IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés SOMMAIRE p. 1/ C rowdfunding: une alternative ou un complément à la finance conventionnelle? p. 4/ L a loi-programme du 10 août 2015 (2) – Mesures destinées aux entreprises qui débutent La traduction littérale du mot anglais crowdfunding « financement par la foule » est plutôt explicite. Le crowdfunding ou « financement participatif » permet de récolter le capital nécessaire à l’élaboration d’un projet (commercial, social, culturel, ) grâce à la mise en commun d’une multitude d’apports de fonds individuels relativement modestes. Ce mode de financement alternatif se fonde plus sur l’enthousiasme des souscripteurs que sur le calcul précis d’un retour sur investissement. En termes plus économiques, le crowdfunding opère la rencontre ultime entre l’offre et la demande, complétant ainsi les autres sources possibles de fonds propres et/ou de financement. Si le principe n’est pas nouveau – il est appliqué depuis longtemps via les organismes humanitaires ou dans les milieux socio–culturels – le crowdfunding a connu ces dernières années un développement fulgurant sous l’effet conjugué du développement des réseaux sociaux, des communautés sur Internet et du contexte de la crise financière. Contexte économique et financier Les crises successives de 2008 et 2011 ont eu un impact important sur l’octroi de crédit bancaire (principale source de financement des PME) par l’effet conjugué de deux éléments. D’une part, du côté de la demande de crédit, tant le nombre que la qualité des demandes ont diminué sous l’effet de la dégradation de la conjoncture. Une moindre qualité implique de facto des conditions d’octroi plus difficiles ou des taux de refus plus élevés. D’autre part, du côté de l’offre de crédit, les banques se sont vu infliger un durcissement sévère de leur réglementation. 1 La réforme dite de « Bâle III » a imposé des exigences qualitatives et quantitatives plus strictes en matière de fonds propres, introduit des règles de liquidité et renforcé les exigences prudentielles concernant le risque de contrepartie. Comme le dit Michel Vermaerke, administrateur délégué de Febelfin, « …pour certains types de dossiers de crédit, les banques sont désormais – à leur corps défendant – moins enclines à prendre des risques »1. Ce contexte, ainsi que l’essor parallèle d’Internet, a donc clairement favorisé l’émergence du crowdfunding. Doitil pour autant être une solution purement alternative ou peut-il être envisagé comme un complément au financement bancaire ? Crowdfunding, la vision du banquier Le mot « crédit » c’est avant tout avoir confiance. Le terme « crédit » ne trouve d’ailleurs t-il pas son origine du mot latin « credere » : faire confiance. Et pour qu’un banquier accorde du crédit à un entrepreneur, ce dernier devra gagner sa confiance. Concrètement, il faudra avant tout que le banquier soit convaincu de la viabilité et de la rentabilité du projet ainsi que des personnes qui le conduisent. A côté de cette notion de « on y croit– on n’y croit pas », vont jouer divers éléments financiers plus objectifs : – Capacité de remboursement : l’entrepreneur sera-t-il en mesure de rembourser sa dette ? 1 L’Echo, 10 décembre 2014. P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015 P 309339 – Bureau de dépôt 9000 Gent X – Bimensuel – Ne paraît pas dans les semaines 28-36 Crowdfunding: une alternative ou un complément à la finance conventionnelle ? – Couvertures, sûretés ou garanties : comment la banque pourra-t-elle récupérer son argent si l’entrepreneur ne tient pas ses engagements ? – Fonds propres : quel capital propre l’entrepreneur estil prêt à investir dans son projet ? Le crowdfunding permet de rassurer le banquier sur deux de ces éléments. L’un financier – celui relatif aux fonds propres injectés dans le projet – l’autre, plus subjectif, le « capital confiance » que le banquier attribuera au projet et à ses protagonistes. Le niveau des fonds propres est un élément crucial pour le banquier. Pas seulement parce qu’il permet de diminuer le montant du financement – et par là le risque de crédit – mais surtout car il permet de jauger l’implication et la confiance de l’entrepreneur dans son propre projet ainsi que de voir dans quelle mesure il est littéralement « prêt à se mouiller » pour son idée. La norme moyenne en termes de fonds propres pour un starter est de l’ordre de 25 % du montant global du projet, mais de multiples paramètres interviennent dans cette exigence du banquier et la réalité d’un dossier pourra dès