La prière juive expliqué par les juifs

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QUAND LES HOMMES PARLENT A DIEU:
un parcours comparatiste sur la signification de la prière
dans les trois religions abrahamiques
PROF CLAUDIO MONGE
Uni. Fri. - Faculté de Théologie
AA. 2012-2013 – SP
La prière juive expliqué par les juifs
La loi judaïque nous fait une obligation de prier trois fois par jour : le matin, l'après-midi et le soir
(à la tombée de la nuit). Ces prières sont appelées : Cha'harith (prière du matin), Min'hah (prière de
l'après-midi) et Arvith ou Maariv (prière du soir).
Nos Sages nous disent que la coutume de prier trois fois par jour fut originairement introduite par
nos Patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Abraham introduisit la prière du matin, Isaac celle de
l’après-midi, et Jacob y ajouta celle du soir1.
Dans le Zohar – où est révélée la signification profonde de la Torah – et dans la 'Hassidout
'Habad2, il est expliqué que chacun des trois Patriarches représentait une qualité particulière qu'il
introduisit dans le service divin. Abraham servait Dieu avec amour ; Isaac, avec crainte et respect ;
Jacob, avec pitié. Non que les qualités de chacun fissent défaut aux autres ; seulement, chacun
d'eux avait une qualité prédominante. Ainsi, Abraham se distinguait particulièrement par la bonté
('Hessed) et l’amour (Ahavah), tandis qu'Isaac excellait dans la justice (Dine) et le respect (Yirah), et
Jacob, ayant hérité des qualités des deux autres Patriarches, les combinait en une double qualité
nouvelle où s’équilibraient la vérité (Emeth) et la compassion (Ra'hamim).
Nous, enfants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, avons reçu en héritage toutes ces grandes qualités
de nos Patriarches ; ce qui nous rend capables de servir Dieu et de prier avec amour, crainte
(respect) et pitié. Cette dernière qualité intervient quand nous prenons conscience que notre âme
est une partie de la Divinité ; alors nous avons pitié d'elle parce qu'elle est si souvent distraite de
Dieu par les aspects matériels de la vie quotidienne.
Apprendre, instruire, guider
Lors du Don de la Torah au mont Sinaï, notre mode de vie nous fut fixé par Dieu. Torah signifie
« enseigner », « instruire », « guider » ; car la Torah nous enseigne la conduite à tenir dans chaque
détail de notre vie quotidienne. La Torah contient 613 commandements. Parmi eux est celui qui
prescrit « de servir Dieu de tout notre cœur et de toute notre âme »3. Comment servir Dieu avec
notre cœur ? En Lui adressant nos Prières. Ce faisant, nous observons non seulement le
commandement relatif à la prière, mais aussi les autres, tels que d’aimer Dieu et de Le craindre,
lesquels sont des commandements séparés.
Durant le premier millénaire, depuis le temps de Moché Rabbénou, il n’y avait pas d'ordre fixé
pour les prières. Chaque individu avait le devoir de prier Dieu tous les jours ; mais la forme de la
prière, ainsi que le nombre de fois par jour étaient laissés à l'appréciation du fidèle4.
1
Talmud Berakhoth 26b.
v. Zohar I, 96a ; Torah Or, 17a, 23d, etc
3
Deutéronome 11,13.
4
Maïmonide, Hilkhoth Tefilah 1:3
2
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Il y avait cependant un ordre établi pour le service au Beth Hamikdache relativement aux sacrifices
du jour, matin et soir, tandis que les sacrifices du soir se prolongeaient dans la nuit. Les jours
spéciaux tels que le Chabbat, Roch 'Hodèche et les Fêtes, des sacrifices « additionnels » (Moussaf)
avaient lieu. De même, il n'était peut-être pas inhabituel pour certains Juifs de prier trois fois par
jour, le matin, le soir et la nuit, chacun à leur manière. Le roi David, par exemple, déclarait qu'il
priait trois fois par jour5 ; et Daniel (à Babylone) priait lui aussi trois fois par jour, le visage et le
corps orientés vers Jérusalem6. Il a été prouvé qu'il existait, même au temps du premier Beth
Hamikdache, des lieux de prières publics appelés « Beth HaAm »7, que les Chaldéens (les
Babyloniens) détruisirent lors de la destruction de Jérusalem et du Beth Hamikdache.
Ezra le Scribe
Après ce tragique événement, et que les Juifs eurent été emmenés en captivité à Babylone, les Juifs
continuèrent à se rassembler et à prier ensemble. Les lieux de prières devinrent comme de « petits
sanctuaires » – beth mikdache méat8. Mais durant les années d’exil, les enfants nés et élevés à
Babylone manquaient de la connaissance adéquate de la Langue Sainte (l'hébreu) et parlaient une
langue que les mélanges avaient rendue impure. C'est pourquoi, quand les Juifs revinrent dans
leur patrie après les soixante-dix ans d'exil, Ezra le Scribe, de concert avec les Hommes de la
Grande Assemblée (composée de prophètes et de Sages, dont le nombre se montait à 120), fixa le
texte de la prière quotidienne (Chemoneh Esréh – les « Dix-huit Bénédictions »), en faisant une
institution permanente, et un devoir pour le Juif de réciter cette prière trois fois par jour. Depuis,
elle devint partie de la loi judaïque (Halakhah) prescrivant à chaque Juif de réciter ces prières dans
l'ordre fixé, trois fois par jour, correspondant aux sacrifices quotidiens au Beth Hamikdache, avec
des prières additionnelles le Chabbat, à Roch 'Hodèche et aux Fêtes, et une prière de conclusion
(Neïlah) à Yom Kippour.
