Rapport de stage B. Thomas

publicité
 Groupe Mammalogique Normand
Mairie d’Epaignes – 27260 EPAIGNES
tél : 02.32.42.59.61 fax : 02.32.42.34.05 Bastien THOMAS Inventaire et conservation de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) et des mammifères aquatiques de Basse-­‐Normandie : le Campagnol amphibie (Arvicola sapidus), le Crossope aquatique (Neomys fodiens) et le Crossope de Miller (Neomys anomalus) Maître de stage : Ladislas BIEGALA Tutrice universitaire : Estelle LANGLOIS UNIVERSITÉ DE ROUEN – UFR DES SCIENCES ET TECHNIQUES Master 1 : Environnement Sol Eaux Biodiversité – Parcours Biodiversité Année 2012-­‐2013 Groupe Mammalogique Normand
Mairie d’Epaignes – 27260 EPAIGNES
tél : 02.32.42.59.61 fax : 02.32.42.34.05 Bastien THOMAS Inventaire et conservation de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) et des mammifères aquatiques de Basse-­‐Normandie : le Campagnol amphibie (Arvicola sapidus), le Crossope aquatique (Neomys fodiens) et le Crossope de Miller (Neomys anomalus) Maître de stage : Ladislas BIEGALA Tutrice universitaire : Estelle LANGLOIS UNIVERSITÉ DE ROUEN – UFR DES SCIENCES ET TECHNIQUES Master1 : Environnement Sol Eaux Biodiversité – Parcours Biodiversité Année 2012-­‐2013 Page de couverture -­‐ aménagement d’un passage à Loutre sous un pont -­‐ épreinte de Loutre sur un tronc d’arbre -­‐ Campagnol amphibie sur un promontoire -­‐ secteur de présence du Campagnol amphibie Résumé La qualité du patrimoine naturel de Basse-­‐Normandie est favorable au maintien des populations de mammifères aquatiques. Toutefois peu de données sont connues pour certaines espèces. Ainsi, de nombreuses prospections ont été réalisées sur les bassins de l’Orne et d’autres cours d’eau normands, ainsi qu’une analyse du régime alimentaire de la Loutre. La Musaraigne aquatique a été cherchée aussi grâce à la méthode des tubes appâtés. Au final, quelques données sur la Loutre ont été obtenues à proximité des têtes de bassin de la Touques, de la Risle et de la Dives, laissant supposer une possible colonisation de ces cours d’eau dans l’avenir. L’espèce semble consommer une majorité de chabots et d’écrevisses dans le secteur de la Courbe, qui constituent les principales proies. De plus, deux Musaraignes aquatiques ont été observées sur un affluent de la Touques, et de nombreux crottiers de Campagnol amphibie ont été trouvés. Ainsi, le Campagnol amphibie semble plutôt commun en Normandie alors que la Musaraigne aquatique reste toujours difficile à observer. Quant à la Loutre, celle-­‐ci semble étendre son aire de répartition en colonisant de nombreux affluents de l’Orne. Le suivi régulier de l’espèce est nécessaire pour connaître l’évolution de la population en Normandie. Mots clés Loutre – Campagnol amphibie – Musaraigne aquatique – Régime alimentaire -­‐ Colonisation Sommaire Remerciements .................................................................................................................. 8 Préambule ......................................................................................................................... 3 Introduction ...................................................................................................................... 4 I. Matériel et méthodes .................................................................................................. 6 A. Généralités sur la recherche des mammifères aquatiques ..................................................................... 6 B. Etude de la Loutre d’Europe ................................................................................................................................. 6 1. Protocole de prospection Loutre ......................................................................................................................... 6 2. Analyse du régime alimentaire ............................................................................................................................ 7 3. Identification des ouvrages bloquant la progression de la Loutre ....................................................... 8 C. Etude des autres mammifères aquatiques ..................................................................................................... 8 1. Protocole de prospection Campagnol Amphibie ........................................................................................... 8 2. Méthode des tubes appâtés pour la Musaraigne aquatique .................................................................... 9 3. Analyse des pelotes de réjection de Chouette effraie ................................................................................ 11 II. Résultats .................................................................................................................... 12 A. Résultats généraux sur la Loutre ...................................................................................................................... 12 1. Aire de répartition de la Loutre en Basse-­‐Normandie ............................................................................. 12 2. Les milieux propices à la Loutre ........................................................................................................................ 14 3. Inventaire des ouvrages bloquant la progression de la Loutre ............................................................ 15 4. Analyse du régime alimentaire de la Loutre sur une partie de l’Orne .............................................. 16 b. Autres mammifères aquatiques ........................................................................................................................ 17 1. Résultats des prospections pour le Campagnol amphibie ...................................................................... 17 2. Analyse des tubes appâtés .................................................................................................................................... 19 3. Résultats des analyses de pelotes de réjection ............................................................................................. 19 4. Observation directe ................................................................................................................................................. 20 III. Discussion ................................................................................................................. 21 A. La progression de la Loutre en Basse-­‐Normandie .................................................................................... 21 1. Une colonisation à partir du bassin hydrographique de l’Orne ........................................................... 21 2. Menaces limitant l’extension de l’aire de répartition de la Loutre en Normandie ...................... 22 B. Plasticité du régime alimentaire de la Loutre ............................................................................................. 24 C. Autres mammifères aquatiques ........................................................................................................................ 25 1. Le campagnol amphibie ........................................................................................................................................ 25 2. Les musaraignes du genre Neomys .................................................................................................................. 27 Conclusion ........................................................................................................................ 29 Bilan du stage ................................................................................................................... 30 Bibliographie .................................................................................................................... 31 Annexes ............................................................................................................................ 34 Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier mon maître de stage Ladislas Biegala, de m’avoir à nouveau accepté en stage cette année et de m’avoir permis d’étudier une nouvelle espèce de mammifère aquatique: la Loutre, espèce emblématique en Normandie ; et également de m’avoir permis d’enrichir mes connaissances en mammalogie. Merci également pour la relecture du rapport. Un grand merci également à l’ensemble des salariés, notamment Sébastien Lutz pour son aide pour la cartographie, Christophe Rideau qui a éclairci un bon nombre de questions que je me posais, Roald Harivel pour m’avoir initié à la reconnaissance des indices de présence de la Loutre sur le terrain. Merci également à l’aide des bénévoles de terrain lors des prospections, plus particulièrement à Vincent Lespannier pour son aide spontanée et les échanges informatifs en écologie aquatique ainsi qu’à Johann Launay (PNR des Boucles de la Seine Normande) pour notre photographique de Musaraigne aquatique et les prospections pour le Campagnol amphibie. Je tiens aussi à remercier le Groupe de Recherche et d’Etude pour la Gestion de l’Environnement (GREGE) de m’avoir fourni l’intégralité de leur protocole que j’ai pu appliqué. Merci plus particulièrement à Catherine Bout de m’avoir fourni son rapport de stage mais également pour ses nombreux conseils concernant la rédaction de la partie sur les Musaraignes aquatiques. Je voudrais également remercier les mammalogistes représentant d’autres structures et m’ayant aussi aidé lors de mon stage : Frank Simmonet (Groupe Mammalogique Breton), Gaëlle Caublot (Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin), Laurent Mercier (Bénévole au GMB). Un grand merci également à l’Agence de l’Eau d’avoir financé cette étude qui a permis de réaliser le stage. Préambule Fondé en 1978, le Groupe Mammalogique Normand (G.M.N) est une association régie par la loi de 1901 et a pour objectif d’étudier les mammifères sauvages et leurs écosystèmes en Normandie . Le G.M.N est membre de la Société Française pour l’Etude et la Protection des mammifères (S.F.E.P.M) dont il est le représentant local. L’ensemble du travail effectué par les bénévoles de l’association, a permis, depuis sa création, de constituer une banque de données unique sur les mammifères normands. Le G.M.N sert ainsi s’interlocuteur local pour les organismes publics, privés ou associatifs dans la mise en place des politiques environnementales locales. L’association compte 8 salariés en 2013. Elle étudie les mammifères sauvages de Normandie en réalisant des prospections ainsi que des études plus ciblées comportant par exemple des captures temporaires. Certains bénévoles possèdent, en effet, des dérogations de capture pour les chauves-­‐
