricole où les revenus proviennent essentiellement de la terre.
La terre s’identifie donc, avec la famille, à une famille, dans laquelle elle doit demeurer. On assure le maintien des
immeubles, des terres, dans les familles.
3. Les règles particulières à la succession des ascendants
Les ascendants sont normalement exclus de la succession aux propres. Cette règle est formulée dans un adage :
« propres ne remontent ».
C’est un système parentèlaire qui implique que les biens descendent dans chaque parentèle. Les ascendants ne
peuvent donc avoir de droits qu’après tout ceux qui sont issus d’eux.
En revanche, les ascendants succèdent normalement aux meubles et acquêts. En effet, en ce qui concerne les
meubles, ceux-ci ont été, très longtemps, des biens de faible valeur (RES MOBILIS, RES VILIS). Ces meubles collent
à l’individu. Et ils répondent, pour lui, en cas de mauvaise fortune. Ces meubles n’ont ni souche, ni suite. Peu
importe de les attribuer à une famille ou à une autre.
En ce qui concerne les acquêts, ils sont des biens acquis par le de cujus lui-même. Dans cette mesure, la famille
n’a qu’une très faible emprise sur ces biens puisqu’ils ne viennent pas d’elle.
4. Les remarques complémentaires
a. Le système de la fente
Pour tous les autres biens que les propres (donc pour les meubles et les acquêts), certaines coutumes appliquent
le système de la fente.
L’objectif est d’éviter que la fortune du défunt puisse passer toute entière au lignage paternel ou maternel par
l’attribution au plus proche héritier.
En cas de concours entre héritiers dans les deux lignes, la coutume attribue donc la moitié des biens meubles et
acquêts au plus proche héritier de chaque côté.
On a une fiction juridique : la coutume présume que ces biens sont provenus pour parts égales des 2 côtés.
b. Les droits du conjoint survivant
Lorsque le défunt était marié, le conjoint survivant avait-il des droits ?
Jusqu’au 16ème siècle, le conjoint survivant n’avait aucun droit dans la succession de son époux prédécédé. Le
conjoint ne fait pas parti du lignage familial. C’est un étranger.
L’idée t d’attribuer des biens en fonction des affections présumées du conjoint est étrangère aux mentalités.
A partir du 16ème siècle, sous l’influence du droit romain, on tend à ajouter le conjoint survivant à la liste des
successions à titre ultime. Il ne pourra faire valoir ses droits qu’à défaut de descendants, à défauts d’ascendants,
et à défaut de collatéraux, sans limitation de degré.
Le conjoint survivant est tout juste préféré au fisc.
En pratique, l’attribution de la succession au conjoint survivant n’est qu’une hypothèse d’école.
Le droit de cette époque n’est toujours pas favorable au conjoint survivant. On a peur qu’il fasse passer des biens
dans une autre famille.
Mais, malgré tout, en pratique, on doit assurer des moyens de vivre. Le sort du conjoint survivant, en général, est
réglé au moment du contrat de mariage, par une donation.
Il est aussi, en partie, réglé par la coutume qui reconnaît, à la femme, veuve, le droit à un douaire. La femme
bénéficie d’un usufruit sur les propres de son mari.
Donc, dans l’immense majorité des cas, le droit du conjoint survivant ne se règle pas sur le terrain des
successions, mais relève du régime matrimonial.
Toutefois, certaines coutumes privilégient le conjoint survivant et l’appelle en premier lieu à la succession. C’est le
cas des coutumes du groupe Picard-Wallons.
Exemple : article 34 de la coutume de Landrecies : « de deux conjoints, l’un est héritier de l’autre ». Le dernier
vivant garde tout. Ca marque la priorité du ménage sur le lignage.
Mais, une telle règle risque de conduire à dépouiller une famille au profit d’une autre.
Cette règle sera donc progressivement écartée. En pratique, les droits successoraux du conjoint survivant vont
dépendre de l’existence, ou non, d’enfants nés du mariage.
Solution adoptée dans els coutumes Picard-Wallon qui consacre le système de ravestissement : ca aboutit à une
communauté universelle entre époux. On distingue 2 types de ravestissement :
- Le ravestissement de sang : attribue tous les biens du ménage au survivant si des enfants sont issus de
leur mariage. à partir du 16ème siècle, les effets de ce ravestissement vont s’amoindrir. Il n’emportera plus
que la propriété des meubles, et un simple usufruit sur les immeubles.
La coutume de Lille prévoit que les immeubles situés dans l’enceinte de la ville sont considérés comme
des meubles.
- Le ravestissement par lettre : il peut intervenir en l’absence d’enfants. Il suppose un acte que les époux
passent devant les échevins de la ville.
c. Le décalage entre les principes coutumiers et la pratique
Ainsi, les règles fixées par la coutume ne s’appliquent pas toujours d’une matière rigoureuse.
Dans la mesure où elles n’ont pas un caractère impératif, elles peuvent être écartées par la volonté des
intéressés. Les études menées sur la pratique, à partir des archives, montrent très clairement qu’en effet, cette
pratique ne se conforme par toujours à la coutume telle qu’elle a été rédigée.
Histoire du droit (thèse), V. Lemonnier Lesage, à Rouen : la femme Normande ; Droit et pratiques. Ca montre que
les vieux principes misogynes du droit normand sont souvent mis en échec par la pratique. Ceci a été permis avec
la complicité du notaire qui proposait aux clients des stratégies de contournement de la coutume.
Elle explique que ces coutumes ont été rédigées au 16ème siècle et que, l’avantage de la coutume est sa souplesse.
C’est un usage accepté par un groupe social déterminé, consacré par le temps. Mais les coutumes peuvent
changer. Mais, à partir du 16ème siècle, on va rédiger ces coutumes, et elles vont perdre leur souplesse. Elles ne
seront plus adaptées aux mœurs qui vont extrêmement changer entre le 16ème et le 18ème siècle.
§3 Les successions ab intestat en pays de droit écrit

Avant le 16ème siècle
L’influence du droit romain reste assez faible.
Ceci dit, l’influence n’est pas inexistante. Elle explique, par exemple, que dès le MA, le conjoint survivant soit
appelé à défaut de tout autre héritier.
Sur certains points, les statuts médiévaux du midi s’opposent ouvertement au droit romain.
Exemple : ils admettent l’exclusion des filles dotées. Ces statuts considèrent la dote comme un forfait attribué à la
fille une fois pour toute. Elle n’a plus de vocation à la succession de ses parents.
De plus, le principe de l’unité de la succession n’est pas toujours respecté. En ce qui concerne la succession au
propre, par exemple, on constate 2 tendances très particulières dans le Sud ouest :
- La tendance à préférer le mâle. Alors que le droit romain ne fait pas de différence entre le sexe. On peut
évoquer le statut de Toulouse, de 1286 (avec une hostilité certaine envers la mère et les parents
maternels qui sont exclus de la succession).
- La tendance, dans certains statuts, d’appliquer la règle coutumière PATERNA PATERNIS (comme dans la
coutume de Montpelier de 1204).
Donc, même dans le sud du royaume, on est assez loin du droit romain. Jusqu’au 16ème siècle, la structure
familiale est quasiment la même dans le midi que dans le Nord.

A partir du 16ème siècle
C’est l’époque de la véritable réception du droit romain dans le Midi. Les règles médiévales, contraires au droit
romain, sont alors considérées comme odieuses et elles tombent en désuétude.
Dorénavant, le droit de Justinien est considéré comme directement applicable.
On retrouve les 2 grands principes du droit Justinien :
On a une succession unique, dans distinguer l’origine des biens qui la composent. Le partage par ligne n’a lieu
qu’en cas d’égalité de degré des héritiers appartenant à 2 lignes différentes.
La règle de la priorité des degrés : on fait hériter les parents les plus proches, les uns à défaut des autres, et en
suivant toujours l’ordre d’affection présumée du défunt.
Ce sont toujours des descendants qui sont appelés en premier lieu.
Ensuite, on appelle les ascendants et les collatéraux privilégiés. Si la succession est attribuée à plusieurs
ascendants au même degré, appartenant à des lignes différentes, on applique le système de la fente.
Edit des mères (1567) : il a cherché à introduire, partiellement, en pays de droits écrits, la règle coutumière :
« propres ne remontent ». Ca exclut les ascendants de la succession aux propres.
Cet édit exclut les mères de la succession aux biens de leur enfant prédécédé provenant du père ou de la famille
paternelle.
C’est ce qui peut expliquer que l’on a appelé cet édit « des mères ».
Ce texte a été inspiré par des préoccupations aristocratiques.
Quand on regard cet édit, on voit, dans le préambule, « la nécessité d’assurer la conservation du nom, des armes,
et des familles de la noblesse ».
Mais, ce texte était mal rédigé. De plus, il s’est heurté à une opposition très forte de la doctrine, et de la JP
méridionale.
Son application a donc soulevé de nombreuses difficultés, et, finalement, ce texte a été abrogé par un nouvel Edit
royal de 1729 (Louis 15).
A défaut d’ascendance et de collatéraux privilégiés, la succession est attribuée aux collatéraux simples.
Et, enfin, à défaut de tout héritier par le sang, la succession est attribuée au conjoint survivant.
S’agissant de celui-ci, les pays de droits écrits ont adopté, non sans réserve, et non sans limite, la quarte du
conjoint pauvre (empreinte du droit romain).
Même en présence d’héritiers par le sang, le veuf, ou la veuve, dans le besoin, a le droit à une part de la
succession.
Conclusion : la révolution et le code civil :
A la fin de l’ancien régime, la situation se caractérise par son extrême complexité.
Dans le nord du royaume, il existe une multitude de coutumes, donc les règles sont variées, et parfois mal
connues, mal assurées.
Et, dans le sud, on a un régime qui procède du droit justinien.
Les auteurs de l’ancien régime (droit coutumier en particulier), de DOULIN, jusqu’à POTIER, ont cherché à unifier
ce droit successoral.
Mais c’est la Révolution qui mènera cette œuvre à bien.
L’unité du droit est, pour les révolutionnaires, une nécessité logique.
En ce qui concerne le droit des successions, cette matière revêt, à leurs yeux, une importance particulière pour
des raisons politiques.
La révolution veut supprimer les privilèges. Parmi eux, on a les privilèges successoraux.
Elle ne veut pas abolir l’héritage.
Mais la Révolution entend à favoriser l’égalité des citoyens par la division des fortunes.
Il y a une arrière-pensée politique : on veut favoriser les héritiers les plus jeunes, présumés plus favorables au
régime.
C’est donc au nom de l’égalité que les assemblées révolutionnaires vont supprimer toutes les institutions portant
la trace des tendances aristocratiques : le droit d’ainés, le privilège de masculinité sont condamnés.
De manière plus générale, les assemblées révolutionnaires suppriment toutes les règles contraires au principe
d’égalité entre les garçons et les filles.
En 1791, l’exclusion coutumière des filles dotées est abrogée.
Les renonciations contractuelles, par lesquelles les filles dotées renonçaient, dans leur contrat de mariage, à toute
prétention dans la succession de leur parent, dès l’instant où elles avaient un dote, seront prohibées par la loi du
17 pluviôse An II.
Par ailleurs, la révolution a aboli toutes les distinctions tenant à la nature ou à l’origine des biens (meubles,
acquêts, biens propres…). Le premier à proposer la distinction des propres et des acquêts a été Merlin de
Douai.
Il fait cette proposition pour, dit-il, « poursuivre la féodalité dans ses derniers retranchements ».
Cette solution sera consacrée par la loi de Niviôse l’An 2 (6 janvier 1994).
L’article 62 de cette loi prévoit que « la loi ne reconnaît aucune différence dans la nature des biens ou dans leur
origine, pour en régler la transmission ». On admet l’unité de la succession, du patrimoine successoral.
Elle a aussi admis la dévolution au plus proche parent.
Elle a répudié le droit coutumier et s’est rapproché du droit romain.
Le code civil de 1804 sera une transaction entre le droit coutumier et le droit romain. Le code civil admet la
fente successorale.
