La Compagnie de Jésus

publicité
La Compagnie de Jésus
L’Ordre des jésuites
Par Charles Delhez sj
Aumônier de l’Université de Namur
1
t
renouvellemen
A l’occasion du
tre
t réciproque en
de l’engagemen
Compagnie,
l’UNamur et la
ier 2014,
signé le 7 févr
nérale.
l’Assemblée gé
en présence de
La Compagnie de Jésus
L’Ordre des jésuites
Par Charles Delhez sj
Aumônier de l’Université de Namur
Couverture : Saint Ignace de Loyola (1491-1556),
Fondateur de la Compagnie de Jésus (1540).
Peinture sur cuivre ( 9,3 x 7,2 cm). Dans le bureau du Provincial
de Belgique méridionale et Luxembourg, à Bruxelles.
2
3
L’Ordre des jésuites
Tout a commencé à l’université de Paris. Ils
étaient sept étudiants de nationalités différentes,
le noyau initial étant Ignace de Loyola, Pierre
Favre et François Xavier1. Voilà déjà quelques années qu’ils s’étaient rencontrés et vivaient une
amitié spirituelle. Le 15 août 1534, sur la butte
de Montmartre, ils font vœu d’aller à Jérusalem
et, si le projet échoue, de se mettre à la disposition du Pape pour annoncer l’Évangile n’importe
où dans le monde.
Tous les trois “saints”, Pierre Favre
ayant été proclamé tel par le Pape François
le 17 décembre 2013.
1
4
5
De Paris à Rome
Ce sont les premiers jésuites. Ils ne partiront
jamais à Jérusalem : la guerre avec les Turcs
rendait toute traversée impossible. En 1538, ils
s’offrent donc au Pape qui très tôt les envoie en
mission un peu partout. Le roi de Portugal en
demande pour les Indes, et celui d’Espagne pour
l’Amérique.
Le groupe allait donc éclater. Ne fallait-il pas
garder des liens entre eux, fonder une nouvelle
famille religieuse ? Ils hésitent. Ils mènent une
réflexion de plusieurs mois, priant ensemble,
échangeant. Le 15 avril 1539, ils arrivent à une
décision : pour rester unis dans la mission, ils
feront vœu d’obéissance à l’un d’eux. Un nouvel
Ordre religieux était né.
Mano de San Ignacio de un cuadro de 1609
Encore fallait-il qu’il soit approuvé par le Pape.
Ignace de Loyola, le rassembleur du groupe, fut
chargé d’écrire la « formule » de cette « petite
Compagnie de Jésus » et de la présenter au « Pontife romain ». Il s’agissait de rédiger l’équivalent de
la Règle des anciens Ordres religieux, de former
un « corps pour l’esprit », de souder l’union en vue
d’un meilleur service.
L’approbation ne vint pas sans peine. Il y avait
trop de nouveautés dans cette règle et déjà tant
d’Ordres religieux. Le 27 septembre 1540, cependant, le pape Paul III signait la Bulle Regimini
militantis Ecclesiæ fondant officiellement la Compagnie de Jésus. Ce jour-là, à Rome, il n’y avait
déjà plus que trois jésuites. L’idéal qui les avait
rassemblés les avait aussitôt dispersés, mais en
les gardant profondément unis.
6
7
Le fondateur
Tout a donc commencé à Paris. Mais d’où vient
ce petit bonhomme claudiquant qui a réussi à
susciter une telle épopée ? Inigo Lopez est né
en 1491 à Loyola, en un temps où une nouvelle
culture se cherchait. Il mena une vie de gentilhomme de cour, rêvant de côtoyer les grands de
ce monde. En 1521, tandis qu’il commandait la
citadelle de Pampelune assiégée par une armée
française, il fut grièvement blessé aux jambes
par un boulet de canon. Les Français le ramenèrent au château de Loyola où il vécut une
expérience intérieure de conversion radicale à
l’Évangile de Jésus Christ. Sa quête spirituelle le
conduira à Manrèse, non loin de Montserrat, où
il mènera une vie intense de prière. Passant par
Barcelone, Rome, Venise, il ira jusqu’à Jérusalem
où il ne pourra rester. De retour au pays, il se
décidera à étudier dans les universités. Il voulait
en effet se former à la culture du temps pour
mieux « aider les âmes ».
