REGISTRE DE LA MEMOIRE DU MONDE FORMULAIRE DE PRESENTATION D’INSCRIPTION Thaïlande – L’inscription du roi Ram Khamhaeng PARTIE A - INFORMATIONS INDISPENSABLES 1 RESUME L’inscription du roi Ram Khamhaeng (RK) datant de 1292 apr. J.-C. est considérée comme un document important du patrimoine mondial car il révèle des informations de valeur sur plusieurs grands thèmes de l’histoire et de la culture mondiales. Non seulement cette inscription rend compte de l’invention des scripts de la langue thaï, bases des scripts modernes utilisés en Thaïlande par 60 millions de personnes, mais sa description exceptionnelle et détaillée de l’état Thaï de Sukhothai au 13ème siècle reflète également les valeurs universelles partagées par de nombreux états dans le monde à notre époque. Ces valeurs sont les principes de bon gouvernement, la règle de loi, la liberté économique, et la moralité religieuse, dans ce cas précis le Bouddhisme, une des principales religions au monde. La valeur de l’inscription en tant que document historique apparaissait déjà évidente lorsqu’elle fut utilisée pour soutenir la proposition thaïlandaise d’inscrire la ville historique de Sukhothai et l’association des villes historiques sur la Liste du patrimoine mondial en 1991. 2 INFORMATIONS SUR L’AUTEUR DE LA PROPOSITION 2.1 Nom Comité national thaï sur la Mémoire du Monde du programme mondial de l’UNESCO 2.2 Relation avec l’élément du patrimoine documentaire proposé Il appartient au comité de prendre en considération ce patrimoine mondial et de proposer son inscription au registre de la Mémoire du Monde. Le comité organise également des activités pour faire prendre conscience aux gens de la valeur des documents, de la nécessité de les conserver, et de leur droit à accéder à cet héritage. 2.3 Personne(s) à contacter : SE M. Pongpol Adireksarn, Ministre thaïlandais de l’Education Le Président de la commission nationale thaïlandaise pour l’UNESCO Ministère de l’Education, Avenue Rajadamnoen Nok Dusit, Bangkok 10300 Thaïlande Tél : 662 628 6137 Fax : 662 280 0138 2) Mme Savitri Suwansathit Secrétaire national, commission nationale thaïlandaise pour l’UNESCO Ministère de l’Education, Avenue Rajadamnoen Nok Dusit, Bangkok 10300 Thaïlande Tél : 662 628 5611, 662 628 6153 Fax : 662 280 1249 E-mail : [email protected] 3) Professeur Khunying Maenmas Chavalit Président du comité national thaï sur le programme Mémoire du Monde de l’UNESCO Bâtiment principal du SPAFA 81/1 Si-Ayutthaya Road, Sam-sen, Dusit Bangkok 10300 Tél : 662 280 4022-9 Fax : 662 280 4030 E-mail : [email protected] 2.4 Coordonnées complètes (adresse, téléphone, fax, adresse électronique) 3 Comme ci-dessus IDENTITE ET DESCRIPTION DU PATRIMOINE DOCUMENTAIRE 3.1 Nom et indications sur l’identité des éléments proposés Inscription du roi Ram Khamhaeng (1292 apr. J.-C.) Cote du musée national : 158/2511. Dépositaire : Musée national de Bangkok Na Phra That Road Bangkok 10200, Thaïlande Tél : 662-2249911, 662-2241396 Fax : 662-2249911 3.2 Description (joindre une description du patrimoine mondial : se référer au guide pour remplir ce formulaire) 3.2.1 Description et inventaire Inscription en grès fin de 114,5 cm de hauteur à 4 coins et surmontée d’une pyramide quadrilatérale. Le premier côté contient 35 lignes, le second 35, le troisième 27 et le quatrième 27. Chaque côté fait 35,5 cm de largeur. L’inscription est rédigée en thaï en scripts Sukhothai. 3.2.2 Détails de la cote Cote du musée national : 158/2511. Date d’acquisition (de la bibliothèque nationale) : 29 novembre 1968. 