LES CRABES

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LES CRABES
QU’EST-CE QU’UN CRABE ?
La silhouette du crabe est familière mais cet animal n’en reste pas moins fort mal connu de la majorité du
public qui redoute instinctivement le contact d’un organisme aux formes bizarres, revêtu d’une solide cuirasse,
armé de pinces et dont les yeux mobiles sont toujours aux aguets.
Surmontons notre appréhension et, au cours d’une promenade au bord de la mer, ramassons simplement un
de ces petits crabes si communs tout le long des côtes européennes, en ayant soin de le saisir entre le pouce
et l’index par la région la plus large de la carapace. Il s’agit presque à coup sûr du »Carcinus maenas »
connu populairement sous le nom de « CRABE ENRAGE ».
Sa situation dans la taxonomie animalière est décrite en annexe 1.
Comme ses pattes sont articulées et que son corps est divisé en segments, il fait partie de l’embranchement
des arthropodes qui englobe les crustacés ainsi que les insectes et araignées. La classe des malacostracés,
outre notre crabe et ses cousins, comprend également des animaux qui forment le plancton. Un échelon plus
bas, ses parents éloignés sont les cloportes puis, avec les eucaridés, se sont les diverses formes de krill. Les
décapodes sont les animaux qui possèdent 10 pattes. Il y en a tout plein ! Les crevettes vont faire bande à
part et le voilà (brachyoure) avec ses cousins la galatée, le bernard l’hermite, les crevettes nettoyeuses, le
homard, l’araignée, les écrevisses, et autres.
Le terme brachyoure vient du grec et signifie courte queue. Il y a plus de 4.000 espèces de crabes recensés
par les scientifiques. Elles se répartissent dans 36 familles dont 15 super familles
SON ANATOMIE
Revenons à notre petit Carcinus maenas et retournons-le en tous sens. Ce qui nous frappe d’abord ce sont
les 3 parties fondamentales de son anatomie, soit un corps massif et aplati, symétrique, plus large que long,
protégé par une solide carapace dorsale au bord antérieur dentelé, appelé le CEPHALOTHORAX, sous lequel
se rabat un abdomen en lamelle ou pléon, de proportions modestes. Outre quelques appendices antérieurs,
cinq paires de pattes prolongent le corps latéralement.
antennule
maxillipède
chélipède
antenne
pédoncule oculaire
céphalothorax
pléon
périopode
anus
pléopode
Où que nous appuyions, le revêtement résiste à la pression, il constitue un squelette externe minéralisé
derrière lequel l’animal mène une existence abritée. Les pattes elles-mêmes sont protégées par cet
exosquelette sans perdre pour autant leur mobilité car, en certains endroits, d’étroites zones souples
échappent à la minéralisation et permettent l’articulation des différents segments des membres.
Les appendices frontaux sont au nombre de 9. Ce sont :
• Les pédoncules oculaires qui portent les yeux et
qui sont logés dans 2 orbites creuses de la
carapace. Comme ils sont articulés ils permettent
à l’animal une vision multidirectionnelle.
• Les antennules sont des formations sensorielles.
Elles sont constituées de 5 articles et d’un fouet
multiarticulés. Un statocyste est logé à la base du
premier article c’est un organe qui assure à notre
crabe équilibre et orientation.
• Les antennes sont également des formations
sensorielles. Leur fouet est plus important que
celui des antennules mais le système d’articulation
permet moins de mouvements. Le premier article
porte l’orifice urinaire. Oui, le crabe fait pipi au
droit de sa tête !
1
pédoncule oculaire
antennule
antenne
Voilà pour les sens, les autres appendices frontaux concernent la mastication. Ce sont :
• Les mandibules qui disposent de ce que l’on pourrait appeler des incisives
• et des molaires
• Les maxilulles également appelés premières mâchoires
• Les maxilles ou deuxièmes mâchoires. Ces deux appendices jouent un rôle très important dans la
circulation de l’eau à l’intérieur de la chambre branchiale.
• Les 3 maxillipèdes qui amènent la nourriture à la bouche. Le troisième permet également de fermer
l’orifice buccal.
incisives
molaires
mandibule
maxillule
maxille
maxillipèdes
Les appendices latéraux s’appellent des périopodes, il y en a 5 paires. La première paire voit son extrémité
transformée en pince et s’appelle chélipède.
coxa
Les périopodes se divisent en 2 régions principales :
• Le propodite qui est à l’intérieur de la carapace et
épipodite
assure la liaison entre le membre et le corps. Il est
basium
subdivisé en 2 articles
exopodite
1. le coxa qui porte quelquefois des excroissances
latérales, les épipodites qui ont un rôle respiratoire.
ischium
2. le basium qui porte un exopodite qui peut être à
mérus
dactylus
l’extérieur de la carapace et porte alors la ponte.