lors significativement l’en éloigner (à la hausse comme à la baisse).Pour la raison invoquée plus haut, l’organisme financier souhaitera toujours un minimum de fonds propres venant du porteur de projet lui-même. Il diminuera son exigence normative du fait d’apports en fonds propres issus d’autres origines : – les « 3 F »pour« Family, Fools and Friends » : l’entourage proche qui souhaite aider au lancement du projet ; – les Business Angels : les investisseurs privés qui investissent une partie de leur patrimoine, pour des montants souvent importants, dans le capital d’une entreprise ; – les organismes publics ou Invests : la prise de participation ou les prêts subordonnés via Sowalfin, Brustart, SRIB, Participatiefonds Vlaanderen, Invests régionaux ; – et… le crowdfunding. Le financement participatif doit donc plutôt être considéré comme une source complémentaire de fonds qui parachève le budget pour atteindre le minimum de capitaux propres souhaité par le banquier. Le terme « parachever » est consciemment choisi ici étant donné que le banquier validera un apport de fonds propres externes complémentaire mais pas exclusif. L’exigence du banquier vis-àvis des fonds propres s’explique par le fait que son métier principal est celui de gérer l’épargne de ses clients et de la transformer en crédits en « bon père de famille ». Son rôle n’est pas d’investir dans du capital à risque ni d’être intéressé aux bénéfices des entreprises. Quant au « capital confiance » vis-à-vis du projet, le crowdfunding apportera une plus-value certaine et d’une autre ampleur encore que ne peuvent l’être les apports via un Business Angel ou via les « 3F ». En effet, cette technique permet de mettre en exergue de façon visible et tangible 2 l’intérêt du produit/projet pour un public souvent très large. Cet avantage joue indubitablement sur la perception et la crédibilité que le banquier pourra donner au plan financier qui sera avancé par le starter et son comptable. Pré-sélection et accompagnement des bons projets La plupart des plateformes de crowdfunding – et plus spécifiquement celles qui proposent des solutions via apport en capital ou sous forme de prêts –, analysent de façon approfondie les projets qui leur sont présentés. Elles doivent apporter une valeur ajoutée réelle d’autant plus qu’elles seront souvent associées indirectement à la gestion des entreprises qu’elles auront sélectionnées. Les projets mis à disposition sur la plateforme sont donc souvent plus aboutis dans leur réflexion que beaucoup d’autres dossiers qui arrivent, parfois « bruts de décoffrage », entre les mains du banquier. Il s’agira en général de projets « best in classes » sélectionnés sur base de diagnostics stratégiques et financiers. Ils ont souvent fait l’objet d’une phase de « crowdvoting » pour déterminer le potentiel commercial du projet. A côté de cette phase de présélection, l’accompagnement que le starter pourra recevoir de la part des membres du comité de la plate-forme et le feed-back qu’il pourra recevoir de la part d’un large public sont également des gages de qualité et de levier commercial. Le plus souvent, le crowdfunding sera donc un outil complémentaire au financement bancaire. Pour preuve, les récentes initiatives dans les domaines bancaires visant soit à intégrer une plateforme de crowdfunding (Bolero KBC), privilégier des partenariats exclusifs (BNP Paribas et MyMicroInvest) ou en recommander l’une ou l’autre en fonction des spécificités de l’entreprise et de son projet (Belfius Banque). Le crowdfunding pourra être un outil de financement purement alternatif dans le cadre de levées de fonds pour de la R&D, ou pour financer la phase d’industrialisation d’un produit. Le banquier ne rentrera en général pas dans un processus de financement avant le stade de la commercialisation. Plusieurs modèles de Crowdfunding2 Le crowfunding sous forme de dons avec contreparties non financières (rewardbased crowdfunding) ou sans contrepartie (donation-based crowdfunding) Le retour sur investissement s’effectue dans ce cas sous la forme d’une compensation du type bon de réduction, exclusivité sous forme de préachat, réception d’échantil2 Les diverses formes de crowdfunding et les données chiffrées dans cet article sont basées sur une étude réalisée par KPMG. P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015 lons, invitation à des avant-premières, ou bien ne donne lieu à aucune compensation. Les montants investis sous cette forme sont en général assez faibles et dépassent rarement les 300 EUR. Ces formes de