Après Alcala et Salamanque, où il eut des
ennuis avec l’Inquisition,
il partit pour l’université
de Paris, « chaudron de
la Renaissance » (Lacouture). Le 2 février 1528,
il franchissait les hautes
murailles de la ville par
la porte Saint-Jacques.
C’est dans cette ville qu’il rencontrera Pierre,
François et les quatre autres avec lesquels, le 15
août 1534, il gravissait la butte de Montmartre
avec quelques compagnons pour y sceller leur
engagement. Ayant obtenu le diplôme de Maître
à la Faculté des Arts, Ignace retournera quelques
mois au pays avant de rejoindre ses compagnons, plus nombreux déjà, en Italie.
Une histoire contrastée
Quand, en 1556, le 31 juillet, Ignace, devenu le
premier « Préposé général » s’éteint dans sa petite chambre de Rome où, depuis 1541, il dirige la
« Compagnie de Jésus », les jésuites sont déjà au
nombre de mille, dispersés aux quatre coins de
la planète. François Xavier, compagnon de la première heure, avait déjà parcouru l’Inde et le Japon
à pied, mourant en 1552, aux portes de la Chine. Les Jésuites ou
la gloire de Dieu
Ed. Stock, 1990
La porte Saint-Jacques
8
9
Université
Grégorienne
En 1548, à la demande instante du Vice-Roi de
Sicile, saint Ignace accepte de fonder, à Messine,
un collège pour former des jeunes qui ne se
destinaient pas à entrer dans l’Ordre. Cet établissement, véritable laboratoire pédagogique, fut
le point de départ de nombreuses autres institutions d’enseignement qui ont fait la notoriété des
jésuites, même si l’activité de la Compagnie ne se
résume pas à eux. En 1550 était fondé le Collège
Romain qui prendra un jour le nom d’Université
Grégorienne. L’augmentation du nombre de collèges fut rapide. En 1556, on en comptait déjà 45
et en 1580, 144. Leur expérience fut mise en commun et ensuite codifiée en une sorte de charte de
l’éducation, le Ratio Studiorum (voir p. 27).
Matteo Ricci
L’histoire de l’Ordre fut parfois mouvementée.
Ainsi, l’astronome Matteo Ricci fut-il introduit à la
cour impériale chinoise en 1601, permettant une
rencontre inédite entre les cultures chinoise et européenne ; l’expérience des rites chinois initiée par
lui fut cependant interrompue par Rome en 1715,
entraînant la proscription du christianisme dans
l’empire. Quant aux célèbres réductions du Paraguay, « le triomphe de l’humanité » (Voltaire), elles
rassemblèrent en des villages communautaires,
dès 1609, les Indiens guaranis menacés par les appétits des colons ; elles seront écrasées en 1750
par les Espagnols et les Portugais.
En 1773, le pape Clément XIV, sous l’influence des
cours du Portugal, d’Espagne et de France, supprimait l’Ordre des jésuites ; celui-ci sera rétabli en
1814 par un autre pape, Pie VII, inaugurant deux
siècles à nouveau bien troublés… On se souviendra de ces jésuites en délicatesse avec Rome, ainsi
le scientifique Teilhard de Chardin, pionnier dans
le dialogue science-foi, ou le théologien Henri de
Lubac, un des inspirateurs du Concile.
10
Pontificia Universitas Gregoriana
11
Une histoire qui ne fut pas sans ambiguïté, même
dans ses heures de gloire. La suppression de la
Compagnie s’explique aussi par son imbrication
trop grande dans la sphère du pouvoir. Que l’on
se souvienne des jésuites confesseurs des rois de
France. Quant au 19e siècle, il a vu la Compagnie se
situer davantage dans un esprit de restauration,
donnant ainsi de ses membres l’image de gardiens
du passé plus que de pionniers d’avenir. Le dense
réseau de collèges couvrant toute l’Europe, réputé à l’origine pour son
ouverture à tous par la
gratuité de l’enseignement, a situé l’Ordre du
côté de la bourgeoisie
et de l’aristocratie et ne
l’a pas mis à l’abri d’un
certain élitisme.
