LA PERSÉCUTION DES JUIFS Pour aborder le sort des Juifs

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LA PERSÉCUTION DES JUIFS
Pour aborder le sort des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, il est
indispensable de connaître le contexte qui a pu permettre l’impensable. Nous
proposons ici le résumé d’un article de François et Renée Bédarida dans, La
France des années noires , tome 2 , de l’Occupation à la Libération, p.149-182,
réed.Seuil Histoire, 2000. Cet article est intitulé « la persécution des Juifs ». En
effet, les auteurs insistent sur la distinction fondamentale à apporter entre le
terme de répression qui s’applique à attaquer les personnes pour ce qu’elles font,
et le terme de persécution qui consiste à pourchasser des personnes pour ce
qu’elles sont. Pour les Juifs, le crime qui leur est reproché est d’être né.
1)UNE « QUESTION JUIVE » EN FRANCE
Pour comprendre la portée des événements de la période 1940-1944, il faut
repartir de la sociologie du phénomène juif dans la France de l’entre-deux
guerres. Les auteurs préviennent qu’on ne peut pas parler à proprement parler
d’une « communauté juive ». Les Juifs vivant en France forment un courant très
hétérogène. Il y a déjà une division entre les Juifs français et les Juifs étrangers.
Il y a en 1939, 150 000 Français de confession israélite (parmi eux, 90 000 sont
de « vieille souche » ) et 150 000 Juifs étrangers. Parmi ceux qui sont Français,
leur fierté d’appartenir à la Nation s’est renforcée lors de la guerre 14-18. Leur
francité s’est trouvée reconnue dans le sacrifice pour la patrie. Beaucoup de
choses opposent donc les Juifs français et les Juifs étrangers. Ces derniers
présentent beaucoup de différences (mode de vie, culture, pratique religieuse,
langue parlée le yiddish). Ils sont originaires de Pologne, de Roumanie, de
Hongrie, Tchécoslovaquie, Russie, et depuis peu d’Allemagne et d’Autriche. Ces
immigrés ( à part les Allemands et les Autrichiens) ont une autre différence avec
leurs coreligionnaires français, on les retrouve plutôt au bas de l ‘échelle sociale.
Ce sont en grande partie des travailleurs manuels, des ouvriers, des artisans. Ils
vivent surtout à Paris, 100 000 d’entre eux vivent dans des quartiers pauvres du
centre et de l’est (le Pletzl dans le 4ème arrondissement, Belleville, les Buttes
Chaumont). Les Français de confession israélite vivent plutôt dans les quartiers
bourgeois de l’ouest parisien. Les Juifs étrangers arrivés récemment sur le sol
français ont tendance à se regrouper dans des associations qui sont censées les
aider : Union des sociétés juives de France ( à tendance communiste) ou la
Fédération des sociétés juives de France ( de tendance sioniste). De manière
générale, les solidarités sont plus ancrées chez les immigrants récents, les
israélites français ne se reconnaissent pas dans le sionisme. On peut même
distinguer une inquiétude chez les Juifs français qui craignent un regain
d’antisémitisme face à l’immigration juive venue d’Europe centrale.
De fait, cet antisémitisme présente deux visages. L’un est violent, haineux,
alimenté par des phobies et des fantasmes. Il se retrouve à droite et à l’extrême
droite. Un autre antisémitisme est présent, plus latent, banalisé, insidieux. On le
retrouve chez certains communistes et socialistes.
La France de 1939, est le premier pays d’immigration au monde. La xénophobie
et l’antisémitisme s’entremêlent largement. En toile de fond, on retrouve deux
thèmes majeurs : le juif avide d’or et de richesses, et le juif errant, apatride.
Mais attention, comme le montre l’historien Ralph Schor, il existe aussi un « front
philosémite », chez les républicains et démocrates attachés aux droits de
l’homme, et dans le courant chrétien un journal comme La Croix a bien changé
depuis l’affaire Dreyfus, pour certains intellectuels chrétiens l’antisémitisme
devient une injure à la religion chrétienne (en parallèle à la redécouverte des
racines juives du christianisme).
2)DU STATUT DES JUIFS À L’ÉTOILE JAUNE
Le sort des Juifs en France a été subordonné à deux politiques aux objectifs et
aux modalités différents voire rivaux, la politique d’exclusion et de persécution
conduite par Vichy et la politique de déportation et d’extermination dans le cadre
de la « solution finale ».
De l’été 1940 au printemps 1942, la politique anti-juive d’origine française
prédomine. Elle s’inscrit dans une guerre contre les « étrangers de l’intérieur ».
Le 22 juillet 1940, on a d’abord la création par Allibert de la commission de
révision des naturalisations prononcées depuis 1927. (500 000 cas sont traités et
15 000 se voient retirer la nationalité française dont 40 % de juifs.) En Alsace,
les Allemands procèdent à l’expulsion des Juifs alsaciens-lorrains envoyés en
zone non occupée (20 000 Alsaciens). Le 27 août Vichy abroge le décret-loi
Marchandeau qui autorisait la poursuite contre les propos antisémites.
Le 3 octobre 1940 est créé le STATUT DES JUIFS.
Le 4 octobre 1940 un décret autorise l’internement des ressortissants étrangers
de « race juive » dans des « camps spéciaux ».
Le 7 octobre 1940 le décret Crémieux du 24 octobre 1870 est abrogé (il donnait
la nationalité française aux juifs algériens).
Les juifs se retrouvent exclus de la fonction publique, de l’armée, de
l’enseignement, de la presse, de la radio, du théâtre, du cinéma. Le statut est
justifié par le rôle des Juifs dans le déclin de la France, dans la défaite de 1940.
Le statut définit le juif comme race et non comme une religion. «Est déclarée
juive « toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux
grands-parents, si son conjoint est juif ».
Le 2 juin 1941, un deuxième statut aggrave le premier. Il établit un numerus
clausus dans les professions libérales et limite l’accès aux études. Et surtout, il
met en place le recensement des Juifs. En décembre 1941, Vichy obtient le
chiffre de 140 000 Juifs en zone non occupée.
Au total 3 422 fonctionnaires sont démis (1284 militaires, 1 111 professeurs dont
426 en zone occupée et 685 en zone non occupée, 545 fonctionnaires des PTT et
169 aux finances). Les auteurs soulignent que cette politique d’exclusion est
spontanée, autonome, française, vichyssoise. Le maréchal Pétain est un acteur
direct de cette politique.
Autre face sordide de la persécution vichyssoise : la France des barbelés et des
camps. Les auteurs rappellent les conditions de détention épouvantables des
camps de Gurs ( 60 000 personnes, hommes, femmes et enfants, internés de
1939 à 1945, dont plus d’un millier sont morts), Le Vernet, Noë, Rivesaltes, les
Milles…
Le 29 mars 1941, Vichy met en place le commissariat général des questions
juives dirigé par Xavier Vallat, le créateur de la Légion.
Comment réagissent les Juifs face à ces mesures ? Ils sont en fait divisés.
Certains ne voient pas d’un mauvais oeil le principe de la Révolution nationale,
du moins dans les premiers temps. Mais beaucoup se sentent offensés et
s’interrogent sur la nécessité de rendre leur médaille d’anciens combattants et
celles de leurs ancêtres… morts pour la France. Les dissensions sont mises à jour
par la création de L’UGIF par la loi du 29 novembre 1941. Ce rouage du système
vichyssois déconcerte les Juifs. L’UGIF est chargé d’assurer la représentation des
Juifs auprès des pouvoirs publics. Doit-on, peut-on participer à une institution qui
est entre les mains de Vichy et des Allemands ? Et sinon, comment faire pour
éviter le pire ?
En zone occupée, la persécution a commencé plus tôt. Le recensement de la
population juive a été prévu par l’ordonnance du 27 juillet 1940. Les magasins
juifs doivent être revêtus de l’écriteau « juif ». En octobre, les pièces d’identité
doivent avoir le tampon « juif ». En 1944, dans le cadre des spoliations des biens
juifs, 30 000 entreprises sont aux mains d’un « administrateur provisoire » et 10
000 ont fait l’objet d’une « aryanisation ». Au printemps 1942, l’étoile jaune
devient obligatoire. 83 000 étoiles sont distribuées en quelques jours. La
persécution s’accélère.
3)LA SOLUTION FINALE
La « solution finale » s’incarne dans une trilogie : concentration, déportation,
extermination. Elle commence en France le 27 mars 1942, avec le premier
convoi qui part de Compiègne.
Le 2 juillet 1942, l’accord entre la général SS Oberg et le René Bousquet,
secrétaire général de la police est conclu. La solution finale trouve désormais
dans la police française un appui solide et décisif. Le 4 juillet 1942, Laval prend
l’initiative inattendue par les Allemands, de proposer de déporter les enfants de
moins de 16 ans avec leurs parents… Sous le nom de code « vent printanier », la
grande rafle du Vel d’hiv peut commencer les 16 et 17 juillet 1942. Le travail
monumental de Serge Klarsfeld, le mémorial de la déportation des juifs : VichyAuschwitz, permet de mesurer la portée de la solution finale en France.
76 000 Juifs ont été déportés. 3 % ont survécu, 2 500 sont revenus.
24 000 étaient français, les deux tiers des décédés étaient donc étrangers. La
plupart des Juifs déportés depuis la France sont morts à Auschwitz ( 70 000 ). En
1942, on a 43 000 déportés, 17 000 en 1943 et encore 16 000 en 1944.
Les trois cinquièmes des déportés, soit 43 000 ont été envoyés directement à la
chambre à gaz. Pour les 3 % qui sont revenus, le « syndrome du survivant »
traduit un malaise lancinant d’avoir survécu.
4)TROIS DÉBATS HISTORIOGRAPHIQUES
L’Histoire des Juifs de 1940 à 1944 a suscité d’innombrables débats et
polémiques.
On retrouve trois débats principaux :
-la responsabilité de Vichy ?
Les auteurs s’étonnent de voir la thèse du « bouclier » protégeant les Juifs mis
en place par Vichy bénéficier encore d’une fortune récurrente en dépit du nombre
impressionnant d’études qui montre son inanité. En effet, si on ne peut pas
parler d’un projet homicide avec volonté physique d’anéantir la race juive, le
gouvernement de Vichy a été un instrument efficace des première étapes de la
« solution finale » : l’exclusion et la déportation . Vichy a aidé l’occupant en
définissant, classant et isolant les Juifs au sein de la population. Vichy a
développé une propagande violemment antisémite et xénophobe. Et surtout,
Vichy a mis en place une collaboration d’État antisémite en utilisant son
administration et sa police contre les Juifs. 80% des Juifs déportés de France ont
été arrêtés par des forces de police françaises…
-la Résistance juive ?
Existe-t-il une Résistance spécifiquement juive, axée sur la lutte contre
l’extermination et le sauvetage communautaire ? Faut-il parler de Juifs résistants
ou de résistants juifs ? A ces questions complexes, se rajoutent la division entre
Juifs français et Juifs étrangers, et l’appartenance au phénomène communiste.
Pour les deux auteurs, le rôle principal dans la Résistance juive, a été tenu par
les Juifs étrangers, pour beaucoup communistes, pour certains sionistes. Ceux-ci
se sentent les premiers visés, habitués à l’antisémitisme, et se regroupent plus
facilement dans des organisations juives. Les auteurs citent pas exemple la soussection juive de la MOI dès l’été 1940, le Comité Amelot, l’ORT (Organisation
reconstruction travail) et l’OSE (organisation de secours aux enfants) en zone
non occupée ainsi que l’Armée ,juive d’inspiration sioniste qui devient en 1944
l’Organisation juive de combat (OCJ).
La recherche historique a également réévalué depuis quelques années les formes
de résistance sur la solidarité et les sauvetages : camouflage des enfants, filières
d’évasion, fabrication de faux papiers et services sociaux. Pour les auteurs
l’opposition entre « Résistance active » et « passive » est aujourd’hui artificielle
et spécieuse.
Les auteurs remarquent enfin que de nombreux juifs ont rejoint la Résistance à
des postes de responsabilité. Ces résistants combattent le nazisme en tant que
français avant tout, ils se sentent bien plus représentants de la Résistance
française que de la Résistance juive. La part de ces résistants a été importante.
