1, chemin des Falaises CH-1005 Lausanne

publicité
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Forum de la recherche de
l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique
Jeudi 18 avril 2013
ème
étage, Hôpital Nestlé
Auditoire L. Michaud, 3
Programme
09h00
Accueil
09h10 – 10h30
Session 1 : AILLEURS
Sylvie Ayari : Présentation de mon projet de thèse : La pharmacologie dans le Canon
d’Avicenne
Bertrand Graz: La médecine gréco-arabe aujourd’hui en Mauritanie et le "Recueil des Vertus
de la Médecine Ancienne"
Aline Sigrist: Globalisation de la médecine ayurvédique : reformulation d’une médecine
« traditionnelle » face à la biomédecine
Lucia Candelise: Les pratiques médicales chinoises en Europe, un regard comparé entre
différents pays européens
10h30 – 10h45
Pause
10h45 – 12h25
Session 2 : HISTOIRES
Christiane Ruffieux : La communauté des médecins genevois face à la thérapeutique au
début du 19ème siècle. L'exemple des fièvres.
Piergiuseppe Esposito: Naissance et épanouissement du tourisme médico-sanitaire dans
l’Arc lémanique et le Chablais vaudois (1850-1914)
Florence Choquard: Les modifications du statut des œuvres des patients de Cery au XXème
siècle: de l'utilisation médicale des productions asilaires à la constitution d'un fonds littéraire
Christel Gumy: Une (pré)histoire du cerveau adolescent ?
Stéphanie Pache: Entre institutionnalisation et émancipation : les thérapeutes féministes en
santé mentale
12h30 – 14h15
Repas
14h15 – 16h35
Session 3 : ICI
Marion Droz, Krzysztof Skuza : Les investissements différenciés d’un diagnostic : exemple
du MCI
Yannis Papadaniel: Les proches aidants: les contours flous d’une catégorie
Michela Villani: Médecine, sexualité et excision. Sociologie de la réparation clitoridienne chez
des femmes issues des migrations d’Afrique subsaharienne
Irene Maffi: Enfanter au CHUV. Le parcours expérientiel des couples de la préparation à la
naissance au retour à domicile
Véronique Mauron: L’incertain du zygote
Nicholas Stücklin: Chasser le renard. Habitat urbain, expulsion et versions zurichoises d’un
cerveau universel
Emilie Bovet, Vincent Pidoux: Les études sociales et historiques des sciences et de la
médecine peuvent-elles améliorer la médecine? Le cas de la revue de littérature comme
facteur d’interdisciplinarité
16h35 – 17h30
Discussion – apéro
Organisation et modération: Vincent Barras et Francesco Panese
Contact: IUHMSP, Falaises 1, CH-1005 Lausanne, [email protected], tél. 021 314 70 50
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Forum de la recherche de
l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique
Jeudi 18 avril 2013
Auditoire L. Michaud, 3ème étage, Hôpital Nestlé
Résumés des interventions
(par ordre alphabétique des participants)
Sylvie Ayari
Présentation de mon projet de thèse : La pharmacologie dans le Canon d’Avicenne
Pourquoi le Canon d’Avicenne ne suscite-t-il pas davantage d’intérêt en dépit de son glorieux passé ?
Les éditions récentes, pour la plupart, ne font que reproduire le texte arabe ou latin sans en
commenter le contenu. Or c’est ce long travail de déchiffrage du texte qui reste à faire. Dans notre
thèse, nous voulons tenter d’apporter un éclairage sur les livres II et V du Canon qui traitent de
pharmacologie. Au Forum de la recherche, nous présenterons quelle direction nous souhaitons
donner à notre thèse, ainsi que les difficultés qui font obstacle à un chercheur consciencieux
souhaitant décrypter le contenu du Canon.
