Exemple : "Melle Placébelle"

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Le patient doit ordonner les parties du récit que l’orthophoniste a préalablement
photocopiées, découpées suivant les pointillés et mélangées.
Mlle Placébelle
Arnaud était un cancre. Il avait déjà redoublé deux classes avant d’arriver en CM2. Son problème, c’était qu’il n’arrivait pas à se concentrer. Il ne pouvait pas rester assis sur une chaise sans
bouger pendant plusieurs heures. Alors il se levait pendant les cours, il jouait avec son stylo ou
ses yeux se promenaient sur le plafond, la fenêtre... mais pas sur son cahier ni sur le tableau.
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Un jour, la maîtresse est tombée malade. Elle est restée absente pendant une semaine
complète. La remplaçante s’appelait Mlle Placébelle. Elle a tout de suite remarqué qu’Arnaud
avait un problème. Pendant la récréation, elle lui a dit : « Arnaud, j’ai regardé tous tes contrôles
depuis le début de l’année. Tes notes ne dépassent jamais 5. Pourquoi ? »
- Je ne réussis pas à être attentif en classe, mademoiselle. Et quand j’essaie d’apprendre une
leçon, une heure plus tard j’ai déjà tout oublié.
- Tes parents, qu’est-ce qu’ils pensent de ce problème ?
- Oh, ils m’ont emmené voir des gens très sérieux qui ont des métiers en -logue : psychologue, neurologue, catalogue, épilogue... mais sans résultat.
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Le lendemain, Mlle Placébelle a apporté à Arnaud une petite bouteille bleue, en verre, très jolie,
et elle lui a dit : « C’est un tout nouveau médicament pour les enfants comme toi. Ça marche
parfaitement mais il faut en prendre chaque matin au petit déjeuner. Attention : ce médicament
est très puissant. Il en faut très peu. Quelques gouttes suffisent. Mais surtout, n’oublie pas de
prendre tes gouttes t o u s les matins. D’accord ? »
- Oui, mademoiselle, a répondu Arnaud.
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Le garçon a commencé à prendre les gouttes de médicament chaque matin. Elles n’avaient pas
de couleur ni de goût. Pour ne pas oublier de les boire, Arnaud les prenait dans sa chambre,
avant de s’habiller pour aller dans la cuisine. Prendre son médicament, c’était la première
chose que faisait Arnaud dans sa journée, tous les jours.
Bientôt, il a arrêté de bouger en classe. Il comprenait mieux les explications de l’adulte. Il
réussissait enfin des exercices difficiles. Le médicament marchait très bien. Arnaud était heureux.
À la fin de la semaine, Mlle Placébelle est partie. Le lundi suivant, la maîtresse habituelle
est revenue. Elle a été très étonnée des progrès d’Arnaud.
- Comment fais-tu ? a-t-elle demandé à l’enfant. Quelqu’un t’aide à la maison ?
- Peut-être, a répondu le garçon en gardant son secret.
Les notes d’Arnaud ont augmenté incroyablement. Ses parents étaient enfin fiers de lui.
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Mais quelques mois plus tard, la jolie petite bouteille en verre bleu était presque vide. Arnaud
a couru vers ses parents en criant : « Maman ! Papa ! »
- Que se passe-t-il, mon chéri ?
- Il faut appeler Mlle Placébelle !
- Qui est-ce ?
- Elle a remplacé ma maîtresse pendant sa maladie.
- Pourquoi veux-tu lui téléphoner ? Ta maîtresse est encore malade ?
- Non ! Mais la bouteille est finie. Je n’ai plus de gouttes de médicament. Mes notes vont
baisser !
- Quelle bouteille ? a demandé le père.
- Quel médicament ? a demandé la mère soudain inquiète.
Arnaud a expliqué à ses parents comment ses notes avaient remonté avec les gouttes de
Mlle Placébelle.
- Donne-moi cette bouteille, je m’en occupe ! a dit le père.
Arnaud a obéi.
Quand le garçon est remonté dans sa chambre, son père a dit à sa mère : « Si cette remplaçante a donné un médicament à notre fils sans nous en parler, je vais l’envoyer en prison ! »
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Le père d’Arnaud travaillait dans un laboratoire. Il en a profité pour analyser les gouttes qui
restaient au fond de la bouteille... et il a beaucoup rigolé !
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Le soir, le père est entré dans la chambre d’Arnaud qui jouait à l’ordinateur et il a posé la bouteille à côté du réveil. Arnaud s’est levé très vite pour la prendre. Elle était pleine.
- Tu as vu Mlle Placébelle ? a demandé l’enfant à son père.
- Peut-être, a répondu l’homme en souriant avant de quitter la pièce.
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Par la suite, chaque fois que les gouttes commençaient à manquer, Arnaud donnait la bouteille
bleue à ses parents qui la lui rendaient pleine le soir même.
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Arnaud est passé facilement en sixième, avec de très bonnes notes dans toutes les matières.
Et à la fin du premier trimestre de collège, tous les professeurs étaient contents de lui.
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Le samedi matin où son bulletin scolaire est arrivé dans la boîte aux lettres, Arnaud a
donné la petite bouteille bleue à son père en disant : « Il faut demander à Mlle Placébelle de
la remplir car elle est bientôt vide. » Son père lui a répondu :
- Es-tu sûr que tu as besoin de ces gouttes, mon fils ?
- Quoi ? Bien sûr, j’en ai besoin !
- Et si tu essayais d’arrêter de boire tes gouttes chaque matin ?
- Papa, tu es fou ? Pas question !
- Ne t’énerve pas, Arnaud. Assieds-toi, calme-toi et écoute-moi. Est-ce que tu crois que
depuis l’année dernière, je vais régulièrement rencontrer Mlle Placébelle pour qu’elle
remplisse ta bouteille de médicament ?
- Je ne sais pas, ça ne m’intéresse pas, a répondu Arnaud. L’important, c’est d’avoir des
gouttes le matin. Voilà !
- Je vais te dire la vérité, fiston. Je n’ai jamais rencontré la remplaçante de ta maîtresse de
CM2. J’ai analysé les gouttes au laboratoire où je travaille. Ton médicament, c’est de l’eau.
De l’eau, tu comprends ?
- Et alors ? Puisque ça marche, où est le problème ?
- Oh, il n’a pas de problème, bien sûr. Tes résultats scolaires sont très bons. Nous sommes
tous contents. Mais tes gouttes, c’est de l’eau : ça veut dire que tu n’es pas obligé de les
boire tous les matins. Ce n’est pas la peine, tu comprends ?
Arnaud a réfléchi un moment, puis il a décidé : « Je n’essaierai pas d’arrêter de prendre
mes gouttes chaque matin, même si c’est de l’eau ! »
- Mais pourquoi ? a demandé son père.
- Tu vois, a expliqué Arnaud, avant, je ne prenais pas de gouttes et j’avais un problème à
l’école ; maintenant, je n’ai plus de problème et je prends des gouttes. Quelque chose a
changé.
- D’accord, mais...
- Attends ! Je n’ai pas fini. L’important n’est pas de savoir si la solution est dans les gouttes
ou dans mon cerveau. L’important, c’est de savoir si ça fonctionne ou pas. Et, précisément, ça fonctionne, non ?
Le père d’Arnaud n’a rien trouvé à répondre.
FIN
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