Thème 4 : Les échelles de gouvernement du monde : L’échelle mondiale. La gouvernance économique mondiale depuis 1944 Introduction : La question de la gouvernance mondiale se pose dans le contexte de la mondialisation. La mondialisation se définit comme la mise en relation et l’interdépendance croissante entre les territoires à l’échelle mondiale. A cause de cette interdépendance, il devient de plus en plus nécessaire de définir des réglementations à cette échelle. Cela ne signifie pas la mise en place d’un gouvernement mondial sur le modèle traditionnel des Etats mais la mise en place de réglementations communes. Ce chapitre porte sur la gouvernance économique mondiale, et donc sur la mise en places de règles internationales visant à encadrer l’économie mondiale. La ‘gouvernance’ se distingue du ‘gouvernement’ car elle est régie pas seulement par des acteurs publics, mais également par des acteurs privés : Principaux acteurs publics : Etats, Organisations Internationales (FMI, OMC, G7, G20, BRICS, toutes les organisations régionales…) Principaux acteurs privés : ONGs, Firmes Transnationales, associations, forums… Plan du cours : I. L’économie mondiale régie par le système de Bretton Woods (1944-1971) II. Les crises de la gouvernance économique mondiale (1971-années 1990) III. La nécessité d’une nouvelle gouvernance économique mondiale (1990-aujourd’hui) I. L’économie mondiale régie par le système de Bretton Woods (1944-1971) a. Contexte de création du système de Bretton Woods Le système de Bretton Woods constitue la première forme de gouvernance économique mondiale. Il se met en place dans le contexte d’après guerre où l’économie mondiale est désorganisée et à reconstruire : Une des causes principales de la Seconde Guerre mondiale est la crise économique de 1929 qui touche fortement l’Europe : o Cette crise favorise l’instabilité politique et la montée des régimes totalitaires (Allemagne nazie, Italie fasciste, URSS soviétique). o Elle pousse les pays au protectionnisme. Le commerce entre les pays diminue et ils sont moins interdépendants économiquement. Au sortir de la guerre, les Occidentaux pensent donc que pour une paix durable, il faut d’un côté assurer la croissance économique internationale, et d’un autre l’interdépendance et la coopération économique entre les pays. 1 Par ailleurs, à l’issue de la guerre, la hiérarchie des puissances est chamboulée: o Les pays européens perdent leur place dominante. Ils doivent assurer leur reconstruction (infrastructures détruites, inflation, monnaies faibles). o Les Etats-Unis se retrouvent au sommet de la hiérarchie des puissances, en tant que première puissance économique mondiale. o L’URSS est la seconde puissance majeure. Les Etats-Unis dominent la formulation des nouvelles règles économiques mondiales. Quels sont leurs objectifs ? 1. Les Etats-Unis sont alors la première puissance industrielle mondiale. En 1944, ils produisent 60% des produits fabriqués dans le monde. Ils cherchent donc des débouchés pour ces produits. 2. Ils détiennent 2/3 du stock d’or mondial et cherchent à maintenir cette puissance financière. 3. Ils veulent éviter la propagation du modèle communiste. Ils cherchent donc à convaincre le reste du monde d’adopter le libéralisme. Par exemple, ils prêtent de l’argent aux pays qui acceptent de libéraliser leur économie (Plan Marshall). Du coup, ces pays s’ouvrent au libre-échange et les Etats-Unis peuvent y exporter leurs produits industriels. a. La mise en place du système de Bretton Woods Les Accords de Bretton Woods et le Plan Marshall (1944) : En 1944, les délégués de 44 nations se réunissent aux Etats-Unis lors de la Conférence Monétaire Internationale de Betton Woods. Les Accords de Bretton Woods, signés à cette occasion, réorganisent l’économie mondiale, à travers les mesures suivantes : Mise en place d’un Système Monétaire International (SMI). Le taux de change de toutes les monnaies est calculé en fonction du cours du dollar, lui-même fixé en or. Le dollar devient donc la monnaie de référence pour le commerce