1 Séances 6 & 7- La démocratie contemporaine « De nos jours, la moitié des humains vivent dans des démocraties : « 87 pays sont libres, soit 45% des 194 pays du monde et 43% de la population mondiale : 60 pays sont partiellement libres, soit 31% des pays et 22% de la population ; 47 pays ne sont pas libres, soit 24% des pays et 35% de la population ; 2,5 milliards de personnes vivent encore des dictatures » (Jacques Attali, Demain, qui gouvernera le monde ?, p. 220). 1) La démocratie libérale est, dans sa dernière version, définie par John Rawls : Théorie de la justice (1971) • Position originelle – voile d’ignorance — • Les principes : 1- Le principe de la justice politique [ou de liberté]: chaque personne a un droit égal au système le plus étendu de libertés de bases égales pour tous qui soit compatible avec le même système pour les autres. « Chaque personne doit avoir un droit égal à la liberté fondamentale la plus étendue qui soit compatible avec une liberté identique pour autrui » (TJ, p. 60) 2- Les inégalités sociales et économiques doivent contenir deux fonctions: a) Elles doivent être attachées à l'égalité des chances. On doit pouvoir raisonnablement s'attendre à ce qu'elles soient à l'avantage de chacun. b) Principe de différence : plus grand avantage des membres les plus défavorisés de la société. Ces inégalités doivent être attachées à des positions et à des fonctions ouvertes à tous. « Les inégalités économiques et sociales doivent être établies de telle sorte que a) elles soient au plus grand avantage des plus défavorisés, b) qu'elles soient attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous sous des conditions équitables d'égalité des chances » (TJ, p.83) Tels seraient les deux principes (principe d’égalité, principe de différence) que nous choisirions dès lors que nous décidons de « rechercher une conception de la justice qui empêche d’utiliser les hasards des dons naturels et les contingences sociales comme des atouts dans la poursuite des avantages politiques et sociaux» (TJ, 41). On pourrait le traduire : Liberté, égalité, fraternité (ou solidarité ou redistribution). 2) la démocratie illibérale (asiatisme) C’est une thématique qui apparaît à propos de la Russie, de la Hongrie, à certains égards de la Chine. Régime économique moderne et capitaliste (donc libéralisme économique), mais une forte limitation des libertés publiques et de la société. Le concept a été théorisé par le journaliste américain Fareed Zakaria dans la revue Foreign Affairs (1997) à propos « de régimes démocratiquement élus, souvent réélus ou renforcés par des référendums qui ignorent les limites constitutionnelles de leurs pouvoirs et privent leurs citoyens de droits basiques et de libertés » (« The Rise of Illiberal Democracy », traduction : Fareed Zakaria, « De la démocratie illibérale », Le Débat 1998/2 (n° 99), p. 17-26.Voir aussi L'avenir de la liberté : La démocratie illibérale aux ÉtatsUnis et dans le Monde [« The Future of Freedom: Illiberal Democracy at Home and Abroad »], Odile Jacob, 2003). Il est également développé et soutenu par un politologue canadien, Daniel A. Bell, Beyond Liberal Democraty. Political Thinking for an East Asian Context, Princeton, Princeton University Press, 2006. Voir aussi « Political Meritocracy Is a Good Thing : the Case of China » in The Huffington Post, 21 août 2012. http://www.huffingtonpost.com/daniel-a-bell/lee-kuan-yew-singapore-meritocracy_b_6923672.html a) Première remarque : ce n’est pas une nouveauté. Il y a un type de démocratie plébiscitaire, antiparlementaire, antilibérale, associant l’autorité et le fondement populaire qui constitue une forme de démocratie. b) Mais ce type de régime, très XIXe, a connu avec la mondialisation une adaptation d’un genre très particulier. L’asiatisme — Il faut ici évoquer un théoricien tout à fait passionnant : Lee Kuan Yew (mort en 2015), premier ministre, puis Président de Singapour (de 1959 à 1990) et fondateur d’une doctrine appelée l’asiatisme ou « doctrine Lee » (The Singapore Story, 1965-2000 : From Third World to First, Harper and Collins, 2000 ; trad. fr.). Le livre blanc publié à Singapour en 1991 résume les 5 