Parcours d’intégration des tests diagnostiques en soins de santé personnalisés au Québec Accueillir la médecine de demain Octobre 2015 TESTS DIAGNOSTIQUES EN SOINS DE SANTÉ PERSONNALISÉS AU QUÉBEC : ACCUEILLIR LA MÉDECINE DE DEMAIN Table des matières 1. Sommaire exécutif ................................................................................................. 2 2. Les soins de santé personnalisés (SSP) : quand le potentiel devient réalité ... 6 3. Les outils diagnostiques en SSP, pourquoi s’y intéresser? .............................. 8 4. Les tests diagnostiques en SSP : quelques éléments de contexte ................... 9 5. Le parcours d’intégration des tests diagnostiques en SSP ............................. 11 5.1 La recherche et le développement .............................................................. 11 5.2 Le processus d’homologation ..................................................................... 14 5.3 Le processus d’évaluation ........................................................................... 15 5.4 Le remboursement et l’adoption par le système de santé ........................ 19 6. Illustration graphique du parcours d’intégration .............................................. 25 6.1 Parcours d’intégration d’un test diagnostique en soins de santé personnalisés développé selon une technique maison ....................................... 26 6.2 Parcours d’intégration d’un test diagnostique en soins de santé personnalisés développé par une entreprise ou un laboratoire privé ................ 27 6.3 Parcours d’intégration d’un test diagnostique en soins de santé personnalisés non disponible au Québec ............................................................. 28 7. Conclusion............................................................................................................ 29 Annexe A : Entretiens ciblés ...................................................................................... 32 v.5 – 17 septembre 2015 1 1. Sommaire exécutif Quelques années après avoir été annoncée, l’ère des soins de santé personnalisés (SSP) semble enfin prendre son envol avec l’arrivée d’applications tangibles. En prônant l’approche de la meilleure thérapie possible, au meilleur dosage, pour un patient particulier au bon moment, les applications en SSP ont permis de mieux identifier les patients répondants à une thérapie, et, en conséquence, améliorer l’efficacité et amoindrir les risques de toxicité, mais aussi favoriser une prise en charge précoce de certaines maladies. La médecine personnalisée a également permis d’augmenter les taux de succès de la recherche et du développement, raccourcissant la durée de développement et diminuant le taux d’attrition de médicaments. La contribution systémique des SSP réside dans l’utilisation plus efficiente des ressources de plus en plus limitées des systèmes de santé. La médecine personnalisée est, très souvent, issue de la combinaison d'un produit pharmaceutique, un dispositif médical ou une intervention à un diagnostic moléculaire. Les tests diagnostiques en SSP sont des outils qui, au moyen du dosage de biomarqueurs à l’aide du profilage moléculaire, déterminent s’il existe des mutations dans le génome ou des protéines qui pourraient avoir un impact sur la prise en charge préventive, thérapeutique ou pharmacologique d’un patient. Les tests compagnons conditionnent la propension à tolérer, à répondre ou non à une thérapie médicamenteuse. En optimisant la prise en charge des patients, les tests diagnostiques orientent l’utilisation des ressources publiques, mais aussi privées et bénéficient à l’ensemble de l’écosystème des sciences de la vie. Aujourd’hui, les tests diagnostiques influencent près de 70 % des prises de décisions. 1 Ils constituent la pierre angulaire de la transformation d’une médecine réactive à une médecine préventive. Cependant leur intégration et déploiement dans le système de santé ne semble pas gagné d’avance. Au moyen de plusieurs entretiens, le Regroupement en soins de santé personnalisés du Québec (RSSPQ) a entrepris la tâche de cartographier le parcours d’intégration des tests diagnostiques dans la perspective d’optimiser leur intégration et leur utilisation par tous les acteurs du système de santé et de maximiser leur plus-value. Le présent document se veut un outil pour permettre aux nombreux intervenants, notamment les compagnies productrices de tests diagnostiques, de mieux naviguer un parcours complexe, mais aussi à faire progresser les réflexions des acteurs économiques et gouvernementaux sur l’introduction des SSP dans le système de santé. Les défis et enjeux qui entourent l’adoption des SSP par le réseau de la santé sont également cernés afin de pouvoir éventuellement identifier de pistes de solutions pour y remédier. Le parcours d’intégration des tests diagnostiques en SSP L’intégration des tests diagnostiques dans la pratique clinique implique une séquence complexe d'évènements et opérations qui lient la recherche et le développement aux processus d’homologation et d’évaluation et aux stratégies de fixation de prix, d’accès au marché et, finalement, de remboursement par des acteurs privés ou publics. 1 Roche (2015), Promouvoir la médecine de précision au Canada, Document de réflexion sur les traitements ciblés. v.5 – 17 septembre 2015 2 La recherche et le développement : le Québec dispose d’une expertise de recherche clinique et translationnelle en génomique de calibre mondial, des plateformes technologiques de premier plan ainsi que plusieurs banques de données spécialisées, de banques administratives et de biobanques importantes. Cet écosystème est soutenu activement par des organismes de recherche tels que le Fonds de recherche du QuébecSanté (FRQS), les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), Génome Québec et Génome Canada ainsi que les grappes économiques Montréal InVivo, Québec International et Sherbrooke Innopole. La recherche et le développement de solutions diagnostiques s’effectuent grâce à des investissements importants du côté industriel, mais aussi dans les laboratoires publics provinciaux de profil suprarégional. Ces derniers disposent d’installations de pointe et d’un personnel hautement qualifié leur permettant de développer des dispositifs in vitro de diagnostic moléculaire au moyen de techniques dites « maison ». Le processus d’homologation : Avant de pouvoir être commercialisés au Canada, les dispositifs de diagnostic in vitro, étant classés dans la catégorie des dispositifs médicaux de classe III, doivent être homologués par Santé Canada en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Cette homologation garantit la sécurité et l’efficacité des produits. Il est à noter, cependant, que le règlement fédéral ne s’applique pas dans le cas où le test a été développé selon une technique « maison ». Néanmoins, ces derniers sont soumis à des règles et exigences de validation et de contrôle de qualité. De la même manière, il n’existe aucun mécanisme permettant une homologation conjointe d’un produit thérapeutique et de son diagnostic compagnon. Le processus d’évaluation : Depuis 2013, à la demande de la Direction de la biovigilance et de la biologie médicale du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), le Service d’évaluation des analyses biomédicales (SEVAB) de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) évalue les analyses biomédicales en vue de la mise à jour du Répertoire québécois et système de mesure des procédures de biologie médicale. Les demandes d’ajout ou de modifications du Répertoire proviennent des laboratoires hospitaliers producteurs ou du MSSS. Après une première analyse et hiérarchisation, la Direction de la biovigilance et de la biologie médicale achemine les demandes à l’INESSS trois fois par année. Soutenu par un Comité scientifique permanent et des experts externes, l’INESSS évalue les analyses au regard de leur utilité clinique, leur performance diagnostique (validité clinique) et capacité technique (validité analytique). Une attention est également portée aux considérations économiques telles que le coût-efficacité de la technologie et son impact budgétaire ainsi que des enjeux organisationnels, éthiques, professionnels, juridiques et sociaux (par exemple, les modalités d’implantation du test) lorsque les données sont disponibles. Dans un délai de 4 mois, l’Institut transmet au ministre une recommandation d’introduire, d’introduire conditionnellement, de refuser ou de réévaluer ultérieurement la technologie à l’étude. L’arrivée de médicaments novateurs associés à une technologique interpellera de plus en plus l’INESSS. Les unités d’évaluation des technologies et des modes d’intervention (UETMI), situées dans les établissements pourraient également être amenées à jouer un plus grand rôle dans l’évaluation et l’intégration de ces innovations en présence de particularités locales ou régionales. v.5 – 17 septembre 2015 3 Le remboursement et l’adoption par le système de santé : À la suite de l’évaluation de l’INESSS, le ministre statue sur l’inscription d’une procédure de biologie médicale au Répertoire québécois et système de mesure des procédures de biologie médicale qui doit obligatoirement devenir disponible à toute la population du Québec si un médecin ou une personne habilitée la prescrit. Le MSSS désigne également un ou plusieurs laboratoires ayant l’expertise professionnelle requise pour effectuer le test et leur fournit le soutien requis afin qu’ils soient en mesure d’offrir un service diagnostique de qualité. L’accès aux tests diagnostiques est le plus souvent établi par l’entremise des processus décisionnels des hôpitaux et établissements. Tout test diagnostique qu’il soit homologué et commercial ou développé selon une technique « maison » n’est rendu accessible dans les établissements que s’il fait l’objet d’une demande explicite par les professionnels de la santé, médecins, spécialistes et autres professionnels de la santé au MSSS par les laboratoires hospitaliers. Les laboratoires étant financés par les budgets globaux fixes affectés à l’établissement, la décision de développer ou introduire des innovations est tributaire de leur financement propre et requiert la réaffectation de fonds existants, voire même la réduction de certains types de services ou d’analyses. Un médecin peut également effectuer une demande pour que son patient ait accès à un test diagnostique innovant disponible à l’extérieur de la province. Si le test est jugé pertinent et qu’il est disponible dans une autre province ou un autre pays, le test est financé par l’établissement désigné et remboursé par la Régie générale de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). D’autre part, plusieurs assureurs privés ont démontré un intérêt à favoriser l’utilisation de tests diagnostiques notamment dans une perspective d’usage optimal, pour augmenter le taux d’adhésion au traitement et, en conséquence, réduire les coûts globaux. La décision de recourir ou non aux tests diagnostiques émane de la perception de l’utilité clinique du test, l’impact budgétaire anticipé et les mécanismes d’accompagnement de l’introduction de ces innovations. L’adoption par le système de santé et l’accès aux patients sont largement facilités lorsque les processus de remboursement sont clairs et explicites et lorsque les différents intervenants dans le parcours disposent de l’information la plus complète de la plus-value de l’introduction de ces innovations, leurs impacts, mais aussi les risques et facteurs limitants v.5 – 17 septembre 2015 4 Aperçu des enjeux liés au parcours La cartographie du parcours d’intégration a permis d’identifier de nombreux enjeux, notamment : Malgré une expertise québécoise en recherche importante, les développeurs sont confrontés à la difficulté de mettre sur pied des études cliniques coûteuses dans un environnement où les activités de recherche ne peuvent être priorisées par rapport aux besoins cliniques du quotidien. Nonobstant des investissements provinciaux importants, les conditions propices pour développer de nouveaux tests semblent faire défaut et les barrières politiques et économiques demeurent à faire tomber pour favoriser une introduction rapide de ces innovations. Malgré une demande croissante pour les services de diagnostic, les