Prédication pour le culte du 3 novembre 2013 à St Malo Deutéronome 30, 11-20 et Romains 1, 6-10 Écoute, et choisis la vie ! Écoute, et choisis la vie ! C'est le testament de Moïse, c'est aussi celui des Réformateurs qui ont mis l'accent sur la lecture de la Bible. A une époque où personne ne lisait la Bible, Martin Luther a fait le pari fou de la traduire en allemand pour que chacun puisse la lire, se mettre à l'écoute de la Parole et choisir la vie. Un testament, c'est un héritage. Et aujourd'hui, alors que nous célébrons la publication des 95 thèses de Luther, nous pouvons nous poser cette question : que faisons-nous de cet héritage ? Que faisons-nous de notre histoire ? Quelle est son actualité ? Célébrer la Réforme protestante du XVIème siècle, est-ce une manière de s'enfermer sur un passé idéalisé ? Est-ce un culte des origines ? Mais l'écoute dont il s'agit ici est une invitation au cheminement, à une quête. C'est une démarche dynamique. C'est cette écoute-là, cette écoute-cheminement que les Réformateurs ont voulu remettre au centre de la foi chrétienne. Et de cette écoute découle le fameux semper reformanda qui invite nos Églises à être toujours en mouvement. On est loin de l'écoute-obéissance aveugle qui ferait de nous des moutons prêts à tondre. Non, ici il s'agit de se mettre en route. Car, « Tout tient au chemin : nous sommes plus près du lieu recherché quand nous sommes en chemin que lorsque nous nous persuadons être arrivés à destination et n'avoir plus qu'à nous établir » (Marc-Alain Ouaknin). Écoute, et choisis la vie ! Le texte nous invite à entendre cet héritage, comme une alliance pour aujourd'hui. C'est aujourd'hui que nous pouvons marcher sur les chemins de la vie avec Dieu. Être fils et filles d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ne saurait suffire, sans cet aujourd'hui de la foi. Pas plus qu'être fils et filles de la Réforme ne saurait nous décerner un certificat de bonne théologie ! Entre hier et demain, la fidélité à la Réforme ne peut se vivre ailleurs que dans cet aujourd'hui de l'écoute. C'est l'heure de la mise en route ! Le message de la Réforme : écoute et choisis la vie, est toujours d'actualité ! Cette écoute est tellement centrale pour les Réformateurs, qu'ils en font (ou re-font !) la définition même de l’Église : l’Église est le peuple qui écoute la Parole. « Écoute Israël »... le verbe écouter, qui ouvre la prière quotidienne du judaïsme, résume toute l'attitude demandée par Dieu à son peuple : être un peuple qui écoute. Écouter ou ne pas écouter devient la condition même du choix de vie ou de mort, ce de quoi dépend l'alliance. L'alliance dépend de l'écoute. La vie dépend de l'écoute. Faire ce choix de l'écoute, c'est entrer dans l'alliance. D'ailleurs, en hébreu, le verbe choisir a la même racine que le mot alliance. Dans la Bible, il y a 99 passages où Dieu est le sujet de ce choix. Et il y a 68 passages où c'est l'être humain qui est le sujet du choix. Ainsi, le choix n'est pas à entendre ici comme une démarche dont l'initiative revient à l'être humain, mais comme une libre réponse à un choix préalable dont l'initiative revient à Dieu. L'alliance est bel et bien réciproque. Cette Parole qu'il s'agit d'écouter n'est pas un commandement, une certitude, ou même un savoir... D'ailleurs, dans le texte hébreu, le mot commandement est remplacé par le mot parole. Le commandement est de l'ordre de l'inaccessible, c'est la loi qui asservit. La Parole, est toute proche, c'est la loi qui libère. Ici, la Parole dont il est question ce n'est pas le texte biblique lui-même. Mais c'est la Parole que l'on rencontre à l'écoute de ce texte, une parole pleine d'altérité, d'étrangeté même, mais pourtant proche, intime. Paul, qui reprend ce passage dans sa lettre aux Romains, a bien compris cela. Dans la ligne de la tradition chrétienne, il associe cette Parole à Jésus-Christ, qui s'est fait proche pour nous rencontrer, nous sauver... c'est-à-dire nous donner à vivre. Et il fait de chaque chrétien... un porte-parole ! Puisque la Parole est toute proche, qu'elle réside donc dans nos cœurs et qu'elle soit sur nos lèvres ! C'est bien ainsi que nous vivrons. Quant au bien et au mal évoqués au v.15, ils sont remplacés par la bénédiction et la malédiction au v.19 : c'est une invitation à ne pas les comprendre de façon éthique. Il n'existe aucun bien, ni aucun mal en soi. Mais nous pouvons vivre sous la bénédiction de Dieu, coram deo comme disait Luther, c'est à dire devant Dieu, en écoutant sa parole, ou bien nous en détourner. Aimer Dieu, s'attacher à Lui, ça ne relève pas d'une éthique, mais d'une attention, d'un mouvement d'ouverture et d'accueil à cette Parole qui seule peut nous offrir un avenir et une espérance. Aimer Dieu c'est cheminer avec lui, être à l'écoute. Choisir la vie, aimer Dieu, être à l'écoute... tout cela ne doit pas nous faire oublier que dans cette alliance, c'est Dieu qui fait le premier pas. La vie est avant tout un don ; l'amour est avant tout un don ; l'écoute est avant tout un don. Écoute, et choisis la vie ! Amen. Eléonore Léveillé Belutaud