Ainsi, les parties principales des prières quotidiennes furent formulées par nos Sages. Celles-ci
comprenaient le Chema et le Chemoneh Esréh, qui constituent toujours les parties les plus
importantes de nos prières du matin et du soir, leChemoneh Esréh formant également la partie
principale de l'office de Min'hah. Le Psaume quotidien que les Lévites avaient l'habitude de
chanter au Beth Hamikdache faisait aussi partie de la prière du matin. D'autres psaumes de David
furent inclus dans cette dernière prière, et des Actions de grâces spéciales avant et après le Chema y
furent ajoutées. Au temps où Rabbi Judah le Prince rédigea la Michna (environ en l’an 3910, ou 149
de l’ère vulgaire, quelque cinq cents ans après Ezra) et plus particulièrement lors de l'achèvement
du Talmud environ trois cents ans plus tard, ou il y a environ 1500 ans) l’ordre de base de nos
prières, telles que nous les connaissons aujourd’hui, avait été fixé.
5
Psaumes 55,18.
Daniel 6,11.
7
Jérémie 39,8.
8
Ezra 11,16
6
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La prière juive est-elle intrinsèquement paradoxale ?
par Tzvi Freeman
En priant Dieu, nous nous mettons dans une position assez absurde : nous reconnaissons qu’Il
existe...
1. Sur l’absurdité de la prière
Quiconque a observé un minyane du matin standard sait que la prière juive n’est pas normale. Ce
n’est pas normal de s’envelopper d’un drap de laine blanc, s’attacher des boites de cuir contenant
des parchemins sur son bras et sa tête, se balancer d’avant en arrière avec vos collègues en
chantant des incantations en hébreu et lire un rouleau de parchemin. Ce n’est pas normal de se
tenir devant un mur et d’avoir l’air de lui parler. Ce n’est pas normal de nos jours et cela n’a sans
doute jamais été normal, quelle que soit l’époque.
De nombreuses questions peuvent être soulevées : Pourquoi passons-nous tellement de temps à
glorifier Dieu ? Ne connait-Il pas sa propre grandeur ? Pourquoi nous rassemblons-nous pour
nous adresser à Lui ? Ne devrait-ce pas être une interaction plutôt personnelle ? Pourquoi
répétons-nous les mêmes mots, jour après jour ?
Nous aborderons ces questions et beaucoup d’autres dans les articles suivants. Mais, en premier
lieu, tournons-nous vers l’aspect le plus déroutant de la prière qui son concept même. Voyez-vous,
en priant Dieu, nous nous mettons dans une position assez absurde. En Le priant, nous
reconnaissons qu’Il est :
•
Bienfaisant
– Il veut faire des bonnes choses pour nous
•
Omnipotent
– Il peut tout faire. La réalité dépend de Son imagination.
•
Omniscient
– Il connaît nos besoins mieux que nous. Et non seulement entend-Il nos prières, Il entend nos
pensées également. (Après tout, si elles viennent de Lui, Il doit forcément les connaître, n’est-ce
pas ?)9
•
Absolu
– Il ne délègue pas Sa responsabilité et n’a besoin de la permission de personne. Il n’y a que Lui.
...et ce faisant, nous semblons avoir éliminé tout besoin de prier :
•
S’Il
est bienfaisant et
que
tout
ce
qu’Il
fait
...alors pourquoi voudriez-vous Lui demander de changer quoi que ce soit ?
est
bien...
•
S’Il
est omnipotent et
peut
faire
les
choses
comme
Il
le
désire...
...pourquoi les choses ne sont pas comme Il le désire ?
•
S’Il est omniscient, sait ce dont nous avons besoin et veut nous faire du bien...
...pourquoi attend-Il que nous le Lui demandions ?
•
9
S’Il est l’Autorité Absolue...
La prière silencieuse standard (la “Amidah”) s’achève par ce verset des Psaumes “ Puissent les paroles de ma
bouche et les pensées de mon cœur être agrées par Toi, Éternel, ma force et mon rédempteur” (Psaumes 19,15).
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Cher Dieu Omniscient, Omnipotent, Bienfaisant, j’ai une plainte à formuler......pourquoi
s’autorise-t-Il à être sensible par nos demandes ?
En bref : si nous croyons en un Dieu Omniscient, Omnipotent et Bienfaisant, pourquoi prier ? Un
Être Infini a-t-Il réellement besoin que nous Lui disions quoi faire ?