Dans les compagnons de la Libération, ils forment 5 % du total, alors que les
Juifs ne représentent alors que 0,75 % de la population…
-l’attitude des Français ?
Après de vigoureuses controverses et des plaies encore à vif, l’historiographie
s’accorde aujourd’hui à distinguer trois aspects : la passivité des années 1940 et
1941, le tournant de l’année 1942 et la dimension de l’aide apportée aux Juifs
persécutés. En 1940 et 1941, l’apathie et la léthargie de l’opinion dominent, la
population est préoccupée par le ravitaillement, le sort des prisonniers et le
Statut des Juifs d’octobre 1940 et celui de juin 1941sont accueillis sans état
d’âme. Tout change avec les grandes rafles de l’été 1942. On assiste alors à un
revirement capital de l’opinion. La violence et la cruauté de la persécution
apparaissent au grand jour et les autorités spirituelles, catholiques et
protestantes, jusque là discrètes, condamnent publiquement les méthodes
employées. Le réveil des consciences se conjugue avec l’impopularité croissante
du gouvernement. La chaîne de solidarité se met en place (établissements
religieux, écoles, pensionnats, orphelinats, familles). 45 000 enfants de moins de
15 ans ont ainsi échappé à la mort. Grâce à cette protection au sein de la
population, les trois quarts des Juifs de France ont pu être soustraits à la
« solution finale ».
Résumé d’un article de François et René Bédarida
HISTORIOGRAPHIE DE LA
DEPARTEMENT DE L’AUBE
DEPORTATION
DES
JUIFS
DANS
LE
Pour commencer à présenter le sujet difficile de la déportation des juifs du
département de l’Aube, une première remarque s’impose. L’histoire du génocide
est désormais bien connue dans sa globalité grâce en particulier aux recherches
et publications de Serge Klarsfeld ou d’Annette Wieviorka, grâce également
à une multiplication des œuvres cinématographiques (Shoah de Claude
Lanzmann restant la référence). Mais il faut constater que les études sur la
déportation des juifs à l’échelle locale ou départementale, même si elles tendent
à se développer, ne sont pas encore très nombreuses. De même, il est tout à fait
étrange de constater que le soixantième anniversaire de la libération des
camps donne lieu à bien plus de publications, de documentaires, de cérémonies
que lors du cinquantième anniversaire. Comme si un dernier tabou avait sauté.
En parallèle, les propos antisémites et les réflexions négationnistes les plus
choquantes se multiplient. Au-delà du devoir de mémoire, ce dossier a donc
pour but de rapporter les faits historiques qui montrent l’étendue de la
déportation dite raciale dans notre département, et de montrer à nos
collégiens, lycéens, étudiants, à tous les citoyens qui se sentent concernés par ce
sujet, que le processus d’arrestation puis de déportation des Juifs s’est ancré
dans des lieux aubois, villages, villes qui nous sont familiers. Lorsqu’on évoque
les Hauts Clos, les Troyens reconnaissent le nom de leur hôpital public, bien peu
savent qu’il a servi de centre d’internement aux Juifs (et à ceux accusés de
collaboration en 1944-1945), si on évoque Clairvaux, on pense volontiers aux
restes de la prestigieuse abbaye médiévale ou plus récemment à une prison
connue pour ses tentatives d’ évasion, mais peu de personnes savent qu’on y a
interné des Juifs pendant la guerre en prélude à leur déportation…
Méthodologie
En Champagne-Ardenne, en contrepoint à ce que nous écrivons plus haut, on
bénéficie du travail remarquable de Jocelyne Husson sur La Déportation des
juifs de la Marne. Son ouvrage réédité en 2001 peut servir à bien des titres de
modèle. Cette historienne a confronté toutes les sources possibles, "mémoire de
la pierre", sources contenues dans les archives nationales, départementales et
municipales. Elle a pu bénéficier des archives personnelles de Serge Klarsfeld et
a dépouillé les archives du Centre de documentation juive. Prolongeant son
travail d’histoire par un travail de mémoire, elle a également recherché les
quelques rares documents personnels, lettres, photographies, qui n’ont pas
sombré dans la destruction.
On trouvera ici une liste des Juifs arrêtés et déportés depuis le département
de l’Aube qui s’appuie autant que possible sur la méthodologie développée par
Jocelyne Husson, mais qui ne prétend pas être aussi exhaustive. Il faut l’avouer,
beaucoup de questions restent en suspens, faute d’archives et de
témoignages, il faudrait continuer la recherche dans de nombreuses directions
que nous n’aborderons pas ici : la vie quotidienne de 1940 à 1942 sous la
coupe des lois antisémites ( des interdictions professionnelles au port de l’étoile
jaune), l’étendue de la spoliation des biens, des logements et des entreprises,
le sort des enfants, l’organisation des centres d’internement aubois, les
réactions des populations non juives face aux rafles… Notre étude a d’abord
pour ambition d’établir une liste des victimes la plus complète possible et
de servir de point d’appui pour un approfondissement ultérieur. Elle appellera
sans doute des critiques, compléments et/ou des corrections. Mais au moins, le
débat pourra s’orienter sur des faits et au moment où on commémore le
soixantième anniversaire de la libération des camps, on pourra s’interroger sur
la pertinence de l’expression « libération » pour les Juifs. En effet, sur les
199 Juifs aubois qui ont été déportés vers un « centre de mise à mort », seuls 7
ont connu la libération…
Nous avons alors regroupé cette liste sous forme de tableau, dans chaque
colonne, on lira les informations suivantes : nom, prénom, date et lieu de
naissance, nationalité, date et lieu d’arrestation, numéro du convoi de
déportation, sort. En ayant mobilisé et croisé toutes les sources existantes
(travaux du comité d’histoire de la seconde guerre mondiale, listes mises à
jour par Serge Klarsfeld, liste des victimes auboises publiée par Henri Cahen
et une liasse des renseignements généraux jusqu’alors inédite découverte par
Sébastien Touffu aux archives départementales de l’Aube), nous aboutissons à
un chiffre de 228 personnes arrêtées et 199 déportées.
Un bilan réévalué
Le bilan de la déportation des Juifs dans notre département doit donc être
largement réévalué. Le contraste est saisissant, si on compare ce chiffre avec
celui établi dans l’immédiat après-guerre, par le préfet Pierre-Marcel Wiltzer.
En ce qui concerne les déportés, seuls 43 personnes dont 23 femmes sont
attestées comme ayant été déportées pour des "motifs raciaux". Ce chiffre
sous-estime alors très largement une réalité encore mal connue, mais s’inscrit
dans un cadre national où la méconnaissance du génocide est la règle
générale. Comme l’a montré l’historienne Annette Wievorka "en 1945 le
déporté est le résistant", les Juifs sont largement oubliés des
commémorations. À partir de 1951, la connaissance de l’étendue du génocide
progresse, le Comité départemental d’histoire de la Seconde Guerre
mondiale recense tous les noms des Juifs aubois ou des Juifs arrêtés dans le
département de l’Aube. Ces travaux ont été menés par Bernard Gildas et
prolongés par ceux de Paul Weill. Un document non daté des archives
départementales donne un total de 164 Juifs internés et 147 déportés dont 7
survivants mais les chiffres ne correspondant pas à une liste précise et intègrent
des déportés résistants et politiques. En 1968, au moment de la publication des
résultats du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, Bernard
Gildas opte plutôt pour un chiffre total de 108 juifs déportés depuis le
département.
L’historien rémois Jean-Pierre Husson, aujourd’hui directeur de la collection
nationale Histoire et Mémoire, a rassemblé et commenté en 1985 les études
statistiques des 4 départements de Champagne-Ardenne. Pour les "déportés
raciaux", il reprend les chiffres de Bernard Gildas (108 juifs arrêtés dans le
département de l’Aube dont 103 ne sont pas rentrés). Sur le site internet du
Centre
régional
de
documentation
pédagogique
(http://crdp.acreims.fr/memoire), il précise aujourd’hui que ces chiffres sont sans doute
contestables et mériteraient une correction à l’instar de ceux de la
Marne qui étaient largement sous-estimés : Jocelyne Husson a ainsi montré
en 1999 que le nombre réel de juifs déportés dans la Marne était de 316 et
non de 155 ! Notre travail de croisement des sources confirme donc que la
situation est la même dans le département de l’Aube, on passe de 108
déportés à 199, soit presque le double.
Au niveau historiographique, l’outil de référence reste encore celui d’Henri
Cahen qui a accompli un travail exemplaire sur l’histoire des juifs de Troyes
(livre publié à titre posthume par ses enfants en 2001, sous le titre Troyes et ses
juifs, Henri Cahen étant décédé en 1997). Henri Cahen a en effet été le premier
à réaliser une étude complète sur la Shoah dans le département de
l’Aube. On peut rester songeur quand on souligne que la publication de cette
étude ne date que de 2001, cela montre à quel point la mémoire de cet
événement tragique a longtemps été recouverte en partie par l’oubli,
l’indifférence ou la méconnaissance. Henri Cahen, par un long travail de
croisement des sources, a retrouvé jusqu’à 139 noms de victimes des crimes
nazis. Dans la continuité de cette étude, un nouveau mémorial intégrant les
découvertes d’Henri Cahen a été d’ailleurs été inauguré au cimetière municipal
de Troyes le 25 avril 1999.
Des populations d’origine très diverses
La disparité des chiffres s’explique bien sûr aussi par la méthode et les
critères souvent différents adoptés par les auteurs qui ont travaillé sur ce sujet.
Dans un article de juillet 2004, un journaliste d’un titre départemental relève
dans le cadre d’une commémoration à la synagogue de Troyes de la rafle du Vél
d’Hiv le chiffre de 106 juifs troyens. S’agit-il d’un comptage qui distingue les
juifs troyens des autres juifs aubois ou d’un amalgame avec le chiffre ancien de
108 juifs aubois datant des travaux anciens de Bernard Gildas (1968) ? On le
voit, la statistique de la déportation des juifs dans le département de l’Aube
dépend aussi du point de vue adopté et s’avère parfois incertaine. Dans certains
cas, l’identité des déportés est mal connue, la date d’arrestation et le lieu sont
sujets à caution. L’orthographe des noms est souvent très différente selon les
listes.
Nous avons pris en compte dans notre liste, des noms de personnes ayant vécu
à Troyes ou dans l’Aube avant la guerre, qui ont fui vers la zone libre et qui y
ont été arrêtées.
Nous avons retenu également les noms de personnes qui ne vivaient pas dans
l’Aube avant guerre, mais qui ont été internés dans un centre aubois avant la
déportation finale (école Jules Ferry, prison de Clairvaux, centre des
Hauts-Clos). Pour ceux-là, l’internement a été le terrain préparatoire à la
déportation vers Drancy puis Auschwitz. Et même s’ils n’étaient pas « Aubois »,
ils ont été déportés depuis le département de l’Aube, arrêtés souvent par des
policiers et des gendarmes aubois, dans des rafles commanditées par les
Allemands mais gérées par le préfet régional et le préfet de l’Aube. C’est le cas
de 55 d’entre eux qui sont transférés de la prison de Troyes, du centre des
Hauts-Clos, de la prison de Clairvaux vers Drancy le 19 septembre 1942. Pour
la grande majorité de ceux-ci, leurs noms n’apparaissent pas sur la plaque
commémorative du cimetière de Troyes. Assurément, ils ont leur place dans le
bilan de la déportation depuis l’Aube.
C’est le cas également des Juifs de la zone interdite du Pas-de-Calais
refoulés à partir de décembre 1940 ou de Juifs alsaciens qui ont trouvé refuge
chez des membres de leur famille avant d’être arrêtés à leur tour.
On retrouve de même de nombreux Juifs français qui vivaient dans le
département de l’Aube depuis de longues générations et qui se pensaient à l’abri
des mesures discriminatoires prises par Vichy dès octobre 1940. Or les Juifs
aubois de nationalité française n’ont pas été épargnés par la déportation
dite « raciale » et notamment par la grande rafle du 27 janvier 1944.
