déclin de la mondialisation? - RBC Gestion mondiale d`actifs

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Repères économiques
Vue d’ensemble pour les investisseurs
NUMÉRO 31 • AOÛT 2014
POINTS SAILLANTS
ƒƒ La croissance des exportations mondiales a récemment perdu de son élan, après
des décennies d’essor du commerce.
ƒƒ Cette baisse de performance s’explique par des raisons cycliques et structurelles.
ƒƒ On compte parmi les raisons cycliques les séquelles persistantes de la crise
financière, une légère tendance vers le protectionnisme et les conflits géopolitiques.
ƒƒ Parmi les raisons structurelles, mentionnons la croissance durablement plus faible
des marchés émergents, l’augmentation de la parité concurrentielle, la saturation
des marchés étrangers et le rééquilibrage des comptes courants.
ƒƒ Les facteurs cycliques devraient partiellement rebondir dans les années à venir,
contrairement aux composantes structurelles, ce qui imposera une contrainte légère
mais durable sur la croissance économique et entraînera une hausse modeste de
l’inflation.
ERIC LASCELLES
Économiste en chef
RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
DÉCLIN DE LA MONDIALISATION ?
La mondialisation – pour le meilleur ou pour le pire – a
ressemblé au cours des dernières décennies à un train fou
happant tout ce qui se trouve sur son passage. Dernièrement
toutefois, elle commencé à perdre de sa vigueur (figure 1). Le
commerce international a soudainement amorcé une trajectoire
beaucoup plus lente et soulevé un sérieux questionnement :
cette décélération est-elle un simple soubresaut ou le signal d’un
déclin de la mondialisation (figure 2) ?
Pour répondre à cette question, nous abordons dans ce
rapport l’histoire de la mondialisation, examinons le degré
de contraction des échanges commerciaux, les raisons du
ralentissement du commerce (figure 3), les perspectives pour
l’avenir et les répercussions sur l’économie mondiale.
En bref, nous concluons qu’environ la moitié des changements
qui touchent la dynamique du commerce sont de nature
Figure 1 : Le commerce international fléchit
structurelle, ce qui signifie une perte permanente. L’autre
moitié semble être de nature cyclique, ce qui laisse entendre
une reprise partielle de la croissance des exportations dans
les années à venir, à mesure que se redressera la croissance
mondiale. Ce bilan contrasté est plutôt apaisant, mais indique
néanmoins l’érosion d’un important soutien de la croissance
mondiale. Un tel constat a des répercussions particulières sur la
croissance des marchés émergents, et peut également avoir des
incidences sur l’inflation et les inégalités.
L’histoire du commerce
L’ère moderne de la mondialisation a commencé de façon
intermittente à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, s’est
raffermie dans les années 1970 et 1980, puis a explosé dans les
années 1990 et 2000 lorsque la Chine et le bloc soviétique ont
commencé à s’ouvrir au monde (figure 4).
Figure 2 : Hauts et bas de la mondialisation
Exportations mondiales (g.)
2012
2014
30
Nota : L’indice mondial des directeurs d’achats du secteur manufacturier a une
avance de quatre mois. Sources : FMI, JP Morgan, Markit, Haver Analytics, RBC GMA
2013
2010
2000
2008
1988
2006
1975
2004
1968
-50
2002
1950
35
-40
1938
40
-30
1925
-20
1913
45
-10
1900
50
0
1888
10
1875
55
20
?
60
1863
30
1850
Indice mondial des directeurs d'achats du
secteur manufacturier (d.)
Indice mondial des directeurs
d'achats du secteur manufacturier
Exportations mondiales
(variation sur 12 mois en %)
40
Sources : Obstfeld and Taylor (2004), « Global Capital Markets: Integration, Crisis,
and Growth », RBC GMA
Le commerce international a monté en flèche pendant cette
période, soutenant un taux de croissance près du double de celui
de l’économie. Par conséquent, le commerce1 est passé d’un peu
moins de 35 % de la taille du PIB au milieu des années 1980 à
plus de 60 % aujourd’hui (figure 5).
travailleurs et entreprises ont eu du mal à suivre, et un monde de
plus en plus interconnecté et donc vulnérable à la transmission
de chocs négatifs entre les pays.
Cette mondialisation a déclenché une hausse incessante de
la demande, une capacité de production et une innovation
stimulée par la concurrence, lesquelles ont propulsé l’économie
mondiale vers de nouveaux sommets. Les marchés émergents
ont profité de la croissance économique démesurée et de la
hausse du niveau de vie. Les pays développés ont bénéficié de
prix avantageux, d’un meilleur choix de produits, de nombreuses
occasions d’investissement et de coûts d’emprunt abordables.
Il convient de noter que la mondialisation – particulièrement
définie sous l’angle du commerce2 – semble ralentir.
Le déraillement du commerce
Loin de la doubler, la croissance des exportations réelles a à
peine égalé celle du PIB depuis le début de 2011 (figure 6).
Le commerce obtient de meilleurs résultats 90 % du temps. Si
elles avaient maintenu leur trajectoire initiale, les exportations
mondiales annuelles auraient à ce jour gagné 1,4 billion de
dollars américains de plus (figure 7).
Bien sûr, la mondialisation a aussi présenté des défis, comme
l’évolution rapide du contexte économique que plusieurs
2
1
La somme des exportations et des importations.