laboratoires subissent constamment des pressions budgétaires impactant le développement des solutions diagnostiques et la mise sur pied de programmes d’assurance de la qualité. Plusieurs zones d’ombre subsistent quant aux processus décisionnels d’homologation. Par exemple, les exigences réglementaires ne sont pas les mêmes pour un test développé selon une technique « maison » comparativement à un test industriel. Malgré la mise sur pied d’un mécanisme permanent d’évaluation des tests diagnostiques, une des barrières principales à leur intégration semble être la capacité des développeurs à démontrer aux professionnels de la santé et aux payeurs la plus-value dans des conditions de pratiques réelles. L’évaluation et le financement des médicaments et leurs tests compagnons étant issus de processus distincts, la démonstration de l'utilité clinique ainsi que leurs impacts économiques, organisationnels et sociaux est d’autant plus complexe. Les entreprises privées ayant développé la technologie ne pouvant amorcer le processus d’évaluation, la demande d’introduction d’un test commercial dépend de l’adhésion de tierces parties, notamment les cliniciens, le laboratoire public et le MSSS. La centralisation de l’accès dans les laboratoires provinciaux ne semble pas accorder de place pour faire évoluer les fruits des nombreux partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Les innovations de rupture en diagnostic moléculaire telles que les solutions au chevet du patient ou celles qui permettent d’exporter des services diagnostiques dans la pratique de première ligne peinent à se situer dans les processus existants. Il existe un enjeu majeur quant à la perception par tous les acteurs de la plus-value des investissements, mais aussi des solutions diagnostiques en SSP, souvent perçus avec un certain scepticisme ou comme un coût supplémentaire. En somme, le parcours d’intégration des SSP est fragmenté et comprend plusieurs zones d’ombre ou embûches que ce soit au moment de l’homologation, d’effectuer la démonstration de la plus-value, du remboursement ou de l’intégration concrète dans un parcours de soins. Ceci constitue un frein majeur à l’intégration des outils diagnostiques en SSP puisqu’il ne favorise pas une vision intégrée de l’élément diagnostique dans un parcours de soins. Un parcours d’intégration des SSP plus clair et transparent, efficace et prévisible contribuerait à la croissance des entreprises locales et l’exportation de ces innovations tant à l’échelle canadienne qu’à l’échelle mondiale et consoliderait l’expertise clé au Québec. v.5 – 17 septembre 2015 5 Pistes de solutions pour un parcours d’intégration favorable à l’innovation En se fondant sur la cartographie du parcours d’intégration et s’appuyant sur l’analyse des cas et les entretiens ciblés, le RSSPQ propose d’explorer les pistes de solutions suivantes afin de mieux favoriser l’intégration des SSP au système de santé québécois : 1. Sensibiliser les patients, les professionnels de la santé et les décideurs quant à la plusvalue des tests diagnostiques et leurs impacts sur la prise en charge du patient, mais aussi leur portée et leurs limites 2. Soutenir l’écosystème des SSP en consolidant les capacités d’intégration des produits découlant de la recherche 3. Mettre sur pied des politiques et processus favorisant le développement et l’introduction des innovations diagnostiques à valeur ajoutée pour le patient et le système de santé 4. Moderniser les processus d’évaluation et de remboursement de manière à concilier les meilleures pratiques en la matière aux incitatifs financiers et commerciaux pour ultimement favoriser l’accès aux patients et éventuellement faire émerger de nombreuses efficiences dans le système de santé 5. Favoriser un plus grand arrimage des processus d’évaluation et d’adoption des tests diagnostiques notamment les tests compagnons et les innovations de rupture en diagnostic moléculaire telles que les solutions au chevet du patient ou celles qui permettent d’exporter des services diagnostiques dans la pratique de première ligne 6. Appuyer la mise sur pied de modèles innovants robustes, flexibles et réalistes qui permettront la démonstration de la plus-value de ces innovations dans le cadre d’une trajectoire de soins Recommandations : 1- Soutenir la mise sur pied d’une de formation à l’intention des professionnels de la santé, et plus particulièrement des médecins, afin de mieux les informer sur la valeur, les impacts et les enjeux des soins de santé personnalisés. 2- Autoriser les compagnies qui développent des tests à soumettre une innovation diagnostique à valeur ajoutée pour évaluation. Les sociétés assumeraient alors les coûts de cette évaluation et l’organisme qui procède à l’évaluation remettrait ses conclusions dans un délai de douze mois 3- Faire une place à l’innovation dans le système de santé en dédiant des ressources financières adéquates pour permettre une évaluation rapide et rigoureuse dans un contexte réel de pratique des innovations diagnostiques. Le cas échéant, il faudra les intégrer au système de santé, en favoriser l’accès à la population québécoise et ainsi faire émerger les nombreuses efficiences attendues. 2. Les soins de santé personnalisés (SSP) : quand le potentiel devient réalité Les SSP s’appuient sur une information plus complète et une meilleure connaissance des patients, de leur profil génétique, de leur environnement, de leurs comportements, de leur historique médical et de certaines caractéristiques métaboliques pour identifier les modes de v.5 – 17 septembre 2015 6 traitement, les solutions thérapeutiques et préventives qui sont les mieux adaptés à chaque groupe d’individus caractérisés. Quelques années après avoir été annoncée, l’ère des SSP semble enfin prendre son envol avec l’arrivée d’applications tangibles. Dix ans après le séquençage complet du génome humain, plus d’une centaine d’innovations technologiques présentant une composante génomique ont été commercialisées. Les coûts de séquençage ont été considérablement réduits et la perception que les SSP n’ont pas réalisé leur promesse semble se dissiper au regard des avancées thérapeutiques majeures. 2 En favorisant une meilleure compréhension des mécanismes sous-jacents aux pathologies, les SSP ont révolutionné la prise en charge des patients en favorisant une meilleure prévisibilité de la réponse aux traitements et une minimisation des effets indésirables. Les patients atteints de mélanome, de leucémie, ou avec un cancer du poumon, du sein ou du cerveau reçoivent dorénavant quasi systématiquement un « diagnostic moléculaire » permettant à leurs médecins d’adapter leurs traitements et ainsi grandement améliorer leurs chances de survie. Le génotypage de l’activité enzymatique a permis d’améliorer le dosage de médicaments pour des conditions aussi variées que la dépression et l'anxiété, les maladies cardiovasculaires, inflammatoires et oncologiques.3 La prise en charge ciblée qui prône l’approche de la meilleure thérapie possible, au meilleur dosage, pour un patient particulier au bon moment contribue à l’identification des patients répondants et, en conséquence, améliore l’efficacité et amoindrit les risques de toxicité. De plus, elle favorise une prise en charge précoce de certaines maladies, permet l’identification et la réduction des effets iatrogènes. D’un point de vue commercial, la médecine personnalisée permet d’augmenter les taux de succès de la recherche et du développement, raccourcissant la durée de développement et diminuant le taux d’attrition de médicaments. Par leurs nombreux avantages, les SSP contribuent à une utilisation plus efficiente des ressources de plus en plus limitées des systèmes de santé. Cependant, ces avancées scientifiques et économiques majeures ne pourront se réaliser qu’une fois intégrées dans un parcours de soins. À l’échelle internationale, l’intégration des SSP semble se heurter à de nombreux défis tant sur le plan de la recherche et du développement que sur les aspects de réglementation, d’évaluation, de remboursement et finalement d’accès aux patients.456 Plus particulièrement au Québec, malgré la reconnaissance des SSP comme un créneau d’excellence prioritaire et des investissements de plus de 350 M$ depuis 2009, dont la moitié est pourvue par le gouvernement du Québec, l’intégration des SSP par le système de santé québécois est loin d’être réalisée. 789 2 Personalized Medicine Coalition (2014), Personalized medicine by the numbers: http://www.personalizedmedicinecoalition.org/Userfiles/PMCCorporate/file/pmc_personalized_medicine_by_the_numbers.pdf . 3 Personalized Medicine Coalition (2014), The case of personalized medicine, 4th edition: http://www.personalizedmedicinecoalition.org/Userfiles/PMCCorporate/file/pmc_case_for_personalized_medicine.pdf . 4 Personalized Medicine Coalition (2014), The case of personalized medicine, 4th edition: http://www.personalizedmedicinecoalition.org/Userfiles/PMCCorporate/file/pmc_case_for_personalized_medicine.pdf . 5 Personalized Medicine Coalition and Bridgehead (2011), Advancing Access to Personalized Medicine: A Comparative Assessment of European Reimbursement Systems: http://www.personalizedmedicinecoalition.org/Userfiles/PMCCorporate/file/pmc_bridgehead_issue_brief_european_reimbursement.pdf. 6 McKinsey & co (2013), Personalized Medicine: The Path Forward. 7 De 2009 à 2014, des investissements de 348 M$ ont été effectués au Québec dans le domaine des soins de santé personnalisés. Le gouvernement du Québec a effectué 43 % de ces investissements en investissant 149 M$. Source : Montréal InVivo. v.5 – 17 septembre 2015 7 3. Les outils diagnostiques en SSP, pourquoi s’y intéresser ? De par leurs multiples domaines d’application, les technologies génomiques et protéomiques ont été accueillies favorablement par les différents systèmes de santé ces dernières années. En effet, ces innovations technologiques ont grandement amélioré la qualité de la prise en charge voire même, dans certains cas la survie des patients. L’analyse du profil pharmacogénomique permet d’adapter le dosage des thérapies médicamenteuses, minimisant ainsi les effets indésirables tout en augmentant l’observance du traitement et la réduction des essais et erreurs dans l’ajustement de la médication. L'incidence croissante des maladies infectieuses, des maladies génétiques et du cancer ainsi que les développements technologiques récents font du marché du diagnostic moléculaire un des plus porteurs à l’échelle mondiale avec un marché estimé à 7,9 G$ en 2018.10 Aujourd’hui, les tests diagnostiques influencent près de 70 % des prises de décisions. 11 Ils constituent la pierre angulaire de la transformation d’une médecine réactive à une médecine préventive. Nous sommes donc à un moment critique dans l'évolution de la médecine personnalisée. Cependant, le fossé entre les connaissances et l’application clinique pose de nombreux défis.12 Moins de 3 % des recherches en génomiques semblent s’intéresser à l’intégration de ces innovations dans la pratique courante.13 Plus particulièrement au Québec, une étude récente mandatée par Montréal InVivo souligne que plus de 85 % des projets en SSP ne comportent pas de composante relative au déploiement vers le système de santé. 14 Cependant, de nombreux observateurs et parties prenantes sont d’avis que les SSP doivent démontrer leur plus-value comparativement aux thérapies existantes, notamment dans un contexte de ressources limitées.15 D’autre part, bien que cliniciens, patients et payeurs reconnaissent les avantages potentiels des SSP, ils demeurent prudents étant donné la complexité associée au domaine de la génomique.16 De nombreux enjeux gagneront aussi à être discutés et éventuellement résolus, notamment en ce qui a trait aux questions relatives à l’éthique et la confidentialité quant à la 8 Savoie M. et collaborateurs (2011), L’arrivée des soins de santé personnalisés est inévitable, saurons nous relever les défis?, dans Godbout et collaborateurs, Le Québec économique, Un bilan de santé du Québec : http://qe.cirano.qc.ca/sites/default/files/qe2011_ch13.pdf . 9 RSSPQ, Le Québec accroit son leadership en soins de santé personnalisés, publication du 23 octobre 2013: http://rsspq.org/nouvelles-reseau/le-quebec-accroit-son-leadership-en-soins-de-sante-personnalises/. 