La marque publicitaire 46 LA MARQUE PUBLICITAIRE Maria Ana OPRESCU1 Abstract Without intending to be exhaustive, I have drafted here a brief presentation of the brand, of its features and evolution. We have to take into account the fact that today everything is bought and is appreciated according to the importance of its brand on the market. It is used to identify the product, it is a reason of its superiority and a guarantee of its authenticity and quality. Products have names, just like characters. A certain commercial heraldry is reached, given by brands whose names have become international. Nowadays the symbolic power of brands renders companies, the market and us dynamic. They can be neither ignored nor contested. Keywords: brand, advertising, to buy, authenticity, product, consumer. 1. Brève histoire de la marque L'histoire des marques compte plus d'un siècle et mérite une analyse plus approfondie que les sagas racontées par les entreprises elles-mêmes. Il s'agit de comprendre ce phénomène, au sein duquel coexistent des marques comme CocaCola, Lipton, Louis Vuitton, très anciennes et d'autres beaucoup plus récentes comme Amazon, EBay, Google ou Facebook, parues à la fin des années 90 et dans les années 2000, qui font déjà partie du paysage mondial et représentent des valeurs économiques dignes de celles des marques les plus connues. De nos jours, tout est marque. Loin de se limiter aux produits de grande consommation, les marques déploient leurs ''ailes'', agissant sur tous les aspects de la vie économique, publique et même privée. On peut considérer la marque comme la principale raison d'être de l'entreprise moderne, et la publicité, comme l'un des véhicules de cette raison d'être dans le monde. Les premières campagnes de marketing de masse font leur apparition dans la seconde moitié du XIXème. Devant une gamme d'inventions récentes – la radio, l'automobile – les publicitaires avaient des tâches plus pressantes que la création d'une identité de marque. Les réclames devaient informer les consommateurs de l'existence d'une nouvelle invention, puis les convaincre du fait que leur vie serait meilleure s'ils utilisaient le téléphone au lieu de la poste, par exemple. Un grand nombre de ces produits portaient des noms de marque, mais la chose était presque 1 Maria Ana Oprescu, The Bucharest University of Economic Studies, [email protected] SYNERGY volume 10, no. 1/2014 Interdisciplinary and Cultural Synergies 47 accidentelle. Ces inventions étaient des nouvelles en soi: ce fait était presque une publicité suffisante. On va voir que le passage du produit à la marque est au cœur même de la mutation du marketing. Autrefois le produit donnait à la marque son contenu, à présent les choses ont changé: le consommateur achète une idée, une notoriété en même temps qu'un produit. Cette réalité est d'ailleurs le signe évident de notre époque dans laquelle la marchandisation fait loi et l'argent représente une mesure de la valeur personnelle. La mondialisation suppose la nécessité de penser tout en tant que marque, vu que la concurrence est de plus en plus acerbe. Le paradoxe est qu'au moment où tout devient marque, le monde des biens de grande consommation est plutôt en dégringolade. Mais la marque reste importante, parce qu'on veut être unique, on veut imiter et copier les autres. En dépit du fait que ces réalités paraissent s'exclure, les pays ex-communistes, par exemple, veulent faire partie du concert général, veulent intégrer un monde qui leur a été interdit plus de cinquante ans. Durant cette période, nous parvenaient du monde libre les films où les héros vivaient dans de grandes maisons ayant des téléviseurs grand écran, buvaient du Chivas et roulaient dans des voitures de marque. D'où l'aura culturelle des marques. Même si c'est choquant de parler du rapport qui existe entre la marque et la culture, la vérité est là. Elles sont les produits d'une culture qu'elles englobent et transportent à travers le monde. La faillite de certaines idéologies et la mondialisation ont facilité la dissémination des marques qui, de longues années, ont représenté autant de rêves intouchables pour une très large catégorie de personnes. Le monde actuel est donc celui du bonheur par la consommation, la fréquentation des supermarchés, du matérialisme et du carpe diem. La marque n'est pas uniquement un nom, c'est un nom qui