Au-delà du devoir de mémoire, le devoir d’histoire
Il n’existe pas à notre connaissance de photographies des Juifs aubois morts à
Auschwitz qui aient été publiées. Il y a une exception qui confirme la règle. Une
brochure de l’ANACR publiée dans le cadre du cinquantième anniversaire de la
Libération de la France en 1994, montre la photo de Mme Herskowitz et de sa
fille Simone âgée à peine d’un an. Cette photographie existe pour une raison
bien précise : lors de la rafle du 27 janvier 1944 menée par les Allemands,
Maurice Herskowitz qui est présent dans l’appartement, arrive à se cacher, il
assiste impuissant à l’arrestation de sa femme et de son enfant. Après guerre, la
ville de Romilly-sur-Seine donne alors un nom de rue à ces deux victimes, et leur
nom sont inscrits sur le monument municipal de la seconde guerre mondiale. En
aurait-il été de même si Maurice Herskowitz n’avait pas survécu ?
Il faudrait mobiliser les rares archives privées qui ont survécu à la Shoah. Or
dans ce département, de nombreuses familles entières ont été exterminées.
Seuls trois Juifs aubois sont revenus d’Auschwitz. Les familles ayant eu des
survivants ne sont pas forcément restées dans la région pour des raisons
compréhensibles, désirant tirer un trait sur un passé douloureux. Les nazis et les
policiers français qui ont œuvré à leur arrestation et à leur déportation ont
détruit leurs effets personnels et ont aussi fait disparaître à jamais jusqu’à leurs
visages, leurs souvenirs. Autant de mémoires englouties. Cette réalité est
profondément choquante. Il reste pourtant leurs noms pour sortir de l’oubli cette
période dérangeante. Nous avons donc essayé de rassembler un maximum
d’informations, sur leurs identités, leurs dates et lieux de naissance, leurs
nationalités, leurs domiciles, leurs dates d’arrestation, leurs dates de déportation
à Auschwitz, à Sobibor ou Bergen-Belsen… Cela semble dérisoire à l’échelle de
l’horreur des évènements passés et des destins brisés, mais c’est le moindre des
devoirs d’histoire que nous puissions accomplir. Cette liste peut prêter à la
critique sur tel ou tel point, mais nous espérons avoir mis à jour la diversité
des parcours et des situations connus par ces 228 personnes.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
Archives départementales de l’Aube.
Archives consultées :
A.D Aube, NA 10 104, Notes de travail du Comité d'histoire de la Seconde Guerre
mondiale relatives à la déportation raciale de l'Aube.
A.D Aube, NA 10 641, Guerre 1939-1945 : persécutions raciales contre les juifs :
notes de travail du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale sur
l'estimation du nombre de juifs déportés dans l'Aube sous l'occupation
allemande.
A.D Aube, 1214 W 25, Direction départementale des Renseignements généraux.
Administration du département de l’Aube par les autorités allemandes sous
l’Occupation.
(Cette liasse est particulièrement intéressante, elle contient quasiment l’intégralité
des pièces concernant les rafles de Juifs par les forces de la police française, sous
l’autorité du préfet de l’Aube. Il faut regretter cependant qu’elle ne porte pas un titre
explicite. Perdue au milieu de l’immense fonds des renseignements généraux, nous
avons eu la chance que cette liasse soit consulté par Sébastien Touffu dans le cadre
de la réalisation d’un cd-rom sur la résistance auboise et que celui-ci ait eu l’extrême
amabilité de nous transmettre aussitôt l’information ! )
Études départementales et régionales consultées :
-Pour le département de l’Aube :
Cahen Henri, « 1940-1944 : les années tragiques de la barbarie nazie », Troyes et
ses juifs, Jérusalem, 2001, pp. 117-134
-Pour la Marne :
Husson Jocelyne, La Déportation des juifs dans la Marne, Reims, Presses
universitaires de Reims, 2001, 210 p.
-Pour la Haute-Marne :
"Le Mémorial de la déportation des Juifs de Haute-Marne 1941/1944", Cahiers de la
Haute-Marne, n°52 , Chaumont, Archives départementale de Haute-Marne, octobre
1997
-Pour toute la Champagne-Ardenne :
Husson Jean-Pierre, Les déportés raciaux, site Internet Histoire et Mémoire du
CRDP de
CRDP de Champagne-Ardenne, http://crdp.ac-reims.fr/memoire, Reims,
Champagne-Ardenne, 2005
Études sur la persécution des Juifs en France consultées :
L’histoire de la Shoah, de la persécution à l’extermination des Juifs d’Europe,
cédérom Softissimo, Endless Interactive, 1997 (Ce cd-rom est un instrument de
travail indispensable puisqu’il contient une base de données qui permet d’accéder
aux fichiers individuels des Juifs déportés de France mis à jour par Serge Klarsfeld.
Sachant que l’édition 2001 de la Shoah en France ne reprend que les noms des
enfants, ce cd-rom est un moyen rapide pour accéder à la liste totale des 76 000
Juifs déportés depuis la France. Sinon il faut consulter le Mémorial des Juifs
déportés de France de Serge Klarsfeld, épuisé depuis longtemps et qui n’est
accessible que dans certaines bibliothèques . )
Bédarida François et Renée, "La persécution des juifs", La France des années
noires, sous la direction de Jean-Pierre Azéma et François Bédarida, tome 2, Paris,
Seuil, 2000
Klarsfeld Serge, "Vichy-Auschwitz : la "solution finale" de la question juive en France,
La Shoah en France, tome 1, Paris, Fayard, 2001, 392 p.
Klarsfeld Serge , "Le calendrier de la persécution des juifs de France, juillet 1940août 1942", La Shoah en France, tome 2, Paris, Fayard, 2001, 1000 p.
Klarsfeld Serge, "Le calendrier de la persécution des juifs de France, septembre
1942-août 1944", La Shoah en France, tome 3, Paris, Fayard , 2001, 1000
Klarsfeld Serge , "Le mémorial des enfants juifs déportés de France", La Shoah en
France, tome 4, Paris, Fayard, 2001, 1256 p.
Wieviorka Annette, Déportation et génocide, entre la mémoire et l'oubli, Paris,
Hachette Littératures, Pluriel, 1992, 506 p.
NOM
PRÉNOM
ADLER
Isaac
ADLER
Roger
BACHMAN
Régine
BAERMANN
Nicole
BAKIS
René
BERCOVICI
Isaac
BERKOWITZ
Maurice
BERR
Louis
BERR
Pauline
BIRENBAUM
Chaïm
BISMUTH
Élie
BLAUSTEIN
Paul
BLOCH
David
Date, lieu
denaissance
14/02/1901 à
Tarnow ( ?)
16/02/1911 à
Beaune (21)
NATIONALITÉ
NC
NC
1/01/1886 à
Scherviller (67)
21 /02/1921 ( ?)
Française
7/04/1902 à
Tempes ( ?)
11/11/1896 à
Kowarma (R)
24/07/1868 à
Chrzanow (Pologne)
NC
5/10/1885 à
Baccarat (88)
22/03/1889 à La
Chauds-de-Fonds
(Suisse)
16/12/1907 à
Odessa (Russie)
22/11/1901 à
Bougie ( ?)
23/03/1907 à Paris
(75)
16/04/1874 à
NC
Roumain
Polonais
Français
Français
NC
NC
Français
Français
Lieu et date
d’arrestation
CLAIRVAUX le
21 /09/1942
Domicilié à Troyes,
arrêté en Saôneet-Loire le
15/05/1944
Rigny-le-Ferron le
27/01/1944
Centre des HautsClos de Troyes le
21/09/1942
Clairvaux le
21/09/1942
Clairvaux le
9/03/1943
Centre Jules Ferry
de Troyes le
4/11/1942
La Chapelle-SaintLuc
La Chapelle-SaintLuc
Numéro du SORT
CONVOI
36 (Auschwitz)
Décédé
73(Kovno/Kau
nas)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
36 (Auschwitz)
Décédée
36 (Auschwitz)
Décédé
52(Sobibor)
Décédé
40 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
Clairvaux le
36 (Auschwitz)
21/09/1942
Clairvaux le
36 (Auschwitz)
21/09/1942
Saint-Étienne (42) 73(Kovno/Kau
le 3/04/1944
nas)
Troyes le
68 (Auschwitz)
Décédé
Décédé
Décédé
Décédé
BLOCH
Félicité
BLOCH
Jean-Paul
BOREK
Leyser
BORTENSZTAJN
Rosheim (67)
29/04/1872 ( ?)
Français
21/12 /1889 à
Colmar (68)
15/02/1903 à
Podsbice (Pologne)
Français
Jacques
19/07/1905 à
Varsovie (Pologne)
NC
BORTENSZTAJN
Marie
16/04/1901 à
Carwolin (Pologne)
NC
BORTENSZTAJN
Ginette
Française
BORTENSZTAJN
Henri
BORTENSZTAJN
Louis
BRONNER
Henri
CATTEGNO
Régina
25/03/1936 à
Troyes (10)
15/02/1932 à
Troyes (10)
27/03/1934 à
Troyes (10)
7/02/1886 à Karwin
( ?)
20/10/1900 ( ?)
CAHEN
Émilie
26/10/1880
NC
COHEN
Gaston
Français
COHEN
Guy
6/10/1877 à
Marseille (13)
1923 ( ?)
NC
Français
Français
NC
NC
NC
27/01/1944
Troyes le
21/01/1944
Troyes le
27/01/1944
Domicilié à Troyes,
arrêté à Bon
Encontre (47) à
une date inconnue
Arrêté en janvier
1943 et interné au
camp des Nöes
(31)
Troyes le
19/07/1942
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
51 (Maïdanek)
Décédé
75(Auschwitz)
Décédé
46 (Auschwitz)
Décédée
46 (Auschwitz)
Décédée
46 (Auschwitz)
Décédé
46 (Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
Centre des Hauts- 36(Auschwitz)
Clos de Troyes le
21/09/1942
Centre des Hauts- 36(Auschwitz)
Clos de Troyes le
21/09/1942
La Chapelle-Saint- 68 (Auschwitz)
Luc le 27/01/1944
Sainte-Savine ( ?) 58( Auschwitz)
Décédée
Troyes le
19/07/1942
Troyes le
19/07/1942
Troyes le
19/07/1942
Clairvaux
Décédée
Décédé
Décédé
COHEN
Henri
CUCIUC
Édith
CUCIUC
Alice
DANIEL
Sarah
DASCALU
Sosia
DAVIS
Emma
DEJONC
Abraham
DEJONC
Rosalie
DREYFUS
Barbe
DREYFUS
Théodore
ÉLIAS
Éphraïm
FELL
Sarah
FISCH
FISCHER
2/07/1918 à
Marseille (13)
25/01/1914 à
Cetara (Roumanie)
10/03/1939 à Mérysur-Seine (10)
6/06/1874 à Dunsur-Meuse
15/09/1889 à
Botosani
(Roumanie)
2/02/1894 à Troyes
1/04/1875 à Mastie
( ?)
3/01/1868 à Kesme
( ?)
20/01/1870 à
Westhouse (67)
7/02/1867 à
Hindelbank (Suisse)
Français
Française
Française
Française
Roumaine
Française
NC
NC
Française
Français
27/06/1893 à
Remanow ( ?)
11/11/1909 ( ?)
NC
Jochora
22/05/1900 à
Proskourow (Russie)
Russe
Monique
9/09/1912 ( ?)
NC
NC
Prison de Troyes
le 8/02/1944
Méry-sur-Seine le
27/01/1944
Méry-sur-Seine le
27/01/1944
Troyes le
27/01/1944
Troyes le
9/10/1942
Troyes le
27/01/1944
69 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
40(Auschwitz)
Décédée
Libéré de
Drancy en août
1944
57 (Auschwitz)
Non
déportée
Romilly-sur-Seine
Décédé
en 1942 ou 1943
Romilly-sur-Seine 57 (Auschwitz)
Décédée
en 1942 ou 1943
Troyes le
68(Auschwitz)
Décédée
27/01/1944
Soligny-les-Étangs
Libéré de
Non déporté
le 27/01/1944
Drancy en août
1944
Clairvaux le
36(Auschwitz)
Décédé
21/09/1942
Centre des Hauts- 36(Auschwitz)
Décédée
Clos de Troyes le
21/09/1942
Centre Jules Ferry 11(Auschwitz)
Décédé
de Troyes le
19 /07/1942
Centre des Hauts- 36(Auschwitz)
Décédée
Clos de Troyes le
FOGEL
Baruch
Fanny
1/06/1892 à Bentzin
(Pologne)
24/06/1870 (?)
