2000/1 Bulletin des assureurs Vie destiné aux médecins suisses Invalidité et incapacité de gain Supplément du Bulletin des médecins suisses • No 26 /28.06.2000 2 Sommaire La notion de l’incapacité de gain L’invalidité, un phénomène conjoncturel? 4 Renonciation au tort morale en cas d’une distorsion cervicale: conclusion d’une étude 32 canadienne 10 Le cas pratique Incapacité de gain en raisons de troubles psychiques 35 15 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques 18 Impressum Editeur ASA Association Suisse d’Assurances 1941 – 1998: édité par les assureurs Vie La commission responsable de la parution du «Bulletin» se compose comme suit: • Josef Kreienbühl, PAX, président • Karl Ehrenbaum, Zurich • Udo Hohmann, Bâloise • Michel Janiaud, Swiss Re • Dr méd. Thomas Mall, Bâloise • Dr méd. Jan von Overbeck, Swiss Re • Dr méd. Emile Simon, La Suisse • Dr méd. Walter Sollberger, Bernoise • Peter Suter, Winterthur • Dr méd. André Weissen, PAX Rédaction Dr Jörg Kistler C. F.-Meyer-Strasse 14 8022 Zurich Téléphone 01- 208 28 28 E-mail [email protected] Imprimerie Dürrenmatt Druck AG 3074 Muri -Berne Tirage 5500 exemplaires 3 Editorial Dr Phil. Jörg Kistler, Public Affairs ASA Chère lectrice, cher lecteur, L’incapacité de gain est apparemment une notion claire. Tout le monde sait de quoi il s’agit. Mais quand quelqu’un se trouve-t-il «à l’incapacité de gain», pour utiliser le jargon des assureurs? Et qui fixe une telle incapacité? La lecture de l’article du Docteur Erich Peter montre comment les notions de l’invalidité et celle de l’incapacité de gain sont définies dans les différentes lois et quel rôle jouent les constatations médicales lors de l’appréciation du degré de dite incapacité. La détermination de l’invalidité et de l’incapacité de gain ne se fait nullement selon des critères purement objectifs. Au contraire, des facteurs subjectifs jouent un rôle à cet égard. Ainsi comprend-on mieux pourquoi des facteurs dictés par la conjoncture ont également des incidences à ce sujet. Pour les assureurs, ceci a des répercussions, comme le démontre le Prof. Philippe Maeder dans son article, sur un assez grand nombre de cas d’invalidité et sur des paiements de longue durée en cas de sinistre. En conséquence, les assurances sont intéressées à éviter autant que faire se peut une incapacité de gain qui s’éternise. Mais peut-on avoir réellement prise sur une telle évolution? Dans quelle mesure des éléments psychiques et sociaux viennent-ils influencer la survenance d’une incapacité durable? Et quel rôle joue le fait qu’un patient connaisse le diagnostic de sa maladie alors que son cas suit son cours? Mme la doctoresse Béatrice Baldinger ainsi que les deux spécialistes que sont M.M. les docteurs Witold Tur et Andreas Klipstein se sont penchés sur ces questions. L’incapacité de gain est une question qui occupe dans une même mesure médecins et assureurs. Les deux ont intérêt à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher autant que possible une incapacité durable. Mais l’angle sous lequel le médecin et les assurances considèrent le problème ne permet pas forcément de couvrir les mêmes éléments. Si nous sommes parvenus, dans ce numéro, à rendre plus compréhensible le problème de l’incapacité de gain et ses multiples facettes, nous aurons déjà fait un pas en avant, à tous égards. 4 La notion de l’incapacité de gain Me Erich Peter, docteur en droit et avocat Point de la situation Au siècle dernier, de nombreuses assurances sociales sont nées sans qu’une harmonisation satisfaisante entre les divers textes légaux y relatifs n’ait pu voir le jour. C’est la raison pour laquelle certaines notions sont souvent définies différemment selon les lois. Il arrive fréquemment qu’une obligation de prestation incombe à plusieurs assureurs sociaux en même temps et, éventuellement, à des assureurs privés. S’agissant de l’incapacité de gain, des prestations sont prévues par exemple (hormis l’assuranceinvalidité) par l’assurance-accidents et la prévoyance professionnelle (le cas échéant, par l’assurance militaire ou par une assurance privée également). Dans les chapitres qui suivent seront exposées les diverses notions utilisées par les différents assureurs en rapport avec l’incapacité de gain. Ceci devrait permettre au médecin d’acquérir un point de vue global sur ce domaine important. Invalidité L’invalidité au sens de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI) est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP) ne définit pas elle-même la notion de l’invalidité, mais renvoie à la LAI. Dans la partie surobligatoire ou facultative de la prévoyance professionnelle, les institutions de prévoyance ont été en mesure d’étendre le concept de l’invalidité en faveur de l’assuré. Mais en règle générale, c’est la même notion d’invalidité que celle de la LPP qui s’applique au domaine «surobligatoire». La loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA) définit l’assuré comme invalide lorsqu’à la suite d’un accident, sa capacité de gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de longue durée. Une invalidité au sens de la LAA n’existe donc que si l’atteinte à la santé subie est la conséquence d’un accident professionnel, d’un accident non professionnel assuré ou d’une maladie professionnelle. Jusque sur la question de la cause de l’atteinte entraînant une incapacité de gain, la définition de l’invalidité contenue dans la LAA ne se distance pas de celle de la LAI. Ainsi, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a également constaté qu’en ce qui concerne la notion d’invalidité, il s’agissait d’un concept juridique identique dans le domaine de l’assurance-accidents et de l’assurance-invalidité. Est réputée invalidité la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée et qui résulte d’une atteinte à la santé, sur le marché du travail équilibré entrant en considération pour l’assuré. La notion d’invalidité recèle donc en elle les trois caractéristi- 5 ques suivantes: l’élément médical (atteinte à la santé), l’élément économique (incapacité de gain), et l’élément causal (rapport de causalité adéquate entre l’atteinte à la santé et l’incapacité de gain). L’élément économique du concept d’invalidité se fonde sur deux composantes, la limitation durable de la capacité de travail [Ndt: la version allemande parle à mon avis à tort d’Arbeitsunfähigkeit] et la mise en valeur de la capacité de travail résiduelle. Par conséquent, cet élément économique se compose des deux notions juridiques que sont l’incapacité de travail et l’incapacité de gain qui en résulte. Quiconque n’est pas au moins partiellement incapable de travailler ne peut pas subir une incapacité de gain. En principe, l’incapacité de gain présuppose donc l’incapacité de travail. Incapacité de travail Si une atteinte à la santé est constatée, se pose alors la question de savoir dans quelle mesure la limitation attendue va influencer la capacité de travail. D’abord, il s’agit de déterminer le «patrimoine de performances purement fonctionnelles». Il y a lieu d’établir dans quelle mesure – en raison de l’atteinte à la santé qu’il a subie – l’assuré ne peut plus, ou alors seulement au risque d’aggraver son état de santé, ou encore en faisant un usage abusif et insupportable de ses forces physiques et psychiques – exercer la profession qui était la sienne jusqu’alors (ou bien, pour la personne n’exerçant pas d’activité lucrative, celle qu’elle exerçait dans ses tâches traditionnelles jusqu’au moment de l’atteinte). Le médecin traitant constate, hormis l’incapacité de travail, quels sont les travaux – et si oui dans quelle mesure – que l’assuré peut encore effectuer. L’incapacité de travail ne peut pas être appréciée exclusivement d’un point de vue médical abstrait. Il faut plutôt examiner la portée de la limitation de l’assuré dans ses capacités fonctionnelles. Le médecin est indirectement l’expert de la compagnie d’assurances puisqu’il doit juger sur la base d’une anamnèse, de constatations et de thérapies, le rapport entre les atteintes à la santé et le travail de l’assuré. Des pertes de revenu éventuelles ne seront pas prises en considération lors de la constatation de l’incapacité de travail. L’appréciation des incidences de l’atteinte en question sur la capacité de travail et la détermination de l’incapacité de travail partielle ou totale n’est pas faite de façon définitive par le médecin. En effet, celui-ci ne fait que prendre position à cet égard. Sont compétents pour juger de l’incapacité de travail l’administration [Ndt: pas très clair, peut-être ajouter: de l’assurance-invalidité ou de l’assureur privé, ou encore plus généralement, remplacer administration par assureur] et, en cas de recours, 6 La notion de l’incapacité de gain le juge. Ces deux instances apprécient la position du médecin comme un moyen de preuve. Incapacité de gain 1. Eléments fondamentaux Pour fixer le taux d’invalidité, ce n’est pas l’incapacité de travail qui est déterminante, mais bien l’incapacité de gain définitive ou d’une certaine durée. En réalité, l’incapacité de gain trouve également sa cause dans l’atteinte à la santé, mais contrairement à l’incapacité de travail, des aspects juridiques supplémentaires sont décisifs en l’espèce, tels que l’auto-insertion, l’insertion et la situation sur le marché du travail. Est capitale la possibilité résiduelle de gains après le traitement médical et les mesures d’insertion, dans l’une quelconque des professions entrant en ligne de compte pour l’assuré. Le jugement à ce propos se fait compte tenu d’un marché du travail équilibré à l’état fictif. Si l’assuré éprouve des difficultés à mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle sur le marché du travail, ceci n’est pas imputable à la situation conjoncturelle momentanément mauvaise, mais doit trouver exclusivement sa raison dans la personne de l’assuré. La construction juridique du marché de travail fictivement équilibré doit fixer une délimitation entre l’assurance-invalidité et l’assurance-accidents d’une part et l’assurance-chômage de l’autre. Même en cas de crise économique durable, l’appréciation de l’incapacité de gain doit toujours se fonder sur l’hypothèse d’un marché du travail fictif se trouvant dans un état d’équilibre. Ce marché de travail suppose d’un côté un certain équilibre entre l’offre et la demande en personnel et, de l’autre, un marché structuré de telle sorte que différentes possibilités d’engagement s’offrent aux personnes en quête d’un emploi. Du