• L’endopodite que nous appellerons la patte qui se
carpus
fragmente en plusieurs articles.
protopodus
La pince est formée par le propodus pour la partie fixe, le dactylus étant la partie mobile.
Voilà pour les appendices de notre ami le crabe. Je précise que je n’ai pas trouvé de dessin ou de schéma
utilisable de chélipèdes càd des pattes à pince.
Comme il n’a pas de squelette puisque son corps se trouve enfermé dans une carapace s’est la peau qui lui
permet de garder sa forme lorsqu’il mue. Elle est constituée de diverses couches.
• La couche externe ou épicuticule ne contient pas de
poil
chitine. C’est une membrane de quelques microns
d’épaisseur qui assure l’imperméabilité des téguments.
• En dessous s’alignent de nombreuses strates qui forment
l’endocuticule qui se compose
 De la couche préexuviale, qui comme son nom
fibre
l’indique, est sécrétée avant la mue. Elle est calcifiée,
imprégnée de pigments et contient de 10 à 15 % de
chitine.
canalicule
 De la couche postéxuviale qui est déposée après la
mue et qui contient au moins 70 % de chitine. Ces
deux couches s’enrichissent de dépôts calcaires.
 La couche membraneuse n’est sécrétée qu’assez tard
glande
après la mue et ne se calcifie pas. Elle assure la liaison ectoderme
tégumentaire
avec
 L’ectoderme
De fins canalicules traversent ces strates et permettent à une glande tégumentaire un contact avec le milieu
extérieur. Leur rôle et fonction n’est pas encore connu mais il est supposé qu’il doit être sensoriel. De
nombreux poils, sécrétés par l’ectoderme sont répartis un peu partout sur le corps. Là aussi on ignore
également leur fonction.
2
SON SYSTEME NERVEUX
L’organisation nerveuse des brachyoures se caractérise par la répartition de l’ensemble des neurones en
deux masses principales :
nerf antennulaire
nerf antennaire
système
stomatogastrique
nerfs des
appendices
buccaux, des
périopodes, de
l’intestin, …
- L’une, que nous appellerons cerveau est située
dorsalement et à l’avant de la bouche. Il se présente
nerf optique
comme un massif rectangulaire aplati où de nombreuses
cellules se mêlent à des faisceaux de fibres.
- L’autre, bien plus volumineuse, est la masse nerveuse
nerfs tégumentaires ventrale qui regroupe tous les ganglions abdominaux. Elle
a l’aspect d’un disque étoilé, percé en son centre d’un
cerveau
orifice ou s’engage l’artère sternale.
ganglion
En ce qui concerne le cerveau, il est constitué de trois
stomatogastrique parties à savoir :
• Le procérébron qui commande les nerfs optiques
oesophage
et les nerfs moteurs des pédoncules oculaires
•
Le deutocérébron d’où partent les nerfs
commissure
antennulaires
et les nerfs tégumentaires
périoesophagienne
• Le tritocérébron avec les nerfs antennaires et les
commissures périoesophagiennes.
masse nerveuse
Sur ces dernières se trouve un ganglion qui commande le
ventrale
système qui innerve les différentes régions du tube
digestif.
Enfin, les nerfs des appendices buccaux, des pattes et de
l’intestin émanent de la masse nerveuse ventrale ainsi
nerf de l’abdomen qu’un seul nerf qui dirige la région ventrale de l’abdomen.
SES SENS
Voilà ce qui est écrit dans l’un des livres qui m’a servi pour faire cet exposé, il date de 1973 : « L’étude
physiologique au moyen de méthodes modernes des organes des sens est à peine entamée ». Les quelques
informations que j’ai trouvées font état :
LE TOUCHER Il est assuré par des poils pointus ou ramifiés en relation avec des terminaisons
nerveuses. Ces poils sont répartis sur tout le corps mais très spécialement sur les antennules, les
antennes, et la plupart des appendices
LA CHEMORECEPTION Dans l’eau il est difficile de distinguer l’olfaction du goût. Ce sont les poils
minces, longs et émoussés (il y a donc différents types de poils) des antennules et appendices
buccaux qui détectent les stimulis chimiques. De plus les canalicules qui perforent l’exosquelette des
pattes, des pinces et peut-être aussi des chambres branchiales aboutissent à des terminaisons
nerveuses chémoreceptrices.