FRANCK
Allemande
FRANCK
Georges
1/11/1918 ( ?)
Français
GASS
Chaïm-Wolf
Polonais
GASS
Elsa
GASS
Hermann
GASS
Louis
GODCHAU
Léa
GRAEF
Mélina
GRUNBERG
Joseph
19/12/1897 à Balaty
(Pologne)
14/07/1907 à Birlza
(Pologne)
9/12/1931 à Nancy
(54)
6/07/1929 à Belfort
(90)
28/08/1876 à
Coffrans en Suisse
15/09/1899 à
Niderweisse (57)
20/08/1908 ( ?)
GUGENHEIM
Jacques
GUNTZBURGER
Hélène
GUNTZBURGER
Colette
GUNTZBURGER
Paul
HALPHON
René
8/10/1907 à
Quatzenheim (67)
18/08/1903
22/01/1931 à
Strasbourg (67)
25/06/1932 à
Mommenheim (67)
26/02/1904 ( ?)
Français
Polonais
Français
Français
Française
Française
NC
Français
Française
Française
Français
NC
21/09/1942
Décédé
Clairvaux le
47(Auschwitz)
5/12/1942
Centre Jules Ferry 40(Auschwitz)
Décédée
de Troyes le
9/10/1942
Géraudot le
Libéré de
Non déporté
27/01/1944
Drancy en août
1944
Troyes le
11(Auschwitz)
Décédé
25/06/1942
Troyes le
11(Auschwitz)
Décédée
25/06/1942
Troyes le
40(Auschwitz)
Décédé
25/06/1942
Troyes le
40(Auschwitz)
Décédé
25/06/1942
27/01/1944 à
68 (Auschwitz)
Décédée
Essoyes
27/01/1944 à
68 (Auschwitz)
Décédée
Sainte-Savine
Clairvaux le
36(Auschwitz)
Décédé
21/09/1942
Transféré à Drancy 77 (Auschwitz)
Décédé
le 26/07/1944
27/01/1944 à
68 (Auschwitz)
Décédée
Sainte-Savine
27/01/1944 à
68 (Auschwitz)
Décédée
Sainte-Savine
27/01/1944 à
68(Auschwitz)
Décédé
Sainte-Savine
Clairvaux le
36(Auschwitz)
Décédé
21/09/1942
HANAU
André
21/02/1904 à Vitryle-François (51)
Français
12/09/1943 à
Troyes
HERSCOVICI
Serge
26/07/1908
Français
27/01/1944 à
Nogent-sur-Aube
HERSKOWICZ
27/01/1944 à
Romilly-sur-Seine
27/01/1944 à
Romilly-sur-Seine
HEYMANN
Lucie
18/09/1912 à Janow
( ?)
10/02/1943 à
Romilly-sur-Seine
(10)
12/05/1903 ( ?)
Française
HERSKOWICZ
Ovaja
Sprinka
Simone
HIRTZ
Léon
22/06/1881( ?)
NC
HIRTZ
Marthe
15/04/1885( ?)
NC
HOLZMANN
Marcelle
30/04/1900 ( ?)
NC
HOPENSZTAND
Simon
3/07/1907 ( ?)
NC
HUBERFELD
Henri
Français
HUBERFELD
Germaine
née Picard
Pierre
23/11/1904 à
Wolbrom (Pologne)
4/03/1912 à
Pontarlier(25)
8/02/1938 à Barsur-Aube (10)
28/06/1872 à
Besançon (25)
HUBERFELD
PICARD
Herminen
mère de
Germaine
Huberfeld
Française
NC
Française
Français
Française
Centre des HautsClos de Troues le
21/09/1942
Clairvaux le
21/09/1942
Centre des HautsClos de Troues le
21/09/1942
Prison de Troyes le
21/09/1942
18/02/1944 dans
l’Aube
16/08/1942 à Barsur-Aube
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
Libéré de
Non
Drancy en août
déportée
1944
Libéré de
Non déporté
Drancy en août
1944
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédée
69(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Rentré
68(Auschwitz)
Décédée
68(Auschwitz)
Décédé
68(Auschwitz)
Décédée
HUSYT
Anszel
10/05/1919 à
Varsovie (Pologne)
Polonais
ISRAËL
Jules
Français
ISRAËL
Salomon
ISRAËL
Mathilde
ISRAËL
Henriette
JAKUBOWICZ
Hélène
26/11/1873 à
Meherville (57)
19/03/1881 à
Meherville (57)
16/01/1872 à
Crehange (57)
20/05/1877 à
Hellimer (57)
17 ans ( ?)
JOB
Myrthil
JOB
Laure
KANAREK
Ephraïm
KANIESWSKA
Anna
KATZ
Moïse
KATZ
Régina
KATZ
KATZ
KATZ
KAUFMANN
Alfred
Denise
Elsa
Hermann
15/01/1917 à Lodz
(Pologne)
14/02/1891 à
Straizow (Pologne)
4/02/1897 à Benyck
(Tchécoslovaquie)
17 ans ( ?)
14 ans( ?)
9 ans( ?)
29/05/1889
KLEIN
André
11/01/1891 à
8/11/1878 à Imling(
57)
18/02/1881 à
Ingwiller (67)
31/08/1922 ( ?)
Français
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
22/07/1942 à
Troyes pour
activité résistante
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
Centre des HautsClos de Troyes ( ?)
Troyes ( ?)
Française
Troyes (?)
35(Auschwitz)
Décédée
Français
Française
Française
NC
Troyes (?)
Troyes (?)
Troyes (?)
Clairvaux le
21/09/1942
Arrêté fin 1942 à
35(Auschwitz)
35(Auschwitz)
35(Auschwitz)
36(Auschwitz)
Décédée
Décédée
Décédée
Décédée
53 (Sobibor)
Décédé
Français
Français
Français
NC
Français
Français
NC
Polonaise
Français
36(Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
35(Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
77(Auschwitz)
Décédée
35(Auschwitz)
Décédée
Troyes (10)
26 avril 1894 à
Vitry-le-François
(51)
20/10/1885 à
Hatten (67 ou 68
KLEIN
Camille
KLEIN
Théodore
KLOPSTEIN
Benoît
KLOPSTEIN
Claire
KOCINSKY
Wolff
KOEN
Raphaël
KOHANE
Gittel
KOHANE
Osias
KORJENCWSKI
Maurice
KUPERWASSER
Simon
KUPERWASSER
Tauba
10/05/1879 à
Rademska (Pologne)
Polonaise
KUREWEJH
Hersch
Polonais
KUREWEJH
Wolff
8/03/1920 à
Varsovie (Pologne)
14/07/1904 à
Varsovie (Pologne)
8/06/1874 à
Mulhouse (68)
30/10/1873 à Kelmy
(Lituanie)
30/06/1895 à
Prezbdoz ( ?)
24/08/1885 à Calori
(Crète)
20/06/1899 à
Borazin (Pologne)
18 /11/1898 à
Szczurowa
(Pologne)
14/09/1903 à
Varsovie (Pologne)
6/02/1903
Française
Français
Français
Française
NC
Grec
Polonais
Polonais
Polonais
NC
Polonais
Troyes
27/01/1944 à
Troyes
68 (Auschwitz)
Transféré de la
?
prison de Troyes à
Drancy le
7/12/1943
27/01/1944 à
68 (Auschwitz)
Troyes
27/01/1944 à
68 (Auschwitz)
Troyes
Clairvaux le
36(Auschwitz)
21/09/1942
Centre Jules Ferry
53 (Sobibor)
de Troyes le
9/03/1943
19/07/1942 à Bar- 11(Auschwitz)
sur-Aube
19/07/1942 à Bar- 11(Auschwitz)
sur-Aube
Clairvaux le
21/09/1942
Prison de Troyes le
21/09/1942
Centre Jules Ferry
de Troyes le
9/10/1942
Clairvaux le
21/09/1942
Clairvaux le
21/09/1942
Décédée
?
Décédé
Décédée
Décédé
Décédé
Décédée
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
40(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
LAMBERT
Bertha
30/05/1872 à
Hellimer (57)
15/03/1909 à
Soukenof (Russie)
LEFFMAN
André
LEIBOVI
Henri
LERNER
LESKA
Yvonne
Berck
LÉVY
Adolphe
LÉVY
LEVY
Edmée
Édouard
36 ans ( ?)
20/10/1893 ( ?)
LEVY
Jeannine
16/01/1921 ( ?)
LÉVY
Michelle
LÉVY
Ernestine
17/02/1925 à
Troyes (10)
15/03/1894 à Paris
(75)
LÉVY
Jean
LÉVY
Palmyre
LICHTENSTEIN
Ernest
LICHTENSTEIN
Gertrude
9/03/1915 à
Levallois
28 ans ( ?)
4/11/1894 à
Mogalitz (Rusie)
8/12/1872 à Étain
(55)
20/08/1906 à
Deauville(14)
25/02/1870
27/08/1912 à
Krisnikiat
(Tchécoslovaquie)
11/06/1912 à
Vienne (Autriche)
Française
27/01/1944 à Barsur-Aube
Français
Domicilié à Paris,
arrêté dans l’Aube
à une date
inconnue
NC
Clairvaux le
21/09/1942
NC
?
Russe
Clairvaux le
28/04/1943
Français
27/01/1944 à
Brienne-leChâteau
NC
?
Français
27/01/1944 à
Troyes
Française
27/01/1944 à
Troyes
Française
27/01/1944 à
Troyes
Français
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
Français
Clairvaux le
21/09/1942
Française
27/01/1944 à
Lusigny-sur-Barse
Tchécoslovaque
19/07/1942 à
Saint-Mards-enOthe
Tchécoslovaque
19/07/1942 à
Saint-Mards-en-
68 (Auschwitz)
Décédée
75(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
35(Auschwitz)
55 (Auschwitz)
Décédée
Décédé
Décédé à
Drancy le
10 /02/1944
35(Auschwitz)
68 (Auschwitz)
Décédé
Décédée
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
68(Auschwitz)
Décédée
57(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
68(Auschwitz)
Décédée
11(Auschwitz)
Décédé
11(Auschwitz)
Décédée
LICHTENSTEIN
Éva
1 /10/1941 à
Chailley (89)
Tchécoslovaque
LICHTENSTEIN
Françoise
tchécoslovaque
LICHTENSTEIN
Véra
LION
Lucie
LION
Marcel
LINGER
Greta
6/04/1907 à Paris
(75)
25/10/1919 à
Kralupy
(Tchécoslovaquie)
5/04/1896 à
Brumath (67)
5/06/1898 à
Nedervisse (57)
22/11/1915 ( ?)
LINGER
Esther
4/05/1899 ( ?)
NC
LIPPMANN
Caroline
Française
LIPZINE
Céline
26/11/1872 à Dunsur-Meuse
15/10/1878 à
Satanov (Russie)
LOEB
Émile
NC
LYON
LYON
Emmy
Raoul
MALLAH
Élie
27 /08/1900 à
Steffel ( ?)
39 ans ( ?)
4/05/1897 à Sète
(34)
5/10 /1937 à Paris
(75)
MALLAH
Lucien
26/01/1939 (Paris)
tchécoslovaque
Française
Français
NC
Russe
NC
Français
Français
Français
Othe
9/10/1942 à
Saint-Mards-enOthe
?
9/10/1942 à
Saint-Mards-enOthe
27/01/1944 à
Sainte-Savine
27/01/1944 à
Sainte-Savine
Centre des HautsClos de Troyes le
21/09/1942
Centre des HautsClos de Troyes le
21/09/1942
27/01/1944 à
Troyes
Centre Jules Ferry
de Troyes le
9/10/1942
Clairvaux le
21/09/1942
Troyes en 1944
27/01/1944 à
Proverville
23/02/1944 à
Droupt-SainteMarie
23/02/1944 à
53(Sobibor)
Décédée
?
