Douleur Chronique et facteurs de chronicisation Douleur Madame CONRADI Séverine Psychologue Unité d’Évaluation et de Traitement de la douleur CHU Nancy-Hôpital Central Membre AFTCC, SFETD et COLORDSPA Définition IASP • La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou décrite en termes d'un tel dommage • Dès la définition on retrouve des dimensions somatiques et des dimensions psychiques. Dimensions de la douleur (Boureau) • La douleur est une perception qui est modulée par plusieurs facteurs individuels • Renvoie nécessairement à la subjectivité de chacun • Renvoie à notre corps et à la perception que l’on en a • Renvoie également à notre histoire et vécu de la douleur (la sienne et celle de l’autre) La douleur est au confluent d’une somation de problèmes (Ferragut) – D’ordre somatique (réel ou simple épine irritative) – D’ordre psychologique (tenant à la personnalité, à l’histoire et la culture du patient) – D’ordre événementiel – D’ordre environnemental Complexité de la douleur DOULEUR Sensoridiscriminatives Cognitives Comportementales Affectives INDIVIDU (histoire, personnalité) ENVIRONNEMENT (culture, famille, situation socio -professionnelle…) 1 Définition HAS Dec 2008 Douleur chronique La douleur chronique ou syndrome douloureux chronique est un syndrome multidimensionnel, lorsque la douleur exprimée, quelles que soient sa topographie et son intensité: - persiste ou est récurrent au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée, - répond insuffisamment au traitement - entraîne une détérioration significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient. Quelques données • Avec la fièvre et la fatigue, la douleur est un des premiers motifs de consultation médicale (Serrie, 2005) • La douleur est le principal symptôme entraînant un recours urgent ou non programmé en médecine de ville (id) • Enquête téléphonique : 78% des personnes étaient concernées par la douleur (personnellement, par leur entourage, ) 32% causée par une maladie, 29 % causée par les soins 20% un accident et 32 % d’autres causes (dont stress, gestes répétés, efforts, âge,…) (Sanesco/Sofres 2003). • 31,7 % de la population signale des douleurs chroniques quotidienne depuis plus de 3 mois (STOPNET, 2004) • Prévalence plus importante chez la femme et augmentation de la prévalence en fonction de l’âge (HAS, 2008) Principes de prise en charge du patient douloureux chronique Principes de base Principe général • Croire en la douleur exprimée • Tenter d’apporter des explications claires et accessibles • Savoir dire quand on ne sait pas • Entendre le sujet dans ses croyances et sa logique • La consultation pluridisciplinaire peut en ellemême être un acte thérapeutique • Des fois aucune proposition concrète ne ressort. On privilégie la construction d’une alliance thérapeutique. • Comprendre les facteurs en jeu dans la chronicisation pour éliminer les facteurs aggravant et renforcer les facteurs aidant. Mécanismes inhibiteurs Mécanismes excitateurs 2 Projet thérapeutique • Proposition d’un projet thérapeutique cohérent et souvent plurimodal • Il existe autant de projet thérapeutique que de patients • Explication claire du projet au patient et obtention de son accord • Parmi les propositions thérapeutiques possibles, il y a des thérapies psychocorporelles non-médicamenteuses. Quelques Précautions • Nécessitent une démarche active du patient et un minimum de croyance en terme de réussite • Nécessitent une évaluation psychopathologique au préalable doute car certains troubles psychiatriques et psychologiques sont contre-indiqués • Agissent sur le mieux être et permet se décentrer de la douleur Les thérapies psychocorporelles nonmédicamenteuses • Présentation d’un travail effectué dans le cadre d’un GTS de COLORDSPA (Coordination Lorraine Douleur Soins Palliatifs et Accompagnement) • Thérapies d’inspiration analytique • Thérapies comportementales et cognitives • Relaxation simple • Sophrologie • Hypnose Thérapie d’inspiration analytique Concernant la douleur • La psychanalyse est une méthode d’investigation psychologique visant à mettre en évidence la signification inconsciente de paroles, de conduites, de productions imaginaires (rêves, fantasmes, délires). • Le psychanalyste écoute avec neutralité et bienveillance le patient invité à laisser ses paroles suivre la règle de la libre association. Le travail concerne les questions de la demande, de l’angoisse, du désir, du manque, des mécanismes de défense. • Une méthode thérapeutique en découle, permettant l’élucidation puis la levée des symptômes. • La douleur n’est plus envisagée statiquement comme un signe mais comme un élément ayant des significations multiples dont la personne n’a pas conscience. • Prenant place dans l’économie psychique du sujet, la douleur y joue un rôle dynamique, prend son sens et influence les manifestations de la personnalité ainsi que son fonctionnement. • Aménagement possible de l’intervention du psychanalyste. Le cadre de la cure analytique pure et dure peut parfois être trop difficile pour les patients. 