L’AUDITION Elle n’est pas clairement établie. Cependant il est constaté que plusieurs espèces
peuvent émettre des signaux sonores. A quelles fins alors s’ils ne peuvent être entendus ?
LA VUE Les yeux qui sont situés à l’extrémité du pédoncule oculaire sont composés d’un assemblage
de plusieurs milliers d’ommatidies. Une ommatidie comporte :
• Une cornée chitineuse, transparente, de forme
hexagonale.
• Un cône cristallin produit par quatre cellules
juxtaposées.
• Un axe central appelé rhabdome qui constitue
certainement le photorécepteur de l’œil. Huit
cellules rétiniennes sont groupées autour de lui
et deux cellules pigmentaires se déplacent
nerf optique
dans son cytoplasme. Ces déplacements sont
fonction de la luminosité. Un éclairage
important répartit ces pigments de manière
uniforme, un écran est ainsi constitué qui
membrane basiliaire
atténue le passage du rayon lumineux.
coupe d’un oeil
3
A l’obscurité ils se tassent et ne forment donc plus écran, en lumière faible ils sont en position intermédiaire.
Chaque ommatidie donne une image de son champ visuel et chacun des champs chevauche sur celui des
voisins. Il est cependant probable que tous ces morceaux d’image s’intègrent en une seule image simple.
Une membrane basiliaire de tissu conjonctif réunit l’ensemble des ommatidies, elle est traversée par les
prolongements du nerf optique.
La perception des couleurs a été établie chez certaines espèces de crabes.
SON SYSTEME CIRCULATOIRE
Sous l’aire cardiaque de la carapace se trouve le cœur. Il se présente
comme une poche musculaire rectangulaire accrochée par des
ligaments élastiques à la paroi interne d’une autre cavité close, qui
l’entoure de toute part, la cavité péricardique. Les contractions
cardiaques chassent le sang dans sept artères principales. Cinq d’entre
elles se dirigent vers l’avant et irriguent la partie antérieure du corps.
Ouverture par laquelle le sang pénètre dans le coeur
Deux quittent le cœur par l’arrière, l’une descend
verticalement, traverse la masse nerveuse ventrale et se
divise en deux branches qui irriguent la partie centrale du
corps, l’autre longe l’intestin et irrigue l’abdomen.
Sous l’effet de la pression cardiaque le sang gagne de proche
en proche les sinus branchiaux, remonte sur la face externe
des branchies puis redescend par la face interne. De là des
veines le conduisent dans la cavité péricardique puis dans le
cœur.
photo du coeur
aire
cardiaque
veine branchio-cardiaque
coeur
cavité péricardique
chambre branchiale
veine efférente
branchies
sinus branchiaux
artère descendante
artère appendiculaire
coupe transversale du céphalothorax
Les crabes n’ont pas réellement de sang mais un fluide transparent, légèrement bleuté appelé hémolymphe.
Ce fluide véhicule également des cellules qui rappellent les leucocytes de notre sang car elles sont capable
de phagocytose cad digérer d’autres cellules.
La fréquence des battements cardiaques dépend de la taille des espèces et est d’autant plus élevé que le
poids des individus diminue. Elle est de 90 pour Eriphia spirifrons, 100 pour Maia verrucosa, 105 pour Cancer
pagarus et varie entre 64 à 87 pour Dromia vulgaris.
SON SYSTEME RESPIRATOIRE
Tous les crabes respirent à l’aide de branchies. Seules quelques rares espèces terrestres ont remplacé les
branchies par des pseudo-poumons, les autres humectent leurs branchies grâce à l’eau ou à l’humidité
contenue dans leurs chambres branchiales. Ces chambres sont plus volumineuses et le nombre de branchies
moins important que chez les crabes qui vivent exclusivement dans l’eau.
SON SYSTEME DIGESTIF
La bouche s’ouvre ventralement, elle est située entre les mandibules. Elle se prolonge par un court œsophage
où débouchent de nombreuses glandes. Vient ensuite le sac très large de l’estomac dont les parois sont
renforcées en certains endroits par des épaisseurs chitineuses et calcifiées.