Figure 3 : Raisons du ralentissement des échanges commerciaux
Une définition plus large pourrait inclure la circulation des capitaux et des
personnes, voire le domaine culturel. Les flux de capitaux ont aussi ralenti,
mais pas la circulation des personnes et des biens culturels.
Figure 4 : Le rythme de la mondialisation culmine dans les
années 1990 et 2000
FACTEURS STRUCTURELS
ƒƒ Éléments géopolitiques
ƒƒ Ralentissement des
marchés émergents
ƒƒ Persistance de la crise
financière
ƒƒ Parité concurrentielle
ƒƒ Protectionnisme
ƒƒ Saturation des échanges
commerciaux
ƒƒ Rééquilibrage du compte
courant
Ratio de la croissance réelle du
commerce par rapport à la
croissance réelle du PIB
2,9
FACTEURS CYCLIQUES
2,6
2,3
Moyenne
historique
2,0
1,7
1,4
1,1
0,8
0,5
1973
Source : RBC GMA
Étape la plus
intene de la
mondialisation
Performance
inhabituellement
solide des
exportations
Performance
inhabituellement
faible des
exportations
1983
1993
2003
2013
Nota : Tendance sur 5 ans de la croissance réelle du commerce et tendance sur
5 ans de la croissance réelle du PIB. Moyenne historique depuis 1973.
Sources : OCDE, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 5 : La mondialisation stimule l’orientation du commerce
Figure 6 : Les échanges commerciaux devraient croître plus
rapidement
65
60
Variation annuelle en %
Exportations et importations
mondiales (% du PIB)
70
55
50
45
40
35
30
25
1980
1984
1988
1992
1996
2000
2004
2008
Nota : Exportations et importations mondiales des biens et des services.
Sources : UNCTAD, RBC GMA
2 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 31 • Août 2014
2012
18
15
12
9
6
3
0
-3
-6
-9
-12
-15
-18
1980
Le commerce croît habituellement deux fois
plus rapidement que le PIB
Échanges commerciaux mondiaux réels
PIB mondial réel
1991
Sources : OCDE, Haver Analytics, RBC GMA
2002
Le
commerce
dépasse à
peine le
PIB
2013
Repères économiques
Est-il possible que la survenue de graves problèmes dans un seul
pays ou une seule région soit la cause du ralentissement des
échanges commerciaux ? Non. Les principaux pays du monde ont
tous étonnamment connu une faible croissance des exportations
(figure 8).
Devrait-on attribuer à des secteurs isolés la responsabilité du
ralentissement des échanges commerciaux ? Une fois de plus,
non. Les biens et services se partagent la responsabilité à parts
égales (figure 9).
Enfin, si le ralentissement des échanges commerciaux n’était
qu’une illusion provoquée par la faiblesse des prix ou la
fluctuation des taux de change ? C’est impossible. L’immense
majorité de nos calculs repose sur le volume des échanges
commerciaux et non sur leur valeur, ce qui élimine la possibilité
d’une explication par les prix. Par ailleurs, la valeur du dollar
américain – monnaie habituellement utilisée en matière de
commerce international – n’a pratiquement pas changé depuis le
ralentissement des échanges commerciaux.
Alors, à quoi attribuer les piètres résultats des échanges
commerciaux ? La réponse s’explique par des facteurs cycliques
et des facteurs structurels.
Facteurs cycliques
Certaines causes sont de nature cyclique ; c’est-à-dire que,
si elles exercent actuellement des pressions négatives, elles
finiront tôt ou tard par lâcher leur emprise. Nous plaçons dans
cette catégorie les effets des conflits géopolitiques, certains
3
Cette analyse a été réalisée en tenant compte de l’économie américaine.
19
18
Réel
Ratio commerce/PIB historique
17
Si le ratio
commerce/PIB
avait été normal,
les échanges
commerciaux
mondiaux auraient
augmenté de
1,4 billion $ US de
plus
16
15
14
13
12
11
10
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Nota : Échanges commerciaux mondiaux réels trimestriels, annualisés.
Sources : OCDE, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 8 : Fléchissement du commerce par pays
-10
0
-1
-20
-2
-3
-30
-4
-5
Variation de la
croissance
réelle du commerce
par rapport à la
croissance du
PIB (d.)
Variation de la
croissance réelle des
exportations (g.)
-6
-7
-8
-9
-10
Monde Brésil Chine Inde
-40
-50
Japon É.-U. Allemagne
Croissance du commerce par
rapport à la croissance du PIB
(% de variation)
La faiblesse des échanges commerciaux serait-elle attribuable
au fait que la croissance économique provient des secteurs de
l’économie orientés vers l’intérieur ? Les dépenses publiques
ont, par exemple, constitué un moteur disproportionné de
la croissance économique au cours des dernières années, et
les gouvernements dépendent moins des produits importés
que d’autres secteurs. Cela explique peut-être la baisse
des échanges commerciaux. Mais lorsque nous comparons
individuellement l’augmentation des échanges avec d’autres
composantes économiques comme la consommation, les
investissements des entreprises et les dépenses publiques,
nous constatons que la croissance des importations est
beaucoup trop lente3.
Échanges commerciaux mondiaux
réels (billions $ US en 2005)
Nous devons nous assurer, en évaluant cette faible performance,
de ne pas mal diagnostiquer ni surestimer le problème.