point de vue de sa structure, le marché du travail artificiellement équilibré doit présenter un certain éventail d’activités différentes, tant sous l’angle des conditions professionnelles et intellectuelles exigées que du point de vue de l’engagement physique. L’incapacité de gain représente en conséquence l’appréciation de l’incapacité de travail en fonction des possibilités d’exploitation économique sur le marché de travail équilibré. Il s’agit là d’une estimation opérée par l’assureur. Les données médicales sont une base importante pour déterminer quelles activités lucratives autres que la dernière profession exercée par l’assuré peuvent être raisonnablement accomplies par celui-ci sur le marché général équilibré et entrant en ligne de compte au vu de la situation personnelle. S’agissant de l’appréciation du caractère raisonnable ou supportable d’une prestation de travail en particulier, il y a lieu d’appliquer une mesure objective, qui est basée 7 tant sur les conditions personnelles de l’assuré que sur le point de vue qui prédomine généralement. Lors de cette appréciation, la formation, la position sociale et le lieu du travail sont des points essentiels. On ne saurait attendre d’un assuré qu’il s’engage dans une nouvelle activité lucrative qui, selon les données de l’expérience, lui est inaccessible en raison de sa formation professionnelle ainsi que de ses capacités intellectuelles et physiques. Celui qui jusqu’ici assumait une fonction dirigeante ne peut être affecté à un poste de subordonné. Par contre, il est possible de demander à un indépendant d’exercer une activité de salarié, sous certaines conditions, et inversement également. Quant à la question de la possibilité de mettre en valeur la capacité de travail sur le marché du travail équilibré, ce ne sont pas les connaissances techniques du médecins qui permettront de juger, mais bien celles du spécialiste des problèmes du marché du travail. En résumé, est réputé sujet d’une incapacité de gain quiconque, par suite d’une atteinte à sa santé psychique et/ou physique, ne peut plus exercer son activité actuelle, ou seulement de façon limitée, ou encore uniquement sous le risque d’aggraver son état de santé, et qui n’est plus en mesure non plus d’entreprendre une autre activité adaptée à son atteinte. 2. Genres d’incapacités de gain déterminantes a) Incapacité de gain permanente Le Règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) stipule que l’incapacité de gain est permanente lorsqu’on ne doit pas s’attendre, selon toute vraisemblance, à une amélioration non plus qu’à une aggravation de l’état de santé de l’assuré. Selon la jurisprudence, il faut admettre qu’il y a incapacité de gain permanente lorsqu’on est en présence d’une atteinte à la santé largement stabilisée, fondamentalement irréversible qui, vraisemblablement, limitera de façon durable la capacité de gain de l’assuré, d’une manière ouvrant droit à la rente d’invalidité. Une atteinte anciennement déclarée instable ne peut être considérée comme relativement stabilisée que si son caractère a nettement changé, au point qu’il peut être décrété qu’à plus ou moins brève échéance, il n’y aura pratiquement plus de changement notable. En d’autres termes, l’incapacité de gain est permanente lorsqu’en raison de la stabilité de l’état de l’assuré, il faut s’attendre à ce qu’elle subsiste pendant la période d’activité normale de l’intéressé, compte tenu de son espérance de vie. Comme l’invalidité est liée à des considérations de gain, on partira, s’agissant de la notion de «permanente», de la période d’activité de l’assuré. La condition d’une incapacité de gain permanente est donc un état de trouble physique ou 8 La notion de l’incapacité de gain psychique. Un processus somatique, autrement dit une atteinte instable ne remplit pas ces conditions. déposée une éventuelle prétention de rente, il y a toujours lieu d’examiner la variante incapacité de gain «d’une certaine durée». b) Incapacité de gain d’une certaine durée En cas d’incapacité de gain d’une certaine durée, il ne s’agit pas d’un état stable, mais instable, au contraire. L’état de santé va évoluer selon toute vraisemblance, vers une amélioration ou une péjoration. Si par exemple, un assuré est opéré après un cancer, il n’y a pas de constatation régulière établissant avec vraisemblance que son état de santé est stable; il faut plutôt s’attendre à une amélioration ou à une péjoration. En cas d’incapacité de gain d’une certaine durée, l’assuré doit avoir été incapable de travailler au moins à 40% en moyenne, sans interruption notable pendant une année, et après cette période, l’handicap restreignant la capacité de gain doit persister au moins dans la même mesure (40%). Selon la jurisprudence, le critère de la stabilité, éventuellement complété par celui de l’irréversibilité, est déterminant sans réserve pour la délimitation du domaine d’application entre incapacité de gain permanente et incapacité d’une certaine durée. Dans ce contexte, le critère de stabilité ne porte pas seulement sur les incidences économiques, mais également sur l’atteinte à la santé elle-même. Si la stabilité de l’atteinte fait défaut au moment où est 3. Incapacité de gain en droit des assurances privées Dans le cadre du droit des assurances privées, l’incapacité de gain est avant tout essentielle pour la détermination de la libération du service des primes, par exemple dans le cas d’une assurance de capital financée par des primes, dans l’assurance-accidents privée et dans l’assurance de la responsabilité civile. Pour la prestation d’invalidité d’une assurance-accidents, la loi sur le contrat d’assurance (LCA) exige que l’incapacité de gain de l’assuré soit vraisemblablement limitée de façon permanente. Par incapacité de gain, il faut entendre en l’espèce toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique, sans que soit prises en compte la façon et la portée de ses effets économiques sur l’assuré. C’est une incapacité de gain au sens abstrait du terme. La LCA laisse la liberté de convenir contractuellement, autrement dit dans les Conditions générales d’assurance (CGA), le mode concret de calcul de l’incapacité. Les CGA peuvent par exemple se fonder sur la limitation subie sur le plan professionnel ou sur la limitation en général, pour autant qu’elle ait des conséquences financières. Les CGA fixent les principes applicables au calcul de l’invalidité. Elles contien- 9 nent le plus souvent le taux d’invalidité fixé par membre ou organe touché, taux qui règle des états de faits issus de la pratique et ouvrant droit à une invalidité totale (par exemple la perte des deux bras, mains, pieds ou la cécité totale) ou à une invalidité partielle (comme la perte d’un œil: 30% d’invalidité, ou la perte d’un pied: 40% d’invalidité). Si la somme d’assurance est de CHF 100 000.– pour une invalidité totale, le droit de l’assuré en cas de perte d’un œil sera de CHF 30 000.–. Le taux arrêté par membre ou organe est fondé sur des estimations médico-théoriques, autrement dit sur des valeurs moyennes. Il ne tient pas compte de la manière dont l’invalidité touche la profession de l’assuré, ni dans quelle mesure, pas plus qu’il n’évalue si l’assuré subit un dommage en raison de son invalidité (perte de gain ou dépenses supplémentaires). Mais il est possible de s’écarter de ce taux basé sur des membres du corps en passant une convention entre les parties, car le petit doigt d’un pianiste n’a pas la même «plus-value» que celui d’un avocat. Dans l’assurance-accidents privée, il y a également, hormis le taux fixé par membre ou organe, d’autres méthodes pour fixer le degré d’invalidité. En ce qui concerne l’assurance complémentaire LAA, c’est par exemple le degré d’invalidité selon LAA qui est le plus souvent repris, avec les méthodes d’estimation y afférentes. Dans l’assurance responsabilité civile, ce n’est pas le taux par membre déterminé qui s’applique, mais la méthode de l’évaluation de l’invalidité. Celle-ci est exclusivement jugée sur le point de savoir si et dans quelle mesure elle entraîne un dommage (par exemple une perte de gain) pour l’invalide. En rapport avec cette évaluation des conséquences financières, l’expert médical a pour tâche de décrire le constat anatomico-fonctionnel et de donner une estimation médicothorique, ce qui fournit une première approche pour juger des conséquences financières possibles pour la personne touchée. Littérature • Locher Thomas: Grundriss des Sozialversicherungsrechts. (Bern 1994) • Maurer Alfred: Schweizerisches Privatversicherungsrecht. (Bern 1995) • Peter Erich: Die Koordination von Invalidenrenten. Unter besonderer Berücksichtigung der intersystemischen Problematik. (Schriften zum Sozialversicherungsrecht, Bd. 3, Zürich 1997) 10 L’invalidité, un phénomène conjoncturel? Prof. Philippe Maeder, membre de la direction Swiss Re La notion d’invalidité L’assurance en cas d’invalidité fait partie intégrante de la sécurité sociale suisse. Elle offre un couverture de base aux personnes assujetties dans le cadre de l’Assurance Invalidité fédérale AI (premier pilier); celle-ci est complétée par les prestations prévues au sein de la prévoyance professionnelle, qui est régie par la LPP (deuxième pilier). De plus, les polices d’assurance vie individuelles à primes périodiques (du troisième pilier) prévoient couramment une ou plusieurs prestations en cas d’invalidité, sous forme de rente ou de libération du paiement des primes en cas d’invalidité. Mais que faut-il entendre par invalidité? Quand peut-on admettre qu’une personne est invalide? A ce propos, il n’est sans doute pas inutile de se référer à la définition légale figurant dans la LAI, art. 4: «L’invalidité au sens de la présente loi est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.» Cette définition relativement objective est complétée par des dispositions plus subjectives relatives à l’évaluation de l’invalidité, que l’on trouve dans la LAI, art. 28: «Pour l’évaluation de l’invalidité, le revenu du travail que l’invalide pourrait obtenir en exerçant l’activité qu’on peut raisonnablement attendre de lui, après exé- cution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d’une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu’il aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide.» La LPP, à son art. 23, fait dépendre le droit à la prestation du deuxième pilier de celui d’obtenir celle du premier pilier. De ce fait, cette prestation complémentaire est liée aux mêmes conditions