4
Cet estomac est divisé en deux poches :
• Le cardia, chambre antérieure, très
large, où se trouve le moulin gastrique
les flêches indiquent les ‘dents’
qui triture les aliments.
chitineuses qui macèrent la
• La chambre pylorique qui porte des
nourriture avant qu’elle ne
rangées de poils filtrants qui
passe dans la chambre pyloempêchent les fragments alimentaires
rique de l’estomac
trop épais ou trop durs de progresser
plus avant.
dissection du cardia
Cette partie du système digestif est d’origine ectodermique aussi la paroi chitineuse se détache et est rejetée
lors de la mue.
L’intestin antérieur est extrêmement court.
muscles
cardia
Deux coeca tubulaires enroulés sur euxmêmes à leur extrémité y débouchent. Leur
rôle n’est pas connu.
chambre pylorique Plus ventralement l’énorme hépato-pancréas
intestin antérieur sécrète dans l’intestin médian les ferments
digestifs qu’il produit. Il a également pour
fonction d’absorber la plus grande partie des
hépato-pancréas
intestin médian
produits digérés et de les stocker en tant que
matière de réserve.
coecum
L’intestin postérieur est un long cylindre étroit
qui reçoit un long coecum enroulé sur luiintestin postérieur
même dont je ne connais pas la fonction. Cet
intestin pénètre dans l’abdomen pour s’ouvrir
anus
sur l’extérieur par l’anus.
vue dorsale
D’autres voies d’excrétion fonctionnent parallèlement au système digestif. Certaines cellules des branchies et
de l’hépato-pancréas éliminent des déchets et lors de la mue des résidus inutilisables sont rejetés avec
l’ancienne carapace. Enfin l’urine qui se trouve dans une large vessie est amenée par un canal dans une
glande qui se trouve dans les antennes et c’est de là qu’elle est évacuée. A noter que l’on ne sait pas
comment se forme cette urine.
SON SYSTEME REPRODUCTEUR
Le sexe mâle Chacun des deux testicules est étalé au-dessus de l’hépato-pancréas tout juste en-dessous du
derme. Ils sont formés d’une longue et mince bande dont la taille augmente avec la maturité sexuelle. Ils se
soudent l’un à l’autre à l’arrière de l’estomac et débouchent dans deux spermiductes tubulaires qui
s’amincissent pour devenir les canaux déférents après passage par une glande annexe. Le pénis qui forme
l’extrémité de ces canaux s’ouvre sur l’extérieur sur la coxa de la dernière paire de pattes.
Une petite glande est accolée au canal déférent juste à hauteur des muscles de la coxa. Elle semblerait être
la cause des caractères sexuels mâles secondaires.
Les spermatozoïdes sont des cellules arrondies blanches non mobiles. Ils sont encapsulés dans des
spermatophores à hauteur des spermiductes. Ils quittent ces capsules au moment ou ils sortent du pénis.
Le sexe femelle Les deux ovaires occupent une situation analogue à celle des testicules. Ils communiquent
par d’étroits oviductes avec les réceptacles séminaux qui servent de spermathèque et s’ouvrent sur l’extérieur
à l’avant de la dernière paire de pattes.
organes mâles
organes femelles
Le rapprochement sexuel s’effectue immédiatement après la mue de la femelle. Il est précédé par une série
de préliminaires et de parades encore mal connues. La femelle se renverse sur le dos, le mâle, toujours doté
de sa carapace, la couvre et dépose ses spermatozoïdes dans le réceptacle séminal. La paroi de ce
réceptacle sécrète alors un liquide qui, au contact de l’eau se durcit de telle sorte que les spermatozoïdes ne
peuvent plus quitter les voies génitales féminines. Le sperme peut y pendant des années, car il n’est pas
5
rejeté au moment de la mue suivante. La femelle
peut donc l’utiliser pour fertiliser plusieurs portées
d’œufs, bien que la viabilité des spermatozoïdes
diminue graduellement au fil du temps.
La copulation dure moins de 30 minutes, mais il
arrive que le mâle transporte sa bien-aimée pendant
plusieurs jours avant et après la mue, afin de
s’assurer d’être son seul compagnon. La confiance
règne !!!!
crabes enragés après copulation
femelle oeuvée
Les œufs fécondés sont pondus et s’accrochent en grappes aux soies de l’endopodite de la femelle sans que
l’on connaisse encore exactement les modalités de cette fixation. Le nombre des œufs pondus en une seule
fois dépend de la taille de la mère mais il est toujours impressionnant. 200.000 environ d’un diamètre de 0,3
mm pour Carcinus maenas, 920.000 pour Eriocheir sinensis, 2 à 3 millions pour Calinecles sapidus. Le
nombre baisse de manière frappante dans les espèces d’eau douce mais corrélativement leur taille augmente.
