INDICATEURS pour un Développement Durable Périodique bimestriel sauf juillet-août / n°02-3 Mai-juin 2002 Bureau de dépôt : Ottignies 1 Les déchets ménagers : production et traitements Idéalement, dans une économie parfaitement intégrée, fonctionnant comme les écosystèmes naturels, il ne saurait y avoir de déchets, ou seulement en quantité extrêmement réduite : ce que tel ou tel secteur ou unité rejetterait comme déchet constituerait toujours la matière première d’un autre secteur ou d’une autre unité. Tel est d’ailleurs l’objectif ultime de l’écologie industrielle. Cette intégration présente le double avantage de diminuer et les prélèvements sur les ressources naturelles et les rejets dans l’environnement. La problématique des déchets comporte, en effet, un double visage : celui de la production de déchets et celui des traitements qui leur sont réservés. Plus une économie produit de déchets (en proportion de sa production totale) plus elle s’éloigne de l’idéal d’une économie totalement intégrée, faisant un usage maximal de chaque unité de matière et d’énergie arrachée à l’environnement. Produisant des déchets, elle démontre qu’elle ne tire pas le rendement le plus élevé possible des ressources naturelles. Ensuite, le stockage, la manipulation, le traitement des déchets constituent des activités certes génératrices d’emploi mais qui représentent une charge économique nette pour la collectivité. Enfin, c’est toujours dans l’environnement que finissent inévitablement les déchets après un nombre plus ou moins élevé de transformations et sous différentes formes (solide, liquide, gazeuse) avec tout ce que cela suppose de nuisances et même de pollutions (métaux lourds, dioxines, etc.) infligées aux générations actuelles et futures. Tableau 1. Production de déchets municipaux par habitant dans les pays de l’OCDE 1 Pays Belgique Allemagne Autriche Canada Danemark Etats-Unis Grèce France Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse OCDE Production de déchets 1998 (Kg/hab.) 530 550 530 840 590 750 370 520 560 470 620 590 430 540 450 610 520 1998 1990=100 129 90 133 141 109 130 115 134 119 124 143 118 125 125 109 Consommation privée totale 1998 1990 = 100 114 116 120 119 122 127 119 109 145 112 125 124 130 119 105 105 122 Déchets/ Consommation par tête 2 1998 1990 = 100 114 77 110 119 86 109 105 119 95 100 110 99 119 100 90 Indice de découplage -0,14 0,23 -0,10 -0,19 0,14 -0,09 -0,05 -0,19 0,05 0,00 -0,10 0,01 -0,19 0,00 10,00 Selon les estimations de l’INS3, l’économie belge produisait, en 1999, environ 34 millions de tonnes de déchets, dont 73% en provenance de l’industrie, le reste, désigné sous l’expression « déchets municipaux »4 étant constitué en grande majorité (plus de 80%) des déchets des ménages. Les données sur les déchets industriels étant trop lacunaires pour permettre une analyse historique ou une comparaison internationale, force est de se contenter des statistiques de déchets municipaux. Le tableau 1 permet de situer la Belgique par rapport à ses principaux voisins européens en ce qui concerne la production de déchets municipaux par habitant. Il permet aussi de prendre la mesure de l’écart entre la croissance de la consommation privée et celle de la production de déchets ménagers au cours de la dernière décennie du XXe siècle, écart que l’on peut interpréter comme un indice du découplage entre croissance économique et « fabrication » de déchets. Ainsi, alors que la consommation privée belge augmentait de 14% au cours de la période 1990-1998, la production de déchets croissait de 28%. Les meilleurs résultats sont ceux obtenu par l’Allemagne avec une croissance de la consommation de 16% mais une diminution de 10% de la production de déchets, ce qui lui donne un indicateur de découplage de -0.23. Le Luxembourg, les Pays-Bas, le RoyaumeUni et la Suisse ne connaissent ni détérioration ni amélioration significatives. Pour le reste de l’OCDE, les indices montrent au contraire une augmentation de production de déchets supérieure à l’augmentation de la consommation et donc un découplage négatif. Quant aux statistiques sur les modes de traitement des déchets, elles nous renseignent sur le degré de réutilisation et de recyclage de ceux-ci, sachant que le reste est nécessairement rejeté dans notre environnement. La mise en décharge ( sans biométhanisation) ou l’enfouissement et l’incinération sans