d’octroi. Les tarifs et conditions générales d’assurances stipulent donc généralement que l’invalide est une personne incapable totalement ou partiellement d’exercer sa profession ou toute autre activité lucrative conforme à sa situation sociale, à ses connaissances et à ses aptitudes. Le caractère partiellement subjectif de ce risque et la liberté d’appréciation laissée aux médecins et aux responsables d’institutions de prévoyance se traduisentils par une évolution défavorable de ce risque lorsque la conjoncture économique se ralentit? Les statistiques mises sur pied par l’Association Suisse d’Assurances (ASA) semblent le démontrer. Evolution récente du risque invalidité Pour l’assurance collective, qui assume la couverture du risque des institutions de prévoyance – généralement de taille petite et moyenne – œuvrant dans le cadre de la prévoyance professionnelle, l’ASA établit tous les cinq ans une statis- 11 tique portant sur la fréquence des cas d’invalidité, les probabilités pour les invalides de recouvrer leur activité ou de décéder, ainsi que le degré moyen d’invalidité. Une comparaison dans le temps de ces indicateurs fournit des indications intéressantes. La figure 1 représente les probabilités, pour un homme, de devenir invalide et de l’être encore à l’issue d’un délai d’attente de trois mois; cette quantité est représentée par groupes d’âges et selon les statistiques quinquennales successives de l’ASA. Ce qui frappe de prime abord, c’est que quelle que soit l’époque, les probabilités afférentes à la classe d’âge de 50 à 64 ans sont environ le triple de celles du groupe d’âge central, entre 35 et 49 ans. Le deuxième constat est que cette fréquence des cas d’invalidité s’est accrue au cours des 10 dernières années, dans le même temps que la conjoncture économique s’infléchissait. Peut-on observer la même évolution pour les femmes ? La figure 2 fait apparaître en tout premier que les fréquences d’invalidité sont moindres chez les représentantes du sexe dit «faible», étant entendu que la statistique de l’ASA ne porte que sur une partie de la population suisse, à savoir les personnes au bénéfice de la prévoyance professionnelle et affiliées à une institution de prévoyance cédant son risque invalidité à une société d’assurances suisse. Cette différence d’échelle mise à part, les constats émis cidessus pour les hommes quant à l’évolution du risque restent valables pour les femmes. Quelles en sont les raisons? Les statistiques précitées ne per- Figure 1: Probabilités d’invalidité – Hommes 25 Probabilité en ‰ 20 15 10 5 0 1976 – 80 15 – 34 ans 1981 – 84 35 – 49 ans 1986 – 90 50 – 64 ans 1991 – 95 12 L’invalidité, un phénomène conjoncturel? Figure 2: Probabilités d’invalidité – Femmes 25 Probabilités en ‰ 20 15 10 5 0 1976 – 80 15 – 34 ans 1981 – 84 35 – 49 ans 1986 – 90 1991 – 95 50 – 64 ans mettent pas de le dire précisément, mais un phénomène connu y contribue: l’employeur devant faire face à l’obligation de réduire son personnel est soulagé si l’assurance invalidité peut assurer à certains un revenu de remplacement supérieur et de plus longue durée qu’une indemnité de l’assurance chômage. Or, l’aspect subjectif du risque invalidité est tel qu’une personne souffrant de certains maux et qui parvient à accomplir sa tâche à satisfaction en période de plein emploi peut également parfois, avec de bonnes chances de succès, faire valoir ses droits à toucher des prestations de l’assurance invalidité si elle n’a pas d’autre choix, voire parfois sous la pression de son employeur. Certains offices cantonaux de l’AI ont contribué à cette évolution en adoptant une attitude plus laxis- te lors de l’examen des cas qui lui ont été soumis en une période de taux de chômage élevé. A cet égard, on n’est guère surpris d’observer, dans les figures 1 et 2, l’augmentation notoire de la fréquence des cas d’invalidité pour les personnes âgées de 50 ans et plus. Une analyse quantitative de ces données nous montre cependant aussi que c’est dans la classe d’âge de 15 à 34 ans que l’augmentation de la fréquence d’invalidité a été proportionnellement la plus forte entre les deux dernières périodes de la statistique. Ce constat confirme que l’hypothèse du «chômage déguisé» énoncée ci-dessus n’est qu’une des diverses causes de ce phénomène. Qu’en est-il des autres mesures du risque invalidité, à savoir son degré moyen, et la fréquences des reprises d’activité? Au plan du degré d’invalidité, tout d’abord, les 13 assureurs ont constaté légère augmentation, mais à peine marquée (moins de 2%). Quant à la probabilité, pour un invalide, de reprendre une activité lucrative – de «réactiver», dans le jargon des assureurs – elle a continuellement décru ses dernières années, ce qu’illustre la figure 3. La diminution entre les périodes 1986 / 90 et 1991/ 95 est, en moyenne, d’environ 10%, et pour le seul groupe d’âges de 50 à 64 ans, de 25%. Une conjoncture économique moins favorable contribue évidemment à diminuer les chances de réinsertion des invalides. Conséquences pour les assureurs et les assurés Pour les assureurs du premier comme du deuxième pilier, les statistiques analysées précédemment reflètent une augmentation de leurs charges pour trois raisons: ils enregistrent un plus grand nombre de nouveaux cas d’invalidité qu’auparavant; ils doivent verser les prestations plus longtemps; le montant de celles-ci est aussi légèrement plus élevé qu’avant. L’état de déséquilibre des finances de l’AI est bien connu, et nous ne nous étendrons pas sur ce sujet ici. Pour les assureurs privés, cette augmentation des charges pour plusieurs raisons simultanées se traduit par des mesures générales et ciblées. Une adaptation du niveau global des tarifs s’avère indispensable, et sa nécessité a été reconnue par l’Office fédéral des assurances privées. Ayant observé que le niveau du risque d’invalidité variait considérablement d’une institution de prévoyance à l’autre Figure 3: Fréquences de «réactivité» des invalides 100 Probabilités (réactivité) en ‰ 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1976 – 80 Femmes 1981 – 84 Hommes 1986 – 90 1991 – 95 14 L’invalidité, un phénomène conjoncturel? selon la branche économique à laquelle appartenait l’entreprise concernée ou sa situation géographique, certaines sociétés d’assurances on introduit ou vont instaurer un tarif tenant compte de ces critères et / ou du niveau effectif du risque présenté par le groupe d’assurés. Cet abandon progressif d’un tarif moyen - par conséquent d’une solidarité entre les assurés de secteurs économiques différents – constitue-t-il une nouveauté? En Suisse, l’assurance accident professionnelle connaît déjà un régime similaire depuis longtemps, et le niveau effectif des sinistres est pris en compte – pour les groupes d’une certaine taille – dans l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie. A l’étranger, l’assurance vie collective connaît également depuis de nombreuses années des tarifs faisant intervenir des catégories de professions, si bien que l’évolution observée en Suisse constitue sans doute un pas inéluctable vers une approche tarifaire telle qu’elle est pratiquée à large échelle. Les «consommateurs», c’està-dire les assurés, sont-ils les victimes de cette évolution? Il y a fort à parier que l’on puisse entendre deux types de réactions: ceux que l’on peut qualifier de «bons risques» s’en félicitent, et les autres crient à l’abandon de la solidarité dans une assurance sociale qui, selon eux, devrait la maintenir de manière extensive comme principe intangible. Globalement, cette modification de l’approche des assureurs du deuxième pilier fait appel à la responsabilité des assurés euxmêmes dans le contrôle des abus que permet une telle branche d’assurance au caractère subjectif plus marqué que d’autres comme l’assurance accidents par exemple. A ce titre, elle devrait contribuer à juguler l’augmentation des coûts relevée ces dernières années et maintenir les charges sociales inhérentes à cette couverture à un niveau supportable par la communauté toute entière. Ce but ne sera toutefois atteint que si tous les intervenants – employeur, gestionnaire de l’institution de prévoyance, médecin, assureur – agissent dans l’esprit des lois et sans complaisance. 15 Incapacité de gain en raisons de troubles psychiques Si l’on en croit les statistiques, entre un et deux tiers des patients qui franchissent le seuil d’un cabinet de médecin de premier recours (praticien généraliste, médecine interne) souffrent de troubles psychiques ou psychosomatiques. Mais dans le traitement de tels patients, la composante psychique et sociale est encore bien trop peu prise en compte. A titre d’exemple, on pourra se référer aux douleurs dorsales non spécifiques 1, si largement répandues dans toute la population. Souvent, même en l’absence de tout substrat anatomicopathologique, elles sont encore affublées de la notion futile de syndrome lombovertébral, ce qui est propre à aiguiller pour ainsi dire le patient sur une fausse voie – autrement dit purement somatique – d’où il sera toujours plus difficile de le ramener 2, avec le temps qui passe. D’autre part, le médecin traitant sera éventuellement amené, lui aussi, à ne plus avoir autre chose à l’esprit qu’une cause somatique pour les plaintes subjectives du patient. Dans ce contexte, la douleur exprimée par le patient – qui n’est déjà guère objectivable en soi – est un élément porteur de l’effort thérapeutique, qui doit cependant trouver ses limites lorsqu’il devient manifestement inapte à exercer une influence sur les plaintes subjectives. A ce moment au plus tard, autrement dit après un certain temps consacré à la thérapie ordonnant des antirhumatismaux et/ou des mesures de physiothérapie, la situation psycho-sociale du patient doit faire partie de l’angle d’approche du médecin-traitant. Il convient de préciser toutefois que la formulation utilisée, plutôt toute faite, d’un transfert psychique ne sera d’aucun secours, pas plus que ne le serait le diagnostic d’une dépression qui, dans de telles circonstances, n’est souvent pas de mise, puisqu’il s’agit généralement de réactions à un deuil tout à fait normales sur le plan psychologique et parfaitement perceptibles. En réalité, il faut plutôt questionner le patient sur les conditions sociales et les charges psychiques ainsi que sur sa façon personnelle de vivre (coping) les douleurs, envers lesquelles il peut par exemple lutter activement ou, au contraire, se sentir pieds et poings liés, sans espoir. En outre, la