L’article 733 décidait que « toute succession échue à des ascendants, ou à des collatéraux, se divise en 2 parts
égales : l’une pour les parents de la ligne paternelle, et l’autre pour les parents de la ligne maternelle ».
On cherche donc à protéger l’intérêt des familles, comme en droit coutumier, mais sans excès. Il n’est pas
question de rechercher l’origine des biens.
On présume, en quelque sorte, que les fortunes du père et de la mère son égales. On divise sans rechercher la
nature et l’origine du bien.
Ensuite, en dehors du cas de la fente, l’unité de la succession est admise conformément au droit romain.
Article 732 : règle de l’article 62 de la loi de l’An 2 : « la loi ne considère ni la nature, ni l’origine des biens pour en
régler la succession ».
Pour fixer le rang des héritiers, ont interroge les affections de la nature.
A défaut de descendants, on appelle les père et mère et les collatéraux privilégiés, puis les autres ascendants, et,
enfin, les collatéraux ordinaires (avec la limite du 6ème degré).
Le code de 1804 refuse la représentation à l’infini en ligne collatérale. L’article 742 limite la représentation au
petit-neveu.
En revanche, l’article 74, en ligne directe descendante, la représentation est possible à l’infini.
A défaut de tout héritier légitime, les biens sont attribués au conjoint survivant (comme en droit romain). Il est
considéré comme un successeur irrégulier donc.
Depuis 1804, les principales modifications concernent les droits du conjoint survivant. On a un recul des droits des
collatéraux.
Les modifications concernent aussi les droits des enfants naturels (loi de 1972).
CHAPITRE 2 :
LES SUCCESSIONS TESTAMENTAIRES
Le testament peut être défini comme un acte juridique unilatéral par lequel on dispose de tout le patrimoine pour
le moment de la mort.
Il peut donc, toujours, être révoqué par son auteur quand il est vivant. Il ne devient définitif qu’après sa mort. Il
est vraiment un acte de ses dernières volontés.
Le testament, à Rome, était très utilisé.
Et, en droit français, il n’est réapparu que tardivement.
I.
Le testament à Rome
A Rome, le testament constituait le mode normal de dévolution de la succession.
Le testament romain règle l’ensemble de la succession.
Règle que l’on retrouvera dans le droit Justinien : « personne ne peut mourir, en partie avec un testament, et, en
partie, sans testament ». Le testament doit régler toute la succession. On ne peut pas combiner les 2 modes de
succession.
Un des grands soucis du droit romain a été de respecter le testament, par égard pour la volonté du défunt. Cette
volonté est considérée comme quelque chose de sacrée.
La force obligatoire de la volonté individuelle a été reconnue dès la loi des 12 tables.
A l’époque classique, le testament reste très utilisé, notamment parce qu’il permet de réagir contre certaines
règles du droit civil qui sont devenue anachroniques.
C’est ainsi que le testament est souvent utilisée contre le droit civil, qui ne connaît que la parenté agnatique.
Le testament permet de favoriser les cognas beaucoup plus efficacement que ne le permettent les formes
prévues.
Lorsqu’il fallait interpréter ou apprécier les conditions du testament, on s’efforçait, toujours, d’adopter la solution
la plus favorable.
§1 Les conditions et les formes du testament

Les conditions de fond
Le testateur doit être capable.
Ensuite, le testament doit obligatoirement contenir une institution d’héritiers.
Enfin, il faut que l’héritier institué soit capable.

Les conditions de forme
L’évolution va dans le sens de la simplification. On va favoriser, ainsi, la limite expression de la volonté.
Ceci dit, il ne faut pas croire qu’on ait abouti à la disparition des formes. Elles subsistent malgré tout.
Donc, en droit romain, le testament est resté un acte solennel.
Quelles sont les raisons de cette persistance des formes ?
- Les formes permettent de régler les problèmes de preuve.
- Elles permettent d’éviter les faux.
- Les formes permettent d’assurer une meilleure protection de la liberté du testateur, qui peut être affaibli
par l’âge ou pas la maladie. Il faut attirer son attention.
Yhering : le formalisme est le « palladium de la liberté ».
Ce formalisme a évolué au fil du temps.
3 étapes dans l’évolution :
A. Les formes archaïques
On s’intéresse aux formes générales de contracter. On laisse de côté les formes spécifiques, connues par le droit
romain : comme le testament in protinctu (réservé aux réservés).
1. Le testament comicial
Il se fait devant les comices (assemblées populaires à Rome). Le testateur doit exprimer ses dernières volontés
devant les comices curiates (ils se réunissent 2 fois par ans).
Les gentes romaines ont été réparties en 30 curies. Puis, celles-ci ont été réparties en 3 tribus.
Ca présente de gros inconvénients :
- Les femmes qui n’ont pas accès aux comices ne peuvent pas utiliser ce procédé. Il en est ainsi pour les
plébéiens.
- On ne peut faire, et révoquer son testament (parallélisme des formes) que 2 fois par ans (puisqu’il n’y a
que 2 assemblées annuelles).
La pratique a inventé un nouveau procédé, qui dérive de la mancipatio.
2. La MANCIPATIO FAMILIAE
La MANCIPATIO : C’est un mode solennel de transfert qui sert à toute sorte d’usage. Elle permet de transférer la
propriété, ou des droits sur les personnes.
La MANCIPATIO suppose le recours à l’AES ET LIBRAM, c'est-à-dire l’airain et la Balance.
En l’occurrence, pour le testament, on procède à une MANCIPATIO de tout le patrimoine. C’est un procédé ancien
car il était déjà connu dans la loi des 12 tables. Plus précisément, le testateur va vendre tout son patrimoine à un
acheteur fictif. L’acheteur est appelé « EMPTOR FAMILIAE ». C’est l’acheteur de la famille.
Le testateur doit accomplir certains rites et il doit prononcer certaines personnes. Ces paroles sont la
NUNCUPATIO.
L’acte doit être accompli en présence de 5 témoins, et le fameux porteur de balance : le LIBRIPINS.
Il y a donc 7 personnes (ce chiffre sera retrouvé très longtemps par la suite).
Ce procédé présente, lui aussi, de multiples inconvénients :
- Le transfert des biens se produit immédiatement, donc avant le décès. Le testateur est dépossédé de ses
biens tout de suite, et de manière irrévocable.
- Le testament n’est pas secret. Il y a beaucoup de témoins.
- Juridiquement, l’EMPTOR FAMILIAE n’est tenu d’aucune dette ni d’aucun legs. Gaius va l’indiquer en
disant qu’il « n’est pas à proprement parler héritier, il est seulement LOCO HEREDES ». tout repose sur la
FIDES (la foi, la confiance).
On va ainsi voir apparaître la troisième forme de testament.
3. Le testament per AES ET LIBRAM
C’est aussi le testament TABULIS ET LIBRA
On a conservé le rituel de la MANCIPATIO. Mais ils en ont fait un véritable testament, et non plus un acte entre
vifs.
La MANCIPATIO comporte, désormais, 2 actes :
- Le testateur rédige son testament sur des tablettes de Cires. Ces tablettes sont articulées. Ca permet de
les rouler. Elles sont entourées d’un moulin et sont scellées pour assurer le secret. Il est impossible de lire
le texte sans bruler le sceau.
Pour la première fois, dans l’histoire occidentale, on voit un testament écrit et secret.
Formalités de la MANCIPATIO en utilisant l’airain et la balance. Il doit y avoir des témoins, auxquels le
testament présente son testament en faisant une déclaration stéréotypée (« comme cela est écrit dans
ces tablette de cires, ainsi le donne, ainsi le legs, ainsi je teste. Ainsi, ce sont mes dernières volontés » et il
appelle les témoins).
Ces opérations doivent avoir lieu en un seul trait de temps, pour éviter toute substitution d’écrit.
En réalité, il s’agit là d’un MANCIPATIO fictive : L’EMPTOR n’acquiert rien. Il ne joue plus qu’un rôle
d’intermédiaire. D’ailleurs, il reconnaît expressément, par une formule rituelle, qu’il a reçu du testateur un
mandat pour exécuter ses dernières volontés. Il n’est plus l’acheteur fictif.
-
Dès cette époque, les 2 caractères du testament moderne sont apparus.
Ces 2 caractères sont : le secret et la révocabilité.
On a le secret car les témoins ignorent le contenu du document.
Et la révocabilité : il suffit désormais que le testateur détruise son testament pour le révoquer.
Cette forme de tester se généralise à l’époque classique. Mais à côté de cette forme générale, il existait aussi une
forme purement orale. Dans ce cas, au lieu de rédiger le testament sur des tablettes, le testateur parlait devant
les témoins, et il leur faisait ainsi connaître ses dispositions. Cette autre forme de tester aurait reçu le nom de
NUNCUPATIO.
B. Le testament prétorien
Le testament AET ET LIBRAM aurait puisé sa valeur juridique dans la conservation de la solennité de la
MANIPATIO.
En application du droit civil, si l’une de ces formalités n’a pas été respectée (si on oublie d’utiliser la balance par
exemple), le testament est nul.
Le préteur va considérer ces formalités comme inutiles, superfétatoires. La seule chose qui compte est l’écrit.
Du moment que la tablette existe, et qu’elles ont été scellées par les sceaux des témoins, le préteur accorde
l’envoi en possession.
Pourquoi toujours cette présence des 5 témoins ? Le 5 est le chiffre traditionnel. Le préteur maintien cette
obligation.
L’intervention du préteur aboutit à valider certains testaments civils, auxquels il manque une formalité qu’il
considère comme superflu.
Le préteur n’a donc pas créé une nouvelle forme de tester, à proprement parler. Mais grâce à son intervention, la
confection du testament se trouve simplifiée. Beaucoup de causes de nullité disparaissent.
Dans cette hypothèse de l’envoi en possession, le préteur accorde à l’héritier institué dans le testament la
BONORUM POSSESSIO (la possession de biens), conformément aux tablettes.
Au départ, l’envoi en possession était inopposable à l’héritier civil.
Si un héritier ab intestat se présentait et qu’il invoquait la nullité du testament, on lui accordait la préférence au
départ.
A partir du 2ème siècle, l’héritier prétorien est désormais préféré à l’héritier civil.
C. Le testament dans le droit impérial
Au bas empire, la législation impériale a continué à simplifier le testament. C’est venu ajouter de nouvelles
formes de tester.
On distingue 4 formes de tester :
- Le testament tripartite ou testament écrit.
Justinien explique cette dénomination par le fait que le testament découle de 3 sources : le droit civil, le droit
prétorien, et les constitutions impériales.
De l’ancien testament civil, il a retenu l’exigence d’une conception en un seul trait de temps, et la participation de
7 témoins.
On utilise plus les tablettes de cires, mais des parchemins, ou du papyrus.
Désormais, c’est l’écrivain public qui va souvent rédiger le testament. Mais il y a toujours le sceau du testateur.
La marque des sceaux des témoins s’ajoutent.
Au Bas Empire, le sceau n’est plus utilisé, sauf dans le cadre du testament.
Les constitutions impériales ont ajouté une autre façon, pour les témoins, de marquer leur participation : la
Suscription. C’est l’équivalent de notre signature. Ca consiste en une petite phrase écrite, par le témoin, dans
laquelle il indique son nom.
Ce testament subsiste aujourd’hui : il est devenu le testament mystique.
- Le testament oral, ou NUNCUPATIO
Il n’y a pas d’écriture. Il se forme par une déclaration orale devant témoins. Le testateur parle, exprime ses
dernières volontés devant 7 témoins. Ils s’efforcent de conserver le souvenir de ce qu’il dit.
En pratique, le testateur qui utilise ce testament est, le plus souvent, mourant. Après son décès, les témoins
viennent déposer devant l’autorité qui prend leur déposition par écrit.
- Le testament public
Ces testaments peuvent être rédigés par le testateur lui-même, mais ils sont conservés par une autorité publique.
Le testament est à l’abri d’une perte ou de toute falsification.
2 possibilités : Soit le testament est copié sur le registre d’un tribunal ou d’une autorité publique, soit le
testament est offert à l’Empereur pour qu’il le fasse conserver dans les archives (mais réservé aux personnages
proches de l’Empereur).