fait partie de la qualité du produit, de ce que celui-ci signifie et suggère. Vu que nous vivons dans un monde étiqueté, le succès d'une marque est dû à sa notoriété. D'ailleurs, on offre des sommes énormes aux célébrités qui donnent leurs noms à une marque. Le marché s'oriente vers une concurrence des marques, beaucoup plus que vers une concurrence des produits, et commence à les transformer dans un catalogue de la publicité, dans un art de transformer les noms communs en noms propres. Au début du siècle, le besoin d'imposer les marques a donné naissance au slogan: Aie confiance dans les produits qui ont un nom! Les gens ne se contentent plus de dire qu'ils ont pris le déjeuner dans un bon restaurant, ils commencent à dire le nom du restaurant et le nombre d'étoiles et ils continuèrent et renforcèrent cette tendance et cette mode avec les parfums, les bonbons et les voitures, de façon qu'on n'achetait plus des choses, mais des marques. Les noms de marque parcourent le monde, tout en basculant entre réalité et légende. Quand un nom devient nom de marque, il acquiert une signification différente, nouvelle, située quelque part entre le mythe et l'emploi commercial. Il y a des situations dans lesquelles les gens ont donné généreusement leurs noms aux produits, en acceptant de perdre presque leur identité en l'offrant, pour toujours, aux produits. Par un mouvement presque sorcier, les noms donnent l'impression de se détacher des personnes, afin de rester les dénominations des produits, comme par exemple: Nestlé, Lanvin, Renault, Suchard, Olivetti etc. SYNERGY volume 10, no. 1/2014 La marque publicitaire 48 Régulièrement, des mots et des concepts nouveaux apparaissent dans la langue des affaires: ainsi, avant 1971, on ne parlait pas de positionnement de marque, mais d'image de marque, mais une marque n'a de valeur que par rapport à une autre marque concurrente, et voilà comment le concept de positionnement est apparu. Cependant, le positionnement n'était plus suffisant, et c'est le concept d'identité de marque qui fraye son chemin et qui laisse entendre que les marques ne sont point vides de sens, qu'elles ont un soi intérieur. Il s'agit des marques qui ont une identité profonde, bien exprimée, des marques avec lesquelles les clients établissent une relation émotionnelle, expliquée parfois par la tradition et les bons souvenirs. Elles s'envisagent comme des forces culturelles, des agents du changement social, autant d'éléments qui peuvent conduire une personne à aimer une marque. 2. Les valeurs et les qualités de la marque La marque s'impose comme un repère sur le marché sur lequel elle agit, en s'appuyant sur des valeurs tangibles et intangibles. Les valeurs tangibles se regroupent autour du produit ou du service et des trois aspects suivants: la qualité, le prix et la nouveauté. Ces composantes tangibles permettent la commercialisation du produit. Il s'agit donc des qualités objectives de la marque. Les valeurs intangibles ne supposent pas l'existence d'une hiérarchie. Elles sont représentées par la sensorialité, c'est-à-dire les couleurs, le goût, le parfum, l'histoire de la marque, sa localisation géographique, donc les qualités narratives de la marque. Certaines valeurs définissent la marque et lui assurent une place honorable sur le marché. Une grande marque a aussi des qualités aspirationnelles. La marque est un repère mental du marché sur lequel elle agit, en s'appuyant sur des valeurs tangibles (le produit, ses qualités objectives et son marketing) et sur des valeurs intangibles (la sensorialité, l'histoire de la marque et sa participation à la vie de la cité). Evidemment, la marque doit se faire connaître par les consommateurs. Plus sa notoriété sera grande, plus les consommateurs seront nombreux. La notoriété est de quatre types: la notoriété spontanée, lorsqu'un consommateur, interrogé sur un produit, peut citer le nom d'une marque; la notoriété ''top of mind" lorsqu'un consommateur cite une marque en première position, chose qui démontre que le nom de marque est devenu un réflexe; la notoriété assistée - quand le sondeur demande au sondé s'il connaît le nom de cette marque et celui-ci répond par l'affirmative; SYNERGY volume 10, no. 1/2014 Interdisciplinary and Cultural Synergies 49 la notoriété qualifiée – signifie que les consommateurs ont connaissance du nom et des principaux produits d'une marque. La notoriété d'une marque sur son marché ne s'apprécie pas isolement, mais comparativement à la notoriété des autres marques du marché auprès des clients. La marque a quatre qualités: la qualité objective, la qualité subjective, la qualité narrative et la qualité aspirationnelle. 