20
Variation de la croissance réelle
des exportations (pp)
Confirmation du diagnostic
Figure 7 : Les échanges commerciaux mondiaux devraient être
plus élevés
-60
Nota : La variation de la croissance réelle des exportations correspond à la
moyenne de la croissance annuelle de 2011 à 2013 moins celle de la période
de 1980 (ou, si indisponible, la date la plus rapprochée possible) à 2013. Le
calcul de la variation en pourcentage de la croissance du commerce par rapport
à la croissance du PIB est basé sur les mêmes périodes. Le Brésil a été exclu
car le repli des exportations rendait le ratio insignifiant. Sources : OCDE, Haver
Analytics, RBC GMA
Figure 9 : Le fléchissement des exportations s’étend aux biens et
services
2000-2013
10
Croissance nominale des
exportations (% annualisé)
Pour donner une image précise de l’ampleur de la déception, la
Maison Blanche a déclaré au début de 2010 vouloir doubler les
exportations américaines en cinq ans. À un an de la période cible
toutefois, elle avait atteint moins d’un tiers de son objectif. Les
déceptions s’accumulent.
9
8,3 %
2011-2013
9,2 %
8
6,4 %
7
6
5,0 %
5
4
3
2
1
0
Biens
Services
Sources : OCDE, Haver Analytics, RBC GMA
3
éléments persistants de la crise financière et le fléau du
protectionnisme.
Figure 10 : Les facteurs géopolitiques n’ont nui que légèrement
aux échanges commerciaux entre la Chine et le Japon
1) Géopolitiques
Toutefois, il faut en bout de ligne reconnaître que les facteurs
géopolitiques n’expliquent pas fondamentalement le recul des
échanges commerciaux. Le conflit sino-japonais s’est intensifié
en septembre 2012 et a eu des répercussions sur les échanges
commerciaux des deux pays (figure 10), mais à un faible degré
seulement, avec peut-être entre 20 et 30 milliards $ de pertes en
échanges commerciaux. Un tel chiffre gruge à peine le déficit de
1,4 billion $ de la balance commerciale.
Part des échanges commerciaux
sino-japonais (%)
Les tensions géopolitiques – qui sont nombreuses – pourraient
expliquer le ralentissement des échanges commerciaux.
La Chine et le Japon, deuxième et troisième économies du
monde, se disputent chaudement un chapelet d’îles en mer
de Chine orientale, et on rapporte anecdotiquement que les
consommateurs des deux pays boudent les marchandises de
l’adversaire. Le conflit en Ukraine a dressé la Russie contre
l’Europe et entraîné une escalade de sanctions économiques.
Pendant ce temps, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord restent
instables tant sur le plan politique qu’économique.
Les crises financières entraînent de nombreux effets
indésirables, dont certains durent des années. Comme le montre
la figure 11, les conséquences habituelles comprennent, entre
autres, une croissance économique inférieure à la normale et
le retour du protectionnisme. Ces éléments pourraient-ils, par
conséquent, expliquer le ralentissement du commerce ?
Une économie plus faible
Il ne fait aucun doute que, depuis la première reprise qui a
suivi la récession de 2009, la croissance économique a été plus
lente que d’habitude. Cet élément pourrait, chronologiquement
parlant, expliquer le repli de la croissance du commerce.
Dans l’absolu, le ralentissement de la croissance économique a
entraîné le recul des exportations. Ce constat est indiscutable.
4 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 31 • Août 2014
9,5
déc. 2012
avr. 2013
août 2013
déc. 2013
Nota : Part des échanges commerciaux sino-japonais, définie comme la somme
des exportations chinoises vers le Japon et des exportations japonaises vers la
Chine, en % du total des exportations japonaises et chinoises.
Sources : FMI, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 11 : Schéma de la progression de la crise
Formation d'une bulle
Éclatement de la bulle
Désendettement
Crise de la dette
Crise bancaire
Crise financière
Récession à
court terme
Malaise économique à moyen terme
Faibles taux
obligataires
Dette publique
importante
Niveau de
vie stagnant
Troubles
Protectionnisme
Source : RBC GMA
Figure 12 : Cycle des exportations : nervosité et retard
4
3
Amplitude relative
2) Crise financière persistante
L'écart
représente à
peine 0,12 %
du commerce
international
10,0
9,0
août 2012
Il est encore trop tôt pour dire si le conflit en Ukraine aura
d’importantes répercussions sur le commerce international. Mais
il faut noter que, le conflit n’étant survenu qu’il y a sept mois,
il ne peut expliquer fondamentalement le recul des échanges
commerciaux depuis trois ans et demi. De plus, les sanctions
en place au moment de la rédaction du présent rapport restent
limitées (quoiqu’elles s’additionnent rapidement).
Même si le printemps arabe s’inscrit dans la chronologie du
ralentissement des échanges commerciaux depuis 2011, les
économies des pays touchés sont trop modestes pour expliquer
la situation à l’échelle mondiale.
Début du conflit sinojaponais à propos des
îles en mer de Chine
orientale
10,5
2
1
PIB des É.-U.
Exportations des É.-U.
Exportations
Amplitude : 3,3x
Retard : 2 trimestres
0
-1
-2
-3
-4
Nota : Cycle économique normal. L’amplitude relative correspond au ratio de
l’écart type de la croissance des exportations par rapport à celui du PIB global.
Avance/Retard par rapport au PIB en nombre de trimestres. Sources : RBC GMA,
Haver Analytics
Repères économiques
La question à poser est de savoir si ce ralentissement pourrait
avoir de graves conséquences sur la croissance du commerce.
Les exportations ne dépassent peut-être pas le PIB du simple
au double dans les périodes de croissance modeste. En outre,
le commerce semble comporter un élément de nervosité,
provoquant une amplitude de mouvements trois fois plus
violents que dans le cas du PIB (figure 12).