principes fondamentaux : - La nation avant la communauté et la société avant l’individu - La famille comme unité de base de la société 2 - La considération pour l’individu et le soutien que lui apporte la communauté - Le consensus plutôt que les querelles - L’harmonie raciale et religieuse (multiculturalisme) « Tout le monde a un dossier dès l’école primaire, qui comprend non seulement les résultats scolaires, mais aussi des évaluations faites par les instituteurs du caractère, du comportement, des valeurs et des attitudes de l’élève. A chaque étape de sa vie et de sa carrière sont consignés les jugements de ses collègues et de ses supérieurs. Quel que soit le niveau de promotion, les candidats les plus aptes sont jaugés avant d’être engagés. Les échelons supérieurs de la pyramide sont occupés par une élite de cinq à dix mille personnes sélectionnés et soigneusement notées par le département organisation du PC et non par le gouvernement. Pour s’assurer que la notation est bonne, des équipes d’inspecteurs font la tournée des provinces et des villes pour juger de la valeur de ceux qui distribuent les notes et s’entretenir avec les cadres avant de leur accorder une promotion. En cas de désaccord, la question est réexaminée à Pékin. Le processus de sélection est approfondi, rigoureux et complet » (Mémoires de Lee Kuan Yew, T. II) « Pour maintenir la cohésion sociale, nous avons protégé les 20 à 25% les plus faibles et les moins performants de la dure compétition du marché … nous avons soutenu les plus bas revenus avec des revenus supplémentaires … tout cela vise à une société juste et équitable » (LKY, The Grand Master’s Insight on China, the US, and the World) « Le communisme a échoué. L’Etat-providence des démocraties occidentales a également échoué » (LKY, The Grand Master’s Insight on China, the US, and the World). Cf. Raj Kumar Vasil (politologue singapourien), cité par A. Renaut, p. 139, Un monde juste est-il possible ? : « De toute évidence la démocratie, c’est-à-dire ses concepts et ses pratiques fondés dans les traditions occidentales, doit être modifiée pour satisfaire à nos exigences de croissance et d’expansion économiques rapides. Nous l’avons déjà fait dans certains domaines. Nous contrôlons les syndicats et nous exerçons une influence considérable sur les médias. Nous les forçons à travailler avec le gouvernement. Ils doivent travailler dans l’intérêt de la nation — c’est là un point qu’il est de notre responsabilité d’assurer. Nous contrôlons aussi l’éducation et les institutions éducatives afin d’être sûrs qu’elles œuvrent dans l’intérêt de la nation. La démocratie est seulement un moyen, et non pas une fin. C’est là un système de gouvernement qui assure que prévalent l’intérêt national et le bien commun. SI la démocratie et ses institutions, à un moment ou à un autre, apparaissent comme nuisant à la nation et au bien commun, il faut les modifier » (Govering Singapore : Democracy and National Development, Singapor, Allen & Unwin, 1984, p. 73) Ce modèle aura une influence décisive sur la Chine, puisqu’il sera explicitement imité par Deng Xiaoping — L’indonésie de Suharto. Cette critique de la démocratie, portée par la puissance chinoise, ne peut plus être considérée comme anecdotique. La critique d’Amarty SEN (Prix Nobel 1998) : Amartya Sen, development as freedom — (1999, trad. Fr Un nouveau modèle de développement économique. Développement, justice, liberté, 2003, Odile Jacob ; voir p. 304 : La critique culturelle et les valeurs asiatiques). Voir aussi les deux conférences, La démocratie des autres, Rivages, 2006. • L’occident fut tout aussi traditionnel et on trouve en occident aussi la défense de l’autoritarisme (par exemple dans certaines versions utilitaristes, où les conséquences priment les principes) : il est donc erroné de considérer que le confucianisme est le fondement de l’illibéralisme. Personne n’aurait parié sur la démocratie au Moyen Age ni au XVIIe. • L’objection selon laquelle la démocratie, parce que née en Occident, serait occidentale est nulle : cela signifierait que l’algèbre qui est née dans la culture arabo-musulmane au IXe siècle ne vaut que dans ce contexte. D’ailleurs