international. Création de deux Banques internationales dominées pas les Etats-Unis : o Le Fond Monétaire International (FMI) prête de l’argent aux Etats en difficulté. o La Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) plus connue sous le nom de Banque Mondiale fait des prêts pour les projets de développement des Etats. La BIRD et le FMI sont rattachés à l’Organisation des Nations Unies (ONU), créée en 1945, et dont la fonction centrale est le maintien de la paix. Ses fondateurs considèrent que la coopération économique entre les Etats garantit la paix pour deux raisons : o La coopération économique assure le développement et donc la stabilité politique interne des pays. o L’augmentation des échanges rend les économies interdépendantes. Or, si les Etats dépendent les uns des autres, ils ne vont logiquement pas se faire la guerre. En 1947, pour stimuler le libéralisme, les Etats-Unis mettent en place le Plan Marshall, une aide de 13 milliards de dollars aux pays d’Europe occidentale. Il permet De fournir des débouchés aux produits industriels américains. De freiner l’influence soviétique en Europe : seuls les pays qui renoncent au communisme peuvent toucher cette aide. 2 Le GATT A Bretton Woods, la création d’une 4e institution est proposée : l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) pour réglementer le commerce. Mais le Sénat américain refuse de ratifier sa création car il a peur de perdre sa souveraineté sur son économie nationale. En 1947, on crée à la place le General Agreement on Tarifs and Trade (GATT) ou Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce. Il est signé à Genève par 23 pays qui à eux seuls effectuent 50% des échanges mondiaux. Le but du GATT est de promouvoir le libre-échange sur les produits industriels. Il ne s’occupe par contre pas de l’agriculture ou des services. Le GATT répond aux intérêts américains car en promouvant le libre-échange, il assure des débouchés aux produits américains, tout en constituant un cadre de négociation moins contraignant que l’OIC. La croissance économique des Trente Glorieuses Les institutions de Bretton Woods stabilisent les monnaies et renlancent les échanges de manière spectaculaire : c’est le début des Trente Glorieuses (19461975). La plupart des Etats adoptent le modèle de l’Etat-Providence. Ils interviennent massivement dans l’économie pour la stimuler, puis encouragent les améliorations sociales. Les Etats-Unis sont les piliers du système économique international de Bretton Woods car ils dominent les nouvelles institutions qui fonctionnent selon leurs intérêts (SMI, FMI, BIRD, GATT, ONU). Ils connaissent un âge d’or : leurs FTN exportent massivement, leur mode de vie est diffusé sur toute la planète. b. Les limites du système de Bretton Woods La guerre froide : La gouvernance économique du système de Bretton Woods n’est pas « mondiale », car elle se limite aux Etats non communistes. L’URSS participe à la conférence de Bretton Woods et signe les accords en 1944. Mais elle réalise rapidement que ces accords favorisent trop les intérêts des EtatsUnis, et se retire du système en 1946. Elle oblige par la suite les autres pays communistes à en faire autant. Par exemple, la Tchécoslovaquie refuse le plan Marshall dès 1947 et se retire du FMI en 1954. Les pays du Tiers Monde Le système de Bretton Woods favorise les Etats du bloc de l’Ouest, mais il est contesté par les pays du Tiers Monde : Ces pays jugent que le nouvel ordre économique international va à l’encontre de leurs intérêts et est très proche du colonialisme. En effet, ces pays, pas encore industrialisés, participent au commerce international en tant qu’exportateurs de matières premières. Les FTN occidentales transforment ces matières en produits industriels à plus forte valeur ajoutée qu’ils exportent à leur tour. Les exportations des pays du Tiers Monde valent donc moins que celles des pays occidentaux. Ainsi, ces pays se libéralisent et ouvrent leur commerce, mais cela sert surtout à enrichir les FTN occidentales… Dans les années 1950-1960, ces