Emilie Bovet, Vincent Pidoux
Les études sociales et historiques des sciences et de la médecine peuvent-elles améliorer la
médecine ? Le cas de la revue de littérature comme facteur d’interdisciplinarité
Notre contribution vise à faire un retour sur l’immersion d’une année au sein d’un institut universitaire
de recherche en épidémiologie clinique, en santé publique et d’évaluation d’efficacité des soins. Cet
institut définit et évalue des recommandations de bonnes pratiques cliniques basées sur les preuves
apportées par des essais cliniques contrôlés, des revues systématiques, ou des méta-analyses, tous
trois piliers de l’evidence-base medicine (EBM). C’est dans ce contexte que s’est constitué un groupe
de recherche interdisciplinaire – dont nous faisons partie – autour des problèmes de « traduction » ou
d’application des connaissances issues de l’EBM dans la pratique clinique quotidienne. De manière
exploratoire et réflexive, nous souhaitons interroger notre propre rôle à l’intérieur de ce groupe. Nous
reviendrons sur la question de l’interdisciplinarité et de ses coûts en termes de travail d’explicitation
conceptuelle, théorique, méthodologique et de médiation, et évoquerons également la complexité
d’effectuer une revue de « l’état de l’art » dans un domaine à la croisée des sciences humaines,
sociales et biomédicales.
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Lucia Candelise
Les pratiques médicales chinoises en Europe, un regard comparé entre différents pays
européens
Travaillant dans une optique comparative sur la diffusion des médecines chinoises dans différents
contextes nationaux européens, je présenterai quelques résultats de ma recherche menée en France
et en Italie amorçant le travail que je souhaiterais mener en Suisse.
Si les médecines venant de Chine telles qu’elles sont pratiquées dans différents pays dérivent toujours
d’une pensée liée à la civilisation chinoise et à un savoir médical se référant à des principes communs
(la circulation du qi, les principes des cinq mouvements, du yin et du yang, etc.), elles varient
fortement entre elles, dans la façon dont elles sont pratiquées, interprétées, intégrées avec d’autres
techniques et savoirs médicaux dans les différents pays européens. Je montrerai comment à partir
des années 1930 des connaissances et pratiques médicales (en particulier l’acupuncture) provenant
de la médecine chinoise ont pris forme et contenu dans une réalité nationale (locale) autre, celle de la
France et comment elles ont circulé dans différents pays européens. Je m’appuierai sur l’histoire des
institutions ayant accueilli et diffusé l’acupuncture en France et en Italie, sur l’étude des trajectoires
individuelles des principaux acteurs de l’apparition et réception de cette technique médicale, ainsi que
sur mes études de terrain pour commencer à les comparer avec d’autres situations nationales, en
particulier celle de la Suisse. L’idée sera d’examiner comment la pratique de l’acupuncture en Europe
peut se définir comme le résultat du dialogue entre les réalités locales et la globalisation ou
mondialisation des savoirs et des techniques médicales.
Florence Choquard
Les modifications du statut des œuvres des patients de Cery au XXème siècle: de l'utilisation
médicale des productions asilaires à la constitution d'un fonds littéraire.
En quoi les dessins et les textes rédigés par les patients psychiatriques alimentent les connaissances
des médecins? Comment s'opère la mutation des regards portés sur ces œuvres, qui passent d'un
statut d'objet clinique et scientifique à celui d'archive et de pièce de collection?
Le psychiatre helvétique Hans Steck (1891-1980), qui a travaillé à l’Asile psychiatrique de Cery de
1920 à 1960 et qui s’est fait connaître grâce à l’œuvre d’Aloïse Corbaz, reconnue comme auteure
d’art brut par Jean Dubuffet en 1945, constitue le fil rouge de mes recherches. Dans le contexte des
mouvements tels que l’« art psychopathologique » et l’« art brut », Steck, dans une perspective
épistémologique, étudie les théories de « la mentalité primitive et les peintures magiques des
schizophrènes ». En 1927, il se tourne vers les théories évolutionnistes de la régression et les
premières études de Lévy-Bruhl pour avancer l’idée qu’il existe un « parallélisme schizo-primitif ».