- Le testament olographe
Le testament olographe est écrit en entier de la main du testateur. Il est une invention du 5 ème siècle.
Son invention résulte de circonstances fortuites. Il s‘agissait d’une femme de la haute société, tombée malade.
Son problème c’est qu’elle vivait à la campagne et était entourée d’esclaves. Il ne pouvait réunir le nombre de
témoins exigés. Elle a donc décidé d’écrire elle-même ses dispositions. L’empereur a ensuite été consulté et a
indiqué que c’était valable.
Mais c’est une mesure prématurée. Le code de Justinien n’admet ce procédé que pour servir de testament
partage entre les enfants du testateur.
Cette forme est à l’origine du testament olographe d’aujourd’hui.
Sous l’empire, on a admis que la seule volonté du testament suffit à révoquer le testament ou à le modifier, et
ceci même si cette volonté s’exprime dans un simple codicille.
En droit romain, le codicille se distingue du testament, à la fois par sa forme et par son contenu.
En ce qui concerne sa forme, il est soumis à des formes simplifiées. Il suffit de 5 témoins, au lieu de 7 pour le
testament. Ces témoins peuvent très bien se trouver là par hasard. Alors que pour le testament, ils doivent avoir
été spécialement sollicités.
Pour le contenu, il diffère aussi : à Rome, le codicille ne contient que des legs, et jamais d’institution d’héritiers.
Alors qu’au contraire, le testament romain contient obligatoirement une institution d’héritiers.
Le codicille n’est en principe valable qu’à condition d’être confirmé par un testament postérieur.
Mais, en pratique, sous l’Empire, on a fini par admettre qu’il pouvait être confirmé d’avance, donc par un
testament antérieur.
C’est ainsi que le codicille est devenu essentiellement un moyen de modifier les dispositions d’un testament sans
devoir le refaire en entier.
§2 Le contenu du testament
A. Les dispositions obligatoires
Le testament doit, obligatoirement, contenir une institution d’héritier. C’est la disposition obligatoire du
testament romain.
1. Modalités de l’institution d’héritier
L’institution d’héritier est un acte formaliste soumis à des règles très strictes :
- Elle doit être faite dans un testament, et non dans un simple codicille.
- Elle doit être placée au début du testament.
- Elle doit être exprimée en termes sacramentels.
Il faut attendre le Bas Empire pour qu’une Constitution impériale, de 339, accorde au testateur la liberté
d’expression. Désormais, l’institution d’héritier peut se faire par n’importe quels mots, à condition que la volonté
du testateur soit claire.
2. Effets de l’institution d’héritier
L’héritier institué a vocation à recevoir tout le patrimoine actif et passif. On dit qu’il a une vocation universelle et
perpétuelle à la succession.
Seulement, il a vocation. Mais, en fait, il ne reçoit pas nécessairement tout le patrimoine, car il peut être diminué
par des legs.
De plus, il peut y avoir plusieurs héritiers institués. Il en faut au moins un, mais il peut en avoir plusieurs.
S’ils sont plusieurs, ils sont appelés à partager la succession, soit à parts égales si le testateur n’a rien précisé, soit
par quotepart si le testament a prévu un partage inégal. Dans ce dernier cas, le testateur utilise le système de l’As
(ancienne unité de mesure romaine : unité de poids et unité monétaire. Dans un As, on a 12 Onces).
Exemple : testament du poète Virgile : il utilise le système de l’As. Il va instituer héritier 5 personnes. Son demifrère (utérin), qui n’avait aucun droit de succession civile, est l’héritier pour 6 onces, donc la moitié de son
patrimoine. Ensuite, l’Empereur Auguste est héritier pour 3 onces, donc ¼. Le troisième héritier est son mécène
pour 1 once, de même que les 2 derniers héritiers qui sont des amis des poètes qu’il a chargé de surveillé
l’institution de ses œuvres.
Cependant, l’héritier institué a vocation. Donc si un des legs tombe, ou si un des héritiers institués fait défaut,
l’héritier institué ou les autres en profitent. Ils vont récupérer le legs car ils ont vocation universelle à tout le
patrimoine.
Leur situation est donc complètement différente de celle d’un légataire qui, lui, ne peut pas profiter de la
défaillance d’un autre légataire.
B. Les dispositions facultatives
Elles peuvent prendre 3 formes essentielles
1. Les substitutions
Le testament peut contenir une substitution.
Instituer c’est désigner un héritier, et substituer c’est en désigner un autre en sous ordre.
La substitution peut prendre des formes différentes :
- La substitution vulgaire
C’est la plus courante.
Ca s’exprime par la clause suivante : « qu’X soit mon héritier, si X n’est pas mon héritier, qu’Y soit mon héritier ».
C’est une sorte de testament sous condition suspensive.
La condition est formulée par l’héritier en sous ordre : la défaillance du premier héritier.
- La substitution pupillaire
On a un père de famille qui institue son fils héritier mais qui prévoit que si ce fils vient à mourir pupille (avant
d’avoir atteint l’âge de tester lui-même) telle autre personne recueillera sa succession.
Le père désigne donc un substitué pour recueillir sa succession.
La différence, avec le premier cas, c’est que le substitué ne prend par la place du premier héritier, mais il lui
succède.
Le père fait donc à la fois son testament, et celui de son fils.
Il y a donc là une prolongation de la patria potestas par delà sa mort.
- L’utilisation du fidéicommis
L’héritier institué reçoit les biens héréditaires, à charge de les restituer à une autre personne désignée par le
testateur.
Il faut savoir que ce fidéicommis était utilisé par les romains pour transmettre des biens à une personne qui ne
pouvait pas les recevoir directement.
Par exemple, celui qui veut gratifier un enfant à naître, c’est impossible. Mais on peut charger une personne de
transmettre les biens à cet enfant.
Ca permet aussi de gratifier un étranger, qui n’a pas la citoyenneté, et qui ne peut donc pas utiliser les biens à
Rome.
Les biens sont donc transmis à cette personne par l’intermédiaire de l’héritier grevé du fidéicommis.
Au départ, l’obligation de cet héritier de transmettre les biens n’était pas sanctionnée par le droit. Tout reposait
sur la FIDES, sur la confiance.
Ce FIDEICOMMIS va donner naissance à une nouvelle forme de substitution dans l’ancien droit : la substitution
fidéicommissaire. Dans notre ancien droit, ca permettait de gratifier successivement 2 ou 3 personnes.
Cette substitution prend effet à la mort du grevé.
Dans notre ancien droit, cette institution permettait la conservation des biens dans la famille.
2. L’exhérédation
Le testateur peut utiliser le testament pour procéder à une exhérédation, c'est-à-dire pour exclure ses héritiers
légitimes (désignés par la loi).
En effet, il a parfaitement le droit de na pas institué héritiers es descendants. Mais, dans ce cas, il doit les
exhérédé expressément et solennellement dans son testament. S’il se borne à les omettre, son testament peut
être déclaré nul.
On estime, à Rome, que le père de famille doit prendre ses responsabilités et ne doit pas exhéréder ses
descendants sans raison. En l’obligeant à les exclure expressément, on le place sous le contrôle de l’opinion
publique. Il y a donc une limite morale à sa liberté d’exhérédation.
Sous l’Empire, le contrôle se fera plus précis. On exige, désormais, que le père ait un motif légitime
d’exhérédation.
Il ne suffit plus de respecter certaines formes légales, on instaure un véritable contrôle au fond.
Concrètement, l’héritier exhérédé peut se défendre, et peut donc réclamer, par une action : la querela inofficiosi
testamenti (plainte au sujet du testament sans office). Cette action est parfaitement organisée au 3ème siècle.
Les héritiers protégés sont les ascendants et les descendants du testateur : les héritiers très proches.
On considère que le testateur n’a pas respecté son devoir d’affection.
On estime que le testateur a manqué à son devoir s’il n’a pas accordé, à l’héritier protégé, le ¼ de la part qu’il
aurait recueilli ab intestat.
Cette part est la quarte légitime. Les héritiers qui en bénéficient sont appelés légitimaires.
Ensuite, au bas Empire, la part légitime ne sera plus fixée uniformément au ¼. Elle est désormais variable et elle
peut s’élever à 1/3 ou à la ½ selon le nombre d’enfants laissés par le testateur. Donc, désormais, on ne parle plus
de quarte légitime, mais de légitime (tout court).
Dans le droit de Justinien, si le testateur a plus de 4 enfants, chacun de ces enfants a droit à la moitié de la part
qu’il aurait reçu ab intestat.
Si le testateur a 4 enfants, ou moins, la part légitime de chacun est du 1/3 de ce qu’il aurait reçu dans la
succession ab intestat.
Mais le devoir d’affection n’est pas à sens unique. Les droits du légitimaire peuvent donc être paralysés si, de son
côté, il n’a pas observé ses propres devoirs à l’égard du de cujus. Il existe donc de justes motifs d’exhérédation qui
ont, d’abord, été laissés à l’appréciation du juge. Mais, ces cas ont, ensuite, été consacré expressément ces motifs
de manière limitative dans la novelle 115.
Ces novelles fixent 14 cas pour les descendants, et 8 pour les ascendants.
L’hypothèse la plus fréquent est l’exhérédation des descendants.
Pour les descendants : il s’agit de cas souvent très graves : l’enfant a battu ses père et mère, il leur a fait une
injure atroce ou honteuse, il les a accusé de crimes de droit commun…
Le motif d’exhérédation doit figurer dans le testament pou permettre au légitimaire de se défendre par la
QUERALA. Il prouvera que le grief formulé contre lui n’est pas fondé. Cette QUERELA constitue, de toute
évidence, une atteinte à la liberté testamentaire. Ca permet de discuter les clauses du testament. C’est ce qui
explique que son exercice soit strictement réglementé.
C’est ainsi qu’il faut noter que cette QUERELA est strictement personnelle. Elle ne peut pas être intentée par les
créanciers, par exemple, ou par les héritiers du légitimaire.
Les effets de la QUERELA :
Constitution impériale de 371 : si le testateur n’a rien laissé au légitimaire, la QUERELA s’applique dans toute sa
rigueur, et donc le testament est nul. Le légitimaire prend alors la place de l’héritier institué. On retombe dans les
règles de la succession ab intestat.
Si le testateur a laissé quelques biens au légitimaire, mais moins que sa légitime, il dispose d’une action en
complément, mais le testament subsiste.
L’admission de cette action (QUERELA), traduit un premier recule de cette liberté testamentaire à Rome, et une
certaine reconnaissance de la succession ab intestat.
3. Les legs
Ce qui distingue l’héritier du légataire c’est que l’héritier a une vocation au moins éventuelle à toute la
succession. Il est acquéreur à titre universel.
Le légataire n’acquiert qu’un bien, fixé par le testateur, et est donc acquéreur à titre particulier.
Le légataire ne continue donc pas la personne du défunt et il n’est pas tenu du passif successoral.
Le legs est une donation à cause de mort finalement.
En pratique, l’institution d’héritier étant indispensable à Rome, le legs dépend de l’héritier institué.
Donc, si l’institution d’héritier est nulle, les legs s’effondrent en mm temps.
A l’origine, le legs devait obligatoirement venir dans le testament. Mais, sous l’empire, on a admis qu’ils pouvaient
être faits dans un simple codicille.
De même, la formule solennelle exigée à l’origine va disparaître.
Restrictions à la liberté de faire des legs : une seule a été efficace. C’est une mesure qui résulte de la loi FALCIDI,
votée en 40 Avant JC.
Cette loi décide que le total des legs ne doit pas dépasser les ¾ de la succession. le ¼ restant, la QUARTE FALCIDIE,
doit nécessairement être attribué à l’héritier institué. On veut éviter que l’héritier institué soit totalement
dépouillé de l’actif, alors qu’il est tenu au passif.
Conclusion :
Le droit romain apparaît comme la grande période du testament. Ce succès s’explique par l’individualisme du
droit romain qui s’efforce de favoriser, le plus possible, le développement du testament, car il y voit un procédé
permettant au de cujus de faire prévaloir sa volonté.