Pedro Arrupe
12
De nombreuses
universités
© BUMP
La seconde moitié du XXe siècle a opéré, non sans
tensions, un tournant, notamment grâce au Père
Pedro Arrupe et à la 32e Congrégation Générale
qui a fait du service de la foi et de la promotion
de la justice les deux lignes maîtresses indissociables de l’action des jésuites. En octobre 1981, le
pape Jean-Paul II, inquiet à propos de l’évolution
des jésuites sous le père Pedro Arrupe, intervint
dans le fonctionnement normal de l’Ordre en nommant un délégué à sa tête. En septembre 1983, la
Congrégation Générale reçut l’autorisation d’élire
un nouveau préposé général, le père Peter-Hans
Kolvenbach. Le père Adolfo Nicolás, 29e successeur
de saint Ignace de Loyola, élu le 19 janvier 2008,
est l’actuel supérieur général de la Compagnie.
C’est en 1610 que les jésuites sont arrivés à Namur,
y fondant le collège NotreDame de la Paix. À la suppression de la Compagnie,
cet établissement fut repris
par la ville. L’actuel athénée
en occupe les bâtiments.
En 1831, les « bons pères » étaient de retour et
ajoutaient à l’enseignement secondaire un cours
universitaire2.
Au long des siècles, en effet, de nombreuses universités ont été créées par la Compagnie de par le
monde. Pour celles qui entendent conserver leur
inspiration jésuite, les Pères Généraux ont précisé les caractéristiques et orientations propres :
en faisant confiance à la raison humaine, former
des personnes avec et pour les autres, dotées
d’esprit critique, capables de discernement et
d’innovation, respectueuses de la nature et des
personnes, et animées par des valeurs, en particulier évangéliques, et soucieuses de la justice
sociale. Dans ces communautés universitaires,
laïcs et jésuites partagent le même projet, veillant
à la profondeur de la pensée et de l’imagination,
se mettant au service de la foi chrétienne et de la
justice entre les hommes.
Pendant 130 ans, la Compagnie assuma seule, ou presque,
l’enseignement et la gestion de ces « Facultés universitaires NotreDame de la Paix ». Depuis un demi-siècle, les pouvoirs publics
subventionnent les F.U.N.D.P., ce qui a contribué à leur expansion et
permis à la Compagnie d’œuvrer en collaboration avec un nombre
toujours plus important de laïcs dans l’enseignement, la recherche
et la gestion de l’institution. En 1949, la Compagnie céda les droits
de propriété à l’ASBL F.U.N.D.P, appelée maintenant « Université de
Namur » (UNamur). Aujourd’hui, la Compagnie demeure le partenaire
fondateur et le garant, avec les laïcs, de l’identité jésuite.
2
13
À Namur, dans la Charte promulguée le 17 mars
1993, la Compagnie et les F.U.N.D.P. s’accordaient
pour reconnaître, maintenir et promouvoir le
caractère jésuite de cette institution. En 2013, la
Déclaration d’engagement réciproque entre la
Compagnie et l’UNamur a été revue. Les deux
partenaires ont décidé de poursuivre leur histoire commune et de collaborer, dans le respect
de leur autonomie réciproque, à la réalisation des
missions universitaires de l’institution telles que la
Charte de l’Université les définit.
La voie ignatienne
La voie initiée par Ignace de Loyola est une recherche de Dieu en toute chose. Il n’y a donc
pas à choisir entre le Créateur et les créatures :
« Dieu seul, mais toutes les choses en Dieu ». Cet
objectif est coulé dans une formule célèbre, la
devise de l’Ordre : Ad maiorem Dei gloriam, Pour
une gloire de Dieu toujours plus grande. Il ne
s’agit cependant pas de faire l’impasse sur l’être
humain. Au contraire. Saint Ignace hérite en effet
de l’humanisme de la Renaissance, mais sans se
couper de ses racines chrétiennes.
La « règle ignatienne de l’agir », selon la maxime
du jésuite hongrois Gábor Hevenesi (16561715)3, est tout aussi claire que paradoxale : Aie
foi, comme si tout dépendait de toi et rien de Dieu ;
agis, comme si tout dépendait de Dieu et rien de toi.
Une liberté qui assume totalement sa responsabilité, mais devant Dieu.
Dans ses « Scintillae Ignatianæ » (1705), recueil de propos qu’on
attribua à Ignace de Loyola lui-même. Cette formule a été tirée de
l’oubli par le jésuite français Gaston Fessard (1897-1978).