réaction des proches qui, par exemple, sont plus qu’attentionnés parce qu’ils considèrent le patient comme un malade, n’est pas une bagatelle pour l’évolution subséquente de tels troubles, pas plus d’ailleurs que l’inclusion éventuelle de ces parents dans le processus thérapeutique. D’autre part, il y a toujours lieu de se souvenir de la valeur pathogène secondaire de maladie de telles douleurs subjectives, de sorte qu’il convient d’interroger l’intéressé sur sa formation scolaire et professionnelle ainsi que sur sa situation actuelle au travail. Des facteurs perturbateurs pour un Dr med. Witold Tur, Spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie 16 Incapacité de gain en raisons de troubles psychiques traitement approprié de la maladie consistent par exemple en une morbidité multiple, un âge avancé, une situation professionnelle difficile (mobbing, menace de perdre son emploi, résiliation du contrat de travail), une situation économique difficile (dettes, pauvreté), conditions de logement défavorables et, finalement, des facteurs individuels tels qu’une procédure judiciaire en cours, une menace d’expulsion (détenteur de permis A et B), formation scolaire et professionnelle manquante ou lacunaire, absence de connaissances linguistiques, défaut d’enracinement socioculturel, faibles capacités intellectuelles et capacités motrices fines 3, 4. Maintenant, si en pareil cas, l’assureur indemnité journalière ou rente demande des renseignements sur la capacité de travail, il est recommandé d’utiliser l’un des systèmes de diagnostic les plus utilisés et les plus reconnus, le diagnostic orienté ICD –10 5, car seul les diagnostics effectués dans ce cadre, à l’appui de critères d’inclusion et d’exclusion, sont vérifiables et compréhensibles pour le lecteur des rapports médicaux. De simples pourcentages concernant une éventuelle réduction de la capacité de travail dans l’activité traditionnelle ou dans une activité de substitution supportable sont également peu utiles et difficiles à calculer. Ont nettement plus de relief les descriptions concrètes de ces fonctions physiques et psychiques comportant une limitation, et peut-être aussi l’énumération des facteurs susmentionnés, même s’ils sont réputés étrangers à l’invalidité dans le cadre des CGA ou de la LAI. En qualité d’expert-psychiatre, on ne se défait pas comme d’un manteau, dans le cadre de l’exécution d’expertises, du comportement de base du médecin-thérapeute; aussi serait-on heureux de pouvoir repérer suffisamment tôt des assurés souffrant essentiellement de troubles psychiques ou somatiques sans constats pathologiques y afférents, éventuellement aussi dans l’esprit d’une «second opinion» car, par exemple, après plus d’une année d’inactivité professionnelle, il n’est plus possible de faire autre chose que de constater lapidairement, s’agissant d’une éventuelle réhabilitation, que toute mesure médicale ou professionnelle, quelle qu’elle soit, est dénuée de tout sens 6; en effet, après un «sevrage» de travail qui a duré plusieurs mois, presque plus personne ne réussit à reprendre son ancienne activité ou à se lancer dans une nouvelle profession 7. C’est pourquoi, il y a lieu de lutter suffisamment tôt contre un déconditionnement de l’esprit et du corps. Ainsi les sujets souffrant de troubles dépressifs, dont le diagnostic et la thérapie causent toujours des difficultés en médecine générale et qui ont débouché sur une incapacité de travail, devraient 17 être adressés à un médecin spécialiste en cas de résistance aux soins. Une autre option consisterait à soumettre à l’assureur une proposition d’expertise. A cet égard, il est également important de savoir quels médicaments le patient a ingurgités, à quelles doses et pendant combien de temps, si une méthode de psychothérapie a été utilisée et, si oui, laquelle. Il convient aussi de rappeler sans cesse qu’une réaction au décès, tout à fait normale sur le plan psychologique et bien perceptible, ne remplit souvent pas les critères d’un épisode de très légère dépression, et que le travail permet parfois à l’intéressé de se déconnecter du décès qui l’a touché. Avant que le diagnostic de troubles somatoformes ne soit posé, on devrait également garder à l’esprit les critères du «développement de symptômes physiques pour des motifs d’ordre psychique», car ces diagnostics sont souvent pris l’un pour l’autre. Littérature 1 Wagenhäuser F. J.: Die Rheumamorbidität in einer Zürcher Landgemeinde. Huber, Bern 1969 2 Keel P.: Chronische Rückenschmerzen. Praktische Bewältigung durch ganzheitlichen Zugang. DIA-GM, 11, 829 – 837, 1995 3 Kopp H. G., Willi H. und Klipstein A.: Im Graubereich zwischen Körper, Psyche und sozialen Schwierigkeiten. Teil I: Neue Entwicklungen in der Diagnose und Therapie von somatoformen Störungen (am Beispiel von chronischen Schmerzpatienten). Schweiz Med Wochenschr 127, 1997, 1380 – 1390 4 Kopp H. G., Willi H. und Klipstein A.: Im Graubereich zwischen Körper, Psyche und sozialen Schwierigkeiten. Teil II: Die psychiatrische Begutachtung von somatoformen Störungen (am Beispiel von chronischen Schmerzpatienten). Schweiz Med Wochenschr 127, 1997, 1430 – 1439 5 Organisation mondiale de la santé: Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé apparentés. Version 1.0, état août 1994. Publié par: Deutsches Institut für Medizinische Dokumentation und Information DIMDI. Huber, Bern-Göttingen-Toronto-Seattle, 1994 6 Kübler R. S.: Die interdisziplinäre medizinische Begutachtung zuhanden der Invalidenversicherung. Beschreibung eines Kollektivs von 298 begutachteten Personen und des Verlaufs nach der Begutachtung an der medizinischen Begutachtungsstelle Spital Pflegi. Med. Diss. Zürich, 1998 7 Schuler C.: Ärztliche Feststellung der Arbeitsund Berufsunfähigkeit. Schweiz. Ärztezeitung, 70, 1989, 1815 18 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques Introduction En cas de maladies et de douleurs musculosquelettiques, il s’agit pour une majorité d’entre elles de syndromes de douleurs non spécifiques. «Non spécifique» signifie en l’espèce qu’aucune maladie définie (par ex. spondylite ankylosante), aucun pathomécanisme délimitable (par ex. infiltration tumorale) ni lésion parfaitement délimitée sur le plan anatomique (par ex. compression de la racine d’un nerf avec les pertes neurologiques y afférentes à la suite d’une hernie discale correspondante) ne peuvent être attribués à ce syndrome de douleur. Ceci concerne, par ex. dans le domaine des douleurs lombaires, Dr med. Andreas Klipstein, Dipl. Health Ergonomics, Inst. für Physikalische Medizin, Universitätsspital, sowie AEH, Zentrum für Arbeitsmedizin, Ergonomie und Hygiene GmbH, Zürich environ 80% de tous les cas. Le pronostic de ce syndrome de douleurs non spécifiques est favorable, ainsi 80 à 90% des patients souffrant de douleurs lombaires «banales» se rétablissent dans les 6 semaines. Cette dernière atteinte est pourtant à elle seule très fréquente et responsable de 18% de toutes les allocations de rentes dans l’UE (voir Illustration 1). Les récidives sont monnaie courante (entre 50 à 60%). 10% de l’ensemble des patients subissent une incapacité de gain après un épisode de douleurs dorsales de plus de 3 mois; autrement dit, ils souffrent de douleurs chroniques, et les coûts qui en résultent s’élèvent à environ Enquête UE «Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 1996 Illustration 1: Douleurs au travail Douleurs dorsales Stress Education générale Douleurs musculaires Migraines Douleurs aux yeux Etats d’anxiété Troubles du sommeil Probl. avec les oreilles Problèmes de peau Douleurs d’estomac Allergies Troubles respiratoires Maladies cardiaques 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 Part des employés souffrant de douleurs (en %) 19 90% de la perte financière causée par des douleurs dorsales. Sont mal connus dans ce contexte les coûts supplémentaires, engendrés par ex. par des co-morbidités – de la part de membres de la famille aussi – par le remplacement de personnel dans l’entreprise, la perte de productivité pour l’entreprise, la société et la famille (par ex. des travaux ménagers non rémunérés, etc.). On estime que dans une entreprise, les prestations d’assurance ne couvrent les coûts engendrés par la perte du travail d’un collaborateur qu’à concurrence de 1/3 à 1/5. Le pronostic d’un retour dans le processus du travail se péjore dra- Tableau 1 Classe de risque Facteur de risque Association avec des douleurs dorsales (n études) positif aucun negatif Facteurs de risques physiques sur le lieu du travail Manipuler des charges Se baisser et pivoter souvent Charges lourdes Position statique au travail Activité hautement répétitive Vibration dans tout le corps 16 09 06 03 01 12 03 01 01 04 02 01 0 0 0 0 0 0 Facteurs de risques psychologiques sur le lieu de travail Stress mental Insatisfaction au travail Rythme de travail élevé Manque de soutien Travail monotone / absence de contrôles 03 05 01 00 05 02 02 03 02 02 0 0 0 0 0 Facteurs de risques individuels Age Sexe Taille Poids Consommation de nicotine Activités sportives Célibat Bas niveau de formation 12 02 02 01 05 02 00 05 14 07 10 17 11 10 07 07 3 0 0 0 0 2 0 0 20 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques matiquement avec la durée de l’absence. Ainsi, selon des études antérieures, après six mois d’incapacité de travail, 50% des intéressés reprennent un jour une quelconque activité professionnelle alors qu’après 2 ans d’inactivité, seuls 2% le feront encore. Si l’on pense que ces chiffres ont été recensés en des périodes économiquement équilibrées, avant la globalisation, au moment où la migration était modérée et à défaut de toute différenciation des professions, on peut admettre qu’aujourd’hui, spécialement dans les branches et populations à risques, les conditions sont bien plus défavorables. Malgré certaines améliorations légales en matière de sécurité au travail, de prévention des maladies et de campagnes en faveur de la promotion générale de la santé, les prestations d’assurance (indemnités journalières et rentes) enregistrent une hausse, en particulier en raison de ces états de douleurs non spécifiques. Existe-t-il des explications et des moyens d’influencer cette situation? Facteurs propices à l’incapacité de gain Divers facteurs propices tant pour l’apparition que pour la chronification de douleurs musculosquelettiques non spécifiques, en particulier de douleurs dorsales lombaires, ont été découverts. Le Tableau 1 montre l’importance de divers facteurs de