Cette nervosité expliquerait-elle en partie la faiblesse du
commerce ? La réponse est sans conteste « oui ». Selon
nos estimations et en tenant compte du rythme récent de la
croissance économique mondiale, les exportations réelles
devraient croître à seulement 5 % par année, plutôt qu’à la
norme de 6 % (figure 13).
Les exportations réelles n’ont même pas réussi à atteindre ce
pourcentage, affichant une croissance annuelle d’à peine 3 %.
Nous pouvons par conséquent attribuer 30 % de la sousperformance du commerce au contexte de léthargie économique,
mais nous sommes loin d’expliquer la totalité du phénomène.
Une carence dans le financement du commerce
international ?
Le « financement du commerce international » est un terme
accrocheur pour les lettres de crédit garantissant le paiement
lorsqu’une commande est passée à l’échelle internationale.
Quoique peu connues, elles facilitent grandement le
commerce international ; en effet, 20 % des exportations
américaines dépendent de ces facilités permettant de réduire le
risque de négociation.
La crise financière a naturellement mis les banques sur la
défensive, les incitant à conserver leurs capitaux et à réduire
le risque. Cette situation a, au départ, nettement limité l’accès
au financement du commerce international et a donc nui au
commerce. Mais les organismes gouvernementaux de crédit
à l’exportation ont rapidement comblé le vide laissé par
2,5
2,0
1,5
La croissance du commerce
devrait se situer à près de 5 %
par année, compte tenu du
2,0x
contexte du PIB
2,1x
1,2x
3
4
5
Croissance réelle du PIB mondial
(variation annuelle en %)
6
Nota : Le ratio résulte du modèle créé en fonction des liens historiques existant
entre la croissance du commerce et la croissance du PIB. Sources : OCDE, Haver
Analytics, RBC GMA
Les conditions économiques mondiales sont incontestablement
propices à une vague de protectionnisme :
ƒƒ
Une longue période de difficultés économiques tend à
accentuer la xénophobie et incite à l’adoption de politiques
défavorables au libre-échange et à l’immigration.
ƒƒ
Comme les gouvernements déploient des ressources pour
répondre aux besoins sociaux accrus et creusent davantage
leurs déficits budgétaires, ils sont particulièrement vigilants
pour que les mesures de relance ne s’orientent pas vers
l’étranger.
ƒƒ
L’attention accrue portée aux inégalités donne envie de
réfréner l’un des principaux facteurs ayant contribué à ce
phénomène, soit la mondialisation4.
On se souciait jusqu’à tout récemment de supprimer les
obstacles commerciaux – la création de l’Union européenne (UE)
en est un bon exemple – mais le courant semble avoir tourné. En
témoignent la montée en Europe des partis « eurosceptiques »,
4
L’automatisation et le recul des taux de syndicalisation constituent, dans les
pays développés, des facteurs d’inégalité au moins aussi importants, et le taux
du rendement du capital peut également jouer.
Figure 14 : Les tarifs douaniers ont baissé, mais d’autres
obstacles se sont dressés
2,2x
1,7x
2
3) Protectionnisme
5,5
1,0
0,5
On peut discuter du fait que le financement public du commerce
international fausse le marché en raison des subventions
accordées à certaines entreprises et à certains pays par rapport
à d’autres (nous aborderons la question du protectionnisme
sous peu), mais on ne peut expliquer la faible croissance des
échanges commerciaux par une insuffisance dans le financement
du commerce international.
5,0
Taux tarifaire mondial (%)
Ratio de la croissance du commerce
international par rapport à la croissance
du PIB
Figure 13 : Réaction exagérée du commerce par rapport au PIB
les banques. Les pays des marchés émergents, la Chine en
particulier, sont énergiquement intervenus pour créer leurs
propres agences de financement du commerce pendant cette
période, augmentant encore davantage leur capacité.
4,5
4,0
3,5
3,0
2,5
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
Nota : Moyenne pondérée appliquée des taux tarifaires mondiaux pour les
produits manufacturés. Sources : Banque mondiale, Haver Analytics, RBC GMA
5
les aspirations de divers mouvements séparatistes partout dans
le monde et un sentiment général de malaise.
Même si les tarifs internationaux ont nettement fléchi au
cours des dernières décennies et qu’une poignée d’accords
commerciaux ont été conclus ces dernières années5, une
observation attentive révèle un certain protectionnisme. Les
tarifs commencent à augmenter, et d’autres formes insidieuses
de protectionnisme surgissent (figure 14). Soit, aucune d’elles
n’égale la loi Smoot-Hawley Tariff Act promulguée aux ÉtatsUnis en 1930 et qui a contribué à la dégringolade du commerce
pendant plusieurs décennies, mais une avalanche de petites
actions peut tout de même avoir une incidence.
De longs délais
L’un problème est que les négociations favorisant le commerce
sont terriblement lentes si on les compare aux mesures
défavorables. Plusieurs ententes commerciales, comme le
partenariat transpacifique en Asie et l’entente entre les É.-U. et
l’UE, languissent depuis les années et sont toujours à l’étape
de la négociation. Et même lorsque des ententes sont enfin
conclues, comme c’est le cas pour le récent accord commercial
passé entre le Canada et l’UE, il faut en réalité des années
pour mettre au point les détails, légiférer et faire appliquer les
nouvelles lois.