2. La réponse du philosophe
Peut-être n’a-t-Il pas besoin de nos prières. Peut-être que le seul objet de la prière est de nous
élever. De nombreux auteurs ont compris que c’est exactement ce que Maïmonide veut dire dans
ce passage du Guide des Égarés :
La prière, la récitation du Chéma, les Grâces après les repas et toutes les bénédictions, la
bénédiction des Cohanim, les Téfilines, la Mézouza, les Tsitsit, l’acquisition du rouleau de la Torah
et sa lecture aux moments appropriés : toutes ces mitsvas ont pour but que nous nous rappelions
de Dieu continuellement, que nous venions à L’aimer et à Le craindre, et avoir foi en Lui et
accepter toutes ses mitsvas10.
Dans ce passage et d’autres déclarations similaires, Maïmonide établit clairement que D.ieu
pourrait parfaitement gérer l’univers sans nos prières. L’implication est que c’est nous qui avons
besoin de prière, pour Le connecter à nos vies.
En fait, il se peut que nous n’utilisions pas le terme approprié. Le mot français, prière, signifie
solliciter, implorer, supplier pour quelque chose.
Prière=bakachah=‫בקשה‬Il existe un autre mot, bakachah‫בקשה‬, qui inclut tous ces sens. Mais ce n’est
pas le mot que nous employons. Nous disons tefilah. Mais tefilah veut-il dire « prière » ?
Tefilah est étymologiquement lié au mot tofel, qui signifie connecter ou attacher.
Connecter=tefilah=‫תפלה‬Lorsque vous ajoutez un morceau d’argile à une poterie en argile, vous
êtes tofel cette argile. Lorsque la servante de Rachel, Bilah, eut un enfant (Genèse 30, 8), elle
l’appela « Naftali », signifiant « j’ai été connecté », de la même étymologie. De la même manière,
lorsque nous nous rebranchons à notre Source Originelle trois fois par jour (ou à chaque fois que
c’est nécessaire), nous appelons cela tefilah : se reconnecter11.
Si c’est ainsi, il y a une différence essentielle entre tefilah et prière : « prière » signifie qu’il y a un
être inférieur qui implore un être distinct supérieur de répondre à ses besoins. « Tefilah » signifie
attacher ensemble ces deux entités. Vous connectez vous-même et votre monde avec l’Être
Suprême, pour qu’une énergie divine puisse y pénétrer pour guérir les malades, faire tomber la
pluie et arranger tout ce qui n’est pas synchro ici-bas12.
Voilà qui est beaucoup plus intelligible. Une réponse tout à fait rationnelle, car le philosophe ne
veut certainement pas être pris à se compromettre dans l’irrationnel et l’absurde.
3. De retour au tableau noir
Très rationnel, certes, mais pourtant totalement incohérent avec le sens simple de nos prières
quotidiennes :
10
Maïmonide, Guide des Égarés (Moreh Nevoukhim) 3:44.
Nous développerons le thème de cette relation dans de prochains articles, avec l’aide de Dieu.
12
Voir Likoutei Si’hot vol. 2 p. 410 ; Rachi sur Genèse 30,8 ; Ohr HaTorah du Tsema’h Tsedek, vol. 2, 380a
11
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Nous ne nous contentons pas de venir déclamer à la synagogue : « Oui, Tu es le Roi Omnipotent et
nous Te devons tout. » Nous poursuivons en demandant, en suppliant, en implorant qu’Il change
la situation. Nous répétons encore et encore « Puisse être Ta volonté... », impliquant directement
que ce que nous requérons n’est actuellement pas Sa volonté et que notre intention est de changer
cela.
C’est bien d’une révolution qu’il s’agit : ceux qui sont en bas dictent leur volonté à Celui qui réside
En-Haut. Nos prières sont loin d’être passives. Nous tenons un rôle de parfaits noudniks, cassepieds et raseurs à souhait.
Et c’est une mitsva, c’est Lui qui nous a dit de le faire ! Dans les mots du même Maïmonide qui a
écrit les très raisonnables propos rapportés plus haut :
C’est un commandement positif de prier chaque jour, comme le dit le verset : « et vous servirez
l’Éternel votre Dieu. » la tradition enseigne que ceci se rapporte à la prière.
...ce commandement oblige chaque personne à offrir des supplications et des prières chaque jour et
à dire les louanges du Saint béni soit-Il ; puis demander pour tous ses besoins avec des requêtes
et des supplications13 ; et finalement, louer et remercier Dieu pour la bonté qu’Il lui a prodiguée ;
chacun selon sa capacité14.
Nous voilà de retour à la question : Pourquoi le Grand Ordonnateur de l’univers aurait-Il besoin
d’une armée d’inspecteurs des travaux finis ?