Polamon edule par exemple ne porte que 200 à 350 œufs d’un beau orangé, mais leur diamètre atteint 2 mm.
La fertilisation des œufs se produit au moment de la ponte, qui a lieu quelques mois après que la femelle ait
mué et a été fécondée. Les œufs restent accrochés à l’abdomen de la femelle où ils sont portés pendant trois
à cinq mois jusqu’à ce qu’ils éclosent. A l’intérieur de l’œuf se développe une larve nauplius qui évolue en
larve protozoé. A l’éclosion le jeune crabe traversera trois stades larvaires. Il sera d’abord un zoé pendant
environ 4 mois. Il ressemble alors à une crevette et est surtout transporté par les courants marins. Il devient
ensuite mégalope et ressemble alors à un jeune crabe avec de menues pinces et des pattes, mais il possède
encore la queue d’une crevette. La mégalope qui est très bonne nageuse, peut atteindre une vitesse de 0,8
km/h. Elle ne se trouve dans les eaux de surface que du crépuscule à l’aube, de jour elle s’enfonce
habituellement dans la colonne d’eau jusqu’à au moins 20 m de profondeur. Une dernière mue larvaire
transforme la mégalope en crabe juvénile.
zoé
mégalope
jeune crabe
SA CROISSANCE
Le petit crabe a terminé ses métamorphoses, mais sa croissance n’est pas arrêtée pour autant. Mais voilà,
son squelette se résume à une carapace ou exosquelette. Par conséquent, la croissance ne s’effectue pas
graduellement comme chez les animaux possédant un squelette interne, mais par suite de mues périodiques.
Le taux de croissance dépend de la taille des individus, oscillant entre 15 et 25 % à chaque mue. Les jeunes
crabes, qui investissent l’ensemble de leurs réserves d’énergie dans la croissance muent plus fréquemment et
à un taux de croissance relativement plus élevé que les adultes qui consacrent une plus grande partie de leur
énergie à la reproduction.
La mue se déroule de façon suivante :
Après une phase d’accumulation intensive de réserves énergétiques, le crabe cesse de s’alimenter et se tient
immobile dans un endroit tranquille et abrité.
• Son ectoderme secrète alors des enzymes qui attaquent la chitine de l’exosquelette.
• L’ectoderme se détache de la couche membraneuse et se met à secréter une nouvelle épicuticule,
bientôt renforcée par la couche préexuviale.
6
•
Survient alors une intense absorption d’eau qui fait augmenter le volume du corps de notre crabe ce
qui se traduit par une pression de plus en plus importante sur une carapace de moins en moins
résistante.
• Ce bouclier se soulève alors de l’arrière vers l’avant et notre ami, qui était resté immobile jusqu’à
présent, contracte rythmiquement les muscles des pattes de manière à les dégager peu à peu de leur
fourreau chitineux.
• Le corps lui-même se retire vers l’arrière ce qui libère les branchies et les pièces masticatrices
• Enfin il quitte son abri par la déchirure qui sépare la carapace du plastron sternal.
L’exuviation proprement dite est maintenant terminée. Mais le
crabe continue à absorber de l’eau, il en résulte que le corps est
largement surdimensionné et la chitine, encore molle, lui donne
ses nouvelles dimensions.
Une fois la carapace suffisamment dure l’alimentation reprend
activement, l’eau absorbée est évacuée au fur et à mesure de la
croissance tissulaire et la couche membraneuse puis la couche
postexuviale commencent à se former.
La durée de l’ecdysie est variable selon les espèces et l’age.
Chez l’adulte, cela prendra environ 6 semaines ; il lui faudra
encore quelque temps pour remplacer complètement l‘eau
absorbée par les nouveaux tissus. Les mâles et les femelles
adultes d’une population donnée ont tendance à muer à des
périodes différentes, de sorte que les messieurs auront acquis
une carapace dure et seront prêts à s’accoupler lorsque les
femelles muent.