En revanche, il possible d’imposer unilatéralement, au cours
d’un week-end, un tarif ou quelque obstacle au commerce.
5
De modestes accords de libre-échange ont été négociés ou conclus entre
des pays, et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a réalisé un accord
important à la fin de 2013.
Complexité réglementaire
Les ententes commerciales établies au cours des dernières
année constituent une mosaïque de traités bilatéraux et
régionaux disparates plutôt que des accords multilatéraux
de grande portée. C’est regrettable car elles introduisent une
complexité réglementaire déroutante.
Chaque accord bilatéral sur le commerce oblige les exportateurs
à composer avec des milliers de pages de règlements pour savoir
ce qu’ils peuvent ou non exporter, et comment s’y prendre à cet
égard. Les exigences en matière d’environnement, de sécurité
et d’emballage sont de plus en plus précises et variées. Pour les
entreprises de petite et de moyenne taille, ce kaléidoscope de
règlements implique qu’il est devenu pratiquement impossible
d’exporter vers un large éventail de pays. Ces entreprises
auraient fort possiblement préféré avoir à payer les anciens tarifs
uniformisés.
Obstacles artificiels
On exagère parfois le progrès vers la libéralisation des échanges.
Le Canada en est un exemple instructif. Le Canada a récemment
conclu des ententes de libre-échange grandement célébrées
avec l’UE et la Corée du Sud, mais on a fait peu de cas des tarifs
douaniers qu’il a augmentés de trois points de pourcentage en
moyenne visant 72 économies émergentes à croissance rapide
(notamment les quatre grands que constituent la Chine, l’Inde, le
Brésil et la Russie).
Une étude universitaire indique que les pays du G-20 ont adopté,
depuis novembre 2008, 1 500 mesures protectionnistes aussi
Figure 15 : Les obstacles non tarifaires dominent
Propriété
intellectuelle
Dumping
Complexité
réglementaire
Perte de
dynamisme
Contrôle des
capitaux
Source : RBC GMA
6 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 31 • Août 2014
Subventions
TARIFS
Réorientation
vers les
services
Renflouement
Activisme des
gouvernements
Repères économiques
déconcertantes les unes que les autres. Les obstacles non
tarifaires en particulier sont en pleine ascension, selon nous
(figure 15). Ces obstacles comprennent notamment :
ƒƒ
ƒƒ
ƒƒ
La pratique préférentielle d’achats publics : Malgré leur
légalité douteuse, les clauses d’achat de produits nationaux
se sont multipliées dans les initiatives d’approvisionnement
gouvernementales, principalement aux É.-U.
ƒƒ
Les opérations de renflouement : En périodes de crise, les
mesures de sauvetage d’entreprises nationales par les
pouvoirs publics représentent un énorme avantage, alors
que les entreprises étrangères sont susceptibles de devoir
se débrouiller seules.
6
Confirmant la thèse du protectionnisme, McKinsey a
découvert que les flux de capitaux transfrontières avaient
dégringolé en 2012 de 61 % par rapport à leurs niveaux
d’avant la crise. Ce repli découle en grande partie d’un cadre
réglementaire plus strict qui restreint les activités
des banques.
Le dumping : une autre tactique courante en vue de saboter
l’entrée d’une entreprise étrangère sur le marché consiste
à l’accuser de vendre à perte ses produits ; cette tactique
contrevient aux règles de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) contre les tarifs explicites6.
Les subventions : Les subventions publiques accordées
aux entreprises nationales (au moyen de coûts d’emprunt
inférieurs à ceux du marché, de taux d’imposition
préférentiels ou de subventions salariales) représentent
un obstacle de taille à l’entrée de sociétés étrangères et un
puissant avantage pour pénétrer les marchés étrangers.
ƒƒ
Dans les échanges commerciaux, lorsqu’un produit prend
une direction, les capitaux affluent dans l’autre. Il s’ensuit
une autre façon d’évaluer les obstacles au commerce,
qui consiste à examiner les obstacles à la libre circulation
des capitaux.
La propriété intellectuelle : À mesure que se répand
l’économie fondée sur le savoir et que les brevets
deviennent plus détaillés que jamais, les litiges en matière
de propriété intellectuelle se multiplient comme tactique
d’obstruction des entreprises étrangères dans certains
marchés.
ƒƒ
ƒƒ
ENCADRÉ A : LE CONTRÔLE DES CAPITAUX
L’« activisme » des gouvernements : Les gouvernements
semblent particulièrement « occupés » actuellement, ce qui
peut entraver éventuellement les échanges commerciaux.
Certains aspects de cet « activisme » ont trait aux pratiques
préférentielles d’achat et aux mesures de sauvetage
précédemment mentionnées. Un autre exemple est celui de
l’ALENA. Même si cet accord permet en principe aux É.-U.,
au Mexique et au Canada d’accéder librement aux marchés
de l’un ou de l’autre, plusieurs obstacles existent en
réalité. Par exemple, les efforts du Canada pour exporter
plus de pétrole aux É.-U. ont été sans cesse contrecarrés
par les délais entourant la décision relative au pipeline
Keystone XL.
La réorientation vers les services : À mesure que le
monde s’enrichit, la production économique se concentre
davantage sur les services. Il devient alors inopportun
On doit cependant reconnaître que les droits anti-dumping sont par nature
très limités quant à leur application puisqu’ils doivent porter sur une société
spécifique vendant un produit spécifique, alors que les tarifs douaniers peuvent
être appliqués en bloc à l’ensemble d’un secteur ou d’un pays.