3
14
Façade Université de Namur
15
Une autre formule célèbre est celle d’un
jeune jésuite flamand
du XVIIe siècle. Hölderlin
l’a placée en tête de son
Hyperion : « Non coerceri a maximo, contineri
tamen a minimo, divinum
est. » L’on peut traduire :
« Ne pas être enserré
par le plus grand, être
cependant contenu dans le plus petit, voilà qui
est divin. » Aller dans le détail sans renoncer à
l’universel !
Hölderlin
Tous les jésuites seraient-ils du même moule ?
L’histoire de l’Ordre ainsi que le portrait de
chaque jésuite montrent à l’envi que la diversité
– due aux personnes et aux situations – est leur
point commun ! Tour à tour, et parfois simultanément, ils ont été traités de laxistes (ainsi par
le grand Pascal), et de rigoristes. On les taxe
de trop rigides, on les loue ou les critique pour
leur souplesse ! Et pourtant, il y a un « air de famille », un style commun. Il vient sans doute de
leur fondateur qui a moins enseigné une théorie
qu’initié, par sa vie, une « manière de procéder »,
expression typiquement jésuite. Celle-ci tient
compte des « circonstances de temps, de lieu et
des personnes », selon le rappel si souvent présent sous la plume d’Ignace, notamment dans
les Constitutions qu’il a minutieusement et patiemment écrites pour la Compagnie.
La mission des jésuites
aujourd’hui
C’est lors des Congrégations générales que, à la
lumière des signes des temps, la Compagnie redéfinit régulièrement sa mission. La dernière, la
35e de son histoire, a invité les jésuites à être des
« ponts de compréhension et de dialogue4 ». Elle
a confirmé leur engagement au service de la foi
et de la promotion de la justice, dans le dialogue
avec les cultures et les religions, aux frontières
de nos sociétés. « La mondialisation, la technologie et les problèmes d’environnement ont remis
en cause nos frontières traditionnelles et nous ont
rendus plus conscients que nous portons une responsabilité commune pour le bien-être du monde
entier et son développement durable et porteur de
vie5.» « Le monde est notre maison », disait déjà
le père Jérôme Nadal, proche collaborateur de
saint Ignace.
Les Jésuites n’appartiennent pas à la hiérarchie
de l’Église. Par le vœu d’obéissance spéciale
au pape « en ce qui concerne les missions », ils
inscrivent la dimension universelle propre à
l’évêque de Rome dans leur
idéal de vie. Tout comme les
autres religieux et religieuses,
ils vivent en communauté,
4
Expression de Benoît XVI dans
son discours à la 35e Congrégation
Générale, le 21 février 2008.
5
35e Congrégation générale,
2008, Décret 2, 20.
Pape François
16
17
non pas en marge de l’Église, mais en guetteurs,
« aux frontières entre Évangile et culture, entre foi
chrétienne et science, entre Église et société, entre
la bonne nouvelle du christianisme et un monde
troublé et bouleversé », déclarait le P. Kolvenbach, alors supérieur général, aux évêques
rassemblés à Rome en 1985. Il y a, développait-il « une tension voulue par l’Esprit du Seigneur
pour le bien de l’Église, entre les dons propres de
l’Épiscopat et ceux propres de la vie religieuse ».
Mais de préciser que c’est le même Esprit qui
souffle « des deux côtés ». La Compagnie, fidèle
à ses origines, s’est toujours voulue au service
de l’Église catholique, avec une grande liberté, ce
qui n’a pas toujours empêché certains excès de
zèle ou d’indépendance.
San Ignacio Miní
Jesuit-Guarani
mission
Le “secret” des jésuites
Si vous demandez à un jésuite le bien propre de
son Ordre, il vous répondra sans hésiter : les
Exercices spirituels. Ce livret est la traduction
pédagogique de l’expérience spirituelle d’Ignace
de Loyola, le chemin que celui-ci propose à qui
s’interroge : Que vais-je faire de ma vie ? Pour
répondre à cette question, le « retraitant » est
invité à vivre une démarche de trente jours de
solitude et de prière, accompagné par celui qui
« donne les exercices ».