Je vais vous laisser une petite semaine pour réfléchir à tout cela. En attendant, voici une délicieuse
histoire venue tout droit du Talmud qui illustre bien tout ce dont nous avons parlé :
Il arriva une fois qu’Adar, le cinquième mois de la saison des pluies, avait presque entièrement
passé sans que la pluie ne tombe. Ils se rendirent chez ‘Honi le Faiseur de cercles et lui
demandèrent de prier pour la pluie. Il leur dit : « Allez mettre à l’abri vos fours de terre qui se
trouvent dans vos patios, afin qu’ils ne fondent pas sous la pluie. »
Alors il se mit à prier, mais la pluie ne tomba pas. Que fit-il ? Il traça un cercle au sol et se tint à
l’intérieur comme le prophète ‘Habakouk l’avait fait une fois15. Alors il s’adressa à Dieu et Lui dit :
« Maître de l’univers ! Tes enfants se sont tournés vers moi car ils me considèrent comme un
membre de ta Maisonnée. Je jure par Ton grand nom que je ne bougerai pas d’ici jusqu’à ce que Tu
aies pitié de Tes enfants. »
Une fine bruine commença à tomber. Les disciples de ‘Honi lui dirent : « Maître ! Nous avons vu ce
que tu as fait, mais nous ne voulons pas mourir ! Il semble que la pluie ne tombe que pour que tu
sois libéré de ton serment ! »
Alors il dit à Dieu : « Ce n’est pas ce que j’ai demandé ! Ce qu’il nous faut, c’est de l’eau pour
remplir les citernes, les fossés et les cavernes ! »
La pluie se mit à tomber furieusement. Ses disciples lui dirent : « Maître ! Nous avons vu ce que tu
as fait, mais nous ne voulons pas mourir ! Il semble que la pluie ne tombe que pour détruire le
monde ! »
Alors il dit : « Ce n’est pas ce que j’ai demandé ! Ce qu’il nous faut, c’est une pluie de bonne
volonté, de bénédiction et de bienfaisance ! »
13
L’accentuation est de mon fait.
Michné Torah, Lois de la Prière, 1:1
15
Voir ‘Habakouk 2,1
14
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Alors la pluie tomba convenablement. Elle tomba jusqu’à ce que Jérusalem soit inondée et que les
gens durent se rendre sur le Mont du Temple pour échapper aux eaux. Ils se rendirent auprès de
‘Honi et lui dirent : « Tout comme tu as prié pour qu’il pleuve, prie maintenant pour qu’il cesse de
pleuvoir ! »
Il leur dit : « Je sais par tradition que l’on ne doit pas prier pour faire cesser l’abondance.
Cependant, apportez-moi un taureau pour que je l’offre en sacrifice de remerciement. »
Ils lui apportèrent le taureau. Il posa ses mains sur le taureau et dit à Dieu : « Maître de l’univers !
Ton peuple, Israël, que Tu as fait sortir d’Égypte, ne peut pas supporter ni trop de bienfaits, ni trop
d’affliction. Tu as été en colère contre eux, ils n’ont pas pu l’endurer. Tu leur as prodigué le bien en
abondance, ils n’ont pas pu le supporter. Puisse être Ta volonté que la pluie cesse et qu’il y ait un
soulagement au monde ! »
Immédiatement, le vent se mit à souffler, les nuages se défirent et le soleil brilla. Les gens sortirent
dans les champs et ils en rapportèrent des champignons à manger.
Chimone ben Chata’h envoya un message à ‘Honi, qui disait : « Si tu n’étais pas ‘Honi, je t’aurais
fait excommunier… Mais que puis-je faire ? Tu insistes auprès de Dieu et Il fait tout ce que tu veux,
comme un enfant insiste auprès de son père et obtient tout ce qu’il veut. Il dit : “Père, amène-moi
me baigner dans des eaux chaudes ! Lave-moi dans de l’eau fraîche ! Donne-moi des noix ! Des
amandes ! Des abricots ! Des grenades !” Et le père lui donne tout ce qu’il demande ! C’est de toi
que parle le verset : “Que ton père et ta mère se réjouissent, qu’elle jubile, celle qui t'a enfanté”16 »17
LA FOI EN DIEU
Lois relatives aux fondements de la Torah, chapitre premier
Maïmonide
1. Le fondement de tous les fondements et le pilier de toutes les sciences est d’être conscient qu’il
est une Existence Première qui fait venir toute chose à l’existence. Toute chose existante du Ciel et
de la Terre, ou intermédiaire, n’est venue à l’existence qu’en vertu de la réalité de Son existence.
2. Si l’on considérait qu’Il n’existe pas, rien d’autre ne pourrait exister.
3. Si l’on supposait que tous les autres êtres sont inexistants, Lui seul continuerait d’exister ; leur
non-existence n’impliquerait pas Sa non-existence. Car tous les êtres ont besoin de Lui, mais Lui,
béni soit-Il n’a pas besoin d’eux, ni d’aucun eux. C’est pourquoi, Sa réalité est différente de celle de
chacun d’eux.
4. C’est ce que le prophète entend quand il dit : « L’Eternel Dieu est vrai » ; Lui seul est réel, et
aucun autre n’a une réalité semblable à la Sienne. C’est [cette idée] que la Torah exprime [dans le
verset] : « Il n’est rien d’autre que Lui », c'est-à-dire « il n’est pas d’existence autre que Lui qui est
réelle comme Lui ».
16
17
Proverbes 23,25
Traité Taanit 23a.