Dans les dernières années, il y a eu assurément un
revirement philosophique en faveur d’obstacles à la
circulation des capitaux (en quantité limitée). Même des
institutions auparavant pures idéologiquement, comme
le Fonds monétaire international (FMI), reconnaissent
maintenant qu’il existe des moments où le contrôle des
capitaux peut être justifié pour empêcher une volatilité
excessive des devises et des flux de capitaux.
Depuis l’éclatement de la crise financière, plusieurs pays
ont resserré le contrôle des capitaux, à commencer par
l’Islande en 2008, suivie du Brésil, de la Corée du Sud,
de la Thaïlande, de l’Indonésie et de Chypre. La France
et le Canada1 ont aussi érigé des obstacles sélectifs aux
investissements directs étrangers. Bien sûr, la Chine exerce
depuis longtemps un féroce contrôle des capitaux.
Même dans la mesure où les capitaux peuvent contourner
légalement de tels obstacles, le message est sans
équivoque : les capitaux ne sont pas entièrement les
bienvenus.
1
Sous la forme de règles qui restreignent l’entrée d’entreprises
appartenant à un État dans le secteur pétrolier canadien.
d’ériger des barrières à l’entrée pour de grands secteurs
comme les services bancaires, les télécommunications et le
transport. Ces barrières sont parfois fixées par la loi, mais
peuvent aussi résulter de solides avantages au chapitre de
la réputation, des économies d’échelle, de la complexité du
service et de l’inertie du client.
ƒƒ
Le contrôle des capitaux : Un contrôle serré des
mouvements de capitaux restreint le flux des fonds et
entrave indirectement les échanges commerciaux
(encadré A).
La perte de dynamisme
À ceux qui doutent encore de la montée des obstacles au
commerce, disons simplement que ces derniers tombent moins
rapidement qu’auparavant.
7
D’autres réalisations majeures en matière de politique
seront nécessaires pour stimuler la mondialisation. On peut
certainement penser aux accords commerciaux de moyenne
envergure qui se profilent à l’horizon, mais le rêve d’un libreéchange mondial reste hors de portée : treize ans se sont
écoulés depuis qu’ont commencé les négociations du cycle de
Doha à l’OMC, sans qu’on ait trouvé de solution.
Figure 16 : Ralentissement économique des marchés émergents
10
9
Croissance réelle du PIB
(variation annuelle en %)
Peut-être que les avantages commerciaux attribuables aux
grands succès des dernières décennies – à savoir l’entrée de
la Chine et de l’Union soviétique dans l’économie mondiale, de
même que les accords de libre-échange au sein de l’UE et de
l’Amérique du Nord – sont maintenant entièrement épuisés.
Outre les facteurs cycliques cités, des facteurs structurels,
donc plus persistants, ont également sapé la croissance des
exportations mondiales. Nous en avons relevé quatre : le
ralentissement durable de l’économie des marchés émergents,
une parité concurrentielle accrue, la saturation possible des
marchés étrangers et les effets du rééquilibrage des comptes
courants.
Pourquoi cet argument n’a-t-il pas été pris en compte dans le
commentaire précédent sur une économie mondiale plus faible
que la normale ? Il y a deux raisons à cela :
7
« Is Protectionism On The Rise During The Crisis? » par Kee, Neagu et Nicita.
8 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 31 • Août 2014
4
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Figure 17 : Diminution des échanges commerciaux chinois
70
Exportations
60
Importations
50
40
30
20
10
0
-10
-20
-30
-40
2004
2006
2008
2010
2012
2014
Sources : State Administration of Foreign Exchange, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 18 : Le dernier ralentissement des ME découle
principalement de raisons internes
3
Contribution à l'écart de croissance
du PIB réel (pp)
Ce ralentissement a naturellement eu d’importantes
répercussions sur le commerce. À titre d’exemple, les
importations chinoises ont chuté en raison du repli de la
demande, et les exportations ont également reculé (figure 17).
En fait, la croissance du commerce dans les marchés émergents
a ralenti plus fortement que dans les pays développés (revoir la
figure 8).
5
Sources : FMI, Haver Analytics, RBC GMA
1) Le ralentissement des marchés émergents
La croissance économique des marchés émergents a ralenti de
manière frappante au cours des dernières années (figure 16).
6
2
Échanges de biens en Chine
(variation annuelle en %)
Facteurs structurels
7
3
Dernières réflexions sur le protectionnisme
Selon divers critères, le protectionnisme nuit au commerce.
Le défi consiste à quantifier ce constat. Selon une étude7, le
protectionnisme s’est en effet accru durant la crise financière,
mais il n’explique qu’en partie le repli initial des échanges
commerciaux noté pendant cette période. Certes, le commerce
a partiellement repris depuis, alors que le mouvement
protectionniste semble s’être accentué. Tous ces éléments
laissent croire que le protectionnisme explique une bonne
part de la sous-performance actuelle du commerce. Il compte,
à notre avis, pour près d’un cinquième du repli du commerce
international.
8
2
1
0
-1
-2
-3
-4
Les
facteurs
internes
dominent
Facteurs externes
-5
Facteurs internes
-6
-7
-8
2003
2005
2007
2009
2011
2013
Nota : Moyenne des pays à marché émergent (ME), excluant l’Argentine, la Russie
et le Venezuela. Sources : FMI, RBC GMA
Repères économiques
É.-U.