crowdfunding seront plus souvent utilisées dans le cadre de projets de type social ou sociétal, ou alors pour des projets culturels ou commerciaux de plus petite envergure. Ce sont les formes de crowdfunding les plus courantes à ce jour en Belgique. Le crowdfunding sous forme de prêt (Crowdlending) intermédiaires éventuels ne seront pas non plus sujets aux conditions de monopole d’intermédiation. Les émetteurs auront tout de même l’obligation préalable de transmettre à la FSMA tous les documents nécessaires qui attestent que les conditions d’exemption sont bien remplies. En cas d’offre continue, cette obligation devra être remplie tous les 12 mois. En outre, pour que les opérations puissent bénéficier d’un cadre fiscal plus favorable (cf. ci-dessous), ces plateformes devront être agréées par la FSMA. Plus souple, mais pas moins risqué Dans ce cas, la société qui bénéficie du financement participatif contracte un prêt vis-à-vis de l’ensemble des investisseurs. En général, la plateforme de crowdfunding coordonne tout, de la récolte de fonds au paiement des intérêts et au remboursement du capital prêté (par l’entremise d’un organisme financier). Les fonds levés dans ce type de crowdfunding sont d’un montant plus élevé par rapport aux formules sans contrepartie (financière), ils se situent souvent entre 5 000 et 15 000 EUR mais peuvent régulièrement dépasser 70 000 EUR. Cet assouplissement est positif en un sens car il permet déjà de couvrir pas mal d’opérations sans nécessité de rédaction d’un prospectus (qui implique un processus assez lourd et coûteux pour une entreprise qui démarre), mais par contre il restreint l’envergure tant du projet que des investissements individuels. Attention aussi que l’absence de prospectus signifie un moindre niveau de protection pour le candidat investisseur, il n’y a dans ce cas aucune exigence spécifique sur le niveau et la qualité des informations fournies ni non plus de contrats types. Le crowdfunding sous forme de prise de participation au capital (Equity-based crowdfunding) Il ne faudra jamais perdre de vue que le risque pour l’investisseur de perdre totalement ou partiellement sa mise est inhérent à toute forme de crowdfunding. Ce risque sera cependant moindre sous la forme de prêts (grâce aux éventuels remboursements intermédiaires et au rang prioritaire des créanciers sur les actionnaires) que dans le cas d’une prise de participation, mais une faillite est dans tous les cas de figure possible. Une partie des fonds investis ou prêtés risque de ne pas être récupérée. Il faudra dès lors toujours considérer le crowdfunding comme un investissement risqué voire très risqué. En échange de sa contribution au projet, l’investisseur reçoit des parts du capital de l’entreprise. Les administrateurs doivent dans ce cas être prêts à accueillir de nouveaux membres au sein de leur conseil d’administration. On retrouve également dans ce mode d’investissement des montants de levées de fonds parmi les plus importants (le plus souvent entre 35 000 et 70 000 EUR), mais les montants investis sont en général inférieurs à la formule prêt (le retour en investissement y étant plus risqué). Cette formule s’apparente très fortement à la technique de financement via Business Angel mais sous forme plus participative. Cadre réglementaire du crowdfunding Le cadre légal a été adapté récemment (loi « prospectus » du 25-04-2014 modifiant notamment l’art. 18 § 1er de la loi du 16-06-2006) en ce qui concerne spécifiquement le crowdfunding. Un projet de levée de fonds de maximum 300 000 EUR (contre 100 000 EUR auparavant) ne devra plus faire obligatoirement l’objet d’un prospectus FSMA (Financial Services & Markets Authority, l’Autorité des services et marchés financiers) pour autant que le montant investi par personne par projet soit limité à 1 000 EUR3. En-deçà de ces deux limites, l’appel de fonds ne sera pas assimilé à celui d’une institution « faisant appel public à l’épargne », et les 3 Rapport annuel 2014 FSMA. 3 Le crowdfunding en chiffres Selon l’étude citée (Crowdfunfing in Belgium – 2014), le crowdfunding a connu un essor remarquable ces dernières années en Belgique, enregistrant une croissance de 80 % de 2013 (1,2 mio EUR) à 2014 (2 mio EUR). 