souris délivrées par la préfecture. Le public peut également être mis à contribution par le biais de questionnaires ou bien encore par la presse. Les données recueillies permettent alors de dresser une cartographie précise de la répartition des mammifères sauvages au sein de la Normandie. Le G.M.N aborde différents thèmes d’étude parmi lesquels : Ø Une détermination précise de l’aire de répartition de plusieurs espèces (Crossope de Miller et Crossope aquatique, Martre, Hermine, Mulot à collier, Lérot, Muscardin et le Campagnol amphibie). Ø Amélioration des connaissances sur la répartition de la Loutre en Normandie Ø Recherche de colonies et de sites d’hivernage pour les chauves-­‐souris à des fins d’inventaire et de protection. Ø Ecologie des chiroptères forestiers comme la Barbastelle et le Murin de Bechstein. Ø Collaboration à des études européennes de génétique des populations concernant diverses espèces de chauves-­‐souris : le Grand Rhinolophe, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, et des micromammifères comme les musaraignes, le Campagnol roussâtre et le Lérot. Ø En collaboration avec les Parcs Naturels Régionaux du Perche, des Marais du Cotentin et du Bessin et Normandie-­‐Maine, étude des peuplements sur leurs territoires. Ø Etudes sur les mammifères marins, notamment dans le cadre de projets d’implantation d’éoliennes off-­‐shore. Deux Atlas de répartition des mammifères sauvages de Normandie ont pour le moment été rédigés par le G.M.N en 1988 et en 2004. Un nouvel atlas est en projet, toutes les données qui sont récoltées depuis 2011 permettront de créer un nouvel Atlas en 2020. Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 3 Introduction La région Basse-­‐Normandie repose sur un substrat nettement moins calcaire que celui de la Haute-­‐Normandie. L’eau est ainsi mieux retenue car la perméabilité y est beaucoup plus importante. (GMN, 2004). Cela est alors propice à la formation d’un réseau hydrographique très dense, favorable à l’établissement et au maintien de différentes espèces de mammifères aquatiques. La plupart de ces nombreux cours d’eau sont peu larges, mais sont raccordés aux quatre fleuves bas-­‐normands : la Vire, l’Orne, la Dives et la Touques. Toutefois, au cours des dernières décennies, l’intensification des activités anthropiques sur les milieux aquatiques, en particulier l’agriculture, le piégeage et la destruction des milieux naturels, ont conduit au déclin de plusieurs espèces de mammifères aquatiques, plus particulièrement la Loutre d’Europe (Lutra lutra) (KUHN & JACQUES, 2011) et le Campagnol amphibie (Arvicola sapidus) (RIGAUX, 2009). La Loutre est le plus gros des mammifères aquatiques normands. Elle possède un corps fuselé parfaitement adapté à la nage, qui fait d’elle un véritable prédateur dans les milieux aquatiques. Elle est également un réel témoin de la qualité des eaux douces (LEMARCHAND, 2007) et a longtemps été chassée pour sa fourrure et l’impact qu’elle pouvait avoir sur les activités piscicoles. L’espèce a ainsi disparu en France de plus de la moitié de son aire de répartition originelle au cours du XXème siècle (KUHN & JACQUES, 2011). Les populations sont toutefois restées relativement prospères en Irlande, en Ecosse et au Portugal (LAFONTAINE, 2005). Malgré sa protection légale en 1981, le rétablissement des populations vers le niveau initial est loin d’être acquit et la Loutre subit actuellement de nouvelles menaces comme l’intensification du réseau routier, responsable d’une mortalité plus ou moins importante due aux collisions routières (KUHN & JACQUES, 2011). En Normandie, par exemple, une quarantaine de données étaient comptabilisées avant 1970 pour n’atteindre plus qu’une seule en 2001 malgré les nombreuses prospections de terrain. Les densités de population devaient ainsi être tellement faibles que le marquage n’était alors plus systématique, rendant alors très difficile leur recherche. Cela atteste bien de la régression des populations de Loutre en Normandie (GROUPE MAMMALOGIQUE NORMAND, 2004). Toutefois, depuis 2002, de nombreuses données ont été récoltées, indiquant une recolonisation de la Loutre sur la vallée de l’Orne et ses affluents (BROSSE, 2004 ; HARIVEL, 2008), ainsi que dans le Cotentin (CHEYREZY, 2012 ; RIDEAU & BIEGALA, 2012). Il semblait donc intéressant, afin de toujours mieux connaître l’aire de répartition de la Loutre en Normandie, de continuer les recherches dans des secteurs où aucun indice n’avait été trouvé. Une analyse du régime alimentaire a aussi été entreprise dans un secteur de l’Orne afin de mieux connaître localement son régime alimentaire. Subissant toujours les conséquences des menaces qui pèsent sur elle, plus particulièrement l’intensification du réseau routier et la discontinuité écologique des cours d’eau, une identification des ouvrages aménagés et des ouvrages présentant un danger potentiel pour l’espèce ont également constitué l’un des objectifs de ce stage. Parmi les autres mammifères aquatiques qui ont vu leurs effectifs régresser, le Campagnol amphibie (Arvicola sapidus), une espèce moins connue que la Loutre, est le 4 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie plus gros des campagnols d’Europe (AULAGNIER, 2008). Son régime alimentaire est principalement végétarien, les milieux qui lui sont propices sont alors ceux fournis en végétation rivulaire herbacée dense (QUERÉ, 2011). En plus des menaces précédemment citées, d’autres concernent l’utilisation de rodenticides ou d’appâts empoisonnés visant à réguler les populations des espèces invasives comme le ragondin (Myocastor coypus) et le rat musqué (Ondatra zibethicus), ainsi qu’une prédation chez les jeunes par le rat surmulot (Rattus norvegicus) et le Vison d’Amérique (Mustela vison) (RIGAUX, 2009). L’effectif de ses populations a également régressé en Normandie où il semblait autrefois commun (GMN, 2004). En 2007, suite aux constats de plusieurs études sur l’espèce, l’espèce était alors classée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (U.I.C.N.) dans la catégorie « quasi-­‐menacé (NT)» sur la liste rouge européenne des espèces menacées (RIGAUX, 2007). Suite à de nombreuses études complémentaires sur cette espèce, notamment menées par Pierre Rigaux, l’espèce vient récemment d’être ajoutée à la liste des espèces de mammifères par l’arrêté du 15 septembre 2012, une grande récompense pour l’ensemble des études menées par les naturalistes, mais une importante sensibilisation reste encore à entreprendre, notamment auprès des piégeurs qui ne savent bien souvent pas différencier l’espèce de jeunes ragondins ou rats musqués. De plus, peu de données sont connues sur l’espèce en Basse-­‐Normandie, de nouvelles prospections ont donc été entreprises afin de mieux connaître sa répartition dans cette région. L’étude du Campagnol amphibie en Normandie est d’autant plus intéressante qu’une espèce très proche morphologiquement, la forme aquatique du Campagnol terrestre (Arvicola terrestris), a été découverte en Seine-­‐Maritime en 2011, et que les résultats d’une étude menée en 2012 attestent de sa présence sur les vallées de la Bresle et de l’Yères (BIEGALA et al., in press et THOMAS, 2012). Enfin, concernant la Musaraigne aquatique (Neomys fodiens), aussi appelée le Crossope aquatique, celle-­‐ci représente la plus grosse des musaraignes d’Europe, et appartient au seul genre de musaraignes protégées en France (GMN, 2004). Cette espèce est une redoutable prédatrice en eau douce des amphibiens, crustacés, insectes, etc. (CHURCHFIELD, 1985). Sa discrétion et ses faibles densités de population rendent sa recherche difficile. C’est la raison pour laquelle relativement peu de données ont été comptabilisées en Normandie (GMN, 2004). La majorité des données obtenues est issue des examens de pelotes de réjection. Un des autres objectifs de ce stage était donc d’apporter des connaissances supplémentaires sur cette espèce mais également de mieux connaître son aire de répartition en Basse-­‐Normandie. Dans ce rapport, la première partie présente le matériel et les méthodes qui ont été utilisés pour réaliser les prospections concernant ces espèces patrimoniales de Basse-­‐Normandie. Les résultats des prospections de terrain ainsi que du régime alimentaire de la Loutre et de l’identification des ouvrages sensibles sont présentés dans une seconde partie. Enfin, une partie discussion permet d’analyser la présence et la répartition de ces espèces de mammifères aquatiques et d’apporter des mesures de gestion aux organismes concernés afin de mieux pouvoir les protéger. Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 5 I. Matériel et méthodes Tout d’abord, il est intéressant de noter qu’un nouvel Atlas de répartition des mammifères sauvages de Normandie est actuellement en cours de préparation et sera édité en 2020, toutes les données obtenues lors de ce stage ont donc été prises en compte pour cet Atlas. Le G.M.N dispose pour cela d’une base de données permettant de connaître l’aire de répartition de chaque espèce en Normandie depuis plusieurs dizaines d’années. Cet outil a donc été utilisé pour mieux connaître la répartition des espèces étudiées en Normandie afin de déterminer les secteurs de prospections prioritaires. A. Généralités sur la recherche des mammifères aquatiques Contrairement à certains autres groupes taxonomiques, la recherche des mammifères aquatiques est délicate pour de nombreuses raisons, à savoir la taille parfois petite de certaines espèces et donc leur discrétion, ainsi que la période d’activité ou encore les faibles densités de population. La Loutre est par exemple un mammifère nocturne pouvant parcourir plusieurs dizaines de kilomètres de cours d’eau en une nuit (KUHN & JACQUES, 2011), et les densités de population sont relativement faibles en Normandie (GMN, 2004). Leur observation directe est donc extrêmement rare sur le terrain. Quant aux micromammifères, leur petite taille leur assure une bonne discrétion, et les densités de populations pouvant être aussi faibles, il est bien difficile de les observer directement dans leur milieu naturel. L’étude des mammifères aquatiques repose donc principalement sur la recherche d’indices de présence tels que les fèces, les restes de repas, les empreintes, etc. (CHAZEL, 2011). Plusieurs protocoles standardisés se basant sur ces indices de présence ont ainsi été développés par les mammalogistes. B. Etude de la Loutre d’Europe 1. Protocole de prospection Loutre La méthode de prospection choisie a été la méthode standardisée proposée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Celle-­‐ci se base sur le quadrillage UTM de 10x10km. Chacun de ces carrés est divisé en 4 carrés de 5x5km au sein desquels le tronçon le plus favorable a été prospecté (LAFONTAINE, 2005). Les tronçons privilégiés étaient ceux présentant des ponts, barrages, seuils, confluences, méandres, moulins, etc. car constituent des points stratégiques pour le marquage de la Loutre (HESNARD, 2011). Chaque prospection s’est faite sur une distance de 600m (300m en amont et 300m en aval la plupart du temps) ou bien 300m sur chaque rive lorsque les deux rives étaient accessibles. Les indices de présence recherchés étaient les épreintes (fèces composés de restes osseux des proies consommées ainsi que des substances gélatineuses produites par les glandes annales) et les empreintes (Figure 1). 