risques pour l’apparition de douleurs dorsales, dans une «review» globale (selon Burdorf 1997). Une association positive d’un facteur risque avec l’apparition de douleurs dorsales signifie que dans une étude mandatée pour une «review», le facteur risque correspondant a été prouvé. N équivaut à la somme des études avec preuve du facteur de risque correspondant. Le Tableau 2 montre les facteurs de risque d’une «chronification» (incapacité de travail >3 mois). Les facteurs de risque physiques jouent de loin, à ce propos et comme par le passé, le plus grand rôle dans de nombreux emplois. S’agissant des facteurs psychosociaux, ils ont par contre été sousestimés en rapport avec des activités physiquement semi-lourdes à lourdes, compte tenu de généralisations contenues dans des études connues. Ainsi, les sacs de ciment pèsent-ils 50 kg comme auparavant, en dépit des recommandations contraires, ce qui est tolérable pour une infime partie de la population est donc inadmissible, pour des raisons de discrimination également. En ce qui concerne des activités dites légères (en particulier des postes de travail modernes dans les bureaux et le secteur informatique), les facteurs de charges mentales jouent un rôle toujours croissant. Les facteurs individuels sont généralement surestimés en ce qui touche à l’apparition de douleurs, notamment du côté des médecins, mais aussi chez les représentants de la promotion de la san- 21 Tableau 2 Facteurs associés au travail Facteurs associés à la maladie Facteurs individuels Travail difficile Travail monotone Charge de travail élevée Insatisfaction Manque de soutien Chômage Peur du licenciement Arrêt de travail de longue durée prescrit médicalement Douleurs dorsales antérieures Repos au lit prolongé Douleurs irradiantes Traitement avec mesures passives Examens médicaux Incompréhension vécue Etat dépressif Bas niveau de formation et de revenu Peur face à la vie en général Crainte des douleurs Attitude face à la vie (par ex. déléguer les responsabilités à autrui) Faute d’autrui vécue Faute té. Ils jouent toutefois un rôle plus important en ce qui concerne la «chronification». Syndrome de l’extension des symptômes Matheson définit le syndrome de l’extension des symptômes comme un type de comportement invalidant, acquis et maintenu sous l’effet de facteurs sociaux, dans lequel le fait de se plaindre et de montrer les symptômes aide celui qui en souffre à garder le contrôle sur son environnement, les circonstances de sa vie et son équilibre psychique. Sont importants à ce propos l’aspect syndromal – autrement dit, certaines observations sont rassemblées – ainsi que l’aspect multifactoriel – en d’autres termes, une référence ne suffit pas et il n’est pas possible non plus de classifier le problème dans un domaine spécialisé de la médecine. Le syndrome ne saurait être évaluateur, autrement dit, il ne doit pas être utilisé dans l’optique d’une dévaluation du problème de la santé ou d’un lien automatique avec une valeur pathologique permettant la prescription d’un arrêt de travail, mais d’une manière apte à décrire et reconnaître le problème; ce côté dévaluateur se produit trop souvent avec des notions telles que «aggravation», «transfert fonctionnel» et aussi avec le «diagnostic» psychiatrique des troubles douloureux somatoformes (F45.5 de l’ICD –10). Une extension des symptômes se distingue par les caractéristiques suivantes: prise en compte/expression diffuse des symptômes avec un degré de douleur très élevé (8 et plus sur l’échel- 22 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques le de 10), sans référence à des aspects/mesures qui renforcent ou affaiblissent le symptôme, absence de stratégie en matière d’efforts personnels, absence d’efficacité de tous les traitements, report sur autrui du contrôle sur la maladie et ses conséquences, orientation de la fonction vers les symptômes jusqu’à s’y trouver emprisonné; d’un autre côté, au niveau du comportement: mesure non plausible du handicap démontré en comparaison du constat clinique et de l’expérience générale, très basse estime de sa propre efficacité comparée aux capacités effectives (suivre des instruments), manque de disponibilité à tolérer des charges supportables et respect insuffisant des règles de la réhabilitation. Les «Non-organic physical signs» selon Waddell s’avèrent également très précieux. Il s’agit simplement en l’occurrence d’observations et de tests standardisés à effectuer. 3 signes positifs ou davantage sur 5 possibles sont liés à un mauvais outcome en ce qui concerne la reprise du travail, le succès de la réhabilitation et d’interventions opérationnelles. La combinaison de tests récemment publiée et validée en Suisse par Oesch va dans la même direction. Les facteurs ouvrant la voie à une extension sont présentés dans le Tableau 2. Sur le plan des pronostics, une telle évolution dépend essentiellement d’une option en faveur d’un traitement favorisant une extension des symptômes ou d’un traitement restreignant cette extension. Ouvrir la voie de l’extension des symptômes, autrement dit agir défavorablement sur l’évolution du cas: Non-reconnaissance de troubles de l’adaptation. Examens médicaux répétés lors de la recherche des causes des événements inexplicables, en particulier en l’absence d’une formulation claire de la question clinique, ainsi que des traitements déjà expérimentés et jugés inutiles (indépendamment de mesures de reconditionnement «naturellement» plus douloureuses). «Feel good trap», autrement dit l’amoindrissement des symptômes ressenti comme défavorable à long terme par le fait d’un allègement et d’un traitement en conséquence des symptômes (et toujours moins efficace), qui conduit a un comportement incontrôlé. En conséquence de quoi: déconditionnement et expérimentation du fait que les symptômes dépendant de la charge se transforment toujours plus, en dépit d’un «bon traitement», en douleurs durables indépendantes de la charge. Communication de messages inadaptés («phénomènes d’usure» sans importance, qui suggèrent une progression; «ne plus soulever de charges lourdes», bien que ceci ne se justifie pas et qu’éluder une telle situation dans la vie de tous les jours soit une exigence incontournable). 23 Prise en charge de responsabilités qui en fait reviennent au patient (concernant sa santé, son rôle fonctionnel et social, chômage de longue durée). Réduire l’extension des symptômes, autrement dit, agir favorablement (en sus du fait de fermer la porte aux mesures susmentionnées): Communication à l’échelon de la fonction et non pas des douleurs (prendre connaissance des douleurs, mais mesurer le succès / échec à l’aune de critères fonctionnels, par ex. dans les activités de la vie quotidienne). Intervenir en qualité de conseiller, non pas à titre d’auxiliaire en cas d’urgence. Réinsertion rapide et progressive dans le travail, éventuellement accompagnée de mesures d’entraînement. Recours plus précoce (au plus tard après 6 semaines) à un spécialiste en rhumatologie/orthopédie, le cas échéant à un psychiatre), qui procède à un constat adéquat et suffisamment approfondi, afin que la réhabilitation subséquente puisse se faire sans troubles (comme le prévoient les lignes directrices de la FMH). Lorsque l’extension des symptômes existe déjà: En cas d’oppositions, inclusion plus rapide de toutes les personnes intéressées (parents, employeur, thérapeutes, conseillers juridiques, médecins-conseils). Un programme de traitement multimodal (en milieu ambulatoire ou stationnaire) est élaboré à l’appui d’objectifs convenus («goaling process») en matière de comportement, de déconditionnement et de problématique psychosociale (en particulier, inclusion de l’employeur et de la famille) (par ex. entraînement ergonomique/réhabilitation portant sur le travail, le cas échéant un programme interdisciplinaire concernant la douleur). Renonciation à des mesures de traitement individuel non établies en réseau. Expertise faite de bonne heure, moyennant recours au test des capacités et des convictions et confrontation avec les résultats et case management (voir ci-dessous). Prévenir l’extension des symptômes est nettement plus simple et prometteur que de traiter une telle extension. Le risque d’une extension des symptômes croît avec la durée d’une absence au travail. Il y a lieu de souligner que très peu de patients recherchent une telle évolution si défavorable pour eux et liée à tant de souffrances. Estimation de la capacité de gain La base de l’évaluation de la capacité de gain réside dans la détermination de la capacité de travail jugée médicalement. Celle-ci porte soit sur une activité concrète (en règle générale lorsque le sujet a encore un emploi) ou alors, dans l’esprit d’une capacité de travail 24 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques médico-théorique, sur une alternative, le cas échéant une activité adaptée au handicap subi. Il n’appartient pas au médecin de fixer si la dernière activité est supportable compte tenu des conditions économiques et professionnelles d’un individu. Le médecin n’est ni orienteur professionnel, ni ne doit se renseigner sur les incidences économiques (capacité de gain) ou sur le droit à des prestations de rente (invalidité). Par contre, il devrait s’en tenir, lors de l’évaluation de la capacité de travail, à certaines règles que Raspe a résumées: Se fondant sur le modèle IDH (Impairment-Disability-Handicap) de WHO, la capacité de travail tout comme d’autres conséquences de la maladie dépendent des troubles de la capacité (Disability) ou, pour parler en termes positifs, des capacités et des ressources d’une personne. Le dommage structurel ou fonctionnel (Impairment), par ex. une «discopathie», une limitation de la mobilité ou une «douleur», a éventuellement une influence révélatrice sur un handicap ou une capacité. Ainsi, comme chacun le sait, il n’y a aucun rapport entre l’étendue de «modifications dégénératives» et les effets de la maladie, autrement dit le pronostic concernant l’incapacité de gain à long terme. Les diagnostics sont certes souhaitables mais ils ne représentent en aucune manière une condition pour le caractère supportable d’une activité du point de vue médical. Il est faux de décréter sans esprit critique une «reconnaissance ou un rejet» d’une limitation fonctionnelle sur la base du seul diagnostic. Deux exemples: des patients Bechterew souffrant de lésions structurelles spécifiques ont un diagnostic bien plus favorable en ce qui concerne les handicaps à long terme