Guy CAUQUIL Président du RFE, Réseau Francophone d’Evaluation Professeur retraité de Management Public - Sciences Po Bordeaux Redonner place aux valeurs dans les processus et les critères d'évaluation Présentation au Congrès SCE Montréal - 26 mai 2015 [email protected] Guy CAUQUIL Redonner place aux valeurs dans les processus et les critères d'évaluation introduction : EVALUER c’est (notamment ) APPRECIER la VALEUR 1 – Qu’est-ce qui se cache derrière LA VALEUR ? 2 – EVALUER, en fonction de quelles VALEURS ? 3- La VALEUR de l’Evaluation [email protected] introduction : EVALUER =? = APPRECIER LA VALEUR = MESURER ou VERIFIER = pour CHOISIR, pour COMPRENDRE = pour PILOTER et FAIRE EVOLUER [email protected] -1QU’EST-CE QUE QUI SE CACHE derrière LA VALEUR ? • les deux versants de la valeur économique • les deux approches de la valeur managériale • qu’en-est-il de la valeur sociétale ? [email protected] les deux versants de la VALEUR ECONOMIQUE MARCHANDE Une approche fonctionnaliste, rationnelle, quasi-mécanique • • La Valeur est basée sur l’utilité et la rareté objective des objets La Valeur est régulée par les prix et le rapport offre/demande • en conséquence, il s’agit d’ une VALEUR en SOI, supposée OBJECTIVE, qui accorde une pré-éminence aux objets sur les sujets (Cf. les néo-classiques : Ricardo, Smith, Léon Walras ,etc.) Une approche intéractive, relationnelle, sociologique de la valeur • Valeur basée sur la comparaison, le mimétisme et la rivalité • Valeur régulée par la surenchère de la course au prestige qui est procuré par la possession des objets • en conséquence, une VALEUR INSTABLE, en permanente négociation entre des acteurs avides de reconnaissance • (Cf. les “modernes” : Simmels, Valrens, Durkeim, Mauss, Bourdieu,..)…) [email protected] Les deux modèles de VALEUR ECONOMIQUE font référence à des Valeurs implicites la valeur marchande définie par l’économie néoclassique n’est ni “neutre” ni “juste” contrairement aux présupposés d’objectivité rationnelle (ce qui est déjà une Valeur) affichée par ses promoteurs, • Elle renvoie à des Valeurs implicites (concurrence, utilité , rareté,..) • Le rapport aux objets y est déterminant et fait l’impasse sur les relations entre sujets dans la détermination de la valeur • Elle présuppose une vision verticale et hiérachique d’une société régulée sans conflits de pouvoir la valeur marchande définie par l’économie “moderne” considère la valeur comme résultant d’intéractions entre sujets et d’un processus social : • Celui-ci met en avant d’autres “Valeurs” telles que le mimétisme et la rivalité, mais aussi les affects et les représentations sociales • La course au prestige et à la reconnaissance sociale fondent cette seconde définition de la valeur économique les deux approches actuelles de la VALEUR MANAGERIALE en Action Publique Une approche “New Public Management” • Visant l’efficacité et l’efficience de l’action publique • S’inspirant des méthodes managériales de l’entreprise (souplesse, qualité, réactivité, responsabilité,..) • Qui a produit davantage d’efficacité opérationnelle et de performance budgétaire, mais qui a souvent perdu de vue le sens et l’intérêt général Une approche managériale fondée sur la Valeur Publique • Qui insiste sur le SENS et sur les finalités de l’action publique • La valeur publique est une notion dynamique et contractuelle • Son management suppose une délibération collective entre des porteurs d’intérêts diversifiés Les deux modèles de VALEUR MANAGERIALE publique font référence à des Valeurs implicites la valeur marchande définie par l’économie néoclassique n’est ni “neutre” ni “juste” contrairement aux présupposés d’objectivité rationnelle (ce qui est déjà une Valeur) affichée par ses promoteurs, • Elle renvoie à des Valeurs implicites (concurrence, utilité , rareté,..) • Le rapport aux objets y est déterminant et fait l’impasse sur les relations entre sujets dans la détermination de la