Le testament constitue donc le mode de dévolution de la succession.
II. Le testament dans l’Ancien droit français
Chez les germains, ils ignoraient le testament. Après les invasions germaniques, le droit romain se maintien
pendant plus de 2 siècles, surtout dans les pays su sud.
On constate même que le droit romain a tendance à s’étendre car, malgré le principe de la personnalité des lois
(qui veut que tout homme soit soumis à sa loi d’origine).
Le testament su diffuse parmi les francs.
Et certaines lois barbares permettent expressément aux barbares de faire un testament à peu près selon les
formes romaines. C’est le cas des lois barbares les plus romanisées : loi des burgondes, et loi des Wisigoth. C’est
ainsi que cette dernière connait le testament olographe.
Mais, elle a introduit des exigences supplémentaires par rapport au droit romain. Ces exigences se retrouvent en
droit moderne. Cette loi exige que le testament olographe soit daté et signé par le testateur.
Donc le droit romain subsiste. Il influence parfois les lois barbares.
Mais, en pratique, les règles romaines sont progressivement déformées ou oubliées. Peu à peu, le testament
romain décline et finit par disparaître.
Le glissement semble d’être produit au début du 8ème siècle, à l’époque de Charles Martel.
On a, à l’époque, l’invasion de l’Islam. On a des évènements très graves à l’époque. Le lignage prend donc une
importance accrue du fait de l’insécurité accrue.
Les coutumes qui vont, ensuite, se former à l’époque féodale (10ème siècle) lie la succession à la parenté. La
grande préoccupation est de maintenir le maintien des biens dans la famille.
Ces coutumes sont impératives. Et dans ces conditions, le testament perd tout intérêt et il disparaît donc
complètement.
Pourtant, dès l’époque mérovingienne, l’église, très influente, a poussé les chrétiens à faire des libéralités pour
assurer leur salut éternel. On considère qu’avant de mourir, les fidèles, pour assurer leur salut, doivent réparer
tous les tords qu’ils ont pu causer, même involontairement. Ils doivent faire des dons pieux aux établissements
chargés de pauvres et des déshérités.
Selon l’expression employée à l’époque, l’intéressé agit ainsi pour le salut de son âme, pour lui permettre
d’accéder à la vie éternelle. La tendance se confirme par la suite. On va retrouver la pression de l’église.
A cette époque, seule l’influence de l’église est assez forte pour amener un individu à soustraire une partie de ses
biens à la dévolution imposée par la coutume dans l’intérêt de sa famille.
Le problème c’est que le testament a disparu.
On va avoir recourt à des formes plus simples, éloignées du testament : en pratique on emploie la donation.
Et, il s’agit alors d’une donation à cause de mort, à but pieux qu’on appelle donation PRO ANIMA (pour l’esprit,
pour l’âme).
Mais 2 inconvénients majeurs pour cette forme de donation, pour le disposant :
- Son effet est immédiat. Le donateur est dépouillé de son vivant.
- Le caractère irrévocable : « donner et retenir ne vaut » LOISEL.
On a donc 2 aménagements de la donation PRO ANIMA ;
- Le donateur peut paralyser l’effet immédiat de la donation en introduisant une clause retardant son effet.
Exemple : on prévoit que la donation ne produira son effet qu’après la mort du donateur. On parle de
donation POST OBITUM.
2ème : le donateur peut se réserver l’usufruit des biens donnés. C’est une donation avec réserve d’usufruit.
Dans les 2 cas, le résultat est le même. le disposant, le donateur, retient la propriété viagère des biens
transmis, mais la donation reste irrévocable.
-
La pratique met en place, assez tardivement, un système de donation sous condition. On va mettre en
place des donations avec clause résolutoire.
C’est apparu tard, dans des circonstances historiques précises. Ca a été utilisé, notamment, par les croisés
(Croisades). Ils savent qu’ils risquent de ne pas revenir de leur voyage. Ils se préoccupent beaucoup du
salut de leur âge. Mais ils espèrent rentrer sains et saufs. Ils feront donc une donation PRO ANIMA, mais
elle est assortie de la condition « SI OBIERO » (si je meurs. En cas de retour du croisé, la donation est donc
révocable.
Autre pratique : attendre l’ultime instance pour procéder à la donation. C’est une donation in extremis,
fait par le donateur sur son lit de mort. Le risque est de se laisser surprendre par la mort subite.
Toutes ces pratiques ne constituent que des expédiant. Le système du testament est, de loin, préférable à ces
pratiques. On va donc assister à une renaissance du testament. Celle-ci sera favorisée, au 12ème siècle, par la
redécouverte du droit romain.
Mais cette redécouverte ne fera que faciliter une évolution qui se serait, vraisemblablement, sans elle.
Au 12ème, on constate un début de déclin des droits de la famille, et du droit des seigneurs.
L’église jouera un rôle décisif.
C’est sous son influence, que les testaments vont recommencer à se développer.
En effet, ces testaments contiennent souvent des legs pieux, destinés aux pauvres, ou à des établissements
ecclésiastiques.
Et les libéralités qui vont intervenir sont une des principales sources de l’immense patrimoine dont l’église
bénéficiera.
Le testament, au MA, devient donc un acte de nature mixte, à la fois profane et religieuse.
L’église profite de sa relation de force pour imposer sa compétence législative et judiciaire en la matière. Dès le
12ème siècle, les papes légifèrent.
Les décrétales de Grégoire 9 (1234) contiennent tout un titre consacré au testament. Les testaments sont aussi
réglementés par les statuts diocésains.
Exemple : les statuts de Cambrais, on a un titre entier consacré au testament.
L’influence des évêques a été fondamentale.
Le droit canonique contient donc de nombreuses dispositions relatives au testament dès le 13ème siècle.
On va constater que, d’une manière générale, le droit canonique s’efforce de favoriser le testament (puisque
l’église en est la première bénéficiaire).
Mais l’église veut aussi juger en matière de testament. Jusqu’au 14ème siècle, le juge d’église, juge de l’évêque,
l’official est considérer comme le juge ordinaire en matière de testament.
A partir de la fin du 14ème siècle, on a une compétence concurrente qui s’établit entre le juge laïque et le juge
ecclésiastique. C’est le premier qui se saisit de l’affaire qui devient compétent et qui prévient l’autre (on parle du
système de prévention pour le conflit de compétence).
Au 16ème siècle, avec l’ordonnance de Villers Cotteret, la compétence devient exclusivement laïque lorsqu’il s’agit
que de laïcs.
Parallèlement, le Roi a repris sa compétence législative. Il va légiférer en matière de testament :
Exemple : ordonnance du chancelier d’AGUESSAUT.
On en arrive à réclamer la liberté de disposer au nom du droit romain. Ca explique la renaissance du testament.
Mais la liberté ne peut pas être totale.
§1 La renaissance du testament
Cette renaissance a été plus rapide et plus précoce en pays de droits écrits.
Mais, on trouve tout de même des exemples de testament en pays de coutume dès le 12 ème siècle.
Exemple : le Roi de France vit à Paris. Philippe Auguste a fait son testament à 2 reprises : en 1190 quand il partait
pour la 3ème croisade, et en 1222.
A. Les testaments en pays de droit écrit
Dans le midi, les règles du droit romain sont en parfait accord avec les idées, et avec les mœurs.
Et, elles réapparaissent donc, progressivement, dès le 13ème siècle.
L’usage du testament se généralise très vite dans toutes les classes sociales (ca restera jusqu’à la fin de l’Ancien
régime).
Le testament se présente sous 3 formes.
1. Le testament NUNCUPATIF
Le plus employé. Il intervient au moment même de la mort du testateur.
A l’origine, il est oral, comme en droit romain. Le testateur doit parler en présence de 7 témoins. Mais, au fil du
temps, ce testament devient de plus en plus souvent écrit. On va finir par exiger cet écrit.
Qui rédige l’écrit ?
Au départ, l’écrit était souvent rédigé par le curé. Il sait lire et écrire et il est là au moment où quelqu’un meurt
puisque qu’il vient lui administrer les derniers sacrements. Or, ce testament intervient au moment du décès.
Mais ca posera problème en Languedoc, à cause du catharisme. Les Cathares ne reconnaissent pas le dernier
sacrément.
Ce sont les notaires qui vont remplacer les curés. Ca favorisera le triomphe de la forme, dans la mesure où le
notaire reçoit les volontés du testateur, mais il les traduit à sa façon.
Cette forme de tester annonce le testament authentique actuel.
2. Le testament clos, secret, écrit ou mythique
Ca se développe dans le midi. Il s’agit d’un testament secret qui est écrit d’avance par le testateur lui-même, ou
par un tiers.
Et, de plus en plus, on voit que l’usage conduira à confier la rédaction de ce testament à un notaire.
Conformément au droit romain, on exige Le notaire et 6 témoins (donc 7 personnes).
Le testateur leur présente le testament clôt et scellé par lui.
Il déclare de c’est son testament et les témoins doivent souscrire et sceller avec le testateur (souvent sur
l’enveloppe).
3. Le testament olographe
Mois employé.
Il est peu employé car il suppose une certaine instruction. Et il se développera, véritablement, qu’à partir du 18 ème
siècle. L’ordonnance de D’AGESSAU réglementera ce testament de manière unique pour l’ensemble du royaume.
B. Le testament en pays de coutumes
Dès le 13ème siècle, tous les coutumiers connaissent le testament, comme le coutumier de BEAUMANOIR.
Ceci dit, la matière des testaments est la matière dans laquelle le Nord d’oppose le plus nettement au midi.
Les motifs de cette opposition sont évidents. On a le sentiment de la cohésion familiale plus forte dans le nord. Et,
surtout, dans le nord, la compétence des officialités des tribunaux d’église est plus exclusive, mieux ancrée.
Le testament gardera donc un caractère religieux beaucoup plus marqué dans le nord que dans le midi.
Le caractère religieux est manifeste par le fait que, dans le nord, on dispose « pour le profit de son âme ».
On dispose d’un certain nombre de testaments. Ces testaments fournissent, malgré tout, des informations très
intéressantes et très riches sur les pratiques funéraires, sur la décoration et le luminaire des églises, et il révèle
aussi toute une organisation de la charité.
En pratique, les testaments débutent souvent par un prologue d’inspiration religieuse.
Exemple : testament rédigé à Saint Omer en 1780 : « le recommande mon âme à la bonté divine, par le mérite
infini de la mort et passion de notre seigneur Jésus Christ… ».
Ces invocations pieuses sont souvent suivies de dispositions philosophiques sur la fragilité de la vie humaine, et
sur la précarité de l’existence terrestre.
Le testateur affirme, plus précisément, sa croyance de la certitude de la mort, mais dans l’incertitude de sa date
et de son heure.
Cas particuliers de testaments, à l’approche de la Révolution qui font référence à l’être suprême et à la nature.
Le corps même du testament contient souvent de dispositions d’inspirations religieuses. Il exprime, d’abord, les
volontés du testateur concernant le lieu de sa sépulture, mais aussi le service d’enterrement, et les services
complémentaires à observer. Tout cela est minutieusement réglé dans le testament, jusqu’au plus petit luminaire.
Le testament prévoit aussi des legs pieux : il peut s’agir de donc à la paroisse, ou au curé, ou à un couvent. Et le
testament contient aussi souvent des dispositions de bienfaisance, sous forme de dons à des établissements
hospitaliers, ou sous forme de distribution d’aumônes aux pauvres.
Les conditions de fond :
Pour que le testament soit valable, il faut que le testateur soit capable juridiquement et physiquement.
Juridiquement, la faculté de tester est, en général, reconnue aux enfants, dès qu’ils ont atteint un âge précoce : à
partir de 14 pour le garçon, et 12 ans pour une fille dans notre région.
La femme mariée est frappée d’une incapacité générale à partir du 16ème siècle. Et pourtant, elle est
généralement reconnue capable de tester.
LOISEL : « la femme vit comme esclave et meurt comme libre ».