pays s’organisent pour peser un plus grand poids dans la gouvernance économique mondiale : 3 o Lors de la conférence de Bandung (1955), de nombreux pays optent pour le non-alignement. Ils refusent de s’aligner non seulement au bloc soviétique, mais aussi au bloc occidental, et affirment donc leur volonté de rester à l’écart d’un ordre économique mondial dominé par le libéralisme américain. o Dès 1963, 77 pays du Tiers Monde s’organisent pour fonder le G77 (Groupe des 77), pour défendre leurs intérêts au sein de l’ONU, alors dominée par les puissances occidentales. Les années 1950-1960 marquent l’apogée des luttes de décolonisation. De nombreux Etats obtiennent leur indépendance. Pour éviter qu’ils ne basculent dans le communisme, les Occidentaux sont obligés d’accéder à une partie des requêtes du G77. Un compromis est trouvé. De nouvelles institutions sont créées au milieu des années 1960, pour favoriser l’aide au développement des pays du Sud : o La Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) o Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Ces organismes prêtent donc de l’argent aux pays du Sud pour qu’idéalement, ils se développent, s’industrialisent et sortent de leur statut de dominés. Le contexte d’après-guerre marque une étape majeure dans la construction d’une gouvernance mondiale. On met en place des institutions internationales au sein desquelles les Etats peuvent négocier et réglementer la mondialisation (fonctionnement intergouvernemental). Le fonctionnement intergouvernemental est toutefois limité car tous les Etats ne négocient pas d’égal à égal : les Etats-Unis dominent la gouvernance mondiale. II. Les crises dans la gouvernance économique mondiale (1971-années 1990) a. La fin du système de Bretton Woods A la fin des années 1960, la croissance économique occidentale ralentit. Toutefois, la crise économique révèle son ampleur dans les années 1970. Les Etats-Unis n’arrivent alors plus à financer la conquête spatiale, l’Etat-providence et la guerre du Vietnam. Leur économie entre en déficit. Pour payer ses importations, le pays fabrique donc de plus en plus de dollars, si bien qu’en 1971, les dollars en circulation dans le monde représentent 5x la valeur de l’or conservé aux Etats-Unis. Ainsi, dès la première moitié des années 1960, des pays comme la France convertissent leurs dollars en or, car ils n’ont plus confiance dans le dollar. Le stock d’or américain diminue encore plus. Pour garder son or, le 15 août 1971, le président Nixon annonce la fin de la convertibilité du dollar en or (du jour au lendemain on ne peut plus changer les dollars en or !). Cet épisode marque la fin du SMI et du système de Bretton Woods, qui s’officialise en 1976 lors des Accords de Kingston. A partir de cette date, on instaure un système de change flottant. La valeur des monnaies fluctue librement en fonction de l’offre, de la demande, des décisions des Etats, de leur convertibilité, etc., ce qui entraîne une forte insécurité monétaire mondiale. 4 Comme ils ne peuvent plus convertir les dollars qu’ils ont gagnés en or, les principaux pays exportateurs de pétrole décident d’augmenter fortement les prix des barils à deux reprises. Lors du choc pétrolier de 1973, le prix double, et en 1979, le prix triple. Ces deux chocs pétroliers aggravent la crise. b. L’émergence du néolibéralisme La crise favorise le triomphe d’une version radicale du libéralisme, le néolibéralisme. Ce courant naît dans les pays anglo-saxons. Il est promu par Ronald Reagan (EUA, 19811989) et Margaret Thatcher (Royaume-Uni, 1979-1990) au début des années 1980. Cette théorie affirme que les marchés s’autorégulent naturellement. Ils fonctionneraient parfaitement sans les règles fixées par les Etats ou les organisations internationales. Le néolibéralisme promeut la déréglementation des échanges pour encourager la compétitivité des entreprises. Ces politiciens attribuent la crise économique aux interventions des EtatsProvidence dans l’économie. Pour combattre la crise, ils mettent donc en place des politiques