Puis il développe des explications de la pensée délirante, à partir des théories exposées lors du
Premier Congrès Mondial de Psychiatrie en 1950. Enfin, adoptant la perspective phénoménologique,
il explique que « la fonction de l’art et la fonction du délire visent à reconstituer un monde viable pour
le malade ». Sont conservées dans les archives de la psychiatrie les œuvres de cinquante patientsauteurs, auxquels Steck s'était intéressé de près. Ces documents constituent aujourd'hui un véritable
fonds littéraire.
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Marion Droz, Krzysztof Skuza
Les investissements différenciés d’un diagnostic : exemple du MCI
Le Mild Cognitive Impairment (MCI) est une catégorie diagnostique introduite dans les années 1980
pour désigner des troubles cognitifs légers, le plus souvent associés à l’âge. Caractéristique de
l’emprise biomédicale sur la catégorisation des troubles psychiques et sur leur approche clinique, les
troubles liés au vieillissement cérébral, qui se manifestent de façon singulière, à des rythmes et
intensités variées, font dès lors l’objet d’évaluations quantitatives dans le but de poser un diagnostic
permettant de départager des personnes à risque de développer des troubles démentiels de simples
« vieux ». Avec l’allongement de l’espérance de vie, l’occurrence d’attribution du MCI à des patients
âgés augmente dans le courant des années 1990-2000. Parallèlement, émerge une lecture critique de
cette catégorie diagnostique. Le principal reproche que des experts de la mémoire sont les premiers à
formuler est que le MCI ne parvient pas à s’affirmer comme catégorie utile au diagnostic précoce de la
maladie d’Alzheimer. A l’usage, le MCI tend à devenir une catégorie ésotérique, compréhensible
uniquement des experts mais difficilement communicable aux patients, lesquels se trouvent projetés
dans une zone grise, oscillants entre le paradigme de normalité – le MCI étant compris comme
l’annonce de non-maladie – et le paradigme de maladie – le MCI étant la confirmation de troubles
cognitifs mesurés.
Piergiuseppe Esposito
Naissance et épanouissement du tourisme médico-sanitaire dans l’Arc lémanique et le
Chablais vaudois (1840-1914)
Au cours de la deuxième moitié du 19e siècle, la pratique du tourisme médical prend de l’ampleur en
Europe et génère un nouveau secteur économique qui se déploie largement dans la région
lémanique. L’afflux de touristes en quête de santé engendre une offre de cures thermales et
climatiques, tout en favorisant la diffusion d’une offre sanitaire à travers les hôtels et pensions de la
région. Parallèlement, une offre médico-technique (installations d’électrothérapie et hydrothérapie) se
développe avec la création d’un dense réseau de cliniques privées, instituts de physiothérapie et
bains modernes à la Belle Epoque, qui se configure comme une période charnière pour le tourisme
médico-sanitaire. L’étude de l’évolution de cette offre diversifiée dans les pôles touristiques de l’Arc
lémanique entre 1850 et 1914 s’articulera autour de deux questionnements. Comment l’offre sanitaire
évolue-t-elle au cours du temps en lien avec le tourisme ? Comment les nouvelles technologies
médicales se diffusent-elles à travers les pôles de la région ?
Bertrand Graz
La médecine gréco-arabe aujourd’hui en Mauritanie et le "Recueil des Vertus de la Médecine
Ancienne"
Le Recueil des Vertus est un manuel théorique et pratique de médecine gréco-arabe rédigé à la fin du
vingtième siècle de notre ère, à l’usage des étudiants. Ce document permet de comprendre comment
un art médical est pratiqué aujourd’hui en Mauritanie par les dépositaires d’une tradition qui remonte à
Avicenne, Galien et l’école hippocratique.