85 % de ces fonds vont à des projets de type commercial. Malgré cette évolution rapide, notre pays reste encore à la traîne par rapport à d’autres pays européens: plus de 30 mios EUR aux Pays-Bas, plus de 80 mios EUR en France et plus de 100 mios EUR en Grande-Bretagne. Cette même étude estime que le montant moyen investi en crowdfunding par nos voisins est environ dix fois plus élevé que chez nous. Cette étude prévoit néanmoins une croissance exponentielle pour le crowdfunding en Belgique avec 4 170 000 EUR de fonds attendus en 2015 et 6 645 000 EUR en 2016. Pour donner crédit à ces prévisions, nous ne pouvons que constater la création régulière de nouvelles plateformes ainsi que l’intérêt croissant des banques pour créer des ponts entre le crowdfunding et le financement bancaire. P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015 Aussi, les mesures réglementaires et fiscales en voie de développement et/ou d’aboutissement ne pourront-elles en toute vraisemblance que renforcer le recours à cet outil. Domobios, un bel exemple Un des projets les plus médiatisés en Belgique dans le domaine est celui de Domobios. Cette société commercialise « Acar’up », une solution d’éradication des acariens. Acar’up est soutenue par le corps médical et est en vente dans toutes les pharmacies de Belgique. Forte d’une association étroite entre un scientifique et un entrepreneur, l’entreprise s’est lancée en 2013 grâce aux fonds récoltés via le crowdfunding en Equity, à hauteur de 100 000 EUR. En 2015, Domobios a eu à nouveau recours au crowdfunding mais sous la forme d’un prêt cette fois (pour éviter de diluer la participation des investisseurs de la première heure). En huit minutes, elle a totalisé des promesses de capitaux pour 141 000 euros (pour un objectif de 100 000 EUR). A ces 100 000 euros complémentaires via crowdfunding viendront s’ajouter 100 000 euros de crédit bancaire4. La société Domobios a en outre remporté grâce à son idée innovante « Acar’up » le 2èmeprix « Boost Belgium » by Belfius Banque et MasterCard. Conclusion La solution « crowdfunding » n’en est qu’à ses balbutiements en Belgique. Son avenir est cependant indéniable compte tenu de l’évolution connue chez nos voisins, de l’essor continu des réseaux sociaux et des communautés 4 Internet, des réglementations plus transparentes à venir et surtout du cadre fiscal qui lui deviendra plus favorable. Que ce soit comme mode de financement alternatif ou le plus souvent complémentaire, cet outil va inévitablement prendre de plus en plus de place dans le processus de création ou de croissance d’un projet entrepreneurial, social ou sociétal. La banque aura clairement un rôle à jouer dans l’essor du crowdfunding. Elle devra trouver un juste équilibre, d’une part, entre sa volonté de le promouvoir en tant qu’effet de levier pour renforcer les fonds propres des entreprises et l’utiliser comme outil de challenging/validation d’un plan financier et, d’autre part, continuer à exercer pleinement son rôle de banquier en prenant sa part « maîtrisée » du risque. Ce dernier point sera d’autant plus délicat dans le cas d’une intégration de plateforme au sein de la banque. Si cette démarche a pour but au départ de renforcer la banque dans sa mission d’aider les entrepreneurs, l’effet collatéral pourrait être de faire glisser le risque vers ses propres clients en les laissant investir dans des dossiers qu’elle n’a pas voulu financer elle-même. Le crowdfunding devra donc rester une alternative pour l’entrepreneur et non une alternative pour le banquier. Enfin, en s’associant ou en collaborant de façon visible avec l’une ou l’autre plateforme, elle devra également veiller au facteur confiance qu’elle véhicule et ne pas en abuser. N’oublions jamais que le crowdfunding est, de par son essence, toujours un investissement risqué. Géraldine LANTIN Senior Business Banking Expert Belfius Banque LeSoir.be, 1er juin 2015. La loi-programme du 10 août 2015 (2) – Mesures destinées aux entreprises qui débutent Dans ce deuxième article1 consacré à la loi-programme du 10 août 2015 (M.B. 18 août 2015), nous commentons les trois mesures fiscales de cette loi « destinées aux entreprises qui débutent »: un tax shelter, une exonération d’intérêts et une dispense de versement du précompte professionnel. 1 Un premier article sur la réserve de liquidation spéciale a été publié dans Pacioli n° 409. 