6 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Figure 1: Epreinte de Loutre sur un tronc d'arbre et marquage à l'urine (à gauche). Empreintes de Loutre sur la vase (A droite) Seules les épreintes constituent un indice de présence fiable de l’espèce (KUHN & JACQUES, 2011). Au terme des 600m, si aucun indice probant n’a été trouvé, le tronçon est alors considéré comme négatif. Au contraire, lorsqu’une épreinte était trouvée, la prospection était arrêtée et le carré était alors considéré positif. Une fiche de caractérisation du milieu a été remplie pour chaque tronçon prospecté (Annexe I), celle-­‐ci ayant été adaptée à partir d’un modèle présenté par le Groupe Mammalogique Breton (SIMMONET, 2012) et d’une étude danoise concernant l’impact anthropique sur la Loutre (MADSEN & PRANG, 2001). L’ensemble des résultats a permis de réaliser des statistiques multivariées, notamment une Analyse des Correspondances Multiples (ACM) grâce au logiciel R™. Les cours d’eau ayant fait l’objet de prospections étaient principalement des affluents de l’Orne : la Baize, l’Ure, l’Udon, le Don, etc. ainsi que quelques autres grands cours d’eau normands tels que l’Huisne, la Sarthe et la Dives. Les prospections ont été réalisées en priorité dans les secteurs non encore prospectés pour la Loutre mais proches de ceux où elle y est déjà connue. Une cartographie de la répartition de la Loutre en Normandie à partir de la base de données du GMN est proposée en annexes (Annexe II). 2. Analyse du régime alimentaire La Loutre d’Europe est un mammifère essentiellement ichtyophage mais peut également consommer une part importante d’amphibiens et d’invertébrés aquatiques, ainsi que de mammifères, reptiles, oiseaux et insectes terrestres (KUHN & JACQUES, 2011). Une étude du régime alimentaire de la Loutre a donc été faite sur la vallée de l’Orne, dans le secteur de la Courbe (61) (Annexe III) afin de mieux connaître localement les proies consommées par la Loutre. Cette étude repose sur l’analyse des épreintes. Au total, 15 épreintes ont été récoltées et analysées, ce qui donne une idée représentative du régime alimentaire de la Loutre dans le secteur concerné (CONROY et al., 2005). La Loutre étant un mammifère territorial, les épreintes ont donc un rôle important dans le marquage du territoire mais aussi pour la recherche de partenaires en vue de la reproduction (KUHN & JACQUES, 2011). Ainsi, l’ensemble des épreintes d’un site n’a jamais été récolté afin de perturber le moins possible les individus. Après récolte, les échantillons ont été congelés lorsqu’ils étaient frais, ou bien conservés dans des piluliers. Ensuite, ils ont été imbibés d’eau pendant une nuit, puis Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 7 rincés à l’eau afin d’enlever le mucus structurant les épreintes et tamisés à l’aide d’un tamis de mailles 0,6mm (MERCIER, 2003). Les restes ont ensuite été séchés lentement pour éviter toute déformation des os. Après tri des restes osseux, des poils, restes d’insectes, etc., un classement par groupe systématique a été réalisé. L’identification des proies s’est principalement faite à l’aide des vertèbres ou des prémaxillaires, mais également des os préoperculaires (CONROY et al., 2005). Des clés de détermination et des atlas ostéologiques ont été utilisés. Le classement par groupe systématique permet d’exprimer les résultats en fréquence d’occurrence ou bien en pourcentage d’occurrence relative dont les calculs sont présentés ci-­‐dessous: Fréquence d’occurrence= (nombre d’épreintes contenant une espèce proie/nombre total d’épreintes) x 100 Occurrence relative = (nombre d’épreintes contenant une espèce proie/nombre total d’occurrences) x 100 L’occurrence relative permet d’avoir la meilleure idée du régime alimentaire de la Loutre (KUHN & JACQUES, 2011). 3. Identification des ouvrages bloquant la progression de la Loutre Le cours principal de l’Orne entre Putanges-­‐Pont-­‐Écrepin et Argentan est considéré comme le noyau de population de la Loutre en Normandie. Celui-­‐ci aurait persisté lorsque la population générale de la Loutre est entrée en déclin, principalement dans les années 1950 (HARIVEL, 2008). La Loutre recolonise depuis quelques années les affluents de l’Orne (HARIVEL, 2008), elle est même aujourd’hui présente dans la Manche (CHEYREZY, 2012 ; RIDEAU & BIEGALA, 2012). Mais la recolonisation de la Loutre ne doit pas être gênée par des infrastructures l’empêchant notamment de remonter les cours d’eau (barrages, buses en béton trop étroite, etc.). Ainsi, lors des prospections, les ouvrages défectueux présentant des risques de mortalité (principalement dus à des collisions routières) ont été relevés et caractérisés à l’aide d’une fiche type (Annexe IV) basé sur un modèle utilisé par le GMB (SIMMONET, 2012). Les ouvrages présentant des aménagements pour la Loutre ont également été inventoriés, ceci afin de mieux évaluer le potentiel de colonisation de la Loutre sur les affluents de l’Orne et autres rivières principales. C. Etude des autres mammifères aquatiques 1. Protocole de prospection Campagnol Amphibie Ce protocole consiste à réaliser des prospections standardisées dans des carrés échantillons de 10x10km répartis dans l’ensemble de la zone française de présence de l’espèce. L’ensemble de ces maillages est préalablement défini en coordonnées Lambert II étendu-­‐Méridien de Paris. Ce système permet de fournir, en format S.I.G, les différents carrés à prospecter. Les carrés 10x10km sont divisés en carrés de 2x2km. Au sein de 20 carrés, un tronçon d’une centaine de mètres a fait l’objet d’une prospection. Il s’agissait de celui qui semblait le plus favorable à l’espèce, à savoir des cours d’eau peu profonds, 8 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie riches en végétation rivulaire (RIGAUX, 2007) et avec un courant modéré ou faible. La recherche des indices de présence s’est faite en soulevant la végétation entre 0 et 1 mètre de l’eau, elle permettait alors de confirmer ou non la présence de l’espèce pour chaque tronçon. Les indices de présence correspondent aux réfectoires (restes de repas, végétaux découpés par les rongeurs), aux coulées et aux crottiers (CHAZEL, 2011). Seuls les crottiers (Figure 2) ont été retenus car ils constituent le seul indice de présence caractéristique de l’espèce. Enfin, une fiche de renseignement a été remplie pour chaque tronçon, celle-­‐ci caractérisant le milieu de prospection (Annexe IV). Une ACM a également été faite sur le jeu de données obtenu à l’aide du logiciel R™. Figure 2: Crottier de Campagnol amphibie, crottes ayant l'aspect d'une gélule de couleur verte aux extrémités arrondies 2. Méthode des tubes appâtés pour la Musaraigne aquatique La Musaraigne aquatique (Neomys fodiens) appartient à l’ordre des insectivores et consomme une majorité d’invertébrés. Plusieurs études ont été réalisées sur le régime alimentaire de cette espèce. Elles montrent pour la plupart qu’elle consomme des insectes (trichoptères, dytiques, etc.) mais également des mollusques (Lymnées en majorité), des amphibiens et des crustacés aquatiques (Gammares et Aselles) (CHURCHFIELD, 2000). La composition du régime alimentaire semble par contre varier au cours de l’année (WOLK, 1976). Ce sont surtout les crustacés aquatiques qui sont intéressants dans l’utilisation de cette méthode. Elle est toutefois capable de capturer des proies plus grosses qu’elle, notamment en utilisant une sécrétion qu’elle injecte dans ses proies et qui permet de les paralyser (LUGON-­‐MOULIN, 2003). Ainsi, elle peut se nourrir d’alevins de poissons ou d’amphibiens (HABERL, 2002). La méthode utilisée a été adaptée et proposée par le Groupe de Recherche et d’Etude pour la Gestion de l’Environnement (GREGE), l’utilisation de la méthode initialement proposée par Churchfield ayant apporté très peu de résultats les années précédentes en Normandie. Cette méthode non invasive et peu onéreuse consiste à disposer des tubes appâtés en PVC d’une longueur de 20cm et d’une section carré de 40mm, comprenant un substrat composé de petits graviers simulant au mieux le substrat naturel présent dans le milieu concerné. Ceux-­‐ci sont placés le long des tronçons les plus propices à la présence de l’espèce (Figure 3), à savoir les secteurs de sources comme les cressonnières, les ruisseaux forestiers, etc., le tout offrant une végétation hygrophile dense (CHURCHFIELD, 2000). Le choix de la présente méthode a longuement été étudié par le GREGE en testant de nombreux modèles de tubes récolteurs de fèces mais également en variant la durée Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 9 de pose des tubes ainsi qu’en les plaçant avec des configurations différentes. Le taux moyen de détection finale grâce à cette méthode était alors de 20 à 30% pour la moitié ouest de la France (BOUT, 2010 et 2012). Figure 3: Tube à Neomys appâté et disposé le long d’une berge, adapté selon le modèle développé par le GREGE Figure 4: Fèces de Neomys fodiens présentant des fragments blancs caractéristiques des restes de Gammares consommés (à gauche) Les coulées dans la végétation dense ont été privilégiées de même que les systèmes racinaires au bord de l’eau, les musaraignes les utilisent en effet pour se protéger au mieux des prédateurs (CHURCHFIELD, 1998). Mais il semble également qu’elles utilisent les cavités dans les berges à la recherche de nourriture, par leur comportement de prédateur (BOUT, 2010). Les faibles vitesses de courant, les substrats vaseux et les faibles profondeurs sont également propices (GREENWOOD, 2002). Une fiche de caractérisation du milieu a été remplie pour chaque tronçon (Annexe VI). Des asticots congelés ont été utilisés comme appât et les tubes ont ensuite été placés sur chaque tronçon favorable par lots de 10, espacés d’un mètre pour une durée de 8 jours. Le domaine vital d’une femelle est d’environ 200m de berge et celui des mâles chevauche celui des femelles. La pose des tubes sur un tronçon de 100m est alors optimale et a permis d’obtenir des résultats intéressants lors de précédentes études (BOUT, 2010). De plus, le pourcentage de sites positifs augmente avec le nombre de tubes jusqu’à un seuil correspondant à environ 10 tubes (Bout et al., 2012). Le métabolisme digestif de N. fodiens étant très rapide, elle produit rapidement des fèces (CHURCHFIELD, 2000). L’appât était alors enfermé dans des compresses afin d’inciter la musaraigne à rester le plus longtemps possible dans le tube pour qu’elle y dépose ses fèces (Bout et al., 2012). Ayant un régime alimentaire principalement constitué de proies aquatiques, la présence de gammares ou d’aselles dans les fèces (Figure 4) constitue un indice de présence fiable de l’espèce dans la zone prospectée (CHURCHFIELD, 2000). Les fèces de musaraignes ont de plus un aspect présentant une surface irrégulière très différente des fèces de rongeurs qui ont une surface lisse. Les fèces de musaraignes présentant des fragments blancs d’exosquelettes d’invertébrés doivent donc être récupérés puis séchés pendant 48h avant examen (Bout, 2010). Cet examen microscopique de fèces se réalise à l’aide d’une loupe binoculaire, voire d’un microscope et d’une collection de référence. Au total, 3 séries de 10 tubes ont été placées dans des secteurs différents, mais sur des tronçons d’une longueur inférieure à 100m, ceci étant expliqué à cause de la configuration des ruisseaux expérimentaux (Annexe IX). 