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Au cours d’une mission humanitaire, une équipe de Médecins du Monde (Suisse) s’est intéressée aux
possibilités de coopération entre les diverses médecines pratiquées en Mauritanie. L’enquête a
permis de rencontrer la nièce et le neveu de l’auteur du Recueil des Vertus, actuels praticiens de la
famille Ould Maqari, qui reçoit des patients de tout l’Ouest du Sahara. D’entente avec cette famille,
une équipe de traducteurs de langue maternelle arabe-hassanyia (un médecin, un géographe et un
historien) ont traduit le Recueil des Vertus. La traduction est commentée par des spécialistes de
langue et civilisation arabe, une anthropologue, un historien de la médecine, un botaniste et un
médecin de santé publique.
Christel Gumy
Une (pré)histoire du cerveau adolescent ?
Les recherches visant à élucider les bases neurales de l’adolescence ont émergé au cours des
années 1990 pour s’imposer cette dernière décennie. Il est aujourd’hui accepté dans le champ des
neurosciences cognitives et du développement que le cerveau continue à se développer après la
10ème année de vie et qu’il atteint un stade de maturation similaire à l’adulte seulement vers 25 ans.
Les neuroscientifiques actuel⋅le⋅s qui investiguent le cerveau adolescent par des techniques
d’imagerie s’auto-inscrivent dans une généalogie scientifique qui désigne des travaux « pionniers » en
histologie des années 1960 à 1980. Ces études en histologie à partir de cerveaux humains après
décès auraient apporté deux éléments majeurs, caractéristiques de l’adolescence cérébrale :
premièrement, l’indice de la poursuite de la myélinisation du cortex préfrontal à l’adolescence et,
deuxièmement, l’indice d’une réorganisation synaptique à cette période du développement.
Par la présentation de ma recherche en cours qui s’intéresse aux travaux en histologie sur le
développement cérébral humain menés sous la direction du professeur Théodore Rabinowicz à la
division autonome de neuropathologie de Lausanne entre 1965 et 1984, il s’agira d’interroger cette
filiation en termes de contexte de recherche, de buts poursuivis, d’échelles d’investigation, de
matérialité et de temporalité.
Irene Maffi
Enfanter au CHUV. Le parcours expérientiel des couples de la préparation à la naissance au
retour à domicile
Le projet, approuvé par la Commission d'éthique, vise à suivre l’itinéraire et le vécu des couples qui
accouchent au CHUV à partir du moment où ils commencent à suivre les cours de préparation à la
naissance jusqu'à la sortie de l’hôpital après l’accouchement. L'objectif est d'étudier les influences
sociales et culturelles que les interviewés (professionnels et couples de parents) évoquent dans
l’explication des pratiques de la naissance, ainsi que la manière dont le discours et la prise en charge
agissent sur les couples en termes de représentations autour de la naissance. La recherche, menée
au Département de gynécologie et obstétrique du CHUV, comprendra : 1) Observation dans les cours
de préparation à la naissance et entretiens avec les couples de futurs parents et les sages-femmes
responsables ; 2) Observation en salle d’accouchement et entretiens avec les soignants et les
médecins ; 3) Observation dans le service post-natal et entretiens avec les couples avant leur sortie
de l’hôpital ainsi qu’avec les sages-femmes et les médecins.
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Véronique Mauron
L’incertain du zygote
Depuis 2005 une équipe interdisciplinaire dirigée par le professeur François Ansermet et le médecin
de la reproduction Marc Germond, développe une ligne de recherche sur les représentations dans les
PMA. Une nouvelle étude est en cours, intitulée Les représentations et les significations développées
par les parents au sujet des zygotes cryoconservés. La méthodologie consiste en l’analyse et
l’interprétation de discours de neuf couples qui possèdent des zygotes cryoconservés et qui doivent
décider de l’avenir de ces zygotes et cela en conformité avec la loi suisse (LPMA). Pour cette
communication, je focaliserai mon attention sur l’identité des zygotes telle qu’elle est construite par les
parents.