Les promeneurs prennent souvent les dépouilles de crabe
laissées sur la plage par la marée pour des crabes morts car
l‘animal se débarrasse de toutes ses parties dures en une seule
pièce. Au moment de la mue, la vieille carapace se fend sur le
dos et le long des 2 côtés. Les fentes d’une vieille carapace se
referment après que le crabe l’ait abandonnée, mais vous pouvez
Crabe sans sa carapace
la rouvrir facilement.
L’AUTOTOMIE ET LA REGENERATION
Comme plusieurs autres crustacés décapodes de nombreux
crabes sont capables de se débarrasser d’un périopode blessé.
basium
Un réflexe nerveux provoque une contraction musculaire qui
rompt l’exosquelette à la base du membre suivant un plan de
plan de rupture fracture préétabli. Ce plan de fracture se situe à l’articulation
entre l’ischium et le basium soit là ou la patte sort de la
carapace. Lors de la contraction du muscle autotomiseur ce
plan de rupture butte contre le bord de la carapace, il y a fracture
et la patte se détache.
Une double membrane est préformée à hauteur du plan de
ischium
fracture. Elle n’est traversée que par le nerf de la patte et une
artère. Au moment de l’autotomie l’une des membranes se
détache avec le membre, l’autre obture le plan de section. Sous
l’effet de la pression sanguine cette membrane se bombe vers
l’extérieur et ferme ainsi l’extrémité du nerf et obstrue l’artère
sanguine. Toute hémorragie est ainsi prévenue. Seule une
goutte de sang qui se transforme en caillot restera sur ce
diaphragme.
Le membre ne sera pas longtemps perdu. Au bout d’un certain temps un bourgeon de régénération apparaît
au centre du plan d’autotomie. Il soulève la membrane, puis brise le caillot. Les cellules continuent à se
former rapidement. Le nouvel appendice est replié deux fois sur lui-même et enfermé dans un genre de sac
qui grandit avec lui et reste mince et flexible tout au long de la régénération. Au cours de l’exuviation, donc de
la mue, le membre régénéré se dégage de son enveloppe protectrice, se déploie et son exosquelette durcira
en même temps que l’ensemble de la carapace.
SA MARCHE
Tout le monde connaît l’expression « marcher en crabe » comment fait-il pour se déplacer ainsi ? Rappelons
qu’il a huit pattes locomotrices. Sauf à l’arrêt il a toujours quatre qui prennent appui au sol et quatre qui se
déplacent. Sur le schéma notre ami se déplace vers la droite. Au stade 1 les pattes qui prennent appui au sol
sont recourbées au maximum à gauche et étendues au maximum à droite, pour les deux autres paires c’est
juste l’inverse. Pour passer au stade 2 le corps du crabe se déplace vers la droite, il déploie donc un peu ses
7
pattes d’appui de gauche et recourbe celles de droite et fait juste l’inverse avec les pattes qui n’ont pas
d’appui au sol. Au stade 3 le corps s’est encore déplacé vers la droite, il est maintenant à équidistance des
extrémités de ses huit pattes qui sont mi-recourbées ou mi-étendues. Le déplacement se poursuit en
recourbant davantage les pattes bleues de droite et étendant celles de gauche, naturellement les pattes qui
n’ont pas d’appui au sol font juste l’inverse. A l’étape 5 les pattes d’appui de droite sont entièrement
recourbées, celles de gauche entièrement étendues. Nous sommes à la moitié d’un cycle.
pattes qui prennent appui au sol
pattes qui se déplacent
1
2
3
a
4
5
b
Il y a lieu de noter que par rapport au crabe du stade 1 la position des première et troisième paire de pattes
est identique à celle des deuxième et quatrième paire. Comme les pattes bleues n’ont pas changé de place le
crabe s’est déplacé d’une distance égale à b-a.
5bis
6
8
7
9
Puis c’est la fonction des pattes qui change. Au stade 5bis la position du crabe reste inchangée par contre les
pattes qui prenaient appui au sol sont, pour la suite du mouvement, celles qui vont se déplacer. Et le même
scénario se reproduit : les pattes d’appui au sol de droite se replient, celles de gauche s’étendent tandis que
les pattes de droite qui sont libres s’étendent tandis que celles de gauche se replient. Et le cycle est terminé.
La phase neuf est similaire à la une sauf que … etc etc etc et notre crabe continue à aller vers la droite.
Il faut également préciser que les crabes sont capable de marcher en avant ou en arrière, mais naturellement
bien moins vite.
OU PEUT-ON LE RENCONTRER ?