Mais il existe des coutumes plus dissidentes. A l’exemple, à Lille, une femme mariée, sans l’autorité de ledit mari
ne peut faire testament.
Différence entre les principes coutumiers et la pratique. En étudiant les contrats de mariage, on voit qu’il est
assez fréquent que le mari accorde à sa femme le droit de tester.
On voit aussi qu’il arrive que le mari autorise sa femme à faire son testament.
Il faut aussi être capable physiquement : le testateur doit être sain d’esprit. En général, il prend soin de préciser
qu’il est en pleine possession de ses moyens.
Qu’en est-il du corps ?
A première vue, il ne doit pas nécessairement être sain de corps. Le but du testament est surtout de permettre au
testateur de faire des libéralités pieuses pour le salut de son âme. Le droit canonique n’exige donc pas que le
testateur soit en bonne santé au moment où il fait son testament.
Ceci dit, au MA, dans de nombreuses régions, la méfiance des milieux coutumiers à l’égard des entorses à la
dévolution ab intestat pouvant résulter d’un testament, a conduit le droit laïc à refuser de reconnaître comme
valable le testament fait pas une personne alitée, si elle est au lit mortel.
Exemple : ordonnance du magistrat de Douai de 1236 qui dispose qu’un testament fait au lit mortel est nul, sauf si
les héritiers l’acceptent.
Beaucoup de coutumes exigent que le testateur doive en état de se tenir debout. D’autres textes précisent qu’il
doit être capable d’aller à l’église.
Ce genre de dispositions vont disparaître au 16ème siècle, au moment de la rédaction des coutumes, sans doute
sous l’influence du droit romain.
Le contenu du testament :
Dès le 13ème, l’acte a l’apparence du testament romain. Il est révocable. Tout ce qui est promis peut être rappelé.
Et il peut contenir des legs.
En fait, on est loin des solutions romaines. En particulier, le droit coutumier n’admet pas l’institution d’héritier.
LOISEL : « institution d’héritier n’a lieu ».
Autre adage : « Dieu seul peut faire un héritier ».
En réalité, en pays de coutume, le testament n’a pas pour but de régler la succession du testateur. Cette
succession reste régie par les règles coutumières. En pays de coutumes, le testament n’a qu’un rôle accessoire.
Les héritiers sont nécessairement ceux auxquels la coutume donne ce droit, et il n’appartient pas aux individus de
modifier cet ordre fixé par la coutume.
Donc le testament peut modifier la part qui revient aux héritiers, ou il peut organiser le partage entre eux. Mais le
testament ne se substitue par à la succession ab intestat.
La plupart du temps, le testament ne contient que des legs : legs de biens, legs en espèce. En général, ils ne
contiennent aucune disposition relative aux immeubles, réservés à la famille.
Autrement dit, le testament ne se substitue par à la dévolution ab intestat. Il apparaît comme un simple
complément de cette dévolution. Et, en général, ils ne contiennent aucun disposition relative au plus proche
héritier.
En droit coutumier, on peut donc parfaitement mourir en partie avec un testament, et en partie sans testament.
On peut combiner les 2 modes de succession.
C’est différent du droit romain.
Dans l’ancien droit coutumier, l’absence d’institution d’héritier contribue à donner un rôle très important aux
exécuteurs testamentaires.
Ils sont des hommes de confiance, désignés par le testateur, pour assurer l’exécution de ses dernières volontés.
Leur apparition s’explique par la défiance envers les héritiers ab intestat qui n’ont pas intérêt à ce que le
testament soit exécuté.
La forme du testament :
En pays de coutume, on n’utilise pas les règles romaines.
Il y aura une évolution à l’origine, le testament se fait, le plus souvent, devant témoin.
Comme l’église souhaite favoriser l’usage du testament, elle se montre moins exigeante du droit romain. Le droit
canonique, lui, se contente de 2 ou 3 témoins.
Pour justifier cela, le droit canonique se fonde sur un passage d’évangile, selon Saint MATHIEU, chapitre 18,
verset 16 : on n’a pas besoin de plus de 2 ou 3 témoins pour lui.
Le Pape Alexandre le 3, et le 3ème concile Euccumènique : il ne faut pas exiger les formalités paralysantes du droit
romain.
Ceci dit, le testament peut être écrit ou oral. S’il est écrit, n’importe qui peut tenir la plume.
Le testament peut aussi prendre la forma d’un acte public, faisant intervenir les autorités laïques ou
ecclésiastiques.
Il peut, par exemple, être fait devant un juge qui fait acte de juridiction gracieuse. Le testateur se présente et il
énumère les dispositions de ses dernières volontés, couchées en PV.
Ou bien, il arrive aussi que le testateur présente au juge ses dispositions déjà mises par écrit. Cet écrit est recopié
sur le registre du tribunal.
Dans les régions du Nord, dès le 13ème siècle, des testaments sont passés devant l’échevinage.
Ensuite, il y aura une évolution entre le 14ème et le 16ème puisque le notaire se substitue au juge. On assiste au
développement du testament authentique.
Donc à partir du 16ème siècle, on a, en principe, 2 formes de testament qui subsistent :
- le testament écrit solennel : rédigé par un notaire. Le testateur dicte ses dispositions. Le notaire les écrit
et il lui relit. Le testateur signe. L’opération se déroule devant témoins : 2 ou 3 témoins selon la règle
canonique. Ces témoins peuvent être remplacés par un second notaire.
- Le testament écrit olographe : il s’est développé sous l’impulsion des parlements. Il doit être entièrement
rédigé de la main du testateur qui doit le signer et le dater.
En conclusion, dès les 17ème et les 18ème, les formes du testament sont en train de fusionner. En effet, en pratique,
on constate que, partout en France, le testament oral a disparu.
La forme principale est désormais le testament notarié : le testament olographe existe partout en France, mais
partout en France, il reste assez rare. Donc il n’y a qu’une forme de tester qui reste spécifique au pays de droit
écrit : c’est le testament mystique.
Lamoignon, a proposé de mettre un régime unique dans des arrêtés, mais pour parvenir à l’unification complète il
faudra attendre 1804. Pourtant en 1735 (ordonnance du chancelier d’AGUESSAUT), il y a une certaines unification
en exigeant un écrit dans tout le royaume, mais cette unification est restée incomplète. Car elle continue à
distinguer les modes de tester selon qu’on est en pays de droit écrit ou en pays de coutume. Dans le midi cette
ordonnance reconnait trois formes de tester : testament mystique devant notaire, testament nuncupatif et
testament olographe. $dans les pays de coutume : testament authentique, testament olographe.
La dualité du régime juridique est maintenue.
L’unification ne sera opérée que par CC qui admet trois manières de tester :
- Testament olographe art 970
- Testament par acte public art 971à 975 : il faut deux notaires ou un notaire assisté de deux témoins.
- Art 976 : testament mystique ou secret : il faut un notaire et 6 témoins. La loi de 1950 n’exige plus qu’un
notaire et deux témoins.
Aujourd’hui la forme dominante est le testament olographe, car on a perdu l’habitude d’aller chez le notaire et de
nos jours chacun est capable de rédiger son testament tout seul.
On a gardé dans notre droit le terme codicille pour désigner l’acte modifiant partiellement un testament ceci dit
ce terme ne figure pas dans le CC. En ce qui concerne lé révocation du testament, les règles sont très souples, en
pratique on considère que tout acte postérieur au testament et incompatible avec lui l’annule.
Ce qui compte c’est plus la volonté que la forme.
Le principe est louable mais son application n’est pas toujours facile, il y a parfois des problèmes
d’interprétations. La volonté d testateur n’est pas souveraine car dans le CC comme dans notre ancien droit il
existe un certain nombre de limite à la liberté de disposer.
§2 Les limites à la liberté de disposer
D’une manière générale, ces limites ont été édictées dans l’intérêt de la famille.
En droit romain, ces limites étaient rares car ce droit était très individualiste, et parce qu’il était très favorable au
testament.
En droit romain, il n’y avait qu’une limite qui résulte de la QUERELLA INOFFICIOSI… qui réservait le droit à la
légitime.
En revanche, à l’époque franque, la famille joue un rôle de plus en plus grand. Ca se traduit par le fait que
l’individu ne peut pas disposer de ses biens sans l’accord de sa famille. Ca explique l’intervention de la famille lors
des mariages, ou lors des ventes.
A la fin du 12ème siècle, l’intervention de la famille devient plus rare.
Ce phénomène s’explique par l’émancipation de l’individu, lié à l’ascension de la bourgeoisie, elle-même liée au
renouveau urbain.
Cependant, les coutumes qui commencent à être mises par écrit, vont s’efforcer de protéger les droits de la
famille contre des libéralités exagérées. Elles vont donc limiter la liberté de disposer à une partie du patrimoine.
Le reste du patrimoine est réservé à la famille. On voit ainsi apparaître le système de la réserve héréditaire.
Mais les coutumes ne s’appliquent pas partout. Il faut distinguer 3 hypothèses :
A. En pays de coutume : légitime coutumière
On parle de réserve, ou de légitime coutumière.
1. Les origines :
L’existence de la réserve s’explique sans doute par la vieille idée de copropriété familiale. Au départ, la famille
intervenait directement dans tous les actes d’aliénation.
On parle du système de la LANDATIO PARENTUM : la famille intervenait directement.
Ce système disparaît au 13ème siècle. A partir du 13ème siècle, la famille n’intervient plus directement dans les actes
de disposition, mais la coutume préserve ces intérêts soit par le système du retrait lignager (permet au lignage de
récupérer le bien), soit en limitant la liberté de disposer : ca ne laisse disponible qu’une partie du patrimoine et
réserve l’autre partie à la famille.
Dans ce système coutumier, la quotité disponible apparaît comme une sorte d’exception au principe de
l’indisponibilité qui semble prédominant.
2. Les bénéficiaires
Ce sont les réservataires. Ce sont les membres du lignage, de la grande famille. Ce sont les parents en ligne
directe, comme en ligne collatérale. Tout le lignage est considéré comme héritier réservataire.
3. Sur quoi porte la réserve
L’assiette de la réserve : la solution varie beaucoup selon les coutumes.
On peut distinguer 2 grands types de coutumes :
- Groupe parisien : ca représente le droit commun. La réserve porte uniquement sur les propres, donc sur
les immeubles, et elle s’élève aux 4/5 de ces propres. On applique le système du quintement. Donc le
testateur peut disposer de ses biens personnels (meubles et acquêts), et du 1/5 de ses propres.
- Groupe de l’ouest : incarné par la coutume de Normandie. La réserve est calculée sur une portion de
biens plus importante, elle peut s’étendre aux acquêts et aux meubles, mais elle est limitée aux 2/3. C’est
le système du TIERCEMENT.
Dans les régions du Nord :
A ARRAS, c’est le système du QUINTEMENT, alors qu’en Flandres, c’est le système du TIERCEMENT, sauf à Lille où
on a adopté la légitime romaine.
4. L’exhérédation
En principe, elle est interdite en droit coutumier. Le droit coutumier n’envisage pas qu’un héritier naturel puisse
ne pas recevoir son dû.
Pourtant, dans la pratique, l’exhérédation se développe à partir du 16ème siècle sous une double influence :
- le droit romain.
Les coutumes admettent de plus en plus l’exhérédation justifiée. Les cas d’exhérédation correspondent à ceux de
la Novel 115.
- Le législateur
C’est le ROI car il légifère par ses ordonnances. La législation royale va introduire une nouvelle cause
d’exhérédation.
L’édit d’Henry 2 de 1556 autorise les parents à exhéréder les enfants qui se seraient mariés sans leur
consentement. C’est une cause commune aux pays de coutumes et aux pays de droit écrit.
B. La légitime de droit des pays de droit écrit
En pays de droit écrit, on a repris la légitime de droit romain. Mais cette légitime a progressé très lentement car la
légitime se heurtait tantôt au principe de la liberté testamentaire (très ancré à Toulouse, par exemple), et tantôt à
la réserve coutumière. Certaines coutumes du sud-ouest (Bordeaux) ont adopté un régime proche de celui de la
réserve.
