Dossier : Le rejet de l`autre dans le Coran

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Dossier : Le rejet de l’autre dans le
Coran
Dossier :Le rejet de l’autre dans le Coran
Bernard Hadjadj
Les Evangiles, texte fondateur du christianisme, s’inscrivent dans le
prolongement de la Bible hébraïque. Tout comme le Coran qui accueille
également les Evangiles à travers Jésus considéré comme un prophète mais en
aucun cas « fils de Dieu »[1]. On aurait pu s’attendre qu’au sein de cette
grande famille monothéiste le Christianisme et l’Islam auraient témoigné
d’une grande gratitude envers leur aîné pourvoyeur du socle commun des
origines. Mais voilà, tous deux ont affirmé détenir la Vérité absolue,
universelle qui devait gagner l’ensemble de l’humanité. Le christianisme se
proposait d’accomplir le Judaïsme. Qu’en est-il de l’islam ? Ce dossier se
propose d’aborder la question du rejet de l’autre dans le Coran en trois
parties : (I) Les racines juives du Coran, (II) Le rejet des juifs et des
chrétiens, (III) Le statut de l’étranger.
Les racines juives du Coran (I)
Le judaïsme du Coran
Le Coran[2] abonde de références implicites et explicites au Pentateuque
(Torah) et plus largement à la Bible hébraïque (les prophètes) mais aussi au
Talmud et au Midrash. C’est dire l’influence qu’exerça le judaïsme dans la
formation de Mahomet principalement au cours de sa période mecquoise.
A la Mecque, Mahomet s’inspire du judaïsme pour amener les arabes jusqu’ici
païens à croire en un Dieu unique. Il prend ainsi appui sur la Torah et sur
les pratiques juives :
« Nous (Dieu) avons effectivement apporté aux enfants d’Israël le Livre, la
sagesse, la prophétie, et leur avons attribué de bonnes choses et les
préférâmes aux autres humains. » (45,16)
Plusieurs sourates se réfèrent à Moïse et à son frère Aaron :
« Nous avons donné à Moïse le Livre complet en récompense pour le bien qu’il
avait fait, et comme exposé détaillé de toute chose, un guide et une
miséricorde. » (6,154)
« Nous avions déjà apporté à Moïse et Aaron le Livre du discernement (la
Torah) ainsi qu’une lumière et un rappel pour les gens pieux (21,48) « […]
donné le Livre à Moïse en tant que preuves illuminantes pour les gens. »
(28,43)
Pour Mahomet, le Coran vient confirmer la Torah dans la langue arabe parlée
par les habitants de la Mecque :
« Et avant lui, il y avait le Livre de Moïse, comme guide et comme
miséricorde. Et ceci est [un Livre] confirmateur, en langue arabe, pour
avertir ceux qui font du tort et pour faire la bonne annonce aux
bienfaisants. » (46,12)
Dans le verset 94 de la sourate 10 (Jonas), Dieu dit au Prophète que si il
lui arrivait de douter, qu’il s’en remette aux juifs :
« Et si tu es en doute sur ce que Nous avons fait descendre vers toi,
interroge alors ceux qui lisent le Livre révélé avant toi. La vérité certes,
t’est venue de ton Seigneur: ne sois donc point de ceux qui doutent. »
Pour convaincre les arabes de la vérité du Coran et de son authenticité,
Mahomet s’appuiera sur l’autorité des rabbins :
« N’est pas un signe qui parle en sa faveur, que les docteurs des enfants
d’Israël en aient connaissance ? » (26,197).
Le Coran précise que Mahomet est un prophète qui s’inscrit dans la lignée des
prophètes et des Rois d’Israël :
« Nous t’avons fait une révélation comme Nous fîmes à Noé et aux prophètes
après lui. Et Nous avons fait révélation à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à
Jacob aux tribus, à Jésus, à Job, à Jonas, à Aaron et à Salomon, et Nous
avons donné les Psaumes à David. » (4, 163)
Hostilité et rupture
Chassé de la Mecque en 622, Mahomet (570-632) s’installe à Yathrib qui
prendra le nom de Médine où vit une importante communauté juive. Année qui
ouvre la période de l’Hégire, hijra en arabe qui signifie émigration.
Toujours proche des juifs au début de sa résidence à Médine, Mahomet ira
jusqu’à insulter ceux qui ne respectent pas le Chabbat :
« Vous avez certainement connu ceux des vôtres qui transgressèrent le Sabbat.
Et bien Nous leur dîmes: « Soyez des singes abjects ! ». (2,65)
Mais il va s’en écarter reprochant aux juifs leur manque de souplesse dans le
respect des commandements et leur refus de se mélanger avec ceux et celles
qui n’appliquaient pas strictement la Loi juive.