on trouve dans les autres cultures, les germes non développés de l’idée démocratique qui n’appartient pas à l’essence de l’Occident. Sen s’attache à identifier des sources démocratiques dans la culture indienne. • « La démocratie n’est pas un luxe qui peut attendre l’arrivée de la prospérité pour tous » « Tout au long du XIXe siècle, les théoriciens trouvèrent tout à fait naturel de débattre de la question de savoir si tel ou tel pays était « mûr » pour la démocratie. [La question est mal posée] : un pays ne doit pas être déclaré mûr pour la démocratie, mais il doit plutôt parvenir à la maturité par la démocratie ». • L’Inde, Etat multiculturel, multiracial, multireligieux, non occidental, sous-développé, en situation de crise profonde au moment de l’indépendance offre l’image d’une démocratie qui a réussi. L’illibéralisme européen : Viktor Orban — 3) la critique fondamentaliste (islamisme) 3 Qu’est-ce que le Fondamentalisme ? Le totalitarisme est une maladie moderne intra-européenne. Le fondamentalisme, s’il émerge en Occident, se développe avec toute sa puissance dans l’espace non occidental. Celui qui subit de plein fouet les destructions causées par la modernité ; et ce, avec une ampleur et une rapidité, sans commune mesure avec l’histoire européenne. Le terme de fondamentalisme apparaît dans le contexte du protestantisme américain du début du XXe siècle. Il aspire à replacer la religion au fondement de la société dans son ensemble. Pour ce faire, il conteste l’arme de la modernisation qui semble la plus incontestable : la science. C’est en effet celle qui est la plus massivement destructrice, puisqu’une fois qu’on y entre, elle oblige à renier la tradition, la création, la hiérarchie, la communauté … bref, l’ensemble de la société religieuse. Le mouvement « créationniste » américain trouve ses racines dans ce mouvement anti-scientifique. Mais cette contestation de la vision scientifique du monde n’empêche nullement d’user de tous ses produits dérivés pour favoriser le projet d’un retour à la tradition encore plus pure et plus originelle que celle des églises officielles. Tel est la contradiction essentielle du fondamentalisme : il rejette la tradition qu’il prétend accomplir (en quête d’une religion plus pure) ; et il adopte la modernité qu’il entend abolir (utilisation des armes modernes). Les « infidèles » sont à la fois les modernes occidentaux et les musulmans modérés (déjà trop contaminés par la modernité). Où l’on retrouve la structure : hypertraditionalisme et ultramodernisme propre au totalitarisme. Mais l’esprit fondamentaliste se distingue de l’esprit totalitaire par son refus de la vision scientifique au profit de la religion. Alors que le totalitarisme tentait de rendre religieuse la politique ; le fondamentalisme (re)politise la religion : il transforme la religion en idéologie. Le fondamentalisme islamique : la théo-démocratie contre la démocratie Naissance C’est chez le penseur pakistanais Mawdudi (1903-1979), créateur de Jamaat-e-Islami1, que l’on trouve les fondements du fondamentalisme musulman. Le contexte est celui des années 1930 et des luttes de décolonisation de l’empire des Indes. Face aux Britanniques, Mawdudi ne se contente pas de revendiquer la création d’un « Etat des musulmans », mais il appelle un « Etat islamique », formule dont il semble être l’inventeur. On trouve chez lui trois redéfinitions qui constituent les piliers du fondamentalisme : redéfinition de la religion, de la souveraineté et du djihad. 1) Pour Mawdudi, « l’Islam n’est pas une religion dans le sens communément admis de ce mot. C’est un système comprenant tous les aspects de la vie ». La charia qui en constitue le cœur embrasse l’organisation collective dans son ensemble. Elle définit aussi bien « les relations familiales, les affaires sociales et économiques, l’administration, les droits et les devoirs des citoyens, le système judiciaire, les lois de la guerre et de la paix et les relations internationales ». Bref, elle détermine un ordre social « où rien n’est superflu et où rien ne manque ». 