Dépression saisonnière : quand y penser et comment agir

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Dépression saisonnière :
quand y penser et comment agir
Dr Jean GOLAZ
Spécialiste FMH psychiatrie et psychothérapie
Hôtel Warwick, Genève, le 14 octobre 2010
Considérations historiques I
„
Hippocrate : montre le premier que manie et mélancolie sont en lien avec les
saisons.
„
2ème siècle de notre ère : Arétée de Cappadoce :
« les léthargiques doivent être exposés aux rayons du soleil, car leur maladie est dûe aux
ténèbres »
„
„
1673 : Dr Hunauld, Angers : décrit le cas de Anne Grenville, fille d’un
archevêque, souffrant clairement de troubles de l’humeur de type bipolaire, en
lien avec les saisons.
„
1825 : Esquirol: décrit le cas M : marchand belge, avec des fluctuations
significatives de l’humeur liées aux saisons: euphorique en été, déprimé dès
l’automne…
Considérations historiques II
„
1920 : Kraepelin : observe que environ 5 % des patients maniaco-dépressifs
présentent une recrudescence d’épisodes dépressifs au cours de l’hiver, et
d’épisodes maniaques au cours de l’été.
„
1946 : G. Frumkes : décrit le patient M, à savoir un fonctionnaire de 30 ans
dont la symptomatologie et la périodicité correspondent en tous points à
un TAS. (art. indiqué dans réf. II ).
„
1984 : N. Rosenthal et al. publient un article de 29 patients souffrant d’un
TAS, et l’apport thérapeutique de la luminothérapie.
Article Rosenthal et al.
Quand y penser I
„
Saison : automne/hiver
(été: forme très rare)
„
Femmes beaucoup plus touchées que les hommes ( 3-9 : 1 , tandis que dans
la dépression récurrente : 2 : 1 )
„
Début: en général vers la trentaine
„
Sous-type de dépression récurrente ( = 10 % des formes non saisonnières)
„
Prévalence générale dans la population en climats tempérés:
- entre 2 et 4 % pour le trouble affectif saisonnier
- environ 10 % pour le blues hivernal
Quand y penser II
„
Relation temporelle régulière entre la survenue de l’épisode dépressif et la
saison (automne-hiver)
„
Rémission complète ( voire un virage vers une phase hypomane ou
maniaque) dès le printemps
„
Lors des deux dernières années, deux épisodes dépressifs avérés clairement
liés aux saisons, en l’absence d’épisodes non-saisonniers
„
Les épisodes saisonniers dépassent clairement en nombres les épisodes
non-saisonniers dans la vie de l’individu
„
La moitié des femmes avec un TAS présentent également un syndrome
prémenstruel
„
En général, le traitement se fait ambulatoirement, vu que la sévérité des
épisodes est de degré léger à modéré
Types cliniques
„
Trouble dépressif saisonnier (TAS, SAD)
- Selon la CIM-10, à inclure sous trouble dépressif récurrent, de
degré léger ( F 33.0) ou moyen ( F 33.1)
- Selon le DSM-IV, le caractère saisonnier peut s’appliquer aux
modalités évolutives des épisodes dépressifs majeurs, des
troubles bipolaires I et II ou du trouble dépressif majeur
récurrent
„
Blues hivernal = SAD subsyndromique (sSAD) :
- fatigue, humeur plutôt maussade, manque de motivation
Symptômes
Typiques d’un épisode dépressif :
- tristesse
- anhédonie
- fatigue
- baisse de l’élan vital, diminution de la concentration,etc…
„
„
-
Symptômes plus spécifiques :
hypersomnie
augmentation de l’appétit
fringales de sucré, prise pondérale.
Incidence en fonction de la latitude
„
„
En général, on constate une
augmentation de l’incidence avec
l’augmentation de la latitude :
Néanmoins, données pas toutes
convergentes (probable biais de
sélection; adaptation de certaines
populations dans les zones du
grand nord; meilleure détection,
etc…)
Réf.: Rosenthal N, et al., 1990
Floride
27 °
4,0 %
New-York
40 °
17,2 %
Oslo
TromsØ
Reykjavik
59 °
69 °
64 °
24,6 %
24,4 %
11,3 %
Hypothèses physiopathologiques I
Prédisposition génétique :
13 – 17 % des parents de premier degré de sujets souffrant de TAS sont
également concernés
Polymorphismes au niveau de divers gènes impliqués dans les rythmes
biologiques, la régulation de l’humeur, la régulation de l’appétit et la
sensibilité à la lumière :
- gène du transporteur de la sérotonine
- protéines G
- gènes horloges
Levitan R., 2007
Hypothèses physiopathologiques II
Neurotransmetteurs :
- Sérotonine :
Diminution de son métabolisme
Lambert GW, et al. 2002
- Dopamine :
Probable baisse de l’activité dopaminergique rétinienne, selon des
enregistrements ERG ; lien avec une hypofoncion d’une variante du
récepteur DRD4.