10 $7.9B Molecular Diagnostics Market Analysis and Global Review, publié le 21 octobre 2014: http://www.marketwatch.com/story/79b-molecular-diagnostics-market-analysis-and-global-review-2014-10-21. 11 Roche (2015), Promouvoir la médecine de précision au Canada, Document de réflexion sur les traitements ciblés. 12 Burke, W., Korngiebel, D. M., & Cho, M. (2015), Closing the gap between knowledge and clinical application: Challenges for genomic translation, PLoS genetics, 11(2), e1004978-e1004978. 13 Khoury, M. J., Gwinn, M., Yoon, P. W., Dowling, N., Moore, C. A., & Bradley, L. (2007), The continuum of translation research in genomic medicine: how can we accelerate the appropriate integration of human genome discoveries into health care and disease prevention?, Genetics in Medicine, 9(10), 665-674. 14 44 % des investissements au Québec ont trait à des technologies médicales et près de la moitié de ceux ci ont une composante diagnostique. Près de 85 % n’ont pas de composante relative au déploiement vers le système de santé. Source : Montréal InVivo. 15 Meckley, L. M., & Neumann, P. J. (2010), Personalized medicine: factors influencing reimbursement, Health Policy, 94(2), 91-100. 16 Castonguay J., de Marcellis-Warin N., Mishagina N. (2012), Evaluation de l’impact socio-économique potentiel de la médecine personnalisée, Rapport de projet, Montréal, Québec: Cirano. v.5 – 17 septembre 2015 8 protection des renseignements personnels des patients, à la formation des professionnels de la santé quant à l’utilisation de cette médecine et à l’éducation des patients. Le présent document vise à cartographier le parcours d’intégration actuel des tests diagnostiques en SSP au Québec afin de permettre aux intervenants de mieux naviguer dans ce parcours complexe. Il se veut un outil de réflexion pour les compagnies ainsi que les différentes branches gouvernementales, en l’occurrence le MSSS, le Ministère de l’Économie, l’Innovation et des Exportations (MEIE) et le Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEESR) afin de faciliter l’introduction des SSP dans le système de santé. Les défis et enjeux qui entourent l’adoption des SSP par le réseau de la santé sont également cernés afin de pouvoir éventuellement identifier de pistes de solutions pour y remédier. Bien que la réflexion porte principalement sur les tests diagnostiques en SSP, il est important de souligner que les tests en SSP ne se limitent ni à la génomique ni à l’élément diagnostique. En effet différents dispositifs médicaux (analyse au chevet du patient, télémédecine, imagerie médicale, etc.) et d’autres tests diagnostiques (protéomique, microbiome, nutritionnel, sérologique, biopsie, etc.) doivent également être inclus dans ce que l’on considère les SSP. Ce document a été élaboré suite à des entretiens ciblés réalisés avec des représentants de l’industrie des technologies et des médicaments, des chercheurs, des représentants d’établissements de santé, ainsi que des payeurs publics et privés afin d’obtenir les perspectives des différentes parties prenantes à cette intégration (voir Annexe A pour une liste complète des entrevues réalisées). 4. Les tests diagnostiques en SSP : quelques éléments de contexte La médecine personnalisée est, très souvent, issue de la combinaison d'un produit pharmaceutique, un dispositif médical ou une intervention à un diagnostic moléculaire. Les tests diagnostiques en SSP sont des outils qui, au moyen du dosage de biomarqueurs à l’aide du profilage moléculaire, déterminent s’il existe des mutations dans le génome ou les protéines qui pourraient avoir un impact sur la prise en charge préventive, thérapeutique ou pharmacologique d’un patient. Citons, à titre d’exemple, la mise au point par Caprion/Integrated Diagnostics (Indi) d’un test sanguin non invasif qui permet d’identifier les nodules pulmonaires bénins. En guidant la trajectoire de soins, le recours aux biopsies et aux chirurgies pulmonaires invasives et coûteuses se voit ainsi réduit, favorisant ainsi une meilleure qualité de vie des patients et l’efficience du système de santé (pour plus de détails, voir encadré ci-après). Les tests compagnons conditionnent la propension à tolérer, à répondre ou non à une thérapie médicamenteuse. Ainsi, si utilisés avant la prescription d’un médicament, ils permettent de sélectionner les patients pouvant bénéficier ou non du traitement. De la même manière, une utilisation associée à la prise du médicament vise à déterminer de façon précoce l’efficacité ou la toxicité de celui-ci. En l’occurrence, l’administration du Cetuximab en association avec la chimiothérapie en première ligne de traitement du cancer colorectal métastatique chez les patients exprimant la forme non mutée du gène RAS augmente la survie sans progression par rapport à la chimiothérapie seule. L’identification de cette mutation aura ainsi permis de mieux identifier la population cible et de minimiser les impacts cliniques et économiques associés aux v.5 – 17 septembre 2015 9 non-répondants.17 De plus, en se basant sur des données américaines, le Partenariat pour la médecine personnalisée en cancer du Québec (PMPC) estime que 60 millions de dollars pourraient être épargnés au Canada si tous les patients atteints d’un cancer métastatique subissaient un test génétique avant le début du traitement.18 L’évolution des connaissances en matière de tests diagnostiques a également le potentiel de remettre en circulation des médicaments efficaces, mais retirés du marché en raison d’effets indésirables importants ou n’ayant pu faire leurs preuves dans le cadre d’essais cliniques. En intégrant une composante génétique à l’évaluation du Dalcetrapib de Hoffman-La Roche, à savoir la réduction du risque d’un évènement cardiovasculaire majeur, l’équipe de chercheurs, menée par le Dr Jean-Claude Tardif à l’Institut de cardiologie de Montréal, a réussi à démontrer la plus-value du médicament chez les patients porteurs d’un marqueur génétique spécifique.19 En plus d’améliorer la prise en charge des patients, payeurs privés et publics pourront également bénéficier de technologies innovatrices puisqu’en identifiant précisément les patients susceptibles de répondre au traitement le nombre de patients à traiter pourrait être considérablement réduit. En effet, avec des coûts d'acquisition de moins de 400 $ US par patient, l’investissement semble raisonnable lorsqu’il s’agit de déterminer le choix d’un traitement pouvant varier de 20 000 à 100 000 $ US. 20 21 22 Également, ces innovations technologiques ont le potentiel de permettre aux fabricants de médicaments de mieux positionner leurs produits et, en conséquence, faciliter son remboursement. Ainsi, les bénéfices des tests diagnostiques s’étendent à l’ensemble de l’écosystème des sciences de la vie. Au Québec, les laboratoires publics de profil local ou régional sont autorisés à produire des analyses de diagnostic moléculaire locales s’appuyant sur des kits diagnostiques développés par des compagnies de diagnostics. Ces tests commerciaux sont des produits contenant les réactifs et le matériel nécessaires pour exécuter l’analyse moléculaire. Les laboratoires de profil suprarégional disposent quant à eux d’installations de pointe et d’un personnel hautement qualifié permettant de développer des dispositifs in vitro de diagnostic moléculaire au moyen de techniques dites « maison ».23 Cela est sans oublier que, ces dernières années, les percées technologiques ont favorisé l’arrivée de tests commerciaux incluant des tests compagnons commercialisés directement aux patients24 ou via des laboratoires d’analyses biomédicales. 17 Atreya, C. E., Corcoran, R. B., & Kopetz, S. (2015), Expanded RAS: Refining the Patient Population, Journal of Clinical Oncology, 33(7), 682-685. 18 Partenariat pour la médecine personnalisée en cancer (PMPC) (2015), Rapport annuel 2015: http://pmpcorg.com/wp-content/uploads/2015/06/PMPC_Rapport-annuel-25-juin-2015.pdf . Tiré de http://meetinglibrary.asco.org/content/10759-63 19 Tardif, J. C., Rhéaume, É., Perreault, L. P. L., Grégoire, J. C., Zada, Y. F., Asselin, G. & Dubé, M. P. (2015), Pharmacogenomic determinants of the cardiovascular effects of dalcetrapib., Circulation: Cardiovascular Genetics, CIRCGENETICS-114. 20 Le HercepTest coûte 500 $ US, un coût minime comparativement au coût annuel du Herceptin qui est de 70 000 $ US. Source : Cowling T., Boucher M., Fitzsimmons H. (2014), Pharmaceuticals requiring companion diagnostics, Environmental Scan; Issue 47, Ottawa: Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health. 21 Faulkner, E., Annemans, L., Garrison, L. et coll. (2012), Challenges in the development and reimbursement of personalized medicine—payer and manufacturer perspectives and implications for health economics and outcomes research: a report of the ISPOR Personalized Medicine Special Interest Group, Value in Health, 15(8), 1162-1171. 22 Cowling T., Boucher M., Fitzsimmons H. (2014), Pharmaceuticals requiring companion diagnostics, Environmental Scan; Issue 47, Ottawa: Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health. 23 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction des services de santé et médecine universitaire, Optilab express volume 3, numéro 1 (juin 2014). http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/bulletinOptilab/11-922-04_optilab_vol3no1.pdf 24 Bien que l’on note une arrivée importante de tests génétiques vendus directement aux consommateurs, ces derniers sont exclus de la présente analyse étant donné que leur parcours interpelle des acteurs et des enjeux distincts. v.5 – 17 septembre 2015 10 Avec 85 combinaisons de médicaments accompagnés d’une composante diagnostique et près de 150 essais cliniques de phase 3 de médicaments dans le pipeline associés à un marqueur génomique ou protéomique recensés en 2013, 25 une évaluation du parcours d’intégration de ces innovations s’impose dans la perspective d’optimiser leur utilisation par tous les acteurs du système de santé et de maximiser leur plus-value. 5. Le parcours d’intégration des tests diagnostiques en SSP L’intégration des tests diagnostiques dans la pratique clinique implique une séquence complexe d'évènements et opérations qui lient la recherche et le développement aux processus d’homologation et d’évaluation et aux stratégies de fixation de prix, d’accès au marché et, finalement, de remboursement par des acteurs privés ou publics. Bien qu’un grand nombre d’acteurs à différents paliers du réseau de la santé et des services sociaux y soient associés, les interrelations et lignes de communication gagneraient à être précisées. Cette section du document vise à expliciter les étapes clés du parcours actuel. Une représentation graphique des diverses étapes en est faite à la fin du document.26 5.1 La recherche et le développement Le Québec dispose d’une expertise de recherche clinique et translationelle en génomique de calibre mondial, des plateformes technologiques de premier plan ainsi que plusieurs banques de données spécialisées, de banques administratives et de biobanques importantes. La recherche étant un des quatre volets de la mission universitaire, les cinq Centres hospitaliers universitaires (CHU), deux instituts et neuf centres intégrés de santé et de services sociaux ayant reçu une désignation universitaire (CIUSSS) constituent un lieu privilégié pour tester et transférer le plus rapidement possible les résultats de la recherche en applications diagnostiques et thérapeutiques pour le patient.27 En matière de développement, l’implication active des ressources médicales et le soutien apporté par les grappes économiques Montréal InVivo, Québec International et Sherbrooke Innopole ont contribué à l’essor d’une expertise unique. Il n’est donc pas surprenant que le Québec réussisse à remporter une part importante des fonds de recherche accordés par le gouvernement fédéral, tout en attirant des investissements de l’extérieur du Canada.28 À titre d’exemple, huit des 17 projets sélectionnés dans le cadre du 25 McKinsey & co (2013), Personalized Medicine: The Path Forward. Pour une représentation graphique du parcours d’intégration des médicaments et des technologies, voir le Guide du participant du Forum évaluation et technologies innovantes de l’INESSS, Plamondon G. et coll. (2014), Forum évaluation et technologies innovantes, Guide du participant, Québec: INESSS. 