18
Tout jésuite fait au moins deux fois dans sa vie
cette expérience : au cours de son noviciat et du
« troisième an » de noviciat qui clôture sa formation. Ce temps de retraite va structurer sa vie
spirituelle. Les Exercices sont un chemin de
liberté. Le parcours débute par une considération fondamentale pour le croyant : L’être humain
a vu le jour pour chanter Dieu, son créateur, le
respecter et travailler à l’avènement de son
Royaume d’amour. Ainsi réussira-t-il sa vie éternellement. Toute chose lui est donnée pour pouvoir
poursuivre cette fin. Ainsi est-il appelé à une
liberté totale, désirant et choisissant uniquement
ce qui l’aide à poursuivre le voyage. De tout le
reste, il veut se désencombrer.
19
L’expérience se poursuit par une relecture de
sa vie passée et l’accueil d’un pardon qui remet
en route. Au pied de la croix, la question se fait
lancinante : « Que ferai-je pour toi, Seigneur, qui
es mort pour moi ? » Comment vais-je renaître ?
Pour trouver la réponse, il regarde du côté du
Christ auquel il parle « comme un ami parle
à son ami ». Petit à petit, au rythme des méditations évangéliques, l’appel se précise et une
réponse va mûrir. Prenant alors sa vie en main,
comme le Christ prit le pain et le rompit, le
retraitant en fait offrande, quel qu’en soit le
prix. Il a trouvé l’espérance de Dieu sur sa vie, sa
« volonté ».
s’adapter à tout humain qui cherche à orienter sa
vie selon certaines valeurs7 , ainsi qu’aux groupes
qui doivent prendre une décision communautaire
dans l’écoute mutuelle. L’existence est en effet un
tissu de décisions et certaines peuvent engager la
vie tout entière.
A la fin des trente jours, celui qui s’est donné au
Christ peut vivre au cœur du monde, percevant,
dans sa vie et autour de lui, les signes de l’amour
indéfectible de Dieu. Il s’exclame : « Prends,
Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire,
mon intelligence et toute ma volonté, tout ce
que j’ai et possède. Tu me l’as donné : à toi je le
rends. Tout est pour toi, fais-en ce que tu veux.
Donne-moi seulement ton amour et ta grâce :
voilà qui me suffit6. »
Qui ne se pose la question de savoir ce qu’il va
faire de sa vie ? Ignace de Loyola propose au
chrétien de trouver la réponse en regardant le
Christ et en s’offrant à lui. Cette dynamique spirituelle n’est donc pas réservée aux jésuites. Elle
peut être vécue au cœur de la vie quotidienne et
6
20
Ibid., n° 234.
Saint Ignace écrivant les Exercices
7
Ils peuvent être vécus soit en trente jours, dans un centre spirituel
ignatien (ainsi à La Pairelle, Wépion), ou tout en continuant à mener sa vie
professionnelle et familiale, grâce à un temps de prière quotidien et des
rencontres régulières avec celui qui « donne les Exercices ». Le renouveau
de la manière de « donner les Exercices » et l’élargissement du public sont
caractéristiques des dernières décennies.
21
Casuistique
Petit vocabulaire jésuite
adapté à l’enseignement
et à l’éducation
8
« Plus est en toi »
A priori positif
Ou : présupposé favorable. Aborder les choses,
les personnes toujours avec un a priori positif. Ni
naïveté, ni imprudence, mais accueil des autres,
vision positive de la vie. Un parti pris de bienveillance. Le ressort de toute éducation est un réflexe d’accueil inconditionnel de la personne.
A.M.D.G. Devise de l’Ordre des jésuites : Ad maiorem Dei
gloriam. Un comparatif qui donne une dynamique : une gloire toujours plus grande ; un
nom, celui de Dieu, qui offre un horizon toujours
plus vaste.
8
22
Souvent qualifiée de « jésuite », elle est cet art
d’appliquer les grands principes moraux universels, souvent en concurrence les uns avec
les autres, aux actes concrets, aux situations
particulières. Elle fut souvent dénigrée, car parfois réduite à un art de s’en sortir en sauvant
les principes. Elle est cependant indispensable
si l’on veut éviter que la morale ne devienne
inhumaine. Il y a une règle générale, mais il y a
toujours des histoires particulières. En pédagogie, il en va de même.