3.2.3 Résumé de son origine La RK a été découverte par le prince Mongkut de Siam, plus tard roi Chomklao ou Rama IV, en 1833 lors de sa visite dans la vieille ville de Sukhothai, alors qu’il était moine bouddhiste. L’inscription fut ramenée à Bangkok avec une autre inscription et un banc en pierre supposé être un trône connu comme le Manangsilabat. Ces objets furent conservés au monastère de Rachathirat où le prince habitait. Ils suivirent ensuite le prince au monastère de Bowon Nivet. Après son accès au trône, le roi les plaça dans le temple du Bouddha d’Emeraude où ils furent conservés jusqu’en 1923, date à laquelle le roi Vajiravudh ordonna que les inscriptions soient déplacées pour rejoindre une collection d’inscriptions dans la bibliothèque de Wachirayan en face du monastère Maha That. Le trône Manangsilabat était encore conservé au temple du Bouddha d’Emeraude. Toutes les inscriptions furent déplacées dans la salle Siwamokhaphiman du Bowon Sathan Mongkhon ou Front Palace lors du règne du roi Prajadhipok (19251935). A l’époque, la salle devait être utilisée comme bâtiment pour la bibliothèque de Wachirayan, actuellement connue sous le nom de bibliothèque de Vajiravudh. En 1968, l’inscription du roi Ram Khamhaeng fut déplacée dans la salle Siwamokhaphiman, maintenant partie intégrante du musée national. Cette inscription fut exposée lors des expositions Sukhothai et n’a pas été déplacée depuis. L’inscription reste en bon état malgré ses nombreux déplacements. Etant donné que les inscriptions n’ont aucune valeur commerciale, aucune réplique n’a été réalisée, ni pour être vendue, ni pour se substituer à l’original dans une tentative de vol. 3.2.4 Evaluation de l’état et de la condition L’inscription est en bon état, hormis quelques légères fêlures en surface. Les écritures sont presque toutes lisibles. Des lettres sont manquantes ou difficiles à déchiffrer en seulement 6 endroits. 3.2.5 Documentation visuelle (consulter les photographies de l’inscription et l’endroit où elle est conservée). 3.2.6 Bibliographie : 1. Coedes, G. Recueil des Inscriptions du Siam Première partie: Inscriptions du Sukhodaya. Bangkok: Bangkok Times Press, 1924. 2. Griswold, A.B. & Prasert na Nagara « The Inscription of King Rama Gamhen of Sukhodaya (1292 A.AD): Epigraphic and Historical Studies No.9 » Journal of the Siam Society 59 (1971): 179-228. 3. Wyatt, David K. Thailand A Short History. New Haven and London: Yale University Press, 1984, pp.54-59. 3.2.7 Experts 1. Dr. Prasert na Nagara. Professeur d’Histoire, Université de Silpakon, Thaïlande. Ancien Président de la « Royal Academy » de Thaïlande Adresse: 101/1 Soi Than Phuying Phahon, Ngam Wongwan Rd., Bangkok 10900, Thaïlande 2. Dr. David K. Wyatt., Professeur d’Histoire du John Stambaugh, Université de Cornell, Etats-Unis. Adresse : 3. 5 Leslie Lane Ithaca NY 14850, Etats-Unis (607) 257-1894 Dr. Yoneo Ishii : Professeur d’Histoire, Président, Université d’Etudes Internationales de Kanda, Chiba, Japon. Adresse : Université d’Etudes Internationales de Kanda Wakaba 1-4-1, Mihama-ku, Chiba-city Chiba 261-0014 Japon 4 MOTIVATION DE L’INSCRIPTION SUR LE REGISTRE / EVALUATION SUR LA BASE DE CRITERES DE SELECTION 4.1 L’authenticité du document est-elle établie ? (voir 4.2.3) Même si la RK appartient à une période de l’histoire de la Thaïlande relativement bien documentée en données épigraphiques, il existe toujours des blancs dans la connaissance historique, ce qui rend difficile l’authentification des pièces avec une précision scientifique, qu’elles soient des œuvres d’art ou des documents écrits. Néanmoins, en raison de son caractère unique et de son importance, cette inscription est un des documents écrits de Thaïlande les plus étudiés. L’authenticité de l’inscription a été établie grâce à différents facteurs : 1. Elle a été personnellement découverte à Sukhothai en 1833 par le roi Rama IV de Siam lorsqu’il était encore prince Mongkut et moine bouddhiste. 2. Depuis sa découverte, l’inscription a été attentivement lue et étudiée par des universitaires thaïlandais ou étrangers, des historiens, des historiens de l’art, des anthropologues, des linguistes et des épigraphistes, par exemple les rois Rama IV, Chulalongkorn, Vajiravudh, le prince Pawaret Wariyalongkorn, le prince Damrong Rajanubhab, le prince Subhadradis Diskul, M.R. Subhawat Kasemson, George Coedes, Adolf Bastian, Pere Schmitt, C.B. Bradley, James R. Chamberlain, Yoneo Ishii, Hiram Woodward Jr., Betty Gosling, B.J. Terwiel, Richard A. O'Connor, et David K. Wyatt. Tous sont convaincus de son authenticité. 