27 Les articles 88 à 91 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoient que des établissements du réseau peuvent être désignés « institut universitaire » ou « centre affilié universitaire » s’ils satisfont aux critères établis à cette fin. Ce statut est décerné par le ministre de la Santé et des Services sociaux après consultation du ministre de l’Éducation et du ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie, au terme d’un processus d’évaluation par un comité « aviseur » qui doit apprécier la qualité des activités de service, d’enseignement et de recherche de l’établissement. Source: Site web MSSS: http://www.informa.msss.gouv.qc.ca/Listes.aspx?Name=y9M4IcKgjFYapz02jKwkUg==&Key=hhKpcdsNkJS+eg2gW Nwm7A==&OrderByClause=8jnVPckjxX8dPG+Ajs/DlA==&idDimension=M/6KDC2sUXw= . 28 Regroupement en soins de santé personnalisés du Québec (2013), Les soins de santé personnalisés : une opportunité unique d’innovation pour le Québec, Proposition pour l’élaboration de la Politique nationale sur la recherche et l’innovation : http://rsspq.org/wp-content/uploads/2013/04/RSSPQ-MemoirePNRI-2013-04.pdf. 26 v.5 – 17 septembre 2015 11 concours Génomique et santé personnalisée de Génome Canada, en partenariat avec les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sont issus du Québec. 29 Ce succès est grandement dû aux activités de développement, de renforcement et d’accompagnement des scientifiques par Génome Québec et du FRQS. Aujourd’hui la majorité des tests diagnostiques en SSP sont développés selon des techniques dites « maison » dans les laboratoires publics de profil suprarégional. Ces développements permettent de pallier à un besoin clinique non comblé par les solutions disponibles commercialement. D’autre part, et dans certains cas, ces développements tentent de répondre à des impératifs financiers en offrant des solutions moins chères. 30 Ces laboratoires sont désignés par le MSSS et sont en conséquence assujettis à des règlements provinciaux en matière de bonnes pratiques de laboratoire (GLP), d'accréditation et de contrôle de qualité. 31 L’évolution du paradigme « un médicament, un test diagnostique » vers une médecine axée sur plusieurs biomarqueurs avec de multiples modalités de diagnostic a provoqué un changement des façons de faire et des investissements importants du côté industriel. 32 Une étude récente indique que plus de 50 % des fabricants biopharmaceutiques ont intégré la pharmacogénomique dans les programmes de développement dans une perspective de différenciation du produit et, par conséquent, un meilleur accès au marché. 33 Ces entreprises québécoises et internationales peuvent également miser sur des grappes industrielles en sciences de la vie bien structurées, comportant des joueurs majeurs du secteur ainsi que les différentes branches du gouvernement. En effet, en tant que principal bénéficiaire potentiel des développements en SSP, le MSSS est souvent invité à participer aux différentes initiatives mises de l’avant par les différents acteurs tels que le FRQS, le MEIE, Génome Québec, Montréal InVivo, apportant ainsi au monde de la recherche des informations nécessaires quant à la compatibilité des solutions proposées avec les orientations et les mécanismes d’encadrement et d’intégration mis en place. Au-delà de la participation du MSSS, différents projets ont pu voir le jour, sous l’égide du MEIE, mais aussi du MEESR. Ils attestent de l’engagement du Québec à développer ses capacités en SSP. En contribuant à la hauteur de 62,5 M$ dont la majorité est en SSP, le Fonds de partenariat pour un Québec innovant et en santé a engendré des investissements totaux privés de plus de 50 M$ dans le domaine. Le PMPC témoigne de la capacité du Québec à capitaliser sur des partenariats public-privé. Plus récemment, le gouvernement du Québec a attribué une aide financière totale de 90,6 M$ pour la réalisation de 34 projets d’acquisition d’équipements de recherche dans des établissements québécois. Les projets, dont plusieurs sont en SSP, sont financés conjointement avec la Fondation canadienne pour l’innovation. Ces initiatives contribuent non seulement à créer un écosystème favorable aux activités de recherche et 29 Génome Canada, Concours 2012, Projets de recherche appliquée à grande échelle: http://www.genomecanada.ca/fr/portefeuille/recherche/concours-2012.aspx. 30 Cowling T., Boucher M., Fitzsimmons H. (2014), Pharmaceuticals requiring companion diagnostics, Environmental Scan; Issue 47, Ottawa: Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health. 31 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction des services de santé et médecine universitaire, Optilab express volume 3, numéro 1 (juin 2014) : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/bulletinOptilab/11-922-04_optilab_vol3no1.pdf . 32 McKinsey & co (2013), Personalized Medicine: The Path Forward. 33 Faulkner, E., Annemans, L., Garrison, L. et coll. (2012). Challenges in the development and reimbursement of personalized medicine—payer and manufacturer perspectives and implications for health economics and outcomes research: a report of the ISPOR Personalized Medicine Special Interest Group, Value in Health, 15(8), 1162-1171. v.5 – 17 septembre 2015 12 développement, mais également au développement de masses critiques en matière de recherche et au renforcement des pôles en SSP.34 Enjeux relatifs au développement des tests diagnostiques en SSP Le Québec, compte tenu des caractéristiques de son système de santé et son réseau de recherche, est bien positionné pour démontrer les bénéfices cliniques, mais aussi les effets systémiques de l’introduction des SSP dans un système de santé. Cependant, malgré une expertise québécoise importante en recherche, les développeurs sont confrontés à la difficulté de mettre sur pied des études cliniques coûteuses dans un environnement où les activités de recherche ne peuvent être priorisées par rapport aux besoins cliniques du quotidien. Nonobstant des investissements provinciaux importants, les développeurs de tests semblent éprouver de la difficulté à trouver des investissements privés. Les incitatifs financiers pour développer de nouveaux tests ne sont pas aussi importants que ceux pour élaborer de nouveaux médicaments, en dépit du fait que les deux sont de plus en plus inextricablement liés. 35 De même, dans la sphère du système public où les produits ne peuvent être commercialisés, les budgets globaux affectés au fonctionnement général des laboratoires limitent le développement et l’intégration de nouveaux tests diagnostiques. Les barrières politiques et économiques demeurent à faire tomber pour favoriser une introduction rapide de ces innovations. En ce qui a trait plus particulièrement aux laboratoires publics, malgré une demande croissante pour les services de diagnostic, ces laboratoires subissent constamment des pressions pour réduire les budgets. Ces pressions limitent en conséquence le financement nécessaire pour la participation aux programmes d’assurance de la qualité, la formation du personnel et l’élaboration de protocoles d’analyse.36 D’autre part, les pressions financières sont amplifiées par plusieurs éléments, dont l’arrivée de l’automation en diagnostic moléculaire, une plus grande intégration instrumentale des procédures, une plus grande variété d’analyses et une diminution prévisible des coûts. Ces derniers exigent une réorganisation des services de laboratoires qui n’est pas sans défis et qui entraîne des effets considérables sur l’élaboration de solutions diagnostiques.37 L’avancée des techniques actuelles de biologie moléculaire permet de développer selon des techniques « maison » des tests identifiant les mêmes biomarqueurs que ceux développés industriellement. Dans un contexte où le développement des technologies moléculaire requiert du temps et des investissements, l’enjeu de la propriété intellectuelle mériterait d’être soulevé afin de favoriser le développement et la commercialisation de solutions québécoises tout en soutenant la recherche et protégeant les travaux émanant des centres de recherche et des 34 Liste des projets acceptés dans le cadre du Concours 2015 du Fonds d'innovation de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI) et cofinancés par le gouvernement du Québec. Voir: http://www.economie.gouv.qc.ca/objectifs/informer/recherche-et-innovation/page/programmes20429/?tx_igaffichagepages_pi1%5BbackPid%5D=18870&tx_igaffichagepages_pi1%5BcurrentCat%5D=&tx_igaffich agepages_pi1%5Bmode%5D=single&tx_igaffichagepages_pi1%5BparentPid%5D=18960&cHash=30b6dec0e37abc1 e672be13a9af9f568 . 35 Jameson, J. L., & Longo, D. L. (2015), Precision Medicine—Personalized, Problematic, and Promising, New England Journal of Medicine. 36 Roche (2015), Promouvoir la médecine de précision au Canada, Document de réflexion sur les traitements ciblés. 37 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction des services de santé et médecine universitaire, Optilab express volume 3, numéro 1 (juin 2014) : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/bulletinOptilab/11-922-04_optilab_vol3no1.pdf. v.5 – 17 septembre 2015 13 industries du Québec. D’autre part, ces dernières années ont été marquées par des oppositions à l’émergence de monopoles sur de nouvelles thérapies ou des outils diagnostiques. 383940 Ces situations soulèvent des questionnements quant à la régulation de la propriété intellectuelle dans ce domaine, mais aussi une préoccupation quant à l’accès à des outils innovants. 5.2 Le processus d’homologation Avant de pouvoir être commercialisés au Canada, les produits thérapeutiques et dispositifs médicaux doivent, pour la plupart, avoir été homologués par l’autorité fédérale. Les dispositifs de diagnostic in vitro, étant classés dans la catégorie des dispositifs médicaux de classe III, sont régis par la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada et assujettis au Règlement sur les instruments médicaux41 en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. 42 Ainsi, tout outil résultant d’un protocole de développement commercial et de processus manufacturiers standardisés doit obtenir une licence de dispositif médical de Santé Canada. Cette homologation garantit la sécurité et l’efficacité des produits et indique qu’ils répondent aux normes de qualité de l’Organisation internationale de normalisation (ISO).43 Il est à noter, cependant, que cette homologation n’est pas particulière aux dispositifs de diagnostic in vitro en matière de SSP (c’est-à-dire avec une composante génomique). Ainsi, hormis les exigences requises pour un dispositif de classe III, le cadre réglementaire ne prévoit pas de critère ou de balise spécifiques relativement à la composante génomique. De plus, le règlement fédéral ne s’applique pas dans le cas où le test a été développé selon une technique « maison ». Ainsi, il n’est pas nécessaire pour ces tests d’obtenir une homologation de Santé Canada. Toutefois, la « Food and Drug Administration » a récemment émis des lignes directrices spécifiques à ces tests qui pourraient servir de balises aux développeurs.44 Par ailleurs, il n’existe aucun mécanisme dans ce cadre réglementaire permettant une homologation conjointe d’un produit thérapeutique et de son diagnostic compagnon. Dans les cas d’homologation d’un médicament lié à un test pharmacogénomique, en d’autres termes un test compagnon, il est recommandé aux fabricants d’entamer les démarches pour obtenir une licence de dispositif médical à mesure qu'ils progressent dans leur programme de développement du médicament.45 38 OCDE (2006), Lignes directrices de l'OCDE relatives aux licences sur les inventions génétiques, Éditions OCDE, Paris. 39 de Beer J., Gold R., Guaranga M. (2011), Gestion de la propriété intellectuelle : Enjeux et options stratégiques Mémoire sur les options stratégiques no 4, Génome Canada: http://www.genomecanada.ca/medias/pdf/fr/Recherche-memoire-orientations-strategiques.pdf 40 Monpetit I. (2002), Breveter le vivant, Des brevets sur l’AND: http://ici.radiocanada.ca/nouvelles/dossiers/brevetage/3a.html. 41 DORS/98-282. 42 LRC 1985, c. F 27. Voir Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction des services de santé et médecine universitaire, Optilab express volume 3, numéro 1 (juin 2014). 