4 Tax shelter De quoi s’agit-il? Le tax shelter est une réduction d’impôt à l’impôt des personnes physiques, destinée aux personnes qui acquièrent des actions de sociétés qui remplissent certaines conditions. L’acquisition de ces actions peut se faire directement, P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015 par un apport au capital de la société même, ou indirectement, par l’acquisition de parts d’un fonds starters agréé. Conditions relatives aux sommes susceptibles de bénéficier du tax shelter Sommes affectées à l’acquisition directe d’actions Les sommes affectées à l’acquisition directe d’actions donnent droit à la réduction d’impôt aux conditions suivantes (art. 14526 § 1, al. 1, a CIR 1992): – les actions sont nouvelles, nominatives, et représentent une fraction du capital social d’une société remplissant certaines conditions (voir ci-après); – les actions sont acquises par un apport en argent; – la souscription des actions se fait, par le biais ou non d’une plateforme de crowdfunding agréée2, à l’occasion de la constitution de la société ou d’une augmentation de capital effectuée dans les quatre ans suivant la constitution; – l’apport est entièrement libéré. Les sommes affectées à l’acquisition de parts d’un tel fonds starters agréé ne donnent droit à la réduction d’impôt que s’il apparaît, au 31 décembre d’une année qui suit celle où le contribuable a payé son apport au fonds, que les sommes récoltées par le fonds ont été investies dans de nouvelles actions dans les limites précitées. La réduction d’impôt n’est octroyée que pour l’exercice d’imposition qui est lié à la période imposable dans laquelle tombe la date du 31 décembre à laquelle la condition d’investissement est remplie (art. 14526, § 2, al. 4 CIR 1992). Exemple: un contribuable acquiert le 30 novembre 2015 des parts d’un fonds starters agréé, mais ce dernier ne remplit les conditions d’investissement que le 31 décembre 2017. Ce contribuable n’obtient dès lors pas la réduction d’impôt pour l’exercice d’imposition 2016 (période imposable 2015), mais seulement pour l’exercice d’imposition 2018 (période imposable 2017, où tombe la date du 31 décembre à laquelle les conditions d’investissement ont été remplies). Sommes exclues Des sommes ne donnent pas droit à la réduction d’impôt Une société est censée être constituée à la date du dépôt de son acte de constitution au greffe du tribunal de commerce ou d’une formalité d’enregistrement similaire dans un autre Etat membre de l’EEE (art. 14526 § 1, al. 2 CIR 1992). Lorsque l’activité de la société consiste en la continuation d’une activité qui était exercée auparavant par une personne physique ou une autre personne morale, il faut voir la date de constitution de l’entreprise initiale, c.-à-d. la date de la première inscription de la personne physique à la Banque-Carrefour des entreprises (BCE), ou celle du dépôt de l’acte de constitution de l’autre personne morale au greffe du tribunal de commerce, ou celle de l’accomplissement d’une formalité similaire d’enregistrement dans un autre Etat membre de l’EEE par cette personne physique ou cette autre personne morale (art. 14526 § 1, al. 3 CIR 1992) Sommes affectées à l’acquisition de parts d’un fonds starters agréé Un fonds starters agréé est un fonds à nombre fixe de parts qui est repris sur la liste de fonds starters agréés, établie par la FSMA, et dont la société de gestion investit 80% au moins des apports et des produits de l’aliénation d’investissements, après déduction des frais, directement en actions remplissant les conditions précitées et en conserve 20% au plus sous la forme de liquidités détenues sur un compte bancaire (art. 14526, § 2, al. 1 à 3 CIR 1992). 2 L’agrément doit émaner de l’Autorité belge des services et marchés financiers, en anglais the Financial Services and Markets Authority (FSMA), ou une autorité similaire d’un autre Etat membre de l’Espace Economique Européen (EEE). 5 – si le contribuable bénéficie déjà pour elles de la réduction d’impôt liée à l’acquisition d’actions de l’employeur3 ou d’actions d’un fonds de développement agréé4 (art. 14526, § 3, al. 3, 1° CIR 1992); – dans la mesure où elles font acquérir au contribuable, directement ou indirectement, une représentation de plus de 30% dans le capital social d’une société (art. 14526, § 3, al. 3, 3° CIR 1992); Conditions relatives à la société dont les actions sont acquises La société doit – être une société résidente ou une société de l’EEE possédant un établissement belge qui a été constituée au plus tôt le 1er janvier 2013 (art. 14526,, § 3, al. 1, 1° CIR 1992); – être petite, selon les critères de l’article 15 C. Soc., pour l’exercice d’imposition afférent à l’exercice comptable au cours de laquelle l’apport en capital a eu lieu (art. 14526, § 3, al. 1, 3° CIR 1992). Les actions des sociétés suivantes ne donnent jamais droit à la réduction d’impôt: – les sociétés constituées à l’occasion d’une fusion ou scission de sociétés (art. 14526, § 3, al. 1, 2° CIR 1992); 3Art. 1451, 