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5. Cette existence est le Dieu du monde, et maître de la Terre entière ; Il dirige la sphère avec une
force infinie et illimité, force qui est ininterrompue. En effet, la sphère tourne sans cesse, et il est
impossible qu’elle tourne sans cause qui la fasse tourner ; c’est Lui, béni soit-Il, qui la fait tourner,
sans main, et sans corps.
6. Reconnaître cela est un commandement positif, comme il est dit : « Je suis l’Eternel ton Dieu ».
Qui imagine qu’il existe un autre dieu hormis Lui transgresse un commandement négatif, comme
il est dit : « Tu n’auras point d’autre dieu devant Moi », et nie [le principe] essentiel [du judaïsme],
car [cette doctrine] est le principe de base dont tout dépend.
7. Ce Dieu est Un. Il n’est pas deux ou plus, mais Un ; Son unité est différente de toute unité
existante en le monde, c'est-à-dire qu’il n’est pas Un comme une catégorie générale qui inclus
plusieurs entité, ni Un à la manière d’un corps qui est divisé en différentes parties et dimensions.
[Son] Unité ne trouve pas d’exemple dans le monde. S’il y avait une pluralité de dieux, ils auraient
un corps et une forme, car toutes les entités semblables ne se distinguent que par les attributs liés
au corps et aux formes. Et si le Créateur avait un corps et une forme, il aurait une fin et une limite,
car il est impossible qu’un corps soit infini. Et tout [être] dont le corps est fini et limité, sa force est
également finie et limitée. Or, notre Dieu, béni soit Son Nom, possède une force infinie et
incessante, puisque la sphère continue de tourner, Sa force n’est pas une force corporelle. Et étant
donné qu’Il n’est pas un corps, les propriétés du corps qui créent la division et la séparation ne Lui
sont pas associées. Par conséquent, il est impossible qu’Il soit autre qu’Un. La connaissance de ce
concept est un commandement positif, comme il est dit : « l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est
Un ».
8. [Cette doctrine, à savoir] que le Saint béni soit-Il n’a pas de corps, ni de forme, est exprimée dans
la Torah et les prophètes, comme il est dit : « que l’Eternel est D.ieu, dans les Cieux en haut et icibas sur Terre » ; or, un corps ne peut se trouver en deux endroits en même temps. Et il est dit :
« car vous n’avez vu aucune image », et il est dit : « À qui m’assimileriez-vous, à qui ressembleraiJe ? » ; or, s’il avait un corps, il ressemblerait aux autres corps.
9. Puisqu’il en est ainsi, quel est donc le sens des expressions mentionnées dans la Torah : « Sous
ses pieds », « écrites du doigt de Dieu », « la main de l’Eternel », « yeux de l’Eternel », « oreilles de
l’Eternel », et [expressions] semblables ? Toutes [ces expressions] sont adaptées à [la sagacité de]
l’esprit humain, qui ne perçoit que le corporel. La Torah s’est exprimée dans la langage de
l’homme, et toutes [ces expressions] sont des métaphores, comme il est dit : « J’aiguiserai l’éclair de
Mon glaive » ; Porte-t-il un glaive et tue-t-Il avec un glaive ? [Ce terme] est donc employé
allégoriquement, et ainsi, toutes [ces phrases sont à comprendre] dans le même esprit. La preuve
en est qu’un prophète dit avoir aperçu le Saint Béni soit-Il ayant « un vêtement blanc comme la
neige », et un autre [dit L’avoir vu avec] « des vêtements teints de rouge de Boçra ». Moïse luimême Le vit sur la mer comme un vaillant faisant la guerre, et au Sinaï, comme un ministre
officiant enveloppé [de son châle de prière] ; [tout cela] indique qu’il n’a pas ni silhouette, ni
forme. Ces [images ne] sont [que] des visions prophétiques. Mais l’[existence de Dieu tel qu’Il est]
véritablement, l’esprit humain n’est pas à même de la saisir et de la rechercher. Tel est le sens du
verset : « Peux-tu, en cherchant, trouver Dieu, trouver la perfection du Tout-Puissant ? »
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10. Que Moïse voulut-il donc percevoir, quand il dit : « Monte-moi, de grâce, Ta gloire » ? Il voulut
appréhender la réalité de l’existence du Saint béni soit-Il, de manière à l’intérioriser dans son
esprit ; comme l’on connaît un homme, dont on a vu le visage et dont on a l’image gravée dans
l’esprit, ce qui fait qu’on le distingue des autres personnes, ainsi, Moïse voulu [connaître
l’existence de Dieu] de manière à ce que Son existence soit distinct en son esprit des autres [formes
d’]existence, au point de connaître la réalité de Son existence, telle qu’elle est. [Dieu,] Béni soit-Il,
lui répondit qu’il n’est pas dans le pouvoir de l’être humain vivant, fait d’un corps et d’une âme,
de saisir pleinement cette réalité. [Néanmoins,] le Saint béni soit-Il lui révéla ce auquel personne
n’avait eu accès auparavant – et n’aura jamais accès par la suite – jusqu’à ce qu’il perçut un tant
soit peu la réalité de Son existence. Dans son esprit, le Saint béni soit-Il fut distinct des autres êtres,
comme l’on pourrait distinguer un homme que l’on a vu de dos – et dont on a embrassé [du
regard] tout le corps et les vêtements – d’un autre homme. C’est à cela que l’Ecriture fait allusion,
dans le verset : « Tu Me verras par derrière, mais Ma face ne peut être vue ».
