19.12.13 Le cadre théorique de la déduction transcendantale! • Dans la CrP Kant veut démontrer, de façon générale, la possibilité des connaissances synthétiques a priori. Ce n’est qu’à cette condition que la métaphysique, et ainsi la philosophie théorique, est possible.! • Des connaissances synthétiques a priori sont des connaissances qui ne sont obtenues ni par analyse des concepts, ni par vérification empirique. Les connaissances mathématiques sont de ce type selon Kant.! • Kant pense que la connaissance en général possède deux sources: l’intuition sensible et la représentation conceptuelle. ! • Dans l’intuition sensible un objet particulier nous est directement donné; dans la représentation conceptuelle un objet est pensé comme appartenant à une certaine généralité. L’entendement est discursif, il s’exerce en forme de jugement. Un jugement a une forme prédicative: a est F.! CH 3. KANT! Connaissance de soi dans la ! déduction transcendantale! 1 2 Les deux sources de la connaissance! Les deux sources de la connaissance! Notre connaissance dérive dans l'esprit (Gemüth) de deux sources fondamentales; la première est le pouvoir de recevoir les représentations (la réceptivité des impressions), la seconde, celui de connaître un objet au moyen de ces représentations (spontanéité des concepts). Par la première un objet nous est donné ; par la seconde il est pensé en rapport avec cette représentation (comme simple détermination de l'esprit). Intuitions et concepts constituent donc les éléments de toute notre connaissance; de sorte que ni des concepts, sans une intuition qui leur corresponde de quelque manière, ni une intuition sans concepts, ne peuvent donner une connaissance. (A50/B74) • Pour qu’il y ait de la connaissance il faut donc que l’intuition sensible et 3 l’entendement interagissent. Il faut non seulement que l’objet soit donné dans l’intuition sensible, il faut que ce même objet soit aussi ce à propos de quoi le sujet peux former un jugement.! • Le projet de Kant est alors celui de déterminer:! 1. 2. 3. Les conditions a priori pour qu’un objet soit donné dans l’intuition sensible;! Les conditions a priori pour qu’jugement puisse porter sur un objet;! Les conditions a priori pour que le jugement puisse porter sur l’objet présenté dans l’intuition.! • Le fruit de cette enquête va être la détermination des conditions de possibilité de la connaissance du monde. ! • On peut exprimer cela aussi en disant que par cette enquête nous déterminons ce que nous pouvons connaître a priori du monde. ! • Puisque l’enquête ne se réduit pas à l’analyse des concepts, on peut dire que nous déterminons ainsi l’étendue de notre connaissance synthétique a priori (du monde). ! ! 4 1 19.12.13 Esthétique et analytique transcendantale! Esthétique et analytique transcendantale! • Kant pense avoir démontré dans l’esthétique transcendantale que • Dans l’analytique transcendantale Kant veut alors déterminer l’espace et le temps sont les deux formes de l’intuition sensible, des formes qui sont accessibles a priori.! les formes a priori du jugement et les conditions qui doivent être satisfaites pour pouvoir appliquer des concepts aux données du sensible.! • Cela veut dire que selon Kant le temps est l’espace sont les deux conditions que toute intuition sensible doit satisfaire pour pouvoir présenter un objet. ! • Kant pense qu’il n’y a pas d’intuition intellectuelle: il n’y a donc pas d’accès direct à un objet par le seul entendement. On ne peut jamais penser un objet: on pense toujours que un objet est F (caractère discursif de l’entendement). ! • Il est donc nécessaire de trouver des concepts qui s’appliquent que sur la base des formes de l’intuition sensible et qui ne dépendent dans leur application d’aucune évidence empirique. Quels sont les concepts qui s’appliquent à tout ce qui est dans l’espace et dans le temps?! • Mais l’intuition toute seule ne suffit pas pour la connaissance. Il faut encore être en mesure d’appliquer des concepts.! • Donc:! • Pour que l’intuition sensible me présente un objet il faut que cet objet me soit donné comme étant situé dans le temps et dans l’espace.! • Pour que je puisse obtenir une connaissance à propos de cet objet il me faut pouvoir appliquer des concepts à cet objet.! • Il nous faut alors déterminer quelles sont les conditions a priori du jugement en général et je dois prouver ensuite qu’un jugement qui satisfait ces conditions peut bel et bien s’appliquer au données de l’intuition sensible. ! 5 6 Table des catégories! L’analyse transcendantale des concepts! • Kant pense qu’il existe un ensemble de concepts qui détermines les conditions formelle de tout jugement. Tout jugement doit être déterminé par rapport à ces conditions. ! • L’origine des ces conditions réside dans une faculté de synthèse (cf. plus bas) qui rend possible le jugement, l’attribution d’une propriété à un objet.! • La déduction ‘métaphysique’ (A66/B91-A84/B116) établit la liste des ces concepts. ! • C’est la table des catégories. ! 