43 Le produit commercial doit être accompagné d’une monographie ou d’une fiche technique contenant divers éléments : procédures d’utilisation et d’entretien, précautions, limites cliniques et techniques (basées sur des données probantes), conditions de sécurité, sensibilité, spécificité, faux positifs et faux négatifs, aspects techniques (seuil de détection, par exemple), interprétation du résultat, etc. 44 Food and Drug Administration, Laboratory Developed Tests: http://www.fda.gov/MedicalDevices/ProductsandMedicalProcedures/InVitroDiagnostics/ucm407296.htm. 45 Cowling T., Boucher M., Fitzsimmons H. (2014), Pharmaceuticals requiring companion diagnostics, Environmental Scan; Issue 47, Ottawa: Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health. v.5 – 17 septembre 2015 14 En somme, en l’absence de balises claires pour les tests diagnostiques en SSP, le processus de développement semble orienter la nécessité ou non d’obtenir une licence de commercialisation. Ainsi, un test ciblant un même biomarqueur ou gène fera l’objet d’une évaluation par Santé Canada s’il a été développé par une compagnie diagnostique, mais ne le sera pas s’il est le produit d’une technique dite « maison ». C’est notamment le cas pour l’identification de la mutation du gène BRAF qui est effectué dans près de 45 % des cas par des tests développés par des laboratoires provinciaux malgré la disponibilité du test industriel Cobas.46 Bien qu’ils ne soient pas régis par la réglementation fédérale, ces tests sont soumis à des règles et exigences de validation et de contrôle de qualité. 47 Ces validations analytiques dépendent non seulement de l’appareil diagnostique (l’instrument, les réactifs et logiciels), mais aussi des processus de laboratoire mis en place. Elles peuvent donc varier d’un laboratoire à l’autre.48,49 L’obtention d’une approbation par Santé Canada ne garantit pas cependant l’adoption du test diagnostique par le système de la santé. La prochaine étape consiste en l’évaluation du produit aux fins d’adoption ou de remboursement. Enjeu relatif à l’homologation Plusieurs zones d’ombre subsistent quant aux processus décisionnels d’homologation. Par exemple, les exigences réglementaires ne sont pas les mêmes pour un test développé selon une technique « maison » comparativement à un test industriel. À cet égard, il est intéressant de noter que cette problématique n’est d’ailleurs pas exclusivement canadienne puisque même les façons de faire de la « Food and Drug Administration aux » États-Unis" sont présentement en train d’être révisées et débattues.50,51 5.3 Le processus d’évaluation L’évaluation des technologies consiste en l’évaluation systématique des propriétés et des effets d’une technologie de la santé. Elle peut porter tant sur les effets directs et intentionnels de cette technologie que sur ses conséquences indirectes et non intentionnelles. Elle a pour principal objectif d’éclairer la prise de décision en matière de technologies de la santé.52 Au Québec, ce mandat a été confié à l’INESSS. L’INESSS évalue les avantages cliniques et les coûts des technologies, des médicaments et des interventions en santé et en services sociaux. Il émet des recommandations quant à leur adoption, leur utilisation ou leur remboursement par le régime public. 53 À titre d’exemple, l’INESSS, à la demande de la Direction québécoise de 46 Ces données sont issues du rapport de McKinsey et co (2013). D’après nos informateurs clés, les proportions pourraient être supérieures au Québec. 47 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction des services de santé et médecine universitaire, Optilab express volume 3, numéro 1 (juin 2014) : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/bulletinOptilab/11-922-04_optilab_vol3no1.pdf . 48 Roche (2015), Promouvoir la médecine de précision au Canada, Document de réflexion sur les traitements ciblés. 49 Evans, B. J., Burke, W., & Jarvik, G. P. (2015), The FDA and genomic tests—getting regulation right, New England Journal of Medicine. 50 Evans, B. J., Burke, W., & Jarvik, G. P. (2015), The FDA and genomic tests—getting regulation right, New England Journal of Medicine. 51 Litwack, E. David, Elizabeth Mansfield, and Jeffrey Shuren, The FDA and Genetic Testing, New England Journal of Medicine (2015). 52 Glossaire en ETS: http://htaglossary.net/Accueil. 53 Voir: www.inesss.qc.ca. v.5 – 17 septembre 2015 15 Cancérologie, évalue l’utilisation du test Oncotype DXMD pour soutenir les décisions de traitement dans le cancer du sein.54 Les investissements dans le domaine des SSP ont coïncidé avec le besoin et, en l’occurrence, la formalisation des processus d’évaluation des analyses biomédicales aux fins d’inscription et de remboursement. Plus particulièrement, en janvier 2013, le Québec a mis sur pied à l’INESSS, le SEVAB. Il s’agit d’un mécanisme permanent d’évaluation de la pertinence d’une analyse biomédicale en vue de son introduction dans l’offre de services du réseau de la santé et des services sociaux. À la demande de la Direction de la biovigilance et de la biologie médicale du MSSS, l’INESSS évalue les analyses biomédicales en vue de la mise à jour du Répertoire québécois et système de mesure des procédures de biologie médicale. Les demandes d’ajout ou de modifications du Répertoire proviennent des laboratoires hospitaliers producteurs ou du MSSS. Les cliniciens ou les fabricants qui désirent obtenir une nouvelle analyse doivent s’adresser aux médecins des laboratoires des centres hospitaliers pour faire cheminer leurs demandes. Après une première analyse et hiérarchisation, la Direction de la biovigilance et de la biologie médicale achemine les demandes à l’INESSS trois fois par année, soit le 1er mars, le 1er juillet et le 1er novembre. Soutenus par un Comité scientifique permanent et des experts externes, les professionnels scientifiques de l’INESSS évaluent les analyses au regard de leur utilité clinique, leur performance diagnostique (validité clinique) et capacité technique (validité analytique). Une attention est également portée aux considérations économiques telles que le coût-efficacité de la technologie et son impact budgétaire ainsi que des enjeux organisationnels, éthiques, professionnels, juridiques et sociaux (par exemple, les modalités d’implantation du test) lorsque les données sont disponibles. Dans un délai de 4 mois, l’Institut transmet au ministre une recommandation d’introduire, d’introduire conditionnellement, de refuser ou de réévaluer ultérieurement la technologie à l’étude.555657 Il importe de souligner que les avis de l’INESSS sont des recommandations. En conséquence, la décision finale de remboursement appartient au ministre de la Santé et Services sociaux. L’INESSS sera de plus en plus interpellé par la thématique des SSP dans le cadre de l’évaluation des médicaments aux fins d’inscription puisque de plus en plus la diffusion de médicaments innovateurs sera fortement associée au développement, à la mise sur le marché et au remboursement des technologies diagnostiques. 58 Comme pour SEVAB, le processus d’évaluation des médicaments implique une évaluation et un jugement par un comité scientifique de l’efficacité et les aspects économiques, éthiques, sociétaux et organisationnels.59 Malgré cette similarité, les deux processus demeurent fondamentalement distincts puisqu’ils sont initiés par des mécaniques différentes, en l’occurrence le processus pour les médicaments est initié par une demande du fabricant alors que SEVAB est initié par une demande d’un 54 Projet inscrit à la mise à jour du Plan triennal d’activités de l’INESSS au 31 mars 2015. Source : http://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/DocuAdmin/INESSS_Plan_triennal_activites_2012-2015.pdf. 55 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction des services de santé et médecine universitaire, Optilab express volume 2, numéro 2 (mai 2013) : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/bulletinOptilab/11-922-04_optilab_vol2no2.pdf. 56 Site web INESSS: http://www.inesss.qc.ca/activites/procedures-de-biologie-medicale/processus-et-criteresdevaluation.html. 57 Les recommandations émises ainsi que les motifs sous-jacents sont publiés sur le site web de l’INESSS. 58 D’après nos informateurs clés, malgré la mise sur le marché de nombreux diagnostiques compagnons, il s’avère que le processus d’évaluation des médicaments n’a pas été confronté à la question des tests diagnostiques puisque dans la majorité des situations, l’introduction des médicaments a été subséquente à l’utilisation des tests diagnostiques par le réseau. 59 Si la valeur thérapeutique du médicament est démontrée, l’INESSS évalue la justesse du prix, le rapport entre le coût et l’efficacité du médicament, les conséquences de l’inscription du médicament à la liste sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé et de services sociaux, l’opportunité de l’inscription du médicament à la liste au regard de l’objet du régime général d’assurance médicaments. v.5 – 17 septembre 2015 16 laboratoire. Également, ils s’inscrivent dans des processus administratifs différents : les médicaments sont inscrits à la Liste des médicaments alors que les analyses biomédicales sont inscrites au Répertoire québécois et système de mesure des procédures de biologie médicale. Cette mécanique sera explicitée dans la prochaine section du document. Finalement, les UETMI, situées dans les établissements ayant une mission universitaire, répondent aux besoins en évaluation des décideurs en établissements. Dans cette perspective et avec l’évolution rapide des SSP, elles pourraient être amenées à jouer un plus grand rôle dans l’évaluation et l’intégration de ces innovations en présence de particularités locales ou régionales. Enjeux relatifs à l’évaluation et la démonstration de la plus-value des tests diagnostiques en SSP différents acteurs s’entendent sur la nécessité d’une évaluation rigoureuse de l'efficacité, la sécurité et du coût-efficacité permettant de démonter la plus-value des outils issus de la médecine de précision. Cependant, une des barrières principales à leur intégration semble être la capacité des développeurs à démontrer aux professionnels de la santé et aux payeurs la plus-value dans des conditions de pratiques réelles. En effet, bien que la démonstration de la plus-value des tests diagnostiques dépende de prime abord d’éléments analytiques tels que la sensibilité et la spécificité, elle est surtout tributaire de son intégration dans le cadre d’une trajectoire de soins. C’est donc dans des conditions de pratiques réelles que la valeur ajoutée de l’information fournie par le test diagnostique prend tout son sens. Les En l’absence de données réelles québécoises et compte tenu de la pénurie de ressources spécialisées nécessaires (en particulier économiques), il appert complexe de soutenir l’argumentaire des impacts économiques, sociétaux et systémiques sous-jacents à l’introduction de ces solutions. 60 Cela est d’autant plus complexifié par le fait que les approches traditionnelles de modélisation pharmacoéconomique semblent difficilement applicables pour démontrer l’avantage clinique et le rapport coût-efficacité de ces innovations.61 Dans un contexte où la démonstration de la plus-value des innovations technologiques requière des éléments non mesurables à partir de données empiriques, les données expérientielles, y compris, les témoignages et opinions d’experts, de patients et d’usagers représentent une source d’information importante. 62 Face à la complexité des dimensions à évaluer et plus précisément pour les SSP qui soulèvent certains enjeux éthiques et juridiques notamment quant à la protection des renseignements personnels, il convient de se doter de façons de faire permettant d’intégrer ces perspectives et en conséquence mieux informer les décideurs. Bien que maintenant balisée par des critères, la nouveauté du processus d’évaluation SEVAB fait que les développeurs éprouvent de la difficulté à bien saisir le niveau de preuve requis et la pondération des différents éléments pour atteindre une introduction. 60 Étant donné les exigences règlementaires américaines plus strictes, une majorité des études sont développées dans un contexte américain, complexifiant leur transposition au contexte québécois. 