20
Chine
0
-20
-40
Compétitivité de plus
en plus équitable
-60
-80
-100
-120
-140
-160
La Chine est
devenue plus
compétitive par
rapport aux É.-U.
-180
1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010 2013
Nota : Coût unitaire relatif de la main-d’œuvre exprimé en logarithme népérien,
puis multiplié par 100. Sources : OCDE, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 21 : La part du commerce international de la Chine cadre
avec la taille de son économie
1.8
1.6 1.53 1.52
1.4
1.22
1.2
1.02 1.00 0.98
1.0
0.8
0.85 0.79
0.74
0.68
0.6
0.59
0.4
0.44 0.38
É.-U.
Brésil
Japon
Inde
Turquie
R.-U.
Chine
0.0
Italie
0.2
Indonésie
Aussi les pays ont-ils moins besoin de commercer entre eux
comme c’était le cas auparavant.
40
Canada
L’importance croissante des biens d’équipement comme intrant
(et la libre circulation de ces biens grâce à la mondialisation)
atténue encore plus les avantages et les désavantages
comparatifs entre les nations.
Figure 20 : Le rétrécissement de l’avantage concurrentiel signifie
une diminution des échanges commerciaux
Mexique
Les salaires dans plusieurs économies des marchés émergents,
en Chine en particulier, ont considérablement dépassé les gains
de productivité. Par contre, la plupart des pays développés, y
compris les É.-U., ont limité les hausses salariales même si la
productivité a augmenté. Cette situation a considérablement
réduit l’écart de compétitivité entre les marchés émergents et les
pays développés (figure 20).
Source : RBC GMA
Allemagne
2) La parité concurrentielle
Ralentissement
des échanges
commerciaux
Pologne
Mais attendez... Le ralentissement des marchés émergents
a-t-il compromis la croissance du commerce, ou est-ce le
ralentissement de la croissance du commerce qui s’est répercuté
sur les marchés émergents ? Nous pensons que la causalité est
en partie bidirectionnelle (figure 19) ; nos estimations (étayées
par des tests de causalité statistiques) indiquent que ce serait
l’incidence de la croissance des marchés émergents sur le
commerce qui serait le plus important.
Ralentissement
des ME
Variation du coût unitaire relatif de
la main-d’œuvre depuis 1980
B) Le ralentissement des marchés émergents découle
vraisemblablement de facteurs structurels, alors que
la croissance léthargique des pays développés est
essentiellement cyclique (voir la section intitulée « Facteurs
cycliques »). Il est naturel de voir le taux de croissance
durable des économies émergentes décliner à mesure que
celles-ci s’enrichissent. Dans le même temps, les excès
de crédit dont se sont rendus coupables les marchés
émergents commencent à s’atténuer, mettant fin à une ère
de croissance anormalement rapide. Enfin, comme nous
le verrons dans la section suivante, la compétitivité se
détériore dans plusieurs pays émergents.
Figure 19 : L’œuf ou la poule ?
Ratio part des exportations/part
du PIB
A) Le ralentissement des marchés émergents se distingue
de la croissance léthargique des pays développés. Le
ralentissement noté dans les pays développés a clairement
découlé de la crise financière mondiale ; les économies
émergentes ont, quant à elles, résisté pendant cette période
et n’ont ralenti que récemment. Confirmant en quelque
sorte cette conclusion, le FMI estime, selon ses calculs, que
l’essentiel du ralentissement qu’ont récemment connu les
marchés émergents est attribuable à des facteurs propres
aux économies en développement plutôt qu’aux aléas de
l’économie mondiale (figure 18).
Nota : Le ratio correspond à la part des exportations mondiales d’un pays divisée
par sa part du PIB nominal mondial en 2013. Sources : FMI, Haver Analytics,
RBC GMA
9
Une façon non conventionnelle d’évaluer le dilemme du
commerce consiste à déterminer qui pourrait bien acheter
chaque année toutes les exportations additionnelles. Au cours
de la dernière décennie, la Chine a réussi à enregistrer une
remarquable croissance annuelle de 17 % de ses exportations
nominales. Même en tenant compte de la croissance de la
population mondiale et de l’inflation, il est difficile d’imaginer
qu’un consommateur moyen veuille continuer d’acheter 12 %
de produits chinois supplémentaires chaque année8. Avonsnous atteint un point de saturation qui ramène la croissance
commerciale au rythme de la croissance économique?
La part des exportations mondiales de la Chine égale à présent
presque sa part du PIB mondial. Cela indique qu’une forme
de parité a été atteinte, du moins pour le plus grand pays des
marchés émergents (figure 21).
4) Rééquilibrage du compte courant
Parmi les facteurs structurels, une autre considération peu
orthodoxe a trait au compte courant. Les déséquilibres du
compte courant mondial ont nettement diminué au cours des
dernières années, et les décideurs politiques ont manifesté le
souhait de maintenir cette tendance à l’avenir (figure 22).
On estime que les pays qui affichent de larges excédents du
compte courant sont ceux exportent le plus, et les pays qui
affichent de forts déficits du compte courant sont ceux qui
importent le plus. Certains des excès commerciaux antérieurs
diminuent graduellement, à mesure que se rééquilibrent les
comptes courants.
Perspectives d’avenir du commerce
Tous ces éléments pris en compte, il est possible de répartir les
perspectives entre le court et le moyen terme.