Il s’appuiera sur les Evangiles pour dénoncer cette rigidité :
« Et je (Jésus) confirme ce qu’il y a dans la Thora révélée avant moi, et je
vous rends licite une partie de ce qui vous était interdit. » (3,51)
Mahomet, comme l’avait fait, avant lui, l’apôtre Paul, disqualifie une partie
du Pentateuque et la rend ainsi caduque. Citons Paul dans son épître aux
Galates (3, 19-20) :
« Alors pourquoi la Loi ? Elle fut ajoutée pour que se manifestent les
transgressions, jusqu’à la venue de la descendance à qui était destinée la
promesse, édictée par le ministère des anges et l’entremise d’un médiateur.
Or il n’y a pas de médiateur quand on est seul, et Dieu est seul. »
Il oublie de se référer à l’Evangile de Mathieu où Jésus dit : « N’allez pas
croire que je suis venir abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu
abolir, mais accomplir. » (5,17)
Il adoptera des règles de cacherout épurées – « Certes, Il vous interdit la
chair d’une bête morte, le sang, la viande de porc… » (2,173) Ailleurs, on
lira que les interdits alimentaires du judaïsme sont prescrits pour punir les
juifs de leur injustice :
« C’est à cause des iniquités des Juifs que Nous leur avons rendu illicites
les bonnes nourritures qui leur étaient licites, et aussi à cause de ce
qu’ils obstruent le sentier d’Allah, (à eux-mêmes et) à beaucoup de monde…
(4,160)
Doit-on comprendre que l’interdiction du porc aux musulmans participe de
cette même logique ?
Le Coran nous apprend aussi que les juifs sont bouffis d’orgueil, entêtés,
(« peuple à la nuque raide ! ») qu’ils manquent d’ouverture et dénonce ainsi
leur sectarisme :
« Et quand on leur dit: « Suivez ce qu’Allah a fait descendre », ils disent:
« Non, mais nous suivrons les coutumes de nos ancêtres. » – Quoi ! et si
leurs ancêtres n’avaient rien raisonné et s’ils n’avaient pas été dans la
bonne direction ? » (2,170)
Pour renforcer la crédibilité de sa critique, le Coran va prendre les
chrétiens à témoin :
« Certes, Nous avons donné le Livre à Moïse; Nous avons envoyé après lui des
prophètes successifs. Et Nous avons donné des preuves à Jésus fils de Marie,
et Nous l’avons renforcé du Saint-Esprit. Est-ce qu’à chaque fois, qu’un
Messager vous apportait des vérités contraires à vos souhaits vous vous
enfliez d’orgueil ? Vous traitiez les uns d’imposteurs et vous tuiez les
autres. » (2, 87)
Face au refus des juifs d’abandonner leur tradition pour adhérer à l’Islam,
Mahomet va se raidir et proférer des propos de plus en plus hostiles à leur
endroit.
« Dis: « O gens du Livre, pourquoi obstruez-vous la voie d’Allah à celui qui
a la foi, et pourquoi voulez-vous rendre cette voie tortueuse, alors que vous
êtes témoins de la vérité ! » Et Allah n’est pas inattentif à ce que vous
faites. (3, 99) O les croyants ! Si vous obéissez à un groupe de ceux
auxquels on a donné le Livre, il vous rendra mécréants après que vous ayez eu
la foi. » (3,100)
« Où qu’ils se trouvent, ils sont frappés d’avilissement, à moins d’un
secours providentiel d’Allah ou d’un pacte conclu avec les hommes. Ils ont
encouru la colère d’Allah, et les voilà frappés de malheur, pour n’avoir pas
cru aux signes d’Allah, et assassiné injustement les prophètes, et aussi pour
avoir désobéi et transgressé. » (3, 112)
« Ce sont, certes, des mécréants ceux qui disent: « En vérité, Allah c’est le
Messie, fils de Maryam. »… (Sourate V, 72) ↑
Le Coran reprend les récits de la Création du monde, de Noé et du déluge, des
éléments de la vie d’Abraham, la destruction de Sodome et Gomorrhe, des
épisodes de la vie de Jacob et de ses fils, la naissance de Moïse, le buisson
ardent, la dureté de pharaon et les dix plaies, l’ouverture de la mer rouge,
la manne, les 40 années de pérégrination des enfants d’Israël dans le désert,
la révélation du Sinaï et le don des Tables, la faute du veau d’or. Moïse est
cité dans trente-deux des cent quatorze sourates du Coran. Si la Torah
constitue la référence majeure, d’autres Livres comme celui des Rois ou des
prophètes sont également sollicités. ↑
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