Objet à géométrie variable, le zygote cryoconservé va de la cellule à l’enfant, du microscopique à
l’immensément encombrant, de la légèreté d’un fantôme, ou d’un fantasme, à la lourdeur d’une
culpabilité. Il réside on ne sait où. Il se situe entre la vie et mort, et passe de la mort à la vie. Son
identité est multiple et contradictoire: il est innommable. C’est une négation: « c'est pas ». C'est aussi
« un rien », ce qui n'est pas rien... Les zygotes habitent la conscience des parents. Même ailleurs, ils
restent dans leur tête. Bien qu'on les croie oubliés, ils sont vite rappelés à la conscience : présence
agitée, dérangeante, encombrante, on ne se débarrasse pas facilement d'eux.
Stéphanie Pache
Entre institutionnalisation et émancipation : les thérapeutes féministes en santé mentale
Dans les années 1960 et 1970, des militantes féministes ont critiqué les savoirs et les pratiques en
santé mentale. Certaines ont développé une prise en charge thérapeutique féministe. Mon travail de
doctorat consiste à faire l’histoire de l’émergence et du développement de ce mouvement féministe et
thérapeutique, dont les deux facettes indissociables sont traitées selon deux axes. Le premier axe
s’intéresse aux caractéristiques militantes de cette histoire. Le début de ma recherche s’attache ainsi
à comprendre la déclinaison des critiques féministes et le lieu de leur énonciation. Le second axe de
mon travail se penche sur l’aspect le plus original du mouvement : la conjugaison de l’identité
féministe avec l’identité professionnelle. Il s’agit en effet d’établir la légitimité de la nouvelle approche
auprès des pairs et notamment d’attester son professionnalisme. La question d’une participation dans
les organisations de psychologues qui resterait néanmoins critique se pose ainsi tout au long de la
courte histoire de ce courant.
Yannis Papadaniel
Les proches aidants : les contours flous d’une catégorie
Certaines disciplines médicales en font des partenaires privilégiés ; des politiques publiques les
désignent comme des intervenants clés dans la chaine thérapeutique. Mais qui sont en définitive les
proches aidants ? Cette catégorie sous-tend des prescriptions institutionnelles, des offres de soutien,
mais aussi (et peut-être surtout) un état de fait dont les implications sont peu questionnées : le proche
aidant est celui ou celle qui soutient un parent dans l’adversité qui correspond le plus souvent à une
pathologie grave. Mais qu’est-ce qui distingue un « proche » d’un « proche aidant » ? Comment
devient-on « proche aidant » et quelles en sont les conséquences ?
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Ma communication a pour but de revenir sur les présupposés d’une telle catégorie et à les confronter
aux premiers résultats d’une recherche en cours : « Concilier accompagnement d’un-e proche
gravement malade et poursuite de l’activité professionnelle » (Marc-Antoine Berthod, Yannis
Papadaniel et Nicole Brzak, financée par le FNS dans le cadre du PNR 67 Fin de Vie).
Christiane Ruffieux
La communauté des médecins genevois face à la thérapeutique au début du 19ème siècle.
L'exemple des fièvres.
Mon sujet actuel porte sur l'attitude des médecins exerçant à Genève au début du 19ème siècle face
à la thérapeutique. Je me base principalement sur les procès verbaux des séances des cinq sociétés
médicales en activité à Genève. Je m'intéresse aux raisons avancées par ces médecins pour
expliquer leur recours à un traitement plutôt qu'à un autre. Dans le cas des fièvres, par exemple, des
pratiques traditionnelles telles que la « préparation » du malade (au moyen de purgatifs et vomitifs)
avant l'administration du kina, un spécifique reconnu de la fièvre intermittente, sont mises en question.
De nouveaux remèdes tels que des préparations arsenicales sont employés à la place du kina par des
médecins réputés qui les jugent efficaces. Face à ces nouvelles pratiques, quelle est l'attitude des
médecins genevois ? Quelles raisons avancent-ils pour justifier de leur pratique? Ces raisons sontelles de nature à convaincre toute la communauté ? Dans quel sens comprendre le terme « efficace»
? Il s'agit d'apporter un éclairage sur la nature du raisonnement clinique et thérapeutique et son
évolution.
Aline Sigrist
Globalisation de la médecine ayurvédique : reformulation d’une médecine « traditionnelle »
face à la biomédecine.