3. Cela ne signifie pas qu’aucune question ne se pose sur son authenticité. Les problèmes liés aux scripts, au vocabulaire et au contenu nous ont amené les conclusions suivantes : 3.1 3.2 3.3 L’inscription n’a pas été rédigée par le roi Ram Khamhaeng mais par un roi qui lui a succédé. L’inscription n’a pas été rédigée par une personne de Sukhothai. Il s’agissait un faux réalisé par le roi Rama IV afin de justifier l’extension de son royaume et sa politique d’économie libérale. Le débat sur ces problèmes, soulevés en particulier par Michael Vickery et Piriya Krairiksh, s’est déroulé à la fin des années 80. Leurs arguments, leur logique et leurs preuves ont été examinés de manière approfondie par plusieurs linguistes occidentaux et thaïlandais, des historiens de l’art, des épigraphistes et des universitaires qui, tout en reconnaissant certaines énigmes étaient liées à l’inscription, s’opposaient à certains points soulevés, et maintenaient que l’inscription était authentique et non une contrefaçon réalisée par une génération postérieure et destinée à induire en erreur les lecteurs. En fait, comme on l’a fait remarquer, la volonté de prouver que l’inscription était un faux a jouée en sa faveur. Ce débat a en effet permis de renforcer l’authenticité de l’inscription et de montrer combien les érudits du monde entier reconnaissent sa valeur et sont prêts à défendre ce document authentique d’une importance mondiale. Il semble que le problème de l’inscription Ramkhamhaeng vienne du fait qu’il y ait eu une tentative antérieure de création d’un système d’écriture plus tard modifié, laissant ainsi un document Sukhothai différent du reste. Le style simple de la langue thaï n’a pas été suivi par les personnes qui ont réalisé les inscriptions ultérieures. Elles ont préféré utiliser des mots dérivés du sanskrit et du pali et un style plus majestueux représentant mieux la grandeur monarchique de l’époque. Il existait des formats sur mesure pour l’écriture des inscriptions qui font de ce document, avec son style direct et sa très longue narration, une véritable curiosité. En fin de compte, les connaissances historiques sur Sukhothai et le thaï du 13e au 15e siècle sont toujours limitées et par conséquent toujours sujet à débat. 4. En 1990, Chirapon Aranyanak, scientifique à la conservation du musée national de Thaïlande, et Srisopa Maranate, scientifique du département des ressources minérales de Thaïlande, ont effectué une étude préliminaire des surfaces de 5 inscriptions de Sukhothai, y compris l’inscription de Ramkhamhaeng, en utilisant un microscope électronique à balayage et un spectromètre à rayons x à dispersion d’énergie. Ils ont confirmé que toutes les inscriptions avaient été réalisées à la même période, il y a 700 ou 500 ans, et non au 19e siècle comme certains l’avaient supposé. 4.2 L’intérêt universel et le caractère unique et irremplaçable sont-ils établis ? (voir 4.2.4) 4.2.1 Contenu L’inscription peut être divisée en trois parties. La première partie (lignes 1 à 18) décrit la vie et les exploits du roi Ram Khamhaeng de sa naissance à son accès au trône. Le pronom personnel « je » est utilisé d’un bout à l’autre. La seconde partie (ligne 18 sur le premier côté à la ligne 8 sur le deuxième côté) décrit en détail les différents aspects de la ville de Sukhothai d’un point de vue physique, politique et social. La troisième partie (lignes 8 à 27, dernière ligne du quatrième côté) célèbre le roi, en le montrant inventeur des scripts du thaï et régnant sur un vaste royaume. L’absence du « je » dans les deux dernières parties laisse à penser qu’elles ont été rédigées par les successeurs du roi. 4.2.2 L’intérêt universel La RK contient plusieurs valeurs politiques, économiques et culturelles auxquelles les états modernes actuels adhèrent. A savoir : 1. La légitimité de bon gouvernement. Même si la succession héréditaire était le principe majeur pour l’accès légitime au pouvoir, le roi Ram Khamhaeng a ajouté que la piété filiale et le courage étaient ses vertus