10 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 3. Analyse des pelotes de réjection de Chouette effraie Les micromammifères constituent des proies potentielles pour de nombreux prédateurs comprenant des mammifères carnivores comme le renard et les mustélidés, mais également des rapaces diurnes et nocturnes. La Chouette effraie (Tito alba) en est un exemple intéressant car elle se nourrit fréquemment de micromammifères et produit régulièrement des pelotes (poils et restes osseux non digérés compactés et régurgités sous forme d’une boule) qui sont faciles à trouver (Figure 5). Figure 5: pelotes de réjection de Chouette Effraie et restes osseux de rongeurs (à gauche) et d'insectivores (à droite) La Chouette effraie est un rapace anthropophile, les pelotes sont donc souvent trouvées dans les bâtiments peu fréquentés par l’Homme comme les vieux bâtiments, les granges, les bâtiments agricoles ou les abords d’églises. Les crânes et os y sont de plus, très bien conservés (CHALINE, 1974) contrairement aux pelotes de rapaces diurnes qui possèdent des sucs digestifs attaquant les os. L’analyse des lots de pelotes de réjection permet de connaître la majorité des micromammifères présents dans la zone de chasse de la chouette concernée mais également la proportion de chaque espèce. Un inventaire de micromammifères peut alors être réalisé et permet d’appréhender le régime alimentaire de la chouette effraie en évitant d’autres méthodes plus coûteuses en temps et en argent comme le piégeage qui de plus, présente des risques de mortalité pour les micromammifères. L’analyse des pelotes de réjection est l’un des moyens les plus efficaces de montrer la présence de N. fodiens. Toutefois, la fréquence de présence de cette espèce dans les pelotes est de l’ordre de 0,3% en Normandie (G.M.N, 2004). Le Campagnol amphibie peut également être trouvé dans les pelotes, mais la fréquence est encore moins élevée (0,04%). La Musaraigne de Miller (Neomys anomalus) est encore plus rare et localisée en Normandie. Des clés de détermination ont été utilisées pour l’analyse des pelotes, notamment celle d’Isabelle Charissou (Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin, G.M.H.L). Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 11 II. Résultats A. Résultats généraux sur la Loutre 1. Aire de répartition de la Loutre en Basse-­‐Normandie Depuis la redécouverte de la Loutre en 2002 par Xavier Brosse (BROSSE, 2005), de nombreuses prospections ont été faites en majorité sur le bassin hydrographique de l’Orne et de ses affluents, mais également dans la Manche sur la Vire et dans le Cotentin depuis la découverte d’un individu mort par collision en 2011 (RIDEAU & BIEGALA, 2012). L’ensemble des résultats des prospections est présenté dans la figure suivante (Figure 6) où apparaissent également les mailles prospectées selon le protocole. Figure 6: cartographie des tronçons prospectés pour la recherche de la Loutre en Basse-­‐Normandie au cours du stage 12 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie a. L’Orne Ce fleuve reste le cours d’eau normand le plus prospecté pour la Loutre car il héberge le noyau de population lutrine ayant persisté lors de la régression générale des populations (HARIVEL, 2008). De nouvelles prospections ont été faites sur des secteurs de présence déjà connus ainsi que sur des secteurs jamais prospectés. Des indices ont été trouvés sur la haute vallée de l’Orne, près de Sées, mais également sur le ruisseau du Calvaire, un affluent de l’Orne, au niveau de Boissei-­‐la-­‐Lande. Plusieurs épreintes (Figure 7) ont également été trouvées aux Isles-­‐Bardel sur la Baize, un des affluents de l’Orne. 7: épreinte trouvée sur un Bien sûr, d’autres indices ont pu être trouvés sur le Figure affluent de la Baize aux Isles Bardel cours principal de l’Orne, notamment lors de la recherche des épreintes pour l’analyse du régime alimentaire. Ceux-­‐ci ont été trouvés facilement, puisque le secteur concerné correspond au supposé noyau de population lutrine, mais la présence de l’espèce est déjà bien connue dans cette zone. Toutefois, aucun indice n’a été trouvé sur l’estuaire de l’Orne, la zone de présence connue la plus proche de la mer concerne le lieu-­‐dit « les prairies » de la ville de Caen. a. L’Ure et la Dieuge Au cours de ce stage, des indices de présence de la Loutre ont été trouvés sur l’Ure (affluent de l’Orne) et sur la Dieuge (affluent de l’Ure), plus précisément au niveau de la confluence de ces deux rivières à la Cochère. Les empreintes et épreintes (Figure 8) étaient fraiches, témoignant du passage récent de la Loutre sur ce tronçon. D’autres indices ont également été trouvés en amont de la Dieuge. Figure 8: épreinte récente de Loutre (à gauche) et empreinte sur une vasière (à droite) à la Cochère Les indices de présence dans ce secteur restaient toutefois localisés au niveau des confluences et des ponts. Les prospections réalisées en amont et aval de ces points stratégiques n’ont pas permis de trouver d’autres indices de présence, montrant la difficulté de détecter la présence de l’espèce. Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 13 b. La vallée de la Sarthe Des prospections ont été faites sur le bassin hydrographique de la Sarthe, notamment près d’Alençon sur des secteurs où quelques indices de présence avaient déjà été trouvés. Malgré les prospections faites également sur les points positifs déjà connus comme sous le pont de l’ A28 à Cerisé, aucun indice probant n’a pu être trouvé. c. La vallée de l’Huisne Ce bassin hydrographique n’a été que peu prospecté par les mammalogistes, aucun indice de Loutre n’a été trouvé ces dernières années. Toutefois, la Loutre étant présente dans les régions voisines et le Castor d’Europe (Castor fiber) étant également proche à quelques dizaines de kilomètres en amont de l’Huisne (HARIVEL, comm. pers), l’espèce pourrait déjà y être présente. Toutefois, aucun indice probant n’a été trouvé. d. La Dives Aucun indice n’a été trouvé sur la Dives malgré les nombreuses possibilités de colonisation de la Loutre depuis l’Orne. Ces prospections se sont étendues de la partie en amont de Falaise jusqu’à l’estuaire à Dives-­‐sur-­‐Mer. Il est à noter que l’état très dégradé de ce fleuve en aval de Falaise jusqu’à la Mer rend les prospections beaucoup plus difficiles. 2. Les milieux propices à la Loutre L’ACM réalisée sur l’ensemble des données obtenues à partir des fiches de caractérisation du milieu ne permet pas d’établir une typologie précise des milieux favorables et défavorables à l’espèce (Figure 9) car la description est relativement proche pour chaque tronçon prospecté. Deux axes ont été choisis selon les critères habituels de sélection des axes. Il serait toutefois possible de corréler la présence de l’espèce à quelques variables comme les supports de marquage, le substrat et les catiches, ces variables étant celles les plus corrélées à l’un des deux axes choisis. Ainsi, les nombreux supports de marquage sont favorables au marquage des Loutres, ce qui est également lié au substrat : les substrats grossiers (blocs, galets ou graviers) vont être plus favorables à la Loutre pour marquer mais vont aussi permettre à l’observateur de mieux repérer les épreintes. Enfin, il est évident que les catiches, lorsqu’il y a une grande potentialité, vont être favorables à l’établissement de l’espèce. Les autres variables ne se détachent pas assez des variables présence/absence pour pouvoir y être corrélées. Aussi, il ne semble pas que les activités anthropiques comme la pêche ou les activités nautiques posent un problème ici, de même que la présence des espèces invasives qui n’utilisent de toute façon pas la même niche écologique. Il est également difficile d’établir une corrélation entre la présence/absence et le type de paysage et de milieu environnant. 14 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Figure 9: résultats de l'Analyse des Correspondances Multiples sur l'ensemble des données obtenues lors des prospections Loutre 3. Inventaire des ouvrages bloquant la progression de la Loutre Différents types d’ouvrages ont été rencontrés au cours de ce stage, allant des ouvrages aménagés pour le passage des loutres en période de crue aux ouvrages empêchant leur passage tels que les barrages. Une carte présentant ces ouvrages est présentée en annexe (Annexe VII). Les ouvrages non aménagés présentent parfois un risque potentiel pour la Loutre et peut induire des collisions routières comme cela sera expliqué dans la partie Discussion. Parmi les ouvrages aménagés, il est intéressant de noter qu’un pont remis en état en septembre 2012 et où la Loutre y est présente, a été aménagé d’un passage à faune (Figure 10). Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 15 Figure 10: pont aménagé d'un passage à faune à Neuvy-­‐en-­‐Houlme sur un affluent de la Baize D’autres ouvrages ne présentent aucun aménagement alors qu’ils constituent des barrages pouvant empêcher la colonisation des Loutres ou bien le passage des espèces piscicoles (Figure 11). Ils représentent une véritable discontinuité écologique comme cela sera expliqué par la suite. Figure 11: barrage empêchant le passage de nombreuses espèces aquatiques sur la Vie, proche de Livarot Un inventaire photographique non exhaustif d’autres ouvrages aménagés ou présentant des risques est présenté en annexes (Annexe VIII). 4. Analyse du régime alimentaire de la Loutre sur une partie de l’Orne Les résultats de l’analyse du régime alimentaire de la Loutre dans le secteur de la Courbe sur l’Orne sont présentés dans le tableau suivant (Tableau 1). 16 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Tableau 1: résultats de l'analyse du régime alimentaire de la Loutre à partir de 15 épreintes récoltées dans le secteur de la Courbe Ces résultats montrent une nette dominance des poissons dans le régime alimentaire de la Loutre dans le secteur concerné puisqu’ils représentent quasiment 70% d’occurrence relative. Toutefois, l’Écrevisse signal (Pacifastacus leniusculus) représente également une part importante dans le régime alimentaire avec une occurrence relative proche de 30%. Cette espèce est communément appelée l’Ecrevisse de Californie et a donc été introduite en France où elle est classée espèce invasive. Elle est présente dans 73% des épreintes, ce qui est intéressant comme cela sera expliqué dans la partie discussion. Concernant les poissons, le Chabot (Cottus gabio) est l’espèce la plus fréquemment retrouvée (dans 80% des épreintes), viennent ensuite les cyprinidés qui n’ont pas pu être identifiés à l’espèce, ainsi que la Perche de rivière (Perca fluviatilis). Le Sandre (Stizostedion lucioperca) (détermination à confirmer car pouvant être confondue avec la Truite arc-­‐en-­‐ciel) et l’Epinoche (Gasterosteus aculeatus) ont été trouvés dans seulement une épreinte. Des poils de mammifère ont été trouvés dans une seule épreinte, montrant que la Loutre peut occasionnellement consommer des mammifères. La consommation importante d’écrevisses est très intéressant dans cette analyse du régime alimentaire. b. Autres mammifères aquatiques 1. Résultats des prospections pour le Campagnol amphibie Les crottiers caractéristiques ont régulièrement été trouvés ainsi que les réfectoires (Figure 12), montrant que l’espèce est relativement bien établie dans ce bassin hydrographique de la Touques. En effet, celle-­‐ci est présente sur la moitié des tronçons prospectés (11 tronçons positifs sur 20 prospectés). Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 17 Figure 12: crottier très frais de Campagnol amphibie sur la Vie à Notre-­‐Dame-­‐de-­‐Courson L’ensemble de ces résultats est présenté en annexes avec les résultats des tubes appâtés pour la Musaraigne aquatique (Annexe IX). A partir de ces données obtenues et de l’ensemble des données issues de la base de données du GMN, il a été possible de faire une ACM afin de réaliser des statistiques multivariées permettant d’obtenir une typologie des milieux favorables et défavorables à l’espèce en Normandie. Seule la partie la plus illustrative permettant de montrer les milieux favorables et défavorables a été choisie (Figure 13). Figure 13: résultats de l'ACM réalisée sur l'ensemble des tronçons prospectés selon l'enquête nationale en Normandie L’ACM a été réalisée en choisissant 2 axes selon les critères habituels. Les variables expliquant le mieux la présence ou absence de l’espèce sont le type de végétation rivulaire, mais également la largeur et la profondeur. Ainsi, au vu de ces résultats, la présence de l’espèce est assez bien corrélée avec celle d’une végétation 18 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie rivulaire herbacée, hygrophile ou non. Les berges dépourvues de végétation sont peu propices à l’espèce, de même que les zones urbanisées. Les étangs semblent par ailleurs être favorables à sa présence ainsi que les cours d’eau profonds et larges, mais cette partie des résultats présente quelques biais comme cela sera vu dans la partie Discussion. Par ailleurs, lors des prospections Loutre, des indices de présence de Campagnol amphibie ont également été trouvés. Afin de mieux rendre compte de l’évolution des connaissances sur l’espèce depuis qu’elle est suivie en Normandie, une carte présentant les points de présence de l’espèce est présentée en annexes (Annexe X). Celle-­‐ci représente l’ensemble des données antérieures à 2004, de 2004 à 2013, les données obtenues au cours du stage et les données sur la forme aquatique du Campagnol terrestre (Arvicola terrestris terrestris) obtenues l’année dernière (seules les données confirmées génétiquement ont été introduites). 2. Analyse des tubes appâtés Les tubes ont été relevés 8 jours après leur pose, mais aucun n’a permis de mette en évidence la présence de la Musaraigne aquatique dans les secteurs concernés. En effet, seul un tube présentait un appât ayant été partiellement consommé, soit environ 3% des appâts, les autres sont restés intacts. De plus, les précipitations importantes des jours précédant le relevé des tubes, certains ont été inondés, rendant alors impossible tout relevé de fèces. Aucun tube n’a été perdu au cours de leur phase de pose. Toutefois, l’absence de résultats positifs sur ces trois tronçons peut aussi s’expliquer en partie par le plus faible linéaire de berges concerné par la pose des tubes par rapport au linéaire préconisé par le protocole. Cela sera expliqué plus en détails dans la partie discussion. 3. Résultats des analyses de pelotes de réjection Un lot de pelotes a été ramassé dans le secteur de Livarot (14), dans la commune de la Brévière, au bord de la rivière La Vie (Annexe IX). Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau ci-­‐contre (Tableau 2). Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 19 Tableau 2: résultats de l'analyse du régime alimentaire de la Loutre à partir de 15 épreintes récoltées dans le secteur de la Courbe L’analyse de ce lot a permis de mettre en évidence la présence de la Musaraigne aquatique dans ce secteur, ainsi que du Mulot à collier, une espèce dont la population est localisée principalement en Basse-­‐Normandie. Ces deux espèces étaient toutefois déjà connues dans le secteur (RIDEAU, comm. pers). De plus, ce lot présente une bonne diversité en micromammifères ainsi qu’une bonne équirépartition des espèces au sein du lot (H=2,19 et E=0,66). 4. Observation directe Une observation directe de Musaraigne aquatique (Neomys sp.)a pu être faite sur le ruisseau de la Croupte dans la commune du même nom, à proximité de Fervaques (14). Après une attente de quelques minutes suite aux cris stridents d’une musaraigne au bord du ruisseau, deux individus ont été observés, ces derniers faisant des allers-­‐
retours entre leurs terriers et une buse en béton dans laquelle passe le ruisseau. Le dos très sombre d’un individu et la couleur très claire de son ventre ne laisse pas de doute sur une musaraigne du genre Neomys, toutefois la musaraigne de Miller étant proche morphologiquement, une capture complémentaire serait nécessaire pour apporter plus d’informations d’autant plus que l’un des individus présentait une couleur dorsale anormalement claire. Quoiqu’il en soit, cette observation est extrêmement intéressante puisqu’il est très rare d’observer directement une Musaraigne aquatique dans son milieu naturel, et encore moins de pouvoir l’observer pendant plusieurs minutes. 20 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie III.Discussion A. La progression de la Loutre en Basse-­‐Normandie 1. Une colonisation à partir du bassin hydrographique de l’Orne Les nombreuses prospections réalisées sur l’ensemble de la Basse-­‐Normandie au cours de ce stage, ont en majorité été négatives lorsqu’elles ne concernaient pas le cours de l’Orne. En effet, Les indices de présence trouvés correspondaient surtout au cours principal de l’Orne et de quelques-­‐uns de ses affluents, confirmant alors le fait que la population de Loutre en Basse-­‐Normandie est principalement établie sur cette partie de l’Orne. La colonisation de l’espèce est bien évidente depuis quelques années, toutefois les densités de populations restent certainement trop faibles pour que les marquages soient réguliers sur tous les secteurs ce qui rend alors la présence de l’espèce difficile à détecter. De plus, il existe des variations saisonnières d’intensité de marquage, ceux-­‐ci étant les plus élevés en automne-­‐hiver et les plus faibles vers le printemps (HESNARD, 2011). La Loutre peut également remonter les ruisseaux en été à la recherche de nourriture, certaines proies étant plus nombreuses dans les ruisseaux à cette période, en particulier certaines espèces de poissons choisissant des ruisseaux pour frayer (KEITH et al., 2011). Cela peut alors en partie expliquer le fait qu’aucun indice n’ait été trouvé sur la plupart des points, y-­‐compris sur des points connus de présence de l’espèce. Malgré la majorité de points négatifs, les indices trouvés sur l’Ure et la Dieuge sont intéressants car ont été trouvés en amont de ces rivières. Des indices ayant déjà été trouvés les années précédentes sur ces deux rivières, cela laisserait supposer que la Loutre les occupe de manière permanente. De plus, les secteurs de présence situés les plus en amont de ces rivières ne sont situés qu’à environ une dizaine de kilomètres seulement des têtes de bassins de la Touques, la Risle et de la Dives en particulier. Des prospections ont donc été faites sur ces têtes de bassins, mais aucun indice probant n’a été trouvé. La ressource alimentaire est plus faible sur les têtes de bassins, ce qui peut également expliquer que la Loutre ne pourrait pas facilement s’y établir. Pourtant, la Dives pourrait avoir déjà été colonisée par la Loutre puisque des données de Loutre ont été trouvées jusqu’à Caen, c’est-­‐à-­‐dire non loin de la mer. En effet, la Loutre peut se déplacer et même vivre en bord de mer à condition qu’il y ait des étendues d’eau douce pour le nettoyage du pelage en l’occurrence (KUHN & JACQUES, 2011). L’estuaire de la Dives étant proche de celui de l’Orne, des individus issus de l’Orne auraient pu coloniser la Dives par l’intermédiaire de la Manche. Malgré l’absence d’indices de présence de l’espèce, il n’est pas à exclure que l’espèce soit déjà présente sur la Dives mais que les observateurs l’aient manqué. Effectivement, ce fleuve a été en grande partie recalibré en aval de Falaise jusqu’à la mer, en faveur du drainage pour l’agriculture. Les berges sont alors très abruptes par endroits, et la partie avale subit le battement des marées, lessivant alors régulièrement les indices de présence potentiels. Cela rend donc les prospections très difficiles sur ce fleuve, ce qui est bien évidemment à prendre en compte pour les prospections concernant une espèce parfois difficile à détecter même lorsque les conditions sont idéales. Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 21 Bien que présente sur l’ensemble de l’Orne, aucun indice n’a été trouvé dans l’estuaire de l’Orne. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que les populations en amont ne sont pas encore assez denses pour que des individus se soient établis dans ce secteur où les catiches sont de plus, beaucoup plus difficiles à construire car cette partie de l’Orne est très urbanisée. Si ce n’est pas déjà fait, il est donc très probable qu’à plus ou moins court terme, une colonisation de la Dives par la Loutre se fasse par l’intermédiaire de la Mer, ou bien par l’intermédiaire des rivières situées entre l’Orne et la Dives. Enfin, les prospections permettent de montrer statistiquement que les nombreuses potentialités de marquage ou d’établissement de catiches sont favorables à la présence de l’espèce ou du moins parce qu’il est plus facile de repérer les épreintes sur des substrats grossiers comme des blocs de roche. De plus, la présence des maisons semble plutôt corrélée à l’absence de l’espèce, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elles constituent une réelle menace pour la Loutre puisque l’espèce a été trouvée sur l’Orne en milieu urbain à Caen. En fait, la majorité des prospections ont été faites en milieu agricole, par conséquences les ponts en milieu urbain étaient souvent peu accessibles à cause de la circulation, de la configuration ou de propriétés privées. Toutefois, il conviendrait d’obtenir des données supplémentaires de présence de l’espèce afin d’obtenir une meilleure typologie des milieux propices ou défavorables à l’espèce. 2. Menaces limitant l’extension de l’aire de répartition de la Loutre en Normandie Actuellement, les trois principales causes de mortalité chez la Loutre d’Europe sont la destruction de l’habitat, la pollution et la contamination des cours d’eau et la mortalité routière qui est la cause majeure de mortalité due à l’Homme (KUHN & JACQUES, 2011). Celle-­‐ci résulte elle-­‐même de plusieurs facteurs d’origine anthropique liés à la configuration des ouvrages et des berges (LAFONTAINE, 2005) : -­‐
un effet tunnel pour les ouvrages hydrauliques de petite taille présentant un faible tirant d’air (Figure 14), -­‐
un effet d’entonnoir lié à l’accélération du courant lorsque l’ouvrage présente une ouverture de petite taille (Figure 14), -­‐