que des sujets présentant de constantes douleurs dorsales non spécifiques; le diagnostic (syndromal!) d’une fibromyalgie implique encore souvent, suivant l’idéologie de la personne jugeant du cas, la reconnaissance ou non d’un handicap, sans que les capacités effectives n’aient fait l’objet d’une analyse. Quant à savoir si une capacité de travail supportable du point de vue médical peut être mise en œuvre ou non dans une activité concrète, la capacité de gain (niveau handicap) exerce peut-être une influence, mais non pas la capacité de travail. Jusqu’à un certain point, s’applique en l’espèce une obligation pour le patient comme pour l’environnement – par ex. l’employeur – de réduire le dommage. ll est évident que des obstacles surgissent dans l’application de ces principes, ainsi: Les handicaps et les capacités sont plus difficiles à juger que des dommages structurels ou fonctionnels (Impairments) et exigent une grande expérience. Une recommandation hâtive et irréaliste pour un travail «léger» peut indiquer la déchéance sociale brutale et retirer 25 prématurément au patient – ainsi qu’à son environnement, y compris l’employeur – son sens des responsabilités. Le handicap expérimenté et vécu peut fortement s’écarter d’une dimension concevable pour le cas en question (ceci fait partie d’une extension des symptômes). Souvent, des attentes irréalistes sont nourries, même de la part des parents. Porter une double casquette, ce qui ne paie pas et constitue un rôle difficile à tenir: celui du médecintraitant («celui qui aide») et le médecin «expert» («l’empêcheur»). Pression économique qui rend impossible une (auparavant, toute) occupation à long terme dans un secteur-niche. Manque de disponibilité de l’employeur pour accepter et occuper en conséquence une personne «à moitié en bonne santé» et non performante à part entière. Mélange difficile à doser entre pression et octroi de ce qui est demandé. Manque de temps au cours des consultations ordinaires pour des discussions et informations. D’un autre côté, il existe tout simplement aujourd’hui des mesures d’appui et des moyens auxiliaires qui, utilisés notamment en combinaison et à divers niveaux, sont en mesure de restreindre les évolutions défavorables. Un pas important consiste en l’évaluation adaptée des capacités et de leurs perturbations. Appréciation des perturbations des capacités Hormis l’appréciation et la reconnaissance d’une extension des symptômes («yellow flags»), le jugement porté sur les perturbations des capacités ou sur les capacités en soi est également essentiel, mis à part la condition pour le constat et la recommandation de la capacité de travail supportable du point de vue médical, pour discuter avec le patient des objectifs convenus. Les possibilités et les moyens auxiliaires suivants sont à disposition: Interroger le patient sur ses ADL’s («activities of daily living»), qui comprennent au moins la locomotion, les soins corporels, l’exécution des activités quotidiennes simples telles que des mouvements, travaux de conservation, et la manipulation de charges ainsi que les contacts sociaux. Une classification devrait avoir lieu, par ex. comme Steinbrocker l’a définie pour des maladies rhumatismales. Le temps consacré à cet effet est minimal, mais le résultat, bien que meilleur qu’en cas d’interrogation sur les symptômes, est non spécifique et non fiable, notamment dans l’hypothèse d’une extension des symptômes. Une interview structurée ou l’usage d’un questionnaire portant sur la fonction: mis à part les instruments les plus connus tels que le «Roland and Morris Questionnaire» spécifique pour le dos ou le «SF-36» axé sur l’état de santé général, le groupe de travail Ergo- 26 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques nomie de la Communauté de travail suisse pour la réhabilitation SAR a traduit et travaillé le «PACT-Spinal Function Sort» de L. N. Matheson. Ce questionnaire présente l’avantage d’être utilisable spécifiquement pour le travail et il a été validé à l’appui d’activités impliquant diverses exigences physiques. A titre de résultat, peut être jugée la résistance à l’épreuve subjective pour des activités en position assise, des activités légères, mi-lourdes, lourdes et très lourdes. D’autre part, il est possible de découvrir l’exactitude du «self-rating» et – en cas d’écarts, d’inconsistances, de niveau inexplicablement bas, et en comparaison de résultats de tests, d’une auto-évaluation trop basse – une éventuelle extension des symptômes. Pour l’évaluation des capacités, l’utilisation de la pure vue subjective du patient est limitative. Même en cas de comportement maladif «adéquat», celle-ci s’éloigne de la réalité avec un éloignement croissant des charges de la vie de tous les jours. Le test de charge axé sur la réalité («performance»): le groupe de travail Ergonomie SAR a introduit en Suisse, il y a quelques années de cela, l’«évaluation de la capacité de réalisation fonctionnelle appliquée au travail EFL» («Evaluation der arbeitsbezogenen funktionellen Leistungsfähigkeit») (FCE, System Isernhagen), des lignes directrices y afférentes ainsi qu’un système de formation et de contrôle de la qualité. La méthode est mainte- nant établie et reconnue dans toute la Suisse. Elle se fonde sur des critères d’observation standardisés. Sont relevés les niveaux de résistance à l’épreuve qui sont encore jugés ergonomiquement sûrs pour des activités rarement exécutées de jour, ou pour des activités répétitives (tests kinésiophysiques). Le test permet, mis à part l’usage directement réhabilitant, un jugement le plus objectif possible de la capacité de charge appliquée au travail en tant que condition de la réinsertion professionnelle, le cas échéant pour des mesures professionnelles également. Au niveau du comportement, ce test rend possible l’évaluation des rapports avec la douleur. La procédure s’est avérée valable en rapport avec les objectifs fixés et (lors de récentes études) suffisamment fiable. Elle exige cependant beaucoup de temps. Les capacités neuropsychologiques ne sont pas examinées en particulier. S’agissant de l’interprétation des résultats, des aspects cliniques et psychosociaux sont aussi significatifs et devraient être inclus selon les possibilités. En outre, il existe une série de tests partiellement assistés par ordinateur. Ceux-ci sont pourtant basés sur des charges maximales atteignables volontairement et leurs faiblesses se situent dans la dépendance à la motivation, le défaut d’évaluation des aspects de sécurité et du comportement ergonomique ainsi que dans l’absence de spécificité pour les charges du 27 travail. Ils pourraient éventuellement se créer une place privilégiée dans la planification de l’entraînement et lors de la mise au clair de la disposition à la réhabilitation, mais non pas dans la réinsertion au travail, ni en matière d’évaluation de la capacité de gain. L’appréciation des exigences du travail joue un rôle lorsque l’emploi existe encore. En l’occurrence, le médecin/thérapeute qui n’est pas familier avec les rapports de travail est généralement submergé. Une interrogation systématique sur les obligations et les charges de travail est nécessaire, mais elle prend beaucoup de temps et n’est pas toujours fiable. En cas de doute, des renseignements doivent être pris auprès de tiers ou les conditions sont à vérifier sur place, à l’aide d’une «Arbeitsplatzabklärung» (APA) (élucidation des conditions de la place de travail). Le groupe de travail Ergonomie SAR a introduit en Suisse une méthode fiable et pas trop onéreuse ainsi qu’un système de formation et de qualité. La clarification de la situation doit être exécutée en cas de changements potentiels des conditions de travail (souvent des emplois de bureau) et lorsque les charges de travail ne sont pas claires ainsi qu’en cas de réinsertion compliquée (emplois dans l’industrie). De plus, un questionnaire a été développé en ce qui concerne la charge de travail, qui est cependant en cours de validation actuellement. Mesures propices à la réduction de l’incapacité de gain Les perturbations de la capacité dues à la douleur et l’absentéisme dans le domaine musculosquelettique sont multifactoriels et les mesures sont complexes. Un processus de modification doit, autant que faire se peut, comprendre tous les niveaux. Ci-après sont brièvement esquissées les possibilités actuelles et futures à différents échelons. L’illustration 2 présente un tableau de la séquence temporelle. A l’échelon de l’individu concerné, il y a d’abord des aspects préventifs dans le sens d’un comportement orienté vers la santé, qui implique la réduction des facteurs de risque, davantage de mouvement dans la vie quotidienne (ou mouvement alternatif face à des maintiens monotones au travail, par ex.) et un comportement tout à fait responsable face aux risques d’accident, au travail comme pendant les loisirs. Les limites de l’importance de facteurs de risque individuels ont déjà été évoquées. Il y a lieu de relever ici aussi le poids d’un perfectionnement constant, qui procure la possibilité de variations dans le travail, l’âge venant. De nombreux aspects comportementaux sont cependant inculqués et relèvent de l’influence culturelle. Ceci nous mène à la question «ne pas pouvoir?» ou «ne pas vouloir?», qui est une question d’attitude face à la vie, et non pas une question médicale. En principe, tout patient incapable de travailler 28 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques Illustration 2: Mesures au fil du temps Perte du travail Perte durable du travail 1re prévention 2ème prévention 3e prévention Médecine du travail, ergonomie et hygiène Sécurité au travail Diminution des facteurs de risques individuels Conseil de la médecine du travail Gestion des absences Case Management précoce Expertise précose Réhabilitation du travail Mesures professionnelles Case Management a cependant l’obligation de limiter le dommage, même si cela se fait dans des mesures différentes. Notre expérience nous montre que la conscience de ce devoir n’est souvent pas présente. Une information y relative doit être donnée, non pas de manière évaluative, mais explicative, en référence aux normes légales et règles de jeu en vigueur. Précisément, les patients dotés d’un bagage culturel qui les exonère de leur propre responsabilité se sentent par ailleurs offensés, ce qui a généralement des conséquences défavorables. Le Conseil des psychiatres est interrogé de temps à autre sur la raisonnabilité et le sens de mesures – sur