personnelles (d’où le nom khamhaeng qui signifie courage). Son règne était basé sur la justice (dharma) ou sur le règne de la loi pour tous, qu’il demandait à son peuple de suivre. Il était généreux et clément, mais aussi attentif et à l’écoute de ses compatriotes. « Lorsque les hommes du peuple ou de rang ne sont pas d’accord, [le roi] examine le cas pour établir la vérité et transige justement pour eux. Il ne fréquente pas les voleurs et ne favorise pas les dissimulateurs [de biens volés]. Lorsqu’il voit le riz de quelqu’un, il ne le couvre pas, lorsqu’il voit la richesse de quelqu’un, il ne l’envie pas. Si quelqu’un montant un éléphant vient à lui pour demander la protection de son pays, il l’aide, le traite avec générosité et s’occupe de lui ; si quelqu’un vient à lui sans éléphant, sans cheval, sans jeunes hommes ou femmes de rang, sans argent ou or, il lui offre toutes ces richesses et l’aide jusqu’à ce qu’il puisse établir son [propre] état. Lorsqu’il capture des combattants ennemis, il ne les tue pas et ne les bat pas. Il a accroché une cloche dans l’ouverture de la porte à l’entrée de la ville : si un homme du peuple souffre d’une douleur telle que son ventre en est retourné et son cœur malade et qu’il désire que son chef et maître le sache, il lui suffit de sonner la cloche suspendue par le roi ; le roi Rama Gamhen, chef du royaume entend [la cloche], convoque cet homme puis le questionne, examine son cas et décide justement pour lui. De cette façon, les habitants de ce Moan de Sukhothai vivent heureux ». 2. Liberté économique et économie de marché Ce document est un des rares documents historiques dans le monde qui définit non seulement les activités économiques, mais montre aussi qu’il y a sept cents ans, un dirigeant acceptait avec enthousiasme le libre-échange et le marché libre. « A l’époque du roi Rama Gamhen, le pays de Sukhothai prospère. Les eaux sont peuplées de poissons et les champs couverts de riz. Le seigneur du royaume ne lève pas d’impôt (et) il est simple pour ses sujets de mener leur bétail pour le négocier, ou de chevaucher leurs chevaux pour les vendre ; quiconque souhaite négocier des éléphants le fait ; quiconque souhaite négocier des chevaux le fait ; quiconque souhaite négocier de l’argent ou de l’or le fait. 3. Droits des citoyens Le texte indique que sous le règne du roi Ram Khamhaeng, les citoyens pouvaient rencontrer leur souverain ou présenter une requête, ils avaient la liberté religieuse et pouvaient commercer ou posséder des droits de propriété, par exemple : « Lorsqu’un homme du peuple ou un homme de rang décède, son bien – éléphant, femmes, enfants, greniers, serviteurs, réserves et plantations d’arécas et de bétel – est entièrement légué à son fils. » 4. Moralité religieuse Sukhothai était un état bouddhiste plein de vitalité présentant un mélange unique de croyances animistes traditionnelles et d’un nouveau style international de bouddhisme Pali allant du Sri Lanka à la Thaïlande du Sud. La pratique religieuse apportait à la ville paix, tranquillité et harmonie avec la nature. « Les habitants de Sukhothai aiment à observer les préceptes du culte et à accorder l’aumône. Le roi Rama Gamhen, chef de la ville de Sukhothai, mais aussi les princes et princesses, les jeunes hommes et femmes de rang et tous les nobles sans exception, qu’ils soient hommes ou femmes, ont tous foi en la religion du Bouddha et tous célèbrent les cérémonies du Kathina. Ces cérémonies durent un mois et on y trouve des montagnes de cauris, d’arécas, des tapis de fleurs ainsi que des coussins ornementés. Les offrandes faites [aux moines] comme accessoires de la Khatina [s’élèvent à] deux millions chaque année. Chacun part à l’Arannika pour y réciter le Kathina. Pour retourner en ville, ils marchent ensemble, formant une ligne de l’Arannika au lieu de parade. Ils rendent cet hommage au son des instruments et des chants. Quiconque souhaite être joyeux peut l’être, quiconque souhaite rire le fait, quiconque veut chanter le fait… Dans la ville de Sukhothai, on peut trouver