Figure 22 : Rééquilibrage du compte courant mondial
6
Déséquilibre du compte courant
mondial (en % du PIB)
3) Saturation du commerce
5
Diminution du
déséquilibre
après la
crise
financière
Accroissement
du déséquilibre
avant la crise
financière
4
3
2
1
1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010 2013
Nota : Correspond à la somme de la valeur absolue du solde de compte courant
de pays individuels, en pourcentage du PIB mondial. Sources : FMI, Haver
Analytics, RBC GMA
Figure 23 : Les perspectives à court terme des exportations
s’améliorent légèrement
CROISSANCE
PRÉVUE DES
EXPORTATIONS
ÉLAN DES
EXPORTATIONS
COMP. AVEC.
ÉCONOMIE
INTÉRIEURE
É.-U.
Moyen
Nul
Faible
Allemagne
Bon
Bon
Moyen
Chine
Sous la
moyenne
Bon
Moyen
Globalement
Moyen
Bon
Moyen
Nota : Les données proviennent de composantes des exportations et de la
production de l’indice ISM du secteur manufacturier américain, de l’indice IFO de
l’Allemagne et de l’indice des directeurs d’achats (PMI) de la Chine.
Source: Haver Analytics, RBC GAM
Perspectives à court terme
Les perspectives à court terme – pour les six prochains mois –
laissent entrevoir un léger redressement du commerce
(figure 23). Tant les enquêtes sur le commerce que les tendances
réelles plaident en faveur de résultats de moyens à bons pendant
cet horizon temporel. Quelques statistiques sur les activités
portuaires, ferroviaires et de camionnage fournissent les mêmes
perspectives mitigées.
Perspectives à moyen terme
D’après notre analyse, il semble que près de la moitié du
ralentissement du commerce découle de facteurs structurels
et l’autre moitié, de facteurs cycliques (figure 24). Il est donc
8
Le raisonnement est simpliste car les biens échangés ne s’adressent pas
tous aux consommateurs. De plus, comme les chaînes d’approvisionnement
se complexifient, les exportations peuvent croître rapidement même si
l’augmentation de la valeur ajoutée tarde.
10 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 31 • Août 2014
Figure 24 : Raisons du ralentissement du commerce
Raisons
cycliques
50 %
Source : RBC GAM
Persistance
de la crise
financière
30 %
Protectionnisme
20 %
Raisons
structurelles
50 %
Repères économiques
difficile de prévoir que la croissance reviendra pleinement
à sa gloire d’antan, mais elle devrait néanmoins reprendre
partiellement à mesure que se dissiperont les différends
géopolitiques, que s’atténueront les effets de la crise financière
et que tombera le réflexe protectionniste.
Si l’on tient compte du rapport entre la croissance du commerce
et la croissance du PIB, le ratio mondial devrait passer de
son actuel pitoyable chiffre d’environ 1:1 à un niveau peutêtre aussi élevé que 1,5:1. Mais il est fort peu probable qu’il
retourne durablement à sa norme historique de 1,8 à 2,0 fois la
croissance du PIB.
Conséquences
La décélération persistante de la croissance du commerce peut
en fait être vue comme un symptôme du ralentissement de la
mondialisation (mais pas comme un déclin pur et simple de cette
dernière). Cette perspective comporte plusieurs conséquences
économiques (figure 25).
La croissance économique mondiale perdra probablement
plusieurs dixièmes de points de pourcentage en regard de la
lente croissance du commerce, mais on peut difficilement en
évaluer avec précision l’ampleur, vu les compositions à valeur
ajoutée changeantes9 et les problèmes de causalité entre le
commerce et le PIB.
La décélération de l’économie devrait être particulièrement vraie
dans le cas des marchés émergents. Si la relation dominante
va du ralentissement de la croissance des marchés émergents
à celui du ralentissement du commerce, elle est néanmoins
à double sens. Un contexte de ralentissement commercial
est particulièrement pertinent pour les pays émergents
fortement tributaires du commerce. Ceux qui échapperont
au ralentissement sont ceux qui auront réussi à stimuler la
consommation interne.
9
Figure 25 : Le repli dela mondialisation se répercute sur
l’économie
PROBLÈME
INCIDENCE
Croissance du PIB mondial
Légèrement plus lente
Croissance du PIB des ME
Plus lente
Inflation
Légèrement plus élevée
Inégalité
Un peu moindre
Source : RBC GMA
Le recul de la mondialisation signifie également que les
pressions baissières sur l’inflation pourraient s’atténuer,
quoique, il faut le reconnaître, la poussée déflationniste
attribuée à la mondialisation n’a jamais été celle qu’on a
imaginée, en raison des pressions positives que les économies
émergentes exercent sur les prix des marchandises. Les effets de
hausse sur l’inflation devraient donc être assez modérés.
Enfin, on pourrait aussi commencer à noter une baisse des
inégalités. Loin d’être la seule à avoir influé sur cette tendance
(l’automatisation, le recul de la syndicalisation et le taux de
rendement du capital jouent aussi des rôles importants), la
mondialisation a sans aucun doute réprimé les salaires des
pays développés et entraîné le transfert à l’étranger de
nombreux emplois de la classe moyenne. Ces pressions
devraient, en présence d’une plus forte parité compétitive,
s’atténuer quelque peu.
Un des principaux défis dans l’évaluation des effets économiques du
ralentissement de la croissance commerciale est le suivant : dans un scénario
extrême, deux pays peuvent échanger indéfiniment dans les deux sens le même
conteneur de marchandises, faisant augmenter le décompte des échanges, mais
sans aucune incidence sur la production économique.
11
Repères économiques
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