Congrégation générale
Organe législatif suprême de l’Ordre, chargé
d’élire le Préposé général (ou Père général), ainsi
que ses plus proches conseillers, et de leur donner des orientations. En font partie les délégués
des différentes Provinces, élus par les congrégations provinciales, et, de droit, les provinciaux. La
dernière, en 2008, fut la 35e depuis la fondation
de la Compagnie.
Contemplatif dans l’action
La spiritualité ignatienne est une mystique de
l’action, une rencontre de Dieu en toutes choses
et au cœur même de l’agir, en toute action menée avec une « intention droite » et non selon
des motivations intéressées. L’éducation jésuite
tente d’initier les jeunes à un regard plus large
que l’immédiat.
Inspiré de http://www.ndj.edu.lb/jesuites/fadelsidarouss-3dimensions.htm
23
Cura personalis
Bienveillance, respect, patience et attention à
toute la personne : l’intelligence, la volonté, l’affectivité, la mémoire, le corps et les sens, la créativité… Chacun est unique et mérite d’être rejoint
pour lui-même, là où il en est.
Discernement Dans une situation donnée, face à un problème,
devant l’urgence d’un engagement, chacun est
traversé par des forces intellectuelles ou affectives le tirant en tous sens. Il s’agit de les trier
et de juger clairement et sainement. Cela s’apprend. Dans une société de l’immédiateté, il importe de prendre de la distance, de se donner le
temps de la réflexion, de pouvoir analyser avec
rigueur tous les paramètres d’une situation.
Excellence Dans la tradition éducative jésuite, le principe
d’excellence – qui naît du « magis » (voir ce mot)
– veut stimuler chacun à employer au maximum
ses propres ressources, à aller en profondeur.
Le P. Adolfo Nicolás, actuel supérieur général, insiste régulièrement sur la recherche en profondeur tant sur le plan spirituel et pastoral qu’intellectuel et théologique.
Exercice
Ce n’est pas le discours qui est au centre de la
pédagogie, mais les exercices. Non multa, sed
multum : ce n’est pas la quantité des matières
vues qui forme, mais ce que l’on a touché en
profondeur et que l’on a goûté de l’intérieur.
24
Il est donc plus utile de s’assurer des connaissances acquises au moyen d’exercices que
d’avoir couvert le programme.
Exercices spirituels
Livret proposant un itinéraire de conversion et
de discernement spirituel, rédigé par Ignace de
Loyola et reprenant l’essentiel de son propre
itinéraire (voir p.18, Le « secret » des jésuites).
Méthode de retraite spirituelle de trente jours dans
sa forme première, mais pouvant se vivre selon
diverses formules. Son premier mot : L’homme.
Le véritable objectif des Exercices spirituels
n’est pas de se retirer du monde, mais au contraire
de prendre de la hauteur « pour y retourner avec
la certitude que c’est là, au cœur de la vie des
hommes, que Dieu habite » (Jean-Marc Furnon).
Dans les collèges et universités, les temps de
« retraites » proposés aux élèves et aux étudiants
s’en inspirent.
Foi et justice L’éducation, quelle que soit la matière enseignée,
vise l’adhésion à des valeurs, en l’occurrence
évangéliques, au service de la justice.
IHS
Lettres au cœur du soleil, sigle ou logo de la
Compagnie. Soit les trois premières lettres
majuscules de Jésus, soit l’anagramme de Iesus
Hominum Salvator, Jésus Sauveur des Hommes.
La conviction des jésuites est qu’il y a, dans le
message évangélique de Jésus et dans sa personne, une force libératrice pour notre humanité.
25
Inculturation
Mot forgé par un jésuite belge, le père Pierre
Charles, à la façon de incarnation (le Fils de Dieu
s’est fait chair), et repris par la Compagnie lors
de la 32e Congrégation Générale. Tout comme
Jésus s’est fait homme dans une culture donnée,
la culture juive, ainsi, par les chrétiens, le message évangélique doit pouvoir, à l’heure de la
mondialisation, se dire dans le langage de toutes
les cultures. Il y va de l’universalité de l’Évangile.
La culture rencontrée offre à l’Évangile une nouvelle expression tout en se laissant transformer
par lui.
Liberté
Moteur de l’existence, élan positif, elle permet
la recherche du magis quand elle accepte de se
désencombrer de tout ce qui l’entrave. Elle suppose une capacité de discernement et implique
responsabilité et engagement.
