M R V H EC U B O B O T NGEANV CI DOSSIER NOTE D’INTENTION E Oeuvre Hécube Euripide Troupe Allez Bacchantes! O RT V MNGEAN C O B HE CU B Résumé V I E (RE)découvrir aujourd’hui Hécube, une tragédie grecque Troie est détruite. La flotte grecque vient de prendre le chemin du retour: elle a traversé la zone des détroits et est arrêtée en Chersonèse de Thrace, une péninsule face à la plaine de Troie, lieu de transition avant l’arrivée en Grèce. À son bord, les femmes troyennes réduites en esclavage, dont Hécube, leur reine déchue. Euripide est l’un des trois grands poètes tragiques du Ve siècle avant J.-C. On monte Eschyle, on monte Sophocle sur la scène contemporaine, mais finalement, assez peu Euripide, alors que paradoxalement, il est à maints égards, celui des trois qui est le plus proche de nous. À la base du projet, il y a d’abord le désir de faire résonner sa voix et de toucher, par elle, le spectateur d’aujourd’hui : c’est une invitation au voyage, à un voyage dans le temps, à Troie, il y a trois mille ans, sans le bagage d’une quelconque culture, pour retrouver là-bas, peut-être, ce qui est au plus profond de soi-même. Pour ce faire, une nouvelle traduction, sans surcharge interprétative, à l’écoute à la fois de la respiration du texte grec et du plateau : que le texte puisse être dit, qu’il puisse être entendu! Pourquoi maintenant Hécube ? Car elle représente le drame de la guerre vécu du point de vue des femmes et des enfants. On ne laisse pas, à chaque lecture, de découvrir une des multiples dimensions politiques de cette pièce dont le spectacle se fera la chambre d’échos. Ici, on dira celle qui, pour nous, l’emporte sur toutes les autres. Si, dans le monde crépusculaire d’Hécube, ce qui frappe, au premier abord, c’est la présence oppressante de la violence et de la mort, on découvre, peu à peu, que ce qu’Hécube donne à voir et à entendre, en fait, c’est la vie, l’élan vital souvent - pour ne pas dire toujours - réprimé au fond de nous, et qu’une situation extrême réactive, nous poussant à agir envers et contre tout. Le choix délibéré de Polyxène de se sacrifier pour Achille n’est pas choix de mort mais choix de vie vraie car la vie d’esclave qui l’attend en Grèce n’en est pas une. L’aveuglement par Hécube de Polymestor et le meurtre de ses enfants, c’est, face au scandale de la mort du dernier représentant de la lignée, la vie qui explose, par-delà bien et mal, après avoir été tant étouffée par la guerre et les hommes. Et les Troyennes se joignent à elle pour accomplir l’acte : toutes les Troyennes du chœur sont Hécube et Polyxène. Ce n’est pas un hasard que les femmes soient au premier plan dans Hécube, comme dans toutes les pièces d’Euripide… Ici, dans cet espace de passage qu’est la Chersonèse de Thrace, des femmes troyennes définitivement arrachées à leur terre sans être encore attachées à la Grèce, jaillit la vie à l’état brut, ce qu’il reste quand on a tout perdu; cette vie que le monde moderne s’acharne silencieusement à éradiquer, sous des formes d’oppressions diverses dont on a peine à s’avouer le vrai nom. Un spectre ouvre le drame: celui de Polydore, le plus jeune fils d’Hécube, confié avec ses richesses à l’ami de famille thrace, Polymestor, pendant la guerre, pour qu’il le protège. Polydore a été assassiné par Polymestor à la chute de Troie: c’est ce qu’il nous révèle d’abord, puis il dévoile la double épreuve qui attend aujourd’hui Hécube sur la scène tragique: la perte de la plus jeune de ses filles, Polyxène, condamnée par les Grecs au sacrifice pour honorer la tombe d’Achille et la découverte du cadavre du plus jeune de ses fils sur les rives de Chersonèse. Silence, cependant, dans les paroles du spectre sur la renaissance sacrée de l’héroïne qui s’ensuit et s’enracine comme dans son anéantissement: contre toute attente, la vieille reine Hécube concevra un plan de vengeance terrible contre Polymestor qu’elle accomplira, aidée des Troyennes... # NOTE D’INTENTION 2 O RT V MNGEAN C O B HE CU B V I E Créer un spectacle total La troupe “Allez Bacchantes!” La singularité de la tragédie grecque réside dans la présence d’un chœur, présence fondamentale et personnage à part entière de la pièce. Chaque tragédie est ainsi un spectacle total qui mêle des parties musicales, chantées et dansées par le chœur à des parties récitées par les acteurs. La représentation du chœur antique sur la scène contemporaine constitue la difficulté fondamentale rencontrée par toutes les mises en scène. C’est