de rigueur : ils augmentent les impôts et diminuent les dépenses publiques dans le social, la culture ou encore l’environnement. Pour attirer des IDE, les Etats-Unis et le Royaume-Uni augmentent les impôts de la population, mais ils baissent ceux des entreprises. Ils réduisent les avantages sociaux des salariés: c’est la fin de l’Etat-Providence. Dans les années 1980, le néolibéralisme s’impose dans les institutions de la gouvernance économique mondiale : Le GATT organise deux cycles de négociations pour réduire toutes les formes, de protectionnisme (quotas, taxes douanières, normes): le Tokyo Round (1973-1979) et l’Uruguay Round (1986-1994). Le FMI et la Banque Mondiale mettent de nouvelles conditions à leurs prêts. Pour en obtenir un, les pays doivent adopter des mesures néolibérales (abaissement des barrières douanières, réduction des dépenses publiques, privatisations, etc.) La généralisation des politiques néolibérales permet une augmentation des échanges de biens, services et capitaux entre les pays. Les Etats contrôlent de moins en moins l’économie, les flux sont de plus en plus nombreux, la mondialisation s’intensifie. Profitant des dérèglementations, les FTN multiplient les délocalisations. a. Les déséquilibres de la gouvernance mondiale Les pays du Nord : Le néolibéralisme est un système qui reproduit les inégalités entre les pays. Dans les années 1980, les inégalités Nord-Sud sont croissantes. Les grands bénéficiaires du néolibéralisme sont les pays du Nord, en particulier ceux de la Triade. Pour assurer la persistance de leur domination, les pays riches s’allient pour renforcer leur coopération économique : En 1975, la France, la RFA, l’Italie, le Royaume-Uni, le Japon et les Etats-Unis fondent le G6, transformé en G7 en 1976 avec l’arrivée du Canada, puis en G8 en 1998 avec l’adhésion de la Russie. o Il s’agit d’un groupe de discussion et de partenariat économique qui se réunit chaque année. Il cherche à promouvoir le libéralisme et à lutter 5 contre l’instabilité financière provoquée par la fin des Accords de Bretton Woods. o Ce groupe très critiqué. Les grandes puissances y orientent la gouvernance économique mondiale, sans se soucier des intérêts des autres pays. C’est une sorte de club de riches qui travaillent ensemble à rester les plus riches. Les principales puissances économiques mondiales dominent également le GATT. Elles y créent des règles contre le protectionnisme, qu’elles imposent aux pays plus pauvres, mais n’appliquent pas dans leurs propres Etats... Par exemple, elles pratiquent les quotas d’importations, c’est-à-dire qu’elles limitent l’importation de certains biens et services dans leurs pays pour protéger leurs industries ou agricultures nationales de la concurrence internationale, et leur assurer des débouchés internes. Ces quotas sont interdits par le GATT mais cette organisation ne dispose d’aucun moyen de sanction… En 1957, les pays d’Europe de l’Ouest créent la Communauté Economique Européenne (CEE) pour défendre leurs intérêts économiques dans le monde. Les acteurs des Etats du Nord qui bénéficient le plus du néolibéralisme ne sont toutefois pas les Etats mais les FTN. Elles délocalisent leur production, notamment vers les pays du Sud où le coût de la main-d’œuvre est faible. Elles constituent des groupes de pression qui agissent auprès des gouvernements et des institutions internationales. Grâce à leur puissance économique, elles ont parfois plus de pouvoir et de moyens de pression que les Etats ! Les pays du Sud Les pays du Sud sont globalement moins favorisés par le néolibéralisme : Le G77 prend de l’importance dans les années 1970. La première rencontre importante entre ces pays est la conférence d’Alger en 1973. Ces pays qualifient le système économique international de néocolonialisme. En effet, l’ordre économique néolibéral les maintient dans une situation de dépendance aux grandes FTN du Nord qui exploitent leurs matières premières. Pour peser un poids plus important dans la gouvernance économique mondiale, certains pays du sud