7 8 2 19.12.13 Table des catégories! La déduction transcendantale! • On peut comprendre la table des catégories comme contenant l’ensemble • Une fois que les formes du jugement sont établies, il reste à de formes du jugement. Ainsi tout jugement est déterminé dans quatre dimensions:! 1. dans la quantité: il porte sur un objet, sur plusieurs objets, ou sur tous les objets;! 2. dans la modalité: le jugement établit l’actualité d’un fait, sa possibilité ou sa nécessité;! 3. dans la qualité, dans le sens qu’il établit que quelques chose est le cas, n’est pas le cas, ou est indéterminé (?)! 4. dans la relation entre sujet et prédicat, qui peut être de détermination unilatérale ou réciproque ou bien de inhérence.! • Kant ne donne pas de commentaire particulier à propos de cette table des catégories. Elle contient des points problématiques. Dans notre perspective cela n’est pas essentiel. ! • Kant considère ces catégories comme étant les concepts les plus généraux qui doivent s’appliquer au domaine du jugement. Ainsi, quand on juge, il faut que le jugement soit déterminé dans les 4 dimensions des catégories.! montrer que des jugements qui remplissent ces conditions formelles peuvent effectivement s’appliquer aux données du sensible. ! • La déduction transcendantale (à partir de A84/B116) a la fonction de justifier l’applicabilité de ces catégories aux données de l’intuition sensible.! • Contrairement à ce que croyaient les rationalistes, on ne peut pas supposer que la réalité, telle qu’elle nous apparaît, soit conforme aux formes du jugement.! • Par exemple: on ne peut pas supposer, comme le croyait Leibniz, que tout événement ait une cause. Hume a montré que cela pourrait être une illusion.! • Il faut donc démontrer la légitimité de l’application des catégories aux données sensibles.! 9 10 La déduction transcendantale! La déduction transcendantale! La démarche de Kant est transcendantale. ! • La question de Kant concerne la relation entre la subjectivité de l’expérience sensible et l’objectivité de la connaissance.! • Kant formule cette question en se concentrant d’abord sur le concept d’objet.! • Cela veut dire que Kant ne veut pas démontrer que nous avons des connaissances basées sur l’application des concepts aux données de l’intuition sensible. Kant veut plutôt déterminer les conditions qui doivent être satisfaites pour que nous puissions avoir de telles connaissances.! La thèse centrale dans la déduction transcendantale est que ces conditions sont satisfaites par un sujet qui est conscient de soi.! • Pour que nous ayons une connaissance basée sur l’intuition sensible, il est nécessaire que cette intuition concerne des objets, qu’elle porte sur des objets. ! • Cela veut dire que le concept d’objet doit pouvoir s’appliquer au domaine de l’intuition sensible. La connaissance empirique n’est possible que si le concept d’objet s’applique au domaine des apparences sensibles. ! • Cela ne signifie pas que Kant entend démontrer que nous sommes effectivement doués de conscience-de-soi. L’argument montre plutôt qu’un sujet qui serait doué d’une telle conscience-de-soi aurait les moyens d’appliquer de façon légitime les concepts aux données du sensible. ! 11 12 3 19.12.13 La déduction transcendantale! La thèse centrale de B (B131, §16)! • La première tâche de la déduction transcendantale est alors • Le je pense doit (muss) pouvoir accompagner toutes mes représentations; car autrement serait représenté en moi quelque chose qui ne pourrait pas du tout être pensé, ce qui revient à dire ou que la représentation serait impossible, ou que, du moins, elle ne serait rien pour moi. La représentation qui peut être donnée avant toute pensée s'appelle intuition. Par conséquent, tout le divers de l'intuition a un rapport nécessaire au je pense dans le même sujet où se rencontre ce divers. Mais cette représentation [je pense?] est un acte de la spontanéité, c'est-à-dire qu'on ne saurait la considérer comme appartenant à la sensibilité. Je la nomme aperception pure pour la distinguer de l'aperception empirique, ou encore aperception originaire parce qu'elle est cette conscience de soi qui, en produisant la représentation je pense, doit (muss) pouvoir accompagner toutes les autres, et qui, une et identique en toute conscience, ne peut être accompagnée d'aucune autre. de déterminer à quelle condition le concept d’objet s’applique au domaine du sensible. ! • Kant soutient que le concept d’objet ne s’applique au domaine du sensible que si différentes apparences sensibles sont mises en relation entre elles, de façon (quasi-)prédicative. Il appelle cette fonction la synthèse.! • Cette synthèse présuppose une unité de l’expérience sensible: les apparences sensibles doivent faire partie d’une seule conscience unifiée.! • La conscience-de-soi est ce qui garanti l’unité de la conscience.! • Le sujet est ainsi la condition de possibilité de la connaissance du monde externe. ! 13 14 La thèse centrale de B (B131, §16)! La thèse centrale de B (B131, §16)! L’argument de Kant contient ici les étapes suivantes. ! 1. Il y a une représentation qui accompagne toute mes autres représentations, c’est le je pense. ! 2. Le je pense est une condition nécessaire pour! On peut comprendre cela comme suit:! 