le plan professionnel et médical – de nature à limiter potentiellement le dommage. A l’échelon du médecin et des professions paramédicales, la question a été déjà abordée sous la description de l’extension des symptômes. C’est souvent à ce niveau que s’oriente la suite du déroulement du cas. Dans l’esprit d’une prévention de l’instauration d’états chroniques, la FMH organise des séminaires «Back-intime». Le programme est excellent. Malheureusement, il est majoritairement suivi par des gens qui sont déjà sensibilisés au problème. Après 6 semaines d’incapacité de travail, il s’agit d’exhiber les «cartons jaunes». Les difficultés décrites doivent inciter à envoyer plus tôt le patient chez le spécialiste. La tâche première de celui-ci est d’éclairer soigneusement le patient. Si la réintégration ne réussit pas (dans le sens d’une reprise progressive du travail), le patient sera dirigé vers un centre disposant des moyens d’évaluer la capacité de réalisation fonctionnelle (le cas échéant, élucidation des conditions 29 de l’emploi) et d’exécuter un programme ergonomique ou vers une clinique R & R; une autre option consiste encore à exiger, par l’intermédiaire du médecin-conseil de l’assurance, une expertise neutre qui soit faite suffisamment tôt, au moyen de méthodes précitées. Dans ce cadre, il y a suffisamment de temps, de ressources et d’expériences pour les éclaircissements qui nécessitent un engagement considérable et qui porte sur la résistance à l’épreuve, pour des entretiens avec le patient et son environnement, et pour la mise en réseau des informations à disposition; toutes ces mesures peuvent être financées également hors LAMal. Comme déjà décrit plus haut, ceci a lieu dans le cadre d’une exécution équitable, compte tenu des exigences décrites plus avant en matière de qualité et en fonction absolue du patient! Au niveau de l’entreprise existe le plus grand potentiel, comme indiqué dans l’introduction. Malheureusement, les mesures (primaires) préventives sont souvent considérées comme du «luxe» et non pas comme une obligation allant de soi à l’égard du collaborateur, ni comme une intervention conforme aux principes économiques et de nature à épargner des coûts (ceci est d’ailleurs démontrable). En outre, la «prévention» est encore trop fortement assimilée à la «prévention contre les accidents», même si les coûts engendrés par les accidents profession- nels sont de moins en moins importants en comparaison des autres arrêts de travail. Par rapport à ce qui se fait à l’étranger, la Suisse est nettement en retard en matière de promotion de la santé dans les entreprises. Bien que la loi ait désormais imposé le recours obligatoire à des «médecins du travail et autres spécialistes de la sécurité du travail» (ASA), un grand travail de sensibilisation est encore à réaliser en ce domaine. Au stade de la prévention secondaire, certains rapports établissent que l’introduction d’une gestion des absences, en particulier, est utile lorsqu’elle est couplée à un système de feed-back, par exemple à l’aide de contacts téléphoniques établis par des profanes. Est moins attrayante pour l’entreprise la création d’emplois de niche. Nos expériences à ce sujet sont positives quand des exigences claires sont fixées (pas de «travail léger», mais indication de la durée de charge, pauses supplémentaires et données importantes aussi exactes que possible ainsi qu’une durée prévisible de la libération) et que celles-ci sont transmises par contact direct (au moins par téléphone). Il va de soi que ceci s’avère beaucoup plus difficile lorsque le collaborateur a été déclaré, par certificat médical, incapable de travailler pendant 12 mois et qu’il n’a plus fait entendre parler de lui, si ce n’est auprès du bureau des salaires. Mais là aussi, des succès sont en principe possibles. 30 Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques A l’échelle des assureurs indemnité journalière et rentes, qui (hormis le patient) bénéficieraient le plus directement d’une amélioration de la problématique de l’incapacité de gain, il s’agirait de tendre à un contrôle amélioré des cas, à un financement de bilans précoces indépendants des compagnies d’assu- Littérature • Burgdorf A, Sorock G: Positive and negative evidence of risk factors for back disorders. Scand J Work Environ Health 1997; 23:243 – 56. • Abenhaim L et al.: The role of activity in the therapeutic management of back pain. Report of the international Paris task force on back pain. Spine 2000; 25,4:1S – 33S. • Kopp HG, Willi J, Klipstein A: Im Graubereich zwischen Körper,Psyche und sozialen Schwierigkeiten. Teil l: Neue Entwicklungen in der Diagnose und Therapie von somatoformen Störungen. Schweiz Med Wochenschr 1997; 127:1380 – 1390. Teil 2: Die psychiatrische Begutachtung von somatoformen Störungen (am Beispiel von chronischen Schmerzpatienten). Schweiz Med Wochenschr 1997; 128:1380 –1390. • Kopp HG, Oliveri M, Thali A: Erfassung und Umgang mit Symptomausweitung. SUVA-Medizinische Mitteilungen, 1998; Nr. 70:56 – 78. • Oesch P, Kool J, Wunderlin B, Knüsel O: Rehabilitation von Patienten mit chronischen Rückenbeschwerden: Assessment, Ergebnis und Prädiktive Faktoren. Phys Rehab Kur Med 1997; 7:224 – 230. • Raspe HH: Mindestanforderungen an das ärztliche Gutachten zur erwerbsbezogenen Leistungsfähigkeit von Kranken mit chronisch-unspezifischen Schmerzen. Versicherungsmedizin 1997; 49,4:118 –125. • Stucki G, Klipstein A: Rückenerkrankungen. In: Innere Medizin, Thieme, 1.Auflage, 1999. rance (expertises effectuées très tôt) ainsi qu’à un case management le plus indépendant possible, au sens d’un suivi de cas en réseau, qui couvre le plus possible tous les aspects de l’approvisionnement médical optimal, jusqu’aux mesures professionnelles pertinentes et à la garantie financière. La réussite de telles mesures, sous l’angle financier également, a été démontrée au Canada et aux USA . Mais la condition pour y parvenir est également une certaine réorientation du mode de pensée, à partir du principe «defend and deny», pour atteindre un comportement plus généreux et soucieux du développement général. Il existe ici des limites dans notre système d’assurance, compte tenu de possibles intérêts partiaux, mais il y a des sociétés d’assurances qui sont en passe d’intégrer ce mode de pensée. Une motivation pour faire passer les entreprises à travers les mesures de prévention primaire et secondaire réside dans des primes échelonnées en fonction du risque, éventuellement aussi dans une influence directe sur les primes en cas d’adoption d’une gestion des absences et d’une gestion des cas. Il n’est pas nécessaire d’évoquer longuement ici le fait qu’au niveau de la société, certaines évolutions en direction d’un démantèlement de la responsabilité sociale pourraient coûter cher à long terme. Un développement dans le sens de la suggestion de moyens médicaux illimités telle qu’elle est diffu- 31 sée dans les masses-médias, tout simplement avec le soutien du corps médical, ne saurait nous tromper sur le fait qu’en cas de douleurs chroniques et de perturbations multifactorielles, les solutions ne sont ni simples, ni spectaculaires. Situation et tendances actuelles en Suisse Ces éléments ont déjà été évoqués dans le détail. En résumé, des progrès concrets existent dans le domaine de prévention secondaire et dans la réinsertion professionnelle, mais ils devraient être encore mieux exploités. Dans ce domaine, la situation en Suisse est en voie de progrès. Le perfectionnement du corps médical est sur le bon chemin mais il est, lui aussi, encore trop peu mis à profit. La gestion des absences et, dans une mesure plus limitée, le case management commencent aussi à prendre pied. La véritable prévention est par contre, en comparaison internationale et mis à part la prévention des accidents, encore distancée en Suisse et devrait être encouragée plus fortement pas des incitations. L’incapacité de travail, en particulier en cas de douleurs musculosquelettiques non spécifiées, est multifactorielle et l’amélioration de la situation est complexe et onéreuse. Adresses à contacter Arbeitsgruppe Ergonomie, Schweizerische Arbeitsgemeinschaft für Rehabilitation SAR: Sekretariat Dr. M. Oliveri, Rehaklinik, 5454 Bellikon (EFL) Sekretariat Dr. A. Klipstein, c/o AEH, St. Jakobstrasse 57, 8004 Zürich (APA) Swiss Ergo: Fr. M. Graf, SECO-Arbeit und Gesundheit, Kreuzstrasse 26, 8008 Zürich (Ergonomie und Betriebliche Gesundheitsförderung, ehemals BIGA) 32 Renonciation au tort morale en cas d’une distorsion cervicale: conclusion d’une étude canadienne Dr sc. nat. Beatrice Baldinger Swiss Re Life & Health Mythenquai 50/60 8022 Zurich Certains médecins, patients et législateurs sont d’avis qu’il faut considérer les maladies du point de vue purement biologique. En d’autres termes, ils considèrent les paramètres sociaux, économiques et légaux dans l’analyse des symptômes et du comportement comme secondaires. Cependant une étude canadienne récente 1 démontre une diminution frappante du nombre et de la durée des prétentions d’assurance après la suppression des prestations compensatoires pour des blessures causées par un accident de la circulation. L’apparition et le pronostic des dommages corporels liés à une distorsion cervicale suite à un accident de la route pourrait dépendre, selon ces auteurs, du type de prestations compensatoires octroyées en cas de douleurs et de souffrance. En janvier 1995, dans le Saskatchewan (Canada), le système légal de prestations compensatoires dans le cadre des dommages corporels causés suite à un accident de la circulation routière a été modifié; en effet, l’ancien système qui tenait compte des douleurs et des souffrances a été remplacé par un système dit de «no-fault» qui ne se préoccupe ni des douleurs ni des souffrances. Afin de déterminer si cette suppression des prétentions d’assurance avait un effect direct avec une meilleure convalescence, des auteurs canadiens 1 ont étudiés des personnes qui ont fait valoir leurs prétentions d’assurance à la suite d’un accident de la route entre le 1er juillet 1994 et le 31 décembre 1995. Sur les 9006 assurés ayant fait valoir leurs prétentions, 7462, soit le 83%, remplissaient les critères d’un traumatisme par distorsion cervicale. Les demandes de prestations d’assurance durant les 6 derniers mois du système des prestations compensatoires s’éleva à 417 sur 100 000 personnes. A titre de comparaison, dans la première et la deuxième période de 6 mois du système dit de «no-fault», les prétentions demandées s’élevaient à 302 respectivement à 296 sur 100 000 personnes. Dans la réalisation des cas de sinistre, toutes périodes confondues, il apparaît que les femmes sont plus nombreuses que les hommes. La différence entre la dernière période du système de prestations compensatoires et les 2 périodes combinées du système dit «no-fault» s’élève à 43% chez les hommes et 15% chez les femmes. La durée moyenne des prestations, dès le jour de l’accident jusqu’à la fin du paiement des prestations passe de 433 jours (CI 409 – 457) à 194 jours (CI 182 – 206) pour la première période, de même qu’à 203 jours pour la seconde (CI 193 – 213). L’intensité des douleurs de la nuque, le degré de capacité fonctionnelle physique, tout comme la présence ou l’absence de symptômes dépressifs sont très fortement dépendants dans les 2 systèmes du facteur temps, à savoir, la durée totale depuis le jour de l’accident jusqu’à la fin du paiement des prestations. 