valeur • Elle présuppose une vision verticale et hiérachique d’une société régulée sans conflits de pouvoir la valeur marchande définie par l’économie “moderne” considère la valeur comme résultant d’intéractions entre sujets et d’un processus social : • Celui-ci met en avant d’autres “Valeurs” telles que le mimétisme et la rivalité, mais aussi les affects et les représentations sociales • La course au prestige et à la reconnaissance sociale fondent cette seconde définition de la valeur économique Qu’en est-il de la VALEUR SOCIETALE Les approches économiste et managériale de la valeur font peu de place à l’intérêt général • La valeur économique néo-classique fait du marché la référence ultime • La valeur économique moderne fait une grande place aux représentations imaginaires et symboliques inter-individuelles • Or l’intérêt général n’est pas réellement pris en considération dans ces deux cas La Valeur “utilité sociale”, méta-critère d’évaluation publique ? • Une Valeur basée sur l’intérêt général , qui dépasse la notion de prix, de coût ou d’intérêts individuels ou colectifs • Une valeur qui prends en compte la spécificité culturelle et territoriale de l’action publique • une VALEUR contingente, résultante concertation pluraliste [email protected] 2 En fonction de quelles VALEURS … EVALUER ? • Quels types de Valeurs apprécier ? • Valeurs et critères d’évaluation • Evaluer en fonction de la Valeur Economique • Evaluer en fonction de la Valeur Managériale • Evaluer en fonction de la Valeur Sociétale [email protected] EVALUER = APPRECIER la VALEUR (laquelle ?) DIVERS TYPES de “VALEUR” évaluables Valeur Éthique, Politique (= égalité, équité, développement soutenable,.) Valeur Economique (= plus-value, rareté, utilité, prestige, ...), Valeur Sociétale (= utilité sociale, bien-être, intérêt général,..) Valeur Managériale (= efficacité, qualité, performance, efficience,..) Valeur Subjective= Satisfaction …des attentes, des intérêts …. (de qui ?) [email protected] Les critères d’évaluation se réfèrent eux-aussi à des Valeurs de Performance ou des Valeurs Socio-Politiques la pertinence la cohérence Valeurs de Performance managériale = le Quoi , = le Combien = le Comment Evaluateurs Techniciens l’effectivité la conformité l’efficacité la faisabilité l’efficience l’attractivité [email protected] Valeurs stratégiques et «politiques» = le Pourquoi de l’action publique Elus, Citoyens Experts Elus Citoyens Usagers Valeurs « sociétales » = le Pour Qui de l’action publique Les Valeurs de référence pour l’Evaluation fondée sur l’appréciation de la Valeur économique Lorsque l’évaluation se réfère implicitement à la Valeur néo-classique: • L’objectivation de la chaîne causale constitue le credo de ces évaluations; le recours à la théorie du changement comme cadre de référence en est un exemple • Ces évaluations ont recours aux chiffres afin d’objectiver la valeur; la mesure en constitue un concept-clef. • La finalité de l’évaluation s’inscrit dans la logique rationelle du “faire la preuve de” …(l’efficacité, l’efficience, etc..) L’approche intersubjective et sociologique…de la Valeur • Induit des questionnements évaluatifs accordant plus de place aux représentations sociales et aux questions du sens et de la pertinence de l’action publique • L’appréciation de la valeur d’une politique suppose un débat contradictoire entre des acteurs porteurs d’intérêts et de visions différentes • L’évaluation s’inscrit dans une visée de compréhension et de changement [email protected] Les Valeurs de référence pour l’Evaluation fondée sur la Valeur Managériale L’évaluation référée au “New Public Management” • Fait de la “théorie du changement” (arbre des objectifs, diagramme logique d’impact, etc. ..) le cadre de référence rationnel de l’évaluation • Les méthodes de planification stratégique et de management de la qualité totale inspirent les démarches d’évaluation (analyse et traitement de problèles par