Le régime de la légitime s’est fixé au 16ème siècle. Il est proche du droit romain, et donc il est très différent de celui
de la réserve.
Différence :
- Les actes atteints par la limitation à la liberté de disposer. Il s’agit, non seulement des testaments, mais
aussi des donations.
-
Quant aux personnes protégées : les légitimaires sont, uniquement, les héritiers très proches. Il s’agit,
comme en droit romain, des descendants et des ascendants.
Les légitimaires ne peuvent réclamer que s’ils n’ont pas été exhérédés pour un motif légitime. Les motifs
admis pour priver un légitimaire de sa légitime sont ceux de la novel 115, et de l’Edit Henry 2.
Le montant de la légitime est, à peu près, celui du droit romain. Ca varie selon le nombre d’héritiers entre le 1/3
et la ½.
Cela fait beaucoup moins que la réserve qui s’élève au 2/3 ou au 4/5, mais il faut tenir compte du fait que la
légitime porte sur tous les biens du défunt.
Question de la sanction applicable :
Dans ce cas ca sera calqué sur le droit romain.
- Si l’un des légitimaires a été complètement exclu, omis, le testament est nul. Il est nul aussi s’il a été
exhérédé injustement.
- si le légitimaire est nommé dans le testament, mais il reçoit une part inférieure à sa légitime : le
testament reste valable, mais l’intéressé aura une action en complément de légitime.
Cette légitime de droit a fini par pénétrer en pays de coutumes.
C. La pénétration de la légitime de droit en pays coutumiers
Ca se produit à partir du 16ème siècle pour compléter la réserve qui, à cette époque, devient insuffisante.
Cette insuffisance de la réserve est particulièrement sensible dans les coutumes de QUINTEMENT (coutumes de
droit commun), car dans ces coutumes, la réserve ne concerne que les propres, donc les immeubles. Or, sous l’AR,
entre le 17ème et le 18ème siècle, les fortunes sont moins stables qu’au MA, les acquêts sont parfois plus importants
que les propres et les meubles prennent de la valeur.
De plus, au départ, les dettes portaient uniquement sur les meubles. Donc, très logiquement, ces dettes n’étaient
payées que par les héritiers des meubles. La conséquence c’est que la réserve, qui portait sur les immeubles, était
franche et quitte de toute dette. Les héritiers réservataires ne devaient pas payer les dettes.
Cette règle est abandonnée au 16ème siècle. Les dettes seront réparties entre les héritiers, en fonction de la valeur
acquise par chacun.
C’est Charles DUMOULIN qui, vers le milieu du 16ème siècle, va proposer d’avoir recours à la légitime de droit dans
un cas d’espèce. La solution a été entérinée par le parlement de Paris, et, ensuite réécrite en 1580. Cette
coutume va généraliser la solution.
En effet, le système de la légitime est plus avantageux que la réserve :
- La légitime ne protège que les proches parents.
- La légitime concerne tous les biens, y compris les acquêts et les meubles.
- Elle atteint tous les actes de disposition à titre gratuit, mêmes les donations, et pas seulement le
testament.
La légitime est beaucoup plus efficace que la réserve.
C’est pour cela qu’on a fini par introduire la légitime de droit dans une partie des pays coutumiers, et notamment
à Paris.
Deux originalités de la légitime en pays coutumiers :
- Elle n’appartient qu’aux descendants
- Elle est fixée uniformément à la moitié de la part que l’héritier aurait dû recevoir ab intestat.
Si l’héritier n’a pas sa légitime, il peut exercer une action en retranchement. Ca signifie que le testament n’est pas
nul mais on réduit les legs et les donations, jusqu’à ce qu’on parvienne à lui fournir sa légitime.
En pratique, le système fonctionne de cette manière :
D’abord on évalue la masse de biens sur laquelle on calculera la légitime. On prend le patrimoine du défunt tel
qu’il est au jour de son décès. On y ajoute la valeur des donations qu’il a pu faire de son vivant. Elles sont
fictivement rapportées. Et on en soustrait les dettes, et les frais funéraires. A partie de là, on calcule la part que le
légitimaire aurait dû recevoir ab intestat, et ensuite on divise par 2 pour obtenir sa légitime.
Ensuite, pour savoir si le légitimaire peut réclamer quelque chose, on compare le montant de la légitime avec ce
qu’il a effectivement reçu. Et, on doit également ajouter ce qu’il prend au titre de la réserve. Et si cette réserve
est inférieure à la légitime, il pourra réclamer. Sinon, si la réserve est insuffisante, il ne pourra rien réclamer.
On ne peut jamais cumuler le bénéfice de la réserve avec celui de la légitime. La légitime vient simplement
compléter la réserve en cas d’insuffisance. Il ne pourra réclamer un complément seulement si la légitime et la
réserve sont insuffisantes à la part ab intestat.
On va commencer par réduire les legs, même les legs pieux : legs universels, puis legs particuliers.
Puis, on s’en prendra aux donations si le niveau n’est toujours pas suffisant. Ca commence par les plus récentes,
et n maintient, autant que possible, les plus anciennes.
C’est une atteinte à la règle « donner et retenir ne vaut », car normalement la donation est irrévocable.
En fin de compte, le système de l’Ancien droit est très complexe. Dans certaines régions, il n’y a que la légitime de
droit romain, dans d’autres il n’y a que la réserve, et dans d’autres encore il y a la réserve et la légitime.
Il fallait unifier tout cela. C’est ce que fera la Révolution.
Mais le problème c’est que la Révolution va réagir avec excès. Elle opte pour un régime qui supprime
pratiquement la quotité disponible.
Comme elle était excessive, cette légitimation n’a été appliquée que très peu de temps.
Le code civil va donc opérer une contre réaction. Il reprend le principe de la distinction entre la quotité
disponible et la réserve. Dans le code civil, c’est le terme « réserve » qui est employé. Ca peut paraître curieux car
l’institution ressemble plutôt à la légitime. En effet, cette réserve du code civil porte sur tout le patrimoine.
Ensuite, elle ne concerne que les descendants, et les ascendants. Les collatéraux en sont exclus.
Ensuite, elle frappe aussi bien les donations, que les dispositions testamentaires.
Cependant, il existe quand même quelques points communs avec la réserve du droit coutumier :
 Le montant élevé : entre ¼ et ¾ en fonction le nombre et la qualité des héritiers réservataires.
Il faut signaler un trait original du code civil par rapport à l’Ancien droit : il n’admet aucune cause légitime
d’exhérédation.
Le système du code civil s’est maintenu pendant tout le 19ème siècle. Mais à la fin du 19ème, il a fait l’objet de
réformes importantes :
- 1896 : l’enfant naturel simple est devenu héritier réservataire (avec une par faible).
- 1972 : l’enfant naturel simple a l’égalité avec l’enfant légitime. Pour les enfants adultérins, ils n’avaient
encore que des droits réduits.
- 3 décembre 2001 : égalité des enfants adultérins avec tous les autres, quelque soit la qualité.
Le conjoint survivant est également devenu héritier réservataire.
Depuis 2006, le CS est préféré aux collatéraux.
Elles concernent essentiellement les réservataires.
Partie 2 :
Les règles applicables à la liquidation de la succession
Ce sont toutes les opérations qui sont nécessaires à résoudre les problèmes techniques qui se posent à partir de
l’ouverture de la succession.
On retrouve l’influence du droit romain : les solutions dégagées par le droit romain ont inspiré, au moins en
partie, les solutions applicables dans l’ancien droit français.
Chapitre 1 :
Les règles applicables en droit romain
La première, et la principale question que se pose est de savoir à qui et comment il faut attribuer la succession.
I.
La transmission de la succession
§1 Les modalités de la transmission
A Rome, certains héritiers sont considérés comme des héritiers nécessaires : ce sont les SUI HEREDES. Ils n’ont
aucune formalité à accomplir pour appréhender la succession puisque celle-ci leur est attribuée d’office. Ils
hériteront qu’ils le veulent ou non.
Pour les autres héritiers, la situation est différente : ils ne sont pas obligés d’accepter la succession. Ils bénéficient
d’une option. S’ils acceptent, ils doivent accomplir un acte pour manifester cette acceptation.
A. L’option
Il faut rappeler que la succession peut conduire à imposer à l’héritier des charges très lourdes. A Rome, ces
charges sont à la fois civiles, et religieuses.
Sur le plan civil, on a l’obligation de payer les dettes du défunt : ils doivent payer ULTRA VIRES SUCCESSIONIM.
Sur le plan religieux, on a les cultes romains. Ils doivent célébrer les SACRA CULATA : les cultes familials.
On ne peut pas imposer tout cela à l’héritier, sans son consentement. C’est ce qui explique qu’il a une option.
Tant que l’héritier n’a pas fait connaître son intention, la succession est JACENTE.
La renonciation n’est soumise à aucune exigence de forme. Et elle produit un effet définitif et irrévocable.
En revanche, l’acceptation de la succession suppose un acte volontaire : l’acte d’acquisition.
B. L’acte d’acquisition
Evolution en droit romain.
Pour les successions du droit civil au sens romain : l’acceptation peut être expresse ou tacite. L’acceptation tacite
résulte de tout acte d’aliénation, de disposition, d’un bien successoral, ou même d’un simple acte
d’administration des biens successoraux.
L’acceptation expresse peut se fait NUDA VOLONTAS (par la seule volonté), donc sans aucune forme. Il suffit de
bien faire connaître cette volonté. Elle doit être clairement exprimée.
Elle peut aussi se faire par un procédé formaliste : l’ADITION d’hérédité. L’expression est liée à la formule qu’il
faut prononcer : « je vais vers cette hérédité et je me décide ».
Le droit civil n’avait fixé aucun délai pour cette adition d’hérédité. Mais, en pratique, on ne pouvait attendre
indéfiniment. La pratique a imposé un délai de 100 jours.
Pour les successions prétoriennes :
L’héritier doit s’adresser au préteur, en lui demander de délivrer la BONORUM POSSESSIO.
Pour le droit impérial : Justinien a fusionné les 2 droits successoraux. Il n’a laissé subsister que l’acceptation par la
simple volonté, et l’acceptation tacite.
Cette acceptation conditionne la délivrance des legs. En effet, si l’institution d’héritiers est nulle, ou si l’héritier
institué refuse la succession, les legs tombent.
Si l’héritier accepte, c’est lui qui délivrera les legs au légataire. Ceux-ci pourront, à leur tout, accepter ou refuser
les legs qui leur sont faits.
La transmission du legs s’effectue par les procédés habituels de la transmission entre vifs.
L’acceptation a, en effet, pour conséquence, de transmettre aux héritiers tout le patrimoine du défunt.
§2 l’étendu de la transmission héréditaire
L’étendu de la transmission, la règle romaine est simple : l’héritier continue la personne du défunt.
On considère donc qu’il y a confusion entre le patrimoine du défunt et celui de l’héritier au jour du décès.
L’héritier récupère donc tous les droits du défunt, sauf certains droits intransmissibles, et il récupère toutes les
charges du défunt (sauf pour les dettes intransmissibles).
Par principe, tout l’actif passe donc à l’héritier, sous déduction des legs. Et cet héritier est tenu de tout le passif. Il
est tenu ULTRA VIRES SUCCESSIONIS (sans tenir compte des forces de la succession. donc il devra payer même si
l’actif de la succession est insuffisant).
Or ca peut poser des problèmes car l’héritier peut ne pas avoir connaissance de tout.
Donc Justinien a créé une institution qui est celle du Bénéfice d’Inventaire. Quant l’héritier a demandé et obtenu
ce bénéfice, il n’est tenu de payer les dettes qu’à concurrence de l’actif de la succession. C’est INTRA VIRES
SUCCESSIONIS.
Il faut signaler que l’héritier dispose d’une action générale qui lui permet de faire reconnaître son titre : la
pétition d’hérédité. Il pourra réclamer des biens héréditaires détenus par des tiers, par exemple.