discontinuité des berges due à la présence d’un barrage. Figure 14: ouvrage de faible gabarit sur un ruisseau, induisant un effet tunnel et un effet entonnoir Cela a alors pour effet d’inciter voire d’obliger la Loutre à sortir de l’eau et à traverser la chaussée, le risque de collision routière étant alors plus ou moins important en fonction du trafic routier, de la vitesse des véhicules, etc. En Normandie, le risque semble rester faible puisqu’un seul individu a été trouvé mort suite à une collision 22 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie routière (RIDEAU & BIEGALA, 2012) depuis l’hiver 1987-­‐88, dans les marais du Cotentin. De manière générale, l’extension des populations lutrines ne peut se faire convenablement par la présence de tels ouvrages, il est alors nécessaire, suite à l’Arrêté ministériel de 2007 fixant la liste des mammifères protégés, de réaliser des études d’impact prenant en compte les conséquences sur la Loutre lors de la réalisation d’aménagements ou de nouveaux ouvrages. Le pont aménagé à Neuvy-­‐en-­‐Houlme (Figure 10) en est un exemple et permet aux mammifères aquatiques d’emprunter le cheminement lorsque le niveau du cours d’eau augmente, évitant un effet d’entonnoir ou un effet tunnel qui inciterait les animaux à traverser la chaussée. Il est d’autant plus intéressant qu’il est situé à moins de 10km des zones connues de présence de l’espèce. L’espèce étant déjà présente sur la Baize, l’ouvrage est donc favorable à sa remontée plus en amont. Toutefois, certains nouveaux ponts ne comportent pas d’aménagement tel que celui de Boissei-­‐la-­‐Lande sur la D248 alors qu’il a été refait à neuf en octobre 2012. Au contraire du pont aménagé de Neuvy-­‐en-­‐Houlme, le barrage hydro-­‐électrique de Rabodanges constitue une véritable discontinuité écologique pour la Loutre mais également pour toute la faune aquatique puisqu’aucun aménagement n’a été construit pour permettre le passage de cette faune en amont et en aval de ce barrage (Figure 15). Figure 15: le barrage de Rabodanges, véritable discontinuité écologique. Escalier sur la droite emprunté par les loutres et les kayakistes pour remonter ou descendre l'Orne Pour passer en amont ou en aval du barrage sur l’Orne, la Loutre est contrainte de sortir de l’eau et d’emprunter l’escalier en bois. La retenue en amont du barrage a été en partie développée pour les activités économiques qui découlent des activités de loisirs comme le canoë-­‐kayac. Ainsi, des perturbations sont possibles lors du passage des canoës par cet escalier, dérangeant alors la Loutre. De plus, des lâchés d’eau sont ponctuellement autorisés pour des courses de canoë en aval, ce qui constitue également une perturbation non négligeable pour l’espèce (HARIVEL, Comm.pers). Par ailleurs, certains ponts non aménagés ne présentent à priori aucun risque, toutefois, lors de fortes crues, le niveau d’eau peut facilement atteindre la partie haute du pont, obligeant alors la Loutre à traverser la chaussée, c’est le cas du pont sur l’Ure au niveau de la Cochère. En effet, des restes de la dernière crue sont présents dans les drains sous le pont, indiquant le haut niveau de la rivière à ce moment. La Loutre étant présente au niveau de cette confluence entre l’Ure et la Dieuge, il serait judicieux de Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 23 réaliser à proximité de ce pont un passage à faune à l’abri de l’eau en période de crue. Bien que l’identification de l’intégralité des ouvrages à risque ne soit pas possible, il en ressort que de nombreux ouvrages empêchent une bonne continuité écologique pour l’ensemble de la faune aquatique (Annexe VIII). De nouveaux aménagements pourraient être proposés notamment dans les zones de présence de la Loutre afin de permettre à l’espèce d’étendre plus aisément son aire de répartition en Normandie. B. Plasticité du régime alimentaire de la Loutre Tout d’abord, quelques informations doivent être apportées concernant quelques doutes non fondés accusant la Loutre d’être responsable du déclin de certaines populations de poissons en rivière. Effectivement, la Loutre consomme une part importante de poisson dans son régime alimentaire, mais ne consomme seulement que 10 à 15% de son propre poids en nourriture par jour, soit environ 1kg de nourriture par adulte et par jour (LAFONTAINE, 2005). De plus, elle prélève en priorité les proies les plus fréquentes et les plus faciles à repérer tout en éliminant de préférence les proies malades ou affaiblies. Elle assure ainsi un rôle de régulateur indispensable dans les milieux aquatiques (KUHN & JACQUES, 2011). Les résultats obtenus sont intéressants puisqu’ils montrent une part importante d’Écrevisse signal dans le régime alimentaire comparé à d’autres études sur le régime alimentaire où les écrevisses sont peu présentes, voire absentes (ROSOUX, 1998). Dans le Marais Poitevin, seulement 2 écrevisses américaines ont été trouvées sur plus de 3000 proies (LIBOIS, 1991) alors qu’ aucun crustacé n’a été mentionné pour les analyses faites en Bretagne (LIBOIS et al., 1987). Ainsi, dans ce secteur de la Courbe, les populations de cette espèce d’écrevisse semblent denses et constituent alors une proie facile à capturer pour la Loutre. Lors des prospections dans le secteur concerné, de nombreux restes d’écrevisses ont été retrouvés sur les promontoires servant au marquage de la Loutre, souvent les morceaux non ingérés comme la tête et les pinces. Une étude espagnole sur la prédation de l’Écrevisse de Lousianne (Procambarus clarkii) par la Loutre montre qu’elle est plus importante au printemps et en été où l’espèce est plus abondante mais également de plus grande taille en moyenne (CLAVERO et al., 2007). Cela correspond aux résultats obtenus et suggère que la Loutre profite des populations denses de l’Écrevisse signal pour se nourrir au cours du printemps et de l’été. La densité élevée de cette proie peut également d’autre part permettre à la Loutre de modifier son régime alimentaire lorsque les densités de populations de poissons sont plus faibles à certaines périodes de l’année, ce qui lui évite de devoir alors parcourir de nouveaux territoires à la recherche de nourriture. Enfin, cela pourrait également avoir contribué au maintien de la Loutre dans ce secteur qui est supposé être le noyau de population de Loutre en Normandie (RIDEAU & HARIVEL, comm.pes.) Les poissons restent malgré tout les plus consommés dans ce secteur, le Chabot étant le plus représenté avec les Cyprinidés. Cette espèce est sûrement présente dans ce secteur en densité élevée mais son écologie peut également expliquer son occurrence relative élevée dans le régime alimentaire de la Loutre. En effet, ce poisson vit sur les fonds des rivières et ne sort des anfractuosités que la nuit (KEITH et al., 2011). La Loutre étant un prédateur nocturne, celle-­‐ci peut certainement exercer une prédation plus importante sur cette espèce de poisson que sur d’autres espèces comme la Perche qui se nourrit essentiellement au crépuscule et à l’aube (KEITH et al., 2011). Ceci peut alors 24 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie expliquer les faibles occurrences relatives représentées par les autres espèces de poissons. La présence de poils de mammifères dans une épreinte est aussi très intéressante car elle montre que la Loutre peut occasionnellement consommer des mammifères dans son régime alimentaire, souvent des mammifères aquatiques comme le Campagnol amphibie, le Rat musqué ou le ragondin (LIBOIS et al., 1991). Toutefois, l’espèce n’a pu être identifiée, car cela nécessite des connaissances particulières et du matériel spécifique. Ainsi, dans le secteur de la Courbe, la Loutre consomme au printemps une part plus importante de poissons dans son régime alimentaire avec une dominance de Chabots, mais consomme également en part importante l’Écrevisse signal qui constitue visiblement une proie présente en densités élevées. C. Autres mammifères aquatiques 1. Le campagnol amphibie Tout d’abord, il est important de noter que les habitats potentiels pour l’espèce sont beaucoup plus nombreux en Basse-­‐Normandie qu’en Haute-­‐Normandie, car le réseau hydrographique y est plus dense (GMN, 2004). Etant retrouvée sur plus de la moitié des tronçons, l’espèce y est bien établie dans ce secteur du bassin hydrographique de la Touques. Même certains petits ruisseaux ont été colonisés par l’espèce. Les résultats statistiques de l’ACM montrent de façon générale que l’espèce est surtout présente sur les cours d’eau à végétation rivulaire herbacée plutôt que ligneuse. La végétation aquatique semble également favorable à l’espèce. Par contre, les résultats concernant la profondeur et la largeur des cours d’eau sont à interpréter avec précautions. En effet, ils laissent penser que l’espèce préfère les cours d’eau profonds et larges, ce qui n’est pas vraiment le cas d’après la bibliographie. Cela s’explique par le fait que la majorité des tronçons prospectés en Normandie ont été des rivières, en plus grande proportion que des ruisseaux ou canaux. Cela est notamment vrai pour la Seine-­‐
Maritime où les prospections réalisées Figure 16: berges riches en végétation concernaient surtout les grandes rivières comme hygrophile favorable à l'espèce, à Notre-­‐ la Bresle, la Varenne, la Scie, etc. car il n’y a que Dame-­‐de-­‐Courson sur la Touques peu de ruisseaux contrairement à la Basse-­‐
Normandie. D’après la bibliographie, les cours d’eau préférés par l’espèce restent ceux présentant un courant faible, peu larges et non profonds, avec une végétation rivulaire dense et herbacée (Figure 16). Les résultats obtenus ici sont donc en adéquation avec la bibliographie pour la végétation rivulaire. Toutefois, un grand nombre de berges ne sont pas protégées du piétinement des bovins ou des chevaux qui peuvent alors détruire les terriers de l’espèce et en limiter la Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 25 densité de population. Ce piétinement induit également un agrandissement en largeur du cours d’eau (Figure 17) et une inondation plus importante des prairies en cas de crue mais contribue par ailleurs à diminuer son débit. Les matières organiques rejetées par les animaux dans l’eau constituent également une source de pollution en particules fines mais aussi en germes potentiels comme les entérocoques. La pose de clôtures à plus d’un mètre de l’eau avec un abreuvoir mécanique devrait être imposée aux agriculteurs afin de préserver les rivières et ainsi mieux protéger la faune aquatique. Figure 17: exemple d'une berge piétinée par des bovins sur un ruisseau affluent de la Vie, augmentant alors la largeur du ruisseau et diminuant son débit Les indices de présence de Campagnol amphibie trouvés lors des prospections Loutre ont été assez nombreux, ce qui montre la capacité relative de l’espèce à s’adapter à des environnements assez variés. Considéré en régression sur l’ensemble des cours d’eau français depuis quelques décennies, il semble que les populations normandes du Campagnol amphibie aient résisté aux différentes menaces et que les densités ont été suffisamment importante pour que l’espèce soit au final relativement commune en Normandie. Elle était également considérée comme rare dans le précédent Atlas du GMN de 2004, ce qui peut s’expliquer aussi par le fait que peu de bénévoles étaient formés à la reconnaissance des indices de présence de l’espèce, ou encore que peu de prospections spécifiques à l’espèce ont été réalisées à cette période. En effet, il suffit de remarquer l’évolution rapide des connaissances sur l’espèce (Annexe X) jusqu’en 2013. Les données sont plus nombreuses entre 2004 et 2013 que pour la période précédent 2004, ce qui peut être expliqué par un plus grand nombre de naturalistes s’intéressant à l’espèce ainsi qu’à un plus grand nombre d’études financées pour l’étude de cette espèce. Certaines parties de la Basse-­‐Normandie, notamment la partie centrale et le Sud, restent sous-­‐prospectées par rapport au Cotentin, ce qui ne signifie pas pour autant que l’espèce est absente de ces secteurs et en plus grande densité dans les autres, mais ce qui signifie une nouvelle fois qu’il existe des disparités en Normandie concernant les secteurs de prospection. Par ailleurs, les espèces invasives comme le Ragondin (Myocastor coypus) et le Rat musqué (Ondatra zibethicus) sont souvent cités dans la bibliographie comme espèces compétitives du Campagnol amphibie qui