là un constat tant des praticiens que des théoriciens et critiques de théâtre. Le chœur, généralement réduit à la portion congrue (un acteur jouant le rôle du coryphée) s’avère plus souvent une source d’embarras que d’énergie pour la pièce. Face à cette réalité, nous avons tenté de relever le défi et nous choisissons, au contraire, de mettre le chœur au centre de notre projet, en associant le texte à la musique et à un travail sur le langage du corps. L’ardeur et la folie de notre jeunesse nous permettent de monter un véritable chœur de près de quinze membres, mis en voix, en espace et porté par des musiciens présents en scène, eux-mêmes choreutes, qui, au fil des répétitions, composent les atmosphères de chaque chant. On le répète à l’envi, mais dans une société tant marquée par l’individualisme, cette présence collective sur la scène doit interpeller. Qu’est-ce qui fait un chœur, sinon de respirer ensemble? Créer cette respiration commune, c’est là, selon nous, le secret du chœur; une respiration qui sera d’autant plus vibrante qu’elle unira non seulement des acteurs aux caractères, aux origines et horizons différents, mais encore un public tout aussi pluriel. De fait, dans la pensée du spectacle, le chœur a cette place centrale qui permet au spectateur d’entrer dans l’histoire : il est le médium qui implique toutes et tous dans le drame. La dimension chorale n’est pas qu’une manière d’aborder la pièce d’Euripide: c’est aussi la manière avec laquelle nous travaillons. Nous sommes une vingtaine d’étudiant(e)s ou anciens étudiant(e)s, et, pour un certain nombre, également élèves de plusieurs conservatoires d’art dramatique, à nous impliquer dans ce projet, dans un réel esprit de groupe et de collaboration. Sous la direction de Laure Petit, helléniste à la charnière de la littérature grecque et des études théâtrales et praticienne de théâtre, nous contribuons, chacun, à partir de notre propre regard à la création progressive de la pièce. Comédien(nes), musicien(es), danseur(euses), chanteur(euses), scénographes, étudiant(e)s en lettres, histoire de l’art, cinéma..., tou(te)s mu(e)s par l’objectif de donner le meilleur de nous-mêmes, nous mettons en commun nos multiples compétences. # NOTE D’INTENTION L’association “Allez Bacchantes!” a été fondée en septembre 2010 pour mener à bien, au mieux, le projet de mise en scène des Bacchantes d’Euripide, mais aussi pour nous ouvrir les portes de réalisations futures: ainsi, Hécube. C’est, en effet, sur le long terme que nous souhaitons œuvrer, à notre manière, pour les arts de la scène et la redécouverte de la culture antique. Dans cette optique, la mise en scène des Bacchantes a constitué le premier jalon et le socle de notre action. Avec le soutien de Caroline Marcadé, danseuse, professeur de dansethéâtre au CNSAD, et celui de Lionel Parlier, comédien, metteur en scène et professeur de théâtre, nous avons mené à terme cette création qui a donné lieu à cinq représentations (mardi 29 mars au festival des Dionysies de Paris IV Sorbonne et les 14, 15, 16 et 20 juin en extérieur dans la cour Pasteur de l’École normale supérieure). Le projet Hécube est le deuxième jalon et constitue une étape importante dans la voie que prend cette année l’association: devenir, petit à petit, une vraie troupe de théâtre. Nous étions nombreux l’an passé à partager l’aventure des Bacchantes. Un noyau est resté pour se lancer dans la nouvelle aventure, Hécube. Et c’est déjà, pour nous, une victoire. Certains sont partis peut-être définitivement mais d’autres, un temps pris ailleurs, ne désirent que revenir… Hécube a donc emporté, à son bord, un équipage aux nouveaux visages venant s’unir à de jeunes-visages-plus-anciens. Ce souffle nouveau a précisé une nouvelle orientation, vers une professionnalisation de la troupe, vers le désir de gagner sa vie du théâtre, vers le désir de construire son lieu de théâtre. Au sein de cette nouvelle orientation, il n’était cependant pas question d’écarter les amateurs. Dans ce projet, futur(e)s artistes professionnel(le)s et amateurs sont égaux: c’est notre éthique. Car on sait quelle richesse incroyable cela est pour un débutant d’apprendre au contact d’un plus expérimenté et pour un plus expérimenté, de faire passer son métier et ainsi d’en être pleinement possesseur; car il est des voies qui semblaient toutes tracées et finalement bifurquent; car il est des vocations qui n’osent se dire et qu’une expérience théâtrale peut faire accoucher. 3