11. Attendu qu’il est évident qu’Il n’a pas de corps et de forme, il est également clair qu’aucun
attribut propre au corps ne lui est approprié : ni lien ni séparation, ni lieu ni mesure, ni montée ni
descente, ni gauche, ni droite, ni devant ni derrière, ni position assise ou debout. Il n’est pas [non]
sur un plan temporel pour avoir un début et une fin, et un nombre d’années. Il n’est sujet à aucun
changement, car il n’est aucun facteur qui ne lui cause de changement. Il n’est sujet ni à la mort, ni
à la vie semblable à la vie du corps. Il n’est pas [définissable en termes d’]ineptie ou de sagesse
semblable à la sagesse humaine. [Il n’a] ni sommeil ni lever, ni colère ni rire, ni joie ni tristesse, ni
silence ni parole semblable à l’expression humaine. Telle est la sentence des sages : « il n’y a en
haut ni position assise ou debout, ni séparation ni lien ».
12. Ceci étant, les expressions [susmentionnées] du pentateuque et des livres des prophètes sont
toutes métaphoriques et rhétoriques. Par exemple, « Celui qui siège dans les cieux rira », « Ils
m’ont mis en colère avec leurs vanités », « comme l’Eternel s’était plu », et [expressions]
semblables. À ce propos, les sages ont dit : « La Torah s’exprime dans le langage de l’homme ». Et
de même, il est dit : « Est-ce Moi qu’ils mettent en colère », et il est dit : « Moi, l’Eternel, Je n’ai pas
changé » ; or, s’Il était parfois en colère et parfois allègre, ce serait un changement. Tous ces états
n’existent que chez les êtres physiques obscurs et bas, qui résident dans les maisons d’argiles, et
ont leurs fondements dans la poussière. Mais Lui, béni soit-Il est élevé et exalté au-dessus de tout
ceci.
Extrait du "Livre de la Connaissance", premier livre du Michné Torah de Maïmonide
FOI ET VIE
Une et indivisible
par Haim Nisenbaum
Notre temps aime les classifications faciles. C’est ainsi que certains affectent de mettre d’un côté ce
qu’il est convenu d’appeler les choses de « religion » et d’un autre les affaires dites « civiles ». On
crée ainsi des territoires bien définis, élevant des barrières intellectuelles qu’on espère
infranchissables entre des domaines de la pensée humaine. Cette attitude a certes des origines
socio-historiques compréhensibles. Cependant, appliquée au judaïsme, elle ne peut prévenir
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l’apparition d’une certaine gêne. Car celui-ci est aussi éloigné de la notion de religion qu’il peut
l’être, par exemple, de celle d’idéologie.
De fait, l’idée de « religion » s’accompagne généralement de la vision de rites séculaires, de
pratiques à sens mystiques, d’un spiritualisme pour qui le monde n’est jamais qu’un lieu
d’hébergement transitoire. Si cela a des conséquences en termes sociaux, politiques ou
économiques, ce n’est alors qu’à titre secondaire. L’action de la « religion » est, comme par nature,
« ailleurs ». Certes, le judaïsme est également constitué d’un ensemble de pratiques codifiées et ce
n’est pas en vain que l’on a souvent souligné l’importance de son ritualisme. Il est pourtant bien
autre chose : un mode de vie construit et global, une façon de considérer le monde. Dans cette
optique, l’acte « civil » est d’une portée aussi déterminante que l’action qu’on qualifiera de plus
spécifiquement « religieuse ». Pourrait-il, du reste, en être autrement ? Si le judaïsme a pour
ambition d’établir le lien entre l’homme et Dieu, ramener sa mise en œuvre aux heures privilégiées
du rite ou de l’étude reviendrait à en limiter l’application et, partant, l’importance. Inversement, si
cette notion courre bien au cœur du judaïsme, elle doit trouver son expression à chaque heure du
jour ou de la nuit, dans tous les domaines de l’activité humaine. En d’autres termes, la judaïté se
vit pleinement avec la constance du bonheur et non avec les à-coups de l’incertitude.
Peut-être est-ce là, justement, la richesse de son message. La vie se construit de tout ce que
l’homme en fait et le service divin est une manière de dire son développement harmonieux,
comme une lumière qui, l’habitant profondément, lui confère chaleur et énergie. C’est dire qu’il
revient à chacun de choisir une vie plus pleine et signifiante, au sens où chaque acte est porteur
d’un élément essentiel qui le dépasse. C’est dire aussi que chaque action a la capacité de
transformer profondément le monde qui lui sert de théâtre. Transformer le monde, pour tous les
hommes : un projet d’avenir.