2.1 La qualité objective La qualité objective regroupe les valeurs tangibles de la marque. Elle représente l'aptitude d'un produit ou d'un service à satisfaire les besoins de ses clients. La marque doit non seulement faire connaître ses qualités objectives, mais elle ne doit pas se limiter à un seul produit, mais innover et diversifier ses produits, sinon elle est en danger d'être dépassée par une autre marque concurrente et finir par disparaitre. 2.2 La qualité subjective ou l'identité de la marque La qualité subjective correspond aux valeurs intangibles de la marque. Il s'agit donc de l'ensemble des signes physiques (odeur, couleurs), tout ce qui distingue un produit des autres produits, concurrents. A la fin de l'année 2010, il y avait en France 1000000 marques nationales et 540000 marques internationales (Kapferer, 2012: 201). S'imposer par une marque devient de plus en plus difficile. C'est la raison pour laquelle le nom de marque, noyau central de la marque, constitue aujourd'hui un atout stratégique majeur. Une marque qui ne se retient pas n'aura jamais de notoriété. Les marques agissent comme des capsules concentrées de sens. Les créateurs des noms de marque doivent prêter une attention toute particulière aux connotations des noms de marque. Il y a des compagnies spécialisées dans l’étude des connotations, par exemples Interbrand ou The Brandnaming Company (Goddard, 2002: 74). Elles se mettent à la disposition des producteurs qui cherchent un nom pour leur produit ou pensent vendre un produit à un public étranger. Ces compagnies organisent des réunions de brainstorming. A la suite de ces réunions professionnelles résultent des listes de noms, qui doivent passer certains tests: être prononcés facilement dans toutes les langues principales du monde, présenter peu de ressemblances avec les noms déjà existants, être susceptibles de connotations appropriées. Angela Goddard (2002: 122) donne l’exemple suivant: après la fusion de Pickford Travel avec la compagnie Hogg Robinson, il y a quelques années, il fallait trouver un nouveau nom pour la marque du produit offert. Entraient en concurrence les SYNERGY volume 10, no. 1/2014 La marque publicitaire 50 noms utilisés déjà par les deux compagnies: Destinations et Going Places. La nouvelle compagnie a choisi le dernier nom, en décidant que le mot Destinations suggérait plutôt des vols lointains, des voyages vers des zones exotiques, des voyages pour les privilégiés. Le renvoi au français de Destinations, en comparaison avec la variante anglo-saxonne Going Places risquait d’avoir, pour le public anglophone à laquelle s’adressait la publicité, la connotation élitiste versus démocratique, abstrait versus concret, et ne pas atteindre le but souhaité. Parfois, le nom de la marque d’un certain produit a un équivalent “malheureux” en d’autres langues. Angela Goddard donne l’exemple de Rolls Royce: on s’est rendu compte que le modèle Silver Mist ne serait pas bien reçu en Allemagne parce que le mot anglais mist (“brouillard”) signifie en allemand “excrément”. Les signes visuels jouent eux-aussi un rôle très important dans la publicité. Le logotype est le premier signe visuel de la marque. Il est caractérisé par sa typographie, sa couleur et son graphisme. Il permet d'identifier et de caractériser une marque. Le logo est souvent associé à une couleur afin de faciliter la reconnaissance d'une marque. Il suffit donc d'évoquer une couleur pour que la marque vienne à l'esprit: le bleu PEPSI-COLA ou le rouge FERRARI. Les signes sonores contribuent aussi à faire connaitre une marque dans la publicité radiophonique et celle télévisuelle. Les signes tactiles: la forme, la matière du produit, l'emballage sont autant d'éléments qui communiquent sur la marque et qui peuvent permettre de mémoriser un produit plutôt qu'un autre. D'ailleurs, plus la marque développe sa sensorialité, plus elle se maintient sur le marché. Tout changement des traits d'une marque-couleur, conditionnement, emballage - doit être analysé attentivement et fait avec prudence. La marque a besoin de ses signes distinctifs pour exister et être reconnue, garder ses consommateurs et se différencier de ses concurrents. 