61 Roche (2015), “Promouvoir la médecine de précision au Canada", Document de réflexion sur les traitements ciblés. 62 Plamondon G. et coll. (2014), Forum évaluation et technologies innovantes, Synthèse des échanges, Québec: INESSS. v.5 – 17 septembre 2015 17 L’intégration de l’innovation est d’autant plus complexe dans le cas des tests compagnons où l’évaluation et le financement sont issus de processus distincts entravant la démonstration de l'utilité clinique ainsi que les impacts économiques, organisationnels et sociaux de la combinaison du test au médicament. Cette discordance amène souvent les fabricants de médicaments à financer les tests à titre de mesure provisoire. Un arrimage de ces processus, similaires à ceux développés dans d’autres pays, 63 serait recommandé afin d’accroître la rentabilité de commercialisation des outils développés SSP. Présentement, seules les analyses biomédicales pour lesquelles une demande d’introduction a été formulée par un laboratoire public et priorisée par le MSSS sont évaluées formellement par l’INESSS. Contrairement aux demandes d’introduction des médicaments, les entreprises privées ayant développé la technologie ne peuvent amorcer le processus. La demande d’introduction d’un test commercial dépend de l’adhésion de tierces parties, notamment les cliniciens, le laboratoire public et le MSSS. La démonstration de la plus-value de l’innovation et son remboursement en sont complexifiés. L’élaboration d’un outil de priorisation et d’évaluation intégrant la réalité du terrain favoriserait une adoption accélérée des réelles innovations.64 PÉGASE, la démonstration de la valeur ajoutée en milieu réel de soins Le projet PÉGASE65 (Personnalisation par la génomique du dépistage des aneuploïdies dans le sang maternel), sous la direction du CHU de Québec et de l'Université Laval, est une étude indépendante qui a pour objectif de valider la performance et l’utilité de nouvelles méthodes génomiques de dépistage prénatal chez la femme enceinte en utilisant une simple prise de sang. En effet, chaque année, environ 10 000 de 450 000 Canadiennes enceintes subiront une amniocentèse suite à la participation au dépistage prénatal de la trisomie 21, et ce à cause d’un haut risque de trisomie 21 chez le fœtus. Parmi celles-ci, 315 seront porteuses d’un foetus trisomique et jusqu’à 70 grossesses normales seront perdues suite aux complications dues à cette procédure. Il est anticipé que l’introduction des tests génomiques de dépistage prénatal à partir du sang maternel éviterait au moins 9000 amniocentèses, augmentant considérablement la sécurité du dépistage. Dans le cadre d’un partenariat public – privé impliquant Ariosa Diagnostics, les IRSC, Génome Canada, Genome Alberta, Genome British Columbia, Génome Québec, et le MEESR, ce projet propose de réaliser une étude indépendante et en milieu réel pour valider la performance, le coût-efficacité et l’utilité de nouvelles méthodes non invasives génomiques de dépistage prénatal. Les chercheurs évalueront des échantillons prélevés chez 5 600 femmes au moyen de diverses méthodes, dont la technologie commerciale HarmonyMC et des méthodes développées dans les laboratoires du CHU, mais aussi à l'aide de méthodes nouvelles ou existantes de dépistage biochimique et échographique. 63 Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) au Royaume-Uni en 2012 et la Haute Autorité de Santé en France en 2014 ont publié des guides méthodologiques présentant leur méthode respective d’évaluation conjointe d’un test diagnostique et d’un médicament. Sources : http://www.hassante.fr/portail/jcms/c_1735034/en/companion-diagnostic-test-associated-with-a-targeted-therapy-definitions-andassessment-method; et Byron, S. K., Crabb, N., George, E., Marlow, M., & Newland, A. (2014), The health technology assessment of companion diagnostics: experience of NICE, Clinical Cancer Research, 20(6), 1469-1476. 64 Canestaro, W. J., Pritchard, D. E., Garrison, L. P., Dubois, R., & Veenstra, D. L. (2015), Improving the Efficiency and Quality of the Value Assessment Process for Companion Diagnostic Tests: The Companion test Assessment Tool (CAT). 65 Voir: http://pegasus-pegase.ca/. v.5 – 17 septembre 2015 18 De plus, l’équipe explorera les enjeux éthiques, juridiques et sociaux associés aux outils de dépistage. Des guides de meilleures pratiques et autres outils d’aide à la décision et la formation destinés aux professionnels de la santé et aux couples seront élaborés. L’étude permettra ainsi d’effectuer une démonstration de la plus-value de ces innovations diagnostiques, d'améliorer les méthodes de dépistage prénatal couramment utilisées et surtout d’accompagner l’intégration de ces innovations dans le système de santé. 5.4 Le remboursement et l’adoption par le système de santé La décision de recourir ou non aux tests diagnostiques en SSP est le fruit d’un ensemble de décisions prises localement par des intervenants ayant des intérêts divergents. La décision de recourir à la médecine personnalisée émane de la perception de l’utilité clinique du test, l’impact budgétaire anticipé et les mécanismes d’accompagnement de l’introduction de ces innovations. 66 , 67 L’adoption par le système de santé et l’accès aux patients sont largement facilités lorsque les processus de remboursement sont clairs et explicites et lorsque les différents intervenants dans le parcours disposent de l’information la plus complète de la plusvalue de l’introduction de ces innovations, leurs impacts, mais aussi les risques et facteurs limitants. Or bien que d’usage du côté des médicaments, les questions d’accès sont assez récentes dans le domaine des dispositifs médicaux. Il en résulte un parcours moins rationalisé et intégré que nous présentons dans cette section du document. Le Québec se distingue pourtant des autres juridictions par une centralisation de l’offre de service. En mai 2015, le MSSS annonçait une réorganisation et optimisation des services de biologie médicale en quatorze grappes de services. Ces grappes rassembleront les installations d’un seul ou de plusieurs établissements, pour une offre de service concertée et complémentaire. 68 Des travaux sont également en cours pour uniformiser le système d’information de laboratoire (SIL) pour toute la province.69 La centralisation de l’offre de services en analyses biomédicales et, en conséquence, des tests diagnostiques en SSP et la mise sur pied du projet OPTILAB et du mécanisme SEVAB rejoint la quête des décideurs de fournir la meilleure qualité de soins possible tout en veillant à l’efficience dans l’utilisation des ressources et la pérennité du système. Ce processus est bonifié par la formalisation du mécanisme d’introduction des nouvelles analyses. En effet, les demandes d’ajout d’une innovation sont l’objet d’une décision ministérielle. À la suite de l’évaluation de l’INESSS, le ministre statue sur l’inscription d’une procédure de biologie médicale au Répertoire québécois et système de mesure des procédures de biologie médicale qui doit obligatoirement devenir disponible à toute la population du Québec si un médecin ou une personne habilitée la prescrit. Le MSSS désigne également un ou plusieurs laboratoires ayant l’expertise professionnelle requise pour effectuer le test et leur fournit le soutien requis afin qu’ils soient en mesure d’offrir un service diagnostique de qualité.70 66 Castonguay J., de Marcellis-Warin N,Mishagina N (2012), Evaluation de l’impact socio-économique potentiel de la médecine personnalisée, Rapport de projet, Montréal, Québec: Cirano. 67 Roche (2015), Promouvoir la médecine de précision au Canada, Document de réflexion sur les traitements ciblés. 68 Au préalable, l’offre de services était déterminée par les établissements qui offraient ou développaient un test et le facturaient aux autres établissements. 69 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction des services de santé et médecine universitaire, Optilab express volume 4 , numéro 1 (mai 2015) : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/bulletinOptilab/11-922-04_optilab_vol4no1.pdf. 70 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Répertoire québécois et système de mesure des procédures de biologie médicale: http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2014/14-922-02W.pdf. v.5 – 17 septembre 2015 19 En conséquence, l’accès aux tests diagnostiques est souvent établi tant par l’entremise des processus décisionnels des hôpitaux et établissements. 71 Tout test diagnostique qu’il soit homologué et commercial ou développé selon une technique « maison » n’est rendu accessible dans les établissements que s’il est inscrit au Répertoire. Or tel que mentionné dans les sections précédentes, l’ajout au Répertoire n’est possible que si une demande explicite en est faite au MSSS par les laboratoires hospitaliers. Ces demandes étant enclenchées par les professionnels de la santé, médecins, spécialistes et autres professionnels de la santé ont un rôle majeur dans l’intégration des tests diagnostiques. D’autre part, les laboratoires sont financés par les budgets globaux affectés à l’établissement. Ces budgets étant fixes, la décision de développer ou introduire des innovations est tributaire de leur financement propre et requiert la réaffectation de fonds existants, voire même la réduction de certains types de services ou d’analyses. Partenariat pour la médecine personnalisée en cancer Le PMPC72 émane de la Stratégie québécoise de la recherche de l’innovation (SQRI), créée par le gouvernement du Québec, afin de faire avancer les connaissances et accélérer le déploiement de solutions novatrices en matière de médecine personnalisée, dans la pratique clinique. Ce projet pilote en collaboration avec le MSSS vise à consolider des collaborations entre les milieux de recherche publique et privée, incluant les établissements de soins de santé à vocation académique ainsi que les universités. Sous le leadership de Caprion Proteome, le PMPC associe l’industrie pharmaceutique Pfizer, Sanofi et Amgen et les PME biotechnologiques locales aux forces vives du milieu clinique et scientifique du Québec par l’entremise du Consortium de recherche en oncologie clinique du Québec (Q-CROC). Dans le cadre de ce projet mobilisateur, Caprion Proteome oeuvre à développer et rendre accessible le test diagnostic XpresysMD. Ce test sanguin permet de différencier correctement les nodules pulmonaires bénins (d’une dimension de 0,8 à 3 cm) de la forme maligne (cancéreuse) dans 90 % des cas. L’intégration de ce test ainsi que d’un deuxième test complémentaire dans le parcours de soins permettra de prioriser les tests de triage diagnostique tels que les biopsies et les chirurgies pulmonaires qui sont parfois risqués pour les patients et coûteux pour le système de santé. De plus, une meilleure allocation des ressources favorisera une prise en charge optimale et accélérée du diagnostic et du traitement des patients. Ce test mis au point en collaboration avec Integrated Diagnostics (Indi) est d’ores et déjà disponible aux États-Unis. Au Québec, Caprion Proteome a mis sur place, dans son laboratoire médical, les procédures normalisées d’exploitation ainsi que l’infrastructure informatique nécessaire. Le laboratoire pourra servir de plateforme de services pour les tests XpresysMD pour le cancer du poumon, mais aussi pour d’autres tests en développement pour le diabète, les maladies infectieuses et d’autres cancers. 