récupération de l’énergie sont certainement les traitements les moins intéressants du point de vue de l’environnement. L’incinération avec récupération constitue un certain progrès par rapport à ces pratiques sans être totalement recommandable pour autant à cause des émissions de CO2 et de dioxines. Tableau 2. Proportion des déchets municipaux En ce qui concerne la part des déchets rejetés dans mis en décharge ou incinérés sans récupération l’environnement par incinération sans récupération d’énergie. (source :OCDE) d’énergie, enfouissement ou mise en décharge, le tableau est très contrasté. La Belgique connaît une évolution relatiPAYS 1995 1996 1997 1998 vement satisfaisante sans toutefois atteindre les scores daBelgique 0,47 0,41 0,35 0,30 nois ou suisses (11%) ou même néerlandais. La tendance Allemagne 0,45 0,43 0,37 0,31 Autriche 0,36 0,27 0,25 0,25 est inverse au Portugal où une proportion croissante de déDanemark 0,17 0,13 0,11 0,11 chets ne fait l’objet d’aucune récupération ou recyclage. Etats-Unis 0,57 0,55 0,56 0,57 L’Allemagne est parvenue à la fois à réduire sa production France 0,47 0,48 0,49 0,49 (Cf. tableau 1) et à améliorer son traitement des déchets. Italie 0,93 0,83 0,80 0,77 Elle est la seule dans le cas. Le Royaume-Uni et l’Italie réLuxembourg 0,27 0,28 0,24 0,23 alisent des scores catastrophiques à cet égard. Pays-Bas 0,23 0,19 0,16 0,14 Un examen plus attentif des réalités belges montre cepenPortugal 0,52 0,58 0,65 0,72 dant que la mise en décharge et l’incinération restent les Royaume-Uni 0,83 0,85 0,85 0,82 moyens privilégiés de traiter les déchets. Seulement, dans la Suède 0,36 0,35 0,34 0,33 mesure où plus de 80% de l’incinération s’accompagne Suisse 0,13 0,12 0,11 0,11 TOTAL 0,64 0,62 0,61 0,61 d’une récupération de l’énergie, celle-ci est considérée par l’OCDE comme une forme de recyclage. Pour la Flandre 6, la production de déchets municipaux par habitant est passée de 400 Kg en 1991 à 560 en 2000, soit une augmentation de 38,5% en 10 ans. Cependant, la production rapportée au PIB régional a chuté de 630 Kg/109 BEF en 1991 à 590 Kg/109 BEF en 2000, soit une baisse de 5,6%. La quantité recyclée a très fortement augmenté passant de 75 Kg/hab en 1991 à 370 Kg/hab en 2000 alors que la mise en décharge passait de 330 à 190 kg/hab. Les dernières données disponibles pour la Wallonie 7, relatives à l’année 2000, indiquent une production de déchets de 1.745.769 tonnes soit 520 Kg/habitant 8. La quantité recyclée était d’environ 150 Kg/hab., la quantité incinérée (convertie en énergie) de 60 Kg/hab, la quantité mise en décharge de 230 Kg/hab. Quant à la région bruxelloise elle produisait 480 Kg/hab en 1991 et en produit maintenant (2000) 470 dont la quasi-totalité (97%) est incinérée. OCDE, Indicators to Measure Decoupling of Environmental Pressure From Economic Growth, Paris, mai 2002. 2 Il s’agit du rapport entre la masse de déchets et le montant de la consommation privée. Ce ratio exprime en quelque sorte l’intensité en déchets d’un dollar de consommation privée. 3 « http://www.statbel.fgov.be/figures/d143_fr.asp ». 4 La Région wallonne a adopté la dénomination « déchets ménagers » plutôt que celle de « déchets municipaux » en vigueur à l’UE et à l’OCDE. 5 Inventarisatie huishoudelijke afvalstoffen 2000. Versie 28/08/2001. O.V.A.M. 6 Cf. le portail environnement de Wallonie à l’adresse : http://environnement.wallonie.be/cgi/dgrne/plateforme_dgrne/visiteur/frames.cfm. Il s’agit des chiffres de l’enquête IBH-Cadet 7 A noter que ce chiffre diffère de celui publié dans le rapport d’activité 2001 de l’Office Wallon des Déchets. 1 « Indicateurs pour un développement durable » est une publication de l’Institut pour un Développement Durable, ASBL pluraliste et interdisciplinaire. Si vous souhaitez en savoir plus sur notre institut ou si vous souhaitez vous abonner (au prix de 6,20 EUR par an pour 5 numéros ; compte n° 000-0644496-28), n’hésitez pas à nous le faire savoir. Vous pouvez aussi nous contacter pour obtenir des précisions sur les statistiques utilisées, voire même une copie de celles-ci. L’IDD souhaite que les informations qu’il diffuse soient utilisées et reproduites ; n’oubliez pas cependant, dans ce cas, de mentionner la source. Merci. E-mail : [email protected] URL : http://club.euronet.be/idd Éditeur responsable : P.-M. BOULANGER, IDD, 7, rue des Fusillés 1340 Ottignies