33 Il apparaît que la suppression des prestations compensatoires pour les douleurs et les souffrances est en étroite relation avec la régression des déclarations de sinistre et un meilleur pronostic quant aux blessures par distorsion cervicale1, 2. De toute évidence, la question se pose de savoir si les changements de système ont contraint un patient sérieusement atteint, à souffrir en silence sans être équitablement dédommagé pour un sinistre de plus longue durée 2. Quelques réflexions laissent en outre présupposer que ces explications ne sont pas plausibles. Ainsi, le paiement des frais médicaux et de l’incapacité pour perte de gain seraient plus élevés sous le nouveau système. Il apparaît également très vraisemblable que le patient obtienne les soins médicaux nécessaires et il semble invraisemblable qu’il doive supporter une perte de revenu importante. Il était possible de se plaindre si les frais médicaux et la perte de revenu dépassaient le paiement standard. Dans la présente étude, seules les petites blessures ont été investiguées; en effet, les patients nécessitant une hospitalisation de plus de 2 jours, n’ont pas été retenus dans ce travail. D’autres hypothèses ont été soulevées, par exemple celle de savoir si la diminution de la fréquence et de la durée étaient effectivement une conséquence du changement de système et non pas les conséquences d’un incident concomitant ou d’un effet de Hawthorne(«qui cherche, trouve»). Dans la présente étude les auteurs peuvent exclure certaines des hypothèses. Ainsi il n’y a pas eu de diminution ni de la fréquence des plaintes pour les dommages causés aux véhicules, ni dans le nombre des kilomètres effectués dans la période du système «no-fault». Les patients traités avant et après le changement de système en regard de la formation, la profession, l’état de santé avant l’accident et les symptômes après l’accident sont comparables. Les résultats de l’étude de Cassidy et al. confirment des observations antérieures. Ainsi, en 1987 le Victoria (Australie) a entrepris une série de changements suite à l’augmentation par 3 x du nombre de cas de distorsion cervicale dans un laps de temps de 6 mois. Sous le régime de la nouvelle législation, seule une plainte était autorisée si l’accident avait été annoncé auprès de la police et si les premiers $ 317 des frais médicaux avaient été payés par le plaignant lui-même. Les premiers 5 jours du revenu manqué n’étaient pas compensés et seuls les patients avec des lésions sérieuses pouvaient déposer une demande de compensation. En 1988, soit un an plus tard, le nombre de plaintes avait chuté de 68% 3, 4. En Lituanie où très peu de conducteurs disposent d’une couverture d’assurance en cas d’accident, les garanties invalidité sont 34 Renonciation au tort morale en cas d’une distorsion cervicale: conclusion d’une étude canadienne rares et la prévalence des cas de distorsion cervicale est insignifiante. Dans une étude rétrospective menée en Lituanie, des personnes impliquées dans un accident de la circulation routière, de 1 à 3 ans après la collision, n’avaient pas plus de douleurs dans la nuque ni de maux de tête qu’un groupe contrôle de personnes non accidentées 5. Est-ce que cela signifie que les personnes qui se plaignent après distorsion cervicale simulent? Peu vraisemblable. Il existe des rapports sur des accidents de la Références Spitzer WO. et al. Scientific monograph of the Quebec Task Force on Whiplash-Associated Disorders: redefining «whiplash» and its management. Spine 1995; 20:Suppl:1S – 73S 1 Cassidy JD, et al. Effect of eliminating compensation for pain and suffering on the outcome of insurance claims for whiplash injury. N Engl J Med 2000; 342/16:1179 – 86. 2 Deyo RA; Pain and Public Policy, Editorial. N Engl J Med 2000; 342/16:1211 – 13. 3 Reilly PA, et al. Epidemiology of soft tissue rheumatism: the influence of the law. J Rheumatol 1991; 18:1448 – 9. 4 Awerbuch MS. Whiplash in Australia: illness or injury? Med J Aust 1992;157:193 – 6. 5 Schrader H, et al. Natural evolution of late whiplash syndrome outside the medicolegal context. Lancet 1996; 347:1207 – 11. 6 Haynes RB, et al. Increased absenteeism from work after detection and labeling of hypertensive patients. N Engl J Med 1978; 299:741– 4 7 Colledge A. A model for the prevention of iatrogenic disease associated with work-related low back pain. J Occup Rehab 1993; 3:223 – 32. route mis en scène et d’autres plaintes frauduleuses, mais elles représentent probablement moins de 5% de toutes les plaintes enregistrées pour distorsion cervicale4. La majorité de ces plaintes présente sans doute de vrais symptômes, mais ce qui va déterminer la gravité de l’atteinte et sa durée, c’est la manière avec laquelle les symptômes sont décrits, appréciés et traités. L’attribution d’un label diagnostique peut aggraver l’évolution de la maladie et de nombreux médecins sont d’avis que de trop nombreux tests peuvent renforcer le sentiment latent d’un patient 6 et déclencher des réactions de peur injustifiées chez le sujet 7. Il est plausible que certains patients font valoir des prétentions d’assurance, non pas à cause de la gravité des symptômes ou de l’invalidité, mais en raison de l’incapacité à gérer leurs symptômes; à cela s’ajoute la peur engendrée par les conséquences de ces symptômes et le désir conscient ou inconscient de faire valoir des prestations financières. Les résultats les plus importants de l’étude Cassidy et al. devraient inciter les médecins praticiens à considérer les facteurs sociaux et économiques et à en reconnaître la portée pronostique. En relation avec la législation, cette étude devrait mettre en question le concept de l’invalidité définie comme purement biologique et encourager les payeurs des compensations à revoir les définitions de l’invalidité. 35 Le cas pratique Anamnèse personnelle Au moment de la maladie, âgé de 28 ans, célibataire, monteur en fenêtres, employé depuis octobre 1998 auprès d’un petit entrepreneur dans l’Oberland zurichois, suit une école du soir deux fois par semaine. Anamnèse Le 08.03.1999, l’assuré consulte son médecin de famille pour des douleurs dorsales. Ces douleurs sont apparues 3 semaines plus tôt et irradient dans la hanche et la jambe gauches. Dès le 6.03.1999, il est à l’incapacité de travail à 100%. Une tentative de reprise du travail à 50% après 2 jours échoue en mars. Le pronostic du médecin de famille, compte tenu de l’activité de l’assuré, est défavorable. Déroulement du cas du point de vue de l’assurance Sur mandat de la «Zurich», l’assuré est envoyé le 19.04.1999 chez un orthopédiste du réseau de partenaires de la compagnie. Le jour suivant, l’examen a lieu et dans le délai d’une semaine, un autre rendez-vous est fixé pour une consultation chez un neurochirurgien – également du réseau de partenaires précité. Le neurochirurgien décide avec le patient, le 17.05.1999, de procéder à une opération, qu’il ne peut cependant effectuer que dans une clinique privée (l’assuré ne bénéficie que de la couverture en division commune). La Zurich se déclare d’accord de prendre en charge les frais supplémentaires et l’opération a lieu le 28.05.1999. Le traitement en milieu stationnaire est achevé le 01.06.1999. Les contrôles ultérieurs ont lieu du cabinet du neurochirurgien. Dès le16.06.1999, capacité de travail à 50% et dès le 01.07.1999, à 100%. Commentaire Au premier coup d’œil, il s’agit d’un cas de maladie tout à fait normal, de l’avis de l’assureur. L’âge de l’assuré et le pronostic plutôt défavorable sous l’angle de l’activité en relation avec le diagnostic (syndrome lomboradiculaire L5/S1) ont incité la «Zurich» à suivre spécialement ce dossier. Un accompagnement actif du patient avec de nombreux contacts avec tous les intéressés ont constitué la pierre angulaire d’une évolution positive du cas. En même temps, le patient a pu bénéficier du réseau de l’assurance et a ainsi obtenu en quelques heures l’accès à des spécialistes. L’opération nécessaire, réalisée par les deux spécialistes (hôpital privé et médecin spécialisé), a pu se faire dans un délai de quelques jours et seule la prise en charge volontaire des coûts par la Zurich l’a rendue possible. Mis à part l’influence positive sur les coûts dans le domaine du traitement et de l’indemnité journalière, le processus de l’affaire a aussi été garanti indirectement chez l’employeur, par le retour Karl Ehrenbaum, membre de la direction, Zurich 36 Le cas pratique rapide de l’assuré dans sa profession initiale. L’extension du cas à d’autres branches de l’assurance sociale a été évitée (par ex. des clarifications de la situation professionnelle par l’assurance-invalidité). Dans l’ensemble, il est possible, à l’appui de cet exemple de montrer qu’une réaction rapide et active et la gestion du réseau y afférente peuvent être l’amorce d’une réduction des coûts dans le domaine de la santé – sans oublier pour autant l’attitude «win-win» adoptée par tous les intéressés. 37 Avis concernant l’édition 1999 / 2 L’édition 1999/2 était si riche que nous avons malheureusement été contraints de raccourcir l’article de Mme Milos. C’est ainsi que nous avons abandonné en particulier la partie concernant les formes de thérapies et les nombrueses références en matière de littérature. Nous aimerions attirer votre attention sur le fait que le texte intégral peut être demandé chez Mme Milos, Culmannstrasse 8, CH-8091 Zurich. 38 Gentests und Risikoprüfung: technische Aspekte 39 Schweizerischer Versicherungsverband Association Suisse d’Assurances Associazione Svizzera d’Assicurazioni