Hébert et al., 2004
„
„
Aspects neuroendocriniens :
modifications de la sécrétion du cortisol, de la TSH, etc…
Hypothèses physiopathologiques III
„
Aspects chronobiologiques:
- réduction l’amplitude des rythmes circadiens
-
mélatonine:
les patients avec un TAS montrent un retard de la sécrétion vespérale de mélatonine
en condition de lumière faible
( DLMO = dim light melatonin onset )
lumière faible : c’est-à-dire inférieure à50 lux
valeur seuil de la mélatonine : 10 pg/ml dans le plasma
-
Des anomalies du métabolisme de la mélatonine pourraient être impliquées, vu que le
noyau suprachiasmatique est le lieu majeur des récepteurs à mélatonine ( MT1 et MT
2)
-
Décalage des variations de la température corporelle au cours du cycle veille/sommeil
Questionnaires
„
SIGH-SAD :
structured interview guide for the Hamilton depression rating
scale – seasonal affective disorder version
( 25 questions ) traduction française par Cl. Gronfier
„
IDTAS-AE :
Inventaire symptomatique de la dépression et du trouble
affectif saisonnier
„
Questionnaire de chronotype
Questionnnaire de chronotype
Question 2 : Si vous étiez entièrement libre de planifier votre soirée, à quelle heure
environ vous coucheriez-vous ?
„
5
4
3
2
1
20h00 – 21h00
21h00 – 22h15
22h15 – 00h30
00h30 – 01h45
01h45 – 03h00
„
19 questions cotées: résultats peuvent varier entre 16 et 85 :
„
Moins de 41 : « couche-tard » = chronotype vespéral
Supérieurs à 59 : « lève-tôt « = chronotype matinal
Entre 42 et 58 : types « intermédiaires »
„
„
Réf : Terman M, et al., 2005
Comment agir
„
Psychothérapie
„
Pharmacothérapie
„
Luminothérapie
„
Mélatonine
„
Simulateur d’aube
„
Ions négatifs
Pharmacothérapie
„
Les antidépresseurs utilisés habituellement dans les dépressions
non saisonnières ( SSRI ) sont également indiqués dans les TAS .
„
Ils sont indiqués dans les phases aiguës du traitement, ainsi que
sur le long terme et/ou à titre de prévention de rechutes.
„
Ils sont indiqués notamment en association avec les autres
modalités de traitement .
Psychothérapie
„
En association avec les autres modalités de traitement.
„
Approche surtout de type cognitivo-comportementale
préconisée.
Lumière et rythmes circadiens
Wirz-Justice, Benedetti, Terman, Karger 2009
Exemples d’intensités lumineuses mesurées
en lux
„
Clair de lune :
0, 2 lux
„
En appartement :
„
Jour d’hiver
„
Jour d’été ensoleillé : 100 000 lux
„
500 lux (150 – 800)
:
20 000 lux
N.B.: 1 lux (lx) = lumière produite par une bougie à 1 m de distance
Luminothérapie
Cf : www.luminothérapie.com
Modalités de traitement
„
Grande variation au niveau de l’intensité et de la
longueur d’onde utilisée dans les différents protocoles
de traitement et études…
„
Nombreuses études avec spectre lumineux similaire à
la lumière du jour.
„
Plus récemment, « blue light » avec résultats
prometteurs.
„
Initialement, études avec intensité lumineuse de 2500 à
12 000 lux.
Shirani and St Louis, J Clin Sleep Medicine 2009
Effets luminothérapie
„
Augmentation des activités diurnes après 2 semaines de
traitement
„
Augmentation de l’amplitude des rythmes circadiens après 2
semaines
„
Avance, donc normalisation, des retards de phase des rythmes
circadiens après 3 semaines
„
Amélioration du temps réel de sommeil, donc de son efficacité ,
après 4 semaines
„
Diminution de la latence d’endormissement
Effets secondaires luminothérapie
„
Rares et temporaires (disparaissent après quelques jours
ou après diminution de l’exposition).
„
Céphalées.
„
Fatigue et/ou tensions oculaires.
„
Nausées, vertiges.
„
Insomnie après luminothérapie le soir.
„
Hypomanie chez patients avec trouble bipolaire.
Simulateur d’aube
„
Simulateur d’aube ( et de crépuscule ) :
-
Appareil placé à côté du lit, sur table de chevet.
- Le niveau de lumière augmente graduellement, simulant les
transitions réelles de l’aube, voire aussi du crépuscule.
- Intensité lumineuse maximale : environ 300 lux
- Réveil plus facile, amélioration de la vigilance, de l’énergie, et
effet antidépresseur
- Le signal de l’aube induit une diminution de la sécrétion matinale
de mélatonine ( donc, avance de son rythme circadien).