Kabbale et Mystique
UNE INTRODUCTION
Les niveaux de conscience de l'âme
par Moshe Miller18
L’âme divine est une essence indivisible, indissolublement liée à Dieu, comme l'affirme le verset
« Car une part de Dieu est Son peuple » (Deut. 32:9) et comme le déclare Rabbi Shimon Bar Yo'haï
à son propre sujet : « Mon âme est une avec Lui, comme une flamme, attachée à Lui. » Néanmoins,
puisqu’elle émane de l’Infini – l'Ein Sof – pour être finalement habillée dans un corps physique,
l'âme va descendre, via les cinq mondes (dont il sera question dans un autre article), en laissant
une racine dans chacun de ces mondes, jusqu'à ce qu'elle soit revêtue d'un corps physique. Ainsi, il
existe cinq niveaux de l'âme, ou niveaux de conscience de Dieu, correspondant aux différents plans
de réalité, ou niveaux de révélation/dissimulation divine manifeste dans chacun de ces mondes.
18
Moshe Miller est né en Afrique du Sud et a étudié à la yéchiva en Israël et aux Etats-Unis. Il est l'auteur de vingt
livres couvrant une grande variété de sujets ainsi que d'une nouvelle traduction annotée du Zohar. Il réside actuellement
à Chicago.
QUAND LES HOMMES PARLENT A DIEU:
un parcours comparatiste sur la signification de la prière
dans les trois religions abrahamiques
PROF CLAUDIO MONGE
Uni. Fri. - Faculté de Théologie
AA. 2012-2013 – SP
L'âme, habillée dans le corps est un reflet de la Forme divine, appelée le tselemou tselem Elo-him.
Ce tselem Elo-him peut être décrit comme le moule spirituel de la forme physique de l'homme,
reliant son corps et son âme. Ce moule est dérivé de la configuration des séfirot, qui structurent les
mondes que traverse l’âme dans sa descente vers le corps.
L’homme contient en lui toute la Création...De même que la dimension extérieure de l'âme est un
reflet de la configuration des séfirot, sa dimension intérieure, elle, reflète la Lumière Infinie, qui
illumine les séfirot. Ce reflet est appelé la demout Elo-him(l'image de Dieu). Ainsi, l'homme
comprend en lui l’ensemble de la Création, de la plus haute spiritualité jusqu’à la matérialité la
plus triviale.
Au regard du service divin de l'homme, ces niveaux de l'âme peuvent être décrits comme cinq
niveaux croissants de conscience de D.ieu et de communion avec D.ieu. Ils sont appelés (par ordre
croissant) Nefech, Roua’h, Nechama, 'Haya et Ye'hida. À propos de ces différents niveaux de l'âme, le
Zohar enseigne que lorsqu'une personne naît, elle reçoit un Nefech du monde deAssiya, le plus bas
des mondes, constituant le niveau de plus grande dissimulation de D.ieu. Si, grâce à son service
divin et ses bonnes actions, elle s'en rend digne, elle reçoit alors un Roua'h, du monde de Yetsira.
Par un travail encore plus grand, elle peut gagner la révélation du niveau de Nechama,
correspondant au monde de Briah. Grâce à un degré élevé de purification, elle pourra être en
mesure d'atteindre le niveau de 'Haya, qui correspond au monde de Atsilout, et même
de Ye'hida qui est la conscience divine du niveau de Adam Kadmon et au-delà. (« Au-delà » parce
que le niveau de l'âme appelée Ye'hidatranscende dans son essence tous les mondes, puisqu'il n'est
jamais séparé de D.ieu. La Yé’hida est décrite comme faisant « véritablement partie de Dieu en
haut » et comme « une étincelle du Créateur, revêtue dans une étincelle de la création »).
Nefech
Nefech... est la conscience du corps et du monde physique. Nefech, représente le plus bas niveau
de conscience, celui du corps et du monde physique, le monde de Assiya– le monde de l'Action.
Toutefois, cette perception du corps physique n'est pas une conscience passive. Au contraire,
le Nefech est lui-même la force vitale du corps, et c'est précisément à cause de cela que le Nefech a
une conscience du corps. Cette conscience physique est le résultat de l’entremêlement
du Nefech avec le corps. Pourtant, bien que le Nefech soit la force vitale du corps, cela ne signifie pas
que le Nefech crée le corps. Le corps a été et est créé par Dieu, comme tout ce qui existe. Après que
Dieu eut créé le corps d'Adam « de la poussière de la terre », Il insuffla en Adam un souffle de vie
(voir Genèse 2, 7). Ce souffle de vie est le Nefech – la force vitale – insufflé dans le corps.
C'est cette part de l'individu qui meurt et entre dans la tombe avec le corps. Tout comme dans le
monde de Assiya, Malkhout est la séfira dominante, dans le Nefech, qui correspond à l'univers
de Assiya, l'attribut de Malkhout – l'action – est aussi la caractéristique dominante de l'âme.
Le service divin correspondant au niveau de Nefech est la reconnaissance de et la soumission à
l'autorité suprême de Dieu, en particulier par l’accomplissement des commandements. C'est
pourquoi on le nomme « acceptation du joug du Ciel » : kabbalat 'ol malkhout chamayim.