?
53(Sobibor)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
40(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
70(Auschwitz)
Décédée
Non déporté
80(BergenBelsen)
Rentré
80(Bergen-
Rentré
MARGULIES
Arnold
1/01/1906 à
Storojenetz
(Roumanie)
20/03/1911 à SaintMihiel (55)
Français
MARX
Jeannine
MARX
Raymond
17/09/1903 à
Chavanges
Français
MATCOVICI
Léa
Roumaine
MEDZELEWSKA
Gilda
MEDZELEWSKA
Rachel
MEDZELEWSKA
Sylvia
MELGER
Channa
MEYER
Raymonde
28/01/1888 à
Beresti (Roumanie)
10/11/1900 à
Varsovie (Pologne)
18/08/1930 à
Varsovie (Pologne)
18/08/1930 à
Varsovie (Pologne)
8/08/1894 à
Borzecin (Pologne)
4/04/1909 à Troyes
(10)
MEYER
Robert
1/03/1903 à
Remiremont (88)
Français
Française
Polonaise
Polonaise
Polonaise
Polonaise
Française
Droupt-SainteMarie
Arrêté à Bar-surSeine en février
1943,
Domiciliée à
Chavanges,
arrêtée à Montclar
(82)de Quercy le
8/05/1944
Domicilié à
Chavanges,
arrêtée à Montclar
(82)de Quercy le
8/05/1944
Soulaines le
9/10/1942
19/07/1942 à
Troyes
19/07/1942 à
Troyes
19/07/1942 à
Troyes
9/10/1942 à Barsur-Aube
Domiciliée à
Troyes, arrêtée
le12/10/1943 à
Montélimar (26)
Domicilié à Troyes,
arrêté le
12/10/1943 à
Montélimar (26)
Belsen)
Transféré à
Drancy le
11 /04/1944
74(Auschwitz)
?
Rentrée
74(Auschwitz)
Décédé
40(Auschwitz)
Décédée
11(Auschwitz)
Décédée
80(BergenBelsen)
80(BergenBelsen)
40(Auschwitz)
Rentrée
Décédée
61(Auschwitz)
Décédée
61(Auschwitz)
Décédé
Rentrée
MEYER
Ella
MEYER
Henri
MEYER
Marguerite
WEILL
Julie
MONTEL
Yvonne
7/12/1882 à
Sarreguemines (57)
19/04/1872 à
Hatten (67)
3/01/1886 à
Hirsingue (67)
3/08/1870 à
Hirsingue (67)
21/11/1904 ( ?)
Française
NAGEL
Blanche
13/03/1884 ( ?)
NC
NEUFELD
Joseph
4/11/1919 à Anvers
(Belgique)
Belge
NOUGARET
Khava
27/08/1899 ( ?)
NC
OPPENHEIMER
Jacques
Français
PELLOILE
Jacques
PELLOILE
Simone
POTTOCK
Mina
5/08/1887 à Le
Vesinet
16/03/1928 à Sens
(89)
28/09/1900 à Sens
(89)
11/04/1912 ( ?)
PRINC
Marc
43 ans ( ?)
NC
PRINC
Jeanne
46 ans ( ?)
NC
Français
Française
Française
NC
Français
Française
NC
27/01/1944 à
Lusigny-sur-Barse
27/01/1944 à
Lusigny-sur-Barse
27/01/1944 à
Troyes
27/01/1944 à
Troyes
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
Clairvaux le
21/09/1942
27/01/1944 à
Romilly-sur-Seine
27/01/1944 à
Romilly-sur-Seine
Centre des HautsClos de Troyes le
21 /09/1942
19/07/1942 à
Troyes
19/07/1942 à
Troyes
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
?
?
?
?
36(Auschwitz)
Décédée
11(Auschwitz)
Décédé
11(Auschwitz)
Décédée
PRINC
Sophie
16/08/1926 à Gotha
NC
RACHI
Jacqueline
11/08/1914 à
Dunkerque (59)
Française
RIXEM
Cerf
Français
RIXEM
Méline
ROBERT
Hans
ROSENBERG
Wolf
ROTHSCHILD
Erwin
ROTSZRAYN
Esther
18/02/1881 à
Buding (57)
24/09/1887 à
Ittersviller (67)
19/01/1897 à Berlin
(Allemagne)
27/09/1895 à
Varsovie (Pologne)
26/05/1922 à
Biosolck (Pologne)
3/12/192 ( ?)
ROZANES
Lucien
ROZEN
Salomon
ROZENBLUM
Charles
ROZENBLUM
Micheline
ROZENPERL
Boris
SALOMON
SALOMON
Française
NC
NC
Français
NC
19/07/1942 à
11(Auschwitz)
Troyes
17/01/1944 à
69(Auschwitz)
Troyes pour faits
de résistance
27/01/1944 à Bar- 68 (Auschwitz)
sur-Aube
27/01/1944 à Bar- 68 (Auschwitz)
sur-Aube
Clairvaux le
36(Auschwitz)
21/09/1942
Clairvaux le
36(Auschwitz)
21/09/1942
Clairvaux le
53(Sobibor)
9/03/1943
Centre des Hauts- 36(Auschwitz)
Clos de Troyes le
21 /09/1942
53(Sobibor)
19/01/1913 à Paris
(75)
30/11/1893 à Sgmiz
(Pologne)
Français
Français
Arrêté 5/07/1941
à Troyes
Français
Alfred
7/12/1931 à Paris
(75)
3/02/1929 à Paris
(75)
16/06/1907 à
Vackire
82 ans ( ?)
Florentine
76 ans ( ?)
NC
27/01/1944 à
Villacerf
27/01/1944 à
Villacerf
Clairvaux le
21/09/1942
4/01/1944 à
Troyes
4/01/1944 à
Français
NC
NC
Décédée
Rentrée
Décédé
Décédée
Décédé
Décédé
Décédé
Décédée
Décédé
Décédé à la
prison de
Clairvaux le
29/01/1942
74(Auschwitz)
Décédé
74(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
66(Auschwitz)
Décédé
66(Auschwitz)
Décédé
Décédé
SAMUEL
Chaïm-Fraïm
Polonais
Liba
8/06/1905 à Ploess
(Pologne)
?
SAMUEL
SAMUEL
Berthe
8 ans
Polonais
SAMUEL
Hélène
6 ans
Polonais
SAMUEL
Rachel
7 ans
Polonais
SAMUEL
Rosette
2 ans
Polonais
SAMUEL
Colette
5/09/1937 à Paris
(75)
NC
SAMUEL
Lora
16/10/1930 à Paris
(75)
NC
SCHEYEN
Jacques
68 ans ( ?)
NC
SCHEYEN
Thérèse
61 ans ( ?)
NC
SCHWARBURG
Michel
Français
SCHWARTZ
Hermann
SCHWARZ
Léopold
12/03/1935 à Paris
(75)
26/05/1901 à
Ostroff (Autriche)
28/12 :1883 à
Boulogne-sur-Mer
(62)
Polonais
Autrichien
Français
Troyes
19/07/1942
Troyes
19/07/1942
Troyes
19/07/1942
Troyes
19/07/1942
Troyes
19/07/1942
Troyes
à
11(Auschwitz)
Décédé
à
?
à
?
à
?
à
?
non
déportée
non
déportée
non
déportée
Non
déportée
19/07/1942 à
Troyes
8/03/1944 à
Droupt-SainteMarie
8/03/1944 à
Droupt-SainteMarie
Troyes en 1942 ou
1943
Troyes en 1942 ou
1943
27/01/1944 à
Villacerf
Clairvaux le
13/01/1943
20/04/1944 à
Vaupoisson
?
70(Auschwitz)
Non
déportée
Décédée
70(Auschwitz)
Décédée
57(Auschwitz)
Décédé
57(Auschwitz)
Décédée
68(Auschwitz)
Décédé
47(Auschwitz)
Décédé
75(Auschwitz)
Décédé
SCHWED
Jean
9 /02/1884 à Pontà-Mousson (54)
Français
SCHWED
Mathilde
Français
SCHWED
Sylvain
SCHWETZ
Berthe
2/02/1862 à Épinal
(88)
11/02/1861 à Pontà-Mousson (54)
8/02/1908 (75)
Française
SCHWIRETZ
Icek
20/03/1920 ( ?)
NC
STEIN
Raymond
23 ans ( ?)
NC
STEIN
Nathan
58 ans ( ?)
NC
STEIN
Déborah
Polonaise
SPINER
Léon
STOURDZE
Nadine
STRICK
Sarah
10/05/1903 à
Carwolin (Pologne)
20/08/1894 à Piatra
(Roumanie)
18/11/1917 à Paris
(75)
55 ans ( ?)
STRICK
Henri
STUBSKIER
Estera
STUDIANT
Aziel
Français
Roumain
Française
Polonaise
2/04/1915 à Troyes
(10)
31/07/1908
Français
15/04/1885 à
Barodine (Russie)
NC
NC
Arrêté par la
Gestapo comme
« otage »
27/01/1944 à
Troyes
27/01/1944 à
Troyes
Centre des HautsClos le 9/03/1943
Clairvaux le
21/09/1942
22/04/1944 à
Troyes
20/10/1942 à
Chessy-les-Prés
19/07/1942 à
Troyes
20/05/1943 à
Vallentigny
Centre des HautsClos le 21/09/1942
27/01/1944 à
Mergey
27/01/1944 à
Mergey
Centre des HautsClos de Troyes le
21 :09/1942
Arrêté dans le sud
de la France à une
date inconnue.
Fusillé (otage)
le 28/02/1942
Décédé
Morts à Drancy
Décédée
Morts à Drancy
Décédée
53(Sobibor)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédé
73(Kaunas/Ko
vno)
42(Auschwitz)
Décédé
10(Auschwitz)
Décédée
57(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédée
Tombé sur le
ballast à
Romilly-surSeine
Décédé
durant son
transfert de
Marseille à
Drancy le
Décédé
TCHERNINE
Joseph
THOMAS
Jeanne
TORRES
Albert
TRAFIKANT
Itha
TRAFIKANT
Maurice
TRAFIKANT
Robert
UNINSKI
Marcus
VALENSI
5 /05/1875 à
Fayoum
31/12/1894 à
Troyes (10)
27/10/1930 à Paris
(75)
43 ans
17/10/1927 à
Carwolin (Pologne)
20/09/1933 ( ?)
Français
Française
Français
NC
Polonais
Français
Joseph
24/05/1911 à
Sokolow (Russie)
4/04/1882 à Tunis
NC
Français
VALENSI
Rachel
1887 à Tunis
Français
VALENSI
Henri
Français
VALENSI
Reine
VALENSI
Victorine
VALET
Alice
WAKLSMANN
Maurice
WAKSMANN
Jacques
WARMANN
David
11/08/1925 à
Montargis (45)
14/01/1923 à Paris
(75)
2/02/1914 à Paris
(75)
7/05/1885 à Paris
(75)
15/11/1896 à Lodz
(Pologne)
25/12/1917 à Kalisz
( ?)
25/01/1933 à Paris
(75)
Français
Français
Française
Polonais
NC
NC
Clairvaux le
21/09/1942
27/01/1944 à
Troyes
27/01/1944 à
Villacerf
9/10/1942 à
Troyes
9/10/1942 à
Troyes
9/10/1942 à
Troyes
Clairvaux le
21/09/1942
Troyes en
novembre 1943
Troyes en
novembre 1943
Troyes en
novembre 1943
Troyes en
novembre 1943
Troyes en
novembre 1943
27/01/1944 à
Nogent-sur-Seine
Clairvaux le
9/03/1943
Clairvaux le
21/09/1942
27/01/1944 à
Payns
36(Auschwitz)
20/01/1943
Décédé
75(Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
40(Auschwitz)
Décédé(e)
40(Auschwitz)
Décédé
40(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
62(Auschwitz)
Décédé
62(Auschwitz)
Décédée
62(Auschwitz)
Décédé
62(Auschwitz)
Décédée
62(Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédée
52 (Sobibor)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédé
WARMANN
Isaac
26/06/1929 à Safed
(Palestine)
24/06/1870 à Metz
(57)
2/03/1866 à
Enseisheim (68)
8 :08/1897 à
Schirmeck (67)
3/04/1903 à
Hayange (57)
30/05/1876 à
Reguisheim (68)
8/03/1895 ( ?)