créent des organisations régionales, comme l’ASEAN en 1967. Dans les années 1980 et 1990, la situation des Pays En voie de Développement (PED) est critique. o Dans les années 1960-1970, ils se sont endettés auprès du FMI pour créer des programmes de développement qui se sont souvent avérés être des échecs (corruption, projets trop ambitieux, pas adaptés au contexte). Incapables de rembourser leurs emprunts, ils affrontent des crises économiques importantes dès les années 1980. o Le FMI leur prête alors de nouveaux fonds en échange de réformes brutales, les Plans d’Ajustement Structurel (PAS), des politiques d’austérité favorisant la déréglementation, la privatisation et la libéralisation du commerce extérieur. Le FMI oblige ces pays à adopter une économique néolibérale, et à abandonner leurs politiques sociales. Les PAS aggravent la pauvreté et provoquent des révoltes dans de nombreux pays. Il ne faut toutefois pas schématiser la division Nord riche/Sud pauvre. Portés par le dynamisme du Japon, les Quatre Dragons d’Asie (Hong-Kong, Singapour, Corée du Sud, Taïwan) jouent un rôle croissant dans l’économie mondiale. La Chine s’ouvre aux investissements étrangers en 1979 et initie une période de grande croissance économique. 6 Les années 1970-début 1990 marquent la victoire du néolibéralisme : la gouvernance économique mondiale se concentre sur les règles de la concurrence et le libre accès aux marchés plus que sur la stabilité économique. De plus en plus d’acteurs interviennent dans la gouvernance économique mondiale (Etats, organisations internationales, FTN, organisations régionales), ce qui concurrence la domination américaine. I. La nécessité d’une nouvelle gouvernance économique mondiale (1990-aujourd’hui) a. Le modèle libéral gagne la Guerre Froide La fin de la guerre froide marque le triomphe du libéralisme économique : o La mondialisation et la gouvernance économique peuvent désormais véritablement opérer à l’échelle mondiale (avec la Russie, l’Europe de l’Est et la Chine). o Les échanges internationaux augmentent une nouvelle fois, et presque tous les pays du monde adoptent le libéralisme. o Les grands bénéficiaires de cette nouvelle phase sont à nouveau les Etats-Unis. Ils renforcent encore leur poids dans les organisations internationales. Du coup, le néolibéralisme connaît un nouvel essor dans les années 1990 : Le FMI continue à mettre en place des PAS pour forcer les autres pays à se libéraliser : Mexique (1994), Asie (1997), Russie (1998). Le GATT est remplacé par une organisation plus puissante, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1995 : o Comme le GATT, l’OMC fixe les règles du commerce international. Elle ne concerne plus que le secteur industriel, mais aussi les domaines agricoles et des services. o Elle promeut la réduction des tarifs douaniers, la libéralisation et la libreconcurrence. o Contrairement au GATT, l’OMC peut infliger des sanctions économiques aux pays qui ne respectent pas les règles. o Officiellement, l’OMC œuvre entre autre pour que le commerce international bénéficie d’avantage aux pays en développement. Tout Etat membre de l’OMC compte donc pour une voix, ce qui permet à des pays pauvres de porter plainte contre des pays industrialisés. Mais les procédures sont longues, complexes et coûteuses, ce qui maintient le déséquilibre. En plus, les pays riches préfèrent souvent payer une amende qu’appliquer une règle qui ne les arrange pas… Dans les années 1990, les organisations régionales sont de plus en plus nombreuses : MERCOSUR (1991), UE (1992) ALENA (1994), projet d’ASEAN+3. Elles promeuvent une gouvernance économique à l’échelle régionale, et non mondiale. En 2001, à Doha (Qatar), 145 pays se mettent d’accord pour engager des discussions sur la suppression des subventions aux exportations agricoles. o Le cycle de Doha se solde par un échec car l’UE et les Etats-Unis veulent continuer à subventionner leurs agriculteurs, ce qui va à l’encontre de la libre concurrence. En effet, les agriculteurs européens et américains reçoivent des