— 142 — J. ANDHADE SYNCHRONISATION PAR LE FER DOUX I. C'est en 1847 que FOUCAULT a prévu, avec une grande généralité, le phénomène de la synchronisation des horloges ; mais, à ma connaissance du moins, aucune théorie systématique adéquate à la généralité du phénomène n'a encore été donnée. En 1894, cependant, dans un célèbre Mémoire présenté au Congrès des électriciens à Paris, CORNU a étudié et illustré expérimentalement le cas pour ainsi dire type, le cas de première approximation des phénomènes de synchronisation': ce phénomène se produit en effet lorsqu'une force, fonction périodique du temps, vient à troubler un mouvement pendulaire uniformément amorti ; en d'autres termes le cas type et simple du phénomène de synchronisation se ramène à ce théorème très simple: P et Q désignant deux coefficients positifs, l'intégrale de Vequation différentielle: dans laquelle on suppose: 1° Q < 2 j/P ; 2° F(t), fonction périodique du temps t à période Tf, cette intégrale, disons nous, ou bien sera rigoureusement périodique ou bien tend asijmpAotiquement pour t = nT -{-6 , (0 ;> 0 et n — oo) vers une intégrale périodique de période Tr. La fonction ¥(t) représente en ce cas la force synchronisante qui finit pratiquement par imposer sa période T' au mouvement (1); si la force synchronisante était supprimée le mouvement serait uniformément amorti mais isochrone et de pé2TT riode T : / * Q! 4 II. Pratiquement la force synchronisante est réalisée par un barreau circulaire aimanté lié au pendule de l'horloge synchronisée et dont un pôle est mobile dans une bobine actionnée périodiquement par l'horloge synchronisante dont les battements — 143 — f ont pour période T . 11 est recommandé que le régime de synchronisation comporte une attraction du barreau plutôt qu'une répulsion. Tel est le procédé de la synchronisation par un aimant permanent influencé par un courant périodique. Ce procédé emprunté à la prévision de FOUCAULT a été d'abord réalisé par JONES. Dans la théorie et dans les illustrations expérimentales qu'il a faites du mouvement (1), CORNU a beacouup insisté sur le rôle joué par Vamortissement c'est à dire par le coefficient Q de la résistance visqueuse, et même il a augmenté systématiquement ce coefficient Q par l'addition d'une résistance d'induction. À quoi sert la synchronisation en dehors du service des observatoires? CORNU m'a donné, dans une lettre, son opinion sur l'opportunité de la synchronisation des horloges ; il estimait qu'il ne fallait synchroniser que des horloges médiocres, celles qu'il appelait des sabots; selon lui la synchronisation peut en faire de bonnes horloges, sauf à augmenter l'amortissement naturel de l'horloge synchronisée, à le régulariser pour ainsi dire par une résistance complémentaire d'induction ; celle ci était produite dans le procédé CORNU par un déplacement du barreau aimanté à travers une masse isolée de cuivre rouge. Dans son Mémoire de 1894 CORNU insiste fortement sur cet amortissemment additionnel qui, dit-il, distingue complètement sa méthode de celle de JONES. En somme CORNU, n'a jamais considéré que la synchronisation par un aimant permanent. La règle de FOUCAULT est d'ailleurs peu explicite à cet égard, mais l'artiste V é RITé, de Beauvais, tout en s'inspirant de la règle de FOUCAULT a réalisé des synchronisation soit par l'acier aimanté, soit par le fer doux. Il est assez curieux, d'une part, que CORNU ne se soit pas préoccupé de l'emploi du fer doux, et que, d'autre part, ayant parfaitement senti qu'un amortissement complémentaire pouvait perfectionner une horloge médiocre soumise à la synchronisation, il n'ait pas eu l'idée d'étudier le rôle de l'échappement dans le phénomène de la svnchronisation. III. En me limitant d'abord à la synchronisation par un aimant permanent j'ai, par la méthode de la variation des constantes, complété la théorie de CORNU en tenant compte du rôle de l'échappement; en considérant la partie principale E de Veffet de l'échappement, qui est sensiblement indépendante de l'amplitude en cours, j'ai (Comptes Rendus de l'Académie de Paris, Juillet 1903) obtenu le résultat suivant: Si l'on appelle X le coefficient d'amortissement relatif au régime de synchronisation, jtt une quantité proportionnelle au retard relatif des deux horloges, u0 l'amplitude de régime, la synchronisation pourra être réalisée si (2) | + |/ ( i_A). + ^<i — 144 — d'où l'on voit que si X et \i sont de petites quantités