PLUS D`ENFANTS ET D`ADOLESCENTS ATTEINTS DE SEP

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PLUS D’ENFANTS ET
D’ADOLESCENTS
ATTEINTS DE SEP
De nombreuses études montrent que la SEP peut également survenir chez les enfants et
les adolescents, un phénomène sous-estimé. Elle est plus fréquente qu’on ne le
croyait jusqu’à présent et dans 10% des cas, le diagnostic est posé avant la 20e année.
Comme chez les adultes, le diagnostic de SEP chez les jeunes
patients se base sur des symptômes typiques et sur des résultats d’examens. Bien que les traitements disponibles n’aient pas
été explicitement testés chez les enfants, ils sont utilisés chez les
jeunes personnes atteintes et fournissent de bons résultats mais
aussi des effets indésirables similaires.
SEP de l’enfant et de l’adolescent relativement sous-estimée
Bien que la SEP survienne la plupart du temps entre l’âge de 20
et 40 ans, de plus en plus d’études scientifiques montrent que la
maladie survient souvent à un plus jeune âge qu’on ne le pense.
Des études scientifiques tendent à prouver que la SEP se déclare plus fréquemment chez l’enfant que ce que l’on croyait jusqu’à présent. Dans environ 10% des cas, le diagnostic de SEP est
établi avant la 20e année, dont environ 5% avant la 16e année.
Bien que les définitions et les catégories ne soient pas uniformisées, on distingue la manifestation de la pathologie avant la
10e année («True Childhood MS» ou «SEP de l’enfant vraie»)
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de sa manifestation entre la 10e et la 16e année («SEP juvénile»).
Cette dernière forme est beaucoup plus fréquente, avec un pic
d’apparition postpubertaire. Le ratio garçon/fille est presque
égal avant la puberté, tandis que le pourcentage de filles atteintes
est nettement supérieur après la puberté. La SEP de l’enfant et de
l’adolescent est, comme chez l’adulte, une affection inflammatoire chronique du système nerveux central qui se manifeste par
des poussées touchant diverses zones du système nerveux central à différents moments. Par conséquent, le diagnostic se fonde,
comme chez les adultes, sur l’anamnèse (antécédents médicaux),
sur la présence de symptômes typiques, sur des particularités du
liquide céphalo-rachidien et sur les images du cerveau obtenues
par résonance magnétique (IRM).
Evolution différente
En raison de la diversité des symptômes, la SEP est connue comme la «maladie aux 1000 visages». En particulier chez les jeunes, l’ensemble des symptômes est souvent plus complexe que
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chez les adultes. Il n’est pas rare que plusieurs symptômes se
manifestent en même temps. En conséquence, lors du diagnostic chez les enfants et les jeunes, il convient de considérer de
nombreuses autres maladies possibles qui sont spécifiques à ces
tranches d’âge (affectant les défenses immunitaires), d’origine
neurométabolique (affectant le métabolisme des neurones) ou
d’origine infectieuse (due à un agent pathogène).
Par ailleurs, la SEP de l’enfant progresse presque exclusivement
par poussées, avant d’évoluer entre 15 et 20 ans vers une forme
progressive secondaire, qui se caractérise par l’accumulation
continue des symptômes, sans qu’il soit possible d’identifier des
poussées distinctes. Autrement dit, la SEP de l’enfant progresse
plus lentement entre le début de la maladie et le handicap chronique mais ce dernier stade survient en moyenne 10 ans plus tôt
chez le patient ayant contracté la SEP enfant ou adolescent que
chez les patients touchés après leur 18e année.
Développement des performances intellectuelles
Il faut avant tout préciser que le développement cérébral est
loin d’être fini à la naissance: l’expérience et les influences de
l’environnement stimulent progressivement la connexion des
neurones de manière à obtenir une fonctionnalité optimale.