des viharas, des statues en or du Bouddha, des statues de 18 coudées de hauteur, des viharas et des statues du Bouddha de taille moyenne et de grandes tailles, des moines, Nissayamuttas, Theras et Mahatheras… A l’Ouest de la ville de Sukhothai se trouve l’Arannika, construit par le roi Rama Gamhen comme offrande au Mahathera Sangharaja, le moine qui a étudié les Saintes Ecritures dans leur totalité, plus grand sage du royaume, venu de Moan Sri Dharmmaraja. A l’intérieur de l’Arannika, se trouve un imposant vihara rectangulaire, d’une beauté incroyable ainsi qu’une statue de Bouddha de dix-huit coudées de haut. A l’Est de la ville de Sukhothai, on trouve des viharas et des moines, un grand lac, des bosquets d’arécas et de bétel, des fermes d’altitude et de plaines, des propriétés, de grands et de petits villages, des manguiers et des tamariniers. Ces splendeurs donnent l’impression d’avoir été créées pour le simple plaisir des yeux. Au nord de la ville se trouve le bazaar, la statue de Acan, des prasadas, des cocotiers et des jaquiers, des fermes d’altitude et de plaines, des propriétés, de grands et de petits villages. Au Sud, on trouve des kutis avec des viharas ainsi que des moines. On trouve également le barrage, des cocotiers et des jaquiers, des manguiers et des tamariniers, des torrents, et il y a Brah Khabun. Brah Khabun est l’esprit divin des torrents. Il est plus puissant que n’importe quel autre esprit du royaume. Tout seigneur dirigeant le royaume de Sukhothai, s’il jure obéissance et fait les bonnes offrandes, verra son règne durer. Mais s’il n’est pas fidèle à Brah Khabun, ou si les offrandes ne sont pas bonnes, l’esprit de la colline ne protègera plus le royaume et celui-ci sera perdu… En l’année 1207 saka, année du sanglier, il fit exhumer les Saintes Reliques pour que chacun puisse les voir. Elles furent adorées pendant un mois et six jours et furent ensuite enterrées au milieu du Sri Sajjanalai. On fit construire un cetiya sur l’une d’entre elles. La construction de ce cetiya dura six ans. Un mur de pierres dont la construction dura trois années fut construit autour du Brah Dhatu ». Le roi Ram Khamhaeng se considérait comme un dirigeant bouddhiste modèle gouvernant en toute équité selon les préceptes moraux du Bouddhisme. Il était ainsi un maître pour son peuple. « En 1214 saka, année du dragon, le roi Rama Gamhen, seigneur du royaume de Sri Sajjannalai et Sukhothai, après avoir planté des palmiers à sucre quatorze ans auparavant, ordonna à ses artisans de graver une dalle de pierre et de la placer a au centre ce ces palmiers. Le jour de la nouvelle lune, et le huitième jour de la lune décroissante, un (des) moine(s), theras ou mahateras se lève et s’asseoit sur la dalle pour prier le Dharma pour la foule de profanes qui observent les préceptes. Lorsque ce n’est pas le jour de prière du Dharma, le roi Rama Gamhen, seigneur du royaume de Sri Sajjannalai et Sukhothai se lève et s’asseoit sur la dalle de pierre et laisse les dignitaires, seigneurs et princes discuter des affaires de l’état avec lui. Le jour de la nouvelle lune, et le jour de la pleine lune, lorsque l’éléphant blanc Rucari a été paré de howdah, orné d’une étoffe, et que ces défenses ont été décorées d’or, le roi Rama Gamhen part sur son dos jusqu’à l’Arannika pour rendre hommage au Sangharaja puis s’en retourne… Le roi Rama Gamhen était souverain sur toute la région du Dai. Il était le juste… Tous les hommes qui habitent ces terres ont été éduqués par lui selon les préceptes du Dharma, chacun sans exception ». 