NC
WEILL
Achille
WEILL
Adeline
WEILL
André
WEILL
Fanny
WEILL
Clémentine
WEILL
Hélène
WEILL
Léa
25/09/1880 à Épinal
(88)
Française
WEILL
Maurice
Français
WEILL
Théophile
Français
WEINTRAUB
Juda
Polonais
WEINTRAUB
Sussel
WOLFF
Jean
YVIAN
Max
ZACCHARIUS
Fanny
3/03/1879 à
Boulogne-sur-Mer
(62)
29/02/1880 (67 ou
68)
13/02/1896 à
Kamien (Pologne)
10 /05/1930 à
Kamien (Pologne)
23/03/1915 à Barr
( ?)
5/08 /1892 à
Zagary ( ?)
7/10/1883 à Buding
(57)
27/01/1944 à
Payns
27/01/1944 à
Sainte-Savine
27/01/1944 à
Brienne-le-château
27/01/1944 à
Sainte-Savine
27/01/1944 à
Sainte-Savine
Centre Jules Ferry
le 27/01/1944
Centre des HautsClos de Troyes le
21/09/1942
Centre des HautsClos de Troyes le
21/09/1942
27/01/1944
Français
Française
Français
Française
Française
Française
Polonais
NC
NC
NC
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
68(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédée
36(Auschwitz)
Décédée
68 (Auschwitz)
Décédé
27/01/1944
68 (Auschwitz)
Décédé
Centre Jules Ferry
le 9/10/1942
Centre Jules Ferry
le 9/10/1942
Clairvaux le
21/09/1942
Clairvaux le
21/09/1942
Le 27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
40(Auschwitz)
Décédé
40(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
68 (Auschwitz)
Décédée
ZACCHARIUS
Léon
ZAKOWISCH
Albert
ZAJDEFTER
Isaac
10/03/1887 à
Buding (57)
17/05/1886 à
Kowno ( ?)
6/08/1904
NC
NC
Polonais
Le 27 /01/1944 à
Bar-sur-Aube
Clairvaux le
21/09/1942
Le 19/07/1942 à
Romilly-sur-Seine
68 (Auschwitz)
Décédé
36(Auschwitz)
Décédé
11(Auschwitz)
Décédé
BILAN DE LA DÉPORTATION DES JUIFS DEPUIS LE DÉPARTEMENT DE
L’AUBE
Tableau 1 : de Drancy au camp d’extermination, la liste des convois
NUMÉRO
DU
CONVOI
10(DRANCY)
11(DRANCY)
35
(PITHIVIERS)
36(DRANCY)
Date de départ
Destination
40(DRANCY)
46(DRANCY)
47(DRANCY)
51(DRANCY)
24 juillet 1942
27 juillet 1942
21
septembre
1942
23
septembre
1942
4 novembre 1942
9 février 1943
11 février 1943
6 mars 1943
AUSCHWITZ
AUSCHWITZ
AUSCHWITZ
MAÏDANEK /SOBI
BOR
23 mars 1943
SOBIBOR
25 mars 1943
SOBIBOR
23 juin 1943
AUSCHWITZ
18 juillet 1943
AUSCHWITZ
23 octobre 1943 AUSCHWITZ
20
novembre AUSCHWITZ
1943
20 janvier 1944
AUSCHWITZ
10 février 1944
AUSCHWITZ
7 mars 1944
AUSCHWITZ
27 mars 1944
AUSCHWITZ
15 mai 1944
KOVNO/KAUNAS
20 mai 1944
AUSCHWITZ
30 mai 1944
AUSCHWITZ
31 juillet 1944
AUSCHWITZ
3 mai et 21-23 BERGEN-BELSEN
juillet 1944
52(DRANCY)
53(DRANCY)
55(DRANCY)
57(DRANCY)
61(DRANCY)
62(DRANCY)
66(DRANCY)
68(DRANCY)
69(DRANCY)
70(DRANCY)
73(DRANCY)
74(DRANCY)
75(DRANCY)
77(DRANCY)
80(DRANCY)
AUSCHWITZ
AUSCHWITZ
AUSCHWITZ
Nombre
d’Aubois
1
13
8
Nombre de
survivants
0
0
0
AUSCHWITZ
54
1
14
3
2
1
0
0
0
0
2
6
1
3
2
5
0
0
0
0
0
0
2
60
3
3
3
4
4
2
4
0
0
1
0
0
1
0
0
4
199
7
TOTAL
L’Aube point de départ de la déportation
La déportation est souvent conçue comme un voyage sans retour directement du
domicile de la personne aux camps de la mort. Or, dans tous les départements
Français de zone occupée ou de zone libre, près de 80 000 Juifs sont arrêtés et
passent souvent avant leur déportation en Europe de l’Est de longues semaines
ou de longs mois dans des prisons, des centres d’internement ou des
camps. Plus de 3000 y meurent avant même leur déportation tellement les
conditions de vie défient l’imagination. Comme le montre le tableau n°1 cidessus, les 199 Juifs Aubois déportés (192 depuis le département et 7 autres
depuis un autre département) ont d’abord été transférés au camp de Drancy et
pour l’un d’entre eux au camp de Pithiviers. Ces camps s’avèrent être
l’antichambre des « centres de mise à mort » que sont les camps
d’extermination. Dans certains cas, l’attente est de quelques jours, pour
d’autres elle peut durer plusieurs mois. Si on prend l’exemple des juifs arrêtés
dans l’Aube lors de la grande rafle du 27 janvier 1944, après une nuit en
prison à Troyes, les familles sont transférées à Châlons-sur-Marne puis dans
un troisième temps à Drancy, leur convoi de déportation, le numéro 68 part à
destination d’Auschwitz le 10 février 1944. Entre l’arrestation et la déportation, il
s’est écoulé deux semaines. S’il est impossible d’établir le nombre de ceux qui
sont exterminés de suite à l’arrivée du train, en 1945, sur les 60 Aubois de ce
convoi il n’y a aucun survivant. La plupart des Juifs déportés depuis l’Aube sont
morts à Auschwitz. Mais Auschwitz n’a pas été la destination exclusive. Il y
en a aussi qui ont été déportés au camp d’extermination de Sobibor lors de trois
convois différents en mars 1943. Trois Aubois ont ainsi été déportés en Estonie
en 1944 vers l’extermination ou le travail forcé (convoi n°73). Des 12 déportés
vers Sobibor et Kovno/ Kaunas, il n’y a pas eu de survivants. La déportation
pour le camp de Bergen-Belsen en 1944 correspond à une déportation
spécifique, d’enfants de prisonniers de guerre français. Au total, les Juifs
aubois déportés depuis un autre département et ceux déportés depuis le
département de l’Aube l’ont été dans 23 convois différents. Mais les convois 36
et 68 concentrent à eux deux 57 % du total de la déportation. Le convoi
36 correspond à un transfert de tous les Juifs détenus dans les prisons auboises
le 19 septembre 1942, et le convoi 68 regroupe les Juifs de nationalité française
arrêtés lors de la grande rafle du 27 janvier 1944 menée par les autorités
allemandes dans toute la Champagne.
On le sait, dans le cadre de la déportation des Juifs, la mort dans les camps
d’extermination a été quasiment la seule destinée. Sur les 76 000 juifs français
et étrangers qui ont été déportés de France, seuls 2500 sont revenus, soit
seulement 3 % de survivants. Qu’en est-il dans le département de l’Aube ?
Le chiffre que l’on peut prendre en considération aujourd’hui est le suivant, 6
survivants sur les 192 juifs déportés depuis le département de l’Aube
soit 3,1 % de survivants, ce qui montre que l’Aube ne déroge pas à la
moyenne nationale. Si on rajoute les 7 juifs aubois déportés depuis un autre
département français, le chiffre est presque le même, 3.5 % de survivants (7 sur
199). Pour les Juifs, « entrer dans le camp » pour y travailler était l’apanage
d’une petite minorité, celle qui échappait à la sélection et ne partait pas à la
chambre à gaz immédiatement. Tous ceux qui avaient moins de 18 ans sont
morts si on excepte ceux qui ont été déportés à Bergen-Belsen (tableau
n°2 ci-dessous). De même, les 42 personnes de plus de 60 ans n’ont connu
aucun survivant. Et pour ceux qui ne mourraient pas tout de suite les chances
de survie restaient infimes. Parmi les 134 juifs aubois qui avaient entre 18 et 60
ans, seulement trois sont revenus des camps d’extermination : Henri
Huberfeld déporté en 1942, Jeannine Marx et Jacqueline Rachi déportées en
1944 ( ce qui fait seulement 2,2 % de survivants dans cette catégorie d’âge).
Les quatre autres survivants ont réchappé au camp de Bergen-Belsen,
quatre enfants qui plus est, déportés tous les quatre par le convoi n°80. Ce fait
heurte les représentations. Comment est-il possible que des enfants aient
survécu aux camps ? Comme l’explique l’historienne Annette Wieviorka,
spécialiste de la déportation et du génocide, « Bergen-Belsen n’est en rien le
modèle des camps nazis ». Dans ce camp sont détenus des femmes et des
enfants de prisonniers de guerre français, dans des conditions spéciales
en vue d’un hypothétique échange de juifs contre des prisonniers allemands.
Pourtant, si la chambre à gaz n’est pas la destination immédiate des enfants
comme à Auschwitz, durant l’hiver 1944, les conditions de vie deviennent
épouvantables : « pas d’installations sanitaires, pas d’eau, des malades à
l’abandon, pas de nourriture pendant plusieurs jours de suite, typhus,
impossibilité de faire face à la montée des cadavres ; le crématoire n’y suffit pas,
on n’enterre même pas les corps ». C’est à tout cela, qu’ont survécu Élie Mallah
(8 ans en 1945), Lucien Mallah (6 ans en 1945) et Rachel et sa sœur jumelle
Sylvia Medzelewska (15 ans à la libération du camp). Que sont-ils devenus après
leur libération ? Comment ont-ils vécu après une telle expérience
concentrationnaire ? Nous l’ignorons complètement.
Tableau 2 : répartition par tranches d’âge des juifs déportés depuis le
département de l’Aube
HOMMES
MOINS DE 18 17
ANS
18-60 ANS
71
PLUS DE 60 17
ANS
TOTAL
105
FEMMES
14
TOTAL
31
SURVIVANTS
4
57
23
128
40
3
0
94
199
7
Des familles entières décimées
Pour souligner la spécificité du génocide des Juifs, rappellons qu’il s’agit de
familles souvent entières qui sont exterminées. La plus jeune déportée,
Simone Herskowitz de Romilly-sur-Seine a à peine un an jour pour jour le 10
février 1944 lors de sa déportation à Auschwitz. Le plus âgé des déportés, Alfred
Salomon a quant à lui plus de 82 ans. Sylvain Schwed a certes 83 ans, mais il
décède à Drancy avant la déportation ainsi que son épouse Mathilde âgée de 82
ans. Toutes les tranches d’âge sont représentées, 31 enfants de moins de 18
ans sont déportés. Il s’agit par ordre alphabétique des enfants Bortensztajn,
Ginette (6 ans), Henri (10 ans), Louis (8 ans), d’Alice Cuciuc (4 ans), des frères
Gass Hermann (11 ans) et Louis (13 ans), de Colette et Paul Guntzburger
(respectivement 13 et 12 ans), de Simone Herskowicz évoquée ci-dessus (1 an),
de Pierre Huberfeld (6 ans), les 3 enfants Katz, Alfred (17 ans), Denise (14 ans)
et Elsa (9 ans), d’Éva Lichtenstein (1 an et 9 jours lors de sa déportation), de
Sophie Princ (16 ans), de Charles (13) et Micheline Rozenblum (15 ans), de
Colette et Lora Samuel (7 et 14 ans), de Michel Schwarburg (9 ans), d’Albert
Torres (14 ans), de Maurice et Robert Trafikant ( 15 et 9 ans), de David et Isaac
Warmann (11 et 15 ans) et enfin de Sussel Weintraub (12 ans). Élie (7 ans) et
Lucien Mallah (5 ans), ainsi que les deux sœurs jumelles Rachel et Sylvia
Medzelewska (14 ans) ont déjà été évoqués parmi les survivants du camp de
Bergen-Belsen. On peut hésiter à classer Hélène Jakubowicz parmi les
« enfants ». Domiciliée à Paris, elle était agent de liaison du parti communiste
entre Paris et Troyes. Arrêtée à Troyes pour ses activités résistantes, elle subit
en tant que juive la déportation et disparaît à Auschwitz. Elle n’avait que 17 ans.