est une espèce autochtone. Toutefois, dans la majorité des tronçons où était présent le Campagnol amphibie, les espèces invasives l’étaient aussi. En fait, ces espèces ont une niche écologique plus ou moins proche du Campagnol amphibie. Ils sont beaucoup plus opportunistes et le Ragondin a 26 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie un régime alimentaire complètement herbivore contrairement au Campagnol amphibie qui peut, comme le Rat musqué, manger occasionnellement des mollusques (GMN, 2004). La végétation rivulaire est rarement limitante, la seule compétition qui pourrait gêner l’espèce serait celle faite sur les terriers. Le Ragondin et le Rat musqué construisent en effet des terriers beaucoup plus gros que celui du Campagnol amphibie qui ne mesure que quelques centimètres, ainsi lorsque les densités de population de ces deux espèces invasives sont importantes, la compétition sera alors elle aussi plus importante pour les terriers. Mais il semble tout de même possible pour ces espèces de cohabiter ensemble. L’extermination de ces espèces invasives est de toute façon bien trop difficile à réaliser, voire impossible, à terme elles seront considérées comme intégrées à la faune locale. Il serait donc juste possible de limiter les populations là où elles sont importantes afin de permettre au Campagnol amphibie de ne pas être exclu des milieux qu’il occupe. Il faudrait pour cela utiliser des méthodes de piégeage sélectif afin d’éviter tout produit empoisonnant qui pourrait avoir des effets mortels sur le Campagnol amphibie, mais également de former les piégeurs sur la reconnaissance des différentes espèces de mammifères aquatiques. Enfin, même si cela n’est pas le sujet de ce rapport, de nouvelles connaissances restent à obtenir sur la répartition de la forme aquatique du Campagnol terrestre qui est morphologiquement très proche du Campagnol amphibie. Cette espèce semble pour l’instant présente uniquement en Haute-­‐Normandie sur les vallées de l’Hyères et de la Bresle. Une spéciation par allopatrie pourrait expliquer cette distinction géographique nette entre les populations des deux espèces. 2. Les musaraignes du genre Neomys Tout comme pour le Campagnol amphibie, les habitats propices à l’espèce sont nombreux en Basse-­‐Normandie. Deux nouveaux secteurs de présence de l’espèce ont donc été trouvés, le plus intéressant étant celui de la Croupte, puisque les individus ont directement pu y être observés. Ce ruisseau est constitué d’une végétation rivulaire herbacée ainsi que d’une végétation aquatique émergée avec du Cresson des fontaines (Nasturtium officinale). La facilité d’observation à des dates différentes et les allers retours réguliers et nombreux des deux individus au terrier laissent supposer que les individus utilisent ce secteur de façon permanente. Il est toujours fascinant d’observer l’espèce dans son milieu par son habileté et sa facilité à se déplacer. L’espèce est en effet bien adaptée à son milieu notamment grâce à sa fourrure hydrophobe et de poils raides sur la queue (LUGON-­‐MOULIN, 2003). Une capture complémentaire n’a pas été possible pendant le stage à cause d’une météo trop instable avec des températures basses présentant un risque non négligeable de mortalité pour les individus capturés. L’individu présentant un pelage plus clair que l’autre pourrait correspondre à un individu atypique, il existe en effet une variété de pelages importante chez les musaraignes aquatiques (LUGON-­‐MOULIN, 2003), même si la majorité présente une couleur plutôt sombre. Les tubes appâtés n’auront pas permis de mettre en évidence la présence de la Musaraigne aquatique dans les secteurs considérés. Seul un appât a été consommé. Cependant, les appâts utilisés pour la méthode Churchfield lors des derniers inventaires en Normandie étaient constitués de sardine à l’huile et de viande, attirant alors beaucoup plus les espèces opportunistes comme le Mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus) ou les petits campagnols. L’appât actuel n’étant pas composé de viande ou de Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 27 poisson, cela peut expliquer le fait qu’il ait été peu consommé par les micromammifères. Toutefois, l’appât reste attractif pour les Musaraignes aquatiques (Bout, 2010). Enfin, peu de tubes ont été noyés, aucun n’a été déplacé ou perdu, leur maintien est donc très efficace et il serait de plus aisé de trouver des crottes sur le substrat des tubes. Il est également important de préciser que la configuration des ruisseaux concernés par la pose des tubes ne permettait pas de les poser sur un tronçon d’une centaine de mètres. Ainsi, une longueur moins importante inférieure à 50m de linéaire a été prise en compte, ce qui réduit alors considérablement la probabilité de détecter la Musaraigne aquatique. En effet, la probabilité de détection augmente avec le nombre de tubes mais également avec la longueur de linéaire, puisque le domaine vital de l’espèce peut atteindre 400m de linéaire. Même si l’espèce était présente dans les tronçons en question, la probabilité de les détecter était alors très faible. Il aurait donc été plus judicieux de poser les tubes sur des cours d’eau peut-­‐être un peu moins favorables à l’espèce mais dont la configuration aurait permis la pose des tubes sur un linéaire suffisamment important. Enfin, afin de s’initier à cette méthode non invasive et de tester son efficacité en Normandie, il serait intéressant de disposer une série de tubes sur le ruisseau de la Croupte où les deux Musaraignes aquatiques ont été observées. Cela permettrait notamment de pouvoir constituer une collection de référence des restes d’invertébrés contenus dans les fèces de ces espèces de Musaraignes. 28 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Conclusion La Loutre étant déjà bien connue sur le cours principal de l’Orne, les prospections menées sur les nombreux affluents de l’Orne ou des autres grands cours d’eau normands ont permis d’apporter des connaissances supplémentaires. En effet, les épreintes trouvées sur la Dieuge et sur l’Ure, affluent de l’Orne, sont intéressantes puisque cette zone en amont n’est située qu’à une dizaine de kilomètres des sources de la Dives, la Touques, la Vie et de la Risle. Cela laisse supposer une colonisation possible sur ces têtes de bassins dans l’avenir par l’intermédiaire de ces cours d’eau. D’autre part, l’analyse du régime alimentaire a mis en évidence que la Loutre consomme en majorité du Chabot et des écrevisses dans le secteur de la Courbe, plus particulièrement l’Écrevisse signal qui doit y être présente en fortes densités. Les proies les plus abondantes et les plus faciles à capturer semblent donc être celles qui sont le plus consommées par la Loutre. Les densités importantes d’écrevisses auraient pu contribuer à permettre à la Loutre de persister lors de la régression générale de ses populations dans ce secteur supposé être le noyau de population de la Loutre en Normandie (RIDEAU & HARIVEL, comm. pers.). Les prospections menées sur le Campagnol amphibie ont montré que l’espèce était bien établie dans le secteur de Livarot sur la Touques, même sur des tronçons qui ne sont pourtant pas les plus propices. De plus, les autres indices de présence trouvés sur les autres cours d’eau laissent penser que l’espèce est finalement assez commune en Normandie malgré les menaces qui pèsent sur elle, contrairement au statut de « rare et localisée » qui lui était attribuée lors du dernier Atlas sur les mammifères sauvages de Normandie. En fait, le suivi de l’espèce a été beaucoup plus important au cours des dernières années, ce qui explique les nombreuses données obtenues par rapport à la période avant la réalisation de l’Atlas en 2004 ayant récolté les données avant 2001. Enfin, concernant la Musaraigne aquatique, l’utilisation de la nouvelle méthode des tubes appâtés n’a pas permis de mettre en évidence la présence de l’espèce sur les tronçons considérés. Toutefois, un crâne a été trouvé dans un lot de pelotes de réjection à proximité de Livarot et une observation extrêmement intéressante de deux individus, a pu être fait sur un affluent de la Touques. L’absence d’indices de présence à proximité du terrier et la discrétion des individus montre une nouvelle fois la difficulté importante à détecter la présence de cette espèce en Normandie même lorsqu’elle est présente. Aucun indice de Musaraigne de Miller n’a été trouvé, l’espèce étant uniquement localisée sur quelques secteurs de Basse-­‐Normandie. Grâce à son réseau hydrographique dense et à de nombreux milieux naturels préservés, la Basse-­‐Normandie est une région favorable au maintien ou à l’écologie de ces différentes espèces de mammifères aquatiques qui présentent différentes densités de population, et pour certaines espèces comme la Loutre, étendent leur aire de répartition. Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 29 Bilan du stage Tout d’abord, je commencerai par rappeler que c’est toujours un plaisir de travailler avec des naturalistes normands, ceux qui m’ont notamment permis de me spécialiser sur les mammifères, et plus particulièrement sur les mammifères aquatiques depuis le début de mon cursus universitaire, notamment grâce à mes trois derniers stages. Le bilan général de ce stage est donc très positif puisqu’il m’aura permis d’étudier une nouvelle espèce de mammifère aquatique : la Loutre ainsi que de continuer à me spécialiser sur les autres. Malgré la difficulté à trouver les indices de présence de cette espèce qui reste localisée à certains cours d’eau de Normandie et dont les densités de population restent faibles, il est toujours extrêmement intéressant d’imaginer tout ce qu’a pu faire tel ou tel individu par l’intermédiaire des indices qu’il laisse. De plus, j’ai eu l’occasion de découvrir de nouveaux paysages normands riches en biodiversité mais également d’observer pour la première fois dans son milieu naturel la Musaraigne aquatique. Enfin, de nouvelles méthodes d’analyses comme celles des restes osseux contenus dans les épreintes m’ont permis d’aborder de nouveaux groupes taxonomiques importants en écologie des milieux aquatiques, même s’il est vrai que la période relativement courte n’est pas suffisante pour l’aborder plus en détail. En conclusion, ce stage aura permis d’enrichir et de consolider mes connaissances en mammalogie afin de pouvoir espérer à la suite de mon master, travailler dans ce domaine si riche et si intéressant. 30 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Bibliographie Aulagnier S., Haffner P., Mitchell-Jones T. & Moutou F. Guide des mammifères d’Europe,
d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Paris : Delachaux et Niestlé, 2008. 271 p.
Collection Delachaux et Niestlé.
Brosse X. La Loutre d’Europe (Lutra lutra) sur la moyenne vallée de l’Orne : utilisation du
réseau hydrographique, tendance évolutive, menaces et facteurs limitants. 2004. CPIE
des Collines normandes.
Bout. C et al. Inventaire de la Crossope aquatique (Neomys fodiens) : protocole et résultats
dans le grand-ouest de la France. GREGE, 2012.
Bout. C. Mise au point de méthodes d’inventaire des petits mammifères patrimoniaux adaptées
aux états initiaux de grands projets. GREGE, 2010. 51p.
Chaline U. Les proies des rapaces : petits mammifères et leur environnement. Paris : éditions
Doin. 1974.
