Theytaz Emilie Le 8 mai 2010 La question de l’évolutionnisme dans l’anthropologie sociale L’article écrit par Alain Testart se présente comme suit : Une première partie prend nettement position en faveur de l’évolutionnisme , réfute quelques uns des faux raisonnements qui ont été allégués à son encontre et dénonce les préjugés anti-évolutionnistes les plus tenaces. Puis, la seconde partie, examine l’ethnologie évolutionniste du XIX ème siècle. Alain Testart s’affirme comme évolutionniste. Dans ce texte « la question de l’anthropologie sociale », il salue l’originalité méconnue des grands évolutionnistes du XIXème siècle, en tout premier lieu, il critique Morgan sur sa théorie de l’évolution de l’organisation sociale. Testart fait une distinction importante : 1) Selon lui, l’évolution n’est pas une chronologie strictement uniforme. L’évolutionnisme obéit à certains rythmes de développement qui sont différents les uns des autres, il y a même des stagnations, des retours en arrière. Evolutionnisme et colonialisme L’évolutionnisme est souvent avancée comme l’idéologie qui justifia le colonialisme. Dans ce cas, l’évolutionnisme se rapproche du racisme. Comme Morgan est l’évolutionniste le plus important il fut donc rangé à côté des penseurs racistes du XIXème siècle. L’évolutionnisme est toujours associé au pire. Cependant, Morgan fut le premier anthropologue à faire le terrain. Pour Testart, cela prouve qu’il portait aux Indiens qu’il étudiait une réelle admiration. Morgan ne les a pas réduit uniquement à « une tribu primitive », il les a étudié de près. Pour Testart, ce n’est pas uniquement l’évolutionnisme qui justifia le colonialisme. Il y a d’autres éléments qu’il faut prendre en compte : Il ne faut pas oublier que c’est le fonctionnalisme qui domine l’anthropologie sociale de l’entre-deux-guerres. Radcliff-Brown a défini très exactement deux raisons pour lesquelles il fallait rejeter le vieil évolutionnisme cher au XIXème siècle : 1) La première raison est d’ordre scientifique, liée au fait que l’évolutionnisme n’est rien d’autre que de « l’histoire conjecturale ». 2) La deuxième raison est d’un autre ordre, elle est définie comme de « l’interprétation historique » et de l’interprétation fonctionnaliste de la culture. Selon Testart, il serait absurde d’amputé tous les massacres fait au nom de l’évolutionnsime à l’évolutionnisme. Testart nous rappelle qu’il faut prendre le contexte dans lequel ces massacres se sont produits. Il faut rappeler qu’au XIXème siècle l’idéologie dominante, était celle d’une Europe dominante, soucieuse de se faire obéir. Theytaz Emilie Le 8 mai 2010 En effet, pour justifier l’extermination des sauvages, il n’y jamais eut besoin d’aller beaucoup plus loin que la constatation que c’étaient des sauvages, en d’autres termes, des rebelles à la civilisation dominante. L’évolutionnisme dans le contexte idéologique du XIXème siècle L’évolutionnisme (biologique et social) a toujours fait débat tout au long du XIXème siècle. Il scandalisa pour une raison évidente : Avec le transformisme, (cf.Darwin), l’homme devenait proche parent du singe et devenait également parent de tous les animaux : l’humanité se rapprochait dangereusement de l’humanité. Le même raisonnement était fait avec la culture. Du coup, on faisait des raccourcis : par exemple, on associait la « vraie religion » au cannibalisme. L’évolutionnisme ne consiste jamais à mettre en évidence des différences, mais au contraire il les réduit. L’évolutionnisme les relativise en établissant toujours une certaine continuité entre l’antérieur et l’ultérieur et rapproche ainsi, les deux états. L’évolutionnisme a vocation critique, il est porteur d’une menace pour les valeurs traditionnellesde notre civilisation. On se pensait tellement différent des sauvages et pourtant, avec l’idée du transformisme, il en ait rien ! => scandale ! L’évolutionnisme rapprochait le civilisé du sauvage tou en maintenant leur écart. Il y avait donc deux manières d’étouffer ce scandale : 1) La première consistait à supprimer la possibilité du rapprochement. Les sauvages = des êtres humains comme nous, => chaque culture à ses valeurs propres qui ne peuvent être jugées => contre le comparatisme = le relativisme culturel. 