Parmi ces enfants, certains connaissent l’angoisse supplémentaire d’être
déportés sans leurs parents. C’est le cas des frères Gass déportés par le convoi
n°40 alors que leurs parents ont déjà été déportés par le convoi n°11. Placés
entre temps dans un orphelinat troyen, ils subissent la politique de Pierre
Laval qui décide de livrer aux Allemands les enfants, alors que ces derniers
ne les demandaient pas. D’autres enfants, souvent orphelins, avaient été placés
par l’UGIF parisienne dans des familles d’accueil dans des communes
rurales du département. Ce placement s’avère être un refuge précaire pour
Michel Schwarburg (arrêté à Villacerf), pour les frères Warmann (arrêtés à
Payns), les sœurs Samuel (arrêtées à Droupt Sainte-Marie).
Au-delà des enfants, ce sont des familles entières qui disparaissent dans la
déportation. Ce sont d’abord des couples sans enfants ou arrêtés sans leurs
enfants pour les couples âgés qui meurent en déportation, c’est le cas des époux
Berr de la Chapelle-Saint-Luc, des Bloch de Troyes, des Dejonc de Romilly-surSeine, des deux frères Israël et de leurs épouses de Bar-sur-Aube, des Job de
Bar-sur-Aube encore, du boucher chevalin de Troyes André Klein et de son
épouse Camille (André en 1943 et Camille en 1944), des Klopstein de Troyes,
des Kohane de Bar-sur-Aube, des Lion de Sainte-Savine, des Meyer Ella et Henri
à Lusigny-sur-Barse, des Rixem de Bar-sur-Aube, des Salomon de Troyes, des
Scheyen de Troyes, des Weill André et Fanny à Sainte-Savine, et enfin des
Weintraub arrêtés au centre Jules Ferry de Troyes.
Puis, ce sont des familles avec les parents et les enfants qui disparaissent,
Jacques et Marie Bortensztajn et leurs trois enfants (convoi n°46), Pierre
(survivant en 1945) et Germaine Huberfeld et leur fils, Moïse et Régina Katz et
leurs trois enfants, Marc et Jeanne Princ et leur fille, les Valensi Joseph et Rachel
et leurs trois enfants.
Les cas de mères isolées qui se retrouvent déportées avec un ou plusieurs de
leurs enfants sans leur époux est fréquent, le mari étant soit divorcé, décédé, en
fuite, ou dernier cas de figure prisonnier de guerre. Édith Cuciuc et sa fille
correspondent à cette dernière situation. Marcel Cuciuc étant prisonnier de
guerre. Hélène Guntzburger est de même déportée avec ses deux enfants sans
son mari. Véra Lichtenstein est déportée toute seule avec sa fille de toute juste
un an. C’est le cas enfin d’ Itha Trafikant qui est déportée avec ses deux fils.
La déportation touche aussi des fratries. Marguerite Meyer est déportée avec sa
sœur Julie épouse Weill, les frères Kurewejh Hersch et Wolff connaissent le
même sort.
Tableau n°3 : géographie et chronologie des arrestations
TROYES
1942
1943
1944
-CENTRE DES HAUTS- 22
1
0
CLOS
-CENTRE
JULES 7
1
1
FERRY
-PRISON
-DOMICILE
TROYES (TOTAL)
AUTRES
COMMUNES
BAR-SUR-AUBE
BAR-SUR-SEINE
BRIENNE LE CHÂTEAU
CHESSY-LES-PRÉS
CLAIRVAUX (PRISON)
DROUPT-SAINTE-
TOTAL
23
9
4
33
66
41
1
8
11
10
1
24
26
57
6
65
103
108
4
0
0
1
29
0
0
1
0
0
5
0
14
0
2
0
0
4
18
1
2
1
34
4
MARIE
ESSOYES
GÉRAUDOT
LA CHAPELLE SAINTLUC
LUSIGNY-SUR-BARSE
MERGEY
MÉRY-SUR-SEINE
NOGENT-SUR-AUBE
NOGENT-SUR-SEINE
PAYNS
PROVERVILLE
RIGNY-LE-FERRON
ROMILLY-SUR-SEINE
SOLIGNY-LESÉTANGS
SOULAINES
SAINT-MARDS-ENOTHE
SAINTE-SAVINE
VALLENTIGNY
VAUPOISSON
VILLACERF
AUTRES
DÉPARTEMENTS
LIEU INCONNU
TOTAL
0
0
0
0
0
0
1
1
3
1
1
3
0
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
2
0
3
2
2
1
1
2
1
1
5
1
3
2
2
1
1
2
1
1
8
1
1
5
0
0
0
0
1
5
0
0
0
0
0
1
1
0
0
3
8
0
1
4
4
9
1
1
4
7
2
109
2
26
6
93
10
228
Pourquoi 228 arrestations et « seulement » 199 déportations ?
Dans le tableau n°1, on peut lire le chiffre de 199 personnes déportées et dans le
tableau n°3 ci-dessus on trouve un chiffre plus élevé (228), car il correspond aux
arrestations. 29 Juifs ont donc été arrêtés sans être déportés. Certains sont
morts à Drancy avant d’être déportés, c’est le cas d’Adolphe Lévy (71 ans),
Mathilde (81 ans) et Sylvain Schwed (83 ans). Certains ont fait partie des 1386
internés qui sont libérés à Drancy le 17 août 1944. C’est le cas de six d’entre
eux qui avaient été arrêtés dans le département de l’Aube. Certains sont morts
dans des circonstances particulières : le notaire troyen Jean Schwed, a en
effet été fusillé comme otage par la Gestapo dès le 28 février 1942. Salomon
Rozen est décédé à la prison de Clairvaux en janvier 1942. Autre victime dans
des circonstances tragiques, Studiant Aziel, qui faisait partie d’un convoi de Juifs
venant de Marseille (sans doute en transfert vers Drancy), et qui est mort en
tombant sur le ballast à Romilly-sur-Seine. Et pour d’autres, le sort n’est pas
connu avec certitude après leur arrestation. Nous avons également intégré à
notre recherche les noms des juifs aubois arrêtés dans un autre département
français. De 1940 à 1942 beaucoup ont cru trouver un refuge solide en Zone
libre. Après la disparition de celle-ci en novembre 1942, leur situation devient
aussi précaire et certains ne peuvent éviter l’arrestation, prélude à la
déportation. C’est le cas de au moins huit d’entre eux (chiffre qui sous-estime
sans doute cette réalité). On compte en 1945, une seule survivante : Jeannine
Marx.
Dans un souci de clarté, nous n’indiquons pas dans la liste des victimes le nom
de deux Juifs aubois fusillés pour faits de résistance à Saint-Étienne et
Chambéry : Albert Catz et André Schwab. En tant que Juifs troyens, ils
apparaissent sur la plaque commémorative du cimetière de Troyes parmi les
victimes de la Shoah. Or ils ne sont pas morts victimes de persécution, mais ils
ont été fusillés pour faits de résistance. Pour lutter contre cette idée reçue
encore tenace qu’il n’y avait pas de Juifs dans la résistance, nous les citons ici.
Jacqueline Rachi (survivante en 1945) est ainsi arrêtée en 1944 pour faits de
résistance, mais elle est déportée à Auschwitz en tant que juive. Germaine
Huberfeld, elle aussi déportée à Auschwitz, était membre de Libération-Nord. De
même, c’est volontairement que nous ne mentionnons pas non plus dans le
tableau des Juifs arrêtés et/ou déportés, le nom de René Lewkowiez qui est
pourtant cité par Serge Klarsfeld (convoi n°86 « enfants décédés dans divers
camps d’internement en France ou fusillés »). Cet enfant né en févier 1943,
n’est pas mort dans le cadre de la persécution des Juifs, il est mort dans le cadre
du massacre de Bûchères d’août 1944 avec d’autres enfants qui n’étaient pas
Juifs et cela dans des circonstances tout aussi abominables.
Au final, le tableau n°3 ci-dessus, géographie et chronologie des
arrestations révèle deux années terribles : 1942 et 1944. Il y a 109
arrestations en 1942 et 93 en 1944 contre « seulement » 26 en 1943. Cela
correspond pour 1942 à deux rafles, celle du 19 juillet 1942 (12 arrestations au
lieu des 24 espérées) et celle du 19 septembre 1942 qui voit transférer à Drancy
55 Juifs des prisons de Troyes, du centre d’internement des Hauts-Clos, du
centre Jules Ferry et de la prison de Clairvaux. La plupart n’étaient pas
originaires du département de l’Aube et avaient été arrêtés pour non respect à la
législation anti-juive d’octobre 1940 ou pour quelques-uns pour des délits de
droit commun. Les ordres émanent des autorités allemandes, sont relayés par le
préfet régional et le préfet de l’Aube et appliqués en 1942 par des forces de la
police ou de la gendarmerie française. Mais de 1942 à 1944, il y a également de
nombreuses arrestations ponctuelles en dehors des rafles collectives,
l’identité des forces de police qui pratiquent ces arrestations ne nous étant pas
alors connue. En 1944, c’est la rafle du 27 janvier 1944 qui voit l’arrestation
d’une soixantaine de Juifs de nationalité française cette fois-ci par les
forces allemandes. D’après les recherches de Paul Weill, ces arrestations ont
eu lieu pour la plupart au domicile des personnes très tôt le matin avant
qu’elles aient eu le temps de quitter leur domicile. Les Allemands leur ont laissé
juste le temps de prendre une valise, ce qui les incite à croire que leur
destination est le travail et non la mort (sinon pourquoi autoriser des affaires ?).
En 1944, beaucoup espéraient encore que la situation de ressortissant français
les protégerait de la fureur allemande. Or, en janvier 1944, Joseph Darnand,
chef de la Milice, prend une place prépondérante dans la direction du
gouvernement de Vichy et pousse en faveur d’un abandon des Juifs
Français. Le 27 janvier 1944, c’est toute la Champagne qui connaît une vague
d’arrestation. La géographie des arrestations montre que la ville de Troyes a
pesé un lourd tribut, avec 103 arrestations de 1942 à 1944 contre 108 dans les
autres communes du département. Les arrestations ont eu lieu en majorité au
domicile de 65 Juifs Troyens mais aussi dans ces centres d’internement ( 38
personnes). Mais des villes comme Bar-sur-Aube (18 arrestations), SainteSavine (9 arrestations) ou Romilly-sur-Seine (8 arrestations) sont également
touchées. Ce qui frappe dans le tableau n°3, c’est le nombre de petites
communes éloignées des centres urbains qui étaient jusqu’alors épargnées et qui
connaissent des arrestations en 1944, comme si l’étau se resserrait de manière
de plus en plus systématique à la fin de la guerre . Pour ces arrestations qui ont
eu lieu parfois lors de la rafle du 27 janvier 1944 et pour certaines lors de rafles
ponctuelles, il est impossible d’établir, fautes de sources à notre disposition, la
part des arrestations qui ont eu lieu du fait de l’inscription des Juifs sur les listes
préfectorales ou du fait de dénonciations.
Il est difficile de fixer la part des arrestations ayant été exécutées par la
police ou la gendarmerie française par rapport à celles commises par les
Feldgendarmes. Il s’agit pourtant d’un aspect fondamental de la politique de
collaboration entre Vichy et les Allemands. D’après ce que nous avons pu
trouver dans les archives des renseignements généraux, et dans les autres
sources citées par Serge Klarsfeld, dans le département de l’Aube la quasi
totalité des arrestations ou des transferts de Juifs sont réalisés en 1942 et 1943
par les forces françaises. Reste l’année 1944 où la grande rafle du 27 janvier
1944 est menée par les Allemands. On obtient approximativement un rapport
de 60 % d’arrestations par les forces de police et de la gendarmerie
française et 40 % par les forces allemandes.