4° CIR 1992 4Art. 14532 CIR 1992 P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015 – les sociétés d’investissement, de trésorerie ou de financement (art. 14526, § 3, al. 1, 4° CIR 1992)5; – les sociétés immobilières et de patrimoine ou les sociétés qui détiennent principalement une participation dans de telles sociétés6, et les sociétés dans lesquelles (des droits réels sur) des biens immobiliers sont placés et dont les dirigeants7 ou leur famille ont l’usage8 (art. 14526, § 3, al. 1, 5° CIR 1992)9; – les sociétés de gestion et d’administration10 (art. 14526, § 3, al. 1, 6° CIR 1992)11; – les sociétés cotées en bourse (art. 14526, § 3, al. 1, 7° CIR 1992); – les sociétés qui ont déjà opéré une réduction de capital ou distribué des dividendes (art. 14526, § 3, al. 1, 8° CIR 1992); – les sociétés qui font l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou se trouvent dans les conditions d’une telle procédure (art. 14526, § 3, al. 1, 9° CIR 1992); – les sociétés dans lesquelles le contribuable est, directement ou indirectement, un dirigeant d’entreprise12 ou agit en tant que représentant permanent d’une autre société, et les sociétés qui assurent la gestion d’une société dont le contribuable est actionnaire13 (art. 14526, § 3, al. 3, 2° CIR 1992). Montant de la réduction d’impôt La société ne peut pas affecter les sommes perçues, durant les 48 mois suivant la libération des actions, à la distribution de dividendes, l’acquisition d’actions ou l’octroi de prêts (art. 14526, § 3, al. 1, 10° CIR 1992)14 et ne peut pas réunir plus de 250.000 euros de capital par le biais du tax shelter (art. 14526, § 3, al. 1, 11° CIR 1992). Formalités 5 Cette exclusion vaut pour une période de 48 mois à compter de la libération des actions (art. 14526, § 3, al. 2 CIR 92). La société ne peut donc être une société d’investissement, de trésorerie ou de financement non seulement au moment de l’apport, mais aussi durant quatre années à partir de la libération des actions. 6 Littéralement : «une société dont l’objet social principal ou l’activité principale est la construction, l’acquisition, la gestion, l’aménagement, la vente ou la location de biens immobiliers pour compte propre ou la détention de participations dans des sociétés ayant un objet similaire». 7 Sont seuls visés les dirigeants de la première catégorie (art. 32, al. 1, 1° CIR 1992) et donc les personnes physiques qui exercent un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues dans la société. 8 Il s’agit des mêmes immeubles que ceux dont la valeur comptable nette est à déduire du capital à risque (art. 205ter, § 2, 3° CIR 1992). 9 Cette exclusion vaut également pour une période de 48 mois à partir de la libération des actions (voir note 5). Les sommes affectées à l’acquisition de nouvelles actions ou de parts d’un fonds starters agréé donnent droit à la réduction d’impôt à concurrence d’un montant de 100 000 euros par période imposable (art. 1426, § 3, al. 4 CIR 1992). Cette réduction d’impôt est égale à 30% du montant à prendre en compte. Ce pourcentage passe à 45% pour les sommes affectées directement15 à l’acquisition d’actions d’une micro-société, à savoir une société qui, pour l’exercice d’imposition afférent à l’exercice comptable au cours duquel l’apport en capital a lieu, ne dépasse pas plus d’un des seuils suivants: une moyenne de travailleurs occupés de 10 unités à temps plein, un chiffre d’affaires annuel net de 700.000 euros et un total de bilan de 350.000 euros. La réduction d’impôt annuelle maximale est donc de 30 000 euros pour l’acquisition d’actions d’une « simple » petite société et de 45.000 euros pour l’acquisition d’actions d’une microsociété. La réduction d’impôt n’est pas remboursable, ni reportable et donc, si son montant dépasse celui de l’impôt à payer, l’excédent est perdu. Le contribuable doit : – à l’appui de sa déclaration à l’impôt des personnes physiques de la période imposable au cours de laquelle il a effectué son paiement, produire les documents faisant apparaître que toutes les conditions d’application de la réduction d’impôt sont remplies, qu’il a acquis les actions ou parts durant la période imposable et qu’il les détient encore à la fin de cette période (art. 14526, § 4 CIR 1992); – à l’appui de ses déclarations à l’impôt des personnes physiques des quatre périodes imposables suivantes, prouver qu’il détient toujours les actions ou parts concernées. Cette condition ne doit plus être respectée à partir de la période imposable au cours de laquelle le contribuable est décédé (art. 14526 § 5, al. 1 CIR 1992). Reprise de la réduction d’impôt La réduction d’impôt totale n’est définitivement acquise que si, durant les 48 mois suivant l’acquisition des actions ou parts: 10 Littéralement : «une société constituée afin de conclure des contrats de gestion ou d’administration ou qui obtient la plupart de ses bénéfices de contrats de gestion ou d’administration» 11 Cette exclusion vaut également pour une période de 48 mois à partir de la libération des actions (voir note 5). 