A l’origine, cette pétition d’hérédité n’était accordée que pour les héritiers civils. Les héritiers prétoriens ne
pouvaient pas s’en prévaloir. Il ne pouvait seulement demander au préteur de lui délivrer un interdit possessoire,
qui lui permettant de se mettre en possession de cette héréditaire.
Mais, par la suite, l’héritier prétorien sera assimilé à l’héritier civil et il aura une action comparable.
II. Le cas de la pluralité d’héritiers
Les choses se compliquent. Il faut donc fixer des règles particulières.
Tous les héritiers reçoivent le patrimoine successoral qui doit se partager entre eux. Tant que ce partage n’a pas
eu lieu, les héritiers sont en indivision.
Pour que ce partage puisse avoir lieu, il faut, avant tout, déterminer exactement la composition de la masse
partageable.
Se pose le problème des rapports ainsi.
§1 L’indivision
Elle intervient, de plein droit, au décès du de cujus.
Cette indivision ne porte que sur les objets corporels.
L’indivision a pu permettre de former des communautés familiales. C’est ce qu’on appelait système de
CONSORTIUM à Rome.
A la mort du PATER FAMILIALS, ses biens n’étaient pas partagés. Ses héritiers, SUI HEREDES, qui vivaient dans la
DOMUS, continuaient la vie en commun et ils se trouvaient engagés dans une communauté entre frères.
Ce système n’a pas été longtemps appliqué.
Le principe qui a été plus appliqué : nul n’est tenu de rester en indivision. Tout héritier peut, à tout moment,
demander le partage de la succession indivis.
En droit romain, ils disposent de l’action en partage du patrimoine.
Pour que ce partage puisse avoir lieu, il faudra procéder au rapport.
§2 Les rapports nécessaires
Maxime : « l’égalité est l’âme des partages ».
Les rapports ont pour objet de rétablir une égalité qui, sans ces rapports, serait faussée.
Les romains ne parlent pas de rapport. Ils emploient le terme QUOLATIO.
C’est une institution prétorienne.
Le préteur a introduit le rapport pour les enfants émancipés.
En droit civil, les enfants émancipés n’avaient pas de droit de succession. On coupait tous les liens avec la famille.
A l’époque classique, le préteur leur a accordé une BONORUM POSSESSIO EMANCIPATI.
Désormais, les enfants émancipés peuvent venir à la succession de leur père comme les autres enfants, avec les
mêmes droits que les non émancipés.
Le préteur voudra corriger l’injustice : les enfants non émancipés vont continuer à vivre avec leur père. Comme ils
n’ont pas de patrimoine, ils contribuent à accroître le patrimoine du PATER.
Alors que les enfants émancipés, ayant un patrimoine, ont pu s’enrichir. Ils ont augmenté leur propre patrimoine.
Donc, le préteur va obliger l’enfant émancipé à rapporter à la masse successorale l’actif net de son patrimoine.
C’est la QUOLATIO BONORUM EMANCIPATI : elle figure dans l’Edit du Préteur au 1er siècle après JC.
L’enfant émancipé peut échapper au rapport en n’invoquant pas sa BONORUM POSSESSIO. Il ne succèdera pas à
son père mais il gardera intact son patrimoine.
Ce système de la QUOLATIO va ensuite être étendu à d’autres hypothèses :
- La fille dotée.
Si une fille est mariée SINE MANU (reste dans sa famille d’origine), elle reste sous la puissance de son PATER et
elle est donc appelés à sa succession. Mais, alors, elle est avantagée par rapport à ses frères. Le jour de son
mariage, le père lui a fourni une dote. Elle a eu quelque chose de plus que les autres. Donc, la fille dotée doit
rapporter la dote, considérée comme un avancement d’Hoirie. C’est le système de QUOLATIO DOTI.
- Au Bas Empire, le système a été étendu à tous les descendants.
On parle de QUOLATIO DESCENDENTIUM. Elle oblige tous les descendants à apporter les avantages que le DE
CUJUS a pu leur accorder de son vivant.
On présume que ces avantages ont été faits en avancement d’Hoirie.
Il s’agit des descendants, et on présume que le père avait la même affection pour tous ses descendants.
Cette QUOLATIO était à l’origine du rapport de notre droit moderne.
Ce n’est qu’après avoir reconstitué le patrimoine du DE CUJUS, grâce à ces rapports, qu’on va pouvoir procéder
au partage.
§3 Le partage
En droit romain, c’est dominé par le principe de l’égalité entre les copartageants.
Pour les modalités de ce partage, à Rome, il peut être judiciaire, et il le sera dans l’hypothèse de l’action en
partage du patrimoine, mais il peut aussi être amiable.
En ce qui concerne l’effet du partage, on a une particularité : à Rome, il semble que le partage ait eu un effet
translatif, attributif. Alors qu’en droit moderne, le partage a un effet simplement déclaratif. Son effet est reporté,
rétroactivement, à la date d’ouverture de la succession.
Lors du partage, les dettes de la succession sont divisées de plein droit entre les héritiers. Ils vont payer les dettes
en fonction de l’actif reçu. On retrouve le système de l’ONCE.
Chaque copartageant contribue en fonction de la proportion qu’il a reçue.
Chapitre 2 :
La liquidation de la succession dans l’Ancien Droit français
I.
Les règles générales applicables à la transmission de la succession
§1 Les modalités de la transmission
La transmission de la succession s’effectue grâce à la saisine héréditaire. Mais aucun héritier n’est obligé de
recueillir les biens qui lui sont dévolus.
Tout héritier dispose d’une option.
A. La saisine héréditaire
La notion de saisine est une notion typique de l’Ancien Droit. C’est une notion qui est très vague et qui est difficile
à définir. Ca tient à la fois ni à la propriété, ni à la possession. La saisine est un état de fait légitime, ou c’est un
état de droit qui s’exerce par des actes qu’on appelle des exploits.
Il existe 3 façons d’avoir la saisine :
- Appréhension qui peut être réelle ou symbolique du bien qui est transmis d’une personne à une autre.
C’est ce qui se passe lors de l’attribution d’un fief à son vassal. On a une cérémonie qui se symbolise par
une remise réelle du bien.
- La saisine d’an et jour : délai d’un an et un jour fait acquérir une situation qui tient à la fois de la propriété
et de la possession. On obtient la saisine. On le retrouve souvent dans le droit du MA et il prouve
l’écoulement du temps.
- La saisine de droit : le principal cas de saisine de droit est celui de la succession. le mari a la saisine des
biens dotaux.
La saisine de droit dont il bénéficie résulte d’une application d’une règle simple : le mort saisi le vif. Le DE
CUJUS met son héritier en saisine. L’héritier est donc saisi des biens de plein droit dès le décès. Les biens
héréditaires lui sont donc transmis directement.
Cette règle est commune aux pays de droit écrit et aux pays de coutume. Cette règle est passée dans le
code civil. Les héritiers n’ont besoin d’aucune intervention pour obtenir la maitrise des biens de la
succession. ca se fait automatiquement. Ils n’ont pas non plus besoin d’appréhender matériellement ces
biens. Cette saisine est accordée aux héritiers ab intestat. La formulation qu’on trouve le plus souvent
dans les coutumes : « le mort saisit le vif, son hoir (héritier) le plus proche habile à lui succéder ». Ainsi, la
saisine est donc, d’abord, attribuée aux héritiers appelés en premier rang, puis, s’il refuse la succession, la
saisine sera attribuée aux héritiers du deuxième rang.
Dans l’hypothèse d’une succession testamentaire, il y a une différence suivant les pays de coutumes ou les pays
de droit écrit :
- En pays de coutumes, on a recours à des exécuteurs testamentaires (personnes de confiance). A l’origine,
on a reconnu la saisine à ces exécuteurs testamentaires.
- En pays de droit écrit : On reprend l’institution d’héritiers. C’est l’héritier institué qui a la saisine.
En revanche, les légataires ne peuvent pas avoir la saisine. Ils doivent attendre d’être envoyés en possession des
biens qui leur reviennent par les héritiers ou par les exécuteurs testamentaires.
Quels sont les effets de la saisine ?
Effets importants : on peut en signaler 3 principaux :
 Elle permet à l’héritier d’appréhender les biens
 Elle lui permet de jouir des fruits de ces biens dès le décès.
 Elle permet à l’héritier d’intenter les actions qui protègent la saisine : la principale action est la
complainte (même sans être entré en possession de ces biens, il pourra faire valoir ces droits).
B. L’option de l’héritier
L’ancien droit français ne connaît pas d’héritier nécessaire. Les coutumes, dans la forme rédigée, sont claires sur
ce point :
Nouvelle coutume de Paris de 1580 : « il ne se porte héritier qui veut ».
Coutume de Lille : « il n’est nul hoir nécessaire ».
Tout héritier bénéficie d’une option. Il est toujours libre d’accepter ou de refuser la succession. La solution est
passée dans le code civil (article 775 Cc) : « nul n’est tenu d’accepter une succession qui lui est échue ».
En ce qui concerne l’acceptation tacite : elle peut être expresse ou tacite.
En cas d’acceptation expresse, l’héritier manifeste sa volonté de se comporter en héritier. Les coutumes ne se
contentent pas toutes de cette manifestation de la volonté. La coutume de Lille, par exemple, exige, en plus, un
acte matériel de l’héritier : « quand l’héritier apparent se déclare et fait aucune acte comme hoir (en qualité
d’héritier) ».
Cette double condition remonte vraisemblablement au très ancien droit et était très formaliste.
Deuxième hypothèse d’acceptation tacite : l’héritier peut accepter tacitement en appréhendant les biens, ou un
des biens, de la succession.
Coutume de Bourbourg : « l’héritier est considéré comme ayant accepté dès lors qu’il a appréhendé ne fusse
qu’une cuillère dépendante de la succession ».
A coté de cela, la renonciation doit toujours être expresse. En général, ca se fait par une déclaration en justice.
L’effet de la renonciation : la part du renonçant accroit celle de ses héritiers.
Au départ, il n’y avait aucun délai fixé pour renoncer à la succession. ca posait des problèmes, notamment aux
créanciers. Au 14ème siècle, à la demande des créanciers et des héritiers subséquents, les juges ont imposé un
délai imparti à l’héritier pour se décider.
Le délai est un délai d’un an et d’un jour : délai d’an et jour.
A l’origine, l’option de l’héritier ne comportait que 2 branches : accepter ou refuser. Mais, à la fin du MA, sous
l’influence du droit romain, on a admis une solution intermédiaire : l’acceptation sous bénéfice d’inventaire. Elle
est apparue plus tôt dans les pays de droit écrit (Fin du 12ème siècle).
C’est vers le 14ème siècle qu’elle pénètre dans les pays de coutumes. L’application de cette acceptation sous
bénéfice d’inventaire pose un problème juridique car elle vient du droit romain. Et l’héritier qui veut se prévaloir
de cette acceptation est obligé de s’adresser à la chancellerie royale pour obtenir des lettres de chancellerie, et il
les payera.
L’héritier qui opte pour la solution moyenne doit faire procéder à l’inventaire et faire connaître sa décision dans
un délai assez bref.
Ordonnance de 1667 : il a trois mois pour faire dresser l’inventaire à compter du décès, et, ensuite, il a 40 jours
pour délibérer. Ce délai est passé dans le code civil à l’article 784.
§2 L’étendu de la transmission
Différence fondamentale avec le droit romain : pendant longtemps, il n’y a pas eu véritablement de succession à
la personne car notre ancien droit ignorait l’unité du patrimoine.
La succession se composait de différentes masses de biens, réparties entre les divers héritiers. On distinguait la
succession aux propres, paternels, maternels, de la succession aux meubles et aux acquêts.
Avec la renaissance du droit romain, l’idée de succession universelle réapparaît. Mais cette idée ne parvient pas à
s’imposer concrètement car elle contraire aux habitudes.
Au 16ème siècle, la JP aboutit donc à une solution transactionnelle sur la base d’une distinction entre la succession
ab intestat et la succession testamentaire.
-
La succession sans testament : les héritiers ab intestat sont considérés comme les continuateurs de la
personne du défunt. Ils succèdent à la totalité de son patrimoine, donc à l’actif et au passif, et ils sont
tenus de payer les dettes. Il s’agit d’une obligation personnelle : tenus ULTRA VIRES SSUCCESIONIS.