Magis
« Davantage », « plus ». Chacun est habité par une
force intérieure qui engendre le changement, la
transformation, l’évolution, le renouvellement,
la transfiguration. Toute personne est appelée
à faire un pas, si petit soit-il, dans la mesure de
ses possibilités, à se remettre en question, à faire
de nouveaux choix, à entreprendre de nouveaux
projets, à ouvrir de nouveaux horizons, et cela
indéfiniment et sans limite. Le dynamisme de la
vie la pousse à se dépasser, à ne pas se contenter du déjà vu, du déjà fait, du déjà vécu, du prêtà-penser, à n’accepter ni l’habitude, ni la morne
répétition, ni la routine.
26
Père Adolfo Nicolás,
Préposé Général
de la Compagnie de Jésus
Père Général Le Préposé Général de la Compagnie de Jésus
est élu à vie (mais une démission est aujourd’hui
possible) par les délégués des différentes Provinces – régions géographiques ayant un Provincial à leur tête. Ces délégués sont eux-mêmes
élus lors des congrégations provinciales en vue
de la Congrégation Générale (p.23), organe législatif suprême de l’Ordre, qui élira le nouveau
supérieur ainsi que ses conseillers.
Ratio studiorum En français : plan des études. Document qui définit les fondements du système éducatif jésuite,
paru en 1598. Son titre complet : Ratio atque Institutio Studiorum Societatis Iesu. Elle est le fruit
d’une évaluation systématique des expériences
pédagogiques menées au sein des différents collèges. Le Collège Romain, qui était à l’époque le
collège jésuite de Rome, en fut la plaque tournante et l’a mis en forme. Il a marqué l’histoire de
la pédagogie. Par l’importance accordée aux activités d’entraînement des élèves, par l’insistance
mise sur leur liberté d’appropriation du savoir,
par sa conception de l’enseignant comme « directeur d’étude », la Ratio laisse apercevoir son
lien intime avec les Exercices spirituels.
27
Relecture
La relecture du vécu, élément clé de la pédagogie
et de la spiritualité ignatiennes, invite à prendre
distance pour reconsidérer ce qui a été vécu.
Relire l’expérience, relire le chemin parcouru,
relire nos réactions et nos méthodes pour en percevoir le sens, en corriger la trajectoire et, pour le
croyant, y discerner le « passage de Dieu ».
Sentire cum Ecclesia
Sentir avec l’Église. Ignace de Loyola a toujours voulu que les jésuites n’agissent pas en
francs-tireurs, mais en communion avec l’Église
universelle. Dans l’enseignement, universitaire
notamment, les instituts jésuites entretiennent
le dialogue avec l’Église dont ils font partie.
Bibliographie
Albert Longchamps, Petite vie de Ignace de Loyola,
Paris, DDB, 1989
Service
Le capital humain, relationnel, intellectuel, spirituel que chacun porte en lui ne peut se vivre
simplement pour soi. Chacun est invité à l’engagement au service des autres et dans la société,
dans la solidarité. En todo amar y servir, en tout
aimer et servir, répétait Ignace de Loyola
Philippe Lécrivain, Les missions jésuites,
Paris, Gallimard, 1991.
François Sureau, Inigo,
Paris, Gallimard, 2010 (Folio 5345)
Ignace de Loyola, Le récit du pèlerin,
Paris/Namur, Salvator/Fidélité, 2010
Jean-Claude Dhôtel, Qui es-tu Ignace de Loyola ?
Paris/Namur, Vie Chrétienne/Fidélité.
Petite bibliothèque jésuite,
Bruxelles, Éditions Lessius, 6 titres parus.
Jean Lacouture, Jésuites
(1. Les Conquérants ; 2. Les Revenants), Paris, Seuil, 1991-1992.
28
29
Table des matières
30
L’Ordre des jésuites
5
De Paris à Rome
6
Le fondateur
8
Une histoire contrastée
9
De nombreuses universités
13
La voie ignatienne 14
La mission des jésuites aujourd’hui
17
Le “secret” des jésuites
18
Petit vocabulaire jésuite adapté
à l’enseignement et à l’éducation
22
Bibliographie
29
31
32
Imprimé mars 2014 - Graphisme : L. Anciaux - Crédits photos : Wikipédia, Bump
Téléchargement