Les crabes vivent dans le monde entier, le plus souvent dans ou à proximité des océans, mers, lacs et
rivières. Ils vivent dans les eaux froides ou chaudes et certaines espèces ont même été découvertes
récemment dans les grandes profondeurs obscures. Certains crabes vivent toute leur vie à terre ou loin de la
mer mais toujours près de l’eau pour garder leurs branchies humides. Tous les crabes pondent dans l’eau.
QUE MANGE-T-IL ET PAR QUI EST-IL MANGE ?
Le crabe mange de tout, y compris des animaux morts. Les poissons, les coquillages et même les autres
crabes font partie de son menu. Certains crabes ne mangent que des plantes. D’autres filtrent avec leur
bouche les organismes microscopiques qui vivent dans l’eau. Certains crabes terrestres paraissent se nourrir
de sable, mais ils récupèrent en réalité les petits végétaux qui s’y trouvent. Le crabe joue un rôle important
dans la chaîne alimentaire : il recycle plantes et animaux morts. Il joue le rôle d’éboueur des mers.
Les crabes vivent souvent en association étroite avec d’autres animaux. Par exemple certains petits crabes
ont élu domicile à l’intérieur d’une anémone de mer, d’un oursin ou même d’un concombre de mer.
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Les crabes servent de repas à de nombreux animaux dont la pieuvre, la squille (une grosse crevette qui
ressemble à une mante religieuse), certains poissons (requin, murène, raie etc….), l’otarie et le phoque, la
loutre de mer, les crocodiles et bien sûr l’homme.
Comme la plupart des animaux marins, les crabes sont extrêmement sensibles à la moindre pollution de leur
milieu naturel.
SES PARASITES
Aucune espèce animale n’échappe à l’attaque des parasites et les crabes ne font pas exception à la règle
générale. Des protozoaires, des vers, d’autres crustacés peuvent s’attacher à leurs téguments et se nourrir de
leur sang ou bien encore s’immiscer jusque dans l’intimité des tissus.
En effet, l’infection la plus spectaculaire est sans conteste celle de la SACCULINE. Il s’agit d’un petit crustacé
RHIZOCEPHALE susceptible de s’introduire dans le corps de très nombreuses espèces. Le cycle de son
développement et les modalités de l’infection ont été élucidés par les travaux de M DELAGE en 1884. Ce
parasite adulte se présente comme un sac plus ou moins volumineux, jaunâtre ou gris bleuté, accroché à
l‘abdomen du crabe. En fait, ce sac est en relation avec un réseau très dense de prolongements ramifiés qui
s’attaquent à tous les tissus internes de l’hôte. Le sac externe pond des œufs ; après éclosion la larve
nageuse subit différentes métamorphoses et parvient après 4 mues au stade cypris typique des crustacés.
Utilisant alors le crochet d’une de ses antennes en guise de pince, elle se cramponne à un poil d’un crabe qui
vient de muer. Deux minutes et demie plus tard, une nouvelle métamorphose la rend méconnaissable car elle
se débarrasse de toutes ses structures pour se réduire à un sac de cellules, attaché à la base de ce poil. Une
sorte de dard creux se développe, perce l’exosquelette tendre de l’hôte et par ce canal le contenu cellulaire du
sac est injecté dans le corps du crabe cinq jours après la fixation de la larve. Ce paquet de cellules est
véhiculé par le sang et finit par se fixer sous l’intestin du crabe. Il bourgeonne, grossit et envoie
d’innombrables prolongements qui envahissent tout le corps, à l’exception du cœur et des branchies.
Ces cellules étrangères finissent par perforer l‘exosquelette sous l‘abdomen. Le parasite réapparaît ainsi en
partie au dehors sous sa forme adulte. Animal hermaphrodite, il libère ses œufs fécondés et les larves
nageuses qui en éclosant répètent le manège que nous venons de décrire.