Par exemple, pour permettre la reconnaissance d’un objet, sa
dénomination et l’appréciation de son rapport à d’autres objets, un grand nombre de neurones différents doivent communiquer le plus rapidement possible au sein du cerveau: à cet effet,
des groupes entiers de neurones se «connectent». La myéline,
gaine protectrice des fibres nerveuses, joue ici un rôle crucial
dans la mesure où elle assure assez rapidement la liaison entre les différentes zones du cerveau. Des études scientifiques ont
montré que, dans certaines régions cérébrales, ce processus de
connexion se prolonge jusqu’au jeune âge adulte. Dès lors, les
perturbations de ce processus liées à la SEP (qui provoque une
dégradation partielle ou totale de la myéline) peuvent avoir de
graves conséquences pour les personnes atteintes. Elles peuvent
entraîner une altération des performances intellectuelles de
l’enfant, qui se traduit, comme chez l’adulte atteint de SEP, par
des difficultés d’attention, de concentration et de mémorisation
ainsi que par un ralentissement de la réflexion. Contrairement
à ce que l’on observe chez les adultes, les fonctions du langage
sont également affectées chez les enfants et les jeunes atteints de
SEP. Ceci pourrait être dû au fait que l’acquisition du langage
ne se limite pas à l’apprentissage d’un volume donné de vocabulaire: pour maîtriser les nuances linguistiques, il faut disposer
de bonnes connexions nerveuses et d’une certaine rapidité de
réflexion. L’ensemble de ces facteurs peut aboutir à une nette
dégradation des performances scolaires des enfants et des adolescents atteints de SEP. Il est alors d’autant plus important que
les patients eux-mêmes, ou leurs parents et enseignants, agissent
face aux faiblesses qu’ils détectent. Dans ces conditions, il est reFORTE
commandé d’effectuer des examens neuropsychologiques et de
prendre des mesures d’aide et de soutien directement auprès des
jeunes patients (p. ex. sous la forme de soutien scolaire et sportif
spécifique) comme des proches (parents, frères et soeurs, amis)
afin de veiller à une bonne compréhension de la situation.
En présence de problèmes particuliers, il peut être utile d’élaborer des stratégies adaptées en commun. Enfin, selon les cas,
des entretiens avec le service psychologique scolaire et des séances de thérapie familiale peuvent fournir une aide précieuse. On
peut heureusement supposer que le potentiel de régénération
de l’enfant et de l’adolescent est nettement supérieur à celui des
adultes plus âgés et offre ainsi un terrain particulièrement fertile
aux mesures de soutien thérapeutiques et de réhabilitation.
A l’heure actuelle, il n’existe aucune étude spécifique qui analyse systématiquement les possibilités de traitement établies de la
SEP chez les enfants et les jeunes. Résultat: le traitement reprend
essentiellement le même concept que pour les adultes, concept
qui tient compte de l’évolution de la maladie. Le traitement de
la SEP récurrente/rémittente offre le plus grand choix d’alternatives tandis que des recherches sont menées sans relâche pour
améliorer le traitement de la SEP primaire progressive.
Comme pour les adultes, il convient de mettre en place un traitement complet et cohérent, c’est-à-dire médicamenteux et non
médicamenteux, le plus tôt possible afin de prévenir les handicaps permanents ou les malformations qui peuvent en découler.
Problèmes psychosociaux
Un aspect essentiel à prendre en compte dans ce groupe d’âge est
le stade de développement psychosocial dans lequel il se trouve.
Liberté totale de mouvement, identité de rôle, mais aussi évolution des performances scolaires et désir d’autonomie: autant de
besoins et de composants essentiels à un développement psychologique sain que la SEP est susceptible de compromettre. Ainsi, les modifications de la substance cérébrale et les absences à
l’école dues aux poussées peuvent entraîner une chute des résultats scolaires et, partant, une «attitude d’échec» qui freinera le
développement ultérieur du jeune patient.
En parallèle, les absences et la participation réduite aux activités
collectives à l’école ou pendant les loisirs risquent d’entraîner un
manque, voire une absence totale de reconnaissance de la part
des jeunes du même âge. A son tour, cette situation peut être à
l’origine de baisses de moral et de tendances à l’isolement pour
les jeunes concernés. Le cumul de ces répercussions peut aboutir
à un repli social, voire à la dépression.