71 Ce processus diffère fondamentalement du processus d’inscription du médicament où l’introduction des innovations médicamenteuses est déclenchée par une demande du fabricant à l’INESSS en vue d’une inscription à la Liste des médicaments. Pour plus d’informations, voir: inesss.qc.ca. 72 http://pmpc-org.com/. v.5 – 17 septembre 2015 20 Ce test se bute cependant à un problème important. Il n’existe pas actuellement de procédure permettant de rendre accessible une analyse biomédicale effectuée dans un laboratoire privé au Québec. Des études sont présentement en cours pour démontrer la plus-value de ces outils et d’en mesurer l’impact dans le contexte du système de santé québécois, en tenant compte des bénéfices sur la santé et la qualité de vie des patients. Une fois l’utilité clinique, la pertinence et l’impact sur les coûts de ces tests démontrés, le système de santé public sera-t-il en mesure d’intégrer ces innovations et d’en favoriser l’accès à l’ensemble de la population ? Un médecin peut également effectuer une demande pour que son patient ait accès à un test diagnostique innovant disponible à l’extérieur de la province. Dans ce cas de figure, le médecin approbateur, généralement un médecin généticien ou un médecin spécialiste de laboratoire de l’un des établissements désignés pour valider et approuver les demandes d’analyses de laboratoire non disponibles au Québec, évalue la pertinence de l’analyse. Si le test est jugé pertinent et qu’il est disponible dans une autre province ou un autre pays, le test est financé par l’établissement désigné et remboursé par la RAMQ.73, 74 GenePOC, les SSP au chevet du patient GenePOC Diagnostics, une entreprise québécoise, est parvenue à simplifier et rendre abordable le diagnostic moléculaire pour le transporter non seulement au chevet du patient dans les établissements, mais aussi dans les Groupes de Médecine de Famille et les pharmacies. Grâce à a technologie GenePOC, il est maintenant possible, et ce en moins d’une heure de détecter la présence d’agents infectieux responsables des infections nosocomiales. En fournissant des résultats au point de services, ce test diagnostique permet de mieux prévenir la propagation d’infections nosocomiales qui deviennent rapidement incontrôlables en orientant rapidement le patient dans le système de soins permettant ainsi de réduire les résistances bactériennes. Un effet indirect de la centralisation de certains services de laboratoire, en l’occurrence les délais d’attente pour l’obtention de résultats, pourrait également être évité. L’intégration de cette innovation permettrait de générer des efficiences dans le système de santé et en conséquence épargner des coûts. Cependant, pour que le système puisse en bénéficier un changement de culture notamment quant à l’externalisation de ces tests est de mise. Le système est-il prêt à accueillir le diagnostic moléculaire en première ligne? Comment quantifier la plus-value d’un test diagnostique qui permet de prévenir l’émergence des « super bactéries »? Quels seraient les prérequis pour favoriser la diffusion de telles innovations? 73 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction de la biovigilance, Mécanisme d’autorisation et de remboursement des analyses de biologie médicale non disponibles au Québec, Circulaire 2011-012 en date du 16 mars 2011 : http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/fr/document/d26ngest.nsf/3f4763bf7e3c23a78525660f00727c27/8b6bf54d5701da008 525785c004d0d65/$FILE/2011-012%20(11-09-29).pdf. 74 Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Direction de la biovigilance, Annexe à la circulaire, 2011-012 (01.02.40.15): http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/fr/document/d26ngest.nsf/fc8eaee53dfe1ff885256585006b5a62/8b6bf54d5701da008 525785c004d0d65/$FILE/Schéma%20(11-09-29).pdf. v.5 – 17 septembre 2015 21 Par ailleurs, la personnalisation de la prise en charge du patient implique une décision partagée entre le patient et le professionnel de la santé. Ce dernier recommande une technologie particulière dans le cadre d’un parcours de soins. Néanmoins, l’engagement des patients et leur perception de la plus-value du test et des risques qu’il comporte influenceront l’attitude des médecins à l’égard de l’adoption de ces nouvelles pratiques. Par ailleurs, à l’ère de l’information et des nouvelles technologies, les patients sont en mesure non seulement de s’informer voire d’exiger certains tests, mais aussi de commander certains tests au moyen des plateformes en ligne pour identifier leurs prédispositions génétiques. L’évolution des tests diagnostiques en SSP a transformé l’offre de soins pour transposer de nombreuses solutions innovatrices au chevet du patient et directement dans la pratique communautaire et ambulatoire. Le personnel professionnel médical et soignant dans les établissements publics et privés et dans la pratique communautaire sera interpellé par les tests diagnostiques en SSP. La sensibilisation des patients, professionnels de la santé et décideurs permettra aux acteurs d’avoir les connaissances suffisantes pour prendre des décisions éclairées notamment quant aux résultats des tests et leur impact sur la prise en charge du patient, mais aussi leur portée et leurs limites et en conséquence, permettra une intégration plus rapide des tests diagnostiques en SSP. PharmaQx et NutriQx des approches diagnostiques grand public Avec les tests PharmaQx et NutriQx, BiogeniQ invite les patients à s’approprier leur information génétique et optimiser leurs habitudes nutritionnelles et thérapies médicamenteuses. Développé avec les professionnels de la santé dans le milieu clinique et selon les meilleures pratiques de laboratoire, le test NutriQx émet des recommandations relatives à sept éléments nutritionnels. De la même manière, PharmaQx fait des suggestions aux professionnels de la santé quant à l’ajustement de 53 médicaments, augmentant l’observance, évitant des réactions indésirables, voire même les coûts associés à un usage inapproprié ou sous optimal. Contrairement à d’autres tests commercialisés directement aux patients, BiogeniQ mise sur la collaboration des professionnels de la santé, dont des pharmaciens et des nutritionnistes, pour effectuer les prélèvements de salive, les transmettre au laboratoire de BiogeniQ et interpréter les résultats de ses tests. L’intégration de la technologie nécessite la formation des professionnels et l’accompagnement des patients dans l’appropriation de ces informations. Cette approche innovatrice, même si encore en phase de développement, est d’ores et déjà disponible en clinique privée 75 et pourrait l’être en pharmacie. Comment accompagner les professionnels de la santé et les patients dans l’adoption de ces approches ? Les mécanismes et processus existants permettent-ils de valoriser de type de pratiques innovantes ? La description du parcours d’intégration ne peut faire abstraction d’un acteur important, les assureurs privés. Les promoteurs de régimes, généralement des employeurs, offrent une couverture médicaments dans le cadre de leur régime d'assurance maladie complémentaire. Bien que ces couvertures constituent principalement un outil d’attraction et de rétention du personnel qualifié, ils sont avant tout un moyen de favoriser la santé et la productivité de leur 75 La génétique au service de la médecine de précision - Une collaboration entre Créa-Med et BiogeniQ prend forme, Créa-MeD, le 27 mai 2015: http://www.newswire.ca/en/story/1543931/la-genetique-au-service-de-la-medecine-de-precision-une-collaborationentre-crea-med-et-biogeniq-prend-forme. v.5 – 17 septembre 2015 22 main-d'œuvre. Comme pour le régime public, les assureurs subissent la pression des coûts et sont à la recherche de moyens leur permettant de bonifier leur offre de services. C’est pourquoi le monde des assureurs privés effectue un virage important dans ses façons de faire en favorisant un « remboursement de la santé » au lieu d’un remboursement du traitement. Plusieurs assureurs privés ont démontré un intérêt à favoriser l’utilisation de tests diagnostiques notamment dans une perspective d’usage optimal, pour augmenter le taux d’adhésion au traitement et, en conséquence, réduire les coûts globaux. La création de modèles d’essai à plus petite échelle dans le cadre d’une cohorte d’assurés privés (“early adopters”) pourrait favoriser une plus grande intégration des tests diagnostiques en SSP. Cependant, la particularité du contexte québécois, plus précisément en présence du régime général d’assurance médicament, 76 l’adoption des tests diagnostiques en SPP et plus précisément des tests compagnons sera fort probablement le miroir du taux d’adoption observé dans le secteur public. Enjeux relatifs au remboursement et à l’adoption par le système de la santé Bien que la formalisation récente du parcours d’intégration consolidera l’expertise, il sera primordial de veiller à ce que la centralisation n’occasionne pas de délais d’accès voire, mettre un frein au développement des SSP dans les laboratoires de la province. Un juste équilibre entre une adoption répandue d’un test diagnostique innovant et un contrôle de la qualité et des coûts demeure à être trouvé. La centralisation de l’accès dans les laboratoires provinciaux ne semble pas accorder de place pour faire évoluer les fruits des nombreux partenariats entre le secteur public et le secteur privé. D’autre part, les innovations de rupture en diagnostic moléculaire telles que les solutions au chevet du patient ou celles qui permettent d’exporter des services diagnostiques dans la pratique de première ligne peinent à se situer dans les processus existants, en particulier en ce qui a trait aux mécanismes de remboursement. Plusieurs études ont démontré qu’il existe un enjeu majeur quant à la perception par tous les acteurs de la plus-value des investissements, mais aussi des solutions diagnostiques en SSP. 77 78 En effet, pour les payeurs, les tests diagnostiques sont perçus comme un coût supplémentaire dans la prise en charge et un doute semble planer quant à la possibilité de réaliser des économies. Cette perception pourrait être issue de la confusion qui règne autour de la portée des traitements ciblés et du concept plus étendu des SSP.79 Les médecins fondent leurs décisions sur leur perception des avantages de l’adoption du test dans le cadre d’un parcours de soins, de sa disponibilité et des coûts associés.80 Un sondage pancanadien révèle qu’une majorité des médecins canadiens adhèrent à la plus-value des SSP en soutien à la prise de décision clinique et la prise en charge du patient. Cependant, d’après ce même sondage, seulement près de 20 % des cliniciens pratiquant au Québec estiment être 76 Le régime général d’assurance médicament exige que les assureurs privés assure minimalement la même couverture que celle fournie par le public. 77 Castonguay J., de Marcellis-Warin N., Mishagina N. (2012), Evaluation de l’impact socio-économique potentiel de la médecine personnalisée, Rapport de projet, Montréal, Québec: Cirano. 78 Bonter, K., Desjardins, C., Currier, N., Pun, J., & Ashbury, F. D. (2011), Personalised medicine in Canada: a survey of adoption and practice in oncology, cardiology and family medicine, BMJ open, 1(1), e000110. 79 Roche (2015), Promouvoir la médecine de précision au Canada, Document de réflexion sur les traitements ciblés. 80 Castonguay J., de Marcellis-Warin N., Mishagina N. (2012), Evaluation de l’impact socio-économique potentiel de la médecine personnalisée.Rapport de projet, Montréal, Québec: Cirano. v.5 – 17 septembre 2015 23 suffisamment informés et avoir la capacité d’interpréter les résultats de ces tests. 81 L’accompagnement et l’éducation des professionnels sont donc à la base d’une adoption optimale des solutions diagnostiques. D’après une étude récente de Anja Hitz et Lea Prevel Katsanis de l’Université Concordia, la compréhension des patients est un facteur clé à l’intégration des SSP. Les patients ont besoin d’être sensibilisés quant à la plus-value de ces nouvelles thérapies comparativement aux thérapies existantes notamment concernant leur perception des bénéfices attendus et leurs attitudes et aversions face aux risques (par exemple, risques de discrimination, gestion de résultats négatifs, etc.).82,83,84 L’introduction des tests diagnostiques va certainement modifier la pratique de la médecine plus particulièrement celle de la médecine de laboratoire/diagnostic. Une mise à jour de la formation professionnelle sera nécessaire afin que les prochaines cohortes de professionnels de la santé soient en mesure d’adopter ces innovations, mais également être conscientisées quant aux enjeux et défis qu’ils comportent. Outil d’imagerie médicale permettant une médecine plus précise Les tests diagnostiques pavent le chemin de la médecine de précision. Bien que l’imagerie médicale n’ait pas toujours été considérée comme faisant partie de la médecine de précision, les avancées médicales font que de nombreux diagnostics peuvent maintenant être établis avec une confiance sur la base de l'imagerie, épargnant aux patients des tests plus invasifs ou même une chirurgie inutile. L’outil d’évaluation clinique de la cinématique 3D du genou KneeKG,85 développé par Emovi, permet d’optimiser la prise en charge de l’arthrose du genou, les ruptures ligamentaires ou méniscales, le syndrome fémoro-rotulien, les tendinites et les déficits biomécaniques causant des douleurs et des incapacités. Le test diagnostique permet également de mieux outiller les orthopédistes quant au choix de la technique opératoire et la nature de l’implant pour le remplacement articulaire du genou. 