12 De la première catégorie. 13 Littéralement : «une société qui a conclu un contrat d’entreprise ou de mandat avec une autre société dont le contribuable est actionnaire et par laquelle cette autre société s’est engagée à assumer, moyennant une indemnité, une activité dirigeante de gestion journalière, de nature commerciale, financière ou technique, dans la première société». 14 La société peut par contre distribuer des dividendes, acheter des actions ou consentir des prêts en se servant d’autres moyens que les sommes qu’elle a recueillies. – ces dernières ne sont pas aliénées, si ce n’est par décès (art. 14526 § 5, al. 2 CIR 1992); – le fonds starters continue à respecter ses obligations d’investissement (minimum 80% en actions de sociétés 15 Donc pas pour celles affectées à l’acquisition de parts d’un fonds starters. 6 P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015 qui débutent et maximum 20% en liquidités) (art. 14526 § 5, al. 3 CIR 1992); – la société dont les actions sont acquises (art. 14526 § 5, al. 5 CIR 1992)16 – ne devient pas une société d’investissement, de trésorerie ou de financement; – ne devient pas une société immobilière ou de patrimoine ou acquiert (des droits réels sur) des immeubles dont les dirigeants personnes physiques ou leur famille ont l’usage; – ne devient pas une société de gestion ou d’administration17; – la société dont les actions sont acquises ne se sert pas des sommes perçues pour distribuer des dividendes, acheter des actions ou consentir des prêts (art. 14526 § 5, al. 5 CIR 1992). Si une de ces conditions n’est plus respectée, la réduction d’impôt est en partie reprise. Concrètement, l’impôt de la période imposable au cours de laquelle la condition n’est plus respectée est majoré d’autant de quarante-huitièmes de la réduction d’impôt effectivement obtenue qu’il reste de mois entiers entre la date à laquelle la condition n’est plus respectée et la fin de la période de 48 mois (art. 14526 § 5, al. 2, 4 et 6 CIR 1992). Entrée en vigueur Le tax shelter s’applique aux dépenses faites pour acquérir des actions ou des parts d’un fonds starters agréé qui ont été émises à compter du 1er juillet 2015 (art. 57 Loiprogramme du 10 août 2015). milaire d’un autre Etat membre de l’EEE (art. 21, 13°, préambule et e) CIR 1992); – être neufs (les prêts de refinancement ne sont pas pris en considération) (art. 21, 13°, préambule et d) CIR 1992); – avoir une durée d’au moins quatre ans et être rétribués par un intérêt annuel (art. 21, 13°, c) CIR 1992); – être consentis pour permettre à l’entreprise de financer des initiatives économiques nouvelles (art. 21, 13°, préambule CIR 1992) Conditions relatives à l’emprunteur L’entreprise à laquelle le prêt est consenti doit remplir les conditions suivantes: – être une petite société suivant les critères de l’article 15 C. Soc. ou une personne physique qui remplit de façon analogue les mêmes critères (art. 21, 13°, a) CIR 1992); – être inscrite depuis 48 mois maximum à la BCE ou dans un registre similaire d’un autre Etat membre de l’EEE (art. 21, 13°, b) CIR 1992). Les conditions sont donc bien moins restrictives que celles du tax shelter. Ainsi, les prêts consentis à une société de management ou une société immobilière peuvent p.ex. aussi bénéficier de l’exonération des intérêts qu’ils produisent. Conditions relatives au prêteur Le contribuable qui consent le prêt doit être une personne physique18 qui agit en dehors de son activité professionnelle (art. 21, 13°, préambule CIR 1992). Exonération d’intérêts De quoi s’agit-il? Comme le tax shelter, cette exonération est elle aussi un avantage fiscal accordé à l’impôt des personnes physiques (art. 21, 13° CIR 1992). Les intérêts exonérés ne sont pas considérés comme des revenus mobiliers et, de ce fait, l’entreprise qui les paie ne doit pas retenir de précompte mobilier lors de leur attribution. A noter que contrairement à ce qui est prévu pour le tax shelter, les dirigeants d’entreprise ont aussi droit à l’avantage fiscal pour les prêts qu’ils consentent à leur propre société, sans préjudice toutefois « de l’application de l’article 18, al. 1, 4° et al. 2 CIR 1992 », c.