Puberté, image du corps et SEP
A la puberté, les changements corporels s’accompagnent d’une
nouvelle image du corps que les jeunes doivent intégrer progressivement. Cependant, l’intégration d’une nouvelle image corporelle nécessite également de la part du jeune concerné d’acN° 2 | Mai 2015 | 2
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cepter le corps qui se transforme durant la phase de puberté.
Les jeunes atteints de SEP sont souvent limités par certains
symptômes; ils ne se sentent pas toujours bien dans leur corps,
se comparent avec d’autres jeunes et ressentent parfois un sentiment de déception lié aux déficiences corporelles. Ce sentiment
peut également s’accentuer si le corps ne correspond pas à un
idéal. Ainsi, un processus faussé de l’intégration de la nouvelle
image corporelle équivalent à une déception risque d’entraîner
une sorte de «réaction de tristesse». Celle-ci peut s’accompagner
de sentiments contradictoires comme le fait de «ne pas vouloir
admettre» (désaveu), de la colère mais aussi un sentiment de culpabilité. Dans ce cas, il faut faire appel à un accompagnement
et à une assistance afin de procéder aux adaptations nécessaires
pour finalement aboutir à une acceptation. Enfin, il n’est pas facile pour les jeunes atteints de SEP d’assumer la responsabilité
d’un traitement à vie de leur maladie.
Défis à relever pour les parents
Il s’agit d’une phase de vie difficile pour tous les jeunes car elle
implique une aspiration à l’autonomie et le besoin de décider
en toute indépendance. Comme tous les jeunes, ceux atteints de
SEP n’échappent pas à un processus de démarcation par rapport à leurs parents dans le cadre du développement de leur
personnalité. Cette phase est souvent caractérisée par des sautes
d’humeur et par une fluctuation des résultats scolaires.
C’est bien pour cette raison qu’il n’est pas facile pour les personnes concernées, mais aussi pour les parents, de faire la distinction entre les perturbations liées à la SEP et les changements
«normaux» de performance des jeunes. Les parents des jeunes
concernés ressentent alors une certaine insécurité, qui s’accentue par des messages du type «Est-ce qu’il ne veut pas ou ne peut
pas?». Ici, il faut savoir que, souvent, les deux facteurs interagissent... d’une part la phase de vie particulière qui signifie pour les
jeunes la recherche d’indépendance et, d’autre part, les change3 | N° 2 | Mai 2015
ments liés à la SEP pouvant entraîner des limites, qui, d’un point
de vue psychologique, ne sont pas toujours faciles à distinguer
d’une «attitude de révolte».
Réunies, ces difficultés représentent un obstacle de taille dans
le développement psychosocial des jeunes concernés. Il est donc
important d’être bien conscient de ces conditions et de proposer
des mesures de soutien suffisamment tôt aux jeunes gens touchés.
D’une part, les parents devraient comprendre que derrière un «je
ne veux pas», ne se cache pas forcément une attitude de refus typique des adolescents, mais parfois également un «je ne peux pas»
lié à la maladie. Il est important de comprendre que sur leur chemin vers l’âge adulte, les jeunes atteints d’une maladie chronique
vivront, d’une part, une période instable, typique de l’adolescence, et devront, d’autre part, fournir des «efforts» psychologiques à
maints égards afin de parvenir à franchir cette étape. Il est donc
important de rester à leurs côtés et de les accompagner avec confiance tout en faisant preuve d’obligeance. En revanche, la maladie
n’est pas une raison pour les parents de couver leurs enfants outre
mesure. Aussi, il n’est pas toujours facile de trouver le bon équilibre et il faut parfois demander un conseil psychologique que les
parents et les pédagogues ne devraient pas craindre.
Texte: Prof. Dr Pasquale Calabrese,
conseiller en psychothérapie, neuropsychologie et neurologue
comportemental auprès de la Société suisse SEP
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