2.3 La qualité narrative La qualité narrative est une condition très importante pour bien gérer une marque. La narration d'une marque est constituée par ses valeurs, sa géographie et son histoire publicitaire. L'univers d'une marque est fait d'histoires, dont les consommateurs ont besoin afin que l'émotion spécifique à l'être humain réalise des attaches avec la marque. Parfois la marque construit son histoire autour d'un héros. Il peut être à la fois un personnage agréable, un personnage réel, connu et aimé, un personnage anonyme, une star, un personnage imaginaire. Dans toutes ces situations, le héros contribue à rendre le discours de la marque plus chaleureux en offrant aux clients une possibilité d'identification personnelle. SYNERGY volume 10, no. 1/2014 Interdisciplinary and Cultural Synergies 51 2.4 La qualité aspirationnelle ou la fonction sociétale de la marque On peut parler de la qualité aspirationnelle seulement dans le cas des marques notoires. La qualité aspirationnelle renvoie aux valeurs sociétales de la marque. Elle peut agir comme un point de vue sur une situation. Les marques, par leur pouvoir, par leur capacité de communiquer font partie intégrante de la société contemporaine. 3. Conclusions Nous sommes loin de la période où les marques étaient le nom d'un produit différent, dont il fallait communiquer l'avantage client (''Omo lave plus blanc''). Or des appels à ne voir dans les marques que le nom d'un produit qui doit être différent et pertinent resurgissent régulièrement, le consommateur étant présenté come effectuant des comparaisons multi-attributs entre des marques. Mais ce schéma ne peut plus rendre compte de la richesse des marques modernes, puisqu'il n'est plus capable à révéler la puissance symbolique de la marque, condition première de son caractère mobilisateur en interne dans l'entreprise elle-même, ainsi qu'en externe dans le marché. L'entreprise est dynamisée par la marque, les gens le sont aussi. N'oublions pas que les hommes et les femmes de nos jours ont besoin d'un idéal qui les projette sur un autre plan que la seule recherche d'un optimum coûts/bénéfices dans leur consommation. Cette phrase ''réenchanter la consommation'' (Lewi, 2012:124), ne dit pas autre chose. Car les marques, quelles qu'elles soient, sont portées par les gens qui les réalisent. Elles nous entourent, nous attirent, nous enchantent et, fréquemment, elles nous accablent. Bibliographie Constantinescu-Ştefănel, R. 2012. Le discours de la publicité dans les magazines français de la première décennie du XXIe siècle. Agapes francophones, Actes du Colloque «Passeurs de mots», Timişoara: Editura Universităţii de Vest. Desprez, P. et G. Lewi. 2012. La marque, Paris: Vuibert. Goddard, A. 2002. Limbajul publicităţii, Bucuresti: Polirom. Kapferer, J. 2013. Ré-inventer les marques, Paris: Eyrolles. Kapferer, J. 2012. Luxe oblige, Paris: Eyrolles. Kerbrat-Orecchioni, C. 1987. La Connotation, Lyon: Presses Universitaire de Lyon. Maingueneau, D. 1998. Analyser les textes de communication, Paris: Dunod. Oprescu, M.A. 2009. Créativité lexico-sémantique dans la langue de la publicité, Bucuresti: Editura ASE. SYNERGY volume 10, no. 1/2014 52 La marque publicitaire The Author Maria Ana Oprescu is a lecturer with the Department of Modern Languages and Business Communication at The Bucharest University of Economic Studies, Faculty of International Business and Economics. She has a PhD in Philology, Magna cum Laudae with the thesis Créativité lexico-sémantique dans la langue de la publicité. Domaines: roumain, francais, espagnol, italien. Author of textbooks of business communication in French and Spanish, she has written over 30 articles on topics of linguistics, methodology and multiculturalism. She attended a training session at the Chamber of Commerce and Industry of Strasbourg and training courses organized by The Bucharest University of Economic Studies in collaboration with the Universities of Grenoble, Nantes and the French Institute of Bucharest. She is member of ARDUF, of the Research Centre " Teodora Cristea '', former coordinator of the French curriculum at the Faculty of General Economics (1994-2000) and nowadays coordinator of the French curriculum at the Faculty of Commerce. SYNERGY volume 10, no. 1/2014