exemple) • La mesure de la Performance et l’amélioration opérationnelle de l’action publique sont des concepts-clef de ce type d’évaluation; • MAIS la complexité est difficile à prendre en compte dans cette logique causale L’approche évaluative fondée sur la Valeur Publique : • les finalités (POURQUOI cette politique publique) constituent le cadre de référence premier de ce type d’évaluation; l’efficacité opérationnelle passe après les Valeurs • Les citoyens ne sont pas que des usagers et sont associés à ces démarches évaluatives (A QUI profite cette politique publique, dont ils sont destinataires) [email protected] Comment évaluer l’utilité sociale L’appréciation de l’utilité sociale • Accorde une place de premier plan aux finalités reconnues par les acteurs (à quelles Valeurs doit obéir cette action publique) • Cette appréciation ne peut résulter que d’une confrontation des valeurs de référence et des représentations sociales des diverses parties prenantes de l’action publique considérée • Elle résulte aussi de l’appréciation collective des impacts de l’action publique considérée (quelle est la plus-value sociale constatée ? A qui a-t-elle ou non profité ?,..) • L’appréciation de l’utilité sociale ne peut être que conjoncturelle : il n’y a pas d’utilité sociale consubtantielle, valable pour tous et partout (sinon il s’agit d’intérêt général) [email protected] -3LA VALEUR de l’EVALUATION • Pourquoi Evaluer les politiques publiques ? • Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’évaluation des politiques publiques • Les conditions d’une évaluation pour un monde meilleur [email protected] Pourquoi évaluer les politiques publiques Les finalités d’une évaluation renvoient à des Valeurs implicites. Par exemple, en France, l’institutionnalisation de l’évaluation des politiques publiques en France par le Premier Ministre Rocard (en 1989) visait à : • moderniser l'intervention publique (valeur managériale) • instituer un débat public sur les choix politiques (valeur démocratique) cf. rapport public de Patrick VIVERET au Premier Ministre(1988) De même, au niveau international, l’UNICEF promeut depuis quelques années des évaluation basées sur l’équité (valeur éthique) : L’évaluation est donc un acte politique et pas seulement technique [email protected] L’évaluation des politiques publiques est aujourd’hui menacée Par les modèles managériaux qui ont infiltré l’action publique : • La focalisation sur sa seule performance managériale et économique • Elle-même renforcée par la baisse des ressources publiques • Le poids exagéré accordé à une rationalité du chiffre et de la preuve • La perte de vue du SENS de l’action publique • L’incapacité à prendre en compte la complexité de l’action publique Par une vision de l’évaluation trop technique et pas assez politique • Qui fait de l’évaluation une procédure avant tout méthodologique qui gomme souvent la dimension sociétale et politique des politiques publiques • Qui ne prend pas suffisamment en compte l’avis des citoyens. [email protected] L’évaluation des politiques publiques pourra donc contribuer à un monde meilleur si…. Les évaluateurs adhèrent à une éthique qui les amène à expliciter leurs propres Valeurs,…qu’ils privilégient de fait dans leurs choix méthodologiques L’on prend acte des limites des méthodes d’analyse uniquement rationnelles ou quantitative pour faire droit à une lecture plus contrastée et dynamique de la réalité sociale et politique L’on n’oublie pas que l’appréciation de la valeur est aussi l’expression d’un rapport de forces entre toutes les parties concernées, ceci à travers l’imposition de normes ou de représentations sociales attractives, toujours au bénéfice des mieux positionnés. L’on convient que l’appréciation de la valeur d’une politique publique ne peut résulter que d’un processus de débat collectif et contradictoire; ce qui est le fondement même du processus démocratique. [email protected]