Un autre parasite est particulièrement dangereux. Il s’agit du ver plat Paragonimus westermanni qui fut retiré
des poumons d’un Portugais décédé à Formose. Il n’a rien d’imposant, il a la taille et la couleur d’un grain de
café. Des œufs très nombreux furent découverts ultérieurement dans les crachats de malades Chinois ou
Japonais. Lorsqu’un de ces œufs tombe dans une eau courante il en émerge après quelques semaines une
larve dite Miracidium. Elle nage avec vigueur à la recherche d’un mollusque. Dès qu’elle en rencontre un, elle
y pénètre et subit une multiplication asexuée. Un seul Miracidium donne ainsi naissance à un grand nombre
de larves d’un type nouveau, les Cercaires. Ceux-ci quittent le mollusque et doivent nécessairement trouver
un nouvel hôte pour achever leur développement et tout particulièrement une écrevisse ou un crabe d’eau
douce. Le Cercaire y forme un nouveau kyste, généralement dans les muscles et prend le nom de
Mélacercaire. Dans certaines rivières d’Asie jusqu’à 50% des crabes en portent 1 à 5 dans leurs tissus. Ils ne
s’en portent pas plus mal. Mais s’ils viennent à être mangés crus ou mal cuits, le kyste est digéré dans
l’estomac, le Mélacercaire s’en échappe, descend dans l’intestin, en traverse la paroi, migre à travers le corps
et finit par s’installer dans les poumons. Et là il se transforme en ver Paragonimus et se consacre entièrement
à la reproduction. Ainsi les humains ou animaux qui en sont infectés disséminent autour d’eux, par les
crachats ou les excréments un nombre incalculable d’œufs. Cette maladie est courante en extrême orient,
pour s’en prémunir il suffit de cuire convenablement les crustacés pour tuer les Mélacercaires.
HISTOIRES DE CRABES
Un des plus grands crabes s’appelle
Macrocheira kaempferi ou crabe
araignée géant qui vit au large du
Japon. Il mesure 38 cm de long et,
pinces écartées, il a une envergure de
3 mètres.
Le
plus
petit
crabe
s’appelle
Dissodactylus : il ne mesure que
quelques millimètres. Il vit sur le dos
des oursins des sables. Je n’ai pas de
photo de ce micro-crabe.
Par contre, et vous en avez peut-être
déjà vu dans votre assiette, voilà
Pinnotheres pisum ou crabe des huîtres
qui est à peine plus grand.
Pinnotheres pisum
Macrocheira kaempferi
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Les crabes bleus sont les champions de natation
dans le monde des crabes. Leur dernière paire de
pattes sert de rames. Ils peuvent nager sur le côté et
à reculons à près de 3,5 km/h.
Certains autres crabes font même la nage du « petit
chien ».
Sur terre c’est Ocypoda
gaudichaudii qui arrive
en tête avec environ 6
km/h. D’ailleurs presque
tous les crabes fantômes
sont
d’excellents
coureurs.
Chaque année au printemps, l’île Christmas, située dans l’océan indien, au large de l’Australie, est envahie
par le crabe rouge (Gecarcoidea natalis). Pendant près d’un mois, l’île est presque paralysée par cette
invasion pacifique de milliers de crabes rouges.
Ces crabes d’environ 10 cm de large, sortent de la forêt, traversent les routes et les maisons, pour migrer vers
les plages à l’époque de la reproduction. En effet, le crabe rouge est un crabe terrestre qui vit loin de la mer
mais y retourne pour se reproduire.
A leur arrivée sur les plages, les crabes barbotent dans l’eau afin de reprendre des forces. Ils se réhydratent
et tous boivent goulûment. Chaque femelle expulse près de cent mille œufs.
En grappes compactes, les larves minuscules restent un peu moins d’un mois entre deux eaux. Celles-ci sont
alors transformées en une gigantesque nappe gluante. Puis, les bébés crabes, tout rouges et aux yeux noirs,
sortent de la mer. Ils forment d’immenses tapis rouges grouillant sur toute la côte. Une nouvelle invasion
commence alors.
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De nombreux crabes creusent de véritables puits
individuels verticaux ou obliques. Uca semble être un
champion, il arrive à une profondeur de plus de 1 m.
Mais bien plus profond voilà Kiwa hirsuta. Inventé il y a
un an, cet animal a été récupéré près de sources
hydrothermales par le sous-marin Alwin à 2.300 m de
profondeur. Il a 15 cm de long et ne possède pas
d’yeux. La multitude de soies qui couvre ses
périopodes est colonisée par des bactéries
filamenteuses.
Autres mœurs de crabes :
• Le crabe des cocotiers qui grimpe le long des arbres, même à plus de 20 m de hauteur peut vivre 50
ans. Il s’est si bien adapté à la vie terrestre qu’il se noie s’il tombe à l’eau.
• Les crabes porcelaine forment un couple qui dure toute leur vie.
Il y aurait encore beaucoup de choses à raconter à leur sujet, ce sera cependant une prochaine fois.
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