Charissou I. Identification des restes trouvés dans les pelotes de réjection de rapaces. Limoges.
1999. La revue des naturalistes du Limousin.
Chazel Muriel, Chazel Luc. Reconnaître et décoder les traces d’animaux : manuel
d’ichnologie. 1ère édition. Versailles : éditions Quae, 2011. 190p. Collection Guide
pratique.
Cheyrezy. W, Cheyrezy. T & Cheyrezy. J. La Loutre d’Europe (Lutra lutra) en vallée de la Vire, nouvelles données fin 2011-­‐début 2012. Le Petit Lérot, 2012, vol 65, p18-­‐21. Churchfield. S, Barber. J, Quinn. C. A new survey method for Water Shrews (Neomys fodiens)
using baited tubes. Mammal review, 2000, vol. 30, n°3 & 4, p 249-254.
Churchfield. S. Habitat use by water shrews, the smallest of amphibious mammals. Zoological
Society of London Symposium, 1998, vol. 71, p. 249-254.
Churchfield. S. The feeding ecology of the European water shrew. Mammal review, 1985, vol.
15, n°1, p 13-21.
Clavero M., Prenda J. & Delibes M. Does size matter ? Relating consumed prey sizes and diet
composition of otters in South Iberian coastal streams. Acta Theriologica, 2007, vol
52, n°1, p125-131.
Conroy, J.W.H. et al. A guide to the identification of prey remains in otter spraint. London : 2005. The Mammal Society. 48p. Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 31 Greenwood. A-M, Churchfield. S, Hickey. C. Geographical distribution and habitat
occurrence of the Water shrew (Neomys fodiens) in the Weald of South-East England.
Mammal review, 2002, vol 32, n°1, p 44-50.
Groupe Mammalogique Normand. Les Mammifères sauvages de Normandie : Statut et Répartition . Ed. revue et augmentée. GMN, 2004, 306p. Haberl. W. Food storage, prey remains and notes an occasional vertebrates in the diet of the
Eurasian water shrew, Neomys fodiens. Folia Zool, 2002, vol 51, n°2, p 93-102
Harivel. R. Etude de la répartition de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) sur l’Orne et ses affluents en 2008. Le Petit Lérot, 2012, vol 65, p5-­‐17. Hesnard. O. Suivi saisonnier de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) sur la Haute Vallée de l’Orne et ses affluents. CPIE des Collines Normandes, 2011. Keith P. et al. Les Poissons d’eau douce de France. Biotope, Mèze ; Muséum national d’histoire naturelle, 2011, Paris (collection Inventaires et biodiversité), 552p. Kuhn. R, Jacques.H. Encyclopédie des carnivores de France : La Loutre d’Europe. Paris : SFEPM, 2011. 72p. Lafontaine, L. Loutre et autres mammifères aquatiques de Bretagne. Groupe Mammalogique Breton. Editions Biotope, 2005. 160p. Collection Les Cahiers Naturalistes de Bretagne. Lemarchand C. Etude de l’habitat de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) en région Auvergne (France) : relations entre le régime alimentaire et la dynamique de composés essentiels et d’éléments toxiques. Lyon : 2007. 245p. Libois R.M. & Rosoux R. Ecologie de la Loutre (Lutra lutra) dans le Marais Poitevin. Aperçu général du régime alimentaire. Mammalia, 1991, vol 55, n°1, p35-­‐47. Lugon-Moulin Nicolas. Les musaraignes : Biologie, écologie, répartition en Suisse. 1ère édition.
Ayer : Porte-plumes, 2003. 309p. Collection Porte-plumes.
Madsen A-­‐B, Prang A. Habitat factors and the presence or absence of otters Lutra lutra in Denmark. Acta Theriologica, 2001, vol 46, n°2, p 171-­‐179. Mercier L. Méthode d’analyse du régime alimentaire de la Loutre d’Europe Lutra lutra. Association Perennis, 2005. Queré J.-P., Le Louarn H. Les rongeurs de France : Faunistique et biologie. 3ème édition.
Versailles : éditions Quae, 2011. 311p. Collection Guide pratique.
Rideau & Biegala. Découverte d’une Loutre Lutra lutra victime d’une collision routière dans le Cotentin. Le Petit Lérot, 2012, vol 65, p22-­‐23. Rigaux. P, et al. Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol
amphibie (Arvicola sapidus) : exemple de trois sites en Auvergne. GMA, 2009. 22p.
32 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Rigaux.P. Le campagnol amphibie Arvicola sapidus dans le bassin versant de la Sioule. 2007.
Rosoux R. Etude des modalités d’occupation de l’espace et d’utilisation des ressources
trophiques chez la Loutre d’Europe (Lutra lutra) dans la Marais Poitevin. Th. Doct. :
Université de Rennes 1. Rennes, 1998. 186p.
Simmonet F. Conservation de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) sur le bassin versant de l’Elle. 2012. Thomas. B. Inventaire et conservation de trois espèces patrimoniales de micromammifères en
Haute-Normandie : le campagnol amphibie (Arvicola sapidus), le campagnol terrestre
forme aquatique (Arvicola terrestris) et le Crossope aquatique (Neomys fodiens).
Groupe Mammalogique Normand, 2012.
Wolk K. The winter food of the European water-shrew. Acta Theriologica, 1976, vol. 21, p117129.
Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 33 Annexes Table des matières des annexes Annexe I : Fiche de caractérisation des milieux prospectés pour la Loutre .......................................... 35 Annexe II : carte de répartition des tronçons de présence/absence de la Loutre en Normandie 36 Annexe III: localisation des relevés d’épreintes pour analyse du régime alimentaire ..................... 37 Annexe IV : fiche de relevé des ouvrages présentant un risque de mortalité pour la Loutre ........ 38 Annexe V : fiche de caractérisation du milieu pour le Campagnol amphibie ........................................ 39 Annexe VI : fiche de caractérisation du milieu pour la Musaraigne aquatique .................................... 40 Annexe VII : cartographie des barrages, ouvrages aménagés et présentant un risque potentiel pour la Loutre ..................................................................................................................................................................... 42 Annexe VIII : inventaire de quelques ouvrages aménagés, défectueux et présentant un risque potentiel de collision routière pour la Loutre ...................................................................................................... 43 1. Ouvrages aménagés ................................................................................................................................................ 43 2. Les barrages ............................................................................................................................................................... 44 Annexe IX : Localisation et résultats des prospections Arvicola, des tubes appâtés à Neomys et des pelotes de réjection ................................................................................................................................................. 45 Annexe X : carte de répartition du Campagnol amphibie en Normandie ............................................... 46 34 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Annexe I : Fiche de caractérisation des milieux prospectés pour la Loutre Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 35 Annexe II : Carte de répartition des tronçons de présence/absence de la Loutre en Normandie 36 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Annexe III: Localisation des relevés d’épreintes pour analyse du régime alimentaire Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 37 Annexe IV : Fiche de relevé des ouvrages présentant un risque de mortalité pour la Loutre 38 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Annexe V : Fiche de caractérisation du milieu pour le Campagnol amphibie Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 39 Annexe VI : Fiche de caractérisation du milieu pour la Musaraigne aquatique 40 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 41 Annexe VII : Cartographie des barrages, ouvrages aménagés et présentant un risque potentiel pour la Loutre 42 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Annexe VIII : Inventaire de quelques ouvrages aménagés, défectueux et présentant un risque potentiel de collision routière pour la Loutre 1. Ouvrages aménagés Aménagés pour le passage de la faune sauvage, ces ouvrages sont équipés la plupart du temps d’un atterrissement en béton ou bien d’un enrochement. Rares sont ceux qui sont équipé d’un escalier construit en fonction des différents niveaux de crues possibles, permettant à la faune de toujours pouvoir se déplacer quelque soit le niveau du cours d’eau. Ouvrage de la A28 sur la Touques à Gacé, aménagement réalisé avec des enrochements. Ouvrage aménagé par enrochement à Noron l’Abbaye sur le ruisseau de l’Ante. Pont de la N158 sur l’Orne à Macé. Aménagement par atterrissement en béton + escalier en fonction du niveau d’eau. Ouvrage aménagé de la D16 sur l’Ure. Présence d’une épreinte ancienne sur l’atterrissement en béton de gauche. Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 43 2. Les barrages Dans la plupart des cas, ces ouvrages ne présentent aucun aménagement pour le passage de la faune sauvage, que ce soit pour la Loutre ou pour les poissons. Ils constituent alors une véritable discontinuité écologique. La Loutre est alors contrainte à sortir de l’eau pour traversée la chaussée, la rendant alors vulnérable aux collisions routières. Barrage hydroélectrique de Barrage à Saint-­‐Evroult de Rabodanges sur l’Orne ne Montfort sur un affluent de la présentant aucun aménagement, ni Touques. passe à poissons. Une véritable discontinuité écologique. Barrage sur la Dives au niveau d’un ancien moulin non fonctionnel à Trun. Ouvrage sur le ruisseau du Gué à la Hoguette, muni de 2 buses en béton induisant un effet tunnel et un effet entonnoir. 44 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Annexe IX : Localisation et résultats des prospections Arvicola, des tubes appâtés à Neomys et des pelotes de réjection Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 45 Annexe X : carte de répartition du Campagnol amphibie en Normandie 46 Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie Résumé La qualité du patrimoine naturel de Basse-­‐Normandie est favorable au maintien des populations de mammifères aquatiques. Toutefois peu de données sont connues pour certaines espèces. Ainsi, de nombreuses prospections ont été réalisées sur les bassins de l’Orne et d’autres cours d’eau normands, ainsi qu’une analyse du régime alimentaire de la Loutre. La Musaraigne aquatique a été cherchée aussi grâce à la méthode des tubes appâtés. Au final, quelques données sur la Loutre ont été obtenues à proximité des têtes de bassin de la Touques, de la Risle et de la Dives, laissant supposer une possible colonisation de ces cours d’eau dans l’avenir. L’espèce semble consommer une majorité de chabots et d’écrevisses dans le secteur de la Courbe, qui constituent les principales proies. De plus, deux Musaraignes aquatiques ont été observées sur un affluent de la Touques, et de nombreux crottiers de Campagnol amphibie ont été trouvés. Ainsi, le Campagnol amphibie semble plutôt commun en Normandie alors que la Musaraigne aquatique reste toujours difficile à observer. Quant à la Loutre, celle-­‐ci semble étendre son aire de répartition en colonisant de nombreux affluents de l’Orne. Le suivi régulier de l’espèce est nécessaire pour connaître l’évolution de la population en Normandie. Mots clés Loutre – Campagnol amphibie – Musaraigne aquatique – Régime alimentaire -­‐ Colonisation Inventaire des mammifères aquatiques en Basse-­‐Normandie 47 
Téléchargement