1. Toutes mes expériences nous sont données comme mes expériences. Cela pourrait vouloir dire différentes choses. Par exemple: cela pourrait vouloir dire que la pomme ne paraît pas simplement rouge, elle me paraît rouge.! 2. Pour que cela soit le cas, il faut que les expériences ellesmêmes me soient données comme étant les miennes.! 3. Or soit je découvre cela sur la base d’un jugement, soit cela m’est donné comme un trait de l’expérience. ! 4. Kant semble croire que qu’il existe une intuition non sensible (mais pas intellectuelle non plus?) que j’ai de mes propres expériences, une intuition qui me permet de juger que ces expériences sont les miennes. ! a. b. qu’une représentation puisse être pensée;! qu’une représentation soit une représentation pour moi.! Le je pense est commun à toutes les représentations d’un sujet.! Le je pense est donné avant tout jugement, donc il s’agit d’une intuition.! 5. Mais le je pense fait partie de la spontanéité, donc ce n’est pas une intuition sensible. ! 6. Kant la nomme apperception pure.! 3. 4. 1. De façon un peu plus précise Kant dit que qu’il existe une apperception pure, une conscience de soi qui accompagne toute représentation, qui peut ‘produire’ la représentation je pense. ! 15 16 4 19.12.13 La thèse centrale de B (B131, §16)! La thèse centrale de B (B131, §16)! Cette identité totale (durchgängige) de l'aperception d'un divers donné dans l'intuition renferme une synthèse des représentations et n'est possible que par la conscience de cette synthèse. Car la conscience empirique, qui accompagne différentes représentations, est, en soi, dispersée et sans relation avec l'identité du sujet. Cette relation ne s'opère donc pas encore par le fait que j'accompagne de conscience toute représentation, mais par le fait que j'ajoute une représentation à une autre (zu der andern) et que j'ai conscience de leur synthèse. Ce n'est donc qu'à la condition de pouvoir lier dans une conscience un divers de représentations données qu'il m'est possible de me représenter l'identité de la conscience dans ces représentations mêmes, c'est-à-dire que l'unité analytique de l'aperception n'est possible que sous la supposition de quelque unité synthétique. Cette pensée que telles représentations données dans l'intuition m'appartiennent toutes, n'exprime donc pas autre chose (heisst demnach soviel) sinon que je les unis dans une conscience (Selbstbewusstsein) ou que je puis du moins les y unir; et, quoiqu'elle ne soit pas encore elle-même la conscience de la synthèse des représentations, elle en présuppose cependant la possibilité. ! Autrement dit, ce n'est que parce que je puis saisir en une seule conscience le divers de ces représentations que je les nomme, toutes, mes représentations; car, sans cela, j'aurais un moi aussi divers et d'autant de couleurs qu'il y a de représentations dont j'ai conscience. ! 17 18 La thèse centrale de B (B131, §16)! Un exemple de synthèse en A102! L'unité synthétique du divers des intuitions, en tant que donnée a priori, est donc le principe (Grund) de l'identité de l'aperception elle-même qui précède a priori toute ma pensée déterminée. Mais la liaison n'est pas dans les objets et n'en peut pas en quelque sorte être tirée par la perception d'où la recevrait tout d'abord l'entendement (und in den Verstand dadurch allerest aufgenommen werden) ; elle n'est, au contraire, qu'une opération de l'entendement qui lui-même n'est rien de plus que le pouvoir de lier a priori et de ramener le divers de représentations données à l'unité de l'aperception ; c'est là le principe suprême dans la connaissance humaine tout entière.! • Or, il est manifeste que, si je tire une ligne par la pensée ou que je veuille penser le temps d'un midi à un autre, ou même seulement me représenter un certain nombre, il faut d'abord nécessairement que je saisisse une à une dans ma pensée ces diverses représentations. Si je laissais toujours échapper de ma pensée les représentations précédentes (les premières parties de la ligne, les parties antérieures du temps, ou les unités représentées successivement) et si je ne les reproduisais pas à mesure que j'arrive aux suivantes, aucune représentation entière, aucune des pensées susdites, pas même les représentations fondamentales, les plus pures et toutes premières, de l'espace et du temps, ne pourraient jamais se produire.! 19 20 5 19.12.13 Indications Bibliographiques! • Mohr, Georg, and Marcus Willaschek, 1998. Immanuel Kant: Kritik Der Reinen Vernunft. Edited by Otfried Höffe. Klassiker Auslegen. Berlin: Akademie Verlag.! • Longuenesse, B. 1993 Kant et le pouvoir de juger: sensibilité et discursivité dans l’analytique transcendantale de la Critique de la raison pure. Paris: Presses universitaires de France.! • Höffe, O. 2011 Kants Kritik der reinen Vernunft die Grundlegung der modernen Philosophie. München: C.H. Beck.! • Gardner, S. 1999 Routledge Philosophy Guidebook to Kant and the Critique of Pure Reason. Routledge.! • Philonenko, A. 1969 L’Oeuvre de Kant : La philosophie critique / A. Philonenko. T. 1, La philosophie pré-critique et la critique de la raison pure. Paris: Vrin.! 21 6