La succession avec testament :
 En pays de droit écrit : on a un héritier institué. Il est assimilé à l’héritier ab intestat. Il est donc
considéré comme le continuateur de la personne du défunt : il doit payer les dettes et est tenu
ULTRA VIRES SUCCESSIONIS.
 En pays de coutumes : les légataires universels ne sont pas les continuateurs de la personne du
défunt. Ils ne sont pas tenus personnellement des dettes de la succession. il faut pourtant qu’il
paye les dettes pour récupérer les biens. Mais comme cette obligation de payer les dettes n’est
pas personnelle, mais n’est qu’une conséquence à la possession des biens, ils ne sont tenus
qu’INTRA VIRES SUCCESSIONIS. Ils peuvent s’en décharger en abonnant les biens.
En pratique, les héritiers quand ils sont tenus ULTRA VIRES HEREDITATIS peuvent eux aussi échapper à leurs
obligations de payer les dettes en acceptant sous bénéfice d’inventaire. Dans ce cas on abouti aux même résultats
que pour le légataire universel, ils ne seront tenus qu’infra vires et leur patrimoine restera séparé du patrimoine
successoral.
Le système de la succession testamentaire est assez mal vu dans l’ancien droit, donc on hésitait à l’utiliser parce
qu’il était en contradiction avec la notion fondamentale d’honneur et de solidarité familiale.
II. le cas de la pluralité d’héritier
§1 L’indivision
Lorsqu’il y a plusieurs héritiers en attendant le partage, ces héritiers se trouvent en indivision.
Une évolution : selon les époques :
- Au MA : l’indivision à souvent pris la forme des communautés taisibles (tacites), donc qui se constituent
toutes seules, ces communautés étaient présentent chez les roturiers et les serfs. Ces communautés se
forment sans contrat par l’effet de la vie coutume et par l’effet du mélange des biens.
- Elles ont été remplacées par le système d’indivision hérité du droit romain. Comme en droit romain
l’indivision ne peut porter que sur des objets corporels. Elle débouche sur un régime de copropriété
indivise et comme en droit romain, les héritiers et n’importe lequel peuvent mettre fin à l’indivision à tout
moment en demandant le partage, la règle romaine a été récupérée très tôt, on la retrouve à la fin du
13ème siècle chez Beaumanoir « nul n’est contraint de demeurer en indivision ».
§2 Les rapports
Le rapport vise à rétablir l’égalité entre les héritiers. Cette volonté s’explique par l’existence d’un principe
fondamental en droit coutumier : « à degré égal, partage égal ». En pays de droit écrit, l’égalité constitue
également la règle conformément au droit romain.
Par principe, les parents ne peuvent pas avantager l’un de leur parent par rapport aux autres. D’après les
coutumes de Flandres, on ne peut pas faire un enfant « chéri ». On ne peut pas privilégier un.
Si les parents gratifient un de leur enfant d’une donation particulière, ou s’ils lui font un legs particulier, ils
portent atteinte au principe de l’égalité successoral.
C’est pour protéger ce principe que le système des rapports a été mis en place.
Le rapport tient compte des libéralités qui auraient pu être faites à un héritier pour réduire sa part successoral
lors du partage.
Le rapport est généralement exigé des descendants.
Et quelques coutumes de l’ouest l’exige aussi des collatéraux.
Ceci dit, le rapport ne s’applique pas partout dans les mêmes conditions. En pratique, on peut distinguer 3 types
de coutumes :
- Les coutumes d’égalité parfaite, ou d’égalité stricte
Il s’agit des coutumes de l’ouest essentiellement : par exemple la coutume de Bretagne. Elles imposent le rapport,
même aux héritiers qui renoncent à la succession.
- Les coutumes de simple égalité, ou coutume d’option
Il s’agit des coutumes de Paris, et d’Orléans. C’est donc le droit commun coutumier.
Dans ces coutumes, l’héritier peut toujours échapper au rapport en renonçant à la succession. Il a donc une
option. Il a le choix : soit il s’en tient aux dons ou aux legs qui lui ont été faits. Mais il ne participe pas à la
succession. Soit, il décide de participer à la succession, et il devra rapporter à la masse qu’il a reçu.
- Les coutumes de préciput
C’est coutumes excluent le rapport. Elles permettent aux parents de faire un préciput dans la limite de la quotité
disponible. Le préciput peut donc se définir comme l’avantage consenti à un héritier qui est dispensé du rapport.
Même dans ces coutumes, il est toujours possibles, pour les parents d’imposer le rapport dans une clause de
l’acte.
Dans ces coutumes préciputaires, les héritiers bénéficiaires d’un don, ou d’un legs peuvent donc partager la
succession à part égale avec leurs cohéritiers.
Ce sont les coutumes qui ont le plus subi l’influence du droit romain.
Ce sont les coutumes méridionale, mais aussi des coutumes du centre (BOURGOGNE…), et encore certaines
coutumes du Nord (Flandres et Hainaut).
En pratique, en pays de coutume, il n’y a que les libéralités entre vifs qui sont soumises au rapport. Donc les legs
n’y sont pas soumis.
Pour les legs, leur sort est réglé par une autre règle, propre aux pays de coutumes et qui vise, elle aussi, à
interdire d’avantager un héritier à l’autre.
Cette règle c’est la règle « nul ne peut être à la fois héritier et légataire ».
Ainsi, tout successible qui reçoit un legs doit accepter le legs en renonçant à la succession, soit accepter la
succession en renonçant au legs.
C’est une règle proclamée dans toute la Flandres.
Coutume de Lille : « on ne peut être à la fois aumônier, et parchonier (héritier) ».
Dans son commentaire de cette coutume, F. PATOU justifie cette dispositions en faisant valoir que les libéralités
sont toujours censées faites en avancement d’hoirie. Il précise « notre coutume a voulu ainsi conserve l’égalité
entre des héritiers qui partagent une même succession ».
Le but de cette règle est aussi d’éviter des désaccords dans les familles à la suite du décès de l’un des membres.
Cette règle manifeste aussi l’hostilité des coutumes aux dispositions volontaires autres que pieuses. Cette règle
s’applique à toutes les catégories d’héritier, et pas seulement aux descendants.
Tout cela explique qu’en pays de coutumes, le testament concerne essentiellement des non héritiers.
Les solutions applicables dans l’ancien droit français sont complexes car elles sont très diverses. La révolution va
procéder à une grande simplification. Toutes ces diversités en matière successorale ont disparu avec la loi du 17
nivôse an II, qui a été calquée sur les coutumes d’égalité stricte.
En effet, elle impose le rapport en toute hypothèse.
Le but de cette loi est d’assurer l’égalité absolue entre tous les enfants.
Sous le Directoire, la loi du 4 Germinal an 8 revient au système du préciput en autorisant les donations aux
héritiers. Mais cette loi de l’An 8 est mal rédigée car elle ne précise pas si la dispense de rapport est de droit,
automatique, ou si elle doit être expressément stipulée.
L’article 843, al 2 du Code civil de 1804 fait une distinction entre les legs et les donations : les legs sont
réputés faites par préciput ou hors part, sauf volonté contraire exprimée par le testateur. Et les donations sont
normalement soumises au rapport. Pour échapper au rapport, l’héritier devra prouver que la donation est faite
par préciput.
§3 Le partage
A. Les modalités du partage
Le partage que tout héritier peut demander à tout moment, peut se faire à l’amiable, ou par voie judiciaire.
Pour le partage amiable, on a des usages, des habitues. Ceux-ci sont très différents selon les coutumes.
Exemples :
- Coutume de Paris : on procède au tirage au sort par lot.
- Le partage par choisies : on constitue des lots et les héritiers choisissent. On fait constituer les lots par
celui qui ne choisit pas. Deux systèmes en pratique :
 Parfois c’est l’ainé qui fait les lots, et le plus jeune qui choisit (coutumes d’Anjou, ou coutume de
Nevers : « coutumièrement l’ainé lotit et le plus jeune choisit »)
 Parfois, c’est l’inverse. Le plus jeune constitue les lots, et l’ainé choisit. C’est le cas dans nos
régions.
- En Flandres occidental : les coutumes exigent que les héritiers exigent des partageurs (des tiers). Ceux-ci
ne doivent pas être proches parents des héritiers. Ils sont assermentés et ils perçoivent un salaire. En cas
de conflit, ils doivent renvoyer les copartageants devant le Magistrat.
Quand un héritier a déjà cédé sa part à un tiers non héritier avant le partage, ses cohéritiers peuvent reprendre
cette part à condition de rembourses, aux tiers, le prix d’achat. C’est le système du retrait successoral qui se
justifie toujours par la même idée. On retrouve la volonté de favoriser le maintien des biens dans la famille.
Ce système de retrait successoral a été repris par le code civil de 1804. Et ca n’a été abrogé qu’en 1976.
B. L’effet du partage
Dans notre ancien droit, le partage a un effet déclaratif, à la différence de ce qui se passait en droit romain
(effet translatif).
La solution sera la même dans le code civil à l’article 883 : « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et
immédiatement… ».
Chaque héritier est censé avoir repris, sans interruption, la saisine du défunt. il est censé avoir succédé seul et
immédiatement à tous les effets, les biens compris dans sont lot.
La saisine n’est donc pas acquise, mais elle est transmise. Le partage, par une sorte de fiction, est censé avoir été
réalisé dès la mort du DE CUJUS. Le partage est rétroactif.
L’héritier reprend la place du défunt au jour du décès.
C. Le problème de la répartition des dettes successorale
La succession se compose du passif et d’un actif.
En droit romain, cette répartition ne posait pas de problème parce que c’était très simple. Les dettes de la
succession étaient divisées de plein droit entre les parts héréditaires. Chaque héritier va contribuer au paiement
des dettes en fonction de l’actif qu’il a reçu.
Mais au MA, on a perdu la notion d’unité du patrimoine. La succession, à cette époque, se compose de
différentes masses de biens et de dettes.
Les charges réelles grevant un immeuble
Exemple : les charges féodales (le cens, les rentes foncières) incombent nécessairement à l’héritier de l’immeuble
grevé.
Quant aux dettes personnelles, en général faibles, elles incombent, au contraire, à l’héritier des meubles en vertu
de l’adage « meubles sont sièges de dettes ».
Mais dès le 13ème siècle, cette solution est contestée. On va finir par admettre que les dettes peuvent également
grever les immeubles. C’est ainsi que, d’après BEAUMANOIR, il faut d’abord exécuter sur les meubles, puis, sur les
immeubles.
Au 16ème siècle, en 1539, on retrouve la même solution dans la grande ordonnance de Villers COTTERET.
Elle oblige les créanciers à discuter les meubles avant de saisir les immeubles. Et puis, un peu à la fois, on voit
réapparaître l’idée de répartir les dettes entre tous les héritiers. Le développement de cette idée est favorisé par
la découverte de l’idée romaine d’unité du patrimoine successoral. C’est consécutif à la seconde renaissance du
droit romain au 16ème siècle.
Dès le milieu du 16ème siècle, ce principe est admis par la JP. Et il sera développé par la doctrine (POTHIER : « les
biens de quel qu’espèce qu’il soit, propre ou meuble, doivent être tenues des dettes »). On arrive donc à poser un
principe de contribution : chaque héritier doit contribuer aux dettes en fonction de sa part, en proportion de
l’actif qu’il a reçu.
Ce principe est passé dans le code de 1804, à l’article 870.
Cette solution est tout à fait justifiée aujourd’hui. Mais, si on se place dans les conditions de l’ancien droit
français, il n’est pas aussi justifié : car il faut tenir compte du système successoral de l’époque :
Exemple : supposons que le DE CUJUS avait emprunté de l’argent pour acheter un immeuble. Cet immeuble est
un acquêt. Il va donc appartenir à l’héritier des acquêts. Mais les autres héritiers qui n’ont aucun droit sur cet
acquêt seront tenus à contribuer au remboursement de la somme empruntée.
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