2) En matière politique, Mawdudi prône une « théodémocratie », récusant la version occidentale de la démocratie qui transfère indûment la souveraineté qui n’appartient qu’à Dieu au peuple, mais reconnaissant à ce dernier le choix de ses dirigeants. 3) Il théorise le djihad dans une perspective radicalement universaliste, dont l’horizon est le califat conçu comme Etat islamique mondial — « L’islam revendique toute la terre et non une petite partie ». Ces trois idées feront leur chemin tant chez les Frères musulmans d’Egypte qu’au sein du clergé de l’Iran chiite. J’ajoute un point biographique : né en Inde, Mawdudi meurt aux Etats-Unis en 1979 dans l’Etat de New York. Il était venu y soigner une maladie rénale près de son fils médecin … L’Occident est honni mais certains de ses progrès sont appréciés ! Ce premier germe du fondamentalisme musulman, suivi de quelques autres, reste assez marginal jusque dans les années 1970. Dans le monde arabe, la révolte contre les impérialismes prend jusqu’alors une forme socialiste et non encore islamiste. Le « socialisme arabe », celui par exemple du parti Baas, d’Irak et de Syrie, est laïc, scientifique, révolutionnaire, progressiste. Il utilise, pour aller vite, le langage « totalitaire » européen sans adopter encore sa voie propre. 1 En 1941. Mouvement qui a la même structure que l’organisation des Frères musulmans mais beaucoup plus élitiste. Le mouvement des Frères musulmans est fondé en 1928 par Hassan al Banna (1906-1949), un instituteur égyptien. Ce mouvement insiste sur l’action sociale avant même le strict respect de la loi islamique. 4 Conditions de diffusion Ce sont trois facteurs principaux qui vont contribuer à la montée en puissance du fondamentalisme musulman. a) Il y a d’abord un profond sentiment d’humiliation. Alors que l’Islam se considère comme « le dernier mot » de Dieu, comme le monothéisme ultime, donc « le plus vrai », comme le « sceau de la prophétie », elle se voit géopolitiquement soumise, historiquement dominée, spirituellement défaite. Cette anomalie produit un ressentiment puissant, source d’une énergie à utiliser. b) D’autant que l’Islam a toujours l’esprit l’épopée de sa fondation et de sa diffusion extraordinairement rapide. Cet « esprit de conquête », héritée des origines, donne à son universalisme (trait obligé de tout monothéisme, puisqu’un seul Dieu règne) sa dimension spécifique. En dépit de la division et de la soumission accidentelles, l’empire unifié reste l’horizon. c) Cette perspective est nourrie par un troisième trait caractéristique : la surenchère littéraliste. Sans doute, toutes les religions du livre sont-elles confrontées au mystère du message divin mis en mot. Mais, alors que le judaïsme et le christianisme intègrent le moment herméneutique comme un moment nécessaire de leur doctrine : pour eux, si l’esprit est divin, les mots sont humains, et ces humains sont plus ou moins inspirés (tables de la loi, prophètes, témoins évangélistes) ; l’islam tend à délégitimer toute espèce d’interprétation au nom d’une lettre elle-même considéré comme de part en part divine. C’est Dieu lui-même qui a dicté son message à un prophète jusqu’alors analphabète. Une telle lecture, qui méconnaît tout ce qu’on sait de l’établissement laborieux et tardif du texte coranique et toutes les querelles internes à l’Islam, conduit à ce qu’on pourrait appeler une « ontologie textuelle », soit l’idée que seul le Coran est réel ; que le Coran est plus réel que le réel. Le salafisme, héritier du wahabisme, représente une telle dérive littéraliste. En un premier sens, il peut être tout à fait inoffensif et déboucher sur une pratique religieuse focalisée sur la lecture du Coran et l’observance stricte de ses commandements (puisque le texte est la seule réalité qui vaille) ; mais, en un second sens (takfirisme2), il peut aussi se scandaliser de voir que la réalité colle si peu au texte et en conclure qu’il convient de la forcer à changer ! La démarche est là beaucoup moins inoffensive, on s’en doute. Mais ce qui importe c’est que rien dans la première tendance ne peut venir freiner la seconde. Ce pourquoi, d’ailleurs, les salafistes quiétistes se contentent aujourd’hui, face aux attentats et aux crimes, de dire « c’est pas nous ! » sans trouver aucune bonne raison d’affronter ces autres « eux-mêmes » devenus activistes. Sentiment d’humiliation, esprit de conquête, rigorisme littéraliste : ces trois ferments vont arriver à maturation au moment même où l’idéologie totalitaire épuise ses derniers feux. 1979 L’année 1979 apparaît comme le basculement spectaculaire de l’esprit totalitaire vers l’esprit fondamentaliste dans un contexte de triomphe de la modernité. 