Roua'h
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Le Roua'h se manifeste principalement dans les émotions...Roua'h est le niveau suivant de l'âme :
un niveau de conscience supérieur à celui de Nefech. Le monde (c’est-à-dire : le niveau de
révélation de divinité) correspondant à Roua'h est le monde de Yetsira. Le Roua'h se manifeste
principalement dans les émotions, tout comme l'activité principale des six séfirot de Zeïr
Anpine (lesséfirot de ‘Hessed jusqu'à Yessod) se retrouve dans le monde de Yetsira. En termes de
service divin, cela correspond à l'éveil des sentiments complémentaires que sont l’amour et la
crainte de D.ieu.
L'amour et la crainte de D.ieu sont suscités par une méditation sur l'énergie divine qui forme et
maintient le monde de Yetsira, et en contemplant le formidable effacement de soi des anges qui
l'habitent. Bien que l'intelligence puisse être largement utilisée à ce niveau de l'âme, l'objectif
premier de l'intellect ici est de méditer afin de susciter l'émotion. Les sages du Talmud en parlent
donc comme du « labeur du cœur », à travers lequel on parvient à aimer D.ieu de tout son cœur. Il
s'agit cependant d'un niveau inférieur d'amour, puisqu'il est généré par la contemplation des
niveaux inférieurs de l'énergie créatrice de D.ieu.
Nechama
La Nechama cherche à atteindre l'essentiel plutôt que l'éphémère. L’activité essentielle de
la Nechamaréside dans la saisie des concepts par l’intellect, comme l'affirme le verset, « et l'âme
(nichmat) venant du Tout-Puissant, leur donne la compréhension » (Job 32, 8). Le niveau
de Nechama contemple la manifestation de l'énergie divine dans le monde de Briah. De même que,
dans le monde de Briah, la principale séfira est Binah, dans ce niveau de l'âme, l'activité principale
est la compréhension. À la différence du monde de Yetsira, monde de la forme et de la relation, le
monde de Briah, est une naissance permanente d’énergie divine. C'est la notion d'une venue à
l'existence à partir du néant, plutôt que celle d'une existence structurée et quantifiée. Ainsi, l'une
des principales méditations de la Nechama porte sur le concept de création continue (la venue à
l'existence) et la maintenance de la vie et de l'existence.
La Nechama analyse les principes sous-jacents découlant des différentes sortes de pensées imposées
par l'esprit humain et l'expérience humaine. Elle cherche à atteindre l'essentiel plutôt que
l'éphémère. Un des signes qu'une personne évolue à ce niveau de conscience est la désactivation
de tous ses sens lorsque son esprit est totalement concentré sur un concept divin. Ensuite, en
raison de l'abondance de lumière spirituelle éprouvée à ce niveau, les émotions d'amour et de
crainte s'éveillent automatiquement, et ce, dans une mesure beaucoup plus grande qu’au niveau
précédent, où l’effort était nécessaire pour susciter ces émotions. C'est ce qu'on désigne dans la
Kabbale comme « le ravissement du cœur » (re'outa deliba – voir Zohar II, 93b). Là, le cœur désire
vraiment la Divinité, et l'amour se révèle dans toute son ampleur dans le cœur. C'est ce qui est
désigné dans la Torah comme aimer D.ieu « de toute ton âme ». Cela peut donc être décrit comme
une communion avec D.ieu en tant que Créateur des mondes.
'Haya
L'âme se fond dans un état d'annulation complète de l'ego... une connaissance de la vérité
absolue des choses. L'aspect de l'âme appelée 'Haya porte ses regards sur l'énergie divine du
monde d’Atsilout. Alors que l'activité principale du niveau de Nechama est d'utiliser la
compréhension intellectuelle afin de parvenir à la communion avec Dieu en tant que Créateur des
mondes, le niveau de'Haya communie avec Dieu tel qu’Il transcende les mondes. Ici, la
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connaissance de l'âme ne porte pas dans l'immanence des attributs divins qui caractérisent la
nature de l'énergie divine manifestée dans la création, mais plutôt dans la connaissance de ce que
Dieu n'est pas, c'est-à-dire de quelle manière Il n'est pas limité ou pas défini par l'univers fini. Ainsi,
l'âme se fond dans un état d'annulation complète de l'ego. Il n'y a pas de quête de soi et pas
d’affirmation de soi en dehors de Dieu. 'Haya est appelée l'amour de Dieu « de tout son être »
(Deut. 6, 5). C'est la connaissance de la vérité absolue des choses.
Ye’hida
Ye'hida correspond au niveau de l'âme appelé Adam Kadmon. Tout comme le monde sublime, pur
et transcendant d’Adam Kadmon, s'attache à la lumière originale infinie (Or Ein Sof) et la reflète,
ainsi en va-t-il du niveau de Ye'hida. C'est l'essence de l'âme qui est naturellement et
immuablement liée au Saint, béni soit-Il. Rabbi Shimon bar Yo'haï a déclaré : « Tout au long des
jours de ma vie en ce monde, j'étais lié au Saint béni soit-Il par un simple lien... faisant un avec
Lui » ; c'est ce niveau de l'âme qui se révèle lors du sacrifice de soi ou lorsque l’on meurt en martyr
pour l'amour de D.ieu, de Sa Torah, ou de Son peuple.
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