5. Liberté d’expression par le biais d’une langue écrite. L’inscription est une pièce historique unique qui montre l’importance de l’écriture il y a 700 ans. L’invention des scripts pour la langue thaï par le roi Ram Khamhaeng fut un événement-clé. D’après ce que nous en savons, il n’existe pas d’autre source dans le monde qui prouve l’invention ou la signification d’un système d’écriture encore utilisé à l’heure actuelle. Même si le système d’écriture thaïe n’est utilisé que par 60 millions de personnes dans le monde, cette invention doit être considérée comme un événement de premier ordre dans l’histoire de l’avancée humaine. Cette longue inscription décrit parfaitement les faits et les valeurs permettant de montrer le talent et l’aptitude, nécessaires à la transformation d’une forme orale en forme écrite. La langue thaï existait auparavant en temps que langue orale chez les personnes qui vivaient près du Fleuve Rouge et en amont du Mékong. On s’accorde à penser que les scripts thaïs ont tout d’abord été une adaptation des scripts Pallava au 9e siècle. Ils étaient scindés en deux branches : l’une associée aux scripts Mon et l’autre aux scripts Khmer. L’écriture Sukhothai combinait les deux branches. L’inscription de Ram Khamhaeng est la plus récente preuve linguistique de ce développement. Etant donné que le système d’écriture a continué à évoluer après le 13e siècle, cette inscription pourrait être considérée comme un « prototype » qui fut plus tard modifié en permanence. L’invention du roi Ram Khamhaeng se révèle très importante pour la Thaïlande et pour les personnes qui parlent le thaï pour les raisons suivantes : 1. La RK est unique et irremplaçable puisqu’elle est la plus vieille inscription de la langue thaï. Dans les scripts de Ram Khamhaeng, 9 consonnes et plus de 15 voyelles ont été ajoutées aux scripts indiens pour que tous les mots thaïs soient transcrits, tandis que les autres scripts du Sud-Est asiatique utilisent seulement les alphabets des scripts indiens, si bien qu’un symbole représente 2 ou 3 sons. 2. Dans les scripts de Ram Khamhaeng des signes spéciaux sont destinés à marquer différents tons. Cette pratique est probablement un cas unique parmi toutes les langues à tons. 3. Chaque consonne est simplifiée de 2 ou 3 lignes pour former une ligne continue et simplifie l’écriture d’un passage. 4. Les consonnes de niveau inférieur sont remplacées par des consonnes ordinaires et sont écrites sur la même ligne. Il n’est plus nécessaire de les mémoriser. Le professeur George Coedes a fait remarquer que cette pratique avait permis à la Thaïlande de concevoir une machine à écrire 50 ans avant les autres pays du Sud-Est asiatique. 5. Il n’y a aucune ambiguïté de lecture de passages dans les scripts de Ram Khamhaeng. Par exemple “ taa klom” est distinct de “taak lom”. Ces deux passages n’en forment qu’un seul dans les scripts thaïs actuels, qui divergeaient de l’invention originale. Même si d’autres communautés thaïes, comme celle d’Assam ou du Vietnam du Nord ont sans doute introduit les scripts thaïs sous une autre forme, il n’existe nulle part ailleurs d’autres sources plus anciennes que la RK. 4.3 Un ou plusieurs des critères (a) de l’époque, (b) du lieu, (c) des personnes, (d) du sujet et du thème, (e) de la forme et du style sont-ils remplis ? (voir 4.2.5) 4.3.a. le temps : La RK a été écrite à l’occasion de la pose d’un trône en pierre pour le roi Ram Khamhaeng. Quatre inscriptions ont été faites au total. La RK est la seule qui existe encore. L’inscription reflète un changement radical dans l’histoire du Sud-Est asiatique. Le 13e est souvent considéré par les historiens tels que D.G.Hall, George Coedes et Oliver Wolters, comme un tournant critique, puisque les Mongols ont envahi le Sud-Est asiatique et deux grands états continentaux, Pagan et Angkor ont disparu. Les groupes ethniques parlant le thaï ont commencé à s’établir dans la partie supérieure du Myanmar et en Thaïlande où Chiang Maï, Sukhothai et Ayutthaya furent fondées ou transformées en plus grands centres politiques. Le roi Ram Khamhaeng est connu comme étant l’un des cofondateurs de la ville de Chiang Maï en 1226, quatre ans après la réalisation de l’inscription. La RK est par conséquent un document important qui définit la nature de ce changement capital au 13e siècle. La prouesse militaire était une qualité nécessaire mais l’inscription parle aussi d’un état pacifique et civilisé. L’invention des scripts Sukhothai fut un événement capital puisqu’elle a établi les fondations de la société alphabète que l’on trouve dans la Thaïlande actuelle. 