-à-d. sans préjudice d’une éventuelle requalification d’intérêts « exagérés » en des dividendes. Conditions relatives aux prêts Montant de l’exonération Les prêts dont les intérêts peuvent prétendre à cette exonération doivent remplir les conditions suivantes: – être consentis avec l’intervention d’une plate-forme de crowdfunding agréée par la FSMA ou une autorité si- Les intérêts sont exonérés dans la mesure où ils se rapportent à la première tranche du prêt de 9.965 euros (non indexé19) par année et par contribuable et à la condition d’être payés à un moment où les prêts n’ont pas encore quatre années (art. 21, 13°, préambule CIR 1992). 16 Voir aussi ci-dessus, sous «Conditions relatives à la société dont les actions sont acquises». 18 Cela va de soi, s’agissant ici d’une exonération prévue à l’impôt des personnes physiques. 17 Il s’agit donc là des sociétés qui sont exclues pour 48 mois, voir cidessus, notes 5, 9 et 11. 19 Indexé, cela donne un montant de 15.000 euros pour l’exercice d’imposition 2016 d’après l’Exposé des Motifs. 7 P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015 Formalités Le prêteur doit mentionner dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques le nombre de prêts qu’il a conclus et dont les intérêts bénéficient de cette exonération (art. 307, § 1, dernier al. CIR 1992). Cette mention doit permettre au fisc de vérifier que le contribuable n’applique pas l’exonération plusieurs fois, plus précisément en consentant un prêt à différentes entreprises. Dans ce cas, en effet, chacune de ces entreprises n’aura pas retenu de précompte mobilier jusqu’au montant exonéré. Entrée en vigueur L’exonération s’applique aux prêts conclus à partir du 1er août 2015 (art. 66 Loi-programme 10 août 2015). auparavant par une personne physique ou une autre personne morale, le délai débute au moment de la première inscription à la BCE de cette personne physique ou morale; – n’avoir pas introduit de déclaration ou fait l’objet d’une demande de faillite et ne pas s’être vu retirer en tout ou en partie la gestion de l’actif par application de la loi sur les faillites; – ne pas faire l’objet d’une procédure de réorganisation judiciaire visée par la loi relative à la continuité des entreprises; – ne pas être une société dissoute qui se trouve en liquidation. Montant de la dispense A la condition d’avoir retenu la totalité du précompte professionnel sur les rémunérations des travailleurs, l’employeur est dispensé d’en verser 10% au Trésor, ou 20% s’il est une micro-société ou un indépendant personne physique qui remplit de façon analogue les critères d’une micro-société20 (art. 27510, al. 1 et 4 CIR 1992). Dispense de versement du précompte professionnel De quoi s’agit-il? La dispense de versement du précompte professionnel est un avantage fiscal accordé aux entreprises (sociétés ou personnes physiques) qui occupent des travailleurs. Formalités Conditions relatives à l’employeur Les formalités à accomplir pour bénéficier de la dispense seront déterminées par Arrêté royal (art. 27510, dernier al. CIR 1992). Peut prétendre à la dispense l’employeur qui remplit les conditions suivantes (art. 27510, al. 2, 3 et 5 CIR 1992) : – entrer dans le champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires; – être une petite société suivant les critères de l’article 15 C. Soc. ou une personne physique qui répond de façon analogue aux mêmes critères; – être enregistré à la BCE depuis 48 mois au plus. Toutefois, si l’employeur continue une activité exercée Entrée en vigueur La dispense s’applique aux rémunérations payées ou attribuées à partir du 1er août 2015 (art. 59 Loi-programme 10 août 2015). Felix VANDEN HEEDE Juriste fiscaliste 20 Voir ci-dessus, «Tax Shelter, Montant de la réduction d’impôt». Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de photocopies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. La rédaction veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager sa responsabilité. Editeur responsable : Mirjam VERMAUT, IPCF – av. Legrand 45, 1050 Bruxelles, Tél. 02/626.03.80, Fax. 02/626.03.90 e-mail : [email protected], URL : http://www.ipcf.be Rédaction : Mirjam VERMAUT, Gaëtan HANOT, Geert LENAERTS, Frédéric DELRUE, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven. Réalisée en collaboration avec Wolters Kluwer – www.wolterskluwer.be 8 P a c i ol i N ° 410 I P C F - B I B F / 21 septembre - 4 octobre 2015