Tableau n°4 : nationalités et arrestation des juifs dans le département
de l’Aube (1942-1944)
ANNÉE D’ARRESTATION
NATIONALITÉ
FRANçAIS
né
en France
FRANçAIS né à
l’étranger
FRANçAIS (lieu
de
naissance
non connu)
FRANçAIS
(TOTAL)
ALLEMAND
AUTRICHIEN
BELGE
GREC
POLONAIS
ROUMAIN
RUSSE
TCHÉCOSLOVA
QUE
ÉTRANGERS
(TOTAL)
NON CONNUE
TOTAL
1942
11
1943
11
1944
68
TOTAL
90
6
2
7
15
4
0
6
10
21
13
81
115
1
0
1
0
26
2
2
5
0
1
0
1
1
2
1
0
0
0
0
0
1
0
0
0
1
1
1
1
28
4
3
5
37
6
1
44
51
109
7
26
11
93
69
228
La diversité des origines
Tous les Juifs déportés depuis le département de l’Aube n’étaient pas originaires
de ce département. Si la ville de Troyes, possédait depuis le Moyen-Âge une
communauté juive très active et très ancienne, évoquée par Henri Cahen
dans son ouvrage Troyes et ses Juifs, beaucoup étaient originaires d’autres
départements français. C’est le cas de ceux qui sont contraints de quitter le
département du Pas-de-Calais le 16 décembre 1940 et qui trouvent refuge au
centre Jules Ferry de Troyes. C’est le cas aussi de Juifs Français qui sont chassés
d’Alsace et de Lorraine et qui se rapprochent de membres de leur famille
vivant dans l’Aube. Le 27 janvier 1944, la plupart d’entre eux sont arrêtés puis
déportés à Auschwitz avec ceux qui les avaient accueillis dans le convoi n°68 du
10 février 1944. Nous avons pu trouver la nationalité de 159 personnes,
69 personnes restant de nationalité inconnue. 115 Français ont été arrêtés
de 1942 à 1944 ( 21 en 192, 13 en 1943 et 81 en 1944). Les chiffres l’expriment
très clairement, en 1944 la nationalité française ne protège plus du tout
les Juifs. Une très grande proportion des Juifs de nationalité française arrêtés
était née en France ( 90 sur 115) et certains étaient issus de familles qui étaient
françaises depuis de nombreuses générations. On peut attester au minimum
44 Juifs qui étaient de nationalité étrangère au moment des rafles. On
peut noter une forte présence de Juifs Polonais arrêtés (26). 7 autres
nationalités sont représentées : allemande, autrichienne, belge, grecque,
roumaine, russe et tchécoslovaque. On ne peut pas établir la nationalité de 69
personnes dont une grande majorité est constituée des Juifs internés dans des
prisons auboises que les autorités allemandes réclament et qui sont transférées
de l’Aube à Châlons-sur-Marne puis à Drancy à partir du 19 septembre 1942. Sur
ces personnes, qui sont déportées dans le convoi n°36 en direction d’Auschwitz
les nationalités et lieux de naissance sont souvent inconnus.
Arrestations de juifs dans le département de l’Aube :la rafle du 19 juillet 1942
La première grande rafle touchant des Juifs dans le département de l’Aube a
eu lieu le 19 juillet 1942. Elle s’inscrit dans un vaste plan d’arrestation
régional concernant l’Aube, la Marne et la Haute-Marne. Le commandant Von
Korff qui est responsable du bon fonctionnement de l’opération explique dans un
rapport du 25 juillet en quoi les méthodes d’arrestation sont selon lui à
revoir. Voici ce rapport qui a été mis à jour par Serge Klarsfeld et étudié pour
la Marne par Jocelyne Husson :
LE RAPPORT DU COMTE VON KORFF : UNE « OPÉRATION DÉCEVANTE »
25 juillet 1942. Transfert à Drancy de 43 Juifs arrêtés dans la Haute-Marne, en
Marne et dans l’Aube. Le Kommandeur des S.S de la région envoie son rapport à
Knochen.
Ordre du jour n°IV D 186 :42 Wo/Drey Châlons-sur-Marne, le 25-7-1942. Au
commandant de la Sipo et du SD
Dans le territoire du Commandant Militaire en France
Paris
Objet : Évacuation des Juifs.
Référence : Votre dernière correspondance IV J SA 225g AH/GE
Télex n°14278
Pièces jointes : 1 liste en double exemplaires, 5 photos
Nous vous remettons aux fins de conservation une liste en double exemplaire
des Juifs transférés du territoire du commando de Châlons-sur-Marne au camp
de Drancy. L’ensemble de l’opération s’est déroulée sans problème. Les
directives adressées aux Préfets de région ont été exécutées sur le champ et
fidèlement. C’est la police française qui s’est chargée du regroupement des
individus arrêtés ainsi que de leur hébergement dans un camp à Châlons-surMarne. Le chiffre de 95 Juifs initialement prévu n’a pu être atteint : avec 43 Juifs
on est resté au-dessous de 50 %. Tandis que dans le département de la HauteMarne la proportion d’individus saisis était de 100 %, elle ne se montrait qu’à 50
% dans le département de l’Aube et de 27,8 % dans le département de la Marne,
c’est-à-dire pour l’essentiel dans l’arrondissement de Reims. Cela n’est pas à
mettre au compte d’une carence de la police française, mais, au vu des
informations dont on dispose à ce jour, uniquement au fait que la juiverie du
territoire avait eu très amplement connaissance des rafles parisiennes. Le départ
précipité, en certains endroits, de familles juives semble s’étendre également à
des familles qui ont la citoyenneté française, mais qui n’en redoutent pas moins
de ne pas échapper, elles non plus à la déportation. Des dispositions ont été
prises pour mettre bon ordre à ces irrégularités : la Préfecture de région s’est
vue rappeller l’ordonnance du Commandant Militaire en France interdisant le
changement de domicile des Juifs , avec prière de donner les instructions
nécessaires à la police française ; par ailleurs le commando local de Reims a
également été chargé de prendre les mesures qui s’imposent. Dans la
perspective des actions futures à l’encontre des Juifs, nous devons toutefois
insister avec la dernière énergie sur le fait que pour autant que ces actions se
dérouleront dans la région parisienne plus tôt que dans le reste de la France
occupée, l’expérience porte à croire que les faits précités se reproduiront. En vue
d’obtenir un résultat avoisinant les 100 %, le mieux serait de mettre en œuvre
les actions futures de manière instantanée dans l’ensemble de la zone occupée,
en en excluant la police française, mais en utilisant la Feldgendarmerie. Hormis
les répercussions dans les milieux juifs dont il a été question, l’action n’ a pas eu
d’effets particuliers sur l’état d’esprit des populations. Ce que l’on peut retenir,
c’est que les Juifs arrêtés sont apparemment au courant du fait que ce qui les
attend, c’est le service au travail à l’Est. Il faut encore souligner en particulier,
que sur les 20 Juifs de sexe masculin arrêtés, 9 seulement portaient l’étoile
jaune, tandis que 8 des 23 Juives ne la portaient pas. Les raisons invoquées dans
les cas de situation irrégulière étaient les plus variées, sans jamais être vraiment
convaincantes. La remise par la police française des appartements libérés se fera
dans le courant de la semaine. Une fois les perquisitions effectuées, il est prévu
de mettre ces lieux à la disposition des bureaux de cautionnement. Les
photographies de l’action anti-juive ci-jointes vous sont transmises aux fins de
conservation.
Signé : Comte Von KORFF,
S.S.-Hauptstumrführer.
(cité par Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs de France,
page 583-584, Fayard, 2001)
ANALYSE
On peut remarquer tout d’abord que dans tout le document l’extermination des
Juifs n’est pas évoquée, tout juste parle-t-on « d’évacuation » et de « Juifs
apparemment au courant du fait de ce qui les attend (…) le service au travail à
l’Est ». On peut concevoir que la plupart des Juifs arrêtés en juillet 1942 ne
peuvent pas deviner la réalité qui les attend et que dans leurs pires cauchemars,
il s’agit au pire de camps de travaux forcés. Or derrière l’euphémisme du
vocabulaire, c’est bien l’extermination pure et simple qui attend à Auschwitz
tous ces Juifs étrangers. Après avoir été transféré des trois départements à la
prison de Châlons-sur-Marne puis à Drancy, la plupart des 43 Juifs ont été
déportés de Drancy à Auschwitz le 27 juillet 1942 par le convoi n°11.
Ce document est ensuite très précieux pour comprendre la collaboration
concrète entre l’Allemagne nazie et l’administration française. Le
responsable S.S de la région mentionne la participation active du préfet de
région (Peretti della Rocca) comme coordonnateur dans chaque préfecture
départementale de la transmission des ordres allemands, à savoir l’arrestation
d’un quota de 95 Juifs. L’historienne Jocelyne Husson donne comme date du
début de la préparation de la rafle le 2 juillet 1942 : « cette rafle a été préparée
de longue date. Elle visait à concentrer les Juifs des deux sexes de 16 à 45 ans
en état de travailler. Dès le 2 juillet, Von Korff transmettait les consignes de
préparation de la rafle aux préfets de la Marne, de l’Aube et de la Haute-Marne et
il demandait au préfet régional, Peretti della Rocca, de créer un camp pour les
Juifs de la région »
Or, cette rafle pourtant préparée à l’avance, est selon le comte Von Korff un
échec. Avec seulement 43 arrestations dans les trois départements au lieu des
95 prévues, la participation de la police et de la gendarmerie française est remise
en question au profit de la Feldgendarmerie qui serait, selon l’auteur, beaucoup
plus efficace. Dans la Marne, Jocelyne Husson a compté 16 arrestations (au lieu
des 58 espérées. Pour la Haute-Marne, les auteurs du Mémorial des Juifs de la
Haute-Marne en ont retrouvé 15, seul département qui a réalisé le quota
attendu. Ce rapport permet également d’établir que la rafle du Vel d’Hiv qui a eu
lieu quelques jours auparavant est connue dans les départements de Champagne
et que de nombreuses personnes sont rentrées en clandestinité quand elles le
peuvent.
Il reste donc 12 arrestations dans l’Aube au lieu des 24 attendues. Dans ce
département, des fuites ont peut-être évité un nombre plus important
d’interpellations. La police française et la gendarmerie qui ont reçu des ordres via
la préfecture et les sous-préfectures opèrent dans la journée du 19 juillet dans
tout l’espace du département. Seuls les adultes de 16 à 45 ans et les
étrangers sont concernés par cette première grande rafle. À Troyes, Gass
Chaïm-Wolff et Elsa (Polonais tous les deux) sont interpellés à leur domicile.
C’est le cas également de la famille Princ, Marc, Jeanne et Sophie qui a presque
16 ans (née le 16 août 1926, elle n’aurait cependant pas du être arrêtée). Gilda
Medzelewska (Polonaise) est elle aussi arrêtée et séparée de sa fille Rachel qui
est placée à l’assistance publique. Isch Jochora qui est Russe, est quant à lui
sorti du centre de réfugiés de l’école Jules Ferry pour rejoindre comme les autres
la prison de Châlons-sur-Marne. Dans l’arrondissement de Nogent-sur-Seine, une
seule arrestation est accomplie à Romilly-sur-Seine : le tailleur Issac Zajdefter. À
Bar-sur-Aube, un couple est transféré vers Châlons-sur-Marne, Gittel et Osias
Kohane tous les deux polonais. Au même moment, à Saint-Mards-en-Othe,
Ernest et Gertrude Lichtenstein qui sont Tchécoslovaques, sont eux aussi arrêtés
par la gendarmerie française. Aucun de ses douze Juifs aubois n’est revenu
d’Auschwitz.
SOURCES
Jocelyne Husson, la déportation des Juifs de la Marne
Le Mémorial de la déportation des Juifs de Haute-Marne 1941/1944, Cahiers de
la Haute-Marne n°52 (octobre 1997)
Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs de France, page 583584, Fayard, 2001)
par Rémy Dauphinot,
Professeur agrégé,
membre du jury départemental
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