Terman et al., 1989
Mélatonine
„
Dans cette indication, il y a très peu d’études indiquant
clairement son utilité.
„
Une (Lewy et al., 1998) la considère comme indiquée, arguant en
faveur de l’hypothèse de décalage de phase.
„
Une autre (Danilenko et al., 2005) conclut à une efficacité
comparable à celle d’un placebo…
Ions négatifs
„
Sir Philip Sydney (1554- 1586) : And in my wounds, my flames and bonds, I find a
salve, fresh air, and bright contended mind. A defence of poetry and poems.
„
Peuvent soulager les signes associés à la dépression saisonnière. Un ion négatif
est composé d’une charge d’oxygène liée à des microgouttelettes appelées
superoxydes. Ces particules chargées sont créées naturellement à l’extérieur par
l’écume des vagues, par les orages, etc…
„
Leur concentration tend à être plus élevée l’été et dans les environnements
humides, et plus basse à l’intérieur des espaces chauffés ou climatisés. De telles
molécules, à des concentrations assez élevées, sont capables de rendre l’air
ambiant plus propre et plus frais.
„
Il a été démontré que ces molécules pouvaient réduire l’irritabilité, la fatigue et
les symptômes dépressifs chez des personnes souffrant de TAS autant que
chez celles souffrant de dépressions non saisonnières.
Réf.: Terman et al., 1998
« Trucs et astuces »
„
Sortir le plus souvent possible de son intérieur, car la luminosité
en appartement dépasse rarement 500 lux
„
L’éclairage intérieur ne reproduit que très mal le spectre
lumineux du soleil
„
Etre à l’extérieur et se promener quel que soit le temps
„
Pratiquer un sport
„
En habitant dans une région à brouillard, s’évader le plus
souvent possible sur les hauteurs
„
Exercice physique en plein air: la meilleure des préventions
Références I
LIVRES :
„ Rosenthal N.E.: Winter blues. Seasonal affective disorder. What it is and how
to overcome it. The Guilford Press, New-York, 1998.
„
Wirz-Justice A., Benedetti F., Terman M.: Chronotherapeutics for affective
disorders. Karger, Basel, 2009.
„
Haffen E. & Sechter D.: Les dépressions saisonnières. John Libbey Eurotext,
2006.
„
SITES :
www.luminothérapie.com
www. cet.org.
Références II
„
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Winkler D., Pjrek E. and Kasper S.: Seasonal affective disorder: a disorder
associated with endogenous rhythms. Medicographia 29 (1) 2007 : 44 – 49.
Collectif : management of seasonal affective disorder. Clinical Review BMJ
2010 ; 340 : 1185 – 1189.
Terman M., Terman J.S.: Light therapy for seasonal and nonseasonal
depression: efficacy, protocol, safety and side effects. CNS Spectrums 10 (8),
Aug. 2005 : 647 – 663.
Rosenthal N.E., Sack D.A., Gillin J.C., et al.: Seasonal affective disorder. A
description of the syndrome and preliminary findings with light therapy. Arch
Gen Psychiatry 41 ; 1984 : 72 – 80.
Lewy A.J., Lefler B.J., Emen J.S., and Bauer V.: The circadian basis of winter
depression.
Proc. Natl. Acad. Sci USA 103 (19); 2006 : 7414 – 7419.
Levitan R.D.: The chronobiology and neurobiology of winter seasonal
affective disorder. Dialogues in Clinical Neurosciences 2007 ; 9 (3) : 315 – 324.
Références III
„
„
„
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„
„
Hebert M.,Beattle CW, Tam EM., et al.: Electroretinography in patients with
seasonal affective disorder. Psychiatry Res. 2004; 127: 27-34.
Danilenko K.V., Putilov A.A.: Melatonin treatment of winter depression
following total sleep deprivation : waking EEG and mood correlates.
Neuropsychopharmacology 2005 ; 30 : 1345 – 1352.
Lewy A.J., Bauer V.K., Cutler N.L., Sack R.L.: Melatonin treatment of winter
depression : a pilot study. Psychatry Res. 1998; 77 : 57 – 61.
Rachid F., Aubry J-M., Bondolfi G: Luminothérapie et troubles affectifs
saisonniers dans la pratique clinique. Med. Hyg. 2003 ; 61 : 1756 – 1759.
Terman M., Schlager D., Fairhurst S. & Perlman B.: Dawn and dusk
simulation as a therapeutic intervention. Biol. Psychiatry 1989; 25 : 966 – 970.
Terman M., Terman J.S.: Controlled trial of naturalkistic dawn simulation and
negative air ionization for seasonal affective disorder. Am J Psychiatry 2006;
163 : 2126 – 2133.
Shirani A., St Louis E.K.: Illuminating rationale ans uses for light therapy. J
Clin Sleep Med. 2009; 5 : 155 -163.
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