81 Bonter, K., Desjardins, C., Currier, N., Pun, J., & Ashbury, F. D. (2011), Personalised medicine in Canada: a survey of adoption and practice in oncology, cardiology and family medicine, BMJ open, 1(1), e000110. 82 http://www.emeraldinsight.com/doi/abs/10.1108/IJPHM-07-2013-0039. 83 Bonter, K., Desjardins, C., Currier, N., Pun, J., & Ashbury, F. D. (2011), Personalised medicine in Canada: a survey of adoption and practice in oncology, cardiology and family medicine, BMJ open, 1(1), e000110. 84 Castonguay J, de Marcellis-Warin N., Mishagina N. (2012), Evaluation de l’impact socio-économique potentiel de la médecine personnalisée, Rapport de projet, Montréal, Québec: Cirano. 85 http://www.emovi.ca/kneekg-2/. v.5 – 17 septembre 2015 24 6. Illustration graphique du parcours d’intégration v.5 – 17 septembre 2015 25 6.1 Parcours d’intégration d’un test diagnostique en soins de santé personnalisés développé selon une technique maison v.5 – 17 septembre 2015 26 6.2 Parcours d’intégration d’un test diagnostique en soins de santé personnalisés développé par une entreprise ou un laboratoire privé v.5 – 17 septembre 2015 27 6.3 Parcours d’intégration d’un test diagnostique en soins de santé personnalisés non disponible au Québec v.5 – 17 septembre 2015 28 7. Conclusion Le déploiement des technologies innovantes en SSP vient de prendre son envol et est susceptible de prendre des décennies avant de réaliser son plein potentiel. Il offre la perspective d’améliorer considérablement les soins aux patients, la prévention des maladies, et probablement aussi le rapport coût-efficacité des soins offerts. Le parcours d’intégration des SSP ne se distingue pas de celui des autres tests diagnostiques. Pour certaines portions du parcours, il comporte des similitudes avec celui du médicament. Toutefois, les nombreux enjeux mis en relief dans le cadre de cette réflexion nous poussent à nous questionner sur les façons d’évaluer et d’accompagner l’intégration de l’innovation. Bien que nul ne conteste le potentiel de la médecine personnalisée à révolutionner les soins de santé et à optimiser les pratiques, la cartographie de l’intégration des tests diagnostiques permet d’identifier un parcours fragmenté et qui comprend des zones d’ombre ou des embûches que ce soit au moment de l’homologation, d’effectuer la démonstration de la plusvalue, du remboursement ou de l’intégration concrète dans un parcours de soins. Ceci constitue un frein majeur à l’intégration des outils diagnostiques en SSP puisqu’il ne favorise pas une vision intégrée de l’élément diagnostique dans un parcours de soins. Le présent exercice a permis d’identifier trois facteurs clés à l’intégration d’un test diagnostique : 1) la démonstration de sa validité et sa plus-value, 2) son financement et, en conséquence, l’accès aux patients et 3) l’importance de la sensibilisation des professionnels de la santé, des patients, des administrateurs du réseau de la santé et gestionnaires dans le domaine de la santé aux enjeux relatifs à l’introduction de ces innovations. Tous les acteurs sont donc appelés, à différents degrés et niveaux, à composer avec la réalité des SSP. Chercheurs, développeurs et producteurs de tests diagnostiques ont la responsabilité de produire la preuve de la valeur ajoutée de leurs produits comparativement aux thérapies existantes et de démontrer que leur impact est significatif dans un environnement peu élastique à l’intégration des SSP. La preuve doit répondre aux exigences règlementaires mais aussi à celle des décideurs et payeurs. De plus, ils auront à répondre aux préoccupations de leurs différents interlocuteurs quant aux coûts associés à une utilisation accrue des tests diagnostiques en SSP tel que ceux engendrés par la croissance du nombre potentiel de patients qui précédemment n’auraient pas été candidats au traitement, les faux positifs, mais aussi l’augmentation des budgets alloués à ces technologies. Les autorités réglementaires et d’évaluation sont amenées à faire évoluer leurs façons de faire de manière à bien reconnaître les multiples composantes de la valeur des tests diagnostiques en SSP. Des mécanismes devront probablement être élaborés pour mieux prioriser, évaluer et intégrer les combinaisons médicaments - tests diagnostiques, par exemple en favorisant des évaluations conjointes, mais aussi reconnaître le potentiel des SSP pour les soins en première ligne. Cette intégration devra être accompagnée par les mécanismes de remboursement appropriés incluant des mécanismes de partage des coûts et d’évaluation en milieu réel de soins afin de favoriser l’accès aux patients et refléter la valeur réelle de ces innovations technologiques. Décideurs et payeurs doivent être informés des implications financières des approches diagnostiques et thérapeutiques actuelles, des effets secondaires associés aux traitements non ciblés, des conséquences et coûts associés aux thérapies inefficaces, des économies attribuables à une diminution des hospitalisations ou à une prise en charge en première ligne. v.5 – 17 septembre 2015 29 En d’autres termes, il faut idéalement démontrer que c’est l’efficacité du système qui se verra améliorée. La démonstration de la plus-value au-delà des éléments de spécificité et de sensibilité et en milieu réel de soins nécessitera des mécanismes robustes d’un point de vue scientifique, acceptables pour le payeur, réalistes par rapport au contexte d’introduction de la technologie et flexibles pour tenir compte des incertitudes associées à la technologie même, mais aussi à sa place dans la trajectoire de soins. La mise sur pied de modèles innovants dédiés à la recherche et à l’élaboration d’études en milieu réel de soins sera essentielle au développement de technologies qui satisfont les critères d’efficacité et de sûreté tout en répondant aux impératifs économiques, sociétaux et organisationnels. Ces dernières années, le Québec a été un terrain fertile pour le développement de solutions diagnostiques innovantes. Il est donc primordial que le système de santé soit réceptif à l’intégration de ces innovations dès leur commercialisation. Dans un contexte où le réseau et les services de laboratoires sont en réorganisation et à la veille de l’introduction d’un financement axé sur le patient, il est fort probable que des politiques et processus devront être mis en place de manière à favoriser l’intégration de ces innovations à un coût acceptable et permettre d’exporter les innovations de rupture en diagnostic moléculaire dans la pratique de première ligne. Il faudra également veiller à ce que la centralisation de l’accès par le biais des laboratoires provinciaux permette de faire évoluer les fruits des nombreux partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Une modernisation des processus d’évaluation et de remboursement sous-tendue par des incitatifs commerciaux permettrait de concilier la valeur ajoutée des tests diagnostiques aux coûts associés. Pour ultimement favoriser l’accès aux patients, il faudra aligner les incitatifs financiers aux meilleures pratiques et éventuellement faire émerger de nombreuses efficiences dans le système de santé. D’autre part, le fait de disposer d'un système transparent, rigoureux et dynamique contribuera la croissance des entreprises locales et l’exportation de ces innovations tant à l’échelle canadienne qu’à l’échelle mondiale et consolider l’expertise clé au Québec. Alors que le créneau de la médecine personnalisée demeure attrayant, une convergence des forces sera nécessaire pour façonner l’environnement de manière à favoriser des collaborations public-privé, attirer des investissements et générer des solutions qui assurent la pérennité et qui engagent tous les acteurs, et ce dans l’intérêt des patients et du système de santé. v.5 – 17 septembre 2015 30 Pistes de solutions pour un parcours d’intégration favorable à l’innovation En se fondant sur la cartographie du parcours d’intégration et s’appuyant sur l’analyse des cas et les entretiens ciblés, le RSSPQ propose d’explorer les pistes de solutions suivantes afin de mieux favoriser l’intégration des SSP au système de santé québécois : 1. Sensibiliser les patients, les professionnels de la santé et les décideurs quant à la plusvalue des tests diagnostiques et leurs impacts sur la prise en charge du patient, mais aussi leur portée et leurs limites 2. Soutenir l’écosystème des SSP en consolidant les capacités d’intégration des produits découlant de la recherche 3. Mettre sur pied des politiques et processus favorisant le développement et l’introduction des innovations diagnostiques à valeur ajoutée pour le patient et le système de santé 4. Moderniser les processus d’évaluation et de remboursement de manière à concilier les meilleures pratiques en la matière aux incitatifs financiers et commerciaux pour ultimement favoriser l’accès aux patients et éventuellement faire émerger de nombreuses efficiences dans le système de santé 5. Favoriser un plus grand arrimage des processus d’évaluation et d’adoption des tests diagnostiques notamment les tests compagnons et les innovations de rupture en diagnostic moléculaire telles que les solutions au chevet du patient ou celles qui permettent d’exporter des services diagnostiques dans la pratique de première ligne 6. Appuyer la mise sur pied de modèles innovants robustes, flexibles et réalistes qui permettront la démonstration de la plus-value de ces innovations dans le cadre d’une trajectoire de soins Recommandations : 1- Soutenir la mise sur pied d’une de formation à l’intention des professionnels de la santé, et plus particulièrement des médecins, afin de mieux les informer sur la valeur, les impacts et les enjeux des soins de santé personnalisés. 2- Autoriser les compagnies qui développent des tests à soumettre une innovation diagnostique à valeur ajoutée pour évaluation. Les sociétés assumeraient alors les coûts de cette évaluation et l’organisme qui procède à l’évaluation remettrait ses conclusions dans un délai de douze mois 3- Faire une place à l’innovation dans le système de santé en dédiant des ressources financières adéquates pour permettre une évaluation rapide et rigoureuse dans un contexte réel de pratique des innovations diagnostiques. Le cas échéant il faudra les intégrer au système de santé, en favoriser l’accès à la population québécoise et ainsi faire émerger les nombreuses efficiences attendues. v.5 – 17 septembre 2015 31 Annexe A : Entretiens ciblés Patrice Allibert, Président-directeur général, GenePOC Étienne Pageau-Crevier, Président-directeur général à BiogeniQ Dr Véronique Déry, Commissaire adjointe aux analyses et politiques de santé et de bien-être, Commissaire à la santé et au bien-être Claude Di Stasio, Vice-présidente affaires québécoises à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes François Drolet: Directeur, Développement des affaires, Hoffman – La Roche Patrick Bergeron: Gestionnaire Principal, Département des politiques en matière de santé et des relations gouvernementales & soins spécialisés, Hoffmann – La Roche Jean Godin, Agent scientifique en chef, Novartis Canada Pavel Hamet, Président-directeur général, Prognomix Michèle Houpert, Directrice sciences de la vie et technologies vertes, Ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations du Québec Jean Lachaine, Président, PeriPharm Inc. Michelle Laflamme, Présidente-directrice générale, EMOVI Inc. Martin LeBlanc, Président-directeur général, Caprion Proteomics Catalina Lopez-Correa, Vice-présidente, Affaires scientifiques, Génome Québec Et plusieurs autres personnes qui ont préféré conserver leur anonymat. v.5 – 17 septembre 2015 32 Remerciements : La production de ce document a été rendue possible grâce à une subvention du Ministère Économie, Innovation et Exportations. v.5 – 17 septembre 2015 33