subventions de l’Etat. Du coup, ils peuvent produire, vendre 7 et exporter leurs produits à des prix plus bas que les agriculteurs des pays en développement. o De leur côté les pays en développement ne peuvent subventionner leurs agriculteurs, à cause des PAS que le FMI leur a imposé. Du coup, les pays riches imposent aux pays pauvres des règles qu’ils ne suivent pas ! o Le renforcement du libéralisme des années 1990 ne réduit donc pas les déséquilibres de la gouvernance économique mondiale. b. Les crises des années 2000 La crise des subprimes : En 2007 commence la crise des subprimes aux Etats-Unis : Les banques américaines ont accordé des prêts à des ménages américains aux revenus modestes pour qu’ils s’achètent des biens immobiliers. Ces crédits s’appellent les subprimes. Ils sont à taux variables, ça veut dire que les intérêts ne sont pas fixes, mais dépendent de l’évolution du marché de l’immobilier. Comme les banques accordent trop de subprimes, la demande de logements devient supérieure à l’offre (tous les ménages veulent une maison et peuvent en avoir une donc il n’y a plus assez de maisons). Du coup, le marché de l’immobilier augmente et les intérêts des subprimes sont en hausse. Comme ces intérêts ont un rendement élevé, les banques les transforment en titres financiers (actions en Bourse) et les vendent à des investisseurs du monde entier. Comme les intérêts ont trop augmenté, les ménages ne peuvent plus rembourser leurs emprunts et cessent de payer leurs échéances. Ils sont donc contraints de revendre leurs biens immobiliers. Du coup, de nombreuses maisons sont en vente simultanément et la valeur du marché de l’immobilier baisse. Les subprimes, désormais transformées en titres financiers qui circulent sur le marché des capitaux mondial, perdent de leur valeur. En 2008, la chute de la valeur boursière des subprimes entraine une crise financière mondiale. Les pays développés entrent en récession (diminution de la croissance économique), le chômage augmente et la consommation doit être réduite. Cette crise est attribuée à la financiarisation de l’économie: de plus en plus de transferts de capitaux ne se font plus avec de l’argent mais à travers la finance (actions boursières qui ont des taux changeants, pays en faillite qui impriment des nouveaux billets, banques qui prêtent de l’argent qu’elles n’ont pas…) (C’est dans ce contexte que Barack Obama décide de combattre les paradis fiscaux et oblige la Suisse à livrer les noms des fraudeurs américains qui transfèrent une partie des fonds publics sur leurs comptes privés). La crise de la zone euro (2010-2011) En 2009, le premier ministre grec, Georges Papandréou, révèle que le déficit de son pays est plus de deux fois supérieur à ce qui avait été déclaré par le précédent gouvernement. En effet, pour faire partie de la zone euro, un des critères est d’avoir un déficit budgétaire faible, c’est pour ça que le gouvernement grec précédent avait menti. La Grèce ne peut plus rembourser sa dette. Les pays de l’UE n’arrivent pas à se mettre d’accord pour apporter à la Grèce un soutien financier. Certains pays riches, comme l’Allemagne, ne veulent pas s’endetter pour racheter la dette de la Grèce. Finalement, un plan est adopté qui 8 prévoit prêter 110 milliards d’euros pour racheter la dette grecque (fournis par les Etats de la zone euro et par le FMI). A partir de mai 2010, la zone euro traverse une crise monétaire grave à cause de la crise des subprimes, des déficits commerciaux de tous les Etats européens qui sont très endettés, et du remboursement de la dette grecque. Pour que les pays moins riches (Espagne, Irlande, Roumanie, Portugal et Grèce) participent au remboursement des dettes publiques européennes, l’UE leur impose des politiques d’austérité. Les dépenses dans le domaine publiques sont drastiquement réduites. Les avantages sociaux sont remis en cause partout dans la zone euro. Par exemple, en Grèce, les salaires sont baissés, ils ne peuvent plus être augmentés pendant trois ans, l’âge de la retraite passe de 60 à 65 ans, les