4.3.b. le lieu La RK fut découverte par le prince Mongkut en même temps que le trône de pierre dans ce qui est maintenant la vieille ville de Sukhothai et un site du patrimoine mondial. Il est possible que le trône et l’inscription se trouvaient à l’origine tous les deux dans un palais royal. L’importance de la vieille ville de Sukhothai est en grande partie basée sur la description détaillée de la vieille ville (voir pièce jointe). C’est un lieu idyllique, sans doute l’image qui correspond le mieux à l’idée d’une société et d’un état idéaux. La description de la ville est très riche et constitue une source rare pour l’étude de l’histoire urbaine mondiale de cette époque. 4.3.c. les personnes : Si nous acceptons qu’il est vraiment l’inventeur d’un système d’écriture majeur, le roi Ram Khamhaeng doit alors être considéré comme une personne ayant grandement contribué à l’histoire et à la culture mondiales. De plus, il était un fervent bouddhiste dans la lignée du roi Asoka, qui « enseigna toutes ses connaissances du thaï pour comprendre parfaitement le mérite et le Dharma ». Son règne et sa façon de gouverner doivent être considérés comme novateurs à tous points de vue. 4.3.d. le sujet et le thème Même si l’objectif de la RK est de glorifier le roi Ram Khamhaeng et montrer son royaume de Sukhothai comme étant un état idéal, la RK contient également des thèmes universaux et se révèle une source intemporelle d’avancées et d’idéaux politiques. La création de scripts permettant d’établir un lien avec une langue orale existante est une avancée notable puisqu’elle permet le développement de l’éducation et l’acquisition du savoir. La description d’un état et d’une société idéaux fonctionnant à Sukhothai il y a près de 700 ans ne peut pas être remis en cause. Dans cet état où la liberté économique et la garantie des droits de propriété étaient établis, la justice était la même pour tous et le roi était proche de son peuple. Le Bouddhisme se développait et constituait un lien solide entre le roi et ses sujets. La RK décrit de nombreuses valeurs sociales et politiques auxquelles aspirent tous les états. 4.3.e. la forme et le style : La RK est un exemple exceptionnel du type d’inscriptions classiques que l’on trouve dans le Sud-Est asiatique : une pièce de grès fin merveilleusement travaillée. Les scripts ont été placés avec précision pour faire montre du savoir-faire thaïlandais en matière de communication écrite. La langue utilisée est somptueuse et directe, et reflète presque la façon dont elle était parlée. Son style ne ressemble à aucun style des 1200 autres inscriptions découvertes en Thaïlande. Il était courant de réaliser des inscriptions pour signaler un événement important, habituellement une donation religieuse. Cette inscription a été réalisée pour signaler un événement exceptionnel d’une grande importance sociale, et pour montrer que les personnes qui parlaient le thaï pouvaient aussi communiquer et réaliser de très longues narrations par le biais de l’écriture. Ceci fait de l’inscription du roi Ram Khamhaeng une pièce d’épigraphie unique. 4.4 Les questions de rareté, d’intégrité, de menace et de gestion se rapportent-elles à la présente proposition d’inscription ? (voir 4.2.6) (a) Rareté La RK est la plus ancienne inscription en thaï jamais découverte. Sa forme, ses scripts et son contenu sont uniques. (b) Intégrité La RK est intacte. Les textes inscrits sont tous lisibles. (c) Menace La RK est conservé au musée national de Bangkok dans une pièce à température contrôlée et surveillée 24h/24. (d) Gestion Le musée national est une administration sous loi thaïlandaise et aux normes internationales. Il existe des plans établis pour répondre aux différents types de situations d’urgence ou de désastres, notamment les vols, les incendies, les émeutes, les catastrophes naturelles, le vandalisme, les accidents et les actes terroristes. Il existe également des plans de rétablissement après urgence. 