La médecine ayurvédique, longtemps considérée comme une pratique superstitieuse et obsolète,
connaît un véritable essor ces dernières années, tant en Inde que dans le monde occidental. Cette
pratique médicale « traditionnelle » a connu des développements ambivalents dès la fin du XIXe
siècle. Confrontée à la biomédecine, l’Ayurveda s’est reformulée dans un contexte de revivalisme des
médecines indiennes, teinté de sentiments nationalistes, en réponse et réaction à l’oppression
coloniale. De nos jours, l’Ayurveda s’est largement diffusée hors de l’Inde, et fait partie de la
multiplicité des recours de soins de santé en Occident. Sa popularité grandissante découle d’un
phénomène plus large, l’engouement public pour les médecines « alternatives », naturelles et
holistiques. L’étude de la médecine ayurvédique fait apparaître, à mon sens, certains enjeux actuels
dans la circulation des médecines et des patients.
Nicholas Stücklin
Chasser le renard. Habitat urbain, expulsion et versions zurichoises d’un cerveau universel
Cette communication portera sur une étude en cours qui analyse comment un projet de recherche sur
la neurogenèse de renards sauvages a pu se constituer à l’institut d’anatomie à Zurich. La réalisation
de ce projet a notamment dépendu de la participation d’un des gardiens de chasse de la région. Sur
instruction des autorités de la ville, ce gardien abat environ 120 renards roux par année, espèce
considérée comme potentiellement nuisible dans l’espace urbain zurichois.
1, chemin des Falaises
CH-1005 Lausanne
[email protected]
Cette étude essaiera d’analyser comment l’avilissement moral et politique d’espèces comme le renard
intervient dans la production de connaissances avec des animaux sauvages et des projets de
recherche comme celui de Zurich.
Michela Villani
Médecine, sexualité et excision. Sociologie de la réparation clitoridienne chez des femmes
issues des migrations d'Afrique subsaharienne.
Les « mutilations génitales féminines » sont une invention contemporaine. Elles deviennent un objet
de débat politique à partir de la fin des années 1970. Le discours juridique et les formulations
médicales s’imposent sur la scène internationale, suivis par le discours féministe. Ils tracent ensemble
les contours d’un crime reconnu au niveau mondial. Originellement défini comme un problème de
santé publique, l’excision du clitoris devient à partir de l’année 2000, l’objet d’une politique de
réparation de la sexualité. En cela, la France est un cas unique, puisqu’elle reconnaît aux femmes
excisées vivant en France le droit de voir leur clitoris réparé chirurgicalement. Cette chirurgie prise en
charge et remboursée par l’Assurance maladie dès 2004 permet un accès égalitaire à cette innovation
médicale et inscrit le droit à la réparation à l’intérieur des politiques sociales.
Sur la base d’un matériel empirique unique, centré sur l'observation ethnographique de deux services
hospitaliers de la région parisienne, sur une analyse quantitative de l'ensemble des dossiers
médicaux des patientes passées dans l'un des services hospitaliers depuis sa création et sur des
entretiens approfondis avec 30 femmes qui se sont adressées à ce service, cette thèse restitue les
logiques des deux acteurs impliqués dans la réparation : le corps médical et les patientes. Pour ces
femmes issues de la migration d’Afrique subsaharienne, qui constituent un groupe très sélectionné
parmi les femmes vivant en France ayant connu une excision, la réparation traduit une véritable
recherche d'égalité dans la sexualité avec les femmes européennes non excisées. Du côté médical,
les acteurs accèdent aux demandes de réparation des femmes capables de dénoncer une atteinte et
de revendiquer un droit (« je veux qu'on me remette ce qu'on m'a pris »). La réparation clitoridienne
constitue un exemple inédit de politique de réparation de la sexualité, au sein de laquelle la médecine,
la sexualité, l’excision, les rapports entre un pays et les femmes de son ancien empire colonial, sont
questionnés.
Téléchargement