impôts sont augmentés… c. La multiplication des acteurs de la gouvernance mondiale Des acteurs à l’échelle mondiale ou nationale ? La victoire du modèle libéral accroit donc les déséquilibres politiques et économiques entre les pays du monde. Ce modèle favorise la libre concurrence et les dérèglementations, au détriment de la protection sociale des populations. Les critiques sont nombreuses, mais aucune solution ne fait consensus. De nombreux acteurs affirment que les crises du libéralisme sont dues aux organisations supranationales qui limitent la souveraineté des Etats. Ils souhaitent que les Etats récupèrent la souveraineté sur leurs économies. Des acteurs pensent au contraire que les crises économiques sont dues à l’absence de règlementations strictes du commerce mondial. Ils pensent qu’il faut renforcer les organisations économiques supranationales pour qu’elles puissent faire des règles plus contraignantes. De plus en plus d’acteurs privés Actuellement, de nouveaux enjeux globaux apparaissent qui nécessitent une coopération entre les Etats. C’est le cas de l’environnement. La gestion des ressources naturelles et lutte contre le réchauffement climatique sont des problèmes globaux, qui doivent faire l’objet d’une réponse concertée de tous les Etats. Pour les résoudre problèmes, la gouvernance mondiale associe de plus en plus d’acteurs. Un exemple ancien est le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, organisé par l’ONU et associant des acteurs publics et privés: Etats, ONG, FTN, experts scientifiques, etc. Les FTN sont des acteurs de plus en plus important de la gouvernance mondiale. Elles se réunissent chaque année lors du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, pour défendre leurs intérêts et fixer une stratégie globale. Les ONG gagnent aussi en importance : o Elles se présentent comme les porte-paroles des citoyens à l’échelle mondiale. Elles cherchent à représenter les intérêts des populations, négligés dans une gouvernance mondiale dominée par les Etats et FTN. o Les ONG altermondialistes se réunissent régulièrement depuis 2001 lors du Forum Social Mondial (le titre est une allusion au forum de Davos) pour réclamer une gouvernance économique mondiale égalitaire et juste. o Les altermondialistes dénoncent ce qu’ils considèrent comme une mauvaise gouvernance mondiale. Ils organisent des manifestations lors des conférences de l’OMC, du G8 ou du FMI. 9 L’affirmation des pays émergents Si le modèle néolibéral actuel préserve les déséquilibres entre le Nord et le Sud, au Sud, les pays émergents ont un poids économique de plus en plus important. Du coup, ils souhaitent augmenter leur poids politique dans la gouvernance mondiale. C’est pourquoi, en 1999, les pays du G8 et les principaux pays émergents fondent le G20. Il regroupe 20 pays qui à eux seuls concentrent 90 % du PIB mondial et les deux tiers des échanges mondiaux. Le G20 a un rôle croissant dans la gouvernance économique mondiale. En 2009, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, rejoints en 2011 par l’Afrique du Sud s’unissent pour former les BRICS. Ce groupe réclame une meilleure représentation des Suds dans les organisations internationales. La revendication majeure des pays émergents dans la gouvernance mondiale est la restructuration du Conseil de Sécurité de l’ONU. En effet, ses membres permanents ne sont actuellement pas forcément les principales puissances économiques ou démographiques mondiales. L’économie mondiale néolibérale provoque une financiarisation de l’économie, de nombreuses crises économiques et l’endettement des Etats. Du coup, les déréglementations sociales et environnementales se multiplient, les politiques d’austérité aussi, et de plus en plus d’acteurs critiquent la domination de l’économie sur tous les autres secteurs de la société. Le modèle néolibéralisme perpétue les déséquilibres économiques Nord-Sud. Toutefois, la montée en puissance des pays émergents remet en cause l’idée selon laquelle le néolibéralisme ne favoriserait que les pays du Nord. 10