5 DONNEES JURIDIQUES 5.1. Propriétaire du patrimoine historique (nom et coordonnées complètes) Musée national de Bangkok Bureau des musées nationaux Département des Beaux-Arts, Ministère de la Culture Na Phra That Road Bangkok 10200, Thaïlande Tél : 02-2249911, 02-2241396 Fax : 02-2249911 5.2 Dépositaire du patrimoine documentaire (nom et coordonnées complètes, si le dépositaire n’est pas le propriétaire. 5.3 Statut juridique : Catégorie de propriété Régime de propriété (b) Accessibilité La RK est accessible cinq jours par semaine. Le musée est ouvert au public tous les jours sauf le lundi, le mardi et pendant les fêtes nationales. L’entrée est de 40 Baht (1 USD = 43 Baht), ce qui est un tarif raisonnable en Thaïlande. Les textes ont été photographiés et transcrits de nombreuses fois. Des estampages ont été réalisés et sont disponibles à la bibliothèque nationale de Thaïlande. Les textes sont disponibles dans la langue d’origine mais aussi en thaï moderne, en anglais et en français. Plusieurs petites répliques ont été faites en 1983 par un philanthrope thaïlandais pour être distribuées dans les écoles à l’occasion du 700e anniversaire de l’invention des scripts thaïs. © Droits d’auteur Les textes sont du domaine public et ne sont pas sujet aux droits d’auteur. (d) Administration responsable 1. Comité du musée national de Bangkok pour l’administration des musées. 2. Comité du département des Beaux-Arts pour l’administration d’importance. Autres éléments Selon la loi de 1961 (révisée en 1992) sur les lieux historiques, artéfacts, artéfacts artistiques et musées nationaux, il est interdit de faire une réplique exacte de l’inscription RK. 6 PLAN DE GESTION 6.1 Existe-t-il un plan de gestion conçu pour le patrimoine documentaire ? OUI Il n’y a pas de plan de gestion spécial pour la RK. La RK est gérée par le musée national de Bangkok. Si oui, joindre un résumé du plan. Si non, fournir des informations plus détaillées sur le stockage actuel et le dépositaire des objets. La RK peut être vue dans la salle d’exposition des pièces historiques de la grande salle Siwamokhaphiman du musée national de Bangkok, qui travaille selon les normes internationales de gestion de musée et les lois thaïlandaises sur les musées et sur la préservation et la conservation du patrimoine culturel. 7 CONSULTATION 7.1 Rendre compte de la consultation (a) du propriétaire du patrimoine ; (b) du dépositaire ; (c) de votre comité national ou régional de la Mémoire du monde au sujet de la proposition d’inscription : a) Propriétaire : Musée national de Bangkok, Bureau des musées nationaux, Département des beaux-Arts, Ministère de la Culture. b) Dépositaire : Comme ci-dessus (a). Le musée soutient cette nomination. c) Comité régional ou national du programme Mémoire du Monde. Le comité thaïlandais du programme Mémoire du Monde comprend des experts, des universitaires et des fonctionnaires concernés par la sauvegarde du patrimoine documentaire national. Depuis sa formation en juin 2002, il a tenu des réunions mensuelles pour étudier les candidats potentiels à la nomination. PARTIE B – INFORMATIONS ACCESSOIRES 8 EVALUATION DES RISQUES 8.1 Donner des indications sur la nature et l’étendue des menaces auxquelles l’élément du patrimoine documentaire est exposé (voir 5.5). Aucun risque n’est encouru sauf en cas de catastrophe imprévue comme un incendie ou une inondation. Pour de tels événements, un état d’urgence est décrété, tout comme pour les émeutes ou les détériorations. 9 EVALUATION DE LA CONSERVATION 9.1 Donner des indications sur les conditions de préservation du patrimoine documentaire (voir 3.3). La RK est correctement conservée et surveillée. Aucune tentative n’a été faite pour réparer les fêlures ou pour rendre les écritures plus lisibles. Il est prévu de revoir les mesures de préservation pour les inscriptions en pierre sous la responsabilité des musées nationaux. PARTIE C - SOUMISSION Cette proposition d’inscription est soumise par : M. Pongpol Adireksarn Le Président de la commission nationale thaïlandaise pour l’UNESCO 29 janvier 2003