3 Indications / Contre-indications • Tout type de douleur • Répercussions psychologiques importantes • Pas de demande de la part du patient Concernant la douleur • La douleur chronique est appréhendée comme un comportement « appris » et « entretenu », c’est à dire conditionné. L’idée alors est de repérer les facteurs d’entretien, antécédents et conséquents, intra et interpersonnels afin de les modifier au cours de la thérapie. • On considère donc la douleur chronique comme étant un comportement acquis qui se maintient par des mécanismes identiques à ceux de l’apprentissage. • Leur repérage permet ensuite de proposer d’autres apprentissages plus satisfaisant pour le patient. Thérapies comportementales et cognitives • Prennent appui sur les lois de l’apprentissage puis se sont enrichies des théories cognitives. • Principalement pour les troubles anxieux puis elles ont étendu leurs domaines d’action. • Elles sont dans le prolongement du modèle biopsycho-social de la douleur et elles débordent et ne se superposent pas avec les seules problématiques psychopathologiques. • Les TCC peuvent donc être appliquées dans le traitement de certains troubles psychologiques que l’on peut retrouver chez les patients douloureux chroniques mais aussi dans le traitement de certaines problématiques douloureuses sans être nécessairement associées à des troubles psychologiques. Indications / Contre-indications • Lombalgies et migraines (garde C HAS) • Douleurs associées à un contexte anxieux ou dépressif • Douleurs lombosciatiques, douleurs myofasciales et céphalées • Troubles psychotiques (possible mais pas en CETD) • Douleur intriquée à une psychopathologie évoluée et décompensée • Dépression de type mélancolie, dépression délirante et détérioration mentale. Relaxation simple Concernant la douleur • Les techniques de relaxation sont très diverses, mobilisant plus ou moins la suggestion et les modifications d’états de conscience (Jacobson, Schultz,…) • Au delà des options d’école, elles semblent faire l’unanimité dans la prise en charge de la douleur chronique et la quasi-totalité des équipes les utilisent. • La médiation corporelle permet d’accéder à des techniques d’imagerie mentale et de représentation de la douleur et des zones corporelles douloureuses. • Le surinvestissement ou le défaut d’investissement de ces dernières, fréquents dans les syndromes douloureux chroniques, peuvent faire ainsi l’objet d’un travail de rééquilibre, de réhabilitation ou de réinvestissement du corps. 4 Indications / Contre-indications • Si la verbalisation est difficile • En complément d’une psychothérapie • Certains psychopathologies (psychoses) • Psychopathologie non stabilisée Concernant la douleur • Développer son propre outil de gestion de la douleur, du stress, de l’angoisse et de leur cortège de réactions physiologiques qui potentialisent la sensation douloureuse. • Découvrir les bienfaits de la relaxation qui libère des tensions physiques et psychiques. • Prendre conscience de son corps dans un cadre de référence sans a priori et sans jugement, ce qui permet de relativiser les sensations telles que la douleur par exemple, et d'en avoir une perception plus objective. • Découvrir ses propres capacités d'interaction positive entre le psychisme et le corps. • Se placer dans un contexte psychologique favorable de valorisation de soi, de réussite, de maîtrise, permettant une récupération optimale en se projetant positivement dans l'avenir. Hypnose • L’état hypnotique permet l’émergence de ressources inconscientes , et parfois insoupçonnées, offrant au patient de nombreuses possibilités qui seront activées par des suggestions souvent métaphoriques. • Cette approche nécessite une adhésion totale de la personne malgré l’apparition, parfois, de mécanismes inconscients de résistance qu’il sera possible de contourner. • Son impact à la fois sur le psychisme et sur le corps , en fait une thérapie complémentaire de choix dans le traitement de la douleur avec ses composantes émotionnelle, affective et sensori-discriminative Sophrologie Caycédienne • Il s’agit d’une nouvelle approche de la conscience et du corps humain grâce à une méthodologie originale et un protocole d’entraînement précis alliant la respiration, le corps et l’esprit. • C’est une technique psycho-corporelle inspirée du Yoga, du Bouddhisme Tibétain, du Zen, des techniques occidentales de relaxation et de la phénoménologie de Edmund HÜSSERL en temps que mode de perception. Indications / Contre-indications • Migraines, céphalées de tension, douleurs post-traumatiques, douleurs psychogène, rhumatismales, douleur du membre fantôme • Action possible sur la douleur aigue • Psychose et psychopathologie non-stabilisée Concernant la douleur • la suggestion directe de suppression de la douleur • la dissociation : placer la personne en temps qu’observateur de sa douleur ce qui met à distance la composante émotive de sa douleur • la ré-interprétation de la sensation douloureuse • la substitution sensorielle : remplacer une sensation douloureuse par une autre sensation plus acceptable , comme le froid ou la chaleur. • la suggestion post-hypnotique 5 Indications / Contre-indications • Migraines, céphalées de tension, douleurs post-traumatiques, douleurs psychogène, rhumatismales, douleur du membre fantôme • Action possible sur la douleur aigue • Psychose et psychopathologie non-stabilisée En pratique Pourquoi ? CONNAISSANCES DISPONIBILITE MISE EN PLACE ECHEC • Importance de penser et de parler de la relation instaurée avec le patient • Une prescription de thérapies psychocorporelles non-médicamenteuses peut provoquer l’effet inverse. • Cela rejoint tout le travail autour de l’analyse de la demande et de l’évaluation de la problématique Quelques pistes … SOIGNANT ENVIRONNEMENT DOULEUR Sensoridiscriminatives Comportementales Cognitives Affectives INDIVIDU ENVIRONNEMENT • Favoriser une approche globale de la personne (sortir du dualisme psyché – soma) • Développer et entretenir ses compétences relationnelles • Analyser et réfléchir à la relation • Favoriser le travail en interdisciplinarité avec le patient 6 Repérer les facteurs de chronicisation • Beaucoup d’études existent et tentent de formaliser des facteurs prédisposant ou favorisant la chronicisation de la douleur • Actuellement plusieurs études vont dans le sens : Douleur chronique, douleur modifiée par le temps Facteurs prédisposants Facteurs concomittants Cercles vicieux – Évitement de la douleur – Acceptation – Adéquation au stade de motivation au changement du patient Quelques cercles vicieux de la douleur chronique • Anxiété • Incompréhension – Rejet • Répercussions professionnelles, financières • Déconditionnement physique • Contractures musculaires • Dépression • … 7