2) La seconde à supprimer l’écart. Les différences observées restent surperficielles, Soit on montre qu’il y a finalement les mêmes institutions chez les sauvages que chez nous. Soit on détecte un niveau plus profond et fondamental où s’annulent les différences = universalisme. Et on oublie très souvent que ces deux tendances (le relativisme culturel et l’universalisme) ont été résolument opposées l’évolutionnisme ! Les thèmes à propos desquels se développe de façon privilégiée l’attaque antiévolutionniste sont : la famille et la religion. Ce sont deux des grandes valeurs traditionnelles de notre société et on prétend retrouver pratiquement les mêmes pratiques chez nous que chez les « sauvages ». En effet, Robertson Smith ne craignait pas de rapprocher cannibalisme et eucharistie. Ou encore Frazer qui publia sont Folk Lore in the Old Testament. Le reproche d’ethnocentrisme Selon Testart, c’est pas parce que nous parlons d’archaïsme, de primitivité ou d’ancienneté que cela implique une dévalorisation. Theytaz Emilie Le 8 mai 2010 Pour lui, étudier l’évolution est la meilleure façon de combattre l’ethnocentrisme et de le décentrer. Les évolutionnismes au XIXème siècle, apports et limites Pour Testart, un des effets le plus curieux du parti anti-évolutionniste est sa méconnaissance de sa propre histoire. (oubli du contexte, rangeant dans un même sac les théories du passé). Or il y a au sein de l’anthropologie social, au XIXème siècle, au moins deux évolutionnismes. (relativisme culturel, universalisme). Lesquels n’ont pratiquement rien de commun si ce n’est des ressemblances superficielles et doivent chacun appeler une critique différente. 1. L’évolutionnisme des Lumières et sa continuation au XIXème siècle Le premier évolutionnisme remonte au XVIIIème siècle =Condorcet, => tableaux du progrès de l’esprit humain. Le progrès de « l’esprit » pour les penseurs des Lumières c’est le progrès des Lumières. Et lorsqu’on parle de commerce on fait référence au système capitaliste d’Angleterre. Chez Marx, on retrouve cette thérorie évolutionniste avec la fameuse évolution des forces productives et sa théorie des trois âges = matérialisme. Cette conception de l’évolution se retrouve massivement dans les raisonnements de la seconde moitié du XIXème siècle. Pour la reconnaître il suffit de mentionner trois traits saillants : - Découvertes, (progrès, arts, connaissances)=> histoire évenementielle => distinction de stades L’évolution se fait par ajouts successifs, les sociétés primitives = caractérisées par un manque L’évolution va nécessairement du simple vers le complexe. (Cf. Taylor, Origins of culture, théorie évolutive de la religion). Les sociétés qui diffèrent ne peuvent s’expliquer que par l’erreur ! Ce premier évolutionnisme est plus philosophique que sociologique : c’est du progrès de l’homme dont on nous parle et non de l’évolution des formes sociales. 2. Les caractères spécifiques de l’évolutionisme en sciences sociales au XIXème siècle Il y a un second évolutionnisme => cf. Morgan=> tableau évolutif. Cet évolutionnisme est totalement différent du premier : Theytaz Emilie Le 8 mai 2010 1) Morgan découvre une organisation, une structure qui caractérise les sociétés primitives => plusieurs niveaux (parenté, famille, politique) Les sociétés « primitives » sont ici représentées positivement par des traits qui leur sont propres. Ici la société « primitive » n’est plus considérée comme un manque, elle n’est plus le simple négatif de la société « moderne ». 2) Cette sociologie est pensée en termes de systèmes et de rapports entre systèmes, l’évolution ne peut être conçue qu’en fonction d’oppositions entre systèmes, comme autant de ruptures de structures comme le résultat de transformation de formes structurées. C’est aussi parce que les différents systèmes qui composent une société ont chacun leur autonomie propre, leur logique propre, qu’ils peuvent se transformer différemment, retenir paradoxalement des éléments anciens, évoluer à des vitesses différentes. 3) Pour toutes ces raisons, l’évolution ne peut être une progression du simple vers le complexe. Ce siècle nous lègue une conception originale et riche de l’évolution sociale, conception dont il faut peut-être souligner qu’elle est à l’évidence étrangère au darwinisme ou à quelconque modèle emprunté à cette biologie que nos critiques modernes ne cessent d’invoquer, tout comme elle l’est à cette philosophie du progrès dans laquelle selon ces mêmes critiques, tous les penseurs du XIXème siècle seraient moulés. Critiques de la thérorie des systèmes 1) Le plus ancien état reconstitué est conçu comme le négatif de celui qui est connu, il n’est pas un manque par rapport à l’état plus récent, mais il en est très exactement le décalage retourné, le double inverse :patriarcat, matriarcat. 2) Mythe de l’origine non contradictoire Le problème complexe posé par ces différents raisonnements est celui du statut théorique de la contradiction. Car on ne peut se contenter de repérer une contradiction pour argumenter qu’elle est nécesairement le résultat d’une évolution passée ou l’annonce d’une révolution future. Selon Testart, l’anthropologie comparative ou la seule observation des peuples ne ne peut en aucun cas suffire pour reconstituer l’évolution passée des sociétés et des cultures. Il souligne que cette reconstitution ne peut qu’être appuyée sur des documents historiques ou d’archéologie préhistorique. C’est pourquoi la collaboration – et souvent le débat – avec les archéologues, préhistoriens ou protohistoriens, lui paraît essentielle.