1979, c’est la révolution islamique d’Iran qui installe pour la première fois le fondamentalisme musulman au pouvoir. Cela se passe dans l’espace chiite qui, du fait de son clergé, facilite les prises d’autorité. Mais cela se passe aussi dans l’univers persan, au nom d’une identité nationale qui soutient très efficacement la « révolution conservatrice ». 1979, c’est aussi la sortie de la Chine de l’ère maoiste. Den Xiaoping reconnaît que le marxisme-léninisme ne marche pas pour conduire un pays sur le chemin du progrès : le capitalisme est plus efficace. 1979, c’est enfin l’invasion soviétique de l’Afghanistan et la montée en puissance de la résistance (soutenue par les Américains) au nom de l’Islam sunnite à l’impérialisme devenu soviétique. Elle marque l’invention du djihadisme contemporain. Ces trois événements révèlent a posteriori un passage de témoin. Dans un contexte où la démocratie libérale et capitaliste se fait de plus en plus triomphante (mondialisation marchande) se dessine discrètement la montée en puissance d’une nouvelle forme redoutable de contestation de la modernité et de l’Occident. Sans doute, ne faut-il pas trop exagérer. L’exemple iranien montre que si la révolution est belle, elle ne produit pas toujours les effets souhaités. Aujourd’hui 36 ans après l’instauration de la république d’Iran, force est de constater qu’il n’y a pas eu de restauration d’une société religieuse au sens strict du terme. Bien au contraire, contre l’intention de ses chefs, l’Iran est entré dans la modernité et va y entrer toujours plus rapidement. La révolution conservatrice alimente la destruction créatrice … Mais si l’on peut être raisonnablement optimiste sur l’Iran, il n’en va pas de même pour l’islam sunnite. 2 Saïd Qotb (1906-1966), instituteur égyptien, en est considéré comme le père fondateur. Militant des Frères musulmans, il théorise l’obligation du djihad armé contre les pouvoirs installés (chrétiens ou musulmans). Il s’inspire d’un théologien, Ibn Taymiya (1263-1328) qui, dans le contexte des croisades, avait appelé à la guerre sainte contre les Mongols, pourtant convertis à l’Islam, parce qu’ils s’écartaient des principes stricts. non-musulmans. Cette idéologie se retrouve aussi bien dans le Front Al-Nosra (la branche d’Al-Qaida à travers son canal 19HH) ou chez l’EI. 5 La seconde guerre du Golfe La seconde guerre du golfe (2003) fait éclater l’équilibre de la terreur que Saddam Hussein faisait régner dans son propre pays entre les ethnies (musulmans-kurdes), entre les islams (sunnites-chiites), entre les tribus. L’effondrement du pouvoir sunnite face à l’esprit de revanche chiite entraîne des alliances qui semblent contre-nature : les anciens dignitaires du parti Baas (résurrection arabe et socialiste), spécialistes du terrorisme d’Etat s’allient avec les terroristes anarchistes de la branche irakienne d’Al Qaïda, fondée par le jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui. En vérité, rien n’est moins surprenant : l’esprit totalitaire et l’esprit fondamentaliste, animé par la même haine fascinée de la modernité, se retrouve sur l’essentiel : leurs ennemis et leur contradiction matricielle. Le cocktail est d’une efficacité redoutable : en 2005, le Syrien Al-Souri, en rupture de ban avec Al-Qaïda, fait paraître en ligne Appel à la résistance islamique mondiale ; le 13 octobre 2006, l’union de plusieurs groupes djihadistes annonce la création de l’Etat islamique d’Irak (EII) ; le 29 juin 2014, dans la foulée de prise de Mossoul en Irak : Abou Bakr Al-Baghdadi s’autoproclame chef de l’Etat Islamique en Iral et au Levant (EIIL) en se référant aux califat ottoman (1517-1924), abbasside (750-1258) et ommeyade (661-750). Les 5 peuples de la démocratie (présentation PPT)