de même ordre, la condition de sécurité pour la synchronisation sera: en comparant cette condition à la relation qui, dans l'horloge synchronisée fonctionnant isolément, lie son amortissement naturel X0 à l'effet E0 de l'échappement, relation qui est : 2 Eo U on aura deux moyens principaux d'assurer la condition (3). Soit E = E0 , X > X0 ; soit X = X0 , E <l E0 ; l'amplitude de régime restant d'ailleurs uQ; ce qui nous donne soit la règle de CORNU: aider la synchronisation par un amortissement complémentaire, soit la règle de FOUCAULT: aider la synchronisation par Vatténuation de l'échappement. IV. Dans les résultats qui sont ici fournis par l'application de la méthode de variation des constantes, il y a des circonstances mathématiques intéressantes à signaler. La méthode d'intégration des équations différentielles par séries de quadratures que l'on doit à M. PICARD nous permet de nous servir ici de la méthode de la variation des constantes avec une entière rigueur et d'aboutir aux résultats intéressants que voici : THéORèME I. — Pour des résistances fonctions de la vitesse qui suivent une loi peu différente de la loi de résistance proportionnelle à la vitesse, on peut toujours modifier la partie sinusoïdale du premier ordre de la force synchronisante de manière à rendre le mouvement de l'horloge influencée rigoureusement périodique, avec une période égale à celle de la force synchronisante; pour des conditions initiales déterminées. THéORèME IL — Les choses étant ainsi disposées, si l'on modifie suffisamment peu les conditions initiales, le mouvement du pendule influencé par la force synchronisante et soumis d'ailleurs à son échappement pjropre va tendre effectivement vers un régime limite périodique de période T. Dans les théorèmes qui précèdent, la force modificatrice du mouvement naturel de l'horloge était rigoureusement périodique. Or, voici un cas extrêmement intéressant où, touyours par la même méthode d'approximations de M. PICARD, on peut étendre les conclusions précédentes. Supposons qu'au lieu de faire agir une force synchronisante fonction périodique du temps, on fasse agir une force dont la valeur soit le produit d'une telle fonction F(^) par une force, fonction de la position du pendule caractérisée par sa déviation acrtuelle x ; soit ¥(t) X tp (x) une pareille force. Mais supposons que dans le voisinage — 145 — de x = Xi, la fonction <p(x) soit à peu près constante et présente à l'égard de la variable x soit un maximum soit un minimum. Dans ces conditions les théorèmes précédents, avec une légère modification du second, sont encore applicables, comme on peut d'ailleurs le pressentir intuitivement et le démontrer rigoureusement par la méthode de M. PICARD, En tous cas, on peut encore régler la fonction ¥(t) de manière, à assurer la synchronisation. VI. Voici, maintenant l'intérêt pratique de la remarque qui précède. Dans la synchronisation par le fer doux, la bobine excitée périodiquement par l'horloge-mère exerce une induction magnétique sur une plaque de fer doux entraînée par le pendule de l'horloge synchronisée et cette induction est fonction de la position relative de la bobine et du pendule, c'est à dire de l'angle d'écart x, l'action magnétique est d'ailleurs proportionnelle à l'intensité du courant qui parcourt la bobine, la force synchronisante a donc bien ici la forme ¥(t). cp(x) signalée plus haut; si, pour fixer les idées, la bobine synchronisante est verticale, au point mort du pendule synchronisé, la fonction cp(x) aura un maximum ou un minimum pour x = xx, et pour x = — Xi et nous sommes alors dans les conditions où on peut appliquer les remarques précédentes. VII. En résumé j'ai, grâce aux méthodes d'approximations successives, élargi le cas type mais isolé, considéré d'abord par Cornu pour envisager une infinité de cas voisins; en d'autres termes j'ai démontré la stabilité du phénomène de synchronisation qui devient ainsi étendu aux mouvements à peu-près pendulaires, amortis par une résistance à peu-près proportionnelle à la vitesse et soumis à une action synchronisante agissant soit sur l'acier aimanté soit sur le fer doux. Pour être tout à fait précis je dois ajouter que mon instrument de calcul a été une combinaison de la méthode d'approximations de M. PICARD avec la théorie des substitutions répétées dont l'emploi m'a été suggéré par le théorème de M. KOENIGS sur les substitutions répétées à une variable. 19